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Collection de Documents inédits<br />
SUR j<br />
L'HISTOIRE DE L'ALBËRIE APRÈS 1830<br />
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DU<br />
Gouvernement Général de l'Algérie
I<br />
II*<br />
Série. —<br />
DEJA PARUS :<br />
Correspondance<br />
générale. —<br />
du duc de Rovigo, t. I, II, III et table. —<br />
dance du général Voirol. —<br />
III.<br />
Correspondance<br />
II. Correspon<br />
Correspondance du<br />
général Drouel d'Erlon, par Gabriel Esquer, archiviste-<br />
bibliothécaire du Gouvernement Général de l'Algérie.<br />
•— IV.<br />
Correspondance du général Damrémont, par<br />
Georges Yver,<br />
d'Alger.<br />
Série. —<br />
Documents<br />
professeur à la Faculté des Lettres<br />
di\ers.<br />
— I.<br />
Correspondance du<br />
capitaine Daumas, consul à Mascara (1837-1839). -J-<br />
II. Documents relatifs au traité de la Tafna (1837), par<br />
Georges Yver. —<br />
III.<br />
Reconnaissance des villes, forts et<br />
batteries d'Alger, par le chef de bataillon Boutin (1808),<br />
suivie des Mémoires sur Alger par les Consuls de<br />
Kerey (1791) et Dubois Tfwinville (1808),<br />
ESQUER.<br />
EN PREPARATION :<br />
Correspondance du maréchal Valée.<br />
par Gabriel
GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE<br />
! 1 ocuments inédits<br />
-^<br />
~ " «? ô 3 7 /jT<br />
sur l'Histoire de l'Algérie après 1830<br />
1" SÉRIE. —<br />
CORRESPONDANCE<br />
GÉNÉRALE EXCLU<br />
v PRET<br />
m Maréchal CLÀUZEL<br />
Gouverneur général des possessions françaises dans le Nord de l'Afrique<br />
(1835- 1837)<br />
PAR<br />
Gabriel ESQUER<br />
ADMINISTRATEUR HONORAIRE DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE d'aLGER<br />
ARCHIVISTE - BIBLIOTHÉCAIRE HONORAIRE DU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL<br />
TOME II<br />
PARIS (Ve)<br />
ÉDITIONS LAROSE<br />
11, rue Victor-Cousin, 11<br />
1948<br />
V<br />
\>"<br />
n<br />
\~.'
— 1<br />
335<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger,<br />
le 9 juillet 1836.<br />
■<br />
^-.^iMèMittÈà<br />
Le bateau a vapeur Le Brasier est arrivé hier après-midi<br />
d'Oran. Pour avoir le temps de transmettre les nouvelles qu'il<br />
a apportées, j'ai fait retarder de quatre heures le départ du<br />
courrier de France.<br />
M. le général Bugeaud faisant directement à Votre Excel<br />
lence le rapport des opérations dont il est chargé, il ne me<br />
reste qu'à rendre compte des événements qui surviennent<br />
dans les autres parties de la province d'Oran.<br />
Il paraît que le général Bugeaud s'est décidé à faire rentrer<br />
ses troupes à Oran, après le ravitaillement de Tlemcen, mais<br />
comme il doit revenir au camp de la Tafna pour y prendre<br />
des vivres, je vais m'entendre avec M. le Commandant de la<br />
Marine pour qu'il puisse recevoir en temps utile la dépêcho<br />
télégraphique qui lui<br />
ordonne-<br />
sur les montagnes des Beni-Amer.<br />
de faire camper ses troupes<br />
Le 3 de ce mois, M. le général d'Arlanges a remis son com<br />
mandement à M. le général Létang qui, en passant devant<br />
Arzew, s'y est arrêté pour examiner la position et passer la<br />
garnison en revue; tout y était en ordre. Il a appris que dix-<br />
neuf Arabes de la tribu des Borgias qui conduisaient une<br />
cinquantaine de bœufs à Arzew,<br />
avaient été attaqués (il<br />
n'indique pas le jour) par un parti de Garabas. Un Borgia a<br />
été tué et quatre autres blessés; ils se sont repliés sur Mosta-
— — 2<br />
ganem où leurs blessés ont été soignés,<br />
leurs troupeaux.<br />
mais ils ont perdu<br />
A la date du 6 juillet, M. le général m'écrit qu'il<br />
Létang<br />
vient de recevoir une lettre du commandant d'Arzew, qui lui<br />
annonce que des Arabes lui ont rapporté que le beau-frère de<br />
l'Emir qui était campé au Sig avec 1.200 à i.5oo cavaliers en<br />
était parti à la fin du mois.<br />
Le bruit courait parmi ces Arabes qu'Abd el Kader devait<br />
recevoir de Fez de nombreux renfortsi en et que<br />
hommes,<br />
c'est pour cette raison qu'il s'est retiré en arrière de Tlemcen<br />
en attendant le moment d'agir.<br />
Plusieurs rapports arrivés au général au moment du départ<br />
du courrier lui annonçaient que les deux tiers des cavaliers<br />
des Beni-Amer venaient de partir pour aller rejoindre Abd<br />
el Kader aux environs de Tlemen; celui-ci a écrit aux tribus<br />
de l'Est pour les exciter à prendre les armes, qu'il avait coupé<br />
4oo têtes aux Français et qu'il les tient bloqués dans Tlem<br />
cen; ces tribus n'ont cependant fait aucun mouvement.<br />
Les Beni-Snassen, très nombreuse tribu marocaine, est<br />
réunie à Abd el Kader.<br />
J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence copie d'une<br />
lettre écrite par le consul de France à Tanger à M. le général<br />
d'Arlanges; elle renferme des faits très intéressants qui méri<br />
tent, je crois, d'attirer l'attention du gouvernement. Une<br />
seconde lettre du même consul m'était annoncée; il paraît<br />
qu'on a oublié de la mettre dans le paquet, et je le regrette<br />
d'autant plus que probablement elle était d'une date plus<br />
récente que celle qui m'est parvenue.<br />
M. le colonel Lemercier est revenu à Alger où sa ;. :ésence<br />
était depuis longtemps nécessaire. M. le général d'Arlanges<br />
est aussi arrivé hier et partira pour France aujourd'hui.<br />
M. le général Létang se propose,<br />
dès qu'il apprendra le retour<br />
au camp de la Tafna de M. le général Bugeaud de l'y rejoin<br />
dre en lui conduisant 200 hommes. Il a manifesté l'intention<br />
de faire le reste de la campagne avec les troupes expédition<br />
naires,<br />
mais je lui ai donné l'ordre de rentrer à Oran où
— 3 —<br />
l'ennemi peut diriger ses efforts pendant que nous opérons<br />
sur d'autres points. Il ne devait accompagner le général<br />
Bugeaud que si les circonstances l'y<br />
sement.<br />
M. .le<br />
général<br />
Létang<br />
obligeaient impérieu<br />
m'ayant demandé de déterminer la<br />
nature du commandement qui lui est conféré et des relations<br />
qu'il devait entretenir avec M. le général Bugeaud, j'ai<br />
décidé, sauf l'approbation de Votre Excellence,<br />
qu'il devait<br />
avoir le commandement de la division territoriale et M. le gé<br />
néral Bugeaud celui de la division active. Les rapports que<br />
ces deux officiers généraux doivent avoir entre eux se trou<br />
vent ainsi prévus par les règlements. Je prie Votre Excellence<br />
de me faire connaître le plus tôt possible si ma décision est<br />
conforme à ses intentions.<br />
336<br />
Le Ministre die la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 9 juillet 1836.<br />
J'ai reçu avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire le 5 juillet courant, la traduction d'une lettre écrite<br />
aux tribus voisines de la Rassauta par le prince de Mir.<br />
Les termes dans lesquels cette lettre est conçue font penser<br />
comme vous le faites remarquer, que son auteur se croit
investi d'un pouvoir politique (i). Ce pouvoir, il ne l'a pas<br />
et il ne peut l'avoir. Je vous engage donc à faire observer à<br />
M. le prince de Mir qu'il ne lui a été conféré et qu'on n'a pu<br />
lui donner aucun pouvoir, qu'il est colon, cultivateur, rece<br />
vant protection et aide de nous, qu'il ne doit faire par lui-<br />
même aucun acte de gouvernement et de protection.<br />
Je vous renvoie sous ce pli la traduction de la lettre de cet<br />
étranger que vous m'avez communiquée; j'en ai fait prendre<br />
copie.<br />
337<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 15 juillet 1836.<br />
Le bateau à vapeur Le Fulton est arrivé cet après-midi<br />
venant de Bône et de Bougie. Je n'ai pas le temps de donner<br />
à Votre Excellence que le résumé dé la correspondance qu'il<br />
apporte.<br />
Le commandant supérieur de Bône écrit que notre situa<br />
tion politique est excellente, que chaque jour nofiç icfluence<br />
s'accroît en diminuant celle d'Ahmed. Le 5 de ce mois, les<br />
Ouled Menia, tribu kabyle placée au delà des montagnes des<br />
(1) A côté des idées philanthropiques et grandes qui animaient<br />
M. de Mir, existait ce germe d'aristocratie et de féodalité que même<br />
après leurs malheurs on retrouve chez tous les Polonais de la classe<br />
.<br />
noble. Il voulait se créer une espèce de principauté, avoir des serfs<br />
bien traités plutôt que des compagnons de travail. > (Pellissier de<br />
Raynaud Annales africaines, II, p. 150).
Ouled Lakal,<br />
_ — 5<br />
a fait sa soumission. M. le colonel Duverger<br />
se fait un devoir de reconnaître que Yusuf-bey est pour beau<br />
coup<br />
dans cet état de choses. Il a appris par les émissaires<br />
qu'Ahmed a fait sortir son camp composé de 80 tentes envi<br />
ron et l'a assis à El Moucheria, à deux lieues à peu près de<br />
Constantine. Cette démonstration a, dit-on,<br />
pour but d'en<br />
irhposer aux tribus et de les forcer au paiement des contri<br />
butions.<br />
L'occupation de La Calle a été retardée par le départ du<br />
brick stationnaire Le Cygne, envoyé en croisière pour empê<br />
cher deux ou trois navires signalés comme faisant la contre<br />
bande de débarquer des munitions sur la côte de Stora.<br />
Mais le r5 ou le 16,<br />
ce bâtiment qui doit transporter des<br />
marins à l'escadre de l'amiral Hugon déposera, à La Calle<br />
3o ouvriers du génie ainsi que les matériaux nécessaires pour<br />
réparer les brèches du mur d'enceinte,<br />
mettre en état de<br />
défense le moulin qui est en avant et établir un abri en plan<br />
ches pour la garnison. Lorsque ces travaux seront terminés,<br />
M. le colonel Duverger se propose de donner le commande<br />
ment du poste à M. Berthier qui aura sous ses ordres 5o spahis<br />
auxiliaires. Par mesure de précaution, il formera sur ce<br />
point un petit approvisionnement del réserve consistant en<br />
biscuits, riz, sel et quelques milliers de cartouches. Le bateau<br />
le Musoli qui a été mis en état de tenir la mer restera au<br />
mouillage dans lé port de La Calle pour recueillir au besoin<br />
notre garnison. M. le Commandant supérieur me rend<br />
compte que le 6 de ce mois Yusuf-bey<br />
Khelii o-nyt il avait fait son cadi.<br />
a fait décapiter Si<br />
Si Kheîiï était l'ancien, caïd de Bône que le consul de<br />
France avait fait arrêter à Tunis pour ses menées avec<br />
Ahmed-bey<br />
et conduire à Alger avec un énorme dossier de<br />
pièces à conviction; c'était, dit le commandant supérieur, un<br />
homme fort dangereux dont l'audace pouvait être funeste au<br />
bey Yusuf et à notre cause. Mais, bien qu'il fût convaincu<br />
que Si Khelii était un traître, il a blâmé et réprimandé le<br />
bey<br />
d'avoir agi si précipitamment et sans sa participation et
— — 6<br />
lui a défendu à l'avenir de faire exécuter ses sentences sans<br />
les lui avoir soumises (i).<br />
Quatre pièces sont jointes à la lettre dans laquelle il m'est<br />
.rendu compte de cette exécution. J'aurai l'honneur de trans<br />
mettre à Votre Excellence copie de tout par le prochain cour<br />
rier; faute de temps, je n'ai pu faire cet envoi par celui-ci.<br />
M. le Commandant supérieur m'informe par une autre<br />
lettre qu'il a réprimandé le bey<br />
pour avoir fait frapper par<br />
un de ses chaouch un Maure et un Juif de la ville qui avaient<br />
affecté de ne plus le saluer dans la rue.<br />
Les hostilités ont tout à fait cessé à Bougie; les M'zaïa con<br />
tinuent seuls à attaquer et à dépouiller les indigènes qui<br />
entrent dans la ville où en sortent pendant les nuits obscu<br />
res; ils se glissent aussi jusqu'à l'enceinte de la ville et volent<br />
tout ce qui leur tombe sous la main.<br />
Dans la nuit du 9 au 10, le commandant supérieur leur<br />
tendit une embuscade d'ans laquelle ils donnèrent; le chef de<br />
la bande kabyle,<br />
redouté par<br />
sa'<br />
force et par son audace, fut<br />
tué; ceux qu'il conduisait s'enfuirent à travers les rochers qui<br />
se voient sur la gauche du poste de Boumann. Le sergent<br />
qui commandait le détachement s'est conduit avec courage<br />
et intelligence. Le k de ce mois, le fils d'Oulid ou Rabah<br />
accompagné dé quatre cavaliers s'est approché de la ville,<br />
jusqu'à la maison crénelée<br />
où'<br />
il a fait conduire i4 bœufs; il<br />
était deux heures de relevée. Il a dit au commandant supé<br />
rieur qu'il faisait cette démarche pour donner l'exemple et<br />
encourager les tribus à commercer ouvertement avec les<br />
Français. Il a promis de revenir et d'entrer en ville. -Lee rela<br />
tions commerciales avec la côte continuent à avoir assez<br />
d'activité.<br />
La chaleur est très forte, le thermomètre de Réaumur<br />
monte constamment à a5 et 260<br />
à l'ombre,<br />
aussi le nombre<br />
des malades s'accroit-il assez rapidement, malgré les précau<br />
tions qu'on prend pour ménager la santé des hommes.<br />
(1) Sur cette affaire,<br />
t. II, p. 87-88.<br />
,. Pellissier de Raynaud Annales africaines,
— — 7<br />
338<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 18 juillet %836.<br />
Pour maintenir la Légion étrangère cédée à l'Espagne à<br />
un effectif qui lui assure les moyens de continuer à rendre<br />
les services signalés qu'elle a déjà rendus à cette puissance,<br />
il est devenu nécessaire de pourvoir au recrutement de ce<br />
corps. Le gouvernement du roi a décidé qu'il serait pris '<br />
immédiatement des mesures à cet effet; dans ces mesures,<br />
se trouve l'appel aux hommes de bonne volonté des corps des<br />
divisions voisines des Pyrénées, de ceux de l'armée d'Afrique<br />
et des bataillons d'infanterie légère d'Afrique,<br />
ainsi que des<br />
corps indigènes, s'il y a Lieu.<br />
Cet appel doit être fait avec la plus grande circonspection.<br />
Je compte pour cela sur votre sagacité et votre prudence. Il<br />
est convenable que vous usiez à cet égard de votre influence<br />
sur les chefs de corps et que vous les engagiez à vous secon<br />
der avec discrétion pour le succès de cette opération. Je<br />
charge mon aide de camp le capitaine Chasseloup d'y coo<br />
pérer; il vous secondera de tous ses moyens, conformément<br />
aux instructions que je lui donne à ce sujet. La première<br />
chose à faire, c'est d'appliquer la mesure aux bataillons d'in<br />
fanterie légère d'Afrique, et, s'il y a lieu, aux troupes indi<br />
gènes. L'année dernière, lorsque la Légion étrangère fut<br />
cédée.à l'Espagne, environ mille hommes de ces corps avaient<br />
demandé à passer au service de la reine d'Espagne; on ne put
— — 8<br />
accepter leur offre alors et ils restèrent en Afrique. Il est<br />
probable que les officiers, sous-officiers et soldats qui s'étaient<br />
présentés à cette époque seront encore disposés aujourd'hui à<br />
solliciter cette destination. Vous ferez connaître aux batail<br />
lons d'infanterie légère d'Afrique et aux indigènes que les<br />
militaires de tous grades qui consentiront à passer au service<br />
de la reine d'Espagne soit dans la Légion étrangère cédée<br />
l'année dernière à cette puissance, soit dans celle dont la ces<br />
sion s'opère en ce moment, conserveront les droits que leur<br />
donne leur position de militaires français,<br />
que les officiers<br />
seront considérés comme en mission et concourront par<br />
conséquent à l'avancement,<br />
à l'ancienneté conformément à<br />
la loi du i4 avril i832 et que les sous-officiers et soldats<br />
seront susceptibles d'être admis à la retraite par ancienneté<br />
où à titre de blessures et qu'en outre les uns et les autres<br />
participeront aux avantages que la reine d'Espagne jugera<br />
à propos de leur accorder.<br />
Vous délivrerez aux militaires de tous grades des bataillons<br />
d'infanterie légère d'Afrique et des corps indigènes qui se<br />
présenteront une autorisation conforme au modèle ci-joint<br />
et vous les ferez partir pour Port-Vendres d'où ils seront diri<br />
gés sur Pau où est la nouvelle Légion; de là, ils seront<br />
envoyés en Espagne. Vous m'adresserez des états nominatifs<br />
par corps de ces militaires et on suivra à leur égard quant<br />
aux services administratifs (habillement, équipement, arme<br />
ment, masse individuelle, etc.), les dispositions prescrites<br />
dans la lettre que j'adresse à M. l'Intendant militaire du<br />
corps d'occupation (Direction de l'administration).<br />
Dans le cas où il ne se présenterait pas assez d'officiers et.<br />
de sous-officiers pour maintenir la police et la discipline<br />
parmi ces militaires pendant la traversée et en route, vous<br />
désigneriez des officiers et sous-officiers pour les conduire<br />
jusqu'à leur destination. Ces officiers et sous-officiers remet<br />
traient ces hommes au commandant de la Légion étrangère<br />
à Pau avec tous les documents les concernant; ils en tire<br />
raient un récépissé et ils rentreraient à Alger.
Cette opération faite,<br />
— — 9<br />
vous ferez avec la même circonspec<br />
tion un appel semblable à la bonne volonté des officiers,<br />
sous-officiers et soldats des corps français, mais vous vous<br />
bornerez pour eux, quant à présent, à constater les ressources<br />
que ces corps pourront offrir et vous m'en rendrez compte.<br />
Vous attendrez! ensuite mes ordres pour donner une desti<br />
nation à ceux qui se présenteront. Il est bien entendu qu'ils<br />
jouiront des mêmes avantages que les militaires des batail<br />
lons d'infanterie légère et des corps d'indigènes.<br />
Ces militaires auront droit à une prime de trente francs<br />
par homme qui leur seront payés au dépôt à Pau avant leur<br />
départ pour l'Espagne.<br />
J'écris dans le même sens à M. Je général Rapatel.<br />
339<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 20 juillet 1836.<br />
Je reçois votre lettre du 8 juillet par laquelle vous me faites<br />
connaître qu'au moment où ma dépêche télégraphique du<br />
27 juin dernier vous est parvenue, il n'y<br />
avait plus oppor<br />
tunité de tenter une expédition pour châtier les Hadjoutes,<br />
les Mouzaïa et autres tribus,<br />
ainsi que vous aviez demandé<br />
l'autorisation de le faire. Je ne puis, d'après les motifs que
— — 10<br />
vous me donnez, que vous approuver de n'avoir pas profité<br />
de l'autorisation qui fait l'objet de cette dépêche télégraphi<br />
que. J'apprends avec plaisir que vous avez déjà obtenu<br />
l'échange d'un ancien sbus-officier d'artillerie qui avait été<br />
retenu par les Arabes et que vous espérez obtenir celui des<br />
cinq colons pris à Dely-Ibrahim le 3 juin dernier.<br />
340<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris,<br />
22 juillet 1836.<br />
Faites connaître au commandant supérieur à Bône que je<br />
l'autorise à admettre dans les corps indigènes tous les déser<br />
teurs venant de Constantine ou d'ailleurs et quelqu'en soit<br />
le nombre.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 11<br />
341<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 23 juillet 1836.<br />
Le bateau à vapeur Le Ramier est arrivé hier d'Oran appor<br />
tant des nouvelles de cette ville qui vont jusqu'au 20. II avait<br />
à son bord 119 prisonniers et 6 drapeaux envoyés en France<br />
par M. le général Bugeaud dont les rapports vous parvien<br />
dront en même temps que cette lettre.<br />
Ces 119 prisonniers partent aujourd'hui pour Marseille sur<br />
le bateau à vapeur La Chimère. Je prie M. le Général com<br />
mandant la 8* division militaire de donner avis de leur arri<br />
vée à Votre Excellence par voie télégraphique. Ils ont été<br />
débarqués à Alger et déposés pendant 24 heures à la prison<br />
militaire. J'ai pris cette mesure pour convaincre de la réalité<br />
du fait beaucoup d'individus qui la mettaient en doute. J'au<br />
rais peut-être dû attendre les ordres de Votre Excellence avant<br />
d'envoyer ces indigènes en France; mais comme ils ont reçu<br />
cette destination par ordre de M. le général Bugeaud, je n'ai<br />
pas cru devoir les retenir à Alger, attendu qu'il a des instruc<br />
tions particulières.<br />
M. le général Bugeaud n'a pu recevoir qu'à son retour à<br />
Oran l'ordre que je lui ai transmis de camper sur les monta<br />
gnes des Béni- Amer; il ne me donne aucune explication sur<br />
sa rentrée à Oran et l'établissement des troupes expédition<br />
naires, il ne m'accuse même pas réception de mes lettres.<br />
Au moment où le bateau Le Ramier allait partir d'Oran, il<br />
est arrivé une! lettre d'Abd el Kader dont on n'a pas eu le
.<br />
— — 13<br />
temps de m'envoyer copie, laquelle contenait des proposi<br />
tions d'échange entre les prisonniers faits par M. le général<br />
Bugeaud et ceux qui sont au pouvoir d'Abd el Kader, entre<br />
autres quatre femmes. M. le général Bugeaud a répondu que<br />
l'échange ne pouvait avoir lieu.<br />
Abd el Kader n'a pas été blessé comme le bruit en a couru,<br />
il était le 19 à Mokra chez les Ouled ben Brahim, route de<br />
Mascara à Tlemcen.<br />
Il n'est rien survenu d'important dans les postes de la<br />
Tafna, d'<br />
Arzew et Mostaganem, les marchés de ces deux der<br />
nières places sont mieux approvisionnés que ceux d'Oran.<br />
Une lettre de M. le Consul de France à Tanger écrite à<br />
M. le général d'Arlanges le 16 juin et dont je viens de rece<br />
voir copie m'annonce qu'un Maure âgé de 65 à 70 ans a été<br />
conduit à Fez par des cavaliers d'Abd el Kader, que ce vieil<br />
lard a été traîné dans les rues par la populace, accablé de<br />
malédictions et de mauvais traitements, puis ensuite enfermé<br />
dans une prison. On a dit au consul que c'était Mustapha ben<br />
Ismaïl,<br />
ben Hussein, bey de Médéa.<br />
mais il est évident que ce personnage est Mohamed<br />
Je vais écrire au consul pour qu'il ait à le réclamer, bien<br />
qu'il soit présumable que les démarches de M. le lieutenant-<br />
colonel de La Rue ont dû le faire remettre en nos mains. J'ai<br />
écrit à ce sujet à M. de La Bue dès que j'ai eu connaissance<br />
de sa mission.
— — 13<br />
342<br />
Le Gouverneur Général au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 25 juillet 1834.<br />
La conduite de Yusuf-bey a excité des plaintes et M. le Mi<br />
nistre de la Guerre m'a exprimé le mécontentement qu'il en<br />
éprouvait; il est prévenu d'avoir enlevé des bœufs à des tri<br />
bus et de les avoir vendus à un marchand pour être exportés<br />
Malte, tandis que l'armée se procurait avec peine de la viande<br />
fraîche. Il aurait dû ne pas oublier que toutes les prises en<br />
bestiaux doivent être remises à l'administration militaire qui<br />
en paie Ta valeur et ce n'est même qu'avec l'assentiment du<br />
commandant supérieur qu'il peut indemniser les tribus amies<br />
et remplacer au moyen de captures ce qui peut leur avoir été<br />
enlevé.;<br />
Yusuf a également eu tort de faire donner des coups de<br />
bâton à un homme dans les rues de Bône;<br />
si on lui avait<br />
manqué de respect, il devait faire mettre le coupable en<br />
prison.<br />
J'approuve le commandant supérieur de Bône d'avoir<br />
réprimandé sévèrement le bey pour avoir fait périr Khalil (i)<br />
sans qu'il eût été jugé et de lui avoir rappelé qu'il ne devait<br />
jamais faire exécuter ses sentences avant de les lui avoir sou<br />
mises.<br />
Communiquez, je vous prie, ma letre à M. le Commandant<br />
supérieur de Bône.<br />
(1) V. Pellissier de Raynaud Annales Algériennes, II, p. 87.
— 14<br />
343<br />
Le Gouverneur Général au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 25 juillet 1836.<br />
J'ai reçu votre lettre en date du i5 courant relative à la<br />
correspondance de Bougie et de Bône. Je vous réponds dans<br />
une autre lettre au sujet de la conduite du bey Yusuf. Les<br />
dispositions qui sont prises pour faire réparer l'enceinte de<br />
La Calle et les postes bons à occuper ainsi que pour y cons<br />
truire un logement aux hommes qui tiendront la garnison,<br />
me paraissent convenables. J'approuve aussi le choix de l'offi<br />
cier chargé de commander ce poste, ainsi que les précautions<br />
prises pour sa sécurité.<br />
Le commandant supérieur de Bougie,<br />
quelles que soient<br />
les apparences que présente la situation du pays, ne doit pas<br />
cesser d'être sûr ses gardes. Tout en accueillant toutes les<br />
démonstrations de paix qui peuvent être faites, il se tiendra<br />
constamment prêt à repousser les attaques. Une partie de la<br />
population ne cesse pas d'être hostile et celle même qui paraît<br />
bien disposée peut) du jour au lendemain prendre les armes<br />
contre nous.<br />
J'ai communiqué au ministre ce que vous me faites savoir<br />
au sujet des papiers trouvés sur les cavaliers marocains; j'ai<br />
reçu la lettre dans laquelle vous me donnez ces renseigne<br />
ments.<br />
Veuillez prendre connaissance de la lettre que j'écris à<br />
Mustapha-Pacha.
15<br />
344<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 25 juillet 1836.<br />
Par suite de la lettre que vous me fîtes l'honneur de<br />
m'écrire sous la date du 3o juin dernier; j'écrivis à M. le gé<br />
néral Rapatel de m'envoyer sans retard les lettres originales<br />
qui établiraient la preuve de la coopération des Marocains au<br />
combat du 25 avril dernier sur la Tafna.<br />
Par sa réponse du i5 de ce mois, M. le général Rapatel me<br />
confirme ce dont je me croyais certain; c'est que les origi<br />
naux des pièces que vous réclamez avaient été annexés à ma<br />
lettre du 25 février dernier; il m'avait semblé utile de vous<br />
fournir immédiatemnt la preuve incontestabe de la présence<br />
des Marocains à l'armée d'Abd el Kader.<br />
Je ne pourrais donc que vous envoyer copie de la traduc<br />
tion qui a été faite de ces pièces originales (i).<br />
(1) Note du Ministre. —<br />
Le Ministre a effectivement reçu et a déjà<br />
transmis à M. le Ministre des Affaires Etrangères les lettres origi<br />
nales que M. le Maréchal a adressées avec sa lettre du 25 février éta<br />
blissant la preuve de la coopération des Marocains dans les affaires<br />
qui ont eu lieu lors de l'expédition de Tlemcen. Mais la lettre du<br />
Ministre du 30 juin dernier a eu pour objet d'obtenir, d'après le désir<br />
de M. le Ministre des Affaires Etrangères, la communication de piè<br />
ces originales (s'il y en a) qui constateraient également que les<br />
Marocains ont (ainsi qu'on le voit dans la correspondance du général<br />
d'Arlanges) coopéré par des secours en hommes et en munitions au<br />
combat du 25 avril dernier sur la Tafna. Il n'échappera pas à M. le<br />
Maréchal que ces dernières pièces n'ont pu être annexées, comme<br />
le dit le général Rapatel, à l'envoi de M. le Maréchal du 25 février.
16<br />
345<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 26 juillet 1836.<br />
Je réponds à votre lettre du i5 juillet courant dans laquelle<br />
vous me rendez compte de la situation de Bône et de Bougie<br />
d'après la correspondance que vous a apportée le bateau à<br />
vapeur le Fulton et dont vous n'avez pu me donner que le<br />
résumé, faute de temps. Quoique vous ayiez écrit avec préci<br />
pitation, je trouve bien extraordinaire que vous me rendiez<br />
d'un fait aussi grave que celui d'une exécution ordon<br />
née par Yusuf-bey, comme d'un fait tout simple. Auriez^vous<br />
donc oublié que Yusuf est chef d'escadron'<br />
musulman ?<br />
français quoique<br />
Je suis excessivement mécontent de la mollesse du com<br />
mandant supérieur de Bône dans cette circonstance. Je vais<br />
prendre les ordres du roi et du conseil pour savoir si on ne<br />
doit pas briser l'autorité de Yusuf et rappeler le colonel<br />
Duverger qui a laissé commettre les actes révoltants dont<br />
vous1<br />
me rendez compte.
— — 17<br />
346<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 30 juillet 1836.<br />
Depuis huit jours, il ne s'est rien passé d'important dans<br />
la province d'Alger,<br />
ni dans le Titteri : tout est demeuré in<br />
statu quo. Quelques bandes de cavaliers hadjoutes ont cher<br />
ché dans plusieurs localités plus ou moins près de nos avant-<br />
postes à enlever des bestiaux à des douars de nos amis, mais<br />
n'ont pu réussir à cause des prompts secours portés sur les<br />
points menacés. Toutefois,- les habitants de Zoumily<br />
et de<br />
Sidi Khalil ayant achevé leurs récoltes ont préféré se mettre<br />
à l'abri de ces alertes, toujours fâcheuses, lors même qu'elles<br />
n'ont point d'autres résultats, et sont venus s'établir à Sou-<br />
kali.<br />
L'événement arrivé le 21 courant près de Mahelma a<br />
démontré l'utilité d'un poste de cavalerie sur ce point. J'y ai<br />
fait) placer un détachement de 3o chasseurs du<br />
Ier<br />
régiment<br />
commandés par un officier, au moyen desquels on ferait un<br />
mauvais parti aux brigands qui tenteraient encore quelque<br />
coup<br />
dans cette direction.<br />
Les Hadjoutes détenteurs de deux femmes enlevées le 21<br />
m'ont fait faire eux-mêmes, et les premiers, des ouvertures<br />
pour les échanges contre des prisonniers que nous avons<br />
entre les mains.<br />
Je fais suivre cette affaire pour la terminer de la manière<br />
la plus convenable.
— — 18<br />
On me mande que le marabout de Sidi el Habchy a été<br />
nommé par l'ex-agha,<br />
Titteri,<br />
caïd d'une tribu dans la province de<br />
qu'il a fait une tournée dans le pays ces jours der<br />
niers et qu'il est même entré dans Médéa avec une cinquan<br />
taine de chevaux.<br />
Les effets de la saison chaude se font sentir sur nos trou<br />
pes, surtout dans la plaine; le nombre des malades augmente<br />
tous les jours. Ce ne sont pas des maladies graves, mais pour<br />
la plupart des fièvres et des affections cérébrales qui, prises à<br />
temps,<br />
Le<br />
ub<br />
se guérissent presque toujours.<br />
de ligne qui occupe nos postes vers l'ouest depuis<br />
son arrivée dans la division d'Alger,<br />
remplacé par le 63e<br />
sera relevé le 2 août et<br />
L'anniversaire des journées de juillet a<br />
été fêté à Alger de la manière la plus1 convenable. L'armée<br />
et la population ont pris part aux réjouissances préparées à<br />
cette occasion et, que rien n'a troublé.
— 19<br />
347<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel (i<br />
(Arch. Guerre)<br />
Fin juillet.<br />
Lui accuser réception de ses lettres du 22 et du 23 juillet.<br />
La première rend compte de la situation des choses dans les<br />
environs d'Alger et la deuxième donne des nouvelles d'Oran.<br />
Il<br />
est'<br />
satisfaisant d'apprendre qu'à la suite des hostilités<br />
qui existaient entre les tribus de l'est d'Alger, les habitants<br />
de cette contrée ont repris le commerce avec la ville. La.<br />
réponse faite à Abd el Kader par l'ex-agha qui avait été<br />
chargé de recueillir les redevances dans les diverses tribus<br />
prouverait que son autorité et son influence sont bien affai<br />
blies et que les tribus tendraient à se rapprocher de nous.<br />
L'existence de bandes ennemies du<br />
côté'<br />
de Boufarik exige<br />
des précautions continuelles. L'événement arrivé à une voi<br />
ture du génie le 21 juillet en est une preuve : le conducteur<br />
victime de sa désobéissance aux ordres pour la circulation<br />
entre les avant-postes est un exemple qui doit porter le géné<br />
ral Rapatel à redoubler de sévérité et à veiller à la stricte<br />
exécution de ses ordres.<br />
La conduite du tribunal supérieur qui s'est abstenu de<br />
paraître au Te Deum est bien fâcheuse,<br />
surtout dans une<br />
circonstance qui devait lui faire oublier ses prétentions.<br />
(1)<br />
Instruction du Ministre en vue de la rédaction d'une lettre en<br />
répons© à celles du général Rapatel des 22 et 23 juillet.
— — 20<br />
Je m'occupe d'examiner de concert avec M. le Garde des<br />
Sceaux la question soulevée par ce tribunal. 11 sera statué<br />
incessamment, et, en attendant,<br />
M. le Ministre de la Justice<br />
appréciera les conséquences de la conduite du tribunal supé<br />
rieur et prendra sans doute quelque mesure à son égard.<br />
Le ministre approuve que le général Rapatel ait fait débar<br />
quer les prisonniers faits par le général Bugeaud. C'était en<br />
effet le moyen de convaincre les incrédules et d'empêcher<br />
l'effet de nouvelles qui auraient tendu à faire douter de<br />
l'avantage remporté par cet officier général ou au moins à<br />
l'atténuer le plus possible.<br />
L'envoi de ces prisonniers en France est une bonne mesure.<br />
Les bons traitements qu'ils recevront leur feront prendre une<br />
idée des avantages de notre civilisation et de nos moeurs; ils<br />
pourront alors juger de la différence qui existe entre nos<br />
usages et les leurs; ils ne pourront manquer d'être frappés de<br />
notre générosité,<br />
et lorsqu'on les renverra chez eux ils servi<br />
ront de chaînon pour nos rapports avec leurs coreligion<br />
naires.<br />
Le ministre approuve les démarches faites par le général<br />
Rapaiel pour faire rendre à la liberté Mohamed, bey de<br />
Médéa. Il écrit de son côté à M. le Ministre des Affaires Etran<br />
gères pour lui communiquer la partie de la lettre du général<br />
Rapatel relative aux mauvais traitements que ce bey aurait<br />
éprouvés à Fez.
— — 21<br />
348<br />
Le Gouverneur Général au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris,<br />
le 2 août 1836.<br />
Un système de domination absolue de l'ex-régence est, sur<br />
ma proposition, définitivement arrêté par le gouvernement.<br />
Pour le mettre à exécution, je disposerai de 3o.ooo hom<br />
mes de troupes françaises en y comprenant les zouaves et les<br />
spahis réguliers, de 5.ooo hommes de troupes indigènes<br />
régulières, enfin de 4-ooo auxiliaires soldés pendant la durée<br />
des opérations sur Constantine.<br />
Des ordres vont être, en outre, donnés par M. le Maréchal,<br />
ministre de la Guerre,<br />
pour diriger sur Bône :<br />
une seconde batterie de campagne,<br />
4 pièces de 12,<br />
8 pièces de 16,<br />
des effets de campement pour 10.000 hommes,<br />
des moyens de transports pour les vivres et les blessés,<br />
enfin, à défaut du nombre nécessaire de chevaux qu'il<br />
serait difficile ou trop dispendieux d'envoyer de France, le<br />
gouvernement autorisera l'acquisition des bêtes de somme<br />
qui seront indispensables pour assurer le service des trans<br />
ports.<br />
Les opérations qui devront avoir lieu dans chaque pro<br />
vince se feront simultanément et de manière que la campa<br />
gne qui va s'ouvrir atteigne le but'<br />
propose :<br />
définitif que l'on se<br />
(1) Publié dans les Explications du maréchal Clauzei, p. 126.
— — 22<br />
occuper toutes les villes importantes du pays,<br />
y placer des garnisons,<br />
établir des camps et postes retranchés au centre de chaque<br />
province et aux divers points militaires qui doivent être<br />
occupés d'une manière permanente,<br />
masser sur un point central, dans chaque province, des<br />
troupes destinées à former une colonne mobile qui pourra<br />
toujours et instantanément se porter d'un point sur un aatre,<br />
en deux ou trois marches au plus, sans bagages considérables<br />
et par conséquent avec une grande célérité.<br />
Voilà mon plan d'occupation, d'après lequel les troupes, à<br />
la fin de la campagne, se trouveront disposées ainsi qu'il<br />
suit :<br />
Province d'Oran<br />
Mostaganem t . . 5oo<br />
Oran 2 . 000<br />
La .Tafna<br />
1 . 000<br />
Troupes françaises Indigènes<br />
Tlemcen (beylick) 5oo 5oo<br />
Mascara (beylick) 1 . 5oo<br />
Colonne mobile 5 . 000 »<br />
Province d'Alger et de Titteri<br />
Alger 3 . 000<br />
Camps et postes entre Alger et la<br />
Chiffa 2 . 000<br />
Ligne sur la Chiffa, de Blida à<br />
Coléa (colonne mobile) 5 . 000<br />
Col de Ténia 1 . 000<br />
. 9 000 2 . 000<br />
Méd'éa (beylick) 5oo 5oo<br />
Miliana (beylick) 5oo 5oo<br />
i 2 . 000 1 . 000
— 23 —<br />
Province de Constantine<br />
Bône 2.000<br />
BouSie i.5oo<br />
Camp de Dréan<br />
Colonne mobile . £ 5O0<br />
Constantine (beylick) r . ooo 2 . 000<br />
Oran<br />
RÉCAPITULATION<br />
9.000 2.000<br />
. 9 OOO 2 . OOO<br />
Alger et Titteri 12 .000 1 .000<br />
Constantine . 9 000 2.000<br />
Total général 3o.ooo 5. 000<br />
Il s'agit maintenant d'une exécution prompte, vigoureuse,<br />
complète. Je compte, Général, sur votre active coopération.<br />
Je serai à Alger le<br />
1"<br />
septembre; d'ici là,<br />
vous avez à<br />
prendre des dispositions partout et sur tout ce qui doit con<br />
courir au succès de la campagne.<br />
N. B. —<br />
L'original<br />
de ce tableau,<br />
remis au ministre de la<br />
guerre, porte la note suivante écrite de sa main :<br />
« Ce chiffre sera de trente mille, y compris les zouaves et<br />
les spahis réguliers considérés alors comme troupes fran-<br />
« çaises. Il y aura à régler les forces irrégulières qu'il y aura<br />
« à établir sur différents points,<br />
ce à quoi je suis disposé<br />
« (aller jusqu'à quatre ou cinq mille hommes). Je consen-<br />
< tirai aussi, si on allait à Constantine, à une force auxiliaire<br />
< en cavalerie, pour un mois ou six semaines,<br />
« mille hommes, à cinquante centimes par jour,<br />
ques vivres ».<br />
de quatre<br />
et quel<br />
« Signé : Marquis Maison ».
— — 24<br />
Ce qui constitue positivement 3o.ooo hommes de troupes<br />
françaises,<br />
5.ooo hommes de troupes indigènes régulières et<br />
â.ooo hommes de troupes indigènes irrégulières : en tout<br />
3g.ooo.<br />
Province d'Oran<br />
Vous avez vu par l'état de situation des troupes, tant fran<br />
çaises qu'indigènes, qui devront occuper définitivement la<br />
province,<br />
que le beylick de Mostaganem sera transféré à<br />
Mascara où devront s'établir le bey Ibrahim et Mezary, avec<br />
i.5oo hommes de troupes indigènes soldées sur le! prix de<br />
1 fr. par jour et par homme.<br />
Prescrivez au général Létang (i) de s'entendre avec les<br />
deux chefs que je viens de nommer pour assurer, pour le<br />
ier<br />
septembre prochain, la formation d'un corps de i..5oo in<br />
digènes tous en état de porter les armes, soit cavaliers, soit<br />
fantassins, disposés à servir sous les ordres du bey de Mas<br />
cara, et qui, à dater du jour de leur réunion et de leur<br />
départ pour cette ville, recevront la solde convenue.<br />
Dans cette formation seront compris les Turcs, Coulou-<br />
ghlis et Arabes qui servent en ce moment à Mostaganem et<br />
tous les Douairs, les Smélas et autres Arabes qui répondront<br />
à l'appel des chefs Ibrahim et Mezary à la condition expresse<br />
de n'admettre à la solde que des hommes propres à la guerre.<br />
Mustapha ben Ismaïl devra être consulté pour cette orga<br />
nisation.<br />
Ce chef habile devra également régler avec le général<br />
Létang<br />
l'organisation définitive et vraiment utile du corps<br />
de 5oo indigènes,<br />
qui continueront ou seront appelés à ser<br />
vir à Tlemcen sous les ordres du bey.<br />
On exigera également de chaque homme qui recevra la<br />
solde toutes les conditions d'aptitude au service actif.<br />
(1) Le général Létang avait remplacé le général d'ARLANGES comme<br />
commandant du territoire d'Oran.
—<br />
— 25<br />
Les généraux qui commandent dans la province devront<br />
continuer avec vigueur la. guerre qu'ils font aux troupes et<br />
aux tribus qui reconnaissent et servent Abd el Kader.<br />
Vous ordonnerez au général Bugeaud de rechercher et de<br />
choisir à quelque distance de Tlemcen et dans la direction<br />
de Mascara,<br />
un emplacement à proximité des bois et de<br />
l'eau, favorable sous tous les autres rapports à l'assiette d'un<br />
camp retranché.<br />
Autant que les circonstances le lui permettront et après<br />
un choix mûrement réfléchi, le général Bugeaud fera com<br />
mencer ou compléter ses travaux en terrassements et palis<br />
sades qui devront faire de ce camp un poste sûr et impor<br />
tant,<br />
en ce qu'il assurera les communications entre Tlemcen<br />
et Mascara.<br />
Vous conférerez avec M. l'intendant militaire Melcion<br />
d'Arc sur les moyens qui devront être employés lorsque le<br />
moment sera venu de le faire, pour établir et conserver en<br />
permanence à Mostaganem, à la Tafna, à Tlemcen et même<br />
au camp retranché entre Tlemcen et Mascara, si on juge à<br />
propos de s'y établir à poste fixe, des approvisionnements en<br />
vivres, au<br />
moyen'<br />
desquels les troupes composant la colonne<br />
mobile pourront toujours se ravitailler toutes les fois qu'ils<br />
se visiteront, aborderont l'un des points que je viens de<br />
nommer.<br />
Vous vous concerterez enfin avec les colonels comman<br />
dant l'artillerie et le génie pour assurer,<br />
en ce qui les con<br />
cerne, les mesures que vous jugerez convenable de prendre<br />
dans le cercle des présentes instructions.<br />
Provinces d'Alger et de Titteri<br />
Aussitôt mon arrivée à Alger, je commencerai mes opéra<br />
tions sur Blida, Goléa, Médéa, Miliana.<br />
Le service des vivres et des transports devra être entière<br />
ment assuré. Le point de départ devant être Boufarik, c'est<br />
dans cette place que seront réunis, pour le<br />
ier<br />
septembre, les
—<br />
— 26<br />
approvisionnements, le matériel, y compris les blockhaus,<br />
qui devront être placés sur les points intermédiaires des posi<br />
tions que prendront les troupes,<br />
Médéa et Miliana.<br />
depuis la Chiffa jusqu'à<br />
Vous me soumettrez, à mon arrivée, les dispositions que<br />
vous aurez préparées pour assurer, avec le moins de troupes<br />
possible, la sûreté de la place d'Alger et des camps ou postes<br />
depuis cette, ville jusqu'à la Chiffa.<br />
La garde nationale devra concourir bien entendu au ser<br />
vice de la place et tous les gens (officiers et autres) d'admi<br />
nistration militaire pourront, dans une sage proportion, être<br />
utilisés.<br />
Du moment où j'aurai quitté Boufarik, le camp sur la<br />
Chiffa deviendra le centre des opérations de l'armée d'expé<br />
dition, qui, ainsi postée,<br />
s'appuiera sur Blida et Coléa.<br />
Des dispositions seront donc prises! à l'avance par vous,<br />
afin que ce poste soit complètement achevé, et pour que les<br />
approvisionnements y soient transportés de Boufarik avec<br />
facilité.<br />
En marchant sur Médéa, je m'établirai par des postes<br />
retranchés au pied des deux versants du col de Ténia et sur<br />
le col de Ténia même.<br />
L'armée d'expédition sera, par conséquent, pourvue des<br />
moyens nécessaires pour les travaux à exécuter, et le service<br />
des transports des vivres et des blockhaus sera assuré pour<br />
porter de la Chiffa au col et à Médéa les vivres et les muni<br />
tions que devront avoir en approvisionnement les troupes<br />
qui seront laissées sur ces deux points.<br />
Enfin, je me porterai du pied de l'Atlas (dans la Mitidja)<br />
sur Miliana, où, laissant 5oo hommes de troupes françaises,<br />
j'aurai comme à Médéa à pourvoir à la sûreté de leur établis<br />
sement et à leur approvisionnement en vivres et en muni<br />
tions.<br />
Vous concerterez, vous préparerez tout de concert avec les<br />
chefs de l'artillerie et du génie, avec l'intendant militaire.
— 27 —<br />
Province de Constantine<br />
C'est au plus tard au i5 octobre que je me rendrai à Bône<br />
pour y prendre en personne la direction des opérations mili<br />
taires contre Constantine.<br />
Mais sur ce point surtout de grands préparatifs et de<br />
grands pas en avant doivent être achevés avant l'époque que<br />
je viens d'indiquer.<br />
Des ordres sont donnés par le ministre de la guerre pour<br />
diriger immédiatement sur Bône.<br />
i°<br />
2°<br />
le bataillon disciplinaire en ce moment en Corse;<br />
le 3e<br />
bataillon du 47e<br />
province de Constantine,<br />
régiment destiné à servir dans la<br />
lequel bataillon se trouve ou va se<br />
trouver à nouveau complet par l'enrôlement des soldats de<br />
bonne volonté tirés des régiments de France;<br />
3° le matériel en artillerie, effets de campement et voi<br />
tures nécessaires pour l'expédition.<br />
Aussitôt que les troupes seront arrivées à Bône,<br />
le colonel<br />
Duverger fera une marche en avant du camp de Dréan, et<br />
choisissant une position favorable sous tous les rapports entre<br />
Dréan et Guelma il y construira un camp retranché.<br />
Vous aurez à vous entendre sur le champ avec lui pour<br />
cette opération afin de l'aider autant qu'il dépendra de vous<br />
et notamment vous lui enverrez trois ou quatre blockhaus<br />
qui lui seront sans doute nécessaires.<br />
Aussitôt que ce nouveau camp dont les travaux devront<br />
être poussés avec la plus grande activité sera terminé, le<br />
colonel Duverger,<br />
si les événements et ses relations amicales<br />
avec les tribus le lui permettent, se portera à Guelma où, sur<br />
le champ, il s'établira solidement et de manière à ce que les<br />
approvisionnements et le matériel étant successivement<br />
transférés de Bône à Dréan, de Dréan au plus en<br />
camp,<br />
avant, et de ce poste à Guelma, cette dernière place devienne<br />
le point de départ de l'armée expéditionnaire contre Cons<br />
tantine.
—<br />
— 28<br />
Les moyens de transport, surtout les chevaux, manque<br />
ront très probablement au colonel Duverger; il devra y sup<br />
pléer par l'achat d'un certain nombre de mulets et par l'em<br />
ploi de chameaux et même de bœufs, qui pourront être four<br />
nis par les tribus alliées.<br />
Vous avez vu, par l'état de situation et d'organisation des<br />
troupes, que 2.000 indigènes irréguliers, à la solde de 1 fr.<br />
par jour, doivent servir à Constantine sous les ordres du bey.<br />
Vous prescrirez au colonel Duverger de se concerter avec<br />
le bey<br />
Yusuf pour porter immédiatement au complet de<br />
2.000 hommes le corps indigène dont le recrutement avait<br />
été suspendu il y a quelque temps. Que le choix des hommes<br />
soit fait avec sagesse et discernement.<br />
Au moyen de ces 2.000 hommes et des renforts envoyés à<br />
Bône de Corse et de France, le colonel Duverger pourra sans<br />
doute s'avancer successivement jusqu'à Guelma,<br />
je viens de l'indiquer ci-dessus.<br />
Conséquemment aux présentes instructions,<br />
ainsi que<br />
M. l'Inten<br />
dant militaire devra solliciter de la manière la plus pressante<br />
du ministre de la guerre l'envoi du matériel nécessaire pour<br />
assurer sans aucun retard et sur tous les points tous les ser<br />
vices qui lui sont confiés.<br />
Vous devez également avec la même activité, d'accord avec<br />
les chefs d'artillerie et du génie, presser l'envoi de l'artillerie<br />
et des voitures par le corps expéditionnaire de Bône. Vous<br />
devez conduire de front toutes les opérations à faire ou à<br />
préparer dans les diverses provinces; enfin toutes vos pen<br />
sées, toutes vos facultés doivent avoir pour objet le but<br />
auquel il faut que nous arrivions avant la fin de l'année, la<br />
domination absolue, la soumission et la pacification de l'ex-<br />
régence d'Alger.<br />
A Bône, il faut annoncer l'arrivée d'une armée considéra<br />
ble pour intimider les ennemis et encourager ceux qui mar<br />
chent ou qui sont disposés à marcher avec nous.<br />
Je pars dans quelques jours; correspondez directement<br />
avec le ministre jusqu'à mon arrivée à Alger.
— — 29<br />
Vous le voyez, Général, les circonstances sont devenues<br />
graves et pressantes; j'en appelle au dévouement et à l'acti<br />
vité dont vous avez déjè donné des preuves si nombreuses<br />
et si dignes d'éloges.<br />
349<br />
Le général Rapatel au Ministre dé la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 2 août 1836.<br />
La correspondance de Bône et de Bougie est arrivée hier<br />
par le bateau à vapeur, Le Ramier. J'ai l'honneur d'adresser<br />
copie à Votre Excellence des dépêches les plus importantes;<br />
quant aux autres, je me bornerai à en présenter ici l'analyse.<br />
La province de Bône, au départ du courrier,<br />
la plus grande tranquillité. Ahmed-bey<br />
jouissait de<br />
venait de faire ren<br />
trer dans Constantine une partie du matériel de son camp,<br />
ce qui semble annoncer qu'il renonce pour cette année à ses<br />
projets d'agression. Le chérif, cheick de la nombreuse tribu<br />
de Righa près de Sétif et des portes de Fer,, sur la route de<br />
Constantine à Alger, vient d'écrire à Yusuf-bey que s'il va à<br />
Constantine,<br />
il peut compter cette tribu parmi ses soldats,<br />
ainsi que sept autres qui sont sous la dépendance de ce<br />
chérif.<br />
L'occupation de La Calle a eu lieu le i5 juillet dernier,<br />
ainsi qu'elle avait été précédemment réglée. M. de Bérthier,
— — 30<br />
nommé capitaine aux spahis auxiliaires, partit à cet effet du<br />
camp Clauzel le i4 dans la matinée avec 4o Turcs et partout<br />
sur sa route l'accueil le plus amical lui fut fait.<br />
Le khalifa du bey protégea son mouvement avec un esca<br />
dron de spahis réguliers et les spahis auxiliaires des tribus<br />
au delà de la Mafrag. Il a rendu les cheicks amis du voisi<br />
nage responsables de la tranquillité du pays, a mis M. de Ber-<br />
thier en relations avec eux et la meilleure intelligence s'est<br />
de suite établie. Le khalifa,<br />
après avoir acquis la certitude<br />
que l'occupation ne pouvait plus être inquiétée,<br />
est reparti<br />
pour revenir au camp, en visitant sur sa route les tribus<br />
alliées.<br />
Trente ouvriers du génie sous le commandement de<br />
M: le capitaine Carette, transportés à La Calle sur le brick<br />
débarquèrent le i5 et commencèrent immédia<br />
Le Cygne, y<br />
tement les travaux les plus importants. Le moulin situé à<br />
une petite portée de fusil du* mur d'enceinte a été mis en<br />
état de défense. Les brèches de ce mur ont été réparées et<br />
quelques créneaux y ont été pratiqués. Le logement de la<br />
garnison a été construit dans l'ancienne maison du gouver<br />
neur, dont les murs ont été crénelés pour en faire un réduit.<br />
Enfin le puits et la fontaine de l'établissement ont été net<br />
toyés et fournissent des eaux excellentes.<br />
La mer étant devenue grosse, plus de 60 bateaux corail-<br />
leurs voyant flotter le drapeau tricolore sont venus se mettre<br />
àj l'abri dans la darse,<br />
qui paraît être d'une bonne tenue.<br />
Pendant deux jours qu'ils y ont séjourné, ils ont fourni<br />
volontairement une partie de leurs équipages pour aider à<br />
nos travailleurs. Les indigènes de leur côté se sont montrés<br />
très satisfaits; ils se sont empressés d'amener des boeufs et<br />
d'apporter des provisions ainsi que de la cire; le tout a été<br />
vendu très paisiblement.<br />
Si l'occupation de La Calle devient permanente, il se pré<br />
sentera peut-être des questions contentieuses qu'il importe<br />
de résoudre à l'avance; en voici qui me paraissent exiger une<br />
solution aussi prompte que nette et précise.<br />
1°<br />
Les événe-
— — 31<br />
ments qui ont fait perdre à l'ancienne compagnie son éta<br />
blissement, l'ont-ils débouté de tous ses droits, ou est-elle<br />
fondée à exercer un recours quelconque par suite de la<br />
reprise de possession de cet établissement P<br />
20<br />
Cette ancienne<br />
comjpagnie peut-elle exiger des indemnités pour les cons<br />
tructions encore debout qu'on chercherait par la suite à<br />
utiliser ?<br />
M. le colonel Duverger me fait connaître qu'il n'a pas cru<br />
devoir permettre aux Européens de s'établir à La Calle. Ce<br />
pendant, il pense qu'il n'y<br />
aurait pas d'inconvénient grave<br />
à autoriser quelques marchands à s'y fixer sous la condition<br />
d'évacuer sans indemnité aucune, soit les locaux où ils se<br />
seraient placés, soit la ville même si les circonstances ou<br />
les besoins du service, en faisaient une nécessité. Je lui ai<br />
répondu qu'à ces conditions il pouvait autoriser une dizaine<br />
de marchands à séjourner à La Calle.<br />
Dans la nuit du i4 au i5 juillet, un nouvel acte de bri<br />
gandage a été commis au poste des baraques de la Seybouse,<br />
situé à une demi-lieue de Bône, près du bac établi sur cette<br />
rivière. Sur les onze heures et demie, des malfaiteurs profi<br />
tant d'un mur peu élevé à quelques pas duquel on avait<br />
maladroitement placé un factionnaire,<br />
tirèrent sur lui pres<br />
que à bout portant, le blessèrent gravement, l'enlevèrent,<br />
quoi qu'il se trouvât seulement à quelques mètres de la porte<br />
du corps de garde, le portèrent à une petite distance,<br />
sur la<br />
pente du coteau, lui coupèrent la tête qu'ils emportèrent et<br />
mutilèrent son cadavre.<br />
Pendant que cet attentat se consommait, d'autres brigands<br />
incendiaient une petite maison, servant de cabaret et située<br />
presqu'au pied du mamelon,<br />
entre la route et la rivière. Le<br />
locataire était absent. Il n'y avait dans la maison qu'une<br />
malheureuse femme qui y était couchée;<br />
entièrement consumée,<br />
plus reconnaissable.<br />
Une patrouille de<br />
elle a été presque<br />
et son cadavre le lendemain n'était<br />
gendarmerie s'était portée rapidement<br />
sur le lieu de l'attentat. Le maréchal des logis qui était en
— 32 —<br />
avant reçut cinq coups de feu sans être touché et les bri<br />
gands s'enfuirent à la faveur du terrain couvert qui se trouve<br />
entre les deux buttes d'Ilippone. En les poursuivant, elle<br />
eut encore à essuyer le feu de trois Arabes qui s'étaient tenus<br />
cachés et prirent également la fuite,<br />
sans qu'on ait pu les<br />
arrêter. Un gendarme fut légèrement blessé par cette der<br />
nière décharge.<br />
De nouvelles mesures ont été prises pour empêcher le<br />
renouvellement de ces attentats. Pour arriver à la destruc<br />
tion de la bande de brigands qui porte la terreur dans les<br />
environs de la ville, M. le Commandant supérieur a fait diri<br />
ger sur les lieux qui lui servent de repaire deux petites expé<br />
ditions qui paraissent avoir eu des résultats avantageux.<br />
J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence copie des rap<br />
ports qui m'ont été faits sur ces opérations par M. le colonel<br />
Duverger. Je joins également ici copie de deux lettres sous<br />
les dates des 23 et 25 juillet,<br />
donnant connaissance des évé<br />
nements survenus depuis peu de temps à Tunis et de l'atti<br />
tude que notre consul a pris dans cette ville.<br />
Je ne cesse de recommander à M. le colonel Duverger de<br />
se conduire avec mesure et prudence et bien qu'il ait ordonné<br />
de nouvelles précautions pour faire régner la sécurité dans<br />
les environs de la ville, j'ai appelé toute son attention sur<br />
cet objet important. Je lui ai prescrit d'augmenter le nom<br />
bre des postes et de faire rentrer, si cela est nécessaire, une<br />
partie des troupes du camp Clauzel.<br />
Le commandant supérieur de Bougie, dans son rapport du<br />
3i juillet dont j'ai l'honneur de transmettre copie à Votre<br />
Excellence,<br />
rend compte d'un événement malheureux qui a<br />
fait tomber entre les mains des Arabes plusieurs Européens.<br />
Le consul d'Espagne,<br />
sujet, m'annonce qu'il n'y<br />
dans une lettre qu'il m'a écrite à ce<br />
a que deux personnes captives.<br />
Ce sont deux enfants espagnols, et qu'il n'y a point eu de<br />
victimes.<br />
J'ai invité le commandant supérieur à négocier sur le<br />
champ le rachat de ces malheureux. J'aurai soin de tenir
— — 33<br />
Votre Excellence informée du résultat de ces négociations.<br />
Le nombre des malades a beaucoup augmenté, mais il<br />
paraît que les maladies n'ont pas un caractère pernicieux.<br />
Quoi qu'il en soit, j'ai prescrit de ménager les forces et la<br />
santé du soldat autant que cela est possible, et j'ai invité<br />
M. l'Intendant militaire à assurer de tout point le service de<br />
santé.<br />
350<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 3 août 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous adresser copie des instructions que<br />
je viens de transmettre à M. le lieutenant général Rapatel,<br />
afin qu'il fasse sans délai (car nous sommes pressés par la<br />
saison qui s'avance) les dispositions préparatoires pour les<br />
opérations que vous avez autorisées ou que vous prescrirez<br />
ultérieurement.<br />
Il est bien à désirer que les troupes et le matériel que vous<br />
destinez pour Bône soient envoyés immédiatement et que<br />
vous ayez la bonté d'ordonner le recrutement jusqu'au com<br />
plet de 2.ooo hommes du corps d'infanterie indigène irré<br />
gulière existant à Bône, comme aussi d'ordonner,<br />
iw<br />
à dater du<br />
septembre, le recrutement et la solde jusqu'au complé<br />
ment de i.5oo hommes du corps de troupes indigènes irré<br />
gulières qui se trouve à Mostaganem près du bey Ibrahim
— — 34<br />
et qui devra, à l'époque que je viens d'indiquer,<br />
bey<br />
à Mascara.<br />
suivre le<br />
Enfin, quant au commandement supérieur de Bône, je<br />
désire vivement qu'il reste confié à M. le colonel Duverger<br />
qui, depuis qu'il occupe ce poste important,<br />
a sous tous les<br />
rapports parfaitement compris et mis à exécution et mes<br />
instructions et mes intentions. Sans qu'il ait tiré ni reçu<br />
un coup de fusil,<br />
il s'est avancé jusqu'à i3 ou i5 lieues de<br />
Constantine et a conquis politiquement une grande partie<br />
de la population, se conformant ainsi strictement à ce que<br />
je lui ai prescrit de faire. Son remplacement serait bien<br />
pénible pour lui, mais surtout il aurait les plus fâcheuses<br />
conséquences pour nos affaires à Bône.<br />
Vous avez bien voulu dire à M. de Rancé que vous enver<br />
riez à Bône l'un des deux anciens régiments d'Oran, et<br />
vous aviez désigné le 47e Mais en réfléchissant que M. le co<br />
lonel Combes est plus ancien de grade que M. le colonel<br />
Duverger, je préférerais que ce fût le<br />
17°<br />
léger qui fût<br />
envoyé.à Bône, à moins que les nouvelles circonstances qui<br />
se présentent sur ce point ne vous fassent juger convenable<br />
de nommer M. Duverger maréchal de camp.
35<br />
3S1<br />
Le général Rapatel au Ministre dé la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 4 août 1836.<br />
M. le général Bugeaud est arrivé hier à Alger venant<br />
d'Oran,<br />
sur le bateau à vapeur le Fulton.<br />
Le Castor arrivé la veille avec la correspondance était parti<br />
deux heures après pour Oran en vertu des ordres qu'il avait<br />
reçus à Toulon, pour porter des dépêches de M. le général<br />
Bugeaud qu'il rencontra à la mer et avec lequel il rentra à<br />
Alger.<br />
Les dépêches dont il était chargé enjoignent à M. le géné<br />
ral Bugeaud de continuer ses opérations dans la province<br />
d'Oran,<br />
mais il ne repartira qu'après la réception du pro<br />
chain courrier de France qui, sans doute, nous apportera à<br />
l'un ci à l'autre les ordres et les instructions de Votre Excel<br />
lence '.l'est d'autant plus nécessaire que je né connais pas<br />
encore: comment doit être réglé le commandement dans la<br />
province d'Oran, attendu que je devais penser que la mis<br />
sion de M. le général Bugeaud n'était que temporaire, qu'il<br />
devait commander la division active ou les troupes expédi<br />
tionnaires et que le commandement de la division territo<br />
riale restait confié à M. le général d'Arlanges ou à son suc<br />
cesseur.<br />
M. le général Bugeaud a sans doute rendu compte des rai<br />
sons qui l'ont empêché de camper chez les Beni-Amer ^Main<br />
tenant pour continuer les opérations, il me soumet diverses
— 36 —<br />
propositions qu'il me paraît utile d'adopter et que je vais<br />
avoir l'honneur d'exposer à Votre Excellence.<br />
Il est indispensable de porter la colonne expéditionnaire à<br />
5.000 hommes; si elle était moindre, on pourrait avoir quel<br />
ques chances contre soi, ce qu'il faut éviter. Mais pour pou<br />
voir mobiliser 5.ooo hommes,<br />
ments au'<br />
il importe de tenir les régi<br />
complet qu'ils doivent avoir, et c'est d'autant plus<br />
nécessaire que la rentrée du 66e<br />
régiment de ligne en France<br />
et le départ pour l'Espagne de 800 à 900 hommesi du 1 r<br />
taillon d'infanterie légère d'Afrique vont sensiblement dimi<br />
nuer l'effectif des forces disponibles dans la province d'Oran.<br />
Deux dispositions urgentes sont à prendre pour maintenir<br />
au pied de guerre les régiments employés sous les odres de<br />
M. le général Bugeaud, et généralement tous ceux qui font<br />
partie de l'armée d'Afrique.<br />
1°<br />
Les renforts destinés pour ces régiments devraient être<br />
immédiatement embarqués pour les rejoindre;<br />
2°<br />
Il ne faudrait pas que ces corps fournissent de contin<br />
gent à la légion étrangère. La perte que chaque régiment<br />
peut faire par suite de ce recrutement, ne peut qu'avoir de<br />
fâcheuses conséquences, vu qu'on sera dans la nécessité de<br />
remplacer des soldats aguerris et acclimatés par des hommes<br />
de recrue.<br />
Le service de l'artillerie de montagne ne peut se faire qu'à<br />
l'aide des mulets. Ici ces animaux sont rares et trop faibles;<br />
il est donc nécessaire d'en envoyer de France, non seulement<br />
pour la division d'Oran, mais encore pour celle d'Alger.<br />
L'expédition de Constantine qui paraît être résolue en em<br />
ploiera un assez grand nombre qu'il est bon de se procurer<br />
à l'avance. J'ai l'honneur d'appeler l'attention de Votre Excel<br />
lence sur cette partie importante de l'organisation de notre<br />
matériel de campagne.<br />
M. le général Létang m'informe que les fonds destinés au<br />
service de la remonte vont être bientôt épuisés et il demande<br />
qu'il lui soit ouvert un nouveau crédit. Je prie Votre Excel<br />
lence de vouloir bien donner des ordres à ce sujet.<br />
ba
37 —<br />
352<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 5 août 1836.<br />
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire le 16 juillet, en réponse à la mienne du 25 juin, et<br />
je vous préviens que les dispositions indiquées dans celle-ci<br />
se trouvent changées. En conséquence, vous ne devrez plus<br />
compter sur le bataillon de la légion étrangère dont l'arrivée<br />
vous avait été annoncée.<br />
du<br />
Vous ferez diriger sur Bône les deux premiers bataillons<br />
17e<br />
régiment d'infanterie légère, dont la présence n'est<br />
plus nécessaire à Oran. Je donne en même temps des ordres<br />
pour que le 3e<br />
bataillon de ce corps qui sera porté à un effec<br />
tif de 856 sous-officiers et soldats soit embarqué pour Bône,.<br />
ainsi que le 3e bataillon d'infanterie légère d'Afrique. Les<br />
autres bataillons du<br />
même effectif.<br />
170<br />
seront successivement portés au<br />
Ces dispositions qui doivent augmenter notablement la<br />
garnison de Bône permettront de ne plus différer la rentrée<br />
en France du 59e<br />
régiment de ligne qui s'effectuera par le<br />
retour des bâtiments chargés de- transporter en Afrique le<br />
3e<br />
bataillon du<br />
17"<br />
léger et le 3° bataillon d'Afrique. Vous me<br />
rendrez compte de l'exécution successive de ces dispositions.
38<br />
3153<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 5 août 1836.<br />
La tranquillité continue à régner dans les tribus de l'Est<br />
et il y a toujours affluence de Kabyles apportant en ville de<br />
l'huile et d'autres denrées. D'après le conseil indirect que je<br />
leur en avais fait donner, les Béni Aïcha et les gens d'Isser<br />
sur lesquels Ben Zamoun levait sans cesse de nouvelles impo<br />
sitions sont parvenus à l'intimider en lui persuadant que<br />
nous avions l'intention de faire un coup, de, main sur son<br />
marché du vendredi s'il continuait à vexer des gens que<br />
nous avions déjà protégés autrefois.<br />
tes,<br />
Le parti remuant ou du moins le parti pillard des Hadjou<br />
en est venu maintenant à commettre des actes de bri<br />
gandage dans leur propre tribu. C'est ainsi qu'une bande<br />
de cavaliers est venue il y a peu de jours à Douaouda près de<br />
a'<br />
Coléa et y enlevé i5o bœufs et 2 juments. Quelques cava<br />
liers de Mouzaïa qui commencent à faire le même métier<br />
rencontrèrent, le<br />
ier<br />
courant, non loin de Blida, plusieurs<br />
habitants de cette ville revenant d'Alger où ils avaient vendu<br />
leurs denrées, les dévalisèrent et emmenèrent leurs mulets.<br />
Mais la ville de Blida ayant réclamé fortement auprès des<br />
chefs hadjoutes, ceux-ci se sont interposés et ont fait resti<br />
tuer tout ce qui avait été pris par les Mouzaïa.<br />
Un des Arabes chargés de me fournir des nouvelles de<br />
l'intérieur m'assure qu'une caravane composée de 8 chevaux<br />
conduits en main et de plusieurs mulets chargés de balles
— — 39<br />
et de pierres à fusil a été rencontrée chez les Ouled Sehich<br />
(route de Constantin© à Mascara) se dirigeant vers cette der<br />
nière ville; ces chevaux et ces munitions étaient envoyés en<br />
présent à Abd el Kader par Hadj Ahmed, bey<br />
Hier, vingt-cinq<br />
de Constantine.<br />
cavaliers hadjoutes ont pénétré du côté<br />
de Guerouaou et sont parvenus1 à enlever deux troupeaux de<br />
moutons assez considérables; les Arabes des environs sont<br />
montés bientôt à cheval et ont atteint les voleurs près de<br />
Beni-Aga. Là, ils leur ont repris les troupeaux, ont tué un<br />
Hadjôute dont ils ont rapporté lesi dépouilles et ont blessé<br />
assez grièvement un autre cavalier ennemi.<br />
Les courriers de Bône et d'Oran sont arrivés. Les nouvelles<br />
de ces points font l'objet de rapports particuliers par ce<br />
courrier. M. le général Bugeaud est arrivé d'Oran; le bateau<br />
à vapeur qui le portait s'est rencontré en mer avec le Castor<br />
qui s'était aussitôt remis en route pour Oran avec des dépê<br />
ches pressées pour cet officier général. Les deux bateaux<br />
sont arrivés à Alger voyageant de conserve.
— — 40<br />
354<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger,<br />
le 5 août 1836.<br />
Le bateau à vapeur le Fulton est arrivé ici le 3 du courant<br />
avec la correspondance d'Oran. Les dépêches de M. le géné<br />
ral Bugeaud feront connaître à Votre Excellence la situation<br />
de la province et les événements qui y sont survenus depuis<br />
la rentrée des troupes expéditionnaires.<br />
M. le général Létang me mande que les Douairs et les<br />
Smélas ont reçu avec une grande joie la nouvelle qu'il leur<br />
était accordé o fr. 5o de solde et une ration de vivres par<br />
jour pour le temps qu'ils passeront dans les expéditions,<br />
mais il demande pour les cavaliers une ration de fourrages,<br />
même lorsqu'ils ne seront pas en campagne. Il représente<br />
qu'étant campes si près de la ville il leur est impossible de<br />
faire subsister leurs chevaux si l'on ne vient pas à leur<br />
secours. Mustapha dit qu'il les perdra tous si on ne leur<br />
accorde pas la ration. Je crois donc que cette allocation est<br />
indispensable, au moins temporairement, et j'appuie la<br />
demande faite à ce sujet par M. le général Létang.<br />
Les effets d'habillement de l'infanterie sont dans le plus<br />
mauvais état, les deux tiers des capotes et des pantalons doi<br />
vent être remplacés sur le champ, attendu qu'ils ne peuvent<br />
être réparés. J'ai prescrit à M. le général Létang d'en pro<br />
noncer la réforme et d'en autoriser le remplacement immé<br />
diat,<br />
en suivant la marche indiquée par l'article 21 de l'ins<br />
truction du 8 juin i836.
—<br />
— 41<br />
Il entre à l'hôpital un assez grand nombre d'hommes<br />
appartenant au corps de la colonne expéditionnaire; il a<br />
fallu trouver un nouveau local pour placer les malades qui<br />
sont aujourd'hui près de 700.<br />
D'après les rapports les plus récents du camp de la Tafna,<br />
l'état sanitaire s'y améliore, les travaux se continuent et<br />
l'ennemi n'a pas reparu.<br />
Les nouvelles venues de l'intérieur confirment qu'Abd el<br />
Kader n'a pas été blessé, il est aux environs de Mascara avec<br />
les débris de son infanterie qu'on porte à près de mille<br />
hommes. On assure que pour faire acte de puissance il vient<br />
de nommer un bey dans'<br />
appelé Oulid Sidi Sadi.<br />
l'Est;<br />
ce serait un ancien cheick<br />
M. le général Bugeaud rend sans doute compte à Votre<br />
Excellence des lettres qu'il a reçues d'Abd el Kader.<br />
Plusieurs cheicks des Beni-Amer et autres sont entrés en<br />
pourparlers avec Mustapha ben Ismaël,<br />
pour traiter de leur<br />
soumission, mais rien n'est encore conclu, attendu qu'on<br />
doit exiger une soumission sincère et durable qu'on n'ob<br />
tiendra qu'au! moyen de certaines garanties.<br />
J'ai fait rentrer à Alger les compagnies du 63° de ligne qui<br />
avaient été détachées momentanément à Oran;<br />
elles ont été<br />
remplacées à Mostaganem par trois compagnies du 47° de<br />
ligne qui en avait déjà quatre sur ce commandées par<br />
point,<br />
un chef de bataillon.<br />
Dans la matinée du 25 juillet,<br />
une tentative a été faite<br />
aux environs de cette place contre quelques-uns de nos Ara<br />
bes par des cavaliers d'Oulid ben Chérif qui se dit compéti<br />
teur de la puissance d'Abd el Kader et qui a rangé sous sa<br />
domination les Beni-Zéroual, les Ouled Klouff et les Ouled<br />
Hamet. Quelques Arabes étant sortis sans armes de la place<br />
pour aller chercher de la paille chez les Hachem, furent<br />
surpris par un parti assez nombreux de cavaliers qui enle<br />
vèrent cinq mules et tuèrent un homme.<br />
M, le commandant Ménonville fit sortir de la place trois<br />
cents hommes et deux pièces de canon pour couvrir le camp
— — 42<br />
d'Ibrahim et1 dégager les Arabes qui étaient assaillis, mais<br />
l'ennemi ayant aperçu ce mouvement ne jugea pas à propos<br />
d'attendre nos troupes,<br />
il fut bientôt hors d'atteinte.<br />
M. Ménonville écrit que la présence d'Abd el Kader du côté<br />
de Mascara exerce son influence ordinaire sur les tribus du<br />
voisinage et de la plaine. Les Béni Graddou, les Akerma,<br />
les Sidi Abdallah font des efforts pour entraîner les autres<br />
tribus, en attendant ils les empêchent de venir au marché,<br />
et les routes recommencent à devenir moins sûres.<br />
Le retour de M. le général Bugeaud à Oran et la reprise<br />
prochaine des opérations déjoueront les projets d°-!l'ennemi<br />
et amèneront probablement la pacification générale de la<br />
province.<br />
355<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger,<br />
le 5 août 1836.<br />
J'ai l'honneur de transmettre à Votre Excellence le travail<br />
des récompenses sollicitées par M. le général Bugeaud, pour<br />
les militaires du corps expéditionnaire d'Oran qui se sont<br />
le plus distingues dans les divers combats qui ont eu lieu du<br />
i5 avril au 6 juillet.<br />
Bien que le nombre en sôit considérable, je ne doute<br />
point que toutes les propositions ne méritent d'être favora-
— — 43<br />
blement accueillies et je les recommande vivement à la<br />
justice et à la bienveillance de Votre Excellence.<br />
Les résultats aussi positifs que brillants obtenus dans le<br />
dernier combat justifieront la libéralité du gouvernement<br />
qui ne peut saisir une meilleure occasion de répandre ses<br />
grâces sur des hommes d'un vrai mérite et d'un vrai courage.<br />
M. le général Bugeaud qui a déployé dans cette courte<br />
campagne autant d'habileté que d'intrépidité, s'est acquis<br />
de nouveaux titres à la bienveillance du roi et à celle de<br />
Votre Excellence.<br />
Il<br />
recevra'<br />
sans doute la récompense qu'il a méritée,, mais<br />
eelle qui lui sera la plus agréable sera certainement de voir<br />
récompenser de bons serviteurs qui ont fait sous ses yeux<br />
leurs preuves de dévouement et de bravoure.
44<br />
356<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 6
— — 45<br />
357<br />
Le Gouverneur Général au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 7 août 1836:<br />
J'ai reçu vos lettres du 28 et 36 juillet dernier. Je me suis<br />
empressé d'écrire à M. le Ministre de la Guerre pour lui<br />
signaler les effets fâcheux qui résulteraient des enrôlements<br />
faits pour l'Espagne parmi les corps indigènes et je l'ai prié<br />
de vouloir bien donner de nouvelles instructions pour que le<br />
recrutement cessât parmi les spahis et les zouaves et ne fût<br />
plus continué que dans les autres corps. Je lui ai demandé<br />
de vouloir bien hâter l'envoi en Afrique des hommes de<br />
bonne volonté qui doivent servir dans les régiments.<br />
J'apprends avec plaisir que Mustapha ben Ismaël, el Mezari<br />
et Kadour ben Daoud vont enfin toucher les appointements<br />
qui leur avaient été accordés. Il ne faut pas que ces indi<br />
gènes aient le droit de se plaindre de nous pendant qu'ils<br />
nous donnent des preuves dei leur dévouement.<br />
Prenez toutes les dispositions que vous jugerez convena<br />
bles! pour assurer la sécurité de la plaine et réprimer autant<br />
que possible les attentats isolés;<br />
ces événements sont tou<br />
jours du plus fâcheux effet quoique l'on puisse les attribuer<br />
en général à l'imprudence des colons.<br />
La mesure prescrite par M. le Ministre de la Guerre dans<br />
le but d'ordonner que les bestiaux pris sur l'ennemi, quels<br />
que soient les soient versés sans exception dans les<br />
capteurs,<br />
parcs de l'Etat,<br />
rendra plus faciles les approvisionnements<br />
pour l'armée. Yusuf-bey s'empfessera, je pense,<br />
de donner
— — 46<br />
à M. le colonel Duverger les renseignements que l'on vous<br />
demande sur l'affaire qui lui est personnelle.<br />
J'ai écrit à M. le Ministre de la Guerre en faveur du chef<br />
de bataillon Marengo (i)<br />
et je lui ai exprimé la bonne opi<br />
nion que j'avais de la capacité, du zèle et de l'intégrité de<br />
cet officier supérieur.<br />
Je vois avec plaisir que les nouvelles d'Oran continuent à<br />
être satisfaisantes. M. Te général Létang a sagement fait de<br />
«jhïaîntenir le poste du Figuier dont l'utilité a été prouvée<br />
W. sieurs fois.<br />
M':, le général Bugeaud qui ne connaissait jpas h* motifs<br />
de l'arrestation du Juif Cherchali avait certainement cru que<br />
sa. mise en liberté n'avait pas d'inconvénients el j'approuve<br />
M. le général Létang de l'avoir fait incarcérer de nouveau.<br />
Cette! détention a eu pour but de donner satisfaction à Mus<br />
tapha ben Ismaël qui avait été insulté. Engagez le général<br />
Létang<br />
à demander à ce chef si la réparation lui paraît suffi<br />
sante et dans le cas seulement où sa réponse sera affirmative,<br />
on pourra remettre Cherchali en liberté; dans le cas con<br />
traire, le général aura Létang à vousi rendre compte de la<br />
réponse qui lui aura été faite.<br />
(1) Cappone dit Marengo (Gaspard-Joseph-Marie), né le 8 janvier 1787<br />
à Casale (Piémont). Soldat aux fusiliers chasseurs de la Garde Im<br />
périale, 2 janvier 1807; lieutenant en second aux Vélites de la Garde,<br />
69*<br />
7 mars 1810; lieutenant en 1er, 29 mars 1813; capitaine au régiment<br />
Ie'<br />
d'infanterie de ligne, 3 août 1814; licencié, août 1815; capitaine au<br />
régiment d'Angoulême, 3 août 1815; licencié, 30 septembre 1815; capi<br />
taine à la Légion Etrangère devenue Légion de Hohenlohe, 19 juin<br />
1816; capitaine à la Légion de l'Eure, devenue 14e de ligne, 2 septem<br />
bre 1820; capitaine instructeur à l'Ecole de Sàint-Cyr, 11 novembre<br />
1825; capitaine au 53e de ligne, 26 janvier 1832; chef de bataillon à la<br />
Légion Etrangère, 13 février 1833; commandant provisoirement de la<br />
Casbah d'Alger, 28 septembre 1833; du Fort-Neuf, 5 février 1834; lieu<br />
'8*<br />
tenant-colonel du d'infanterie légère, 5 avril 1837; maintenu au<br />
Fort-Neuf en restant titulaire de son emploi au 8e de léger 20 juillet<br />
1837; lieutenant-colonel du 24"<br />
d'infanterie, 18 mai 1839; nommé tem<br />
porairement en qualité d'officier en mission au commandement de la<br />
place d'Alger, 11 octobre 1840; retraité par arrêté du 26 avril 1848 —<br />
Chevalier de la Légion d'honneur, 17 mai 1813; officier, 30 août 1842;<br />
chevalier de Saint-Louis, 29 octobre 1826
-r- 47 —<br />
M. le lieutenant-colonel de la Rue a dû recevoir la lettre<br />
que vous lui avez écrite dès que vous avez eu connaissance<br />
de sa mission à Tanger (i) pour l'engager, le cas échéant,<br />
à réclamer notre bey de Médéa.<br />
Je quitte Paris ce soir. Je serai, j'espère, à Alger avant<br />
la fin du mois.<br />
— P.-S. N'ayant pas le temps d'écrire à M. le Directeur<br />
des Finances, dites-lui de m; part que je le prie de cont.i ?<br />
à s'occuper de la concession à accorder à M. Claye et h' "y<br />
division
■..f<br />
48<br />
358<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Le 10 --: ;/. 1836.<br />
Je viens de recevoir vos deux lettres du 3o juillet<br />
dernier; l'une m'annonçant que l'occupation de<br />
s'est effectuée sans coup férir,<br />
'<br />
La Calle<br />
et que les tribus environ<br />
nantes montrent les meilleures dispositions; l'autre faisant<br />
connaître qu'il ne s'est rien passé de remarquable depuis<br />
votre dernier rapport dans la province d'Algerj<br />
dé Titteri.<br />
L'occupation de La Calle est un fait important,<br />
ni dans celle<br />
mais j'ai<br />
besoin de savoir comment cet établissement est formé, s'il<br />
présente la sécurité désirable sans nuire à la défense de Bône<br />
et sans augmentation de dépense.<br />
J'apprends avec plaisir que l'anniversaire des journées de<br />
juillet a été célébré d'une manière convenable par l'armée<br />
et par la population.<br />
L'augmentation du nombre des malades dans la saison où<br />
nous sommes n'a rien qui doive surprendre; d'un autre côté,<br />
les maladies n'ont pas de caractère inquiétant lorsque les<br />
soins sont donnés à temps aux militaires qui en sont atteints.<br />
Je me repose, à cet égard, sur l'expérience que vous avez<br />
acquise depuis que vous êtes en Afrique,<br />
pour faire toutes<br />
les recommandations concernant l'hygiène et les soins à don<br />
ner aux malades, ainsi que pour faire retirer les Français des<br />
postes insalubres jusqu'au moment où il n'y aura plus rien<br />
à craindre pour leur santé.
Les 3o chasseurs, du<br />
—<br />
— 49<br />
i*<br />
régiment que vous avez établis<br />
près de Mahelma empêcheront, il faut l'espérer, les Hadjou<br />
tes de faire de nouvelles incursions dans cette direction.<br />
J'apprendrai avec plaisir que l'échange des deux femmes<br />
enlevées dans la journée du 21 juillet s'est opéré selon vos<br />
désirs.<br />
359<br />
'L'a général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 10 août 1836.<br />
Un attentat commis avec une cruauté et une perfidie<br />
inouies a été consommé à Bougie, dans la soirée du l\ août,<br />
sur la personne du chef de bataillon Salomon de Musis,<br />
commandant supérieur, et sur celle de son interprète. La<br />
nouvelle m'en a été apportée par un bâtiment du commerce<br />
nolisé à cet effet peu d'heures après l'événement qui ne m'a<br />
été connu que dans la matinée du 7. En voici les circons<br />
tances d'après le rapport qui m'a été fait par M. le chef d'es<br />
cadron Lapène,<br />
qui a pris le commandement de la place,<br />
comme étant le plus ancien des deux officiers supérieurs<br />
présents^<br />
Amiziane, cheick des tribus de Messaoud,<br />
avait demandé<br />
et obtenu une entrevue du commandant supérieur peu de<br />
jours après les affaires de juin; il avait parlé de paix et de<br />
conciliation. Il avait reçu quelques cadeaux et pour donner
—<br />
— 50<br />
des preuves de sa prétendue sincérité, avait fait envoyer par<br />
son neveu, le fils du défunt Oulid Raïbah, i4 bœufs à Bougie.<br />
Cette démarche fut fort mal vue des Kabyles, et les M'zaïa<br />
et les Fenaïa, tribus les plus puissantes de la contrée, le<br />
menacèrent d'une forte amende. Il paraît que ce misérable<br />
voulant se réconcilier avec ses coreligionnaires médita dès<br />
lors l'attentat dont j'ai l'honneur de rendre compte à Votre<br />
Excellence.<br />
Dans la matinée du k,<br />
un des cavaliers d'Amiziane se<br />
rendit auprès du commandant supérieur pour l'inviter à une<br />
entrevue avec le cheick qui déjà avait passé la So.rnmam à<br />
son embouchure et se montrait dans la plaine avec une<br />
soixantaine de cavaliers. Le commandant Salomôn relevait<br />
à peine d'une indisposition assez grave qui l'avait retenu<br />
plusieurs jours dans son lit,<br />
il lui répugnait de descendre.<br />
Il céda fatalement à la fin et engagea M. le sous-intendant<br />
militaire qui Fournier, était dans ce moment avec lui à l'ac<br />
compagner, il fit aussi appeler le caïd Médani. Son intention<br />
était de ne pas dépasser la porte de la maison crénelée, mais<br />
les Arabes ne voulurent pas venir jusque là,<br />
ce qui le déter<br />
mina à s'avancer vers une petite tour établie ces jours der<br />
niers à l'extrémité de la coupure de la plaine près du rivage<br />
de la mer.<br />
Tout cela exigea des allées et des venues,<br />
prète que de notre caïd Médani. Celui-ci, qui paraît avoir<br />
fait preuve de beaucoup de sincérité dans cette malheureuse<br />
affaire,<br />
tant de l'inter<br />
engagea plusieurs fois le commandant supérieur à<br />
ne pas avancer, lui disant que l'air et les façons des Kabyles<br />
ne lui annonçaient rien de bon. Les jours de l'infortuné<br />
commandant étaient comptés. Cependant il laisse son escorte<br />
de six chasseurs à cheval à une assez grande distance et<br />
recommande au capitaine Blangini d'embusquer sa compa<br />
gnie en arrière de la coupure, dans les broussailles adjacen<br />
tes; il s'achemine ensuite vers la tour sans nulle défiance<br />
avec l'interprète Taboni (l'un et l'autre à cheval), suivi du<br />
caïd Médani et de MM. Fournier et Blangini. Amiziane s'était
— — 51<br />
enfin approché, mais le nombre de ses cavaliers soi-disant<br />
détachés pour apporter les réponses grossissait à chaque ins<br />
tant! et formait groupe auprès de la tour et du lieu de la<br />
conférence.<br />
Celle-ci commença très bien, des salutations, des compli<br />
ments et des poignées de main furent échangées; quelques<br />
petits cadeaux furent faits, et Ainiziane, avec l'apparence de<br />
la meilleure foi, parlait de son désir* de la paix qu'arrêtait<br />
seulement la crainte des M'zaïa (langage qui lui est familier)<br />
quand le capitaine Blangini s'aperçoit que les cavaliers ara<br />
bes, sans doute après un signal donné, s'approchent peu à<br />
peu et finissent par entourer le commandant; il en fait l'ob<br />
servation et leur fait signe de s'arrêter. Il n'était plus temps<br />
Une décharge à bout portant est faite, le commandant abattu<br />
d'un coup de tromblon tiré par derrière et de plusieurs balles<br />
dans la poitrine, tombe de cheval sans vie, l'interprète<br />
Taboni est atteint est tombe de même, Médani est blessé.<br />
MM. Fournier et Blangini s'en tirent comme par miracle, et<br />
le premier est jeté à bas de son cheval et terrassé à coups<br />
de crosse.,<br />
La compagnie franche est en un clin d'oeil sur le lieu de<br />
cette horrible scène, les six chasseurs à cheval volent aussi<br />
au secours, mais les Arabes assassins étaient déjà loin, lais<br />
sant les deux cadavres sur le carreau et emmenant les deux<br />
chevaux qui s'étaient sauvés de leur côté.<br />
Quelques coups de canon tirés de la maison crénelée et du<br />
fort Rapatel portèrent juste au milieu des fuyards qui ont<br />
dû perdre du monde. Cette catastrophe pouvait causer de<br />
plus grands malheurs, l'exaspération de la garnison était à<br />
son comble. Il était à craindre qu'elle ne se portât à de san<br />
glantes représailles contre les Maures bougiotes et les Kabyles<br />
employés par le génie : la sagesse et la fermeté du nouveau<br />
commandant supérieur ont prévenu toute espèce de ven<br />
geance extra-légale. Les Maures ont été mis aux arrêts et<br />
gardés à vue dans leurs maisons, les Kabyles ont été déposés<br />
dans le fort Abd el Kader; on pourra les échanger contre les
— — 52<br />
Européens tombés entre les mains des M'zaïa par suite du<br />
naufrage de la sandale maure de Ben Aribi : événement con<br />
signé dans le rapport de Bougie sous la date du 3i juillet (i).<br />
Dès que le déplorable événement du 4 août a été porté à<br />
ma connaissance, prévoyant qu'une nouvelle agression pou<br />
vait avoir lieu, je me suis décidé à envoyer un renfort à<br />
Bougie. Le bateau à vapeur le Fulton est parti le 5 pour<br />
transporter dansv cette place 3i5 hommes du<br />
J'y<br />
n°<br />
de ligne.<br />
ai envoyé également un capitaine en second d'artillerie<br />
pour y commander cette arme sous les ordres de M. le chef<br />
d'escadron Lapène, que j'ai maintenu provisoirement dans<br />
le commandement supérieur de cette place, mesure que,<br />
dans l'intérêt du service, je prie Votre Excellence d'approu<br />
ver,<br />
cet officier supérieur étant depuis longtemps à Bougie<br />
et ayant acquis une connaissance parfaite des lieux et des<br />
hommes de cette partie de notre occupation, il était plus<br />
propre que tout autre à y commander dans les circonstances<br />
actuelles.<br />
(1) Sur cette affaire, voir Pellissier de Raynaud, Annales Africaines,<br />
t. II, p. 109 etsq.
—<br />
— 53<br />
360<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 11 août 1836.<br />
J'ai transmis à M. le Ministre de la Marine la copie de<br />
votre lettre du i5 juillet dernier, tendant à ce qu'il soit<br />
envoyé directement de Toulon à Oran des bâtiments de l'Etat<br />
pour y porter les militaires et les colis destinés aux corps<br />
stationnés dans cette partie de la Régence,<br />
et pour ramener<br />
sans passer par Alger les militaires réformés ou convales<br />
cents.<br />
M. l'amiral Duperré m'a répondu le 6 août courant qu'il<br />
ne pouvait donner suite à cette demande,<br />
attendu que tous<br />
les moyens dont la marine peut disposer sont à peine suf<br />
fisants pour assurer le service entre Toulon et Alger ainsi<br />
que celui des lignes latérales; qu'il ne lui paraît pas que<br />
cette nouvelle ligne soit nécessaire et que l'inconvénient de<br />
faire passer par Alger les bâtiments au moyen desquels Oran<br />
et les autres points de la Régence correspondent avec Toulon<br />
lui semble exagéré, les retards qui en résultent pouvant<br />
n'être que de quelques heures, si<br />
on'<br />
a le soin d'expédier les<br />
bâtiments de la correspondance latérale non pas vingt-quatre<br />
heures après l'arrivée du paquebot, mais six heures après,<br />
temps qu'il juge suffisant pour le transbordement des pas<br />
sagers et des colis, et la réception de la correspondance du<br />
gouverneur d'Alger avec Oran.<br />
M. le Ministre de la Marine me fait du reste observer qu'il<br />
n'entend parler que des communications ordinaires, car s'il
— 54<br />
s'agissait de transports considérables d'hommes et de maté<br />
riel à envoyer à Oran, il y<br />
serait pourvu par des bâtiments<br />
expédiés de Toulon pour cet objet spécial.<br />
D'après ces explications, il y aura lieu de régler, de concert<br />
avec M. le Commandant de la Marine à Alger, les disposi<br />
tions S prendre pour que, six heures après l'arrivée à Alger<br />
du paquebot venant de Toulon, le navire chargé de la corres<br />
pondance latérale puisse partir.<br />
361<br />
Le Général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Le bateau à vapeur le Fulton,<br />
à Bougie 3i5 hommes du<br />
n"<br />
Alger, le 11 août 1836.<br />
parti le 8 pour transporter<br />
de ligne,<br />
était de retour à<br />
Alger hier dans la soirée. Depuis l'assassinat du comman<br />
dant supérieur, aucun événement n'est survenu autour de<br />
cette place, il paraît même que les Kabyles,<br />
loin d'attaquer<br />
nos postes, craignent que nous ne fassions une sortie pour<br />
aller les châtier. Des nouvelles de l'intérieur annoncent<br />
qu'ils sont sur le point d'en venir aux mains entre eux et<br />
qu'Amiziane est menacé par eux de recevoir le prix de son<br />
infâme perfidie. Mais on ne peut guère ajouter foi aux rap<br />
ports des émissaires kabyles qu'on est dans la nécessité<br />
d'employer.
— — 55<br />
Les obsèques du commandant Salomon et de l'interprète<br />
tué à ses côtés ont eu lieu le vendredi 5 du courant; les hon<br />
neurs militaires ont été rendus conformément au règlement.<br />
Le chiffre des malades était de 447 au 10 de ce mois; il a<br />
été réduit par les sorties et par l'évacuation sur l'hôpital<br />
d'Alger à 367. Les maladies ont peu de gravité et cèdent<br />
aux premiers moyens curatifs.<br />
De nouveaux renseignements me sont parvenus sur le<br />
naufrage de la Sandale maure de Ben Aribi. Ils m'ont appris<br />
que quatre Européens seulement étaient à bord de cette<br />
embarcation comme passagers. Il y avait deux Français, les<br />
sieurs Bosquet et Cognet,<br />
anciens sous-employés des subsis<br />
tances (le premier a été massacré) et deux enfants espagnols,<br />
tous deux mâles, l'un âgé de 7, l'autre de 10 ans. Ce sont<br />
les fils du nommé Bénéjean, qui lui-même avait pris passage<br />
sur cette Sandale, mais qui, s'étant blessé en tombant sur la<br />
patte d'une ancre, se fit mettre à terre pour y être pansé. Le<br />
patron maure profita de son absence pour appareiller, ce<br />
qui fait penser qu'il préméditait de livrer les passagers et la<br />
la cargaison à l'ennemi.<br />
La cargaison est composée de i42 quintaux métriques<br />
d'avoine expédiés de Bougie sur Alger pour le compte du<br />
gouvernement.<br />
M. le Consul d'Espagne a écrit au chargé d'affaires à<br />
Bougie pour traiter de la rançon des deux enfants de sa<br />
nation, et, de mon côté,<br />
j'ai prescrit à M. le Commandant<br />
supérieur de s'occuper activement de l'échange de ces nau<br />
fragés et de se servir, pour arriver à une plus prompte<br />
conclusion,<br />
des Kabyjes que par précaution il a fait mettre<br />
en état d'arrestation au fort Abd el Kader.<br />
Le rapport que j'ai reçu hier de M. le Commandant supé<br />
rieur m'apprend que ce n'est pas M. le sous-intendant Four<br />
nier qui fut terrassé et frappé par les assassins du comman<br />
dant Salomon. Ces violences ont été exercées sur le capi<br />
taine Blangini qui commandait la compagnie embusquée et<br />
qui aurait été décapité si les cavaliers<br />
d'<br />
Amiziane avaient eu
— — 56<br />
le temps de mettre pied à terre. Cet officier a donné dans ce<br />
moment périlleux de nouvelles preuves de son courage et de<br />
son sang-froid. Ce sont ses cris : « A nous ! aux armes ! »<br />
qui ont fait fuir l'ennemi et ont sauvé la vie au sous-inten<br />
dant,<br />
au caïd et aux quatre domestiques qui avaient porté<br />
sur le lieu de l'attentat le café et les cadeaux distribués aux<br />
assassins. M. Blangini a été proposé trois fois pour la déco<br />
ration de la Légion d'honneur; je le recommande vivement<br />
de nouveau aux bontés de Votre Excellence.<br />
362<br />
Le général Rapatel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 12 août 1836.<br />
Dans la huitaine qui vient de s'écouler, Alger et ses envi<br />
rons n'ont rien présenté d'important. Quelques petites ban<br />
des de cavaliers rôdent toujours près de nos avant-postes ou<br />
cherchent, à enlever des bestiaux aux douars de nos amis.<br />
Le 8 courant, ils l'ont tenté à Sidi Aid,<br />
mais ont été repous<br />
sés par les indigènes eux-mêmes. Un autre groupe dans<br />
lequel on a reconnu des déserteurs de nos spahis réguliers<br />
a été rencontré le 8 aussi près du Mazafran par une recon<br />
naissance de chasseurs d'Afrique sortie de Mahelma. Pour<br />
suivis aussitôt, les cavaliers ennemis n'ont pu être atteints<br />
à cause du terrain qui favorisait leur fuite, mais un des leurs,
— — 57<br />
tombé de cheval et se sauvant à pied, a laissé entre les mains<br />
de nos chasseurs sa monture et son équipement.<br />
Les nouvelles de l'ouest portent que l'ex-agha est sorti de<br />
Miliana pour aller à la rencontre d'Abd el Kader qui vient<br />
avec l'intention de tenter une levée de boucliers contre nous<br />
dans la plaine, en y entraînant les tribus de l'Atlas, ainsi que<br />
les Hadjoutes.<br />
Ces derniers ont reçu en effet de sa part, à leur dernier<br />
marché, trois mulets chargés de poudre : Abd el Kader mani<br />
feste aussi l'intention de passer par Médéa pour aller à<br />
Sebaou y installer Ben Sidi Saadi qu'il en a nommé bey.<br />
C'est son khalifa qu'il a laissé dans la province d'Oran pour<br />
y diriger les hostilités.<br />
Dans tous les cas, l'Emir trouvera de l'opposition à ses<br />
projets dans une partie de la population de Médéa et dans<br />
'quelques tribus des environs où notre influence est encore<br />
toujours exercée par Aouioua et les chefs du parti de notre<br />
malheureux bey Mohamed.<br />
Dans l'est d'Alger, il y a encore de la tranquillité,<br />
en ee<br />
sens que les Issers, sans se faire la guerre, ont toujours quel<br />
ques démêlés avec les Amraouas et les Flissa, mais toutes les<br />
tribus, de ce côté surtout, sont travaillées par les émissaires<br />
d'Ahmed, bey de Constantine, qui leur envoie de la poudre<br />
et les exhorte à se préparer à la guerre sainte qu'il va nous<br />
faire, dit-il,<br />
de concert avec Abd el Kader. J'ai dans le pays<br />
des hommes à moi qui me tiendront au courant de tout ce<br />
qui se tramera.<br />
Un violent incendie s'est élevé dans la tribu des Beni-<br />
Moussa; le feu est venu de la montagne et a consumé en<br />
entier quatre fermes dans la plaine. Tout a été brûlé, habita<br />
tions, meules de paille, grains,<br />
etc.. Un incendie a éclaté<br />
aussi dans une impasse de la ville d'Alger et aurait pu avoir<br />
les suites les plus funestes sans les prompts secours portés<br />
avec autant de courage que de dévouement par la direction<br />
du port et des détachement du brick de l'Etat la Comète et<br />
du bateau à vapeur le Fulton.
— 58 —<br />
363<br />
Le général Rapatel au Gouverneur Général<br />
(Areh. Guerre)<br />
Alger, le 13 août 1836.<br />
A la réception de vos instructions relatives au système<br />
d'occupation que le gouvernement a adopté, j'ai réuni les<br />
chefs des services militaires et je leur ai donné connaissance<br />
des opérations préparatoires qu'ils ont à faire pour remplir<br />
vos intentions. Je leur ai ensuite donné extrait de ces ins<br />
tructions en ce qui les concerne, de même qu'à MM. les Com<br />
mandants supérieurs à Oran et à Bône. Les courriers pour<br />
ces deux villes partiront lundi i5.<br />
J'ai pris ensuite des dispositions pour commencer dès<br />
lundi prochain les travaux du camp de la Chiffa. L'ordre du<br />
jour dont j'ai l'honneur de vous adresser un exemplaire<br />
vous fera connaître d'abord les corps qui vont y être em<br />
ployés; cet ordre du jour ne sera envoyé qu'aux personnes<br />
qu'il concerne. Vous pouvez compter, Monsieur le Maréchal,<br />
sur tout mon zèle et tout mon dévouement pour faire exécu<br />
ter vos ordres et m'y conformer moi-même, mais il est de<br />
mon devoir de vous signaler les obstacles qui vont proba<br />
blement retarder les travaux et les préparatifs que vous avez<br />
ordonnés.<br />
Vous dites qu'à défaut de chevaux pour les transports, le<br />
gouvernement en autorisera l'acquisition, mais il faut pour<br />
cela que des crédits soient promptement ouverts à M. lTn-<br />
tendant militaire.
— — 59<br />
Vous comptez sur l'effectif des troupes pour occuper cha<br />
que point, tandis que plus d'un tiers manque par suite de<br />
non-valeurs.<br />
Il me semble difficile que tout soit prêt pour agir dans la<br />
province d'Alger le<br />
i*r<br />
possible pour que cela soit fait.<br />
septembre. Je ferai néanmoins mon<br />
Il me semble également difficile de former d'ici à la même<br />
époque un corps de i.5oo indigènes pour occuper Mascara.<br />
L'Intendance militaire aura-t-elle les moyens de transport<br />
nécessaires pour alimenter le camp que vous prescrivez d'éta<br />
blir à quelque distance de Tlemcen, dans la direction de<br />
Mascara. Combien d'hommes ce camp devra-t-il contenir ?<br />
Le génie a l'ordre express du Ministre de n'établir aucun<br />
camp<br />
à grands travaux sans son ordre. Le colonel Lemercier<br />
m'en a prévenu et, malgré sa bonne volonté et son dévoue<br />
ment à votre personne, il a dû prescrire de cesser les travaux<br />
du camp Clauzel, en avant de Bône.<br />
Le poste de 1.000 hommes à construire sur le Ténia sera<br />
probablement long et difficile; il faudra des fonds. Les bloc<br />
khaus sur lesquels vous comptiez sont encore en France,<br />
bien que j'ai écrit plusieurs fois au colonel du génie pour en<br />
presser l'arrivée. Il a n'y pas un seul chameau à Bône, on ne<br />
peut guère compter sur le service qu'on peut retirer des<br />
bœufs. Le 5g*<br />
ayant reçu l'avis de sa rentrée en France rie<br />
i^çoit aucun homme de son dépôt depuis longtemps et il y<br />
renvoie tous les jours du monde; il n'a reçu non plus depuis<br />
ce temps aucun effet d'habillement et de petit équipement et<br />
il en a le plus pressant besoin, particulièrement en pantalons.<br />
Il faudrait que le Ministre donnât des ordres à cet égard<br />
si ce corps doit prendre part à l'expédition.<br />
M. Blondel a donné des ordres pour les concessions à faire<br />
et la division des terrains, mais c'est un travail qui ne long<br />
sera pas achevé à votre retour.<br />
Le Ministre vient de renouveler l'ordre de faire rentrer<br />
M. Germond en France. Sa santé étant trop délabrée,<br />
il ne<br />
peut et ne veut partir. J'en rends compte au Ministre. M. Bu-
— — 60<br />
geaud est parti dans la nuit du mercredi courant. Le bateau<br />
à vapeur le Sphinx lui avait apporté sa nomination de lieu<br />
tenant général et avait été mis à sa disposition pour le<br />
transporter à Marseille.<br />
P.-S. —<br />
L'on<br />
vient de m'assurer à l'instant qu'Abd el<br />
Kader était à Mina sur le Chélif et qu'il se dirigeait sur<br />
Médéa. Sidi Ali Embareck est allé à sa rencontre.<br />
Le<br />
ier<br />
bataillon d'Afrique fournit pour l'Espagne plus de<br />
1.000 hommes; lé<br />
2"<br />
qui est à Bougie ainsi que le 3°<br />
qui est<br />
destiné pour Bône en fourniront au moins un égal nombre.<br />
Cela diminuera d'autant l'effectif de l'armée.<br />
364<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 17 août 1836.<br />
Vous m'avez transmis le 4 août courant une lettre de<br />
M. le Commandant supérieur<br />
à'<br />
Bône concernant la pro<br />
hibition de l'exportation des bestiaux de cette province.<br />
Votre lettre s'est croisée avec une dépêche en date du 2 du<br />
même mois par laquelle j'ai mandé à M. le Gouverneur<br />
général que la durée de la prohibition ne devait pas se pro<br />
longer au delà de celle des circonstances sous l'empire des<br />
quelles elle avait été ordonnée et j'avais en conséquence<br />
Chargé M. l'Intendant de l'armée d'Afrique! de réclamer la
—<br />
— 61<br />
révocation de cette prohibition aussitôt qu'il jugerait qu'elle<br />
pourrait être levée sans compromettre les intérêts du Trésor.<br />
Toutefois,<br />
je lui rappelle cette disposition en lui trans<br />
mettant copie de la lettre précitée de M. le Commandant<br />
supérieur à Bône.<br />
365<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 18 août 1836.<br />
Dans la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire<br />
le 3 août courant, vous témoignez le désir que le comman<br />
dement supérieur de Bône reste confié au colonel Duverger.<br />
J'apprécie comme vous la manière dont cet officier supérieur<br />
a rempli ses devoirs depuis qu'il exerce ce commandement,<br />
mais la décision royale qui nomme le général Trézel à cet<br />
emploi était prise lorsque votre lettre m'est parvenue. D'ail<br />
leurs, il convenait qu'il y eût un officier général pour com<br />
mander dans cette partie de la Régence et j'ai lieu d'espérer<br />
que vous n'aurez qu'à 'vous applaudir avec moi du choix<br />
qui<br />
a'<br />
été fait du général Trézel. Je suis bien persuadé qu'il<br />
ne causera du reste aucun changement à ce qui existe. La<br />
disposition que je vous annonce fait tomber la difficulté que<br />
vous trouviez dans la désignation du 47e régiment pour<br />
Bône, à cause de l'ancienneté du colonel Combes, difficulté<br />
qui ne pouvait cependant exister, l'ordonnance du 2 août
1819<br />
62 —<br />
et celle du 3 mai i832 donnant le commandement aux<br />
officiers d'état-major à égalité de grade. Au reste, j'ai pres<br />
crit d'envoyer le i f léger à Bône d'après la désignation que<br />
vous aviez précédemment faite.<br />
366<br />
Le Général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 19 août 1836.<br />
Ahmed, bey de Constantine, et Abd el Kader,<br />
l'ex-agha,<br />
assisté de<br />
continuent de chercher à remuer les tribus contre<br />
nous. Ils font annoncer leur arrivée, leurs projets de guerre,<br />
promettent et menacent tour à tour. Par mes émissaires,<br />
par leurs discours,<br />
par mes lettres dont ils sont porteurs,<br />
qu'ils font lire et circuler, je tâche de combattre cette<br />
influence ennemi. Les tribus restent indécises; quelques-unes<br />
se donneront au parti qui prendra l'initiative avec un déve<br />
loppement de forces qui promettra le succès; d'autres cher<br />
cheront à demeurer neutres et plusieurs viseront à profiter<br />
des troubles pour piller le plus faible, suivant leur habitude.<br />
De ce dernier nombre sont les Aribs de Hamza, la seule tribu<br />
de l'est qui paraisse faire des provisions pour pouvoir mar<br />
cher, ou pour son compte, ou sous la bannière de qui y<br />
gagnera le plus d'influence. Je m'occupe à établir de bonnes
— — 63<br />
relations avec Farhat ben Tadjer, chef des Hamzas,<br />
tirer parti en temps utile.<br />
afin d'en<br />
Une portion des Aribs de Hamza, toujours malveillante<br />
pour les Beni-Aïcha, a voulu tenter un coup de main sur<br />
cette dernière tribu, mais les Beni-Khalfoun, et les gens de<br />
Flissa s'y sont opposés; on est même venu aux mains et<br />
plusieurs mules et chevaux ont été pris aux Hamza. Cepen<br />
dant au bout de peu de jours ils se sont réconciliés et tout<br />
ce qui avait été pris a été restitué.<br />
Toutes ces affaires n'empêchent pas les arrivages assez<br />
abondants de l'est en blé, huile, etc.. Dans l'ouest,<br />
les ten<br />
tatives d'Abd el Kader et de l'ex-agha rencontrent un obsta<br />
cle sensible, c'est l'argent. Les tribus trouvent fort commode<br />
de ne plus payer les impôts plus ou moins réguliers que les<br />
événements n'ont pas permis à l'Emir de percevoir au fur et<br />
à mesure, et lorsque l'ex-agha a frappé à Médéa, tout récem<br />
ment encore, une nouvelle contribution, bien qu'elle tou<br />
chât principalement les Beni-M'Zabs et les Juifs, il s'est<br />
manifesté un mécontentement.<br />
Les Hadjoutes n'ont donné signe de vie qu'une fois depuis<br />
huit jours. Dans la nuit du i4 au i5, quelques cavaliers se<br />
sont aventurés jusqu'auprès de la nouvelle ville de Boufarik<br />
et ont essayé d'enlever une partie du troupeau placé non loin<br />
de là. Ils ont tiré quelques coups de fusil pour effrayer les<br />
gardiens et mettre en route les bestiaux,<br />
mais le piquet sorti<br />
aussitôt du camp ne leur a laissé que le temps de s'enfuir en<br />
toute hâte sans rien enlever. Quelques ouvriers arabes em<br />
ployés par le génie et couchés sur ce terrain,<br />
bruit et courant au hasard,<br />
coups de feu.<br />
C'est à des voleurs<br />
réveillés par le<br />
ont eu trois des leurs blessés de<br />
ordinaires et agissant même d'intelli<br />
gence avec des indigènes employés dans la maison qu'il<br />
faut attribuer le vol effectué dans la nuit du i5,<br />
dans la<br />
ferme de M. Mazère, propriétaire près de Deli-Ibrahim.<br />
L'enclos a été ouvert et 81 bestiaux enlevés. L'Arabe,, gar-
— 64 —<br />
dien du troupeau, sur lequel pèsent de graves soupçons, est<br />
entre les mains de la justice.<br />
La colonne de nos troupes que j'ai fait mettre en mouve<br />
ment le 17 pour établir un camp sur la Chiffa et placer sur<br />
sa ligne de communication des postes et blockhaus à Sidi<br />
Khalifa,<br />
Oued Lallah et Guerouaou a fait sans doute croire<br />
aux Hadjoutes que nous marchions pour une expédition<br />
chez eux ou plus loin; ils ont mis le feu à plusieurs fermes<br />
et à tout le pays du Merdja, dans l'intention probablement<br />
de détruire tous les fourrages secs qui se trouvaient sur cet<br />
espace et de nous priver de cette ressource.<br />
367<br />
Le Ministre dé la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
22 août 1836.<br />
Je vous ai fait connaître dans ma dépêche télégraphique<br />
du 7 août et dans ma lettre du 1 1 que vous ne deviez admet<br />
tre que 5oo hommes par bataillon d'infanterie légère d'Afri<br />
que pour le service de la reine d'Espagne.<br />
Par une autre dépêche du 16, je vous ai dit que je restrei<br />
gnais de recrutement aux seuls bataillons d'infanterie légère<br />
d'Afrique.<br />
Depuis, les événements survenus en Espagne ont fait<br />
modifier la mesure qui a fait l'objet de ma lettre du 18 juillet
— — 65<br />
dernier. Le gouvernement du roi s'est trouvé dans la situa<br />
tion de ne plus pouvoir envoyer en Espagne les volontaires<br />
des bataillons d'infanterie légère d'Afrique qui vous ont été<br />
demandés.<br />
J'ai donné des ordres par le télégraphe le 18 août, pour<br />
faire rétrograder sur la colonie les détachements qui auraient<br />
touché nos ports, et ceux qui se seraient trouvés en mer et<br />
j'ai fait connaître à mon aide de camp que sa mission était<br />
terminée.<br />
J'ai l'espoir qu'aucun détachement n'était encore parti des<br />
côtes d'Afrique; dans ce cas, il y aura moins d'inconvénient.<br />
S'il y en avait en mer, ils rétrograderaient sur le port d'où<br />
ils seraient partis. Donnez des ordres pour que les hommes<br />
de ces détachements, soit qu'ils aient été embarqués, soit<br />
qu'ils attendent des bâtiments pour les transporter, rentrent<br />
à leur corps. Prescrivez les dispositions nécessaires pour que<br />
cette opération ne cause aucune perturbation et que la disci<br />
pline n'en souffre aucune atteinte. Vous y parviendrez en<br />
faisant connaître aux militaires qui ont répondu à l'appel<br />
qui leur a été fait,<br />
que le gouvernement du roi les remercie<br />
du zèle qu'ils ont montré, qu'il compte sur eux, dans le cas<br />
où il devrait recourir à leur concours, qui, pour le moment,<br />
n'est pas nécessaire. Donnez des ordres en même temps pour<br />
que ces militaires n'éprouvent de la part de leurs officiers<br />
aucune rigueur par suite des demandes qu'ils ont faites pour<br />
passer en Espagne et cependant recommandez qu'ils soient<br />
observés afin de prévenir toute cause de désordre qu'ils pour<br />
raient provoquer.<br />
Je compte à cet égard sur votre vigilance et sur votre<br />
fermeté ainsi que sur celle des officiers des bataillons d'Afri<br />
que et des généraux sous les ordres desquels ils se trouvent.
— — 66<br />
368<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 22 août 1836.<br />
J'ai remarqué dans les journaux et notamment dans le<br />
Journal de Paris,<br />
une lettre adressée par Yusuf à M. Desjo-<br />
bert, membre de la Chambre des Députés, tendant à justifier<br />
sa conduite comme bey de Constantine.<br />
Vous rappellerez à Yusuf qu'en sa qualité de chef d'esca<br />
dron dans un corps de l'armée française, il est soumis aux<br />
règles de la discipline qui régissent cette armée et particu<br />
lièrement à celles qui interdisent aux officiers d'écrire dans<br />
les journaux sans l'autorisation de leurs chefs. J'ai donc été<br />
étonné qu'il se soit permis la publication dont il s'agit; vous<br />
lui en témoignerez mon mécontentement. Vous lui ferez<br />
observer en même temps que le gouvernement sait à quoi<br />
s'en tenir sur sa conduite, et que,<br />
comme il ne lui en<br />
demande pas compte, il n'a aucune raison plausible pour<br />
écrire une lettre justificative à M. Desjobert et encore moins<br />
pour la rendre publique.<br />
PS. —<br />
Ecrit<br />
de la main du Ministre : Quand je dis que<br />
le gouvernement sait sa conduite et ne lui en demande pas<br />
compte, ce n'est pas qu'il l'approuve entièrement, mais qu'il<br />
use d'indulgence à son égard,<br />
donnera plus de sujets de plaintes.<br />
espérant qu'à l'avenir il ne
67<br />
369<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 22 août 1836.<br />
Vos dépêches des 2 et 5 août donnant en copie ou par<br />
analyse la correspondance de Bône et de Bougie me sont<br />
parvenues.<br />
J'ai vu avec plaisir par ces dépêches que notre situation à<br />
Bône est toujours très favorable. Il est à croire, comme vous<br />
le dites, que le bey Ahmed renonce à ses projets d'agression,<br />
au moins pour cette année, puisqu'il a fait rentrer dans<br />
Constantine une partie du matériel de son camp.<br />
La communication faite par le cheick de Bigha à Yusuf-<br />
bey est importante si l'on peut compter sur ses offres; il<br />
fournira de nombreux auxiliaires. Les détails que vous<br />
donnez sur l'occupation de La Calle ont fixé mon attention.<br />
Vous n'aurez sans doute pas manqué de faire arrêter avec le<br />
directeur des fortifications les travaux à faire dans ce poste<br />
en vous basant sur le fonds accordé par les dépenses de cette<br />
nature, et en vous bornant à faire faire seulement ce qui est<br />
indispensable pour la sûreté de la petite garnison de ce poste.<br />
Il vous sera répondu ultérieurement relativement aux<br />
questions du droit de propriété que pourrait réclamer l'an<br />
cienne compagnie de l'établissement français de La Calle. Il<br />
vous sera répondu également quant à l'autorisation à donner<br />
ou à refuser aux Européens qui demanderaient à se fixer sur<br />
ce point.
—<br />
— 68<br />
Les déprédations que commet la bande de BeLArbi dans<br />
les environs de Bône sont déplorables et contrastent dune<br />
manière bien malheureuse avec l'état de tranquillité dont<br />
on jouit dans cette partie de l'ancienne Régence. J'approuve<br />
les mesures qui ont été prises contre les malfaiteurs et<br />
j'applaudis au résultat de l'expédition faite le 19 juillet sous<br />
le commandement du capitaine Gentil Saint-Alphonse con<br />
tre les douarS qui donnaient asile à la bande de Bel-Arbi.<br />
La conduite du cheick des Hananenchas qui a participé à<br />
cette expédition mérite des éloges. La sécurité qu'ont mon<br />
trée les douars voisins de ceux qui ont été châtiés 'est une<br />
preuve de leur confiance dans notre justice. J'ai lu avec<br />
intérêt le rapport du colonel Duverger du 25 juillet sur l'ex<br />
pédition faite le 24 par M. Allegro.<br />
Je communique à M. le Ministre des Affaires Etrangères<br />
les lettres du commandant supérieur de Bône que vous<br />
m'avez transmises et qui sont relatives à la conduite du bey<br />
de Tunis.<br />
Il est satisfaisant de voir que la tranquillité continue à<br />
régner dans les tribus qui sont à l'est d'Alger et que, d'après<br />
vos conseils, les Beni-Aïcha et les gens d'Isser sont parvenus<br />
à intimider Ben Zamoun. Le pillage dans son propre terri<br />
toire auquel s'est livré la bande de malfaiteurs hadjoutes<br />
prouverait qu'elle n'ose plus pénétrer sur les points que nous<br />
occupons ou que nous protégeons. Les chefs de Blida ayant<br />
amené les chefs des Hadjoutes à forcer les Mouzaïa de resti<br />
tuer ce qu'ils avaient pris à des habitants de cette ville reve<br />
nant d'Alger,<br />
on doit croire qu'ils seraient disposés à faire<br />
cesser le brigandage que commettraient quelques Hadjoutes,<br />
et à établir de bons rapports avec Alger. Vous n'aurez pas<br />
négligé de vous occuper des moyens d'arriver à ce résultat.<br />
Il vous sera répondu particulièrement au sujet de la<br />
demande de fourrages faite par le général Létang pour les<br />
Douaïrs et les Smélas,<br />
ainsi que pour le remplacement des<br />
effets d'habillement hors de service appartenant aux troupes<br />
de la division d'Oran. Le général Létang aura sûrement pris
des mesures pour les soins que réclament les malades de la<br />
division expéditionnaire. Je me persuade que vous vous serez<br />
empressé d'envoyer d'Alger ce qui peut être nécessaire, tant<br />
en personnel qu'en matériel.<br />
Je vous remercie des renseignements que vous me donnez<br />
sur ce qui se passe dans la province d'Oran; lorsqu'on pourra<br />
reprendre les opérations contre Abd el Kader, le résultat<br />
sera probablement la pacification de cette province. En atten<br />
dant, il importe que le général Létang<br />
agisse auprès des<br />
chefs nos alliés pour les attacher de plus en plus à notre<br />
cause et tirer par ce moyen le plus d'avantages possibles de<br />
leur concours dans les opérations ultérieures.<br />
370<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 22 août 1836.<br />
J'ai reçu les lettres que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire les io et n août courant. La première rendant<br />
compte du déplorable événement dont le commandant Salo<br />
mon de Musis a été victime dans la journée du 4 du même<br />
mois et des dispositions prises pour le chef d'escadron d'ar-<br />
tilleriei Lapène dans cette fatale circonstance pour empêcher<br />
que les troupes de la garnison se livrent à des représailles<br />
envers les Kabyles qui habitent Bougie.
— — 70<br />
La deuxième faisant connaître la conduite honorable du<br />
capitaine Blangini au moment où le commandant supérieur<br />
est tombé sous les coups des assassins, le chiffre des malades<br />
à Bougie et donne de nouveaux détails sur le naufrage de la<br />
sandale maure de Ben Aribi.<br />
Le guet-apens dont vous me rendez compte nécessite un<br />
châtiment exemplaire : vous devez demander que les auteurs<br />
soient livrés, et si les chefs des tribus voisines de Bougie s'y<br />
refusaient, il y aurait lieu, en envoyant momentanément un<br />
renfort dans cette place, de tirer une vengeance quelconque,<br />
soit même de brûler quelque camp de Kabyles, qui se sont<br />
constamment montrés nos ennemis. J'approuve l'envoi du<br />
renfort que vous avez dirigé sur Bougie,<br />
ainsi que le rem<br />
placement provisoire du commandant Salomon de Musis par<br />
le chef d'escadron d'artillerie Lapène. J'applaudis à la fer<br />
meté de cet officier supérieur et aux mesures sages qu'il a<br />
prises pour calmer l'exaspération naturelle de la garnison<br />
et la contenir.<br />
Le renfort que vous avez envoyé à Bougie remplace à point<br />
les malades : ainsi pour venger l'atroce perfidie d'Amiziane,<br />
il est indispensable que vous envoyiez un nouveau renfort<br />
dans cette place.<br />
La conduite du capitaine Blangini mérite des éloges; il<br />
vons sera répondu aux propositions faites en sa faveur.<br />
Quoique l'état sanitaire de la garnison ne donne pas d'in<br />
quiétude,<br />
il faut néanmoins que vous prescriviez toutes les<br />
précautions nécessaires pour le rétablissement des malades<br />
et pour maintenir les troupes en santé. Je me persuade que<br />
vous ne négligerez rien pour atteindre ce but.<br />
Il vous sera écrit en ce qui concerne l'échange des nau<br />
fragés espagnols.
— — 71<br />
371<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 23 août 1836.<br />
Le bateau à vapeur Le Brasier est arrivé aujourd'hui d'Oran<br />
apportant la correspondance de cette ville jusqu'au ao du<br />
courant.<br />
M. le général Létang est sorti le 16 à la tête d'une colonne<br />
expéditionnaire dont il ne donne ni la force ni la composi<br />
tion,<br />
afin d'empêcher Abd el Kader d'inquiéter sérieusement<br />
nos postes et de réunir de nouveau tous ses partisans. Cette<br />
démonstration a aussi pour objet de maintenir dans la neu<br />
tralité les tribus vacillantes qui seraient tentées de reprendre<br />
les armes. Les événements survenus à Arzew, l'interruption<br />
des communications avec Tlemcen,<br />
les attaques dirigées sur<br />
le camp de la Tafna et dont les détails sont plus bas rendaient<br />
cette sortie nécessaire.<br />
Deux lettres écrites par M. le général Létang les 18 et 19<br />
à M. le colonel Barthélémy, commandant par intérim, don<br />
nent connaissance de ses opérations depuis le 16.<br />
Ce jour-là, il coucha au Figuier, le lendemain il se propo<br />
mais le vent du<br />
sait d'aller bivouaquer aux sources de Tlétat,<br />
désert soufflait si brûlant et si intense qu'il fut obligé de faire<br />
halte et de passer la nuit à deux lieues du Figuier.<br />
Dans la marche, l'avant-garde atteignit un parti de Gara-<br />
bas, leur tua deux hommes, et en prit deux autres ainsi que<br />
deux chevaux. Le 18, il campa sur les bords de Tlélat, près<br />
de sa source; il apprit que l'Emir avait fait courir le bruit
— 72 —<br />
qu'il avait traité de la paix avec les Français. A la faveur de<br />
cette imposture, il a réuni assez de monde et se fait payer<br />
un tribut en bestiaux,<br />
rachat des prisonniers.<br />
sous le prétexte de l'employer au<br />
17e<br />
Dans cette journée, un soldat du léger, n'en pouvant<br />
plus de chaleur et de fatigue, s'est fait sauter la cervelle. Il<br />
était resté beaucoup 1 d'hommes en arrière,<br />
rejoint dans l'après-midi.<br />
Le 19 dans la matinée,<br />
il laissa la<br />
2"<br />
mais tous ont<br />
brigade en position<br />
et se mit en mouvement avec la première pour faire une<br />
pointe chez les Beni-Amer. A 7 heures, l'avant-garde ren<br />
contra des cavaliers Garabas qu'elle dispersa. Les Beni-Amer,<br />
à la vue de nos troupes, se retirèrent aussi en tiraillant,<br />
mais on marcha jusqu'à ce qu'on eût découvert leurs silos<br />
qui furent livrés à nos auxiliaires; ils, s'y sont chargés de<br />
grains. Tous nos chevaux auront aussi en rentrant pour qua<br />
tre jours d'orge. Les troupeaux n'ont pu être surpris, mais<br />
l'ennemi a eu deux hommes tués et trois chevaux lui ont<br />
été pris.<br />
Une députation des Sidi Ghranem amenant des bœufs et<br />
des moutons s'est présentée à M. le général Létang qui l'a<br />
fait diriger sur le camp de la<br />
2"<br />
brigade où les bestiaux<br />
seront achetés par les soins de M. le Sous-Intendant militaire.<br />
Les chefs des Ouled Ali et des Sidi Ghranem se sont aussi<br />
rendus près du général qui leur a enjoint de l'accompagner<br />
dans les autres excursions qu'il voulait faire,<br />
sous peine de<br />
voir enlever le lendemain une autre partie de leurs grains.<br />
Les troupes ont éprouvé moins de fatigue;<br />
soldat de la<br />
se suicider.<br />
2"<br />
cependant un<br />
brigade s'est horriblement mutilé en voulant<br />
M. le général Létang se propose de pivoter autour d'Oran,<br />
de l'ouest à l'est,<br />
sans s'éloigner à plus de deux ou '<br />
trois<br />
journées de la place, afin de pouvoir y rentrer promptement<br />
si les circonstances l'exigeaient. Il espère que ses marches<br />
dans différentes directions pourront faire débloquer Tlemcen<br />
dont on n'a pas de nouvelles depuis le 29 juillet, date à
— — 73<br />
laquelle M. le capitaine Cavaignac a écrit une lettre dont<br />
copie est ci-jointe,<br />
Il pense aussi que les Kabyles du voisinage de la Tafna<br />
deviendront moins hostiles,<br />
ou du moins cesseront leurs<br />
attaques qu'ils ont recommencées dans les derniers jours du<br />
mois passé. Le 28, lis amenèrent 8 boeufs qui leur furent<br />
achetés; ils promirent d'en amener d'autres et de fournir le<br />
camp de toutes sortes de denrées. Le lendemain, plusieurs<br />
cavaliers tentèrent inutilement de surprendre les travailleurs<br />
de la carrière. Ils ne purent faire aucun mal à cause de leur<br />
petit nombre, cependant un détachement du<br />
24"<br />
de ligne qui<br />
se trouvait dans la plaine fut saisi d'une terreur panique<br />
et se sauva; deux soldats jetèrent leurs armes,<br />
perdu,<br />
un fusil fut<br />
l'autre fut ramassé par l'officier qui commandait le<br />
détachement. Un caporal qui, par son exemple, avait entraîné<br />
la fuite de ses camarades, devant trois cavaliers seulement,<br />
a été cassé; la lâcheté des deux soldats a été punie de huit<br />
jours de prison, mais j'ai rappelé à M. le général Létang<br />
qu'ils devaient être traduits devant un conseil de guerre,<br />
pour qu'il leur soit fait application de la peine portée par<br />
le code pénal militaire.<br />
Le 2 août, les Kabyles amenèrent 17 bœufs qu'on n'acheta<br />
pas. Le 3,<br />
travailleurs,<br />
en bon ordre.<br />
un rassemblement assez nombreux attaque nos<br />
mais ils étaient sur leurs gardes et se replièrent<br />
Trois compagnies sorties du camp<br />
protégèrent leur<br />
retraite; ils étaient suivis assez vivement par les Kabyles<br />
dont le nombre s'accroissait et qui montèrent jusque sur les<br />
hauteurs où s'élèvent nos ouvrages; ils furent alors vigou<br />
reusement chargés et rejetés très loin.<br />
On dit, d'après le rapport d'un Arabe qui vint au camp<br />
deux jours après, pour y vendre un qu'ils ont perdu<br />
cheval,<br />
dans cet engagement treize hommes tués et qu'ils en ont<br />
eu dix-huit de blessés. De notre côté, il y a eu un mort et<br />
huit blessés.
— — 74<br />
Des groupes considérables de Kabyles débouchèrent dans<br />
l'après-midi du 6 des vallées qui avoisinent le camp, mais ils<br />
se retirèrent sans avoir rien entrepris. On pense qu'ils vou<br />
laient tenter un coup de main, mais qu'ils manquèrent de<br />
résolution en remarquant la vigilance et la bonne conte<br />
nance de nos troupes.<br />
Le n, cinq chasseurs envoyés en reconnaissance tombè<br />
rent au milieu d'un parti de cavaliers. Malgré la promptitude<br />
avec laquelle ils furent secourus, quatre d'entr'eux ont été<br />
blessés, deux sont morts au bout de quelques heures. Un che<br />
val a été tué et trois ont été pris. Un cavalier ennemi resta<br />
sur le champ de bataille.<br />
M. le général Létang avait donné l'ordre de faire rentrer<br />
à Oran le petit détachement de chasseurs laissé au camp de<br />
la. Tafna et qui ne pouvait y être d'aucune utilité. Si cet<br />
ordre avait été exécuté en entier, l'imprudente reconnais<br />
sance du<br />
11°<br />
n'aurait pas eu lieu. M. le chef de bataillon du<br />
génie Perreau en a été blâmé,<br />
et il a reçu des instructions<br />
précises sur les mesures qu'il doit prendre pour garantir ses<br />
détachements et ses corvées contre les surprises et les embus<br />
cades de l'ennemi. Au surplus, les travaux du camp de la<br />
Tafna étant très avancés, cet officier supérieur pourra ren<br />
trer à Oran pour y reprendre la direction de son service et<br />
un lieutenant-colonel d'infanterie le remplacera dans le com<br />
mandement du camp dont la garnison sera peu à peu réduite<br />
au nombre d'hommes nécessaire pour la garde et pour la<br />
défense des ouvrages.<br />
Sur tous les points, c'est à une imprudence incurable qu'il<br />
faut attribuer les événements malheureux, qu'aucune recom.<br />
mandation,<br />
qu'aucune précaution de l'autorité ne peut pré<br />
venir. Une nouvelle et triste preuve de cette assertion vient<br />
d'être donnée à Arzew il y a peu de jours.<br />
Le 1 1 août, le commandant du stationnaire descendit avec<br />
quarante hommes pour ramasser les boulets qui avaient<br />
porté jusqu'à terre dans un récent exercice à feu. Il paraît<br />
aussi que les officiers avaient des projets de chasse. Le capi-
taine Glachant du<br />
ier<br />
— — 75<br />
bataillon d'Afrique se joignit avec<br />
quelques hommes aux marins du stationnaire et tous ensem<br />
ble s'avancèrent à quelque distance des ouvrages. M. Rolland<br />
de Chabert, commandant du stationnaire, un autre officier<br />
qu'on a su depuis être M. Defrance, le chirurgien du bord,<br />
le fourrier et un matelot, s'éloignèrent du gros de la troupe<br />
et passèrent un large ravin, dans lequel des Arabes étaient<br />
embusqués. Les cinq, imprudents chasseurs furent aussitôt<br />
enveloppés, et malgré le prompt secours qu'on leur porta, on<br />
ne put dégager que le commandant, le chirurgien et le four<br />
rier. Ce dernier est mort en rentrant, les deux autres sont<br />
grièvement blessés. M. Defrance et le matelot paraissent avoir<br />
été conduits vivants à Abd el Kader. L'officier a été vu à<br />
Mascara,<br />
et un marabout a assuré qu'il était traité avec beau<br />
coup de soin et qu'Abd el Kader le faisait passer pour le com<br />
mandant d'<br />
Arzew.<br />
Le capitaine Glanchant qui commandait à Arzew a été<br />
réprimandé et puni pour avoir permis que ces marins s'écar<br />
tassent de la place. Un officier et six hommes y ont été<br />
envoyés pour remplacer les malades.<br />
S'il y a lieu, M. le général Létang dirigera sur ce point un<br />
renfort plus considérable.<br />
Déjà le 3o juillet, le troupeau fut attaqué par une cin<br />
quantaine d'Arabes que la garde repoussa, mais elle perdit<br />
un homme qui mourut de ses blessures. Depuis, ce jour,<br />
n'ont pas cessé de rôder autour de ce poste des groupes<br />
d'Arabes,<br />
sans oser l'attaquer.<br />
qui ont à plusieurs reprises menacé le troupeau<br />
Ce sont ces dispositions des indigènes et les menées d'Abd<br />
el Kader qui ont déterminé M. le général Lftang à se mettre<br />
en campagne. Dans une lettre dont je joins ici un extrait, il<br />
me rend compte de l'effet moral produit par la mission de<br />
M. le capitaine Chasseloup-Laubat, mission qui,<br />
contre-ordres de Votre Excellence,<br />
malgré les<br />
a eu un commencement<br />
faute de bâti<br />
d'exécution, attendu qu'il n'a pas été possible,<br />
de faire parvenir à Oran la dépêche télégraphique du<br />
ments,
17<br />
— — 76<br />
août : elle n'aurait pu d'ailleurs empêcher le départ des<br />
5oo hommes embarqués le i5 sur la Caravane qui a fait<br />
voile sur Port-Vendres le même jour.<br />
Le 66e<br />
de ligne est parti les 5 et 8 de ce mois sur les gabar-<br />
res la Darance et l'Egérie.<br />
M. le général Létang<br />
Mostaganem,<br />
mander de réparer.<br />
ne me donne aucune nouvelle de<br />
c'est sans doute un oubli que je vais lui recom<br />
Au moment du départ du bateau à vapeur le Brasier, tout<br />
était tranquille à Oran et autour des postes extérieurs; le ser<br />
vice s'y fait avec régularité et vigilance.<br />
Dans la journée du 19, ce qui n'avait pas lieu depuis plu<br />
sieurs semaines, les Arabes ont amené 19 bœufs et apporté<br />
quelques charges de garins. Ils en annoncent d'autres.
77<br />
372<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 26 août 1836.<br />
Le manque de bâtiments avait empêché de correspondre<br />
avec Bône aussi exactement que cela aurait été désirable, et<br />
il a fallu attendre pendant une semaine que les réparations<br />
à faire au bateau à vapeur le Ramier fussent terminées pour<br />
l'envoyer sur ce point d'où il est revenu hier dans la soirée.<br />
Les nouvelles qu'il a apportées sont des plus satisfaisantes.<br />
La tribu kabyle des Beni-Morné, placée dans les montagnes<br />
au delà de Guelma, est venue faire sa soumission au bey qui<br />
a aussi reçu la visite de plusieurs chefs puissants, entre autres<br />
ceux des Nememchas, des Ouled Kriars et des Beni-Babar.<br />
Ils se sont engagés à prendre parti pour nous dès que nous<br />
marcherons sur Constantine.<br />
L'événement le plus important survenu dans l'intervalle<br />
des deux courriers a été la mort du brigand Bel Arbi qui<br />
depuis quatre ans désolait les environs de Bône. Le 9<br />
de ce<br />
mois, à une heure après-midi, le commandant supérieur fut<br />
prévenu par le cheick Kermiche que Bel Arbi accompagné<br />
d'un de ses complices était dans la montagne à trois-quarts<br />
de lieue de) la ville, qu'il les avait fait cerner et qu'il atten<br />
dait du secours, vu que ces scélérats lui avaient déjà tué<br />
deux hommes. Le commandant supérieur fît aussitôt partir<br />
la gendarmerie et un détachement d'infanterie et de cava<br />
lerie sous les ordres du chef de bataillon Boussogne. Bel<br />
Arbi apercevant les Français voulut fuir, mais une décharge
— — 78<br />
faite par les Arabes le renversa;<br />
il fut atteint de trois balles<br />
et nos auxiliaires lui tranchèrent aussitôt la tête. Son com<br />
plice a été pris les armes à la main et traduit devant un<br />
conseil de guerre. Bel Arbi était un homme de trente ans<br />
qui pouvait commettre encore beaucoup d'attentats,<br />
attribue la mort de plus de 4o; Européens.<br />
on lui<br />
Une somme de mille francs avait été promise par M. le gé<br />
néral d'Uzer à ceux qui lui livreraient ce chef de bande.<br />
M. le colonel Duverger a donné 3oo francs d'acompte, le<br />
surplus lui est réclamé et je crois qu'il serait d'une bonne<br />
politique de l'autoriser à tenir la promesse faite par son pré<br />
décesseur.<br />
Le commandant supérieur a visité l'établissement de La<br />
Calle,<br />
il l'a trouvé bien tenu. Une caronade qu'il avait fait<br />
mettre à bord du bateau à vapeur le Ramier sur lequel il<br />
s'était embarqué a été placée à gauche de la porte de la ville.<br />
Plusieurs coups à poudre ont été tirés pour annoncer aux<br />
Arabes qu'il y a du canon pour défendre ce poste.<br />
Le cheick de La Calle et les cavaliers de son escorte, au<br />
ont paru très satisfaits de voir les<br />
nombre de cinquante,<br />
Français maîtres du point où naguère ils entretenaient des<br />
relations de commerce avantageuses aux indigènes. Mais le<br />
commandant supérieur prévoit que nous aurons à lutter<br />
contre la jalousie et les prétentions des Tunisiens qui pré<br />
tendent que les frontières de leur Régence s'étendent jus<br />
qu'au ravin qui sépare une des extrémités de la ville de sa<br />
partie principale. Le territoire de Tunis ne devrait pas s'éten<br />
dre au delà du cap Roux, point qui avait été fixé comme<br />
limite lors du traité de 1827 qui avait tracé la ligne de démar<br />
cation des deux Etats. Il est important que cette question<br />
soit décidée,<br />
mais en attendant que le gouvernement du roi<br />
ait pu faire connaître ses intentions, M. le Consul de France<br />
à Tunis a été invité à protester contre les empiétements des<br />
Tunisiens. Il a été également prié de faire des représenta<br />
tions au bey,<br />
au sujet d'un bateau corailleur sarde qui a été<br />
pillé à Tabarque, attendu que nous devons protection aux
— 79 —<br />
Européens qui se livrent à la pêche du corail et nous paient<br />
un droit pour exercer cette industrie.<br />
Plusieurs employés et fonctionnaires, entre autres M. Re<br />
naud Lebon, procureur du roi, ont été à La Calle par terre,<br />
et n'ont eu qu'à se louer dans leur voyage de l'accueil qui<br />
leur a été fait et de l'hospitalité qu'ils ont reçue dans les<br />
tribus.<br />
Partis le 3 de ce mois du camp Clauzel, ils arrivèrent le 4<br />
à La Calle, après avoir couché chez les Ouled Dieb. Le 6,<br />
ils étaient de retour à Bône après avoir parcouru n5 lieues<br />
environ d'un beau pays, boisé, cultivé et arrosé par des<br />
ruisseaux dont l'eau est excellente. M. le Commandant supé<br />
rieur ne s'est point opposé au voyage de ces messieurs, parce<br />
qu'il était persuadé qu'ils n'avaient aucun danger à courir et<br />
qu'il en résulterait une preuve irréfragable de la tranquillité<br />
du pays.<br />
Le 17 de ce mois, le cheick des Beni-Kaïd fit demander<br />
main-forte au bey<br />
Yusuf pour saisir plusieurs mutins qui<br />
agitaient la tribu. M. Allegro fut chargé de cette mission<br />
qu'il remplit avec son zèle et son intelligence accoutumés.<br />
Il s'empara des deux principaux meneurs, qu'il remit entre<br />
les mains du qui bey les tient en prison : 20 ou 3o bestiaux<br />
qui avaient été pris ainsi que deux chevaux ont été rendus<br />
aux propriétaires qui les ont réclamés. Des émissaires du<br />
commandant supérieur lui ont affirmé qu'Ahmed-bey est<br />
sorti de Constantine avec son camp le 1 5 ou le 16 de ce mois;<br />
ils disent! qu'il s'est établi à 7 ou 8 lieues de la ville sur<br />
l'Oued Zenati. On ne lui suppose d'autre projet que celui de<br />
faire rentrer les contributions.<br />
Malgré les fortes chaleurs de la saison,<br />
la santé des troupes<br />
n'est point altérée. Le chiffre des malades pendant ce mois<br />
n'a pas dépassé 3oo; le 22, il n'y avait que 207<br />
les hôpitaux.<br />
hommes dans
80 —<br />
373<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, 26 août 1836.<br />
Je réponds à votre lettre du 4 août par laquelle vous m'in<br />
formez de l'arrivée à Alger du général Bugeaud; des doutes<br />
que vous avez sur la durée de la mission de cet officier géné<br />
ral et sur les dispositions arrêtées pour le commandement de<br />
la province d'Oran, et vous établissez que les forces à entre<br />
tenir dans cette province doivent être calculées de manière<br />
à avoir une colonne expéditionnaire de 5.ooo hommes.<br />
La mission du général, Bugeaud n'était que temporaire;<br />
dès le 3 août, je lui avais expédié par le télégraphe l'ordre de<br />
rentrer en France et il y est arrivé depuis le i4- Vous devez<br />
donc savoir maintenant à quoi vous en tenir au sujet du<br />
commandement de la division d'Oran.<br />
Quant aux forces à entretenir dans cette province, elles<br />
ont été fixées de manière que le général commandant<br />
puisse mettre 5.ooo hommes en campagne quand il le jugera<br />
nécessaire. Il est vrai que les bataillons du 66e<br />
France et que le<br />
17"<br />
rentrent en<br />
léger doit aller relever à Bône le 59° qui<br />
a également l'ordre de rentrer, mais en vous prescrivant ces<br />
dispositions, je vous ai fait connaître que j'envoyais en<br />
Afrique le 3°<br />
sauf deux compagnies de chacun des<br />
2e<br />
et<br />
17e<br />
bataillon,<br />
d'infanterie légère, 11e, 23e, 24°, 47°, 62e et 63° régi<br />
ments de ligne et qu'en outre je faisais partir les détache<br />
ments fournis par les régiments des garnisons de France<br />
pour compléter à 2.700 hommes chacun ceux qui font partie
du corps d'occupation,<br />
3°<br />
— 81 —<br />
bataillon d'infanterie légère d'Afrique,<br />
et enfin que je vous renvoyais le<br />
qui est en Corse.<br />
Ainsi,, lorsque tojutes ces mesures seront exécutées, vpus<br />
aurez sur tous les points occupés de la Régence des forces<br />
suffisantes pour les opérations qui devront être entreprises.<br />
En ce qui concerne le recrutement de la Légion étrangère,<br />
vous aurez lu avant de recevoir -<br />
cette lettre que vous ne<br />
devez envoyer personne ni des bataillons d'infanterie légère<br />
d'Afrique, ni des autres corps., Je vous écrirai spécialement,<br />
relativement au service de l'artillerie de montagne, et à la<br />
remonte du<br />
2e<br />
régiment de chasseurs d'Afrique.<br />
374<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 26 août 1836.<br />
Les rapports de M. le Commandant supérieur dé Bougie<br />
jusqu'au 24 de ce mois1<br />
ne mentionnent aucun événement<br />
important. Les Kabyles n'ont fait aucune tentative contre<br />
nos postes, ils paraissent au contraire craindre que nous<br />
n'allions chez eux venger l'assassinat du commandant Salo<br />
mon.<br />
Quelques relations se sont renouées entre le commandant<br />
supérieur et les cheicks des tribus des Beni-Mimoun et de<br />
Bou Messaaud.
— — 82<br />
Abderahman dépouillé par Amiziane et qui lui a voué une<br />
haine implacable s'est rendu à Bougie où il a longuement<br />
conféré avec M. le Commandant supérieur sur les moyens<br />
d'exterminer son ennemi. Ce cheick des Bou Messaoud a fait<br />
là une démarche très significative, et bien qu'il soit animé<br />
par la soif de la vengeance plutôt que par le désir de nous<br />
être utile, il sera possible d'en tirer parti.<br />
Les Kabyles mis en arrestation au moment de l'assassinat<br />
du commandant Salomon ont été mis en liberté comme<br />
appartenant à des tribus éloignées de Bougie qui n'ont<br />
jamais pris part aux hostilités dirigées contre cette place. Il<br />
n'en a été retenu que quatre qui pourront faciliter l'échange<br />
ou le rachat des enfants espagnols tombés entre les mains des<br />
M'zaï'a par le naufrage de la sandale maure de Ben Arib. Il<br />
paraît être malheureusement certain que les deux Français<br />
qui se trouvaient sur cette embarcation ont subi le même<br />
sort, c'est-à-dire qu'ils ont eu la tête tranchée.<br />
Le commandant supérieur rend compte en ces termes<br />
d'un événement assez grave survenu dans la nuit du 12 au<br />
i3 août. (( Le concierge de la prison militaire, homme probe<br />
« et résolu, faisant sa ronde à n heures du soir dans la<br />
< prison militaire, a dû se défendre contre quatre prison-<br />
ce niers qui ont attenté à ses jours : il était armé d'un poi-<br />
« gnard. Le plus furieux des quatre, Sicardet, ayant persisté<br />
« dans sa rébellion et ses voies de fait, bien que prévenu à<br />
« plusieurs reprises de ne pas avancer, reçut une blessure<br />
« peu grave en apparence, mais qui était mortelle; porté de<br />
« suite à l'hôpital, cet homme y mourut en arrivant ». Le<br />
commandant supérieur, en m'informant de cet événement,<br />
me fait connaître qu'il avait d'abord suspendu le concierge<br />
de ses fonctions, mais que, d'après les rapports qui lui ont<br />
été faits, il a cru devoir faire cesser cette suspension.<br />
Je lui donne l'ordre de faire traduire cet homme devant<br />
un conseil de guerre pour qu'une enquête judiciaire vienne<br />
mettre au grand jour toutes les circonstances de cette affaire.
— — 83<br />
Quoique la chaleur ait été très forte pendant tout ce mois<br />
et que le vent du désert ait soufflé avec une violence extrême,<br />
le nombre des malades n'a pas augmenté d'une manière<br />
sensible; le 24, il y en avait 433 à l'hôpital. On s'étudie à<br />
ménager la santé du soldat, à alléger autant que possible les<br />
travaux et le service, et le peu de gravité des maladies atteste<br />
que les précautions qu'on prend ne sont pas sans résultat.<br />
La dépêche télégraphique du 17 août, par laquelle vous<br />
m'annoncez, Monsieur le Maréchal, que je dois suspendre<br />
l'opération relative au recrutement de la légion étrangère<br />
et faire rentrer à leurs compagnies les militaires qui se<br />
seraient présentés pour recevoir cette destination, m'a décidé<br />
à faire rentrer à Alger le détachement du<br />
j'avais envoyé à Bougie dans la prévision que le<br />
11°<br />
de ligne que<br />
28<br />
bataillon<br />
d'Afrique perdrait au moins un tiers de son effectif et ne<br />
serait plus assez fort pour garder et défendre la place.<br />
Cette perte ne devant pas avoir lieu,<br />
ce bataillon est plus<br />
que suffisant pour le service qui lui est confié, et il importait<br />
dès lors de rappeler à Alger des troupes dont l'absence se<br />
faisait sentir depuis que nous avons entrepris les travaux qui<br />
doivent nous asseoir sur la Chiffa.<br />
Le bateau à vapeur le Castor, parti pour Bougie le 24, en<br />
est revenu aujourd'hui ayant à son bord le détachement du<br />
11e<br />
de ligne. M. le Commandant supérieur de Bougie m'a<br />
adressé un mémoire de proposition pour l'admission dans<br />
l'ordre royal de la Légion d'honneur de M. le capitaine Blan<br />
gini, du<br />
2e<br />
bataillon d'Afrique, qui,<br />
par sa présence d'esprit<br />
et son courage a sauvé les personnes qui avaient accompagné<br />
M. Salomon de Musis sur le lieu où il a été assassiné. C'est<br />
la quatrième demande faite en faveur de cet officier, qui<br />
mérite à tous égards, et surtout pour sa bravoure, la récom<br />
pense sollicitée pour lui; tous les militaires qui le connais<br />
sent la lui verront accorder avec sachant que nul ne<br />
plaisir,<br />
l'a mieux gagnée. C'est donc avec confiance que je viens<br />
appeler la justice et la bonté de Votre Excellence sur un<br />
officier qui s'en est rendu digne.
— 84<br />
375<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 30 août 1836.<br />
Au moment où vous vous disposiez à retourner en Afrique.<br />
il était question de vous appeler au Conseil des Ministres<br />
pour y discuter en Votre présence le plan définitif à adopter<br />
pour l'occupation de la Régence d'Alger. Vous êtes parti<br />
avant que le conseil ait pu se livrer à ce travail; il s'en est<br />
occupé depuis et il allait enfin arrêter les bases des instruc<br />
tions à vous adresser quand sa dissolution est survenue, (i).<br />
Cépféhdant, sur de simples entretiens,<br />
sur des communi<br />
cations verbales avec quelques-uns dès membres du cabinet,<br />
Vous avez jugé que le gouvernement était décidé à addpter<br />
Vos propositions, quant aux forces à entretenir en Afrique,<br />
à leur répartition et à leur emploi et vous vous êtes cru suffi<br />
samment autorisé à deVahcer les instructions qui vous étaient<br />
annoncées. Sans les attendre et sans m'en prévenir, vous avez<br />
donné au général Rapatel, par une lettre du 2 de ce mois<br />
dont vous m'àVez remis une copie au moment de votre départ<br />
des ordres qui non seulement n'avaient pas encore reçu la<br />
(1) Le cabinet Thiers, au pouvoir depuis le 22 février 1836, remit le<br />
25 août suivant sa démission au roi, celui-ci ayant refusé d'approuver<br />
la politique, d'intervention en Espagne proposée par le premier mi<br />
nistre. Il fut remplacé le 6 septembre 1836 par le premier ministère<br />
Mole. Le lieutëhant-général baron Bernard remplaça à la Guerre le<br />
maréchal Maison et détint ce portefeuille jusqu'à la chute du second<br />
ministère Mole (31 mars 1839).
— — 85<br />
sanction définitive du gouvernement, mais qui s'écartent<br />
même en quelques points du plan que, sur votre demande,<br />
il était disposé à approuver. Enfin j'apprends par un ordre<br />
du jour du général Rapatel et par la correspondance officielle<br />
venant d'Afrique que ces ordres ont déjà reçu un commen<br />
cement d'exécution.<br />
Je reconnais que c'est dans l'unique but d'être plus tôt<br />
en mesure de commencer vos opérations, dès que le moment<br />
en serait venu, que vous avez cru devoir prendre les devants.<br />
Toutefois, il eût été plus convenable et plus sûr d'attendre<br />
des instructions positives sur des mesures qui n'étaient pas<br />
encore définitivement résolues et qui, en tout cas, avaient<br />
besoin d'une direction et d'un concours qui vous échappent<br />
aujourd'hui. Vous sentez que, dans les circonstances présen<br />
tes,<br />
il n'appartient plus au cabinet actuel de prendre l'initia<br />
tive pour la réalisation d'un système dont il n'a pas lui-même<br />
arrêté les bases et de s'avancer dans une route où il pourrait<br />
ne pas être suivi par le cabinet qui lui succédera. C'est aux<br />
nouveaux ministres de Sa Majesté que doit être réservée la<br />
décision à prendre. Jusque là, il importe de ne rien engager,<br />
de ne rien compromettre; il faut donc yous renfermer dans<br />
les limites de l'occupation actuelle, dans celles dé l'effectif<br />
dont vous disposez,<br />
dans celles des crédits législatifs ou au<br />
moins des dépenses qui résultent des dispositions déjà pres<br />
crites ou approuvées régulièrement. Je dois vous déclarer<br />
positivement que je décline d'avance la responsabilité ,d,es<br />
actes qui s'écarteraient de ces limites; mais je pense en<br />
même temps que yous vous en abstiendrez soigneusement<br />
dans vos propres intérêts et que vous vous empresserez de<br />
donner des ordres en conséquence en attendant les instruc<br />
tions du nouveau cabinet.
86 —<br />
376<br />
Le Ministre de la Guerre au général Rapatel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 30 août 1836.<br />
J'ai reçu vos lettres des 12 et 19 de ce mois, dans lesquelles<br />
vous me rendez compte de votre situation à Alger et dans<br />
environs,<br />
bey.<br />
ainsi que des menées d'Abd el Kader et d'Ahmed-<br />
J'approuve les dispositions que vous avez faites pour com<br />
battre l'influence que ces deux chefs cherchent à prendre sur<br />
les tribus dans les beylicks de Titteri et de Constantine. Vous<br />
n'aurez sans doute pas manqué de répandre partout que vous<br />
êtes en mesure de protéger efficacement les Arabes qui vous<br />
resteront fidèles et de détruire tout rassemblement qui sera<br />
dirigé sur les points que nous occupons dans la Régence.<br />
La défaite récente d'Abd el Kader dans la province d'Oran<br />
doit être pour les indigènes la preuve que nous sommes les<br />
plus forts et que nous voulons être les maîtres dans! le pays.<br />
Annoncez leur la prochaine arrivée des renforts qui vous<br />
sont envoyés, et tenez- vous prêt à repousser vigoureusement<br />
les attaques qui pourraient être dirigées contre vous.
— — 87<br />
377<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger, le 31 août 1836.<br />
Je suis arrivé à Alger le 29. Ayant été fatigué par la tra<br />
versée, j'ai été obligé de garder le lit. M. le général Rapatel<br />
a donc été chargé par moi de continuer à correspondre avec<br />
vous pour cette fois encore, c'est le sujet (2)<br />
aujourd'hui pour France que portera le courrier.<br />
que j'expédie<br />
Je vais bien aujourd'hui et j'espère demain ou le jour<br />
suivant pouvoir rentrer dans l'exercice de mes fonctions.<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
(2) Sic.
88<br />
378<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
La place de Mostaganem,<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 2 septembre 1836.<br />
quoique située par sa distance<br />
et sa position géographique dans le cercle d'action de la gar<br />
nison d'Oran,<br />
se trouve réduite à ses seules forces et aux<br />
incertaines ressources des transports maritimes par suite de<br />
circonstances auxquelles il peut être remédié. L'embouchure<br />
de la Macta gêne et pendant une partie de l'année interrompt<br />
la communication directe d'Oran et d'Arzew à Mostaganem :<br />
alors on ne peut envoyer des troupes et des approvisionne<br />
ments dans cette dernière place que par mer lorsque le temps<br />
est favorable,<br />
ou par terre en faisant un grand détour qui<br />
ralentit l'opération et la complique de beaucoup<br />
cultés.<br />
de diffi<br />
Il est très important pour agir sur Mascara comme pour<br />
opérer dans les vallées du Sig et de l'Habrah,<br />
de pouvoir se<br />
porter.directement<br />
et rapidement d'Oran à Mostaganem et<br />
traverser en toute saison là Macta,<br />
réunion des deux rivières<br />
sus désignées. Le moyen pour obtenir ce double but serait<br />
d'établir un pont sur la Macta non loin de son embouchure<br />
et de construire un blockhaus pour garder ce passage; la<br />
garnison de ce poste serait fournie par les troupes d'Arzew,<br />
lesquelles pourraient être augmentées.<br />
C'est là ce que je vous propose d'ordonner comme une<br />
mesure que rendent importantes les mouvements militaires
— — 89<br />
dont la province d'Oran doit être le théâtre. Les circonstan<br />
ces qui doivent vous faire prendre en considération cette pro<br />
position demandent aussi que vous vouliez bien y répondre<br />
promptement.<br />
379<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 3 septembre 1836.<br />
Je suis arrivé à Alger, comme j'ai eu l'honneur de vous<br />
l'écrire le 29 août, après m'être arrêté deux heures devant<br />
Barcelone et autant de temps en rade de Palma. Dans ces<br />
deux pays, la population tranquille propriétaire paraît in<br />
quiète des suites de la proclamation de la Constitution.<br />
Un bâtiment venant d'Oran et portant des troupes pour<br />
l'Espagne était en quarantaine à Mahon, il a mis à la voile<br />
pour revenir à Oran le même jour que je suis passé à Palma.<br />
Le départ des troupes d'Oran avait produit un mauvais<br />
effet dans un pays où l'imagination et le caractère des hom<br />
mes sont si mobiles, mais le retour à Oran d'une partie de<br />
troupes qui étaient sorties rétablirai le calme et l'équilibre<br />
moral. Les agents d'Abd el Kader. ne perdent pas une occa<br />
sion de faire pencher la balance en faveur de leur maître.<br />
Si les derniers rapports sont vrais, les trois régiments der<br />
nièrement arrivés de France à Oran1 sont démoralisés sans<br />
exception de personne ou de grade; c'est une circonstance à
— — 90<br />
laquelle on ne saurait donner trop d'attention; il ne faut<br />
ici ni à la tête d'un régiment ni dans l'armée aucun officier<br />
de quelque grade qu'il soit, haut ou inférieur, aucun admi<br />
nistrateur ou employé qui soit, qui parle, qui crie contre la<br />
colonie et contre l'obligation de rester en Afrique; il est ins<br />
tant de les rappeler en France,<br />
autrement les embarras déjà<br />
suffisants et de toute na.ure s'augmenteront considérable<br />
ment et on arrivera à des malheurs faciles à prévenir.<br />
Je vous prie de presser l'envoi à Alger et à Bône des troi<br />
sièmes bataillons qui doivent s'y rendre et des détachements<br />
que les divers régiments de France doivent envoyer à ceux<br />
d'Afrique.<br />
Je vous écris particulièrement pour l'établissement d'un<br />
pont en bois sur la Macta, un pont en fer ne peut s'y cons<br />
truire avec moins de frais.<br />
On a fait à Sidi-Klifa (i) en avant de Boufarik une forte<br />
redoute avec blockhaus, un pareil poste est établi à Oued<br />
Alley (2) et dans quinze jours un camp retranché pour mille<br />
hommes sera terminé sur la Chiffa. Ainsi nous serrerons<br />
les Hadjoutes vers leurs montagnes et nous donnerons de la<br />
confiance et de la sécurité à nos indigènes et aux colons. Les<br />
opérations lorsque nous serons contraints d'en faire n'en<br />
seront que plus faciles et moins connues avant d'être entre<br />
prises.<br />
J'ai sujet d'être satisfait des dispositions à notre égard des<br />
Arabe?,<br />
qui sont de l'autre côté de l'Atlas quoi que Sidi<br />
Embarek faise pour les exciter à s'opposer à nos travaux près<br />
de Ia,Chiffa.w<br />
Le bey de Constantine (Ahmed-bey puisqu'il y en a deux)<br />
a récompensé l'assassin du commandant Salomon en le<br />
nommant bey de Bougie. Après l'expédition de Constantine,<br />
nous châtierons plus facilement et plus sévèrement ce bey.<br />
(1) A 7 kil. O. de Boufarik.<br />
(2) A 7 kil. Ô. de Sidi Klifa, et 13 kil. S.-O. de Boufarik.
— 91 —<br />
Je désirerais qu'il fût possible à la Marine d'envoyer dès à<br />
présent un bâtiment en station à Stora.<br />
A Bône et dans la province de Constantine tout s'y soutient<br />
au gré de mes désirs, c'est-à-dire que les tribus sont toujours<br />
bien disposées pour nous quoiqu'elles craignent que l'expé<br />
dition n'ait pas lieu puisque, suivant elles, nous la retardons,<br />
ce qui les compromet.<br />
Les chefs des différents services vous adressent un état de<br />
leurs besoins pour les expéditions précitées dans la province<br />
d'Oran,<br />
dans celle d'Alger et enfin dans celles de Constantine<br />
et de Bône. Je vous prie de prendre en grande considération<br />
toutes les demandes et de nous expédier ce qu'elles ren<br />
ferment.
92---<br />
386<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 5 septembre 1836.<br />
Les instructions que j'ai données à M. Baude (i) et les<br />
renvois que je lui ai faits de plusieurs dossiers relatifs à des<br />
immeubles occupés militairement lui ont fait connaître que<br />
j'entendais qu'il fût saisi de l'examen de toutes espèces de<br />
réclamations pour indemnités dues à des propriétaires dépos<br />
sédés par suite soit de démolition,<br />
soit seulement d'occupa<br />
tion temporaire. Cependant pour ne laisser sous ce dernier<br />
rapport aucune incertitude sur mes intentions, je crois<br />
devoir vous donner les explications propres à prévenir toute<br />
fausse interprétation à cet égard.<br />
En ce qui concerne les indemnités pour immeubles démo<br />
lis, le gouvernement s'est borné jusqu'ici à reconnaître<br />
qu'elles! étaient dues. Quant à celles qui auraient pour objet<br />
(1) BàUdé (Jean-Jacques, baron), né en 1792, mort en 1862. Souspréfet<br />
sous l'Empire, rentra dans la vie privée sous la Restauration,<br />
fut, sous Louis-Philippe, député de la Haute-Loire (jusqu'en 1848),<br />
préfet de la Manche (10 août 1830), directeur général des Ponts et<br />
Chaussées, sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur (10 nov.-26 déc. 1830),<br />
préfet de police (26 déc. 1830-21 février 1831); conseiller d'Etat, membre<br />
libre de l'Académie des Sciences Morales. Il fut nommé le 12 juillet<br />
1836 commissaire du roi en Afrique, chargé de préparer conjointe<br />
ment avec deux maîtres des requêtes au Conseil d'Etat la liquidation<br />
des indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires d'immeubles<br />
occupés ou démolis — par des services publics.<br />
ln-8°<br />
— Paris, 1841, 2 vol., (Sur<br />
Auteur de : L'Algérie,<br />
sa mission, voir à l'Appendice).
— — 93<br />
l'occupation tempojrairei de terrains ou de constructions,<br />
aucune décision de principe n'est encore intervenue. La ques<br />
tion reste donc entière;<br />
son examen est également compris<br />
dans la mission conférée à M. Baude et à ses collègues dont<br />
les travaux doivent s'étendre sur les propriétés simplement<br />
occupées,<br />
et elle
—<br />
— 94<br />
381<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
,<br />
'<br />
■<br />
i,- i<br />
Paris; le 5 septembre 1836.<br />
J'ai sous les yeux une lettre de M. Lemercier, directeur<br />
des fortifications à Alger,, par laquelle il me rend compte<br />
que des instructions fort détaillées viennent de lui être<br />
adressées par M. le général Rapatel pour l'exécution des<br />
travaux relatifs à l'occupation complète des trois provinces<br />
de Titteri,<br />
Oran et Constantine. Cet officier supérieur<br />
demande, en conséquence, des crédits pour subvenir aux<br />
dépenses que ces opérations occasionneront et une augmen<br />
tation considérable de personnel pour être en état de les<br />
entreprendre.<br />
J'annonce;<br />
à M. le colonel Lemercier que les opérations<br />
dont il s'agit avaient été, il est vrai, arrêtées précédemment<br />
en principe, comme projets et susceptibles de recevoir ulté<br />
rieurement leur exécution, mais que j'ai donné contre-<br />
ordre et qu'il devient indispensable d'attendre de nouvelles<br />
instructions pour donner une suite quelconque à ces projets.<br />
J'invite donc M. le Directeur des fortifications à s'abstenir<br />
de rien entreprendre à cet égard, jusqu'à ce qu'il soit pris<br />
un parti définitif concernant les opérations projetées, ce<br />
dont il sera informé en temps utile.
— 95<br />
382<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch; G^srre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger,<br />
le 8 septembre 1836.<br />
Il y aurait moyen d'acheter trois cents mulets assez bons<br />
à Tunis pour l'expédition de Constantine, lesquels vien<br />
draient par terre à Bône, mais il faudrait de suite des auto<br />
risations et de l'argent, car passé octobre on ne pourrait plus<br />
acheter, il n'y a donc pas un instant à perdre pour me<br />
faire parvenir votre réponse.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 96<br />
3831<br />
Le Gouverneur Générai au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. Efc7 (1 '<br />
Alger, le 8 septembre 1836.<br />
Je renonce aux dix ou douze pièces de 16 ou 24 que j'avais<br />
demandées pour Constantine. Il y en a une trentaine dans<br />
cette place; je suppose qu'une partie pourra être mise en<br />
état de servir, je me borne donc à maintenir la demande de<br />
quatre pièces de 12.<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
.
— 97 —<br />
384<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
h, Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 9 septembre 1836.<br />
Je vous transmets le résumé de deux dépêches datées du<br />
3 et du 4 septembre que je viens de recevoir de M. le général<br />
Létang,<br />
Tafna. —<br />
commandant les troupes à Oran.<br />
Le camp a été attaqué le 16 août par un grand<br />
nombre de Kabyles. Après avoir essuyé une fusillade assez<br />
vive, nos troupes sous les ordres du commandant Perreau (i)<br />
ont pris l'offensive, culbuté l'ennemi et lui ont tué trois<br />
hommes sans lui laisser le temps d'enlever les cadavres qui<br />
sont restés entre nos mains. Les travaux sont presque com<br />
plets et toute la garnison est à couvert, tant dans les bloc<br />
khaus que dans les baraques. L'état sanitaire est satisfaisant<br />
(1) Perreau (Jules-Edm. -Charles), né le 23 septembre 1791 à Paris.<br />
Elève à l'Ecole Polytechnique; sous-lieutenant-élève du Génie a<br />
l'Ecole d'application de Metz,<br />
l6'<br />
octobre 1812; lieutenant en second<br />
au U*<br />
corps de la Grande Armée, 9 juillet 1813; lieutenant en Ie',<br />
24 décembre 1813; prisonnier de guerre (Dresde); rentré en France,<br />
20 juillet 1814; employé à Lille à l'Etat-Major particulier, 1er août 1814,<br />
capitaine en second au 2°<br />
régiment du génie à Lille, 27 décembre<br />
1816; capitaine en V, employé à Bapaume, 6 février 1818; capitaine<br />
de 2e classe à l'Etat-Major particulier à Moulins, 14 mai 1819; à l'ar<br />
mée d'Espagne, 5 juillet 1823; chef du génie à La Corogne, 1824; ren<br />
tré en France, employé à Salins, 13 juillet 1825; capitaine en 1er,<br />
6 janvier 1826; capitaine de lre classe à l'Etat-Major particulier du<br />
génie, 12 janvier 1827; employé à Calvi (Corse), septembre 1827; à<br />
Bourbon-Vendée, décembre 1830; à l'armée d'Afrique, 30 mars 1835;<br />
chef de bataillon, 31 décembre 1835; retraité par décret du 13 septem<br />
— bre 1839. Chevalier de la Légion d'honneur, 23 novembre 1823.<br />
7
sur ce point et il ne s'est point déclaré de fièvres intermit<br />
tentes comme on en avait manifesté la crainte. A Mostaga<br />
nem, la ville n'est nullement inquiétée, ses environs mêmes<br />
sont tranquilles et le bey Ibrahim dans des courses fré<br />
quentes qu'il fait à la tête de ses Turcs dans le pays voisin<br />
conformément aux instructions du général Létang n'a pas<br />
encore eu à brûler une amorce. La plupart des tribus situées<br />
entre la mer et les montagnes dans un certain rayon autour<br />
d'Arzew et de Mostaganem ont reçu d'Abd el Kader l'ordre<br />
de quitter leur territoire et d'aller camper dans les monta<br />
gnes non loin de Mascara; plusieurs même ont été frappées<br />
de fortes contributions en punition de leurs relations avec<br />
les Français. Ces mesures ont causé beaucoup d'irritation<br />
parmi les populations; la crainte des actes de rigueur de<br />
l'Emir et l'éloignement où les Français sont d'elJps sont les<br />
seules causes de leur obéissance. On dit qu'Abd ei Kader a<br />
reçu du Maroc du salpêtre et du soufre . On<br />
remarque auprès<br />
de lui un personnage qu'on prétend être un parent de l'em<br />
pereur du Maroc et qui lui a amené un certain nombre de<br />
nègres.<br />
Tlemcen. —<br />
On<br />
a reçu récemment des nouvelles de cette<br />
ville. La garnison est encore approvisionnée pour deux mois<br />
en farine; le marché de la ville est bien fourni en bestiaux,<br />
mais il y paraît peu de grains.<br />
Le khalifa d'Abd el Kader parcourt le pays avec une troupe<br />
très peu nombreuse pour lever les impôts qui rentrent mal;<br />
les tribus d'Angad ont même refusé absolument de payer et<br />
de reconnaître le cheick nommé par Abd el Kader. Ben<br />
Nouna est établi à Oudjda où il s'efforce d'attirer les Hadars<br />
de Tlemcen. On dit que notre bey de Titteri est aussi à<br />
Oudjda entre les mains du chérif de cette ville par lequel<br />
il est accablé de mauvais traitements.<br />
Le général Létang me prévient qu'Abd el Kader répand<br />
partout le bruit qu'il est au moment de signer un traité de<br />
paix avec la France. Cette nouvelle arrête ou tourne même
— — 99<br />
dans le sens opposé le mouvement en notre faveur qui s'opé<br />
rait dans les esprits. Les populations craignent qu'après<br />
avoir indisposé Abd el Kader par leur attitude à notre égard,<br />
il ne leur arrive d'être abandonnées par nous et de se retrou<br />
ver seules et sans appui en face de l'Emir irrité. J'ai tâché<br />
d'effacer l'impression ie cette manœuvre d'Abd el Kader en<br />
faisant démentir hautement toutes ces rumeurs d'un pré<br />
tendu traité et ta decarant que nous étions tous prêts à<br />
recevoir dans notre amitié les tribus et les populations, mais<br />
que d'un cheick nous n'accepterons jamais qu'une soumis<br />
sion pure et simple.<br />
385<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger,<br />
le 9 septembre 1836.<br />
C'est en vertu de vos ordres verbaux et de ceux verbaux<br />
aussi de M. le Président du Conseil que j'ai fait porter des<br />
postes et que j'allais établir un camp sur la Chiffa.<br />
Les postes nouveaux sont ceux de Sidi-Kliffa et Oued<br />
Lalleg,<br />
je suis à temps de ne pas exécuter comme on l'en<br />
tendant, comme il était nécessaire,<br />
celui de la Chiffa et de<br />
me borner à compléter cette ligne en effectuant ce camp<br />
à la hauteur de Blida puisque les troupes<br />
position depuis quinze jours.<br />
sont dans cette<br />
M il ne faut jpas reculer lorsqu'on s'est avancé, cela<br />
nuirait dans l'esprit des Arabes qui considèrent toujours<br />
comme une défaite tout mouvement rétrograde.
— — 100<br />
Veuillez vous rappeler que vous et M. le Président du<br />
Conseil m'avez pressé de partir de Paris pour l'Afrique, que<br />
j'ai pris 'congé huit jours avant mon départ, que vous ne<br />
m'avez plus parlé du Conseil dans lequel on devait discuter<br />
le plan des opérations à exécuter en Afrique. Vous verrez en<br />
vous rappelant cette circonstance que ie ne mérite aucun<br />
reproche à ce sujets<br />
Je ne ferai aucun mouvement, aucune opération sans<br />
ordre du nouveau conseil,<br />
mais que le nouveau conseil<br />
prenne garde aussi de ne pas relever par une mesure inop<br />
portune, dangereuse, sans le vouloir, le courage aujourd'hui<br />
abattu d'Abd el Kader et des Arabes; ils s'attendent tous et<br />
partout à nous voir prochainement établis solidement sur<br />
tous les points principaux de la Régence.<br />
Les Hadjoutes que nous avons toujours sur nous viennent<br />
de se retirer vers la tribu de Beni-Menad qui les repousse<br />
et même celle de Soumata qui leur est hostile. Le marché<br />
de Blida leur est fermé. Une partie de cette bande veut la<br />
paix; Sidi Embareck est engagé par les habitants de Miliana<br />
à s'éloigner de leur ville. Les tribus de Médéa,<br />
celles du<br />
désert dans cette partie nous appellent sans cesse pour nous<br />
aider à nous établir à Médéa et les tribus en général de la<br />
province de Constantine sont disposées à concourir en très<br />
grand nombre à la prise de Constantine. Elles nous repro<br />
chent même le retard que nous mettons à faire cette con<br />
quête et s'en inquiètent parce qu'elles se sont compromises<br />
pour nous.<br />
Quant à Abd el Kader dans la province d'Oran, il est<br />
réduit à s'éloigner et placer par force les tribus du Sig de<br />
l'Habra et autres entre la Mina et le Chélif , ce qui les mécon<br />
tente et même il fait tomber les têtes de ceux qui résistent.<br />
Le commandant de Tlemcen écrit au général Létang<br />
qu'il n'a de vivres (blé ou farine) que pour deux mois.<br />
En conséquence de ce rapport et comme l'hiver approche,<br />
j'ai pensé qu'il était convenable d'approvisionner cette place<br />
pour six mois. Je, prends donc des dispositions pour envoyer
—<br />
— 101<br />
à Tlemcen mille quintaux métriques de blé que le général<br />
Létang y fera transporter dans le courant du mois d'octobre.<br />
Alors Tlemcen aura un approvisionnement pour arriver au<br />
mois de mai 1837.<br />
J'ai eu l'honneur de vousi dire plusieurs fois en vous écri<br />
vant relativement à la contribution de Tlemcen qu'il restait<br />
entre les mains de I oukil du bey de cette ville une somme<br />
de quarante mille francs environ provenant de cette contri<br />
bution dont on ne disposerait pas sans votre autorisation et<br />
sur laquelle on ne prélèverait que les appointements de Mus<br />
tapha ben Ismaël et de Mezari (Voyez mes lettres et l'état de<br />
la contribution donné par moi au Ministère). Que voulez-<br />
vous qu'on fasse de cette somme ? La laissera-t-on à la dis<br />
position du bey<br />
de Tlemcen ? La vérsera-t-on dans une<br />
caisse ? La rendra-t-on aux habitants ? Donnez vos ordres<br />
afin qu'il n'en soit plus question.<br />
J'ai reçu hier la correspondance de Bougie dont je vous<br />
envoie le résumé; aucun événement nouveau ne s'est produit<br />
dans ce pays, l'assassinat du commandant Salomon de Musis<br />
que l'on aurait pu supposer le commencement d'une série<br />
d'actes hostiles et le signal d'une insurrection contre les<br />
Français,<br />
est resté à l'état de fait isolé.<br />
Le cheick Amiziane, auteur du crime et qui espérait sans<br />
doute par l'éclat de cette rupture se faire déclarer chef d'une<br />
coalition contre Bougie,<br />
s'est au contraire aliéné les esprits<br />
par la lâcheté de son attentat. Repoussé par toutes les tribus<br />
de la vallée et du bas pays,<br />
lesquels sont ses alliés naturels,<br />
il a été forcé d'en venir à un accommodement avec les mon<br />
tagnards de M'zaïa,<br />
ses ennemis habituels. Ceux-ci cepen<br />
dant désapprouvent aussi hautement que les autres la perfi<br />
die de leur nouvel ami.<br />
Le commandant supérieur actuel, M. Lapène, est entré en<br />
relations par écrit avec la plupart des tribus. Les lettres qu'il<br />
en a reçues fournissent toutes la preuve du mépris général<br />
dont a été frappé l'acte d'<br />
Amiziane. D'ailleurs elles ne sont<br />
guère que la répétition de toutes celles qui sont arrivées à
— — 102<br />
Bougie plusieurs fois par mois, depuis dix-huit mois îni'on<br />
a cru devoir ouvrir la voie des négociations.<br />
Plusieurs des principaux parmi les anciens habitants<br />
de Bougie réfugiés à Oudjda ont fait savoir qu'ils rentre<br />
raient dans leur ville ainsi que toute la population bougiote<br />
si l'on rendait aux anciens propriétaires la jouissance de<br />
leurs maisons, la rentrée des Maures fugitifs serait un des<br />
moyens les plus probables de nouer des relations réelles<br />
avec lesi tribus voisines.<br />
M. le colonel Duverger, commandant supérieur de Bône,<br />
m'adresse la copie d'une lettre qui lui a été écrite par le<br />
commandant Yusuf à l'occasion de l'enquête exercée contre<br />
lui. Je crois devoir vous adresser' ce document.<br />
Toutes les dépêches sont aussi satisfaisantes que possible.<br />
Notre influence s'étend de jour en jour au dehors; elle ferait<br />
incontestablement plus de progrès encore si quelques fonds<br />
étaient mis à la disposition du commandant supérieur et du<br />
bey Yusuf,<br />
pour recevoir convenablement les soumissions<br />
des Arabes et récompenser selon l'usage du pays les services<br />
et la fidélité de ceux qui nous servent dans la province de<br />
Constantine. Il est à désirer aussi que les deux nouveaux<br />
escadrons de spahis réguliers soient formés sur le champ.<br />
L'effectif des troupes françaises à Bône est beaucoup trop<br />
inférieur à ce qui serait nécessaire pour marcher en avant,<br />
et celui des troupes de Yusuf est surtout bien au-dessous de<br />
ce qu'il devrait être pour le mettre en état de faire des choses<br />
utiles.<br />
M. Duverger me fait connaître qu'à la suite de la repré<br />
sentation énergique qu'il avait invité le consul de France à<br />
Tunis de faire auprès du bey, ce dernier a fait assurer<br />
M. Berthier que son intention était que les Arabes vinssent<br />
au marché de La Calle, que loin d'être inquiétés, ils seraient<br />
en sûreté sur la route. M. Duverger observe à ce sujet avec<br />
raison que ce résultat prouve qu'il a bien fait dès le prin<br />
cipe de s'opposer avec énergie au bey de Tunis.
— — 103<br />
386<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger, le 10 septembre 1836.<br />
Les dernières nouvelles de France ont occasionné ici une<br />
sorte de crise. L'inquiétude est grande d'un côté, l'espérance<br />
renaît de l'autre. Des Arabes sont déjà partis pour annoncer<br />
dans l'intérieur que les expéditions pour occuper plusieurs<br />
points n'auraient pas lieu. Je prie le gouvernement d'agir<br />
pour ce pays avec une grande prudence, car au moment où<br />
tout est si bien pour nous, un mot de réduction de troupes,<br />
d'évacuation,<br />
mettre.<br />
bey<br />
etc.. pourrait tout soulever et tout compro<br />
Les rapports de Bône arrivés hier annoncent que Yusuf-<br />
a procuré tous les mulets nécessaires à l'armée pour les<br />
transports et l'expédition de Constantine; c'était la plus<br />
grande difficulté; elle est vaincue.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 104 —<br />
387<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 10 septembre 1836.<br />
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire le 3o août dernier pour m'annoncer votre retour à<br />
Alger. J'ai reçu aussi les dépêches du général Bapatel du 3o<br />
et du 3i du même mois : la première m'informant de votre<br />
arrivée et de votre indisposition, la seconde me demandant,<br />
de votre part, de presser l'embarquement des troupes desti<br />
nées à renforcer l'armée d'Afrique, un retard devant empê<br />
cher d'entreprendre les opérations et les travaux qui doivent<br />
réaliser le système d'occupation du pays, adopté par le gou<br />
vernement. Enfin,<br />
le général Rapatel ajoute en votre nom<br />
qu'il n'est1 ni moins essentiel ni moins pressant d'envoyer<br />
les mulets pour le service de l'artillerie et des transports.<br />
Jusqu'à ce que le gouvernement de Sa Majesté ait arrêté<br />
définitivement le système d'occupation de nos possessions<br />
du Nord de l'Afrique, je ne puis que faire compléter les<br />
effectifs du corps d'occupation par l'envoi successif des troi<br />
sièmes bataillons de ces régiments, et des produits du recru<br />
tement qui leur a été ouvert dans les corps qui sont en<br />
France. Ces mouvements doivent coïncider avec le retour du<br />
5g" régiment de ligne,<br />
dont mon prédécesseur a prescrit le<br />
renvoi, et qui doit rentrer au fur et à mesure de l'arrivée des<br />
troupes destinées pour Bône. Je suis obligé de maintenir ces<br />
dispositions et d'attendre que le gouvernement soit fixé sur<br />
ce qu'il convient d'entreprendre en Afrique.
— — 105<br />
J'espère que l'indisposition que vous avez éprouvée à votre<br />
arrivée à Alger n'aura pas de suite, et que votre prochain<br />
courrier m'apprendra que vous avez repris la direction des<br />
affaires.<br />
388<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 14 septembre 1836.<br />
J'ai reçu les lettres du général Rapatel du 23, ik et 26 août<br />
dernier,<br />
faisant connaître la situation des provinces d'Oran<br />
et de Bône et la nécessité d'envoyer des renforts à Oran.<br />
J'ai vu avec peine qu'il est survenu plusieurs événements<br />
dans la division d'Oran du<br />
Ier<br />
au 20 août et que la plupart<br />
doivent être attribués à l'imprudence des chefs de poste ou<br />
de détachement. J'approuve les recommandations que le<br />
général Rapatel a faites à ce sujet au général Létang. Vous<br />
jugerez sans doute nécessaire de donner des instructions<br />
positives à cet officier général lui recommandant de pres<br />
crire la plus grande vigilance sur tous les points de son<br />
commandement. Vous jugerez ainsi nécessaire de donner au<br />
général Létang l'ordre de prendre des dispositions pour faire<br />
échouer les entreprises d'Abd el Kader.<br />
Quant aux renforts demandés pour Oran et pour les opé<br />
rations ultérieures^ je ne peux que me référer à la lettre de<br />
mon prédécesseur du 26 août dernier au général Rapatel,
—<br />
— 106<br />
dont vous trouverez ci-joint le duplicata et à> celle que je<br />
vous ai écrite le 10 septembre courant.<br />
Quant aux 5oo hommes qui ont été embarqués à Oran<br />
pour se rendre à Port-Vendres,<br />
ils ont dû rétrograder con<br />
formément aux ordres de mon prédécesseur des 17,<br />
22 août dernier.<br />
18 et<br />
Votre situation à Bône est en effet très satisfaisante. Les<br />
déprédations qui se commettaient aux environs de cette ville<br />
auront sans doute cessé depuis que le chef de bande El Arbi<br />
a été frappé de mort et que l'on s'est emparé de son com<br />
plice.<br />
La récompense de mille francs promise par le général<br />
d'Uzer à qui livrerait Bel Arbi sera payée à ceux qui la<br />
réclament. Il est en effet d'une bonne politique de remplir<br />
la promesse faite par le prédécesseur du colonel Duverger,<br />
toutefois on devra s'abstenir à l'avenir d'user de semblables<br />
moyens.<br />
J'ai écrit à M. le Ministre des Affaires Etrangères au sujet<br />
de la limite de la Régence de Tunis. J'approuve en attendant<br />
la réponse et les demandes qui ont été faites à ce sujet au<br />
consul du roi à Tunis, par le commandant supérieur de Bône.<br />
P. -S. — Je<br />
reçois à l'instant les trois| lettres du général<br />
Rapatel du 26 août, dans lesquelles il rend compte de la<br />
situation de la province d'Alger et de ce qui se passe à Bou<br />
gie, ainsi que de la défaite du chef de bande El Arbi.
107 —<br />
389<br />
Le Gouverneur Général au Ministre dé la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75<br />
(1)<br />
Alger, le 15 septembre 1836.<br />
Le chef d'escadron de Rancé, mon premier aide de camp,<br />
se rendra en poste à Paris pour y remplir auprès de<br />
M. le Ministre de la Guerre une mission d'urgence néces<br />
sitée par les besoins du commandement qui m'est confié.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 108<br />
390<br />
Le Gouverneur Général au général Létang<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75) (1)<br />
Alger, le 15 septembre 1836.<br />
J'ai reçu vos lettres. Le lieutenant général Rapatel a<br />
répondu à ce qui regarde le service. Il vous a écrit aussi<br />
sur l'approvisionnement prochain de Tlemcen pour six mois<br />
afin de ne pas y revenir plus souvent.<br />
Je vous recommande de mettre vos soins à procurer mille<br />
indigènes au bey Ibrahim afin qu'il puisse s'établir plus tard<br />
à Mascara ou qu'il soit plus fort à Mostaganem. Je désire que<br />
la paix se fasse avec les Béni Amer. Mustapha ben Ismaël<br />
mérite notre confiance; les gens seuls d'Abd el Kader sont<br />
intéressés à la lui faire perdre. Prenez bien garde à cela.<br />
Mustapha n'est rien sans nous et Abd el Kader ne peut rien<br />
être avec nous.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 109<br />
391<br />
Le Gouverneur Général au Ministre die la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 16 septembre 1836.<br />
Nos succès politiques dans la province de Constantine pas<br />
sent nos espérances; ils sont dûs à l'exactitude avec laquelle<br />
le colonel Duverger fait exécuter par le bey Yusuf les ins<br />
tructions que je lui ai données et les mesures particulières<br />
que les circonstances, les événements lui inspirent. La sécu<br />
rité est telle dans cette partie de la région que les officiers<br />
ont pu aller en remonte à 25 lieues de Bône sans être<br />
inquiétés.<br />
Farhat,<br />
Abou Diâf et les chefs qui se trouvent au sud et<br />
au sud-ouest de Constantine nous offrent leur concours et<br />
promettent de fermer le passage à Ahmed-bey s'il tente de se<br />
sauver du côté du désert. J'espère qu'il ne sera pas venu dans<br />
la Régence de Tunis; je fais des démarches pour cela.<br />
Quatre chébeks tunisiens faisant la contrebande ont été<br />
capturés en face de Stora et du Cap de Fer par le brick Le<br />
Cygne et par une embarcation pontée. Ces bâtiments saisis<br />
dont le tirant d'eau est faible pourraient,<br />
s'ils étaient aimés<br />
en guerre, servir à poursuivre jusqu'auprès de la côte les<br />
bateaux mauresques échappés aux gros navires.<br />
Je n'ai aucun rapport officiel de Bougie. Dans la direction<br />
d'Alger, tout est<br />
généralement tranquille. Les Hadjoutes<br />
repoussés par toutes les tribus où ils avaient voulu s'établir
— 110 —<br />
se sont réfugiés dans le bois nommé El-Carezas (i) dans la<br />
plaine sous Coléa et vers le lac Halloula; de là, ils font leurs<br />
incursions sur la route de Douera à Déli-Brahim. Ils tuent<br />
quelquefois les imprudents qui ne veulent pas attendre les<br />
escortes.<br />
Mon intention est d'incendier, si je le puis,<br />
ce bois épais de<br />
broussailles, mais après en avoir prévenu les Arabes qui s'y<br />
sont établis et en leur offrant aussi des terres à cultiver où<br />
ils seraient non seulement tranquilles, mais protégés par<br />
l'armée s'ils en avaient besoin. J'apprends que cinq tirail<br />
leurs surpris à terre n'ont pas été massacrés comme leurs<br />
compagnons et qu'on les a envoyés à Abd el Kader.<br />
Les Maures de Médéa me témoignent leur repentir sur leur<br />
conduite à l'égard du bey qu'ils livrèrent à son ennemi Emba-<br />
rek, ils implorent un pardon.<br />
Cet Embarek vient d'être chassé de Miliana. Il ne paie plus<br />
ses troupes depuis longtemps et elles l'abandonnent en détail.<br />
Un de ses canonniers qui vient d'arriver à Alger a confirme<br />
ce fait qui se trouvait dans plusieurs rapports.<br />
Dans l'ouest,<br />
Abd el Kader est toujours sur la Mina où il<br />
fatigue les Arabes par des contributions et en les éloignant<br />
du pays qu'ils habitaient. C'est avec son bataillon qu'il force<br />
tout le monde. Cet homme détruit à ce prix la paix qui serait<br />
dans la province., Il dépend du gouvernement de le faire<br />
prendre tôt ou tard, ses moyens sont dans ses mains et non<br />
dans les miennes. Lorsque les Romains voulurent en finir<br />
avec Jugurtha,<br />
gouvernement les emploient.<br />
ils s'en servirent et dans tous les temps les<br />
Il y a danger et grand danger de laisser dans la province<br />
d'Oran un seul général pour plus de dix mille hommes sur<br />
lesquels sept mille seulement sont disponibles. Je renouvelle<br />
pour mettre ma responsabilité à couvert la demande! d'en-<br />
(1) Le bois de Karésas, situé entre l'Oued Djer et l'Oued Bou Roumi,<br />
à 20 kil. S.-S.-O. de Coléa.
— — 111<br />
voyer à Oran un lieutenant général et un maréchal de camp<br />
c'est nécessaire, c'est prudent, c'est instant malgré toute la<br />
capacité du général de Létang.<br />
Le général de La Pierre {sic)<br />
m'a écrit pour me témoigner<br />
qu'il désirerait servir en Afrique. Je n'ai pas l'honneur de<br />
le connaître,<br />
mais c'est déjà quelque chose que de désirer<br />
servir ici, c'est à mes yeux la condition première. Comme on<br />
ne cesse de me dire que trois des régiments qui sont dans<br />
cette division sont en quelque sorte dégoûtés de ce service,<br />
démoralisés,<br />
j'envoie le général Rapatel pour voir les trou<br />
pes, leur parler et faire en sorte de remonter leur moral, mais<br />
ceci est bien pénible, bien fatiguanl, même plus difficile<br />
pour moi qui ai peu d'encouragements surtout lorsqu'on me<br />
refuse ce que je demande pour récompenser de bons services<br />
rendus par les troupes dont le commandement m'est confié<br />
et qu'on accorde à d'autres dont les travaux,<br />
qu'ils soient,<br />
ont été pourtant moins considérables.<br />
quelques bons<br />
Le colonel d'artillerie s'est rendu à Bône pour se procurer<br />
les mulets qu'il avait rspéré recevoir de France et qui sont<br />
nécessaires si l'expédition de Constantine a lieu.<br />
M. lecomte.de Male«chewitch, ministre de Bussie à Naples,<br />
le comte Wilzlivia et le capitaine Lyon de la Marine anglaise<br />
ont paru ici pendant trois jours. Ils partent pour Tunis et<br />
verront en passant Bougie, Bône et La Calle. Le prince Gré<br />
goire Dolgorouki,<br />
actuellement en congé, est aussi arrivé venant de France.<br />
qui sert dans l'armée russe du Caucase et
— — 112<br />
392<br />
Le Gouverneur Général au Ministre dé la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger,<br />
le 17 septembre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous adresser ci- joint des observations sur<br />
le corps de troupes qui forme sous les ordres de M. le com<br />
mandant Cavaignac la garnison de Tlemcen.<br />
M. le général Létang d'abord,<br />
puis ensuite M. le lieutenant<br />
général commandant les troupes m'ont écrit à ce sujet de la<br />
manière la plus pressante.<br />
Veuillez considérer, Monsieur le Ministre, que les travaux<br />
si pénibles exécutés par les troupes sous mes ordres lors des<br />
expéditions de Tlemcen, de la Tafna et de Médéa,<br />
n'ont pas<br />
été ou n'ont été que bien faiblement récompensés tandis que<br />
des nouvelles récemment venues de France dans la province<br />
d'Oran ont été l'objet d'une grande faveur, bien qu'elles aient<br />
eu incontestablement à supporter beaucoup moins de' fati<br />
gues et de dangers.<br />
La guerre est ici tellement pénible et les troupes françaises<br />
sont encore si peu faites à un service de guerre outre-mer,<br />
que par suite du peu de récompenses accordées à l'occasion<br />
des expéditions dont j'ai parlé, les troupes sont découragées<br />
et que le service extraordinaire auquel elles sont appelées en<br />
ce moment par exemple, à l'intérieur comme à l'extérieur<br />
d'Alger excite quelque mécontentement.<br />
M. le lieutenant général Bapatel m'a adressé à ce sujet<br />
un rapport confidentiel dont je crois de mon devoir de join<br />
dre ici copie.
— — 113<br />
Je désire, Monsieur le Ministre, que vous jugiez convena<br />
ble de vous faire représenter les rapports qui constatent la<br />
belle conduite d'un grand nombre d'officiers, sous-officiers et<br />
soldats quit. dans des circonstances très difficiles,<br />
ont fait<br />
preuve de dévouement et d'intrépidité dans les combats livrés<br />
en avant et autour de Tlemcen, à la Tafna et au col de Ténia<br />
lors de l'expédition de Médéa.<br />
Veuillez reconnaître que dans toutes ces circonstances, une<br />
grande infériorité numérique de nos troupes comparative<br />
ment à l'ennemi,<br />
général d'Arlanges à la Tafna,<br />
notamment sous le commandement du<br />
a nécessité de leur part une<br />
grande vigueur, une constance inébranlable et ceux qui,<br />
dans toutes ces occasions, ont donné l'exemple, méritent<br />
incontestablement la bienveillance du roi.<br />
Je les recommande donc à la vôtre,<br />
tance, Monsieur le Ministre,<br />
avec la plus vive ins<br />
et je dois vous assurer ici que<br />
les récompenses que vous croirez devoir accorder produiront<br />
un effet salutaire qui relèvera à propos le moral de l'armée,<br />
surtout dans la province d'Oran.
— 114<br />
393<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75<br />
(1)<br />
Alger, le 17 septembre 1836.<br />
Je vous prie de me permettre de garder le 5p,e<br />
à Bône jus<br />
qu'après l'expédition de si Constantine, elle a lieu. Voilà mes<br />
motifs : premièrement, le 5a6<br />
en Afrique faits au feu,<br />
n'a que des soldats déjà anciens<br />
au climat et capables de résister à<br />
la marche et aux fatigues de la guerre. Deuxièmement, ce<br />
régiment demande comme une récompense de son long<br />
séjour en Afrique la faveur de faire l'expédition.<br />
Je demande une prompte réponse,<br />
autrement l'ordre sera<br />
exécuté et par là nous aurons substitué à des soldats aguerris<br />
de jeunes soldats qui, dans les marches, resteront en arrière.<br />
Les troupes qui étaient sur la Chiffa se rapprochent de<br />
Boufarik, elles se sont arrêtées pendant plusieurs jours sur<br />
la ligne de Blida à Oued-Alleg.<br />
Les Beni-Salah leur ont tiré quelques coups de fusil près<br />
Blida. Nous avons tiré quelques coups de canon qui en ont<br />
tué une-douzaine, nous n'avons eu qu'un blessé.<br />
En général la plaine est tranquille.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
—<br />
— 115<br />
394<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 17 septembre 1836.<br />
On dit que le départ du général Bugeaud me fut connu.<br />
J'avais demandé instamment l'envoi à Oran d'un lieutenant<br />
général et d'un maréchal de camp pour commander dans<br />
cette province les troupes françaises et indigènes qui forment<br />
un effectif de plus de io.ooo hommes. Non seulement cette<br />
demande était motivée sur un rassemblement de forces aussi<br />
considérables,<br />
mais je faisais valoir en outre l'importance<br />
politique de ce poste éloigné également de France et d'Alger.<br />
Ici plus qu'ailleurs, puisque l'on a en tête Abd el Kader, il<br />
faut pour diriger! nos alliés et pour traiter avec les autres<br />
indigènes un homme plus haut placé non moins capable<br />
politiquement que militairement.<br />
Depuis le départ de M. le général Bugeaud, un seul maré<br />
chal de camp supporte tout le fardeau du commandement<br />
d'Oran. J'affirme de nouveau que cet état de choses ne peut<br />
qu'avoir de funestes conséquences et j'insiste plus que jamais<br />
pour demander l'envoi immédiat d'un lieutenant général<br />
ayant sous ses ordres M. le général de Létang. Un chef du<br />
grade que je désigne et qui est celui déterminé d'ailleurs<br />
tout naturellement par le nombre des troupes<br />
province d'Oran, ne saurait y arriver trop tôt.<br />
occupant la<br />
En attendant, je suis obligé d'envoyer à Oran M. le lieu<br />
tenant général Rapatel : on assure que les trois régiments les<br />
derniers arrivés à Oran montrent un grand découragement<br />
et que de prompts remèdes doivent être apportés à la situation
—<br />
— 116<br />
des esprits. Je regrette d'être ainsi forcé d'éloigner le général<br />
commandant les trpupes qui n'a ici, sous ses ordres qu'un<br />
seul maréchal de camp.<br />
Vous reconnaîtrez aussi sans doute, Monsieur le Ministre,<br />
qu'il est urgent d'envoyer à Alger un second maréchal de<br />
camp.<br />
Venant au commandement de Bône, je pense que<br />
M. le général Trézel arrivera bientôt,<br />
mais du moment où<br />
l'expédition de Constantine serait décidée, je demande que<br />
pour la durée de cette opération il me soit envoyé un lieute<br />
nant général de cavalerie, car il aurait à diriger non seule<br />
ment la cavalerie française, mais en outre un grand nombre<br />
de cavaliers arabes auxiliaires.<br />
J'ai l'honneur de vous rappeler, Monsieur le Ministre, que<br />
j'ai exprimé lé désir de voiri désigner pour commander à<br />
Oran M. le lieutenant général Oudinot et M. le maréchal de<br />
camp Perrégaux,<br />
ces deux officiers ayant commandé dans<br />
cette province avec l'a plus grande distinction et s'étant mon<br />
trés également propres à traiter de la guerre et de la paix.<br />
J'avais également proposé le lieutenant général Subervie<br />
pour commander sous mes ordres pendant l'expédition de<br />
Constantine. Ce général désirait d'ailleurs faire l'expédition<br />
puisque mon intention serait de retirer alors de cette province<br />
la plus grande partie des troupes qui auraient été employées<br />
sur ce point (sic) .<br />
Dans le cas où le lieutenant général Subervie ne serait pas<br />
choisi par vous, Monsieur le Ministre, je désirerais avoir<br />
M. le lieutenant général de Castellane.
—<br />
— 117<br />
395<br />
Le Gouverneur Général au Ministre dte la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 18 septembre 1836.<br />
Le gouvernement a reconnu en principe quïl était indis<br />
pensable pour l'établissement et la consolidation de notre<br />
"<br />
autorité en Afrique que nous eussions pour intermédiaire<br />
entre nous et les indigènes des chefs musulmans chargés<br />
d'administrer et de régir les habitants suivant leurs lois et<br />
leurs coutumes, de conserver ce qui doit être maintenu de<br />
l'ancienne organisation et de centraliser et simplifier nos rela<br />
tions avec la population. Nous avons donc reconstitué une<br />
hiérarchie musulmane dont les personnages les plus impor<br />
tants sont les beys.<br />
Ceux que nous avons déjà créés sont actuellement dans<br />
une position extrêmement difficile et sur laquelle j'appelle<br />
toute votre attention. Partout avec la défaveur qu'attire sur<br />
eux leur alliance avec les chrétiens, ils sont opposés à des<br />
beys représentant la nationalité arabe; il leur faudrait donc<br />
pour qu'ils pussent atteindre le but auquel nous les destinons<br />
qu'ils reçussent de nous une aide toute particulière;<br />
or les<br />
deux moyens qu'ils auraient pour attirer à eux les popula<br />
tions à la tête desquelles nous voulons les placer seraient une<br />
représentation convenable et surtout la possibilité de faire des<br />
cadeaux aux chefs qui viennent se joindre à eux, usage établi<br />
dans ces contrées 'de temps immémorial et qu'il ne peut pas<br />
songer à abolir d'ici longues années. Mais la médiocrité de la<br />
paie que nous donnons à tous nos fonctionnaires,<br />
non seule-
— — 118<br />
ment ne les met pas à même de vivre avec dignité, mais ne<br />
leur donne pas le moyen de subsister après avoir subvenu<br />
aux exigences de leur charge, tandis que leurs compétiteurs,<br />
ceux qui sont nommés par les ennemis de la France, ont pour<br />
satisfaire aux besoins du commandement la part qui leur<br />
revient dans les dîmes, les amendes, les contributions forcées<br />
qu'ils prélèvent toutes les fois qu'ils en sentent la nécessité.<br />
Tant que cet état de choses durera,<br />
nous ne serons pas en<br />
droit de demander de grands services aux beys que nous<br />
nommons. Cependant ils nous en ont rendu de très impor<br />
tants,<br />
mais bientôt personne ne voudra plus nous servir dans<br />
une pareille, position. Le bey<br />
nomme un successeur,<br />
Ibrahim demande qu'on lui<br />
ne pouvant plus supporter la gêne<br />
pécuniaire à laquelle il est réduit. Le bey Yusuf qui nous a<br />
mis dans tout le pays de Bône en si belle situation et nous a<br />
ouvert une si large route vers Constantine,<br />
n'a obtenu ces<br />
résultats qu'en ajoutant aux faibles ressources fournies par le<br />
Trésor les produits d'emprunts personnels fort considér«jDles<br />
par lesquels il s'est ruiné. Quand une fois il aura épuisé jus<br />
qu'à son crédit, il ne pourra plus attirer ni retenir les tribus<br />
dont la soumission volontaire diminuait tellement les diffi<br />
cultés et les dépenses de l'expédition de Constantine. Le bey<br />
de Tlemcen est dans le même cas. Tous sont en souffrance<br />
par suite de ce dénûment de ressources dans lequel nous les<br />
laissons et dont ils ne triomphent que par des efforts qui ne<br />
peuvent pas toujours durer.<br />
Une autre conséquence de cette pénurie où nous laissons<br />
nos fonctionnaires musulmans, c'est la nécessité dans<br />
laquelle ils se trouveraient, s'ils voulaient rester à hauteur<br />
de leurs affaires, de recourir aux exactions, au pillage et aux<br />
autres moyens irréguliers dont nous avons tant d'horreur et<br />
que nos croyons les voir même où ils ne sont pas.<br />
Les observations que je viens de faire au sujet des beys<br />
s'appliquent à leurs aghas, à leurs khalifas,<br />
aux cheicks qui<br />
travaillent les tribus en notre faveur, à tous ceux enfin qui<br />
pourraient être entre nos mains, si nous savions les remuer
par l'intérêt,<br />
nation.<br />
— — 119<br />
des instruments utiles pour établir notre domi<br />
Tous ces résultats de notre parcimonie à l'égard des chefs<br />
et surtout des beys nommés par nous sont si graves et si<br />
fâcheux que j'ai cru de mon devoir de vous les signaler afin<br />
que vous jugiez par vous-même s'il n'est pas convenable<br />
d'éviter de grands embarras et la perte de moyens d'action<br />
fort importants par un peu plus de générosité en faveur des<br />
musulmans qui se consacrent à notre cause et dont il n'est<br />
ni juste ni possible d'exiger des services gratuits ou onéreux,<br />
c'est-à-dire beaucoup plus qu'on obtiendrait même d'un<br />
Français.<br />
D'ailleurs les moyens que je propose sont ceux par lesquels<br />
ont réussi les Etats-Unis d'Aniérique parmi les peuplades<br />
sauvages, l'Angleterre parmi les populations des Indes Orien<br />
tales,<br />
la Russie parmi les hordes du Caucase. Ces trois gou<br />
vernements si différents de constitution en sont tous arrivés<br />
à employer pour étendre leur domination sur des races plus<br />
ou moins barbares ce même mode d'action,<br />
par la nature même et la force desi choses.<br />
tant il est dicté
Yusuf-bey<br />
120<br />
396<br />
au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 20 septembre 1836.<br />
Plusieurs personnes revêtues de caractères officiels sont<br />
arrivées ici depuis quelque temps pour recueillir des détails<br />
et des renseignements sur ma position. Arrivées avec quel<br />
ques préventions, je crois qu'elles partent parfaitement éclai<br />
rées sur le® calomnies dont je suis l'objet et toutes me témoi<br />
gnent leur satisfaction et l'intérêt que leur inspire notre<br />
province. Comme par écrit on ne peut entrer dans mille<br />
détails que quelques, instants de conversation donnent, je<br />
me décide à vous envoyer Villiers, il est au courant de toutes<br />
mes affaires,<br />
de tous mes embarras et est apte à répondre<br />
à toutes les questions que vous voudrez bien lui faire.<br />
J'ai été heureux d'avoir près de moi ce brave garçon et il<br />
m'a été partout où je l'ai employé de la plus grande utilité.<br />
Je m'abstiens de vous le recommander, vous le connaissez<br />
depuis longtemps. Ayez la bonté, Monsieur le Maréchal, de<br />
me le renvoyer par la plus prochaine occasion.<br />
J'ai mille éloges à faire de M. Allegro qui commande mon<br />
infanterie; il sert avec un zèle et une intelligence remar<br />
quables. Je serais heureux de le conserver au commandement<br />
de ce corps,<br />
jeune officier.<br />
et j'appelle toute votre bienveillance sur ce
— 121 —<br />
397<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris, le 21 septembre 1836.<br />
Je réponds à votre dépêche télégraphique du io septembre<br />
courant. Il n'est nullement question de réduction de troupes,<br />
ni d'évacuation de l'Afrique.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 122<br />
398<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
Alger,<br />
le 23 septembre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous rendre compte des mouvements et<br />
des travaux qui ont été exécutés dans la partie occidentale de<br />
la plaine de la Mitidja pendant le moisj d'août et de sep<br />
tembre.<br />
Une colonne mobile d'environ 2.000 hommes sous les<br />
ordres du général de Brossard a constamment tenu la cam<br />
pagne depuis le milieu du mois dernier,<br />
se portant tantôt<br />
sur un point, tantôt sur un autre, dans le but d'en imposer<br />
aux tribus hostiles, de protéger celles qui sont soumises,<br />
d'habituer les Arabes à nous voir progressivement avancer<br />
au milieu d'eux,<br />
et de faire la reconnaissance exacte des<br />
positions que nous pourrons avoir intérêt à occuper.<br />
Depuis longtemps,<br />
les tribus placées au delà de la Chiffa<br />
et du Mazafran et les Kabyles des environs de Blida sont les<br />
seuls de la part desquels nous éprouvions de la résistance.<br />
Pour les contenir, paralyser leurs entreprises et les ame<br />
ner à faire une soumission définitive, le meilleur moyen est<br />
de s'établir le long de la Chiffa, ayant un centre au camp<br />
retranché, sa gauche à Blida et sa droite vers Coléa. Ce<br />
camp central menacera directement les Hadjoutes, favori<br />
sera les mouvements offensifs à fai >. contre eux, les forcera<br />
à se soumettre ou à s'éloigner et servira au besoin de point<br />
d'appui aux troupes envoyées pour manœuvrer sur la rive<br />
gauche de la rivière.<br />
■'
—<br />
— 123<br />
L'emplacement de ce camp a été choisi dans un lieu tout<br />
à fait convenable, mais comme il se trouve à 4 ou 5 lieues<br />
de Boufarik,<br />
il a paru sage de commencer par assurer la<br />
ligne de communication à cet effet. Un blockhaus, entouré<br />
d'une redoute pouvant contenir un bataillon et deux esca<br />
drons, a été élevé à Sidi Klifa, à une lieue et demie en avant<br />
du camp d'Erlon, et un autre, également fortifié, sur les<br />
bords du ruisseau dit d'Oued Lalleg à la même distance de<br />
Sidi-Klifa.<br />
La colonne, s'est ensuite portée sous Blida pour faire une<br />
reconnaissance très exacte de cette localité importante, mais<br />
difficile et encore mal étudiée jusqu'à ce jour. Après y avoir<br />
séjourné quelque temps sans qu'un seul homme soit entré<br />
dans la ville, ce à quoi les habitants eux-mêmes nous<br />
avaient cependant invités, elle s'est reportée sur Oued Lalleg<br />
en s'arrêtant successivement à Meldoneh (i) et sur un autre<br />
point. Cette lenteur dans son mouvement avait pour objet<br />
d'empêcher les Arabes hostiles de croire quei la crainte était<br />
pour quelque chose dans notre retraite du camp sous Blida.<br />
La reconnaissance du terrain exécutée avec beaucoup de<br />
soin par le directeur des fortifications en personne, nous<br />
sera très utile, lorsque nous nous résoudrons à occuper cette<br />
ville ou une position qui nous en rendra les maîtres.<br />
Le'<br />
colonel Lemercier s'est en outre assuré que le lit de<br />
la Chiffa était.plus élevé que le sol de Boufarik, et qu'il était<br />
par conséquence possible de déverser les eaux de cette rivière<br />
aans le bassin de ITÏÏarrach. Cette circonstance pourra être<br />
d'une grande utilité pour les cultures à établir dans la<br />
plaine, en leur fournissant de l'eau pour les arroser.<br />
La colonne mobile va maintenant se reporter sur la<br />
Chiffa pour construire le camp dont il a été fait mention.<br />
Mon intention n'est plus d'y laisser des troupes à demeure.<br />
On se contentera d'éle* r une vaste redoute susceptible de<br />
(1) Lieu dit à 2 kil. N.'s de Blida.
—<br />
— 124<br />
recevoir au besoin 1.000 hommes. Les troupes reviendront<br />
ensuite à Boufarik et seront cantonnées jusqu'à ce que le<br />
moment d'entreprendre des opérations plus sérieuses soit<br />
arrivé. De la sorte, les postes peuvent ici être abandonnés à<br />
eux-mêmes sans inconvénients et l'on est toujours sûr de<br />
les retrouver intacts, les Arabes ne songeant jamais à les<br />
détruire.<br />
Ces marches et ces travaux ont en outre été avantageux<br />
en ce qu'ils ont maintenu les troupes en haleine, et les ont<br />
habituées à la vie des camps qui doit être la leur en Afrique,<br />
sans que leur état sanitaire s'en soit sensiL ■'•-./ icnt ressenti<br />
malgré la chaleur excessive du mois d'août, lls^nous ont de<br />
plus démontré que la plaine de la Mitidja n'est en réalité<br />
malsaine même pendant l'été que dans les parties qui sont<br />
sous l'influence directe des marais.<br />
Les Arabes hostiles ont essayé en vain de troubler les opé<br />
rations du général de Brossard. Ils ont fait, lorsqu'on a cons<br />
truit le. poste de Sidi-Klifa, une reconnaissance qu'un ou<br />
deux escadrons et quelques coups de canon ont suffi pour<br />
mettre en fuite. Nous avons eu un homme tué et un blessé<br />
et les assaillants ont éprouvé une perte d'une douzaine de<br />
cavaliers mis hors de combat.<br />
Ils ont renouvelé la même tentative à Oued Lalleg au<br />
nombre de 290 environ, sans obtenir plus de succès. Nous<br />
avons eu un seul zouave blessé et l'on a porté la perte des<br />
Hadjoutes à une quinzaine d'hommes.<br />
Ceux-ci se sont présentés de nouveau sur la Chiffa quand<br />
on a fait la reconnaissance du camp. Chargés à fond par<br />
deux escadrons de chasseurs et de spahis, ils ont perdu une<br />
douzaine d'hommes. M. le lieutenant de Lapeyrouse (1) des<br />
d<br />
(1) Dalmas de Lapérouse (Théobald). .Vannes (Morbihan), le<br />
4 mars 1814. Elève à l'Ecole Spécial» ,,-ire, 21 novembre 1831;<br />
sorti le Ie"<br />
octobre • 1833; sous-lieutenànJ régiment de chasseurs<br />
d'Afrique, 31 décembre 1834; lieutenant; lût 1838; capitaine adju<br />
dant-major, 31 janvier 1841; chef d'escadron àul5° régiment de chas<br />
seur, 23 février 1847; lieutenant-colonel •»'àu il*7 'régiment de spahis,
—<br />
— 125<br />
chasseurs d'Afrique en a tué un et blessé un autre de sa<br />
main.<br />
C'est pendant que le corps expéditionnaire se trouvait<br />
sous Blida qu'il a eu des attaques un peu plus sérieuses à<br />
essuyer.<br />
Le i5 septembre, une reconnaissance a été poussée près<br />
de la ville. Les Kabyles des Beni-Salah cherchèrent à s'y<br />
opposer à l'aide des difficultés que présentaient le terrain.<br />
Comme ils n'étaient que 45o à peu près, ils furent facile<br />
ment chas-,-'., des positions qu'ils avaient prises et refoulés<br />
dans la moiUgrie. Nous eûmes deux hommes blessés, dont<br />
un grièvement et quelques autres qui reçurent de très légè<br />
res contusions.<br />
Le lendemain 16, les Beni-Salah ayant été rejoints par un<br />
certain nombre de Kabyles d'autres tribus et par une por<br />
tion des cavaliers hadjoutes, profitèrent des jardins et des<br />
infractuosités du terrain qui bordent l'ancien lit de l'Oued-<br />
el-Kébir pour venir inquiéter le camp qui se trouvait d'ail<br />
leurs hors de portée. Le général de Brossard fit aussitôt des<br />
dispositions pour les débusquer en les tournant par leur<br />
gauche, ce qui fut exécuté avec un plein succès. Les Kabyles<br />
furent encore débusqués et obligés de se retirer de nouveau<br />
dans les montagnes. Nous eûmes ce jour-là un seul homme<br />
blessé.<br />
6 septembre 1849; colonel au 6e régiment de chasseurs, 10 mai 1852;<br />
général de brigade, 12 mars 1859; commandant la 2e brigade de la<br />
division de cavalerie du 3° corps de l'armée d'Italie, 27 avril 1859; la<br />
jre<br />
brigade de la division de cavalerie du camp de Châlons, 28 avril<br />
1860; la lr« brigade de la division de cavalerie du 4° corps d'armée à<br />
Lyon, 18 octobre 1860; la 2e brigade, 30 septembre 1862; la 2« brigade<br />
de la division de cavalerie de la Garde Impériale, 3 septembre 1863;<br />
disponible (raison de santé), 7 mars 1868; commandant la subdivision<br />
de la Somme, 19 juillet 1870; relevé de ce commandement, 24 septem<br />
bre 1870; les subdivisions Jv Tam-et-Garonne et du Lot à Montauban,<br />
24 novembre 1870; conr<br />
^<br />
-•., seulement la subdivision de Tarn-et-<br />
Garonne, 15 septembre ""jj.n.. jsponible (raisons de santé), le 6 juillet<br />
1872; admis par ariticip -,-.^-1/ !ans la section de réserve à dater du<br />
'défWr.""'1<br />
17 mai 1875; admis ment, le 14 mars 1876; admis à faire<br />
—<br />
valoir ses droits à \a: iretraive;v31 août 1878. Chevalier de la Légion<br />
d'honneur, l«r avril 1840; grand officier, 11 mars 1868.
— — 126<br />
J'avais envoyé l'ordre à la colonne de revenir à Oued-<br />
Lalleg, mais ayant appris qu'elle avait été attaquée,<br />
je lui<br />
prescrivis de conserver sa position près de Blida pour empê<br />
cher les Kabyles de croire que c'étaient eux qui nous for<br />
çaient à nous retirer.<br />
Le 17, dès 7 heures du matin, les Arabes ayant reçu de<br />
nouveaux renforts qui portaient leur nombre à 8 ou 900<br />
non compris i5o cavaliers, renouvelèrent leur attaque du<br />
côté des jardins. Le capitaine Benaud, aide de camp du<br />
général de Brossard, fut envoyé avec quelque" compagnies<br />
et il parvint à les contenir quoiqu'ils se renforçassent à tout<br />
moment. Ils s'étendirent alors beaucoup sur leur gauche<br />
pour nous déborder. Le colonel de Schauenbourg marcha<br />
avec la cavalerie pour arrêter leur mouvement; un escadron<br />
de spahis chargea la cavalerie hadjoute et se laissant empor<br />
ter par trop d'ardeur, il donna sur une nouvelle troupe de<br />
cavaliers qui se trouvait embusquée. Il fut obligé de battre<br />
en retraite et il se trouvait serré de près lorsque M. le lieu<br />
tenant de Drée,<br />
commandant un peloton du<br />
ier<br />
régiment<br />
des chasseurs d'Afrique, se précipita sur les assaillants, et<br />
soutenu par les spahis qui firent aussitôt volte-face, il par<br />
vint à les joindre corps à corps et les mit en déroute après<br />
leur avoir tué dix hommes restés sur le champ de bataille,<br />
parmi lesquels s'est trouvé un de leur chef les plus braves<br />
et les plus influents. Cette action fait beaucoup d'honneur<br />
à M. le lieutenant de Drée.<br />
A ce moment, le colonel de Schauenbourg fit porter sa<br />
cavalerie en avant contre la gauche des Arabes, et le général<br />
de Brossard fit vivement attaquer et tourner leur gauche<br />
par les zouaves et le 3e<br />
de ligne. Ce double mouvement<br />
offensif les força à abandonner précipitamment toutes leurs<br />
positions,<br />
montagnes, "rêt<br />
et à chercher de nouveau un refuge dans les<br />
où nous n'avions aucv , ,A<br />
le combat cessa entièrement.<br />
à les suivre, et<br />
Nous avons donc eu, le i5, deux soldats blessés dont un
—<br />
— 127<br />
sapeur du génie grièvement. Les Arabes ont eu trois cava<br />
liers démontés et 17 fantassins mis hors de combat.<br />
Le 16, également deux hommes blessés et les Arabes en<br />
ont, perdu à peu près le même nombre que la veille.<br />
Le 17, un chasseur à cheval et un zouave ont été tués, un<br />
officier de zouaves et sept soldats, un fusilier du 63e de ligne<br />
ont été blessés, deux chevaux ont été tués.<br />
D'après les rapports reçus, les assaillants ont perdu au<br />
moins une) soixantaine d'hommes, non compris dix-sept<br />
Hadjoutes, dont huit sont restés morts sur le terrain et<br />
parmi lesqu3'* on a reconnu un de leurs chefs les plus bra<br />
ves et les plus influents.<br />
Je dois des éloges au général de Brossard sur la manière<br />
dont il a exécuté les ordres que je lui ai fait donner et les<br />
dispositions prises par lui, lorsqu'il a été attaqué; à M. le co<br />
lonel Lemercier, pour l'activité et le zèle qu'il a déployé,<br />
ainsi que pour les travaux qu'il a fait exécuter.<br />
Le général de Brossard se loue de son côté de M. le colo<br />
nel baron de Schauenbourg, du chef d'escadron Korte, du<br />
chef de bataillon de zouaves Davière et du capitaine du<br />
génie Bouteilloux (1). Le général Brossard cite plusieurs<br />
(1) Bouteillocx (Martial), né le 18 août 1804, à Limoges. Elève à<br />
l'Ecole Polytechnique. Sous-lieutenantrélève à l'Ecole d'application<br />
d'artillerie et du génie, 1er octobre 1825; lieutenant en second au<br />
28 régiment du génie, 31 janvier 1828; passé au 3« régiment, 15 décem<br />
bre 1828; lieutenant en 1er, 25 janvier 1829; employé à Montpellier,<br />
28 février 1830; à Pont-Saint-Esprit, 6 décembre 1831; capitaine, 11 mai<br />
1832; employé à Toulon, 10 juin 1832; à Entrevaux, 10 novembre 1832;<br />
à Toulon, 10 mai 1833; détaché du 3e<br />
régiment, 10 février 1835; em<br />
l8r 1er<br />
ployé à Alger et Douera, avril 1836; au régiment, 27 février<br />
1837; à Medjez Ammar, 27 novembre 1837; capitaine en lsr, 24 janvier<br />
1838; employé à Alger et à l'Etat-Major du Génie, 27 janvier 1839; chef<br />
du Génie à Cherchell, 15. mars 1S40; chef de bataillon, 25 juillet 1841,<br />
à Blidah, 8 octobre 1841; lieutenant-colonel, 24 octobre 1845; directeur<br />
p. i. des fortifications à Constantine, lw février 1846; passé au 2e régi<br />
ment du génie, 14 juilV 'n: colonel, 18 juillet 1849; général de bri<br />
gade, 1er février 1854; t'.'x-n.. iant supérieur du génie de la lre divi<br />
sion militaire, 7 fév. I8&4 -ïicMbre adjoint du Comité des fortifications<br />
15 mars 1854; inspecteur., général de 1854 à 1858; commandant le génie<br />
du lw corps de l'armée d'Italie, 2 mai 1859; général de division, 25 juin
officiers,<br />
128 —<br />
sous-officiers et soldats comme s'étant fait remar<br />
quer par leur bravoure. Ils seront mis à l'ordre de l'armée.<br />
399<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 23 septembre 1836.<br />
L'ancienne ville de La Calle est depuis quelque temps<br />
occupée par un corps de Turcs au service de la France est<br />
sous le commandement d'un officier français. La sûreté<br />
comparative du mouillage que cette plage domine, la<br />
richesse en corail des côtes attenantes, la beauté du pays,<br />
enfin le caractère pacifique des habitants et leurs habitudes<br />
de relations avec la France,^ tout désigne ce lieu comme<br />
devant être l'objet de l'attention du gouvernement. Pour<br />
que les ressources qu'offre cette localité ne se perdissent pas,<br />
il faudrait qu'une organisation dont vous détermineriez la<br />
nature vint bientôt sur ce point imprimer aux choses une<br />
marche régulière.<br />
1859; membre du Comité des Fortifications, 30 juillet 1859; inspecteur<br />
général de 1859 à 1865; membre de la Commission Mixte des Travaux<br />
Publics, 24 février 1866; inspecteur général de 1866 à 1868, admis dans<br />
la section de réserve le 19 août 1869; décédé à Levallois-Perret, le<br />
— 13 mai 1877. Chevalier de la Légion d'honneur, 27 avril 1838; grand<br />
officier, 14 août 1865.
— — 129<br />
Plusieurs formes peuvent être données à cette occupa<br />
tion : elle peut être semblable à celle, des autres points de<br />
la côte. Cette méthode, qui est la plus conforme à nos habi<br />
tudes administratives, est aussi la plus coûteuse et occa<br />
sionnerait des dépenses qui pendant longtemps sans doute<br />
dépasseraient les revenus.<br />
On peut aussi laisser à La Calle une garnison turque de<br />
60 à 100 hommes, telle qu'il s'y en trouve une aujourd'hui.<br />
Elle serait fournie par le bey de Constantine Yusuf, mais<br />
soldée par la France qui percevrait tous les revenus prove<br />
nant de l'occupation. Un capitaine français ou chef de<br />
bataillon commanderait la place et réglerait toutes les rela<br />
tions avec l'intérieur;<br />
un commis de la douane chargé des<br />
recettes et dépenses de la ville et un agent subalterne com<br />
pléterait cette organisation à bon marché.<br />
Les revenus de La Calle quand une fois une administra<br />
tion quelconque aura été établie, pourraient se composer<br />
des produits que donneront la location des maisons de la<br />
ville, des terres et maisons en dehors de la ville, les paten<br />
tes pour le droit de vente, les patentes délivrées aux corail-<br />
leurs, les droits d'ancrage, l'exploitation des bois,<br />
particulier du liège et la fabrication du charbon.<br />
celle en<br />
Quel que soit le mode d'occupation qu'il vous convienne<br />
d'adopter, il serait très utile de régler sans délai cette<br />
affaire afin de profiter des ressources qu'offre ce lieu et<br />
d'habituer les populations des côtes à voir sans étonnement<br />
que nous nous établissons partout où nous avons intérêt à<br />
le faire.
130<br />
400<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 23 septembre 1836.<br />
Je vous envoie ci-joint les copies des lettres qui compo<br />
sent pour ce courrier la correspondance de Bône; elles vous<br />
feront bien comprendre l'état du pays. Je viens appuyer de<br />
nouveau sur les considérations que je vousi ai exposées dans<br />
le rapport de la semaine, car j'ai la conviction profonde<br />
qu'il est de la plus haute importance d'agir en ce moment<br />
sur Constantine. Toutes les populations de la Bégence, mais<br />
surtout celle du beylick de Constantine, sont dans l'attente<br />
d'un mouvement des Français contre le bey Ahmed. Si<br />
nous prenons ce parti, nous réussirons et une grande im<br />
pression sera produite sur les esprits. On comprendra que<br />
nous pouvons tout ce que nous voulons, que nous péné<br />
trerons dans tous les lieux de la Bégence. Dès que nous<br />
aurons résolu de| le faire, les tribus même éloignées pres<br />
sentiront le moment où elles seront sous le coup de notre<br />
vengeance et elles craindront de nous irriter en se joignant<br />
à nos ennemis quand nous aurons établi notre autorité à<br />
Constantine. Abd el Kader, lui-même sera bien prêt d'être<br />
abandonné.<br />
Si nous renonçons à marcher sur Constantine ou si nous<br />
hésitons,<br />
nous passerons pour une nation incertaine dans<br />
ses projets et qui recule devant les entreprises considéra<br />
bles. Ceux qui sont bien disposés pour nous craindront de
— — 131<br />
se compromettre et se retireront de notre cause. Le moment<br />
est opportun pour commencer à agir; plus tard, nous<br />
aurons moins d'alliés. D'ailleurs tous les préparatifs sont<br />
faits pour tout ce qui regarde l'artillerie, le génie et l'admi<br />
nistration. Le bey Yusuf a par son influence obtenu des indi<br />
gènes un nombre de mulets suffisant pour les transports.<br />
Les tribus qui font leur soumission s'impatientent et<br />
s'effrayent de nos lenteurs,<br />
on ne pourra pas toujours les<br />
retenir. J'insiste donc pour que l'expédition puisse com<br />
mencer vers le milieu d'octobre. Il ne manque plus pour<br />
être en mesure que de compléter le corps expéditionnaire à<br />
10.000 hommes étant effectivement sous les armes, y com<br />
pris le<br />
17e<br />
léger qui va passer d'Oran à Bône. J'aurai en<br />
outre la faculté de recruter suivant les besoins de la guerre<br />
des auxiliaires indigènes, lesquels seront payés seulement<br />
pendant la durée de l'expédition.<br />
Cependant après nous être établis à Constantine, on<br />
pourra avoir encore à s'en servir pour prendre à revers les<br />
Kabyles qui occupent les montagnes jusqu'à Bougie. La<br />
solution de cette question intéresse à un si haut point l'ave<br />
nir du pays que je vous prie de vouloir bien donner à<br />
toutes ces demandes la plus sérieuse attention.
— — 132<br />
401<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 23 septembre 1836.<br />
Je vous envoie le résumé desj faits qui se sont produits<br />
dans la Bégence depuis le départ du dernier courrier.<br />
La colonne du général de Brossard, comme je* vous l'ai<br />
déjà fait savoir par une dépêche télégraphique, avait reçu<br />
l'ordre de rentrer à Boufarik en passant par Blida, afin de<br />
reconnaître les points à fortifier dans les environs de cette<br />
ville et de s'assurer de la fidélité des habitants,<br />
faire entrer de troupes dans la place.<br />
mais sans<br />
Les Beni-Salah ont voulu s'opposer à cette reconnaissance<br />
et sont venus, au nombre de 5oo environ, engager contre<br />
nos soldats un feu de tirailleurs qui a duré quelques heures<br />
et s'est renouvelé de la même manière les deux jours sui<br />
vants. Le général Brossard ne voulant pas reculer devant les<br />
attaques de l'ennemi, est resté devant la place trois jours au<br />
lieu de vingt-quatre heures qu'il devait y passer.<br />
Dans ces différents engagements, les Beni-Salah ont eu<br />
trente hommes tués par l'artillerie et plusieurs par la mous-<br />
queterie. Des cavaliers hadjoutes qui avaient paru au nom<br />
bre d'une centaine pour tenter de se joindre aux Beni-Salah,<br />
chargés par un peloton du<br />
icr<br />
dement du lieutenant de Drée,<br />
chasseurs sous le comman<br />
ont laissé par terre huit des<br />
leurs tués par le sabre. De notre côté, il y a eu un sergent<br />
de génie blessé et deux zouaves tués,
— — 133<br />
Comme la rentrée de nos troupes allait produire un mau<br />
vais effet, j'ai donné ordre au général Brossard de revenir<br />
sur la Chiffa et d'y construire des retranchements pour rece<br />
voir 1.000 hommes et 200 chevaux, ce sera un camp où on<br />
ne laissera pas de garnison et que l'on n'occupera que dans<br />
les mouvements militaires qui s'opèrent de ce côté.<br />
Quant aux Hadjoutes,<br />
je les réduirai à la soumission pen<br />
dant l'hiver ou je les détruirai entièrement.<br />
Je crois devoir vous envoyer copie des lettres que je viens<br />
de recevoir du commandant supérieur de Bône et du bey<br />
Yusuf. Cette correspondance vous mettra assez au courani<br />
des affaires de la province pour que je n'aie pas à revenir<br />
sur ce sujet. Les choses dans ce pays ont été amenées à<br />
ce point que si l'on agit promptement et avec des moyens<br />
suffisants, pn arrivera à coup sûr au but avec1 le concours<br />
d'une immense majorité de la population et si l'on hésite<br />
ou si l'on retarde, on se privera pour l'avenir de tout appui<br />
de la part des indigènes et l'on se réduira à la nécessité de<br />
garder avec peine une petite portion du pays au lieu d'en<br />
dominer et à peu de frais la totalité. J'insiste pour que l'ex<br />
pédition de Constantine puisse commencer vers le milieu<br />
d'octobre afin de ne pas affaiblir par de plus longues tergi<br />
versations la confiance de nos alliés actuels en même temps<br />
que se relèverait le courage de l'ennemi. Les moyens de<br />
transport sont prêts; l'administration militaire, l'artillerie<br />
et le génie sont en mesure d'agir; il ne manque plus qu'une<br />
augmentation de troupes. J'ai déjà demandé par une lettre<br />
spéciale que le 5ge<br />
reste à Bône jusqu'après l'expédition; il<br />
faut achever de compléter le corps expéditionnaire à dix<br />
mille hommes, compris y<br />
les troupes qui ont déjà reçu leur<br />
17e<br />
destination pour Bône et en particulier le qui va passer<br />
d'Oran à Bône; en outre, j'aurai la faculté de faire enrôler<br />
des auxiliaires indigènes dont je fixerai le nombre et d'après<br />
les besoins de la guerre, mais<br />
qui'<br />
ne seront soldés que pen<br />
dant la durée de l'expédition. Une fois que le aura bey été<br />
nous n'aurons besoin pour le<br />
installé dans Constantine,
— — 134<br />
maintenir que de laisser dans la place huit -ou neuf cento<br />
hommes qui peu de temps après l'organisation du pays<br />
pourront être mis à la charge du beylick, ce qui soulagerait<br />
d'autant le Trésor. Constantine réduite sous la domination<br />
française, il ne sera plus nécessaire d'entretenir plus de<br />
douze ou quatorze cents hommes dans le pays de Bône et<br />
nous aurons ainsi la possession d'une province considérable<br />
assurée à peu de frais.<br />
Il ne s'est rien passé de nouveau sur ce point, la nouvelle<br />
de la prochaine restitution aux propriétaires indigènes des<br />
immeubles qui leur appartiennent dans la ville ou des ren<br />
tes que ces biens produisent a été d'un grand effet. Les<br />
anciens habitants réfugiés dans les tribus ont fait savoir<br />
qu'ils reviendraient tous s'établir avec leurs familles dans<br />
la ville dès qu'ils seraient sûrs de l'accomplissement de cette<br />
mesure. La reconstitution d'une population musulmane dans<br />
Bougie pourra changer complètement la nature de nos rap<br />
ports avec les tribus environnantes.<br />
Il n'est pas arrivé de courrier d'Oran depuis samedi der<br />
nier, je n'ai rien à vous apprendre sur l'état de ce beylick.
— 135<br />
402<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE75) (1)<br />
Alger, le 24 septembre 1836.<br />
La situation politique de la province de Bône est des plus<br />
favorables,<br />
vous le verrez par les dépêches que je vous<br />
envoie aujourd'hui. Le pays est admirablement disposé pour<br />
l'expédition de Constantine qu'il faudrait commencer.<br />
Des chefs puissants, des tribus nombreuses viennent se<br />
mettre sous les ordres de Yusuf pour marcher avec nous<br />
contre Ahmed-bey. Tout est prêt autour de nous, nous seuls<br />
ne le sommes pas. Si nous profitons du moment, le succès<br />
est aussi prompt qu'assuré. Tout retard peut faire éprouver<br />
de grandes difficultés. J'ai cru devoir faire connaître cette<br />
situation au Conseil d'administration et le consulter; con<br />
vaincu de la nécessité d'agir le plus promptement possible,<br />
il s'unit tout entier à moi pour vous prier avec les plus vives<br />
instances de presser par tous les moyens possibles le départ<br />
des troupes que j'attends pour l'expédition et de mettre à<br />
la disposition du général qui doit commander à Bône les<br />
fonds indispensables pour soutenir l'influence que Yusuf-<br />
bey<br />
nous a acquise avec autant d'habileté que de dévouement<br />
en épuisant toutes ses ressources.<br />
Je demande réponse par le télégraphe. Le moment est<br />
décisif. 11 faut absolument que les troupes soient à Bône<br />
avant le i5 octobre.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 136<br />
403<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 2-4 septembre 1836.<br />
Le courrier, d'aujourd'hui vous porte les nouvelles que j'ai<br />
reçues hier de Bône; elles sont du plus haut intérêt. J'appelle<br />
votre attention sur les dépêches du colonel Duverger, com<br />
mandant supérieur, en date des 18 et 19<br />
de ce mois.<br />
La situation actuelle de cette province se présente sous<br />
l'aspect le plus favorable à nos projets. Les esprits y sont<br />
admirablement disposés pour l'expédition de Constantine<br />
qu'il faudrait pouvoir commencer immédiatement. Cet état<br />
de choses, il faut le reconnaître, est dû surtout à Yusuf-bey.<br />
En employant avec une rare habileté et un dévouement sans<br />
bornes les faibles moyens mis à sa disposition, il nous a<br />
acquis, en peu de mois,<br />
une prodigieuse influence dans le<br />
pays. C'est ainsi qu'il a répondu aux infâmes calomnies<br />
dont il a été l'objet.<br />
Des chefs puissants, des tribus nombreuses viennent se<br />
mettre sous ses ordres et demandent àjjnarcher avec nous<br />
contre Ahmed-bey. Tous sont dans l'attente de ce que nous<br />
allons faire. Grands à leurs yeux, si nous marchons dans<br />
notre force et notre grandeur, nous sortîmes pour longtemps<br />
perdus dans leur esprit, si nous nous montrons timides,<br />
faibles ou irrésolus.<br />
La correspondance si intéressante,<br />
si instructive des Ara<br />
bes nous l'apprend. Ce peuple ne se laisse imposer et gou<br />
verner que par la force; ce qu'il respecte, c'est la puissance;
—<br />
— 137<br />
ce qu'il aime, c'est la grandeur; ce qu'il méprise,! c'est la<br />
faiblesse et l'hésitation, la plus fatale de toutes les faiblesses.<br />
Les résultats déjà obtenus dans la province de Bône et<br />
de Constantine sont i,mmenses. Nous sommes au moment<br />
de les perdre si nous ne savons pas en tirer parti, si, faute<br />
d'argent, nous laissons tomber l'influence de Yusuf, épuisé<br />
par ses efforts et qui a donné en présent à des chefs qui sont<br />
venus lui apporter leur soumission, son dernier sabre, son<br />
dernier habit, son dernier écu; si, faute d'hommes, nous<br />
ne nou^ montrons pas en état de soutenir et de protéger<br />
nos amis, de vaincre nos ennemis.<br />
Constantine est le foyer des résistances : le chef qui y<br />
règne par la terreur et les exactions est l'un de nos ennemis<br />
les plus acharnés. Détruisons sa puissance et l'Est tout<br />
entier est à nous.<br />
Constantine est un admirable champ pour la colonisation,<br />
pour la culture et le commerce; c'est là qu'il faut frapper;<br />
c'est là qu'il faut nous asseoir. Tout est prêt. Tarderons-nous<br />
seuls à l'être ? N'agirons-nous pas quand le temps et les faits<br />
nous pressent ?<br />
Dans cette conjoncture si grave, si intéressante pour l'ave<br />
nir de notre établissement en Afrique, j'ai voulu ni'éclairer<br />
de l'avis du Conseil d'administration. Je l'ai consulté en<br />
mettant hier sous ses yeux les dépêches que je venais de<br />
recevoir du colonel Duverger. II a été unanime à reconnaître<br />
la nécessité d'entreprendre dans le plus bref délai l'expédi<br />
tion projetée et annoncée. Il joint tout entier ses vives solli<br />
citations aux miennes pour vous demander, pour demander<br />
au gouvernement du roi, au nom des plus chers intérêts de<br />
la France, au nom de sa gloire et de son honneur, de presser<br />
par tous les moyens possibles l'envoi des troupes qui m'ont<br />
été promises pour cette expédition et de mettre à la dispo<br />
sition du général qui va commander à Bône les fonds indis<br />
pensables pour maintenir l'utile influence que Yùsuf-bey<br />
nous a acquise à ses dépens. Cet argent bien employé, c'est<br />
du sang français épargné.
— — 138<br />
Le coup que nous frapperons dans la province de Cons<br />
tantine aura un prompt retentissement dans celle d'Oran et<br />
y produira d'importants résultats.<br />
Ci-joint copie de la dépêche télégraphique que je vous<br />
adresse sur le même sujet.<br />
Je vous prie de les mettre l'une et l'autre sous les yeux du<br />
Conseil.<br />
404<br />
L'Intendant Civil au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 24 septembre 1836.<br />
L'existence d'un club républicain à Alger vous a déjà été<br />
signalée par mon prédécesseur qui vous a adressé différents<br />
rapports à ce sujet jusqu'à la date du 16 août dernier,<br />
Depuis, de nouveaux rapports lui ont été faits sur ce club,<br />
vous en trouverez ci-joint copie, ainsi que de celui qui m'a<br />
été adressé par la police, le 3 de ce mois. Il porte à ma con<br />
naissance qu'une réunion a eu lieu après l'arrivée de trois<br />
des sous-officiers qui se sont partagés le mouchoir d'Ali-<br />
baud (i), réunion qui avait pour but de décider si l'on devait<br />
leur donner un banquet ou attendre que ceux qui sont<br />
annoncés soient arrivés.<br />
(1) Alibatjd (Louis), exécuté le 11 juillet 1836, pour attentat à la vie<br />
du roi.
— — 139<br />
De telles réunions ne peuvent donner d'inquiétudes dans<br />
un pays comme celui-ci, où l'activité d'esprit prend si faci<br />
lement une autre direction. Toutefois, je n'en continuerai<br />
pas moins d'exercer une sévère surveillance sur la nature<br />
et les actes de celte réunion et à vous en signaler les inves<br />
tigateurs.<br />
Je désirerais que vous puissiez joindre aux instructions<br />
que vous croirez devoir me donner à cet égard quelques<br />
notes sur les individus désignés au rapport ci-joint, qui me<br />
mettraient à même de rendre plus efficaces mes investiga<br />
tions.<br />
405<br />
Le Gouverneur Général au général Létang<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 27 septembre 1836.<br />
J'ai été bien satisfait du rapport du général Bapatel sur la<br />
situation générale de vos troupes. Je suis surtout enchanté<br />
de savoir qu'elles sont animées d'un excellent esprit et<br />
qu'elles désirent rencontrer l'ennemi qu'elles ont à combat<br />
tre. Témoignez bien ma satisfaction à tout le monde, aux<br />
chefs comme aux soldats.<br />
Ne voyez jamais dans mes lettres que ce qu'elles contien<br />
nent et ne prenez mes dispositions,<br />
quelles qu'elles soient,<br />
que dans leur simple et naturelle expression. Je sais fort<br />
bien que vous vous acquitterez parfaitement de tout ce que<br />
vous entreprendrez, mais je sais aussi que vous ne pouvez
— — 140<br />
suffire à tout dans un commandement trop étendu et qu'il \<br />
a dans cette situation risque pour vous et pour nous, sans<br />
qu'il y eût, si malheur arrivait, rien à pouvoir vous repro<br />
cher.<br />
Ayez ou continuez à avoir des égards pour Mustapha. La<br />
politique autant que ses services et ses bonnes dispositions<br />
pour nous le commandent; j'ai d'ailleurs pour lui une réelle<br />
affection à laquelle je ne veux pas manquer. Je m'occupe<br />
de lui trouver les moyens et l'autorisation de lui faire payer<br />
ce qui lui est dû depuis le mois de février ainsi qu'à Ibrahim<br />
que je veux, si je lé puis, faire traiter un peu mieux ou<br />
moins mal.<br />
Il paraît qu'Abd el Kader exige des tribus des sommes<br />
qu'elles ne veulent pas lui payer et qu'elles sont nécessi<br />
teuses. Il faut profiter de ces dispositions, faire des courses<br />
ver#le Sig,<br />
l'Habra et Mostaganem pour les encourager à la<br />
désobéissance par notre présence vers le Chélif .<br />
J'ai fait dire de vous avoir toujours un approvisionnement<br />
suffisant à Mostaganem pour que vous puissiez trouver des<br />
vivres lorsque vous vous rapprochez de cette ville avec les<br />
troupes ou colonnes mobiles. Le lieutenant-général Bapatel<br />
vous écrit à ce sujet. Disposez tout pour faire un approvi<br />
sionnement de six mois en blé pour la garnison de Tlemcen<br />
et éviter de faire deux expéditions. Il vaudrait mieux, après<br />
avoir ravitaillé Tlemcen, passer par la Tafna et y prendre<br />
des vivres pour le retour à Oran de cette colonne. Vous serez<br />
prévenu par le général Bapatel du moment convenable pour<br />
cette opération; maintenant il convient, comme je vous l'ai<br />
dit plus haut, de se présenter vers le Sig, l'Habra et là où<br />
vos mouvements premiers vous instruiront de l'utilité de<br />
votre présence.<br />
Déconsidérer, autant qu'on le peut, Abd el Kader; lui faire<br />
perdre la confiance de ses troupes en l'obligeant à s'éloigner<br />
de vous, le battre si vous le pouvez; disperser ses<br />
gens et<br />
engager les tribus à se révolter contre ses volontés, voilà ce<br />
que vous devez chercher à obtenir.
141 —<br />
406<br />
Ibrahim-bey au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. HH3)<br />
26 septembre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous annoncer que, jeudi 3 du mois de<br />
Gemady el Tany avant l'aurore, les Arabes sont venus vers<br />
notre camp pour nous surprendre; ils ont tiré sur nous et<br />
la cavalerie nous a entourés de tous les côtés. La plus grande<br />
partie de cette expédition se composait des Garàbas et de leur<br />
chef El Habib ben Halam, des Sedjeraras, Béni Chougran,<br />
Béni Zeroual, Medjaher, El Hachem, El Cheurfa et tous les<br />
Ashab-ed-Dahra,<br />
ainsi qu'un nombre incalculable de che<br />
vaux et beaucoup de troupes; ils avaient l'intention de sur<br />
prendre le camp. Nous leur avons livré un combat acharné<br />
avec nos soldats et quelques chevaux depuis l'aurore jusqu'à<br />
midi. Dieu nous a donné l'avantage sur eux, ensuite nous<br />
les avons refoulés sur le camp et, après cela, ils ont été<br />
forcés de se soustraire à nos coups. Ils ont travaillé à enle<br />
ver leurs morts aussitôt qu'ils l'ont pu. Enfin, ils se sont<br />
enfuis devant nous, honteux, confus et battus et nous, nous<br />
sommes sains et saufs par la grâce de Dieu, excepté quatre<br />
hommes et quatre chevaux blessés ainsi qu'un homme mort.<br />
Si l'ennemi s'est en allé, c'est à cause du grand nombre<br />
de morts qu'il avait et surtout parce que nous les pour<br />
suivions sans cesse à coups de fusil.<br />
Nous vous prions de nous faire donner deux pièces de<br />
canon; notre armée n'en a pas une et cependant l'artillerie<br />
nous est d'un grand secours par la crainte qu'elle inspire
— — 142<br />
aux ennemis. Je vous prie donc de nouveau de donner des<br />
ordres à ce sujet afin que nous ayons deux pièces de canon<br />
attachées à notre camp. Salut-<br />
P.-S. —<br />
de Dieu,<br />
Nous<br />
n'avons pas assez de soldats. Pour l'amour<br />
ayez les yeux fixés sur nous et que votre cœur ne<br />
nous oublie pas. Nous vous sommes entièrement dévoués et<br />
nous sommes comptés parmi vous.<br />
Ces Arabes qui sont venus nous attaquer étaient au nom<br />
bre de 3 ou 4-ooa hommes; il ne m'a pas été possible de<br />
savoir si Abd el Kader se trouvait en personne à ce combat,<br />
mais il est notoire quei ses grands officiers s'y trouvaient.<br />
Salut.<br />
407<br />
Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 27 septembre 1836.<br />
J'ai trouvé, à mon entrée au Ministère, votre correspon<br />
dance des 2 et 3 septembre, et j'ai reçu, quelques jours<br />
après, vos lettres des 7 et 10, ainsi que vos dépêches télé<br />
graphiques du 10 et du 17. J'ai répondu immédiatement le<br />
21 à l'une de ces dernières, mais il restait à statuer sur les<br />
diverses demandes que vous avez faites dans la vue de<br />
l'application du système général d'occupation que, sur votre<br />
proposition, le précédent cabinet paraissait disposé à adopter,
—<br />
— 143<br />
Je me suis fait rendre compte des projets rappelés dans<br />
votre correspondance et j'ai vu que, le 3o août dernier,<br />
M. le maréchal Maison vous a fait connaître qu'il n'appar<br />
tenait plus au cabinet d'alors de prendre l'initiative pour la<br />
réalisation d'un système dont ce cabinet n'avait pas lui-<br />
m^me arrêté les bases,<br />
que c'était aux nouveaux ministres<br />
du roi que devait être réservée la décision à prendre et que<br />
jusque-là il fallait vous renfermer dans les limites de l'occu<br />
pation actuelle et dans celle des dépenses qui résulteraient<br />
des dispositions déjà prescrites ou approuvées régulière<br />
ment. J'ai vu, en outre, que, le 10 du mois courant,<br />
M. le vice-amiral Bosamel, chargé de l'intérim du Minis<br />
tère de la Guerre, vous a informé que jusqu'à ce que le gou<br />
vernement de S. M. ait arrêté définitivement le système<br />
d'occupation de nos possessions du nord de l'Afrique,<br />
il ne<br />
pouvait que faire compléter les régiments qui se trouvent<br />
sous vos ordres. Il me restait donc à provoquer du gou<br />
vernement du roi une décision sur le projet d'occupation<br />
dont il s'agit.<br />
Ce projet et votre correspondance ont été mis sous les<br />
yeux du roi; il a apprécié les motifs qui vous ont déterminé<br />
à présenter un plan d'après lequel nous nous rendrions<br />
maîtres de tous les points qui peuvent servir à la défense<br />
du pays ou qui;, étant considérés comme centres d'action,<br />
vous paraissent devoir être occupés par nous afin d'asseoir<br />
notre domination dans toute l'étendue de la Bégence et de<br />
la rendre effective.<br />
L'exécution de ce plan devait exiger l'entretien d'une<br />
force permanente de 35.ooo hommes,<br />
dont 3o,ooo de trou<br />
pes régulières françaises et indigènes et 5.ooo de troupes<br />
indigènes irrégulières. Il a paru au<br />
gouvernement du roi<br />
qu'un plan aussi vaste ne pourrait se réaliser sans un<br />
accroissement de dépenses qu'il ne lui est point<br />
permis de<br />
faire, du moins quant à présent. Il lui a paru aussi que les<br />
hautes conceptions<br />
qui lui étaient soumises exigeaient une<br />
attention sérieuse de sa part et qu'elles devaient être le sujet
— — 144<br />
de mûres réflexions; par ce motif, il aurait désiré qu'il<br />
n'eût pas encore été question de l'expédition de Constantine.<br />
Mais Sa Majejsté a été frappée des conséquences que<br />
pourrait avoir dans un pays conxme l'Afrique et avec l'esprit<br />
des populations indigènes,<br />
l'ajournement d'une expédition<br />
amorcée, et par ce seul motif , que le gouvernement du roi<br />
rallié plusieurs tribus à notre cause, quand elle est regardée<br />
comme l'affranchissement des cruautés d'Ahmed-bey et<br />
comme la condition de la soumission de plusieurs tribus<br />
considérables auxquelles des espérances ont été données.<br />
C'est donc parce que l'expédition de Constantine a été<br />
annoncée, et par ce seul motif, que le gouvernement du roi<br />
autorise aujourd'hui, mais il ne l'autorise que comme une<br />
opération nécessitée par événement,<br />
comme une opération<br />
toute spéciale et sans que cela puisse tirer à conséquence<br />
pour l'exécution du plan d'occupation que vous avez pré<br />
senté; ce plan,<br />
comme je l'ai déjà dit, devant être l'objet<br />
d'un examen et d'une discussion approfondie, et le gouver<br />
nement de S. M. se proposant de reprendre cette question<br />
après l'expédition de Constantine.<br />
Ainsi cette expédition se trouve entièrement détachée du<br />
système général d'occupation et ne peut rien faire préjuger<br />
de ce qui pourra être décidé ultérieurement sur le plan que<br />
vous avez présenté.<br />
Il doit être bien entendu dès lors,<br />
Monsieur le Maréchal,<br />
que l'expédition de. Constantine doit se faire avec les moyens<br />
(personnel et matériel)<br />
sition,<br />
qui sont actuellement à votre dispo<br />
c'est-à-dire le plus économiquement possible, sans<br />
sortir en aucune manière des dépenses prévues et autorisées,<br />
si ce n'est pour ce qui concerne le service des transports<br />
ce qui ne sera pas une somme considérable, puisque d'après<br />
vos dernièresi dépêches Yusuf-bey<br />
se Iserait déjà procuré<br />
sinon la totalité, du moins la plus grande partie des mulets<br />
nécessaires.<br />
Vous êtes d'ailleurs autorisé à lever les /J.ooo cavaliers<br />
volontaires que vous avez demandé d'organiser; mais ainsi
— — 145<br />
que vous l'avez dit dans votre projet, ces /Looo cavaliers ne<br />
seront employés que pendant un mois ou six semaines maxi<br />
mum de la datée que vous avez assignée à l'expédition, et il<br />
ne sera donné à chaque cavalier que cinquante centimes par<br />
jour, indépendamment de la nourriture du cheval.<br />
En troupes françaises, vous disposerez d'abord de la gar<br />
nison de Bône y compris le 5qb<br />
régiment qui devait rentier<br />
en France et qui, en effet, devra y rentrer après l'expédi<br />
tion,<br />
et vous compléterez le corps expéditionnaire par des<br />
troupes que vous tirerez d'Oran en totalité,<br />
jusqu'à concur<br />
rence de 6 à 7.000 hommes, à moins que vous ne puissiez<br />
en prendre une partie à Alger, si, comme je l'espère, le<br />
3e bataillon et les détachements de recrutement sont arrivés<br />
à temps.<br />
Je donne des ordres pour qu'il vous soit envoyé d'urgence<br />
ce qui sera indispensable aux services de l'artillerie, du<br />
génie et des subsistances.<br />
Je n'entre dans aucun détail sur la composition et l'orga<br />
nisation du corps expéditionnaire, le gouvernement du roi<br />
sait qu'il peut compter sur votre sagesse,<br />
sur votre expé<br />
rience et sur les talents dont vous avez tant de fois donné<br />
des preuves, Monsieur le Maréchal,<br />
et il s'en rapporte à vous<br />
pour que rien de ce qui sera susceptible d'assurer le succès<br />
de l'expédition ne soit négligé.<br />
Vous formerez donc sur ces bases avec les éléments que<br />
je viens de vous indiquer,<br />
le corps expéditionnaire comme<br />
vous le jugerez nécessaire pour obtenir le résultat que vous<br />
vous proposez. Vous remarquerez, au reste,<br />
que les moyens<br />
ci-dessus sont supérieurs à la répartition qui avait été proje<br />
tée d'après votre plan d'occupation, et au moins égaux à<br />
ceux qui sont mentionnés dans votre instruction au général<br />
Rapatel, du 2 août dernier.<br />
11 ne,me reste qu'à appeler votre attention sur la nécessité<br />
de faire observer/ la discipline la plus sévère parmi les trou<br />
de faire respecter les prisonniers de guerre et les popu<br />
pes,<br />
lations désarmées,<br />
d'empêcher qu'on ne détruise ni les cul-<br />
10
— — 146<br />
tures, ni les arbres, ni les habitations. Pour changer à cet<br />
égard les usages de nos alliés indigènes, on leur accordera<br />
une récompense pour tout prisonnier qu'ils auront amené<br />
au quartier général.<br />
En outre, l'intention du roi est qu'aucune contribution de<br />
guerre ne soit levée, mais si des objets en nature devenaient<br />
nécessaires pour le service de l'armée, vous aurez soin qu'ils<br />
ne soient requis que par l'intermédiaire des fonctionnaires<br />
de l'Intendance militaire. Dans ce cas, les produits de ces<br />
réquisitions seraient livrés sur récépissés en bonne forme<br />
aux agents de l'administration militaire qui en rendraient<br />
compte comme de toutes les fournitures dont la conserva<br />
tion et la manutention leur sont confiées.<br />
Dans le cas de prise sur l'ennemi, l'intervention des mem<br />
bres de l'Intendance militaire sera également de rigueur; ils<br />
procéderont pour les matières ainsi qu'il vient d'être dit;<br />
et pour les deniers, ils en ordonneront le versement intégral<br />
dans les caisses du payeur de l'armée, selon les formes pres<br />
crites par les règlements en vigueur.<br />
Le gouvernement du roi se réserve de statuer ultérieure<br />
ment sur l'occupation de Constantine, d'après les rapports<br />
que vous m'adresserez.<br />
Vous jugerez d'après ce qui précède que l'établissement<br />
des nouveaux camps que vous vous proposiez de former ne<br />
pouvant être que la conséquence du système sur lequel le<br />
gouvernement du roi aura plus tard à se prononcer, vous<br />
devez vous abstenir de toute forpaation d'un camp retranché<br />
jusqu'à ce que des instructions précises vous soient adressées<br />
pour l'application du plan d'occupation qui pourra être<br />
adopté. Jusque-là et sauf l'expédition de Constantine, rien<br />
ne doit être changé à l'état actuel des choses à moins que<br />
vous n'y ayez été positivement et expressément autorisé.<br />
En résumé, vous verrez par cette lettre, Monsieur le Maré<br />
chal,<br />
que l'intention formelle du gouvernement du roi est<br />
que vous restiez d'une manière absolue dans la limite des<br />
dépenses autorisées pour i836, et, par suite, dans celle d'un
— 147 —<br />
effectif de trente mille hommes que l'état des crédits ne per<br />
met pas de dépasser.<br />
J'ai pris les ordres du roi sur la demande que vous avez<br />
faite de] deux lieutenants généraux, l'un pour commander<br />
dans la province d'Oran et l'autre pour le commandement<br />
de la cavalerie dans l'expédition de Constantine; Sa Majesté<br />
a pris cette demande en considération; deux lieutenants<br />
généraux vont vous être envoyés;<br />
celui qui commandera la<br />
cavalerie de l'expédition de Constantine devra rentrer en<br />
France immédiatement après l'expédition.<br />
P.-S. —<br />
J'adresse<br />
des instructions dans le sens de cette<br />
lettre à M. l'Intendant militaire de l'armée d'occupation<br />
afin qu'il se conforme en ce qui le concerne aux prescrip<br />
tions qu'elle renferme.<br />
408<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 29 septembre 1836.<br />
Je vous envoie le résumé des faits qui se sont passés<br />
depuis le départ du dernier courrier sur différents points de<br />
la Régence.<br />
Il n'est rien arrivé de remarquable. Le camp de la Chiffa<br />
se poursuit avec activité; dans cinq ou six jours, il sera en
— - 148<br />
état. Cet établissement jette l'inquiétude et la division parmi<br />
les tribus de la plaine. Les unes, et c'est le plus grand nom<br />
bre, désirent la paix mais une minorité hardie et turbulente<br />
veut la guerre, de là entre elles des discussions qui se sont<br />
déjà terminées par quelques hostilités. Les Beni-Messaoud<br />
et les Mezzaïa en sont venus aux mains, mais quand on aura<br />
occupé par des ouvrages retranchés et des blockhaus les<br />
positions qui dominent Blida, le parti ennemi de la paix sera<br />
réduit à se soumettre, car alors nous serons maîtres des<br />
communications par lesquelles la population s'approvisionne<br />
et reçoit les moyens d'entretenir avec Alger un commerce<br />
auquel elle tient infiniment.<br />
Le génie a reconnu et constate que la pente de la plaine<br />
depuis la Chiffa à Boufarik est de huit mètres et que cette<br />
pente se continue jusqu'à la Maison Carrée. Il résulte de ce<br />
fait important que les eaux de cette rivière qui n'est jamais<br />
à sec peuvent être amenées non seulement jusqu'à Boufarik,<br />
mais aussi jusqu'à, la Maison Carrée et même dans la plaine<br />
de Mustapha.<br />
J'ai reçu des nouvelles d'Oran du 6 au 20 septembre. A la<br />
Tafna, la tranquillité n'a pas été troublée; trois conrpagnies<br />
du<br />
23e<br />
ont été relevées par trois compagnies du 24e. Par<br />
suite de ce. changement, l'effectif de la garnison se trouve<br />
rétabli à environ 1.000 hommes. A Arzew, la place n'a pas<br />
été attaquée,<br />
mais des cavaliers ennemis rôdent autour et<br />
tirent sur les barques qui tentent de s'approcher de la côte<br />
vers le fond de la baie. Mostaganem reçoit .quelques provi<br />
sions des tribus voisines, mais en petite quantité. Le i5, des<br />
Arabes en assez grand nombre ont attaqué dès la pointe du<br />
jour le camp du bey Ibrahim à Mazagran,<br />
après un combat<br />
de plusieurs heures. L'ennemi qui avait essuyé des pertes se<br />
retira et fut poursuivi par les'troupes d'Ibrahim. Nos alliés<br />
ont eu un homme tué et quatre hommes et quatre chevaux<br />
blessés. Quelque temps avant, dix-huit individus, Juifs,<br />
Maures et Couloughlis de Mostaganem et de Mazagran<br />
s'étant écartés des postes pour aller à la ^maraude dans<br />
les
— — 149<br />
jardins étaient tombés dans une embuscade de cavaliers<br />
ennemis. Aucun d'eux n'a reparu, on sait que plusieurs ont<br />
été massacrés.<br />
Le général Létang est rentré à Oran le 17 septembre, après<br />
avoir, pendant une dizaine de jours, tenu la campagne avec<br />
environ 5oo hommes. Les auxiliaires avaient fourni pour<br />
cette excursion 5oo chevaux, il n'y a eu pendant cette course<br />
que deux petits engagement dans lesquels l'ennemi a perdu<br />
plusieurs hommes et chevaux et laissé deux prisonniers<br />
entre nos mains. Nous n'avons eu de notre côte qu'un<br />
homme dangereusement blessé, c'est un Sméla. On a ren<br />
contré cependant les Beni-Amer et les Garabas réunis en<br />
grand nombre, mais ils se sont retirés à notre approche, sans<br />
engager le cqmbat. On a pris aux Beni-Amer une grande<br />
quantité de grains dont ont profité nos auxiliaires; ils en<br />
ont assez pour ensemencer leurs terres,<br />
ce qui les dédom<br />
magera des pertes qu'ils ont essuyé depuis qu'ils nous ser<br />
vent. Le général Létang a été très satisfait dans ces der<br />
nières marches du moral des troupes qu'il corrrmandait, qui<br />
ont montré de l'ardeur et de la patience dans les travaux,<br />
Elles ont élevé plusieurs redoutes et ouvrages dans les posi<br />
tions qu'il sera bon d'occuper toutes les fois que nos opéra<br />
tions nous amèneront de ce côté. Les Arabes alliés ont aussi<br />
prouvé en faisant des prisonniers que leurs habitudes s'adou<br />
cissent par leur contact avec nous.<br />
Je sais par des lettres arabes qu'Abd el Kader se donne<br />
beaucoup<br />
de mouvement pour empêcher les tribus de venir<br />
à nous et pour réunir les moyens de soutenir la guerre. Il a<br />
fait retirer les Borgia plus avant dans le pays, il a fait sortir<br />
de Coléa les habitants Couloughlis et a envoyé à leur place<br />
des Maures;<br />
Mazouna, ville sur la rive droite du Chélif, où il a fait porter<br />
on croît qu'il veut aller lui-même habiter<br />
des approvisionnements de salpêtre et de soufre. Il a frappé<br />
les Metjaher. d'une contribution de 20.000 fr. et il demande<br />
de l'argent de tous côtés. Ces<br />
exigences indisposent extrê<br />
mement les populations; elles nous font avertir que si elles
— — 150<br />
étaient certaines d'être soutenues par nous, elles refuseraient<br />
de se conformer aux ordres d'Abd el Kader. C'est pourquoi<br />
il est important qu'en ce moment le général Létang se porte<br />
avec une forte colonne vers le Sig, l'Habra et entre les mon<br />
tagnes et Mostaganem afin d'appuyer tout mouvement hos<br />
tile contre Abd el Kader et d'être en position de promettre<br />
un secours prompt et efficace aux tribus qui voudront refu<br />
ser de payer ou d'abandonner leur territoire. J'ai donné à ce<br />
général des ordres à ce sujet.<br />
Abd el Kader a eu deux engagements sérieux avec les.gens<br />
d'Ouîéd Sidi Laribi, de Chaban, Flittas et avec une partie<br />
des Borgia; il avait aussi contre lui un assez grand nombre<br />
de Kabyles. Dans l'une et l'autre affaire, il a eu un désavan<br />
tage marqué et a été obligé de regagner précipitamment son<br />
camp; dans la dernière, il a laissé huit hommes et leurs<br />
chevaux entre les mains de ses ennemis. Les Beni-Amer eux-<br />
mêmes ne se sont pas mis du côté d'Abd el Kader et lui ont<br />
même demandé de sortir de leur territoire, de peur que sa<br />
présence n'attirât chez eux les troupes françaises et les dom<br />
mages qui suivent ces incursions.<br />
Depuis lé départ du dernier courrier pour France, il n'est<br />
pas, arrivé de lettres officielles de Bône, ni de Bougie, mais<br />
un déserteur des troupes du bey Ahmed de Constantine et<br />
deux marchands maures venus de Constantine à Djidjelli<br />
et de cette dernière ville à Alger, ont confirmé toutes les<br />
nouvelles que je vous ai données précédemment sur l'em<br />
barras du bey au milieu de défections qui ont déjà éclaté et<br />
de celles qui le menacent, ainsi que sur les bonnes disposi<br />
tions des tribus à notre égard. La presque totalité paraît<br />
n'attendre que notre apparition pour se ranger de notre côté.
— — 151<br />
409<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 30 septembre 1836.<br />
Je vous envoie ci-joint les traductions de dix lettres arabes<br />
reçues depuis le départ du dernier courrier pour France. Ces<br />
documents vous feront voir d'une manière plus vive et plus<br />
directe que ne pourraient le faire tous mes rapports quel est<br />
l'état du pays, quelle est la situation du pays, quels sont<br />
leurs vœux, quelle est leur attente et quel effet produisent<br />
sur eux les mécomptes, les lenteurs, nos mouvements rétro<br />
grades et mçme seulement notre inaction.<br />
Annotation. —<br />
Le<br />
ministre désire que toutes les pièces<br />
jointes à cette lettre soient étudiées et méditées et qu'une<br />
réponse soit faite à M. le Maréchal Gouverneur pour lui<br />
démontrer qu'à moins de se battre sur tous les points, ce qui<br />
exigerait des forces considérables et disproportionnées à<br />
l'importance réelle d'Alger et affaiblirait trop<br />
notre armée<br />
en France, il est impossible d'arriver à une amélioration<br />
soudaine et immédiate de notre occupation de nos posses<br />
sions en Afrique sans se jeter dans des dépenses d'hommes<br />
et d'argent dont on ne saurait assigner les limites.
— — 152<br />
410<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
Par sa dépêche du 5 juillet dernier,<br />
le 1"<br />
octobre 1836.<br />
mon prédécesseur<br />
vous a informé que la situation des crédits dont il pouvait<br />
disposer pour les compagnies d'infanterie de Turcs et Cou-<br />
loughlis ne lui permettait d'autoriser Yusuf-bey à porter les<br />
siennes qu'à 5oo hommes, avec cette condition toutefois que<br />
la solde serait ramenée à o fr. 6o par homme, plus une ration<br />
de vivres. M. le maréchal Maison ajoutait que cette condi<br />
tion était le sine qua non de sa décision.<br />
Par la lettre du<br />
iOT<br />
septembre dernier, M. le général Bapa<br />
tel a exposé les inconvénients que pourrait présenter cette<br />
mesure dans son exécution : il objecte d'une part la diffi<br />
culté de faire des distributions aux détachements isolés, et<br />
d'une autre, les préjugés qui défendent aux Turcs de man<br />
ger de la viande tuée par les chrétiens.<br />
La première objection est de nature, sans doute,<br />
lieu à des exceptions,<br />
à donner<br />
bien que cette difficulté paraisse avoir<br />
été surmontée jusqu'ici par les Turcs d'Ibrahim-bey, qui<br />
ont dû parfois se trouver dans une situation analogue.<br />
Quant aux préjugés, il est politique de travailler à les<br />
détruire. Tous nos efforts doivent y tendre et c'est pour faire<br />
un pas vers ce résultat que la mesure a été ordonnée. Il n'est<br />
pas d'ailleurs indifférent que les indigènes soldés par nous<br />
pour un service autre qu'une expédition accidentelle reçoi:<br />
vent la ration du soldat français, parce que cette nourriture
— — 153<br />
leur crée de nouvelles habitudes et même de nouveaux<br />
besoins qui les rapproche de nous.<br />
D'un autre côté, le faible crédit de 3oo.ooo fr. affecté en<br />
i836 et 1837 à la solde des Turcs et Couloughlis étant spécial<br />
à cette destination ne doit pas être dépassé,<br />
et comme il doit<br />
être prélevé la moitié pour les Turcs d'Ibrahim, il ne pourra<br />
être consacré plus de i5o.ooo fr. à ceux de Yusuf. Or, si ce<br />
bey continuait à allouer 1 fr. par jour à sa troupe, il ne<br />
pourrait entretenir qu'un bien moins grand nombre d'hom<br />
mes que s'il ne leur donnait que 60 centimes avec les vivres,<br />
dont la dépense serait imputée sur un autre chapitre.<br />
tion,<br />
Une dernière1<br />
considération qui me paraît digne d'atten<br />
c'est que si l'on maintenait la solde d'un franc pour<br />
les Turcs de Yusuf, il y aurait une différence trop grande<br />
entre cette solde et celle de 5o centimes seulement allouée<br />
sans<br />
vivres1<br />
aux contingents des tribus qui vont concourir<br />
à l'expédition de Constantine. Cette différence pourrait<br />
même donner lieu à des réclamations et devenir nuisible à<br />
l'intérêt du service.<br />
D'après ces considérations, il me semblerait préférable de<br />
fixer définitivement la solde des Turcs à 60 centimes par<br />
jour avec les vivres, sauf pour les détachements qui se trou<br />
veraient l'impossibilité absolue de les recevoir des magasins,<br />
à leur allouer exceptionnellement une indemnité représen<br />
tative de 4o centimes par jour.<br />
J'attendrai cependant pour prendre une détermination<br />
définitive à cet égard que vous m'ayez fait connaître votre<br />
opinion personnelle. Je vous rappellerai à cette occasion<br />
que,<br />
sur les observations que vous soumît M. l'Intendant<br />
militaire à l'époque de la création du corps de Yusuf, vous<br />
écrivîtes la décison suivante dont j'ai la copie sous les yeux :<br />
< Les auxiliaires du bey Yusuf ne doivent recevoir que la<br />
solde ordinaire; celle d'un franc par jour ne peut être don<br />
née que lorsqu'ils seront à la solde du bey de Constantine ».<br />
cette même solde de un franc a été allouée d'après<br />
Cependant,<br />
vos ordres.
— — 154<br />
Il convient donc d'examiner définitivement si elle doit<br />
être maintenue et si, une fois installé à Constantine, Yusuf-<br />
bey ne devra pas solder, avec ses propres ressources, le corps<br />
dont il s'agit et les autresi corps indigènes dont il pourra<br />
avoir besoin pour maintenir son autorité.<br />
C'est sur ces deux questions que j'attends de vous une<br />
prompte réponse. La solution de la seconde surtout est très<br />
grave en ce qu'il s'agirait d'une dépense indéfinie.<br />
411<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 6 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous prévenir que d'après la demande<br />
que vous avez faite des deux généraux, l'un pour comman<br />
der dans la province d'Oran, l'autre pour le commandement<br />
de la cavalerie dans l'expédition de Constantine, M. le lieute<br />
nant général comte de Damrémont et M. le maréchal de<br />
camp vicomte de Rigny<br />
champ<br />
reçoivent l'ordre de partir sur le<br />
et en poste pour se rendre à Toulon d'où ils seront<br />
transportés à Alger. A leur arrivée, ils se présenteront devant<br />
vous, afin que vous leur donniez vos ordres.<br />
M. de Rigny<br />
est mis à votre disposition pour le comman<br />
dement de la cavalerie pendant l'expédition de Constantine,<br />
il rentrera en France immédiatement après cette expédition.
— — 155<br />
Quant au général Damrémont (i),<br />
il est chargé de com<br />
mander spécialement sous vos ordres la province d'Oraù et<br />
les troupes qui s'y trouvent.<br />
En outre, le roi appréciant les motifs que vous avez fait<br />
valoir en demandant un lieutenant général pour cette pro<br />
vince, indépendamment du maréchal de camp qui y com<br />
mande déjà, et considérant que l'éloignement où vous vous<br />
trouvez de la capitale, la lenteur, et à cette époque de<br />
l'année, l'incertitude des relations peuvent avoir des consé<br />
quences graves, a reconnu qu'il serait d'une sage prévoyance<br />
de se mettre en mesure contre toute espèce d'événements<br />
en organisant d'une manière plus forte le gouvernement de<br />
nos possessions d'Afrique,<br />
et non interrompue.<br />
Il faut remarquer, en effet,<br />
son action devant être constante<br />
qu'un seul lieutenant général<br />
ayant d'ailleurs des fonctions très importantes à remplir,<br />
notamment celles d'inspecteur général, est insuffisant dans<br />
le cas où vous auriez besoin de vous faire suppléer pour un<br />
motif quelconque. Dans la circonstance actuelle, par exem<br />
ple,<br />
où vous dirigerez vous-même l'expédition de Constan<br />
tine que vous avez été autorisé à faire,<br />
votre absence du<br />
siège de votre gouvernement et les soins que réclamera cette<br />
expédition d'une part et le commandement général, ainsi que<br />
celui de la division d'Alger d'autre part,<br />
pouvant exiger que<br />
vous soyez secondé dans l'action du gouvernement de nos<br />
possessions soit à Alger, soit dans la province d'Oran, et que<br />
le général Bapatel lui-même soit obligé de diriger quelques<br />
opérations en exécution de vos ordres, il est indispensable<br />
qu'un lieutenant général soit mis à votre disposition et<br />
puisse vous suppléer s'il y avait lieu. Si, d'un autre côté,<br />
quelque accident de guerre venait à priver momentanément<br />
le gouvernement du roi de votre action personnelle dans la<br />
direction des affaires,<br />
ou si quelque circonstance vous obli-<br />
(1) V. les Instructions du Ministre à Damrémont (Annexes).
— — 156<br />
gaît à vous absenter momentanément d'Afrique, il faudrait<br />
encore, et à plus forte raison, que vous fussiez suppléé.<br />
Ces graves considérations ont donc motivé le fihoix du<br />
général Damrémont; il se rendra immédiatement à Oran<br />
pour y prendre sous vos ordres le commandement spécial de<br />
la province et des troupes qui s'y trouvent, mais si, par une<br />
des causes ci-dessus énoncées, vous cessiez temporairement<br />
l'exercice de vos fonctions,<br />
vous devriez l'en avertir immé<br />
diatement et c'est lui qui alors prendrait le gouvernement<br />
de nos possessions dans le nord de l'Afrique. Ce cas arrivant,<br />
l'intention du roi est donc, Monsieur le Maréchal, que vous<br />
lui remettiez ce gouvernement avec les instructions qui vous<br />
ont été adressées jusqu'à ce jour et toutes celles que vous<br />
jugeriez utiles d'y ajouter.<br />
Vous devez voir dans ces dispositions l'intention bien<br />
avouée de donner plus de force au gouvernement 'de nos<br />
possessions d'Afrique et de vous assurer un moyen d'action<br />
de plus dans la direction des affaires de ce gouvernement.<br />
P.-S. —<br />
Sa Majesté.<br />
Vous trouverez ci-joint une lettre que vous écrit
— 157<br />
412<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 6 octobre 1836.<br />
M. le chef d'escadron d'Etat-Major de Rancé, votre aide de<br />
camp (i),<br />
m'a exposé de votre part la situation politique et<br />
militaire de nos possessions du nord de l'Afrique et il a<br />
demandé, en votre nqm, que l'armée sous vos ordres soit<br />
portée à un effectif de 45.ooo hommes, y compris 3.ooo indi<br />
gènes soldés, dans le cas où l'on mettrait à exécution le plan<br />
général d'occupation que vous avez proposé.<br />
D'un autre côté, j'ai vu dans votre correspondance des 18,<br />
21, 23 et 24 septembre dernier, qu'il faut encore achever<br />
de compléter le corps expéditionnaire de Constantine à<br />
io.ooo hommes, y compris les troupes qui ont déjà reçu<br />
leur destination pour Bône, d'où résulterait la nécessité d'un<br />
renfort de 6 à 7.000 hommes.<br />
En (mereportant à votre correspondance) antérieure, j'ai<br />
remarqué que, dans votre instruction au général Rapatel du<br />
2 août dernier veus dites que pour mettre à exécution votre<br />
système de domination absolue dans l'ex-régepce d'Alger,<br />
vous disposerez de 3o.000 hommes de troupes françaises en<br />
y comprenant les zouaves et les spahis réguliers, de<br />
5.ooo hommes de troupes indigènes enfin irrégulières, de<br />
(1) Les rapports du chef d'escadron de Rancé ont été publiés dans<br />
les Explications du maréchal Clauzel, p. 133 et sq., à l'exception de<br />
celui du 4 octobre 1836, que l'on trouvera plus loin (Annexe).
— — 158<br />
4-ooo auxiliaires soldés pendant la durée des opérations sur<br />
Constantine.<br />
D'après les dernières situations qui me sont parvenues, le<br />
corps d'occupation présente l'effectif ci-après,<br />
A Alger (au 16 septembre)<br />
savoir :<br />
officiers<br />
sous-officiers et soldats<br />
io.563<br />
A Oran et Tlemcen (au 16 août) 12 . 102<br />
A Bône (au<br />
ier<br />
septembre)<br />
3. 602<br />
A Bougie (au 16 septembre) 2 . 4i8<br />
A ajouter<br />
Total 28.685<br />
Troupes embarquées posté<br />
rieurement à ces dates et<br />
qui doivent être arrivées<br />
actuellement en Afrique. 3. 116<br />
Total 3 1 . 801<br />
Cette force se trouvant supérieure à celle qui existait lors<br />
de votre départ de Paris, je ne puis m'expliquer comment<br />
l'expédition de Constantine qui était possible alors ne le<br />
serait plus aujourd'hui, surtout quand la situation politique<br />
n'est point changée, quand le corps d'occupation se trouve<br />
augmenté de 1.800 hommes, quand vov êtes autorisé à<br />
lever 4-ooo auxiliaires comme vous l'avez demandé et qu'on<br />
ajourne les opérations sur les autres points indiqués dans<br />
votre plan d'occupation générale.<br />
Rien, en effet, dans votre correspondance ne semble moti<br />
ver l'augmentation de forces demandée aujourd'hui; les rap<br />
ports du commandant supérieur de Bône des 18 et 19 sep<br />
tembre sont des plus favorables; des chefs puissants, des<br />
\ tribus nombreuses viennent, dites-vous (lettre confidentielle<br />
A<br />
\
— — 159<br />
du 24 septembre) se mettre sous les ordres du bey Yusuf et<br />
demandent à ^archer avec nous contre Ahmed-bey.<br />
Les lettres des indigènes des provinces d'Oran et de Titteri<br />
jointes à votre lettre du 20 sont aussi favorables que celles<br />
des tribus du beylick de Constantine. Abd el Kader est réduit<br />
à s'éloigner et à éloigner par force les tribus du Sig, de<br />
l'Habra et autres qu'il veut placer entre la Mina et le Chélif;<br />
il est de sa personne sur la Mina où il fatigue les Arabes<br />
(lettres des 7 et 16 septembre).<br />
Dans les environs d'Alger, la colonne du général de Bros<br />
sard a refoulé les Beni-Sala dans la montagne, les Hadjoutes<br />
ont été expulsés du bois des Karesas; le général Brossard est<br />
revenu sur la Chiffa et a ordre d'y<br />
chements {lettres du 23 septembre).<br />
construire des retran<br />
La situation de Bougie est sur le point de s'améliorer par<br />
suite de la nouvelle de la prochaine restitution aux indigè<br />
nes des immeubles qui leur appartenaient (lettre du 23 sep<br />
tembre).<br />
Je ne puis m'expliquer, je le répète, pourquoi vous deman<br />
dez un renfort de 6 à 7.000 hommes. Vous estimiez dans<br />
votre lettre du 2 août au général Rapatel qu'il fallait<br />
9.000 hommes à Oran; et cela dans la supposition de l'appli<br />
cation de votre plan d'occupation générale, circonstance qui<br />
entraînait à desi opérations. Mais aujourd'hui que les opé<br />
rations que vous vous proposiez de faire simultané-ment<br />
n'auront point lieu,<br />
aujourd'hui qu'Abd el Kader est très<br />
éloigné d'Oran, lf o'il ne peut rien entreprendre dans cette<br />
province,<br />
les forces qui se trouvent et qui s'élèvent de i3 à<br />
14.000 hommes, permettent d'en tirer ce qu'il faut pour<br />
faire l'expédition de Constantine sans avoir rien à craindre<br />
pour la province d'Oran puisqu'il y restera encore 7 à<br />
8.000 homjmes,<br />
dans vos instructions au général Rapatel et qui est suffisante<br />
force qui se rapproche de celle de 9.000 fixée<br />
pour rester sur la défensive pendant l'expédition de Cons<br />
tantine.
— 160 —<br />
En supposant que la nécessité de ravitailler Tlemcen vous<br />
fasse hésiter à retirer d'Oran les troupes nécessaires pour<br />
l'expédition de Constantine, il semble que ces deux opéra<br />
tions auraient pu se combiner, d'autant plus qu'il ne faut<br />
guère qu'une dizaine de jours pour porter des vivres d'Oran<br />
à Tlemcen et être rentré dans la première de ces places et<br />
que vous vous proposez de n'entreprendre l'expédition de<br />
Constantine que le i5 octobre.<br />
D'un autre côté, votre lettre du 7<br />
septembre et celle de<br />
M. l'Intendant militaire de l'armée du 9 du même mois,<br />
font connaître que 1.000 quintaux de froment ont été mis<br />
à la disposition du général Létang pour les faire transporter<br />
d'Oran à Tlemcen, où ils assureront la fourniture du pain<br />
jusqu'en mai 1837. Quant aux autres denrées, la garnison se<br />
les procure sur les lieux au moyen de l'indemnité de 5o cen<br />
times accordée par homme et par jour.<br />
Si toutefois les 1.000 quintaux de froment n'avaient pas<br />
encore été envoyés à Tlemcen et si les forces qui resteront<br />
dans la province d'Oran, après en avoir retiré ce qu'il faut<br />
pour l'expédition de Constantine,<br />
étaient insuffisantes pour<br />
qu'on pût en même temps ravitailler Tlemcen et faire l'expé<br />
dition de Constantine, rien n'empêcherait, ce semble, de<br />
remettre après la prise de cette dernière ville à faire la niar-<br />
che sur Tlemcen,<br />
car d'après votre lettre du 7, la garnison<br />
de cette dernière place aurait du pain jusqu'en novembre,<br />
et l'effet moral de vos opérations sur Constantine donnerait<br />
toute sécurité pour la marche sur Tlemcen.<br />
Quant aux craintes manifestées par M. de Rancé pour la<br />
sécurité d'Alger, il ne vous échappera pas,<br />
Monsieur le Maré<br />
chal, qu'il faudrait des circonstances bien graves pour s'alar<br />
mer, quand on considère que les Arabes ne peuvent pas<br />
seulement prendre un blockhaus ni aborder un retranche<br />
ment et que c'est sur ce principe de défense que vous avez<br />
conçu votre plan d'occupation.<br />
^fln je vois dans la copie de la lettre du colonel Duverger<br />
imbre jointe à l'une des vôtres du a3, qu'Ahmed-
ey<br />
— — 161<br />
ne paraît pas avoir réuni de grands moyens et que mal<br />
gré la présence de son camp dans les environs de Ras-el-<br />
Aba (i), où il y aurait 4 ou 5.ooo hommes dont i5 à 1.800<br />
d'infanterie,<br />
nos troupes ont reçu des tribus l'accueil le plus<br />
amical, que les chefs des Beni-Foughal (2) qui se trouvent<br />
très rapprochés de Ras-el-Aba sont venus à nous et qu'il suf<br />
firait de .marcher pour obtenir de nouveaux succès.<br />
Il n'y aurait dès lors aucun motif de réunir pour l'expédi<br />
tion de Constantine des moyens supérieurs à ceux que vous<br />
avez énumérés dans votre instruction du 2 août au général<br />
Rapatel.<br />
Je pense donc que vous pourrez, avec les forces dont vous<br />
disposez actuellement, faire l'expédition de Constantine,<br />
ainsi que vous avez y été autorisé dans la lettre que j'ai eu<br />
l'honneur de vous écrire le 27 septembre dernier et à laquelle<br />
je ne puis que me référer.<br />
(1) Ras el Akba, à 90 kil. S.-O. de Bône et à 84 kil. E. de Constan<br />
tine, entre l'Oued Zenati et l'Oued Cherg. Station sur la ligne de<br />
Bône à Constantine.<br />
(2) Béni Foughal, tribu montagnarde sur la rive droite de la Seybouse,<br />
au N. de Guelma.<br />
11
162 -<br />
413<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 6 octobre 1836.<br />
J'ai reçu la dépêche en date du 27 septembre, par laquelle<br />
vous me faites connaître les déterminations prises relative<br />
ment à l'expédition de Constantine. Je me conformerai aux<br />
ordres qui me sont prescrits. Je vais faire diriger sur Bône<br />
les troupes que je puis sans inconvénient distraire des corps<br />
d'armée actuellement affectées à l'occupation des autres<br />
points de la régence; ces troupes,<br />
à mesure qu'elles arrive<br />
ront à Bône, seront échelonnées sur la route de Constantine<br />
dans des camps retranchés dont le plus avancé sera seule<br />
ment à une quinzaine de lieues de Constantine, en sorte que<br />
Je pourrai de là me porter sur cette place en deux journées.<br />
Il est inutile de vous rappeler ce que seront ces camps,<br />
je vous l'ai déjà fait observer dans de précédentes dépêches.<br />
Il n'y a que le camp de Dréan qu'il est, je crois, nécessaire<br />
d'occuper d'une manière permanente parce que c'est réelle<br />
ment le poste avancé de Bône. Quant aux autres construite<br />
tant dans la province de Constantine que dans celles d'Oran<br />
et d'Alger, ce ne sont pas des camps d'occupation, mais de<br />
simples places d'armes,<br />
ne devant servir que lorsqu'on ma<br />
nœuvrera dans le pays où elles sont situées et qui seront<br />
abandonnées le reste du temps.<br />
En demandant l'autorisation d'enrôler et de solder pen<br />
dant l'expédition de Constantine des cavaliers indigènes,<br />
j 'avais moins pour but d'augmenter nos forces en y ajoutant
— 163 —<br />
un certain nombre d'auxiliaires, que de fournir à une-partie<br />
de la population le moyen de se montrer dans nos rangs<br />
afin de la compromettre et de donner aux tribus encore hos<br />
tiles et chancelantes l'exemple de musulmans ralliés à notre<br />
tawse. L'effet moral que je cherchais par cette mesure, loin<br />
d'être produit, se changerait en un effet tout contraire si je<br />
limitais trop brusquement à un nombre rigoureux les indi<br />
gènes admis à servir avec nous. Ceux que je renverrais se<br />
verraient compromis, joués par nous et en même temps<br />
l'objet des railleries de nos adversaires. D'amis ils devien<br />
draient ennemis et en nous quittant ils se mettraient contre<br />
nous dans l'armée du bey<br />
Ahmed. Il me paraît fort dange<br />
reux de n'admettre les indigènes à marcher avec nous que<br />
jusqu'à concurrence de 4ooo hommes. S'il s'en présente un<br />
plus grand nombre, je crois que c'est une nécessité des cir<br />
constances de les accepter, fussent-ils 5-ooo et plus. D'ail<br />
leurs je suis persuadé que l'on pourra compenser par une<br />
diminution dans le temps de leurs services cette augmenta<br />
tion dans le chiffre des hommes. Au lieu d'en employer<br />
4.ooo pendant six semaines., on en emploiera pendant moins<br />
de temps un plus grand nombre, s'il vient à s'offrir, car<br />
selon toute probabilité au bout de 3 ou 4 semaines on n'aurt<br />
plus besoin d'eux.<br />
J'ai toujours maintenu la discipline exacte et sévère. Dans<br />
cette circonstance, pas plus que dans aucune autre, je ne<br />
m'écarterai1<br />
argent,<br />
puissent être,<br />
de mes habitudes. Quant aux contributions en<br />
quelques faciles et avantageuses pour l'Etat qu'elles<br />
il n'en sera pas demandé, afin surtout de ne<br />
pas donner le moindre prétexte aux mauvaises interpréta<br />
tions, ce qui a eu lieu pour Tlqmcen.
164<br />
414<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger, le 7 octobre 1836.<br />
Depuis le départ du dernier courrier, il ne s'est rien passé<br />
de remarquable sur aucun point de la Régence.<br />
Alger. —<br />
A Alger, l'état des affaires est toujours le même<br />
Un marabout a essayé dans ces derniers temps de travailler<br />
les tribus de l'Est pour les exciter contre nous, mais ses<br />
intrigues sont restées sans effet; elles ont trouvé un obstacle<br />
trop<br />
fort dans l'intérêt commercial par lequel ces popula<br />
tions sont actuellement engagées à conserver leurs rapports<br />
avec Alger. Ce sont elles qui font presque tout le commerce<br />
de l'huile, lequel a tellement augmenté que les droits perçus<br />
par suite de l'importation de cet article ont presque doublé<br />
depuis le dernier exercice. Maintenant elles ne sacrifieraient<br />
pas à des sentiments de fanatisme ou de haine les bénéfices<br />
qu'elles obtiennent et espèrent.<br />
Un crime domestique vient d'être commis dans les envi<br />
rons d'Alger par des Kabyles sur un Italien domicilié depuis<br />
vingt ans dans le pays et sur l'es habitants de sa maison. Cet<br />
affreux événement est en partie le résultat de l'imprudence<br />
des Européens, lesquels,<br />
l'autorité,<br />
malgré tous les avertissements de<br />
s'opiniâtrent à laisser coucher sous leur toit leurs<br />
(1) Rapport hebdomadaire,
— — 165<br />
ouvriers kabyles, tandis que les hommes de cette classe, au<br />
temps de leurs anciens propriétaires musulmans, turcs ou<br />
maures, étaient pendant la nuit exclus de l'habitation. L'on<br />
peut aussi à ce sujet parler de l'inactivité de la police qui<br />
est toute désorganisée. Il est urgent que cette partie (3e<br />
l'administration soit reconstituée et qu'elle soit replacée sous<br />
la direction d'un chef spécial.<br />
Oran. —<br />
Les<br />
rapports d'Oran ne font que répéter d'une<br />
manière officielle les faits que j'avais par le dernier courrier<br />
portés à votre connaissance, d'après les récits de la corres<br />
pondance arabe. J'ai été averti, en outre, qu'Abd el Kader<br />
avait l'intention de se mettre très prochainement à l'oeuvre<br />
pour faire construire par corvées une ville à l'entrée du<br />
désert,<br />
à trois journées de Mascara., l'emplacement qu'il a<br />
choisi est un lieu nommé Soumela et Alkaba.<br />
Bône. —<br />
Le<br />
bâtiment de Rône vient d'arriver, il ramène<br />
le colonel Duverger. Depuis les dernières nouvelles reçues<br />
de ce pays par la correspondance officielle,<br />
l'état des choses<br />
s'est un peu modifié. Le bey Ahmed a porté son camp à<br />
2 ou 3 lieues de Guelma. La marche de ce chef et le retard<br />
de l'expédition,<br />
au moins d'après les idées que s'étaient for<br />
mées les indigènes sur l'époque de cet événement, ont<br />
ébranlé dans leurs résolutions de se joindre à nous plusieurs<br />
tribus Elles cherchent à renouer des négociations avec notre<br />
ennemi,<br />
cependant tout reste encore dans le calme et les<br />
routes, surtout vers l'Est, sont aussi sûres que par le passé.<br />
M. Gasselin (i), officier de chasseurs, vient de revenir de<br />
(1) Gasselin (Charles-Auguste), né le 20 février 1800 à Schlestadt<br />
(Bas-Rhin); engagé volontaire au 8= régiment de dragons, 7 février<br />
1S16brigadier,<br />
21 juin 1816; fourrier, 8 mai 1817; détaché à l'Ecole de<br />
cavalerie, 18 janvier 1820; maréchal des logis, 16 février 1820; rentré<br />
au corps, 18 janvier 1822; libéré, 3 juillet 1822; incorporé au régiment<br />
de chasseurs de l'Allier comme maréchal des logis, 4 juillet 1823;<br />
maréchal des logis chef, 3 octobre 1823; cassé de son grade, 9 octobre<br />
1824; passé au régiment de chasseurs de la Dordogne, 8 janvier 1825;
— — 166<br />
Tunis par terre avec un convoi de 20 chevaux, il a été fort<br />
bien accueilli sur le territoire de Tunis. Cependant, le bey<br />
de ce pays n'a point renoncé sincèrement à soutenir plus ou<br />
moins' indirectement le parti du bey<br />
Ahmed : on dit que<br />
i5o hommes des troupes régulières du bey de Tunis sont<br />
arrivées à Constantine par l'ordre de leur souverain.<br />
On sait que récemment une frégate turque a mouillé dans<br />
la rade de Tunis dans un moment où il n'y avait devant<br />
cette ville aucun bâtiment français. On'<br />
croit que cette fré<br />
gate a mis à terre des émissaires chargés de renouer ou de<br />
resserrer les relations du bey de Tunis et de celui de Cons<br />
tantine.<br />
Bougie. —<br />
tembre,<br />
Pendant les trois journées des 24, 25 et 26 sep<br />
quelques hostilités ont éclaté contre la garnison<br />
française de Bougie; elles étaient le résultat d'un effort tenté<br />
par plusieurs cheicks et surtout par Amzian pour rallumer<br />
la guerre éteinte, 'mais la plupart des tribus ont refusé<br />
d'écouter ces prédications. Celles même qui avaient consenti<br />
à reprendre les armes ne se sont pas entendues sur le jour<br />
du rendez-vous et ont attaqué successivement deux tribus<br />
éloignées, les Béni-Arbora et les Beni-Aclefh. Des cavaliers<br />
d'Amzeian et une partie des M'Zaïa ont seuls paru devant la<br />
ville. Pendant les deux premiers jours, il n'y a eu que d'assez<br />
insignifiantes fusillades de tirailleurs;<br />
enfin le 26, pour en<br />
finir avec ces démonstrations très fatiguantes pour notre<br />
brigadier, 1er octobre 1825; maréchal des logis, 12 août 1826; maréchal<br />
des logis chef, 20 décembre 1827; cassé de son grade et remis chas<br />
seur le 19 nov. 1829; passé au 2e régiment de chasseurs, le 19 nov.<br />
1829; passé comme maréchal des logis chef au 66 régiment de lanciers,<br />
11 août 1830; adjudant, 9 juillet 1831; sous-lieutenant, 14 mars 1832;<br />
passé au 2° régiment de lanciers, 21 décembre 1832; passé au 3e ré<br />
giment de chasseurs d'Afrique, 11 janvier 1833; sous-lieutenant ad<br />
joint au Trésorier, 18 novembre 1836; lieutenant, 30 mai 1837; capi<br />
taine adjudant-major, 19 février 1839; capitaine commandant, 24 fé<br />
vrier 1847; retraité par arrêté du 14 août 1848; décédé à Mostaganem,<br />
Chevalier de la Légion d'honneur, 4 novembre 1840.<br />
le 21 mai 1871. —
—<br />
— 167<br />
garnison, M. le commandant supérieur Lapène fit faire un<br />
mouvement aux quatre colonnes pour cerner l'ennemi qui<br />
s'était réuni dans les parties hautes dominant les blockhaus^<br />
Le résultat qu'on avait espéré ne fut pas entièrement obtenu.<br />
Les Kabyles échappèrent, mais serrés de près, tirés à petite<br />
distance et bousculés, ils ont eu 12 hommes tués selon le<br />
rapport des leurs et une vingtaine de blessés. Depuis cet<br />
échec, ils n'ont pas reparu devant la place.<br />
415<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 8 octobre 1836.<br />
Le courrier de Bône vient d'arriver apportant M. le colo<br />
nel Duverger et la correspondance. Depuis les dernières<br />
nouvelles qui nous sont parvenues par mer de ce pays, l'état<br />
des affaires s'est un peu modifié. Les tribus tant ennemies<br />
qu'alliées s'étaient imaginées que l'expédition de Constan<br />
tine pouvait avoir lieu plus tôt. Le retard qu'elles croient<br />
remarquer enhardit les unes et ébranle les autres, résultat<br />
que j'avais prévu et annoncé dans mes précédents rapports.<br />
Le bey<br />
Ahmed s'est avancé depuis une dizaine de jours<br />
el établi son camp à 2 ou 3 lieues de Guelma. Plusieurs<br />
de ceux qui vous avaient fait des avances plus ou moins<br />
positives, effrayés de la marche d'Ahmed et de notre
immobilité,<br />
ennemi . Je<br />
— — 168<br />
cherchent à renouer des négociations avec notre<br />
prends toutes les niesures qui peuvent arrêter<br />
ces dispositions à la défection. Les moyens de transport qui<br />
me sont annoncés n'étant pas encore arrivés, je me sers de<br />
ceux qui existent sur les lieux pour hâter le mouvement des<br />
troupes que je dois transporter d'Oran à Bône.<br />
Le débarquement successif de ces divers détachements<br />
fera voir au moins qu'elles sont mes intentions et<br />
tribus ont à craindre ou à espérer de notre part.<br />
ce'<br />
que les<br />
J'avais demandé pour l'expédition de Constantine dix<br />
mille combattants. Il n'y avait pour le moment que quatre<br />
régiments désignés pour cette campagne, le 5ge<br />
de ligne, le<br />
17e<br />
léger, le 62e<br />
et le 63"<br />
de ligne,<br />
que je retire l'un d'Oran<br />
et l'autre d'Alger. Chacun de ces régiments fournira au plus<br />
1.200 conibattants, la cavalerie régulière, chasseurs et spahis,<br />
donnera 800 chevaux. En ajoutant à cet effectif celui de<br />
l'artillerie et du génie, on ne dépassera pas le chiffre de<br />
6.000 combattants. Il serait important de renforcer ce corps<br />
d'armée si faible : je vous prierai donc d'ordonner que les<br />
hommes disponibles du dépôt du 5g6<br />
rejoignent leur régi<br />
ment. Je demande aussi que l'on dirige sur Bône le 3" batail<br />
lon d'Afrique et les hommes qui s'étaient proposés pour<br />
servir en Espagne et qui ne doivent plus suivre cette desti<br />
nation. Je m'engage à renvoyer en France, après cinq ou six<br />
semaines,<br />
celles de ces troupes qui ne doivent pas faire<br />
partie de l'armée d'occupation d'Afrique. Avec tous les ren<br />
forts ci-dessus énumérés, après avoir prélevé environ<br />
2.000 hommes que je laisserai sur nos derrières, je ne comp<br />
terait encore qu'à peu près 8.000 combattants à mobiliser :<br />
je serai au-dessous du chiffre qui n'avait paru le plus avan<br />
tageux. Je vous adresse ces nouvelles propositions, croyant<br />
devoir faire connaître quelles sont les conditions<br />
qui me<br />
paraissent mettre de notre côté les chances les plus favora<br />
bles.<br />
Dès que le 62"<br />
et le 63e<br />
seront embarqués pour Bône, je<br />
partirai moi-même pour cette ville, mais je ne puis préciser
169 —<br />
exactement l'époque de mon départ puisqu'il est subordonné<br />
à l'arrivée des moyens de transport.<br />
41e<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Je prends pour l'expédition, les<br />
Alger,<br />
17e<br />
le 8 octobre 1836.<br />
léger, 1.428 hommes;<br />
62e, 1.607; 63", i.3oi; 5c/1, 1.270; 3e chasseurs à cheval d'Afri<br />
que, 529; les spahis, 325; le génie, 522; l'artillerie, 226. Je<br />
réclame le bataillon d'Afrique qui est en Corse, 1.100 hom-<br />
mes; les hommes disponibles du dépôt du 59e qui est à<br />
Antibes, 600 hommes. Je demande, en outre, les volontaires<br />
de tous les régiments qui s'étaient enrôlés pour l'Espagne,<br />
2.000 hommes; total, 10.908 hommes. Mais un quart envi<br />
ron n'est pas susceptible de marcher à l'ennemi,<br />
ainsi le<br />
chiffre des disponibles des troupes de l'expédition ne s'élè<br />
vera qu'à 8.200.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
170<br />
417<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 8 octobre 1836.<br />
Je. vous ai fait connaître, par une dépêche en date de ce<br />
jour, quel est en ce moment l'état des affaires à Bône, quels<br />
sont les régunents que je tire des différents points de la<br />
Régence pour les transporter à Bône et quelles sont les aug<br />
mentations que je réclame. Depuis je vous ai écrit une dépê<br />
che portant le titre exact des troupes que j'emploie et que<br />
je réclame. Cette dépêche vous étant adressée par la voie<br />
télégraphique, je vous en répète ici, crainte d'erreur, le con<br />
tenu.<br />
Le<br />
Je prends pour l'expédition de Constantine :<br />
17°<br />
d'infanterie légère 1.428 hommes<br />
Le 62e — de<br />
Le 63e — de<br />
Le 59°<br />
— de<br />
ligne 1 .607<br />
ligne 1 .3oi<br />
—<br />
—<br />
ligne 1 . 270 —<br />
Les chasseurs à cheval (d'Afrique 3e rég.). 529<br />
Les spahis 325<br />
L'artillerie 226 —<br />
Le génie 522 —<br />
Je réclame le bataillon d'Afrique qui est<br />
en Corse i^ioo- —<br />
Les hommes disponibles du dépôt du 590<br />
de ligne qui est à Antibes 600 —<br />
—
—<br />
— 171<br />
Je demande, en outre, les volontaires de<br />
tous les régiments qui s'étaient enrôlés<br />
pour l'Espagne 2 . 000<br />
Total 10 . 908 —<br />
Je vous fais observer qu'un quart environ des hommes<br />
portés à l'effectif ne sont pas susceptibles de marcher à l'en<br />
nemi, en sorte que le chiffre des disponibles dont se com<br />
pose le corps expéditionnaire ne s'élèvera qu'à 8.200 hommes.
172<br />
418<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger,<br />
le 10 octobre 1836.<br />
J'ai déjà par une lettre antérieure fait connaître ma pensée<br />
sur la nécessité de n'envoyer en Afrique aucun fonctionnaire<br />
civil ou militaire, quel que soit d'ailleurs son mérite, qui ne<br />
soit partisan de l'occupation et de la colonisation du pays.<br />
Les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons,<br />
l'approche d'événements décisifs et l'attention que dans ces<br />
moment d'attente générale chacun doit accorder aux<br />
hommes et aux choses, me paraissent rendre cette obligation<br />
plus importante encore. Abd el Kader ne cesse de répéter aux<br />
populations que le gouvernement français ne veut pas réel<br />
lement conserver la Régence sous sa domination directe,<br />
qu'il ne cherche qu'à sauver les apparences par des succès<br />
militaires et à se défaire ensuite le plus avantageusement<br />
possible d'une charge qui l'embarrasse. Il est,<br />
en outre,<br />
tenu bien au courant de la marche des affaires et du carac<br />
tère des personnes en tout ce qui regarde l'Afrique. Dès<br />
qu'il arrive ici un fonctionnaire qui voit avec dégoût le pays,<br />
qui en déprécie les avantages et encourage les inconvénients,<br />
Abd el Kader le sait bien et exploite habilement cette cir<br />
constance comme un indice de notre disposition à abandon<br />
ner la partie. D'un autre côté, les capitaux d'Europe com<br />
mencent à s'ébranler pour arriver en Afrique, cependant<br />
l'on ne s'avance encore qu'avec réserve et circonspection, et<br />
il suffit pour faire tout rentrer dans l'immobilité des discours
— — 173<br />
contraires à l'Afrique d'un homme envoyé par le gouverne<br />
ment. Enfin la tâche de faire aller et prospérer la colonie<br />
n'est ni sans complication ni sans difficulté; ceux qui y<br />
travaillent avec toute la force que donnent la volonté et la<br />
foi sont continuellement arrêtés et étonnés par des embarras<br />
sans nombre. Que feront donc pour le pays ceux qui le<br />
jugent mal et qui le voient avec déplaisir au pouvoir de la<br />
France ? S'il pouvait être avantageux de confier un travail<br />
à ceux qui l'ont en dégoût, ne devrait-on pas en conclure<br />
qu'il faut éloigner de toute coopération ceux qui s'y em<br />
ploient avec passion et avec conviction.<br />
Si l'on ne veut pas relever les espérances des Arabes et ne<br />
pas déjcourager les Français militaires ou civils qui se<br />
dévouent à la cause de l'Afrique,<br />
c'est actuellement plus que<br />
jamais qu'il est important de n'employer dans ce pays aucun<br />
homme dont l'opinion se montre ou ne soit opposée à la<br />
conservation et à la colonisation de la Bégence.
174<br />
419<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 13 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous adresser sous ce pli une copie de<br />
chacun des documents ci-après :<br />
i°<br />
la traduction d'une lettre<br />
du ministre de l'empereur du Maroc à M. le Consul général<br />
de Francei à Tanger;<br />
i°<br />
les réponses faites au nom de ce<br />
gouvernement par Etayeb el Biaz aux demandes de l'envoyé<br />
de France, M. le baron de la Bue; 3° la lettre d'Abderrah-<br />
mann à S. M. le Boi des Français (i); 4°<br />
enfin, la lettre que<br />
m'a écrite M. le Ministre des Affaires étrangères en me com<br />
muniquant ces documents.<br />
Vous remarquerez, dans cette correspondance, que le<br />
ministre Biaz se plaint de la mesure qui a été prise contre<br />
le nommé Megrouar,<br />
négociant à Fez, et qu'il demande que<br />
ce sujet marocain soit remis à sa disposition pour être puni<br />
selon la rigueur des lois du pays. Vous remarquerez aussi<br />
que M. le Ministre des Affaires étrangères serait assez porté à<br />
ce que ce Marocain fût livré pour être déféré à la justice de<br />
l'empereur. Je conçois comme M. le Président du Conseil<br />
que la punition qui serait infligée à Megrouar serait d'un<br />
salutaire exemple sur la population du Maroc; il y aura donc<br />
à examiner si le délit imputé à ce négociant présente assez<br />
de gravité et surtout s'il est bien constaté, si, le cas échéant,<br />
(1) Voir ANNEXE<br />
n°<br />
il et Appendice I<br />
n"<br />
1î et 1$.
— — 175<br />
vous pourriez le faire transporter à Tanger où il serait remis<br />
au Consul du Roi pour être ensuite livré à l'autorité compé<br />
tente du Maroc.<br />
Déjà mon prédécesseur vous a fait connaître toute l'im<br />
portance que M. le Ministre des Affaires étrangères attachait<br />
à ce qu'on lui communiquât tout document, toute corres<br />
pondance qui tomberaient entre les mains des autorités<br />
françaises et qui seraient de nature à révéler la participation<br />
des sujets du Maroc à des complots contre notre domination<br />
en Afrique. Vous verrez par la lettre de M. le Président du<br />
Conseil du<br />
i*r<br />
octobre, dont copie ci-jointe, qu'il témoigne<br />
derechef ce désir et qu'il voudrait même pour plus de célé<br />
rité qu'un des bâtiments de la station d'Alger fût chargé de<br />
porter directement à Tanger les pièces de conviction. Il<br />
importe, en effet dans les bonnes intentions où se trouve<br />
l'empereur qu'il soit mis promptement en demeure de sévir<br />
contre ceux de ses sujets qui' tremperaient dans des com<br />
plots contre nous,<br />
ou qui prêteraient des secours à Abd el<br />
Kader ou à d'autres chefs nos ennemis.
176 —<br />
420<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger, le 13 octobre 1836.<br />
Je suis étranger, parfaitement étranger, directement et<br />
indirectement,<br />
aux articles des journaux que je viens de<br />
lire relatifs à l'expédition de Constantine et à la mission de<br />
mon aide de camp à Paris. Il a eu ordre de vous entretenir<br />
et d'entretenir le Ministre de la nécessité de l'expédition, de<br />
la demande de quelques troupes pour remplacer les non-<br />
valeurs et de ma position à l'égard des Arabes qui sont nos<br />
alliés, voilà tout. Il n'y a pas 8.000 hommes disponibles à<br />
Oran. Je compromettrais le pays si j'en retirais plus de 2.000;<br />
je compromettrais aussi Alger si j'en prenais un plus grand<br />
nombre. Je ferai comme je pourrai, le mieux que je pour<br />
rai, mais j'agirai avec ce que j'aurai.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 177<br />
421<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Le 13 octobre 1836.<br />
Je me suis empressé de répondre, par le télégraphe, dans<br />
la matinée de ce jour, à la dépêche que vous m'avez adressée<br />
par la même voie le 8 du mois courant. Je vous ai fait con<br />
naître dans ma lettre du 27 septembre dernier et ensuite<br />
dans celle du 6 octobre, toutes deux relatives à votre projet<br />
d'occupation général de nos possessions en Afrique les motifs<br />
impérieux qui s'opposent à ce que le gouvernement du 'roi<br />
augmente l'effectif /de l'armée sous vos prdres. Il m'est<br />
donc impossible de vous envoyer, comme vous le demandez,<br />
le bataillon d'Afrique qui est en Corse, les hqmmes dispo<br />
nibles au dépôt du 59e<br />
à Antibes, ni les volontaires des régi<br />
ments qui étaient destinés pour l'Espagne, et je ne puis, à<br />
cet égard,<br />
que me référer au contenu de mes lettres précitées<br />
des 27 septembre et 6 octobre.<br />
12
— 178 —<br />
422<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Ports, le 13 octobre 1836.<br />
J'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée le 25 dernier<br />
en réponse aux observations contenues dans la mienne du<br />
29<br />
août précédent, sur l'arrêté relatif à l'organisation de la<br />
corporation des Mozabites.<br />
J'ai appris avec satisfaction que l'arrêté pris le<br />
ier<br />
juillet<br />
par votre prédécesseur n'avait point encore reçu d'exécution,<br />
et que vos vues étaient d'accord avec les miennes sur la<br />
^nécessité de réformer plusieurs des disposition qu'il avait<br />
consacrées. J'ai tout lieu d'espérer que dans la discussion<br />
que vous provoquerez à ce sujet au sein du Conseil d'admi<br />
nistration la rédaction de cet arrêté recevra de notables et<br />
utiles modifications et je vous recommande de m'en donner<br />
connaissance de manière qu'il ne puisse être définiti<br />
vement exécuté que lorsqu'il aura obtenu mon approbation<br />
préalable.<br />
M. le lieutenant général Rapatel vous a fait<br />
comme je le désirais, les motifs qui l'avaient porté à s'oppo<br />
iw<br />
ser à l'adoption de l'arrêté du juillet. Quels qu'ils fussent,<br />
il était indispensable qu'il les exposât d'abord au Conseil<br />
d'administration dont les délibérations ont surtout besoin<br />
d'être éclairées par des discussions contradictoires entre les<br />
membres dont il se compose. C'est en grande partie dans<br />
ce but qu'il a été institué et M. le lieutenant général Rapatel<br />
reconnaîtra sans peine que de semblables discussions peu?
— — 179<br />
vent seules me mettre en! état de statuer en connaissance de<br />
cause sur les diverses propositions qui me sont soumises; il<br />
aura donc à reproduire ses raisons quand la matière sera de<br />
nouveau agitée. Voici, en attendant, quelques observations<br />
que la lecture de sa lettre m'a suggérées :<br />
La première porte sur un fait qui me semble de nature<br />
à nécessiter quelques explications. Il y a cinq ou six mois,<br />
M. le général Rapatel aurait, comme il vous l'annonce, fait<br />
venir en sa présence des Mozabites qui avaient insulté et<br />
frappé l'amin et après les avoir semonces vigoureusement,<br />
il les aurait engagés à respecter leur chef et à vivre en bonne<br />
intelligence. J'ai peine à me rendre compte d'une telle<br />
démarche; je n'ai pas connaissance des dispositions qui<br />
auraient placé, comme il l'allègue, la corporation des Moza<br />
bites, sous l'autorité du général commandant les troupes;<br />
elle dépendait autrefois, ainsi que tous les fonctionnaires<br />
indigènes, de celle du général en chef, mais en sa qualité de<br />
chef politique et non pas en celle de commandant militaire;<br />
depuis 1^ dernière organisation, les attributions politiques ,<br />
du général en chef sont dévolues au gouverneur général.<br />
C'est donc à vous seul que sont réservées les relations de cet<br />
ordre avec le chef et la corporation des Mozabites. Quant aux<br />
détails d-'administration intérieure, ils me paraissent ren<br />
trer naturellement dans les attributions de l'intendant civil.<br />
Mais je ne vois dans aucun cas à quel titre ils se rattache<br />
raient au commandement des troupes. Il y a donc, dans<br />
cette circonstance,<br />
confusion d'attributions et cela est d'au<br />
tant plus fâcheux qu'une confusion de ce genre suffit quel<br />
quefois pour donner lieu à des dissidences et à des conflits<br />
funestes au bien du service,<br />
c'est un point délicat que je n*<br />
saurais trop recommander à votre sollicitude.<br />
M. le Général commandant les troupes s'élève contre l'idée<br />
d'exiger des Mozabites un cautionnement; c'est une question<br />
qui reviendra lors de la révision de l'arrêté et que j'exami<br />
nerai alors avec toute l'attention qu'elle réclame. Mais je ne<br />
puis passer sous silence une autre erreur grave que je remar-
— — 180<br />
que dans la lettre de M. le lieutenant général Rapatel, rela<br />
tivement à la solidarité des tribus composant la corporation<br />
des Mozabites. Sans doute,<br />
habitudes des indigènes,<br />
il faut que nous respections les<br />
et je suis le premier à prescrire ce<br />
respect dont plus que personne j'apprécie l'importance; mais<br />
c'est précisément par ce .motif que le principe d'une solida<br />
rité à .rétablir<br />
,entre les<br />
membres d'une corporation me<br />
paraît un moyen de gouvernement qu'il faut se garder de<br />
négliger; le principe est tellement dans les mœurs et dans<br />
lqs lois des peuples musulmans que non seulement la<br />
famille,<br />
la corporation, la tribu répondent des actes de cha<br />
cun de leurs membres, mais que dans certains cas les voisins<br />
répondent pour les voisins et qu'à défaut de toute espèce de<br />
relations entre un coupable et une communauté qu'on puisse<br />
rendre responsable des conséquences de son délit,<br />
c'est le<br />
beit-el-mal qui, d'après la loi, doit supporter cette solidarité.<br />
C'est donc un principe essentiellement conforme à la légis<br />
lation musulmane et son application dans l'espèce,<br />
si elle<br />
était d'ailleurs jugée utile, n'aurait par conséquent rien qui<br />
pût choquer les sentiments ou même les préjugés religieux<br />
des indigènes.<br />
Ces observations, au surplus, n'échapperont point au<br />
Conseil dans la délibération que vous vous proposez de pro<br />
voquer sur cette matière et dont j'attendrai le résultat.
—<br />
— 181<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
Paris, le 15 octobre 1836.<br />
J'ai reçu votre rapport de semaine, en date du 29 septem<br />
bre, et j'ai lu avec intérêt les détails qu'il renferme.<br />
L'établissement de nos troupes au camp de la Chiffa me<br />
paraît, comme à vous,<br />
devoir assurer à notre autorité une<br />
action plus immédiate sur les tribus de la plaine. A Oran, la<br />
dernière expédition du général Létang annonce quelques<br />
améliorations dans nos relations avec les indigènes; mais il<br />
est à regretter que les environs de Mostaganem ne présentent<br />
pas la même sécurité. Enfin les dispositions que vous annon<br />
cez exister dans la province de Bône, sont favorables pour<br />
marcher sur Constantine, surtout quand vous allez avoir à<br />
Oran le lieutenant général Damrémont, homme distingué et<br />
qui restera dans cette place sur une habile défen<br />
d'énergie,<br />
sive, tandis que, de votre côté, vous dirigerez le corps d'ex<br />
pédition.
— — 182<br />
424<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
Alger, le 15 octobre 1836.<br />
Le voyage à Oran de M. le général Bapatel que vous<br />
approuvez dans votre lettre en date du 3o septembre, a eu<br />
de bons résultats, il a raffermi les hommes de la garnison<br />
d'Oran, qui étaient encore chancelants et étonnés des travaux<br />
de l'Afrique et surtout il a constaté que le découragement<br />
des régiments nouveaux, loin d'avoir augmenté, avait dimi<br />
nué par le fait seul d'une plus grande habitude du pays.<br />
Dans les dernières courses du général Létang, toutes les<br />
troupes ont montré dans les marches et dans les travaux une<br />
grande patience, en même temps que beaucoup d'ardeur à<br />
rencontrer l'ennemi. J'ai tout lieu d'espérer que les symp<br />
tômes de mollesse et de mauvaise volonté qui avaient d'abord<br />
apparu d'une manière non équivoque étaient le résultat<br />
temporaire de la surprise, plutôt que le signe d'une démora<br />
lisation profonde et définitive.
— 183<br />
425<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger, le 16 octobre 1836.<br />
Le Papin arrive à l'instant avec le général Damrémont et<br />
M. de Rancé. .<br />
L'état de situation que je vous envoie par le courrier<br />
répondra mieux que tout ce que je pourrais ajouter à ce que<br />
j'ai déjà dit sur la force disponible du corps d'occupation,<br />
et vous, verrez qu'il a n'y que 20.000 hommes disponibles.<br />
J'entreprends pourtant ce que j'avais proposé avec 3o.ooo<br />
hommes disponibles, et je ne suis pas inquiet des résultats;<br />
mais 2.000 hommes seulement iri'auraient beaucoup facilité<br />
les moyens de succès. Envoyez-moi au moins le bataillon-<br />
d'Afrique qui est en Corse.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 184<br />
426<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger,<br />
le 16 octobre 1836.<br />
Je réunis à Bône environ 8-ooo hommes pour l'expédition.<br />
Il ne restera de disponible pour occuper Alger et les postes<br />
qui en dépendent que 6.4oo hommes, à Oran 7.000 hommes<br />
et à Bougie 1.543. Total des disponibles : 22.943.<br />
Il faut nécessairement une colonne mobile de 4.000 hom<br />
mes à Oran et une de 3.000 à Alger. Par ce moyen, la tran<br />
quillité sera assurée dans ces provinces; sans cela,<br />
on pour<br />
rait faire une tentative de soulèvement général. J'aurai donc<br />
seulement près de 8.000 hommes.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
185 —<br />
427<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 16 octobre 1836.<br />
Depuis le départ du dernier courrier pour France, il n'est<br />
rien arrivé de nouveau à Alger, mais nous sommes instruits<br />
que les tribus au pied de l'Atlas du côté de lisser manifes<br />
tent de l'inquiétude. Plusieurs se replient avec leurs trou<br />
peaux plus près du pays qui est sous la protection immédiate<br />
de nos armes. Cette agitation tient aux menées du bey<br />
Ahmed qui cherche à obtenir de. ces populations des contin<br />
gents pour défendre sa cause. Plusieurs Arabes et Kabyles<br />
de là montagne affirment que ces intrigues sont conduites<br />
par des Maures d'Alger. L'on n'a pu saisir des preuves de<br />
conviction contre aucun de ceux qu'on soupçonne, car il<br />
paraît qu'ils ne correspondent maintenant que par des mes<br />
sages verbaux et non par écrit. Nos dispositions sont prises<br />
pour le cas où les excitations d'Ahmed amèneraient des hos<br />
tilités vers l'est de la plaine.<br />
Les rapports que nous conservons avec les tribus de<br />
l'intérieur vers Médéa et Miliana nous montrent que l'impa<br />
tience des parties de la population qui nous attendent et<br />
nous demandent ne fait qu'augmenter. Le cheick Aouiwah,<br />
outre une lettre que je vous transmets, m'en a écrit une<br />
autre dans laquelle il exprime avec beaucoup d'amertume le<br />
mécontentement des tribus en voyant que nous retardons<br />
indéfiniment l'accomplissement de nos promesses et opéra<br />
tions destinées à soutenir nos partisans! de la province de
— — 186<br />
Titteri. Il termine sa lettre en me disant que c'est la dernière<br />
qu'il doit m'écrire,<br />
mon prochain départ pour son pays.<br />
si dans ma réponse je ne lui annonce pas<br />
Je n'ai pas reçu de nouvelles officielles de Bône. Le géné<br />
ral Trézel était parti pour se rendre au camp lorsque le<br />
bateau à vapeur qui avait amené M. l'Intendant rnilitaire a<br />
remis à la voile pour revenir ici. Mais j'ai appris par une<br />
lettre de M. l'Intendant les nouveaux faits qui se sont passés<br />
dans ce pays.<br />
Le 9, les troupes d'Ahmed-bey, au nombre d'environ<br />
4.000, sont venues attaquer le camp de Dréan et le bey<br />
Yusuf sorti des retranchements, prit l'offensive et se jeta à<br />
l'arme blanche sur l'ennemi : dans cette charge, il tua deux<br />
Arabes de sa(main. Derrière sa cavalerie, il avait fait avancer<br />
4 petites pièces quefje lui avais confiées. Lorsque la cavalerie<br />
indigène eût été ralliée, il démasqua l'artillerie qui tira<br />
à mitraille à petite portée et fit beaucoup de mal aux gens<br />
d'Ahmed, une centaine de ceux-ci sont restés sur le terrain.<br />
Le 8, un détachement de 25 hommes du 3°<br />
chasseurs avait<br />
rencontré dans la montagne 3oo fantassins de l'armée<br />
d'Ahmed, les avait chargés avec résolution et les avait entiè<br />
rement dispersés, après avoir tant frappé que la plupart des<br />
sabres ont le bout de la lame replié. Le capitaine Gallias qui<br />
commandait le détachement et un second officier qui était<br />
sous ses ordres ont été blessés, le maréchal des logis chef a<br />
été tué. Ce brillant engagement et le combat du 9 donnent<br />
une grande impulsion à nos alliés.<br />
Il y a plus d'un an que le capitaine Gallias est proposé<br />
pour la croix de la Légion d'honneur. Ce fait d'armes récent<br />
pourra, je l'espère, faire réussir cette demande.<br />
II n'est rien arrivé à Bougie.<br />
Je viens de recevoir des nouvelles d'Oran. Le colonel Bar<br />
thélémy<br />
qui commande la place m'a envoyé les copies de<br />
lettres du général Létang écrites du camp qu'il occupe au<br />
commandant de Mostaganem. Ce général était, le 9 octobre,<br />
à Messahra, au S.-E. de Mostaganem; il s'est avancé jusqu'à
— — 187<br />
l'Habra sans essuyer d'hostilités. A partir de cette rivière,<br />
son avant-gradé et son arrière-garde ont eu à recevoir et à<br />
tirer quelques coups de fusil. Dix cavaliers ennemis ont été<br />
pris ou tués et leurs chevaux .sont<br />
restés entre les mains de<br />
nos soldats. On s'est emparé aussi de deux troupeaux dans<br />
lesquels se sont trouvés, tous les bœufs qui avaient été enle<br />
vés d'Oran pendant l'expédition contre les Beni-Amer; en<br />
avant de Messahra, d'autres troupeaux ont encore été saisis.<br />
C'est une partie de la fortune de ces Medjahers, cette tribu<br />
n'a pas entièrement passé le Chélif . Le général Létang, avant<br />
de sévir contre les populations des plaines de l'Habra et de la<br />
Mina par la destruction des richesses qu'ils ont laissées sur<br />
leur territoire, leur a adressé une proclamation pour les<br />
inviter à entrer en relations amicales avec lui. A cette con<br />
dition, il rendra tout ce qu'il a pris.<br />
428<br />
Le Gouverneur Général au Ministre dé la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
*<br />
Alger, le 16 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous adresser la situation des troupes du<br />
corps d'occupation d'Afrique qui présente un effectif de<br />
3o.835 hommes et 4-a33 chevaux, mais duquel il a y à défal<br />
quer 7-854 hommes aux hôpitaux, en congé, malades à la<br />
chambre et en convalescence ou au dépôt, et g5o chevaux
malades,<br />
— — 188<br />
ce qui donne 22.981 hommes et 3.28S chevaux<br />
disponibles pour la garde des places et à mobilier.<br />
Vous remarquerez que les non valeurs sont dans la pro<br />
portion d'un quart à un cinquième de l'effectif,<br />
cela a lieu en temps ordinaire dans toutes les armées.<br />
ainsi que<br />
Lorsque les corps arrivent à une armée, tout le monde est<br />
présent, mais après quelques jours de rassemblement, le<br />
chiffre des disponibles diminue rapidement. On ne doit donc<br />
guère être surpris que les troupes envoyées en Afrique subis<br />
sent le sort commun et que les non valeurs soient dans la<br />
même proportion que dans les autres réunions de troupes,<br />
ce qui nécessite que les prévisions aient lieu en conséquence.<br />
429<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 17 octobre 1836.<br />
J'ai reçu, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire, le 3o septembre dernier, la traduction de dix lettres<br />
de chefs arabes qui vous ont été adressées depuis le départ<br />
de votre dernier courrier pour la France. En me transmet<br />
tant ces documents, vous me dites qu'ils me feront voir<br />
d'une manière plus vive et plus directe que ne pourraient le<br />
faire tous vos rapports, quel est l'état du pays, quelle est la<br />
situation des esprits, quels sont leurs vœux, quelle est leur
—<br />
— 189<br />
attente et quel effet produisent sur eux les mécomptes, les<br />
lenteurs,<br />
notre inaction.<br />
s mouvements rétrogrades et même seulement<br />
Huit des lettres dont vous m'avez envoyé la traduction<br />
sont relatives à la situation de la province d'Oran. Les chefs<br />
qui ont écrit ces lettres (Abd el Kader ben Daoûd, Mustapha<br />
ben Ismaïl, Ibrahim-bey et Mohammed ben Ismaïl et Mezary)<br />
s'accordent à présenter Abd el Kader comme étant d'une<br />
part en hostilités avec plusieurs tribus, ayant même été battu<br />
par les Flittas,<br />
par une partie des Bordjéas et les Ouled<br />
Laribi qui lui ont tué beaucoup de monde, lui ont pris une<br />
grande quantité de chevaux et l'ont repoussé jusqu'à son<br />
camp (copies<br />
n°<br />
attirer les tribus à lui,<br />
i et 4) et, d'autre part, usant d'artifice pour<br />
ou les persécutant et se les aliénant<br />
par sa conduite envers elles. Mutaphasben Ismaïl dit, en<br />
outre (copie<br />
nc<br />
4) : « Quant aux Béni Amer, il en a pas n'y<br />
un seul avec Abd el Kader, les autres l'ont renvoyé en lui<br />
disant : Ne vous arrêtez pas chez nous, dans la crainte<br />
i. que cela vienne à se savoir et qu'on envoie des troupes<br />
« pour dévaster et détruire notre pays ». Maintenant, ajoute<br />
Ben Ismaïl,<br />
Abd el Kader est très faible du côté des Arabes<br />
et la plus grande confusion règne chez ces derniers ».<br />
Si ces nouvelles sont vraies, nous devons croire qu'Abd<br />
el Kader est loin d'être redoutable et plus loin encore d'avoir<br />
une influence telle qu'il fût susceptible de rallier à lui les<br />
tribus et de fonder la nationalité chez les Arabes.<br />
Quant aux indigènes, je vois (copies<br />
n°8<br />
i, 4, 7 et 8),<br />
qù'Ibrahim-bey a été attaqué dans son camp, à Mazagran,<br />
par trois ou quatre mille Arabes et quoiqu'il eût peu<br />
que,<br />
de moyens, il leur a fait éprouver de grandes pertes et les<br />
a forcés à fuir honteux, confus et battus. Abd el Kader était<br />
avec eux; ils ont été repoussés jusqu'à Medjaher (copies<br />
noa<br />
4<br />
et 6).<br />
Il suit de ce qui précède qu'Abd el Kader ne peut nous<br />
donner des<br />
une grande inquiétude,<br />
craintes sérieuses, qu'il serait au contraire dans<br />
les Arabes n'ajoutant plus foi à ses
— — 190<br />
paroles, étant tout à fait changés à son égard^eî 'a plus<br />
grande confusion régnant parmi eux (copie t» >;); que la<br />
garnison de Tlemcen est dans une situation favorable et<br />
qu'elle s'est procuré des grains, et que le bey Ibrahim qui a<br />
son camp à Mazagran a repoussé les Arabes qui l'ont atta<br />
qué avec des forces beaucoup<br />
siennes.<br />
plus considérables que les<br />
Voilà pour l'état du pays. C'est aussi le tableau que vous<br />
m'en avez fait dans vos dépêches des 7, 16 et 23 septembre<br />
dernier et il est devenu plus satisfaisant par l'amélioration<br />
de la position de la garnison de Tlemcen.<br />
Quant à la situation des esprits, leurs vœux et leur attente,<br />
Mustapha ben Ismaïl et Mezary demandent que vous occu<br />
piez Mascara. Ils ne peuvent, disent-ils, recruter des troupes<br />
sans cela parce que les hommes qui conviendraient se trou<br />
vent actuellement chez Abd el Kader,<br />
et ils ajoutent que ce<br />
que l'on pourra dire aux Arabes n'apparaîtra dans toute sa<br />
vérité que lorsque vous serez à Mascara (copies<br />
et 6).<br />
Ibrahim-bey<br />
nos<br />
2, 3, 4<br />
vous écrit qu'il manque de troupes et de<br />
moyens; il se plaint d'être abandonné; il demande du canon<br />
et des renforts en hommes (copies<br />
Il n'a pu vous échapper,<br />
nM<br />
5, 7, 8 et 9).<br />
Monsieur le Maréchal, que le<br />
vœu de vous voir occuper Mascara est tout naturel. Les<br />
chefs arabes passés dans nos rangs et les indigènes qui se<br />
sont ralliés à nous doivent souhaiter, en effet, que nous<br />
occupions le pays en force afin de les protéger contre les<br />
entreprises de nos ennemis qui sont actuellement les leurs<br />
et dont ils ont plus à craindre aujourd'hui par suite de leur<br />
coopération à nos expéditions. En outre, ils veulent avoir<br />
naturellement encore une position et un bien-être assurés<br />
sous notre domination.<br />
De leur côté, les Arabes qui hésitent à se soumettre sont<br />
mus par des intérêts analogues. Placés entre l'incertitude de<br />
nous voir maîtres du pays, comme ils et l'entendent, la
— 191 —<br />
crainte >~k.- •■ nfrfeances de nos ennemis les plus acharnés, on<br />
conçoit qp-<br />
"k i.
— — 192<br />
Si l'on ajoute à cela les demandes qui vous sont parvenues<br />
de la province de Constantine, il est démontré que pour<br />
satisfaire au vœu des Arabes qui se sont placés sous notre<br />
domination ou qui désirent se rallier à nous, il faut nous<br />
emparer de tout le pays; c'est-à-dire que le plan d'occupation<br />
générale que vous avez proposé ne répondrait pas encore à<br />
leur attente, il faudrait conquérir tout le pays et soumettre,<br />
les armes à la main, les tribus qui résisteraient, sans épar<br />
gner jusqu'au plus petit douar.<br />
Sans vouloir traiter cette grande question et sans rien<br />
préjuger sur celle de votre plan d'occupation générale que<br />
le précédent cabinet a laissé à examiner et à discuter par le<br />
ministère actuel, ainsi que je vous l'ai dit dans ma lettre<br />
du 27 septembre dernier à laquelle je me réfère, je vous<br />
ferai remarquer et vous reconnaîtrez, Monsieur le Maréchal,<br />
qu'à moins de porter la guerre dans toute l'étendue de<br />
l'ancienne régence d'Alger,<br />
ce qui exigerait des forces consi<br />
dérables dont l'e(mploi pourrait n'être pas suffisamment<br />
justifié par le résultat et affaiblirait d'ailleurs par trop l'ar<br />
mée qu'il est nécessaire d'entretenir en France, il est impos<br />
sible d'arriver à une dqmination soudaine, générale et<br />
absolue dans nos possessions du Nord de l'Afrique,<br />
ni même<br />
à une amélioration immédiate de l'occupation actuelle, sans<br />
se jeter dans des dépenses d'hommes et d'argent dont on ne<br />
saurait assigner les limites.<br />
Vous connaissez trop notre situation politique et finan<br />
cière,<br />
ainsi que les obligations imposées au Gouvernement<br />
du roi, pour ne pas tirer de l'état de nos possessions<br />
d'<br />
Afri<br />
que! et de la disposition d'esprit des indigènes un parti plus<br />
sage, plus approprié à nos ressources et plus conforme aux<br />
intérêts de la France- Mes lettres des 27 septembre dernier<br />
et 6 octobre courant vous ont fait connaître à cet égard les<br />
intentions du Gouvernement de Sa Majesté. Je ne puis que<br />
me référer à ces dépêches. Les observations et les disposi<br />
tions qu'elles renferment ne peuvent manquer d'être appré<br />
ciées par vous et le roi compte sur votre sagesse et votre
— — 193<br />
haute capacité pour atteindre le but que s'est proposé son<br />
Gouvernement.<br />
430<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 18 octobre 1836.<br />
Toutes les fois que des fautes d'une nature politique ont<br />
nécessité l'envoi en Afrique de quelques militaires, mon<br />
département a eu soin de vous transmettre les renseigne<br />
ments propres à vous faire connaître les antécédents des<br />
individus qu'une semblable mesure avait atteints. Ces infor<br />
mations vous ont mis en état d'exercer sur leur conduite<br />
une surveillance indispensable. Des rapports que je viens d'e<br />
recevoir de M. l'Intendant civil ont de nouveau appelé mon<br />
attention sur l'existence d'un club républicain à Alger qui<br />
m'avait été précédemment signalé. Quelque peu dangereu<br />
ses que puissent être les menées des individus qui le com<br />
posent, je ne vous en recommande pas moins de surveiller<br />
avec la plus grande sévérité leurs démarches et de m'en<br />
tenir exactement informé. Vous vous concerterez à cet effet<br />
avec M. l'Intendant civil et vous lui communiquerez, s'il y<br />
a lieu, les informations qui vous ont été données sur les<br />
personnes dont il s'agit.<br />
13
194<br />
431<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Ports, le 18 octobre 1836.<br />
J'ai répondu le i3 de ce mois à votre dépêche télégraphi<br />
que du 8 que vous reproduisez avec des développements<br />
dans vos deux lettres de cette même date,<br />
qui viennent de<br />
me parvenir ainsi que celle du 6- Celle-ci me fait connaître<br />
que, conformément aux prescriptions de ma lettre du<br />
27 septembre dernier, vous allez faire diriger sur Bône les<br />
troupes destinées à l'expédition de Constantine qui peuvent<br />
être retirées d'Oran et d'Alger; que les camps retranchés où<br />
seront établies les troupes au delà de celui de Dréan ne<br />
seront que de simples places d'armes. Vous présentez, en<br />
outre, les inconvénients qu'il y aurait de n'admettre que<br />
jusqu'à concurrence de 4-ooo, le nombre des cavaliers indi<br />
gènes qui se présenteraient pour concourir à l'expédition et<br />
de ne pas en recevoir un plus grand nombre, fût-il même<br />
porté à 5.ooo. Je vous ferai observer, à cet égard,<br />
que le<br />
chiffre de 4-ooo cavaliers indigènes est celui que vous avez<br />
indiqué dans votre projet d'expédition. Cependant, si, en<br />
le portant à 5.000, la dépense qu'ils occasionnent se trouve<br />
compensée par la réduction du temps pendant lequel ils<br />
seront employés, je ne vois pas d'inconvénients à l'adop<br />
tion de votre proposition, puisque vous resterez ainsi dans<br />
les prévisions du Gouvernement.<br />
Je n'ai plus qu'à vous rappeler ce qui a déjà été dît dans<br />
ma lettre du 27 septembre dernier,<br />
que l'expédition sur
195 —<br />
Constantine ne doit préjuger en rien sur le mode définitif<br />
d'occupation à adopter par le Gouvernement.<br />
Tout paraissait devoir être ainsi réglé pour cette expédi<br />
tion, lorsqu'une de vos lettres du 8, annonçant l'arrivée du<br />
courrier de Bône, le mouvement d'Ahmed-bey vers Guelma<br />
et l'hésitation de quelques tribus qui auraient été pour<br />
nous, contient une demande de renforts. J'ai remarqué avec<br />
surprise qu'après m'avoir annoncé, le 6, que vous alliez<br />
vous conformer aux dispositions que renferment ma lettre<br />
du 27 septembre dernier, vous reveniez sur les demandes<br />
de renforts que vous avez si souvent faites et répétées, lors<br />
que vous avez vu dans cette lettre que les renforts ne peu<br />
vent absolument pas vous être envoyés, et qu'il est dit posi<br />
tivement que vous êtes autorisé à faire l'expédition de<br />
Constantine avec les moyens (personnel et matériel) qui<br />
sont actuellement à votre disposition. L'une de mes lettres<br />
du 6 octobre courant,<br />
répondant aux demandes de renforts<br />
que vous avez fait faire par M- de vous Rancé, fait connaître<br />
encore qu'il n'est pas possible de vous en envoyer. Je ne<br />
comme je vous l'ai dit déjà dans ma<br />
puis aujourd'hui,<br />
dépêche du i3 octobre courant, que me référer à cette lettre<br />
du 6.<br />
Maintenant,<br />
Monsieur le Maréchal, ou les moyens dont<br />
vous disposez actuellement ont été jugés par vous-même<br />
suffisants,<br />
ainsi que vos instructions du 2 août dernier au<br />
général Rapatel l'ont fait penser au Gouvernement du roi,<br />
ou, à votre propre jugement, ils ne le sont pas; dans le<br />
premier cas, vous n'avez aucun motif pour demander des<br />
comme vous n'êtes qu'autorisé<br />
renforts; dans le second cas,<br />
à faire l'expédition, vous pouvez vous dispenser de la faire.<br />
Il dépend donc de vous seul de prendre à cet égard une<br />
détermination,<br />
selon que vous trouverez les moyens à votre<br />
disposition suffisants ou insuffisants.
196<br />
432<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris,<br />
le 19 octobre 1836.<br />
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire le 7 octobre courant, dans laquelle vous me rendez<br />
compte des tentatives inutiles faites par un marabout pour<br />
exciter les tribus de l'Est à se déclarer contre nous, de<br />
l'assassinat par des Kabyles de toute une famille européenne<br />
dans les environs d'Alger, du mouvement d'Ahmed-bey<br />
vers Guelma, de l'arrivée à Constantine de r5o hommes<br />
de troupes régulières du Bey de Tunis et de l'entrée dans<br />
le port de cette ville d'une frégate turque, ayant à bord<br />
des émissaires chargés de renouer les relations entre le bey<br />
de Tunis et Ahmed; enfin des attaques faites par plusieurs<br />
cheicks, les 24, 25 et 26 septembre dernier, contre la gar<br />
nison de Bougie.<br />
J'espère comme vous que les tribus de l'Est, appréciant<br />
les avantages du commerce qu'elles font pour Alger, conti<br />
nueront de résister aux suggestions qui tendraient à les<br />
détacher de notre cause.<br />
Le nouveau crime que vous signalez est à déplorer; puisse<br />
cet événement, dû à l'imprudente confiance du chef de la<br />
famille assassinée, servir d'exemple et d'avertissement aux<br />
autres colons.<br />
Les tribus dont le mouvement d'Ahmed-bey vers Guelma<br />
a ébranlé les résolutions ne tarderont pas à se prononcer<br />
lorsqu'elles apprendront l'arrivée à Bône des troupes desti<br />
nées à l'expédition de Constantine.
— — 197<br />
Quant aux i5o soldats que le bey de Tunis aurait envoyés<br />
il importe que vous fassiez prendre des ren<br />
à Constantine,<br />
seignements à ce sujet; et si ce fait se confirme, que vous<br />
m'en informiez immédiatement.<br />
La lettre de Mustapha ben Ismaïl jointe à votre rapport<br />
est intéressante en ce qu'elle montre qu'Abd el Kader est<br />
lui-même sur la défensive et que pour le moment on pour<br />
rait tirer d'Oran,<br />
ainsi que je l'ai indiqué dans ma lettre du<br />
6 octobre courant, plus de moyens en hommes que vous ne<br />
supposiez pouvoir le faire pour l'expédition de Constantine.<br />
Il faudrait seulement, pendant la durée de cette expédition,<br />
se tenir sur une défensive respectable dans la province<br />
d'Oran-<br />
433<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 20 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous soumettre le rapport hebdoma<br />
daire des principaux événements qui se sont passés sur les<br />
divers points de l'occupation depuis le dernier courrier.<br />
Depuis que nous nous sommes repliés sur Boufarik,<br />
l'agitation dont j'ai eu l'honneur de vous donner avis par<br />
mon dernier rapport paraît augmenter chez beaucoup les<br />
Arabes. Ils se sont, réunis souvent, tant à l'Ouest qu'à l'Est,<br />
et dans tous les marchés de nombreux agents du bey de
Constantine,<br />
— -- 198<br />
d'Abd el Kader et Sidi-Embareck ont prêché<br />
la guerre sainte contre nous.<br />
Si nchis avions pu disposer de quelques fonds d'in<br />
fluence, surtout auprès des tribus de l'Est qui, jusqu'à pré<br />
sent, ne s'étaient pas montrées hostiles, nous aurions pro<br />
bablement maintenu la mésintelligence parmi les différen<br />
tes tribus et les chefs les plus influents. Avec 12 ou<br />
i5.ooo francs, on_ eût gagné des partisans dans ces diffé<br />
rentes réunions.<br />
Faute de ce moyen puissant auquel le bey Ahmed a eu<br />
recours avec libéralité dans cette circonstance, les décisions<br />
des dernières assemblées ont été pour la guerre. Hier, les<br />
arrivages qui, depuis quelque temps, commençaient à dimi<br />
nuer, ont tout à fait cessé. Enfin l'on m'annonçait que<br />
dimanche prochain une très grande réunion des chefs de<br />
l'Est et de l'Ouest doit avoir lieu à 20 lieues d'Alger, dans<br />
le but d'arrêter définitivement un plan de campagne. Tou<br />
tes ces nouvelles sont parvenues récemment et dans les<br />
mêmes termes au général Bapatel et à l'intendant civil.<br />
Je n'emmène que le moins possible de troupes à Bône et<br />
je forme ici de toutes celles dont je puis disposer à cet effet<br />
un colonne mobile qui, si la guerre éclate,<br />
tiendra la cam<br />
pagne et nlaintiendra la communication entre les forts et<br />
les camps de la ville.<br />
Nos alliés de Titteri se montrent très mécontents de ce<br />
que nous n'allions pas à Médéa et à Miliana- J'espère cepen<br />
dant que dans cette circonstance qui commence à présenter<br />
quelque gravité, ils ne prendront pas part contre nous.<br />
Les courriers de Bône et d'Oran n'étant pas arrivés, je<br />
n'ai aucune nouvelle récente à vous communiquer.
199 —<br />
434<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
Alger, le 20 octobre 1836.<br />
Je n'ai reçu que le 16 du courant, par le bateau à vapeur<br />
Le Papin, la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'adresser en date du 6 octobre et par laquelle vous répon<br />
dez à une partie des observations que j'ai cru de mon devoir<br />
de vous soumettre, par l'entremise du commandant de<br />
Bancé, mon aide de camp.<br />
Les ordres que j'ai reçus pendant que cet officier se ren<br />
dait à Paris, la certitude dans laquelle je pensais devoir<br />
être que vous m'enverriez les renforts que je demandais,<br />
sinon tous, du moins une partie, enfin la nécessité de se<br />
mettre le plus promptement en mesure pour l'expédition<br />
ordonnée à cause de la saison avancée, m'ont déterminé à<br />
prendre sur le champ des dispositions que je combinais<br />
d'ailleurs avec la prochaine arrivée des troupes sur lesquel<br />
les je comptais.<br />
Il en résulte qu'au moment où vous m'annonciez que le<br />
corps d'occupation sous mes ordres ne sera pas augmenté<br />
au delà de l'effectif qu'il présente aujourd'hui, les choses<br />
sont tellement avancées que l'expédition de Constantine est<br />
devenue pour nous une nécessité commandée par les cir<br />
constances mêmes,<br />
quelles que soient d'ailleurs les diffi<br />
cultés ou les conséquences qu'elle puisse présenter. Ces dif<br />
ficultés et ces conséquences vous ont été déduites, Monsieur<br />
l'honle<br />
Ministre, dans la note que mon aide de camp a eu
— — 300<br />
neur de vous remettre par l'ordre que vous lui en avez<br />
donné. Elles se résument ainsi.<br />
J'ai sous les armes, aujourd'hui 20 octobre, disponibles<br />
pour les garnisons et le combat, 23.000 hommes de toutes<br />
armes.<br />
Pour faire l'expédition de Constantine, je suis obligé de<br />
tirer des troupes des divisions d'Alger et d'Oran, bien que<br />
j'aie observé, et ce me semble prouvé,<br />
que la division<br />
d'Oran n'est que suffisante pour la tâche qu'elle doit rem<br />
plir et que celle d'Alger se trouve sur une défensive absolue.<br />
Forcé cependant d'affaiblir ces divisions, toutes les règles<br />
de la guerre et de la politique m'imposent l'obligation de<br />
n'en retirer qu un petit nombre de troupes,<br />
car j'aime<br />
mieux encore n'aller à Constantine (puisque vous ordonnez<br />
positivement, Monsieur le Ministre, cette opération) qu'avec<br />
de faibles moyens que de compromettre tout à fait les<br />
points si importants d'Alger et d'Oran.<br />
En établissant aujourd'hui la situation des troupes que<br />
je réunis à Bône,<br />
en faisant la part de celles qui devront<br />
rester derrière moi et de quelques non-valeurs qui dimi<br />
nueront l'effectif d'ici au jour du départ, je marcherai pour<br />
combattre Ahmed-bey, avec 6000 hommes au plus. J'en<br />
demandais 10.000, et M. le maréchal Soult avait jugé dans<br />
le temps qu'il en fallait i5.ooo. J'irai moins vite, d'une<br />
manière moins brillante, en perdant plus de monde, en<br />
tuant et prenant moins de monde à l'ennemi, mais enfin<br />
j'exécuterai l'ordre donné. J'irai, j'espère, à Constantine.<br />
Quant au fait de savoir quelle suite sera donnée à l'expé<br />
dition, c'est-à-dire quant à l'établissement d'un bey et d'une<br />
garnison française à Constantine avant de quitter cette ville,<br />
vous reconnaîtrez sans doute, Monsieur le Ministre, qu'il est<br />
de toute nécessité que je reçoive à cet égard les instructions<br />
les plus formelles. Je les réclame instamment, dans le plus<br />
bref délai, et pour éviter tout malentendu j'ai l'honneur de<br />
vous prévenir que si je ne les avais pas reçues au moment<br />
où je devais revenir, je ne me croirais pas autorisé à laisser
—<br />
— 201<br />
derrière moi quelque autorité ou quelques troupes que ce<br />
soit, chargées de conserver à la France cette nouvelle con<br />
quête.<br />
Ce qui s'est passé à l'occasion de l'expédition de Tlemcen<br />
m'oblige à n'agir dans la circonstance présente que sur des<br />
ordres aussi officiels et aussi formels que possible.<br />
Sans doute, j'ai proposé et demandé tout autre chose que<br />
ce qui va se faire et pourra se faire d'après les conditions<br />
dans lesquelles vous me placez. Mais tandis que, d'une part,<br />
vous ordonnez l'expédition et que, de l'autre, nous nous<br />
trouvons beaucoup trop avancés pour pouvoir reculer, il<br />
ne me reste plus à moi qu'à marcher du mieux que je<br />
pourrai et j'y ferai tous mes efforts. Dans une circonstance<br />
que je regarde comme difficile, je dois à la confiance dont<br />
m'honore le roi, à celle du gouvernement, je dois à mon<br />
pays, surtout s'il m'est permis de me prévaloir d'une vieille<br />
expérience de la connaissance que j'ai acquise de la guerre<br />
en Afrique, de faire contre mon opinion même ce que le<br />
gouvernement juge utile et convenable de faire. Je dis con<br />
tre mon opinion, parce que je n'ai considéré l'expédition<br />
de Constantine comme utile qu'autant que l'on ne la tente<br />
rait qu'avec l'intention et les précautions prises pour s'en<br />
assurer la conservation, afin de se créer par là un puissant<br />
moyen de domination du pays-<br />
Maintenant, Monsieur le Ministre, quand j'accepte ainsi<br />
les conditions dans lesquelles je suis aujourd'hui placé,<br />
permettez-moi de refuser formellement de me soumettre à<br />
l'accusation d'inconséquence que vous ne persisteriez pas<br />
à faire peser sur moi si toutes les conventions faites entre le<br />
ministère précédent et moi avaient été discutées et arrêtées<br />
de la même manière entre vous et moi. Tant que l'on persis<br />
tera à dire que je n'avais demandé en tout et pour tout que<br />
3o.ooo hommes, effectif général, il est de mon honneur et<br />
de ma dignité de persister à soutenir une opinion contraire.<br />
Je le fais ici de nouveau, d'abord en m'appuyant sur des<br />
pièces officielles, de l'autre, en rappelant tout ce qui a été
— — 202<br />
dit et convenu verbalement entre M. le maréchal Maison<br />
et moi.<br />
Ainsi je n'ai pas demandé 3o.ooo hommes seulement,<br />
effectif général, car l'état d'emplacement des troupes que<br />
j'ai remis à M. le maréchal Maison se résume en un total<br />
de 3o.ooo hommes de troupes françaises et 5.ooo hommes<br />
de troupes indigènes organisées et soldées, ce qui fait bien<br />
35.ooo hommes et quant aux 3o.ooo hommes de troupes<br />
françaises,'<br />
je ne cesserai d'observer et de demander qu'il<br />
soit bien convenu que ne devaient pas s'y trouver comprises<br />
toutes les non-valeurs si considérables en Afrique, notam<br />
ment les nombreuses administrations de l'armée, et pour<br />
bien préciser les faits, puisque cela est si nécessaire au<br />
jourd'hui, j'eus l'honneur de faire observer maintes fois à<br />
M. le Ministre de la Guerre et à M- le Président du Conseil,<br />
que ce n'était pas (veuillez me passer l'expres<br />
M. Thiers,<br />
sion) avec des tabliers et des bonnets de coton que j'enten<br />
dais mettre à exécution le système selon lequel il s'agissait<br />
d'opérer.<br />
Lorsqu'avant mon départ de Paris il devint nécessaire de<br />
fixer d'une manière plus précise les dispositions à<br />
prendre'<br />
par le ministère, M. le maréchal Maison, dans une confé<br />
rence à laquelle il voulut bien admettre mon aide de camp,<br />
écrivit de sa main au bas d'un état d'emplacement des<br />
troupes tant françaises qu'indigènes, une note qu'il signa,<br />
qu'il m'envoya en communication, et dont j'ai pris et gardé<br />
copie, par laquelle il accordait 3o.ooo hommes de troupes<br />
françaises, 5.000 hommes de troupes indigènes, et enfin<br />
i.ooo cavaliers auxiliaires pendant l'expédition de Constan<br />
tine, c'est-à-dire 35.000 hommes pour l'occupation et<br />
39.000 pendant l'expédition. Enfin dans le cours de cette<br />
même conférence, mon aide de camp revint d'une manière<br />
très formelle sur cette observation toujours présentée,<br />
savoir que ne seraient pas comprises dans le chiffre de<br />
3o.ooo hommes de troupes françaises toutes les non-valeurs<br />
de l'armée, et comme il demandait une réponse avec ins-
— — 203<br />
tance, M. le Directeur général du personnel présent à la<br />
conférence termina la discussion en disant que l'on porte<br />
rait l'effectif à 32 ou 33ooo hommes et que cet excédent<br />
couvrirait du moins le chiffre des non-combattants de l'ad<br />
ministration; quant aux autres non-valeurs, il observa<br />
qu'elles se réduiraient à un chiffre moins élevé à cause du<br />
choix tout particulier que l'on ferait des hommes qui<br />
seraient désormais envoyés en Afrique.<br />
Il s'agissait donc de 37 à 38.ooO hommes et non pas de<br />
3o.ooo hommes effectif général. Cependant, par votre dépê<br />
che du 6 octobre, vous m'observez que l'effectif général en<br />
ce moment est 'de 3r.8oo hommes et que vous ne pouvez<br />
en conséquence vous expliquer comment l'expédition de<br />
Constantine,<br />
qui était possible quand j'ai quitté Paris, ne<br />
le serait plus aujourd'hui, surtout quand la situation poll-<br />
tiqe n'a pas changé.<br />
En effet,<br />
voici les conditions dans lesquelles nous étions<br />
et dans lesquelles nous nous serions trouvés,<br />
exécuté ce qui avait été convenu.<br />
si l'on eût<br />
Dans la conférence précitée au commencement d'août,<br />
M. le Ministre de la Guerre donnait l'ordre formel, sur ma<br />
demande et en présence de mon aide de camp, de faire<br />
partir sans aucun délai pour Bône le bataillon de chasseurs<br />
d'Afrique (r)<br />
qui était en Corse (16 à 1.700 hommes) et de<br />
diriger également de suite sur ce point les trois bataillons<br />
du<br />
17"<br />
léger (t.600 hommes).<br />
Ces troupes envoyées à cette époque à Bône eussent<br />
annoncé d'une manière formelle l'expédition,<br />
également mis à même de se porter en avant,<br />
elles eussent<br />
au milieu des<br />
tribus bien disposées et que nous nous serions adjointes<br />
certainement pour combattre Ahmed,<br />
parce que d'ici là<br />
nous nous serions trouvés assez forts pour les protéger.<br />
(1) Bataillon d'infanterie légère d'Afrique.
— — 204<br />
Le recrutement des troupes indigènes qui venait d'être<br />
arrêté malheureusement quelque temps auparavant aurait<br />
repris au moment où les Arabes se présenteraient en foule<br />
pour s'enrôler sous les ordres du bey Yusuf.<br />
Tous ces préparatifs, toutes ces opérations préliminaires<br />
détruisaient à l'avance<br />
rendaient l'exécution plus facile,<br />
l'autorité et les forces du bey Ahmed, enfin elles produi<br />
saient una impression favorable dans les autres provinces.<br />
Si, dans le même temps, on eût porté l'effectif général à<br />
3?. ou 33.ooo hommes et si l'on eût ouvert lès crédits pour<br />
le recrutement et la solde des troupes indjgènes comme<br />
pour la création des moyens de transport (toutes choses<br />
aussi convenues), il en serait résulté qu'à l'heure qu'il est<br />
beaucoup<br />
d'ojpérations seraient commencées ou achevées<br />
dans les provinces d'Alger et d'Oran, et que,<br />
sur la route<br />
de Constantine, nous serions forts, bien postés, très avan<br />
cés,<br />
entourés de tribus croyant à nos projets et à notre<br />
puissance pour les exécuter.<br />
Au lieu de cela,<br />
nous trouvons-nous ?<br />
qu'a-t-on fait et dans quelle situation<br />
Le bataillon de Corse non plus que ceux âv<br />
~<br />
17e<br />
léger<br />
n'ont été envoyés à Bône; l'effectif de l'armé,. :*• v^stê jus<br />
qu'au mois d'octobre au-dessous de 28.000 no?iifAss tout<br />
compris,<br />
aucune troupe indigène n'a été recrute, aucun<br />
crédit ouvert jusqu'à là même époque pour les préparatifs<br />
de l'expédition. Au moment du changement de ministère,<br />
M. le maréchal Maison a suspendu toute action, même le<br />
départ de quelques bataillons prêts à embarquer à Toulon<br />
et à Port-Vendres.<br />
Dès lors de notre côté, incertitude d'abord, puis ensuite<br />
découragement; de la part des Arabes, au contraire, espoir<br />
de voir avorter tous les projets annoncés.<br />
Impossibilité pour nous d'agir dans les provinces d'Alger<br />
et d'Oran, non plus que de nous échelonner puissamment<br />
sur la route de Constantine et par conséquent sur ce point<br />
une plus grande facilité pour le bey<br />
Ahmed de se mettre en
—<br />
— 205<br />
état de défense, de contenir ou de frapper les tribus qui se<br />
sont compromises sans que nous puissions aujourd'hui les<br />
soutenir.<br />
Aussi les dernières nouvelles annoncent qu'il a attaqué le<br />
poste d'e Dréan, qu'il forme plusieurs camps, qu'il recrute<br />
partout, même dans la province d'Alger et de Titteri, d'où<br />
il vient de tirer 800 Couloughlis, etc..<br />
Je dis donc, Monsieur le Ministre,<br />
non seulement que la<br />
situation politique a beaucoup changé, mais j'établis une<br />
différence de force équivalente à plusieurs milliers d'hom<br />
mes entre ce que sont les choses d'aujourd'hui et ce qu'elles<br />
seraient si tout se fût passé ainsi que je l'ai dit plus haut,<br />
et qu'il avait été convenu de faire à Paris comme ici-<br />
Pour mieux rendre sensible cette différence, veuillez<br />
considérer, Monsieur le Ministre,<br />
celle qui s'établit à Alger<br />
même depuis votre dernière dépêche du 6 courant.<br />
Je désirais avant de m'éloigner d'Alger couvrir tous les<br />
postes à la fois, en m'établissant sur la Chiffa, d'où l'on<br />
pourrait ,<br />
dominer la plaine et contenir au loin les Arabes<br />
en cas d'usp. levée de boucliers. Ayant reçu les troisièmes<br />
bataillons du<br />
a8<br />
léger et n"<br />
de ligne,<br />
les quatre :.o ;, agnies d'élite du<br />
17e<br />
établir définitivement.<br />
et fait venir d'Oran<br />
léger, je m'étais porté<br />
en avant, pensant m'y<br />
Aujourd'hui que je suis obligé de faire partir pour Bône<br />
les quatre, compagnies du<br />
178<br />
lument me replier sur Boufarik.<br />
et tout le 63e, il me faut abso<br />
La conséquence de ce mouvement qui dénote notre fai<br />
blesse ne s'est pas fait attendre. Déjà les chefs de tribus se<br />
sont réunis deux fois pour délibérer sur la guerre à entre<br />
prendre et l'on m'annonce qu'il va y avoir à Blida même<br />
qui se trouve forcé de prendre parti contre nous, une<br />
grande assemblée de tous ceux qui pensent que la circons<br />
tance est favorable pour nous attaquer.<br />
Toutefois, j'espère n'avoir rien à craindre pour le poste<br />
de Boufarik, j'ai pris mes dispositions pour déjouer les dif<br />
férentes entreprises qui pourraient être faites dans le but
— — 206<br />
de couper les communications entre cette place, le Sahel et<br />
Alger.<br />
Il y a quelques jours cependant que les habitants de Blida<br />
nous voyant sur la Chiffa, non seulement nous livraient<br />
leur ville à merci, mais ils offraient de contribuer de tous<br />
leurs moyens à la défendre, tandis que d'ailleurs aucun<br />
indice grave n'annonçait que les Arabes fussent disposés à<br />
se réunir pour combiner un plan de campagne.<br />
C'est ainsi que toujours quand on est fort, les Arabes<br />
sont découragés et disposés à se soumettre, tandis que dans<br />
le cas contraire, ils deviennent tous ennemis et entrepre<br />
nants, et vous voyez, Monsieur le Ministre, qu'il faut peu<br />
de temps pour opérer ce changement.<br />
Les intrigues d'Abd el Kader et du bey de Constantine,<br />
surtout celles de ce dernier appuyées sur de grandes lar<br />
gesses,<br />
sont parvenues dans ces derniers temps à ébranler<br />
les tribus de l'est de la Mitidja qui jusqu'à présent ne nous<br />
ont pas été hostiles. Déjà deux fois les chefs se sont aussi<br />
rassemblés depuis quelques jours, leurs intérêts commer<br />
ciaux et nos efforts pour les désunir les ont empêchés-<br />
s'entendre jusqu'à présent, mais serons-nous toujours aussi<br />
heureux ? Il ne faut pas s'y fier.<br />
Sans doute je ne crains pas, comme vous me faites l'hon<br />
neur de me l'observer très justement,<br />
blockhaus ou nos postes retranchés,<br />
de<br />
qu'ils enlèvent nos<br />
mais une excursion<br />
vigoureuse par laquelle ils détruiraient les travaux exécu<br />
tés dans la plaine serait un événement bien grave, bien<br />
fâcheux et d'un mauvais exemple.<br />
Enfin, Monsieur le Ministre, je dois vous soumettre les<br />
motifs qui me mettent dans la nécessité de laisser à Oran<br />
une colonne mobile assez forte pour aller ravitailler Tlem<br />
cen-<br />
Je ne puis faire faire cette opération avant ni après l'expé<br />
dition de Constantine par les troupes qui devraient concou<br />
rir ou qui auraient concouru à cette expédition. Marcher
— — 207<br />
sur Tlemcen avant d'envoyer les troupes à Bône m'aurait<br />
beaucoup trop retardé.<br />
En effet, un convoi ne peut se rendre d'Oran à Tlemcen<br />
que dans 6 jours et encore faut-il que le temps soit beau,<br />
2 jours sont nécessaires pour décharger et se reposer. Ce<br />
convoi ne porte que 5oo quintaux, il faut aller.chercher les<br />
5oo autres à la Tafna, ce qui prend pour aller et revenir au<br />
moins 5 jours, 2 jours ensuite pour décharger et se reposer,<br />
enfin 5 jours de beau temps, et dans cette saison mes pro<br />
pres et constantes observations m'ont appris que l'on n'a<br />
guère que 8 à 9 jours sans pluies,<br />
inévitables.<br />
ce qui cause des retards<br />
Ne ravitailler Tlemcen qu'après l'explédition me serait<br />
impossible puisque cette place n'a d'approvisionnements en<br />
blé que jusqu'au mois de novembre. A cette époque, je<br />
commencerai seulement ma marche sur Constantine et les<br />
troupes ne retourneront à Oran qu'alors qu'il serait difficile<br />
de se rendre à Tlemcen avec un .convoi.<br />
En résumé, Monsieur le Ministre, les difficultés sont<br />
grandes, il était de mon devoir de vous les signaler et de<br />
me justifier aujourd'hui d'avoir cherché à les éviter.<br />
J'espère toutefois que la connaissance que j'ai du pays et<br />
du caractère de nos ennemis me sera d'un grand secours<br />
pour vaincre tant d'obstacles qu'il est peut-être difficile<br />
d'apprécier du premier abord aussi bien à Paris que là où<br />
il s'agit de les surmonter.<br />
p s. —<br />
Les<br />
nouvelles que je reçois du dehors m'annon<br />
cent que, dans les dernières réunions des chefs arabes, la<br />
guerre a été décidée contre nous ici; les tribus ont été pré<br />
venues qu'elles devaient préparer des vivres pour 20 jours<br />
et cesser toute relation avec Alger. En effet, les arrivages<br />
n'ont pas eu lieu hier. Après-demain dimanche 22 du<br />
courant, une très grande réunion des tribus de l'Est et de<br />
l'Ouest doit avoir lieu à 20 lieues d'Alger pour arrêter le<br />
.agents plan de campagne. Les d'Ahmed, d'Abd el Kader et<br />
de Sidi-Embarek s'agitent en tous sens et se répandent; les
— — 208<br />
émissaires d'Ahmed notamment n'épargnent pas plus l'ar<br />
gent que les promesses et recrutent activement parmi les<br />
Couloughlis de l'Est en même temps qu'ils excitent à la<br />
guerre dans la province d'Alger.<br />
Je reçois à l'instant des nouvelles de Bône. J'ai l'honneur<br />
de vous les communiquer par une dépêche spéciale en date<br />
de ce jour.<br />
435<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 20 octobre 1836.<br />
M. le lieutenant général Damrémont est arrivé à Alger et<br />
va se rendre dans la province d'Oran, tandis que j'opérerai<br />
dans celle de Constantine et que le lieutenant général Rapa<br />
tel opérera autour d'Alger. C'est de ce dernier officier<br />
général que je vais avoir l'honneur de vous entretenir.<br />
Par décision ministérielle du io octobre dernier et confor<br />
mément à l'ordonnance du 22 juillet i834, M. le lieutenant<br />
général baron Rapatel fut investi du commandement géné<br />
ral de toutes les troupes en Afrique. Depuis cette époque et<br />
par suite de mes absences d'Alger, soit pour diriger diverses<br />
opérations militaires, soit pour me \indre à Paris toujours<br />
en vertu de l'ordre de M. le maréchal Maison, votre prédé<br />
fonccesseur,<br />
cet officier général a rempli par intérim les
— — 209<br />
tions de gouverneur général pendant l'espace de huit mois<br />
et à deux reprises-<br />
Dans les divers dossiers du Ministère de la Guerre vous<br />
trouverez, Monsieur le Ministre, la preuve du zèle et de<br />
l'habileté dont il a constamment fait preuve. Dans des cir<br />
constances souvent très difficiles, il a su prendre des mesu<br />
res qui ont amené les meilleurs résultats, aussi M. le Minis<br />
tre de la Guerre avait-il apprécié la conduite de cet officier<br />
général.<br />
Ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le dire par suite de<br />
vos ordres sous la date du 6 de ce mois, M. le lieutenant<br />
général comte Damrémont va se rendre à Oran pour pren<br />
dre le commandement de cette province et des troupes qui<br />
s'y trouvent; il correspondra directement avec le gouver<br />
neur général.<br />
Le lieutenant général baron Rapatel avait droit, selon<br />
moi, à une récompense et par suite de cette disposition, il<br />
voit une partie de son autorité dévolue à un autre officier<br />
général. Ne doit-il pas ressentir vivement les conséquences<br />
de cette mesure et la considérer comme une sorte de défa<br />
veur. Je sais par expérience combien ce qu'éprouve le<br />
lieutenant général Rapatel est pénible et, je dois le dire,<br />
décourageant.<br />
J'ai cru, Monsieur le Ministre, devoir vous soumettre ces<br />
réflexions, vous jugerez si le moment ne serait pas conve<br />
nable de récompenser cet officier général des services qu'il<br />
rend tous les jours.<br />
14
— 210<br />
43f<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris, le U octobre 1836.<br />
J/ai appris avec satisfaction que vous entrepreniez l'expé<br />
dition sur Constantine et que vous n'étiez pas inquiet des<br />
résultats. Le duc de Nemours est confié à vos soins : il par<br />
tira demain pour Toulon où il arrivera le 25, il s'embar<br />
quera immédiatement sur un bateau à vapeur qui le trans<br />
portera à Bône. Faites préparer les chevaux pour le prince.<br />
et sa suite, composée de trois officiers.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— - 211<br />
437<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 21 octobre 1836-<br />
Je reçois à l'instant des nouvelles de Bône, en date des<br />
i5 et 19 octobre.<br />
Depuis que le bey Ahmed est sorti de Constantine et tan<br />
dis que la faiblesse du corps de troupes réuni jusqu'à pré<br />
sent à Bône nous a empêché de dépasser le camp de Dréan,<br />
la situation a changé. Quelques tribus intimidées et en<br />
même temps attirées par les présents et les largeurs d'Ah<br />
med ont pris parti pour lui, les autres sont fort ébranlées<br />
et les Arabes font contré nous aujourd'hui la guerre de<br />
partisans aux environs de Bône et de Dréan. Tout annonce<br />
que je ne pourrai disposer que d'une partie des moyens de<br />
transport que nous avions sous la main il y a peu de temps.<br />
Je serai forcé d'agir en conséquence.<br />
Si du moins les troupes destinées à l'expédition et que je<br />
tire d'Oran et d'Alger pouvaient arriver simultanément et<br />
promptement à leur destination, je marcherais de suite et<br />
je ne verrais pas l'effectif des bataillons qui arrivent succes<br />
sivement et qui ne sont pas acclimatés se réduire en pure<br />
perte (le 3° bataillon du<br />
plet de 5oo hommes,<br />
les armes).<br />
17e<br />
léger,<br />
parti de France à un com<br />
n'a déjà plus que 3oo hommes sous<br />
Mais je ne sais ce que deviennent les vaisseaux qui doi<br />
vent amener les troupes d'Oran et venir prendre ici le 63"<br />
de ligne. Je n'en entends pas parler.
— — 212<br />
Tous ces retards sont fâcheux. Chaque jour perdu main-<br />
nant ne peut que diminuer notre influence, tandis que celle<br />
d'Ahmed s'accroîtra d'autant; chaque jour aussi l'effectif<br />
de nos troupes s'affaiblit, tandis que l'ennemi recrute et<br />
profite de sa position au milieu des tribus pour les entraîner<br />
ou les forcer à combattre pour lui.<br />
Aussitôt que j'aurai les vaisseaux et les. troupes, je mar<br />
cherai sans perdre un moment. Pour diminuer mes baga<br />
ges, je ferai des distributions de café et de sucre au lieu de<br />
donner du vin et je brusquerai l'expédition,<br />
au lieu de<br />
m'échelonner et de manœuvrer comme je me proposais<br />
de le faire-<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (iï<br />
Alger, le 22 octobre 1836<br />
Si nous prenons Constantine et que nous ne le conservions<br />
pas, nous exposerons la population et toutes les tribus qui<br />
se sont prononcées pour nous, à la rage et à la vengeance<br />
d'Ahmed-bey. Un bataillon français dans la Casba, mille<br />
Turcs et les quatre escadrons de spahis réguliers de Yusuf<br />
suffiront pour nous assurer la conquête. Avec cette force,<br />
(1) Dépêche télégraphique.
—<br />
— 213<br />
les tribus qui sont aujourd'hui pour nous resteraient fidèles-<br />
On approvisionnerait le bataillon pour un an en grains, en<br />
bois surtout, en tout ce qui serait nécessaire et qu'on ne<br />
trouverait pas dans la ville. Pour la viande, il serait impos<br />
sible à Ahmed d'empêcher les Arabes de conduire des bœufs<br />
à la garnison. Si nous abandonnons les Arabes à Constan<br />
tine nous perdons pour toujours leur confiance et ils seront<br />
contre nous et sur nous lorsque nous rentrerons à Bône.<br />
Déjà la pensée que l'expédition n'aurait pas lieu avait<br />
ramené plusieurs tribus à Ahmed, mais j'entrerai dans<br />
Constantine.<br />
439<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 22 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous informer que je donne ordre à une<br />
compagnie de sapeurs du<br />
2°<br />
régiment du génie, forte de<br />
3 officiers et i5o sous-officiers et soldats et à un détachement<br />
de sapeurs conducteurs du même régiment composé d'un<br />
officier et de 62 sous-officiers et soldats de se diriger de<br />
Montpellier sur Toulon. Ces deux troupes destinées à faire<br />
partie de l'expédition de Constantine arriveront ensemble à<br />
Toulon le 8 novembre et elles y seront embarquées le plus<br />
tôt possible.<br />
Je vous prie de donner les ordres nécessaires pour la<br />
réception de ces troupes à Bône et pour leur destination<br />
ultérieure.
— — 214<br />
440<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 22 octobre 1836-<br />
Je vous ai fait connaître par ma dépêche télégraphique<br />
d'hier que j'ai appris avec satisfaction que vous entrepreniez<br />
l'expédition de Constantine et que vous n'étiez pas inquiet<br />
des résultats. Je vous ai annoncé en même temps que<br />
S. A. R. Mgr le duc de Nemours est confié à vos soins, que<br />
S. A. arrivera à Toulon le 25 et qu'il s'embarquera immé<br />
diatement pour être transporté à Bône.<br />
Je confirme cet avis et j'ai hâte de vous dire que j'ai<br />
éprouvé une vive satisfaction de la nouvelle marque de con<br />
fiance que vous donne le roi. L'intention de S. M- est que<br />
S. A. R. Mgr le duc de Nemours assiste à l'expédition de<br />
Constantine comme le Prince Royal a assisté à celle de Mas<br />
cara. L'armée sous vos ordres verra dans la présence de<br />
Mgr le duc de Nemours dans ses rangs un témoignage patent<br />
de la sollicitude du roi pour le corps d'occupation d'Afri<br />
que. C'est, en outre,<br />
une preuve de l'intérêt que prend Sa<br />
Majesté au succès de l'expédition de Constantine.<br />
Je vous prie de prescrire les mesures que vous jugerez<br />
convenables pour la sûreté de Mgr le duc de Nemours.
— 215<br />
441<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger, le 22 octobre 1836.<br />
J'ai ordonné au général Damrémont de se rendre dans la<br />
province d'Oran. Il m'a demandé de retarder son départ de<br />
iô jours; je suppose qu'il préfère rentrer en France et qu'il<br />
attend vos ordres.<br />
Le général Létang ira approvisionner Tlemcen-<br />
442<br />
Le Directeur du Dépôt de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 25 octobre 1836.<br />
Au moment où vous allez entreprendre une nouvelle ex<br />
pédition de la plus haute importance, je crois devoir appeler<br />
votre attention sur une branche du service qui nous met<br />
trait bientôt à même de réunir les éléments d'une carte<br />
(l)i Dépêche télégraphique.
— — 216<br />
générale de la Régence et des trois cartes des provinces dont<br />
le Ministre m'a ordonné de préparer la gravure. Indépen<br />
damment de la section topographique que je désire voir<br />
établir à Alger pour centraliser tous les levés exécutés dans<br />
les diverses parties de la Régence, j'ai pensé qu'on pourrait<br />
recueillir une quantité de matériaux précieux,<br />
si vous exi<br />
giez par un ordre du jour des capitaines et lieutenants<br />
d'état-major attachés aux régiments qui feront partie de la<br />
prochaine expédition et à l'avenir de toutes les autres, des<br />
itinéraires de toutes les marches que les corps auront exé<br />
cutés et des levés de toutes les positions qu'ils auront occu<br />
pées.<br />
Je suis persuadé que ces jeunes officiers comprendront<br />
l'utilité et l'importance de la tâche que vous leur imposerez.<br />
Mais s'il était nécessaire de stimuler leur zèle à cet égard,<br />
il suffirait sans doute de leur citer l'exemple d'une multi<br />
tude d'officiers de la ligne qui,<br />
sans autre mobile que<br />
l'assurance d'être nommés dans le Journal militaire officiel,<br />
ont exécuté des travaux de longue haleine et dont un certain<br />
nombre rivaliserait avec ceux des officiers d'Etat-Major,<br />
s'ils avaient été rédigés avec cet esprit de méthode et d'uni<br />
formité qui ajoute tant au mérite de l'exécution et du fini.<br />
Ces travaux sont d'ailleurs analogues à ceux qu'aux ter<br />
mes de l'ordonnance du 23 février t833 les officiers d'Etat-<br />
Major titulaires ou détachés dans les corps de l'intérieur<br />
sont obligés de fournir annuellement pour constater leur<br />
mérite et servir à dresser le tableau d'avancement au choix.<br />
Une circulaire ministérielle en date du 28 avril dernier a de<br />
nouveau recommandé aux lieutenants généraux de répartir<br />
les tâches de façon à ne porter aucun préjudice à la position<br />
des individus et aux intérêts du service. J'ai l'honneur de<br />
.prier de<br />
donner les ordres de manière à compléter peu<br />
là peu, la reconnaissance de tout le territoire de la Régence.<br />
V: Je joins ici quelques exemplaires d'une instruction rela<br />
tive aux itinéraires et aux reconnaissances militaires pour<br />
servir de guide aux officiers, tant dans la rédaction de leurs
—<br />
— 217<br />
mémoires que dans l'exécution de leurs levés. Je vous serai<br />
fort obligé de vouloir bien les leur faire tenir par l'inter<br />
médiaire de votre chef d'Etat-Major, et de lui recomman<br />
der de recueillir avec soin les plans et les mémoires de ces<br />
officiers, qui devraient être communiqués au chef de la sec<br />
tion topographique à la fin de chaque expédition et trans<br />
mis ensuite au Dépôt général de la Guerre.<br />
Yusuf-bey<br />
443<br />
au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
4b camp Clauzel, le 25 octobre 1836-<br />
J'ai eu l'honneur de vous faire savoir la position difficile<br />
dans laquelle je me trouvais et j'attendais avec une bien<br />
vive impatience les secours en hommes et argent que vous<br />
avez eu la bonté d'envoyer. Ces secours sont inefficaces<br />
puisque les ordres donnés à M. le général Trézel lui pres<br />
crivent de ne point sortir et de ne point s'engager. L'effet<br />
de cette stagnation continue de porter ses fruits. Ahmed-<br />
bey<br />
s'est avancé et petit à petit a rallié par le seul fait de sa<br />
marche une grande partie des tribus qui nous étaient sa.Uf ,<br />
mises et qui attendent depuis six mois que nous naus S&iV&n1<br />
cions pour se joindre à nous et écraser notre ennemi com<br />
mun. Le bey s'est avancé, il a eu,<br />
et nous lui avons laissé<br />
bénévolement le temps de rallier les nombreux cavaliers
.<br />
— — 218<br />
mis en déroute le 9 courant et hier 23, il est venu attaquer<br />
le camp. J'ai fait prévenir immédiatement le général Trézel<br />
ù 7 heures du matin et à 2 heures le régiment de cavalerie<br />
est arrivé avec le général et un bataillon d'infanterie et deux<br />
pièces d'artillerie, mais tout cela s'est entassé dans le camp<br />
qui ne courait nul danger avec deux bataillons français et<br />
ma troupe indigène. Le général m'a dit qu'il ne pouvait pas<br />
sortir et que ses ordres étaient formels; l'ennemi s'était<br />
retiré et était à deux lieues de nous. Tout ce qui était dans<br />
le camp s'attendait à une sortie qui, j'ose l'affirmer, eût été<br />
féconds en résultats. La conduite contraire inspire une juste<br />
défiance aux tribus peu nombreuses qui sont encore dans<br />
nos lignes et va nous faire perdre toute influence et toute<br />
ressource pour l'expédition de Constantine.<br />
Je vous demande pardon, Monsieur le Maréchal, de m'ex-<br />
pliquer si franchement,<br />
mais ma conscience me dirige et je<br />
dois vous dire qu'il faut avant tout ramener le pays tel qu'il<br />
était il y a un mois et que pour cela il ne faut que deux ou<br />
trois courses pour disséminer les rassemblements qui exis<br />
tent,<br />
rassurer les populations qui chaque jour m'échappent<br />
à leur grand regret,<br />
mais vous connaissez la position des<br />
Arabes, ils ne peuvent rester neutres. Je ne saurais vous<br />
exprimer combien il est nécessaire que vous arriviez dans<br />
notre province ou que vous donniez des ordres pour que<br />
nous établissions promptement nos affaires.<br />
Je n'ai point encore l'ordre d'organiser mes deux nou<br />
veaux escadrons; les officiers nommés par suite d'organisa<br />
tion sont ici- Comptant que l'insertion au Journal militaire<br />
devait être suivie d'un ordre d'organisation, j'avais com<br />
mencé à choisir les hommes qui devaient les former, j'avais<br />
fait un beau choix, ayant plus de 3oo cavaliers postulants.<br />
Je.'<br />
suis encore arrêté dans cette œuvre,<br />
enfin tout concourt<br />
;à;mé démoraliser moi et mon monde. Je vous en conjure,<br />
^Monsieur le Maréchal, ne laissons point perdre en si peu de<br />
'", jours les succès obtenus par sept mois de si pénibles travaux<br />
■:. est: dont les résultats doivent être si brillants pour la France.
219<br />
444<br />
Le général Trézel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 25 octobre 1836.<br />
Je viens de ramener à Bône les troupes que j'avais con<br />
duites hier au camp puisque l'ennemi, au lieu de rester à<br />
proximité de nous, s'en est éloigné.<br />
Yusuf-bey<br />
a fait rentrer dans la petite plaine de Bône<br />
toutes les tribus qui entouraient le camp, mais je suppose<br />
qu'il les fera reporter en avant sous peu de jours, car leurs<br />
troupeaux fort nombreux y mourraient bientôt de faim.<br />
C'est d'ailleurs une très bonne occasion pour les achats d?<br />
bestiaux que l'administration veut faire pour votre expédi<br />
tion. Quant à ceux de mulets, ils sont moins faciles et je<br />
crains bien que nous n'en ayons guère,<br />
car j'en vois bien<br />
peu parmi ces tribus. Cependant Yusuf compte encore sur<br />
plus de 4oo, car l'arrivée de nos forces va faire assez de<br />
sensation dans le pays pour que les tribus de la Masfrag et<br />
du lac nous reviennent avant le moment de votre départ<br />
de Bône pour Constantine.<br />
Ses deux escadrons de spahis sont bien affaiblis par les<br />
fièvres et les chevaux bien amaigris par ce long<br />
camp<br />
séjour au<br />
où ils ont été bien mal nourris par leurs maîtres..<br />
Yusuf me demande de les laisser se refaire pendant une<br />
huitaine à Bône et de leur accorder la ration de fourrage en:<br />
nature, sauf défalcation du prix sur leur solde. Je lui accorde<br />
ces deux demandes, mais la seconde sous la condition que<br />
nos approvisionnements de fourrages pourront suffire et<br />
y
— — 220<br />
c'est le cas, je pense, mais je vais consulter l'intendant mili<br />
taire-<br />
P. S. —<br />
J'ai<br />
eu l'honneur de vous écrire ce matin du<br />
camp. Yusuf a aussi la fièvre mais assez légèrement et l'état<br />
sanitaire des troupes s'améliore.<br />
445<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger, le 25 octobre 1836.<br />
g"<br />
Le colonel du 5 réclame instamment les officiers, sous-<br />
officiers et soldats qui,<br />
quoiqu'appartenant à ses deux ba<br />
taillons de guerre, sont cependant en dépôt en France,<br />
savoir : i chirurgiens, 7 capitaines, 2 sous-lieutenants, un<br />
adjudant, un tambour, plusieurs sous-officiers et 5o soldats<br />
d'élite. Je vous prie de les faire partir le plus promptement<br />
possible et je demande que sur 1.100 hommes qui sont au<br />
dépôt du 5g*, on m'envoie à Bône 700 hommes.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 221<br />
446<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 26 octobre 1836.<br />
J'ai reçu, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire le 8 octobre courant, la copie de celle du colonel<br />
Duverger du 29 septembre dernier qui, après vous avoir<br />
rendu compte de la satisfaction que MM. Baude et de Chas-<br />
seloup-Laubat (1) ont éprouvée de ce qu'ils ont vu, se<br />
plaint des attaques dirigées contre les autorités françaises à<br />
Bône, de ce que les services qu'il a rendus dans le comman<br />
dement supérieur de cette ville n'ont pas été appréciés, et<br />
de ce qu'il a été remplacé comme un homme qui n'a pas su<br />
comprendre sa mission. Vous me faites connaître, Monsieur<br />
le Maréchal, que M. le colonel Duverger n'a pas cessé de<br />
remplir des fonctions importantes depuis qu'il est en Afri<br />
que,<br />
qu'il s'en est bien acquitté et qu'il est juste qu'après<br />
(1) Chasselotjp-Latjbat (Justin-Napoléon-Samuel-Prosper, comte de),<br />
né à Alexandrie (Piémont), le 29 mars 1805, mort le 29 mars 1873. Au<br />
diteur, maître de requêtes (1830) au Conseil d'Etat, adjoint au baron<br />
Baude, chargé de mission en Algérie, assista au premier siège de<br />
Constantine (novembre 1836). Député de Marennes (Charente-Infé<br />
rieure) en 1837, Conseiller d'Etat (1838), député à l'Assemblée Natio<br />
nale (1848), Ministre de la Marine (10 avril-26 octobre 1851), membre<br />
du Corps Législatif (1852), membre (1858) du Conseil supérieur, i.ns-.<br />
titué près le Ministère de l'Algérie et des Colonies, il succéda au<br />
Prince Napoléon à la tête de ce Ministère (24 mars 1859-24 novembre<br />
1860). Sénateur (25 mai 1862), Ministre présidant le Conseil d'Etat<br />
(17 juillet 1669-2 janvier 1870), membre de l'Assemblée Nationale en<br />
— 1871. Grand-Croix de la Légion d'honneur, 17 septembre 1860.
des services aussi laborieux,<br />
— — 222<br />
quelques témoignages de satisfaction.<br />
cet officier reçoive au moins<br />
La correspondance pour les affaires d'Afrique se faisant<br />
avec le Gouverneur général et en son absence avec le géné<br />
ral commandant les troupes,<br />
ni mes prédécesseurs ni moi<br />
n'avons eu à adresser directement des témoignages de satis<br />
faction à MM. les Généraux ou Commandants militaires en<br />
Afrique,<br />
mais chaque fois que des faits remarquables ont<br />
été signalés, il y a été applaudi,<br />
et vous ou M. le général<br />
Bapatel avez été chargés de transmettre aux officiers qui se<br />
sont fait remarquer les témoignages de satisfaction qu'ils<br />
ont mérités, et pour ne citer qu'un fait, je vous rappellerai<br />
le P.-S. de ma lettre du 3o septembre dernier, dans lequel<br />
je vous prie de témoigner ma satisfaction à M. le colonel<br />
Duverger pour le résultat qu'ont eu ses représentations<br />
énergiques auprès du Bey de Tunis.<br />
Je verrai avec plaisir, Monsieur le Maréchal, que vous<br />
fassiez des observations dans ce sens à M. le colonel Duver<br />
ger et que vous lui adressiez, de ma part, les témoignages<br />
de satisfaction qu'il a mérités par le zèle et la distinction<br />
qu'il a apportés dans l'exercice des fonctions qui lui ont<br />
été Confiées.
— 223<br />
Le général Trézel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 27 octobre 1836.<br />
J'ai reçu aujourd'hui par le bateau à vapeur Le Cerbère<br />
la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le<br />
24 de ce mois.<br />
D'après les nouvelles qui nous sont parvenues depuis le<br />
25, Ahmed-bey aurait été présent, en effet, à l'attaque du<br />
24 sur le camp de Dréan ou au moins placé à peu de dis<br />
tance avec 7 ou 8oo cavaliers du désert sur la fidélité des<br />
quels il compte particulièrement, mais le lendemain il a fait<br />
retirer troupes et tribus vers Guelma où il serait encore<br />
dans ce moment. On dit que pendant son absence ses parti<br />
sans ont été'<br />
attaqués par Farhat et battus, ce qui aurait mis<br />
un grand trouble sur ses derrières. Quoi qu'il en soit, nous<br />
n'avons vu à de grandes distances autour de Bône et du<br />
camp ni rassemblements, ni partis en campagne, et dès<br />
hier, j'ai engagé Yusuf-bey à tranquilliser toutes les tribus<br />
qui s'étaient repliées avec leurs troupeaux dans la petite<br />
plaine de Bône. Elles vont se reporter en avant, jusqu'au<br />
pont de Constantine.<br />
Yusuf et l'intendant militaire ,mettent tout en œuvre<br />
pour rassembler des mulets et des chevaux de bât. Cette<br />
retraite d'Ahmed et l'arrivage continuel des bâtiments de<br />
guerre et de commerce à Bône vont sans doute rassurer je?<br />
Arabes et ils ne douteront plus de l'imminence de votre<br />
.<br />
expédition. D'ailleurs le temps est beau et doux. Avec nos
petits sacs,<br />
— — 224<br />
on peut porter en riz et en biscuits pour 8 jours<br />
de vivres sur le dos du soldat, tous sont bien disposés et<br />
nos ressources en orge et moyens de transport augmente<br />
ront en marchant si nous faisons battre par nos spahis régu<br />
liers et irréguliers le pays à droite et à gauche de notre route.<br />
Je n'ai point l'occasion de profiter de l'autorisation que<br />
vous m'accordez de faire de petites expéditions pour détruire<br />
des rassemblements et ramener les tribus sous l'obéissance<br />
de Yusuf-bey. Celles du cap de Fer ne paraissent plus et on<br />
ne pourrait les atteindre dans les bois très fourrés où elles<br />
se sont réfugiées en attendant que la fortune ait prononcé<br />
entre Ahmed et Yusuf.<br />
448<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE»)<br />
Alger, le 27 octobre 1836.<br />
Par la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de m'adres-<br />
ser sous la date du 4 de ce mois, vous me faites connaître la<br />
plainte qui vous a été adressée contre Yusuf-bey par l'Arabe<br />
Ahmed Smara. Cet indigène prétend qu'il a reçu 200 coups<br />
dé bâton pour n'avoir pas voulu être employé avec une<br />
Centaine d'autres dans les cuisines de Yusuf-bey. Je m'em<br />
presserai de vous transmettre tous les renseignements que<br />
je vais demander sur cette affaire,<br />
mais je ne puis m'empê-
—<br />
— 225<br />
cher de vous faire observer que je ne crois pas à ces cen<br />
taines d'indigènes employés à la cuisine de Yusuf-bey; les<br />
habitudes mêmes du pays s'y opposent, car bien certai<br />
nement la nourriture d'un bey ne peut être comparée à<br />
celle du plus petit bourgeois de France et je ne vois dans<br />
ce qui vous est dit à ce sujet qu'une exagération inconve<br />
nante que l'on n'eût pas dû se permettre vis-à-vis d'un<br />
ministre. Veuillez le remarquer, Monsieur le Ministre, dans<br />
les plus petites circonstances, par ce système de malveil<br />
lance et de calomnies répapdues contre Yusuf-bey, système<br />
suivi en Afrique parce qu'on le voit accueilli et en quelque<br />
sorte encouragé à Paris... (sic).<br />
Vous pensez, Monsieur le Ministre, que pour hâter le<br />
progrès de la conquête nous devons traiter comme les sol<br />
dats français les soldats indigènes qui ont pris du service<br />
dans notre armée. Les châtiments que Yusuf-bey a quel<br />
quefois infligés à ses soldats vous semblent des actes de<br />
cruauté et vous désirez que toutes exactions de la nature de<br />
celles que vous signalez soient sévèrement réprimées.<br />
En Afrique, faire donner des coups de bâton n'est pas<br />
commettre une injustice puisque les lois consacrent en<br />
quelque sorte cette punition et on en trouve la preuve dans<br />
les jugements rendus par les cadis et les rabbins qui con<br />
damnent tous les jours des individus à en recevoir un cer<br />
tain nombre.<br />
Je voudrais certainement que la peine des coups de bâton<br />
pût être supprimée. Le temps pourra nous amener ce<br />
progrès, mais en ce moment ce serait annihiler nos moyens<br />
de repression et la prison ne les remplacerait pas et serait<br />
même une injustice, car la loi ne la comporte pas.. Depuis<br />
que je suis investi du commandement en Afrique, ij'ai<br />
adouci la rigueur des sentences; dans toutes mes instruc-.<br />
tions, j'engage les agents de l'autorité à joindre autant que .<br />
possible la douceur à la fermeté. Vous le voyez, Monsieur<br />
le Ministre, je marche peu à peu vers ce que nous croyons :<br />
être le bien, mais je crains qu'un changement trop prompt<br />
15
— — 226<br />
ne nous amène pas d'heureux résultats. En France, il en a<br />
été souvent ainsi et j'ai tout lieu de croire qu'en Afrique les<br />
effets en seraient bien plus fâcheux.<br />
Toutefois je ferai ce que votre dépêche prescrit et ma<br />
responsabilité sera mise à couvert, mais ni l'ordre dans le<br />
pays, ni la discipline dans les troupes musulmanes ne gagne<br />
ront rien à ces nouvelles mesures si elles étaient appliquées.<br />
Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de vous adresser<br />
une question. Par quelle punition faudrait-il remplacer les<br />
coups de bâton que l'on donne aux soldats indigènes pour<br />
les punir des fautes qu'ils commettent P<br />
449<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger, le 28 octobre 1836.<br />
Je préférerais entreprendre l'expédition de Constantine<br />
avec moins de dix mille hommes et laisser les provinces<br />
d'Oran et d'Alger avec des troupes suffisantes pour éloigner<br />
l'ennemi,<br />
plutôt que de les laisser sur la défensive en pre<br />
nant dix mille hommes.<br />
Je veux même préserver les deux provinces de la moindre<br />
inquiétude.<br />
Je me confie à la valeur des troupes, à ma bonne étoile<br />
aussi et je pars.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 227<br />
450<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E" (1)<br />
Alger, le 28 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous informer que je m'embarque<br />
aujourd'hui sur le bateau à vapeur Le Papin qui me trans<br />
porte à Bône. Les troupes vont y être réunies et je compte<br />
pouvoir commencer sous peu de jours l'expédition de Cons<br />
tantine.<br />
Pendant mon absence d'Alger,<br />
il sera envoyé à Bône au<br />
moins un bâtiment par semaine, chargé de la correspon<br />
dance et des dépêches qui seraient de nature à m'être sou<br />
mises. Je confie à M. le lieutenant général Bapatel l'expédi<br />
tion des affaires courantes; il pourra aussi, jusqu'à mon<br />
retour, réunir s'il y a lieu le Conseil d'Administration sous<br />
sa présidence.<br />
Des mesures sont prises pour qu'un bâtiment porteur de<br />
la correspondance pour Alger et pour la France parte de<br />
Bône au moins une fois par semaine. Je ne négligerai au<br />
cune occasion de vous tenir informé des événements de<br />
l'expédition que nous allons entreprendre.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
228 —<br />
451<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 28 octobre 1836.<br />
En désignant M. le lieutenant général Damrémont pour<br />
le commandement de la province d'Oran, vous avez reconnu<br />
la nécessité de placer dans ce poste important un militaire<br />
expérimenté et d'un grade élevé.<br />
Cette disposition était d'autant plus urgente que la divi<br />
sion d'Oran qui va se trouver très affaiblie par les troupes<br />
que j'en retire pour l'expédition de Constantine, va se<br />
mettre en marche pour Tlemcen afin d'y transporter un<br />
convoi considérable et ravitailler ainsi pour tout l'hiver la<br />
garnison de Méchouar.<br />
M. le général Damrémont ne se rendant à Oran et les<br />
nécessités dont je parle plus haut devenant de jour en jour<br />
plus urgentes, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien<br />
désigner un autre lieutenant général pour le commande<br />
ment d'Oran et je désire que celui que vous avez jugé<br />
convenable d'appeler à ce commandement puisse se rendre<br />
à son poste dans le plus bref délai possible.<br />
P- S. —<br />
La<br />
garnison de Tlemcen ne reçoit sur les lieux<br />
aucun approvisionnement en blé. On ne lui fournit par<br />
moments de la ville ou des environs que des légumes et de<br />
la viande. D'un moment à l'autre d'ailleurs ce commerce<br />
cesserait si Abd el Kader se rapprochait de Tlemcen et défen<br />
dait toutes communications avec le Méchouar.
— — 229<br />
452<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 28 octobre 1836.<br />
J'ai reçu votre dépêche en date du i3 octobre et les qua<br />
tre pièces qui s'y trouvaient et qui sont :<br />
i°<br />
La traduction d'une lettre de l'empereur du Maroc à<br />
M. le Consul général de France à Tanger;<br />
2°<br />
Les réponses faites au nom de ce souverain par Taieb<br />
El-Biaz aux demandes de l'envoyé de France M. le baron de<br />
la Bue;<br />
3° La lettre de l'empereur Muley Abd el Bahmann à Sa<br />
Majesté le Boi des Français;<br />
4°<br />
Enfin la lettre qui vous a été décrite par M. le Ministre<br />
des Affaires Etrangères en vous communiquant ces docu<br />
ments,<br />
Je fais rechercher le nommé Mézouar que le ministre<br />
Biaz réclame pour qu'il soit livré à la justice de l'empereur<br />
et je le dirigerai sur Tanger le plus promptement possible.<br />
Je vous ai transmis dans ma dépêche en date du 25 février<br />
i836, les pièces trouvées sur un cavalier marocain. Si de<br />
nouveaux documents me parvenaient, je m'empresserais de<br />
vous les adresser.<br />
J'ai remarqué dans la lettre du ministre Biaz un passage<br />
où ce fonctionnaire se plaint que des négociants de Fez ont<br />
été pillés à Tlemcen et où il paraît attribuer cette violence<br />
aux Français.
— — 230<br />
C'est une grave erreur que je dois m'empresser de recti<br />
fier. Entre le moment où cette ville a été abandonnée par<br />
les Maures et celui où nous y sommes entrés, trois jours se<br />
sont écoulés pendant lesquels des désordres ont eu lieu.<br />
L'armée française qui était à plusieurs lieues de là ne sau<br />
rait en être rendue responsable. Bien loin de faire aucun<br />
mal aux négociants marocains, nous les avons protégés et<br />
nous avons fait tout notre possible pour faire restituer à<br />
ceux qui se plaignaient les sommes qu'ils disaient leur avoir<br />
été enlevées par les Maures et les Couloughlis.<br />
453<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75 (1)<br />
Alger, le 28 octobre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous rendre compte des divers événe<br />
ments qui se sont passés dans les diverses provinces depuis<br />
mon dernier rapport hebdomadaire.<br />
Alger. —<br />
Pendant l'établissement du blockhaus destiné à<br />
contenir les Beni-Salah en avant de Boufarik,<br />
un engage<br />
ment a eu lieu 'entre les Arabes de la montagne et les trou<br />
pes du général Brossard. Cet officier général a attaqué avec<br />
(1) Rapport hebdomadaire.
— — 231<br />
vigueur les Béni Salah, leur a fait éprouver une assez forte<br />
perte et les a dispersés. Les troupes sont rentrées dans leurs<br />
positions.<br />
Les nouvelles du dehors sont toujours les mêmes. Il règne<br />
à l'est comme à l'ouest une grande agitation dont il serait<br />
difficile encore aujourd'hui de bien apprécier les consé<br />
quences. Ahmed et Sidi Embareck continuent à mettre<br />
tout en œuvre pour soulever les aghas. De notre côté, nous<br />
employons les faibles moyens à notre disposition pour sou<br />
tenir dans les réunions des chefs arabes le parti qui nous<br />
est favorable. Les nouvelles qui nous parviennent journelle<br />
ment se contredisent beaucoup. Selon les uns, les tribus<br />
refusent en grande partie de se soulever, selon d'autres, au<br />
contraire,<br />
on n'attend que mon départ et celui des troupes<br />
qui vont me suivre à Bône pour donner le signal d'une atta<br />
que vigoureuse et générale.<br />
J'espère que cette dernière version est fort exagérée et<br />
que si nous sommes attaqués ici ce ne sera que par des<br />
troupes peu nombreuses.<br />
— Bône. Les dernières dépêches me font connaître que<br />
les troupes d'Ahmed se sont de nouveau présentées devant<br />
le camp de Dréan et qu'elles y ont pris position, le général<br />
Trézel n'ayant pas jugé à propos de les attaquer. Il ne faut<br />
pas se dissimuler que cet état de choses<br />
aujourd'hui nous<br />
rendra très difficile l'organisation des moyens de transport<br />
mais aussitôt l'arrivée des troupes, je repousserai les Arabes<br />
d'Ahmed et j'espère qu'alors nous réunirons dans les envi<br />
rons de Dréan les bêtes de somme qui nous étaient offertes<br />
avec empressement il y a peu de temps. Je vais faire em<br />
barquer aujourd'hui et demain les troupes que j'amènerai<br />
d'Alger; les gabarres venant d'Oran entrent en ce moment<br />
dans le port, les quatre bataillons que je retire d'ici seront<br />
donc incessamment rendus à Bône.<br />
Oran. —<br />
Les<br />
dernières dépêches du général Létang sont<br />
en date du 12 et me rendent compte jusqu'à cette époque<br />
de son expédition dans l'est de la province.
— — 232<br />
Le 8, le général a bivouaqué sur la rive gauche de l'Habra;<br />
une crue subite de la rivière l'a empêché de réaliser le pro<br />
jet qu'il avait formé de surprendre Mascara et d'y délivrer<br />
les prisonniers qu'Abd el Kader y tenait renfermés. Ils ont<br />
été emmenés à son camp d'Aïn-Kebira.<br />
Le 10, le général de Létang se dirigeant sur Mascara a<br />
culbuté et dispersé i.5oo chevaux commandés par Abd el<br />
Kader en personne qui avait pris position sur les derniers<br />
revers de l'Atlas, à la hauteur de Mostaganem.<br />
Le n, le corps expéditionnaire approchant de Mascara<br />
a appris qu'Abd el Kader, avec plus de 8.000 chevaux (ce<br />
sont les chiffres que me donne M. le général. Létang) était à<br />
Mascara, le général prit ses dispositions pour l'attaquer.<br />
Ayant mis ses bagages à couvert, il se porta en avant avec<br />
Mustapha, le<br />
2"<br />
chasseurs à cheval, le 47e<br />
et les pièces de<br />
montagne pcjur débusquer l'ennemi des hauteurs' qu'il<br />
occupait. Quelques moments après, les Arabes étaient en<br />
pleine retraite sur la Mina. L'ennemi a été poursuivi pen<br />
dant, plus de deux heures, abandonnant son camp et quel<br />
ques bestiaux. Plusieurs engagements de cavalerie ont eu<br />
lieu, où les cavaliers de Mustapha, le 6e 2*<br />
escadron du chas<br />
seurs et le<br />
20<br />
escadron des spahis réguliers se sont bien<br />
montrés. Nous n'avons eu que 3 hommes tués et quelques<br />
blessés. Jusque-là, le général Létang n'avait reçu aucune<br />
soumission, cependant il était au milieu des silos et des<br />
meules de fourrage des Arabes. Il avait fait respecter ces<br />
approvisionnements mais il adressait aux tribus une procla<br />
mation par laquelle il leur annonçait que si elles ne se sou<br />
mettaient pas, il userait du droit de la guerre en leur<br />
faisant le plus de mal possible.<br />
C'est dans ces circonstances que M. le général Létang a<br />
dû recevoir l'ordre de ramener sans retard la colonne mo<br />
bile à Oran afin que les troupes qui doivent faire l'expédi<br />
tion de Constantine pussent être embarquées.
233<br />
454<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1) „<br />
Alger, le 28 octobre 1836.<br />
M. le général Damrémont ne se rendant pas à Oran, j'ai<br />
l'honneur de vous prier, Monsieur le Ministre, de vouloir<br />
bien désigner pour aller le plus tôt possible prendre le com<br />
mandement de cette province un autre lieutenant général,<br />
dont vous avez vous-même reconnu la présence à Oran<br />
comme d'une urgente nécessité. -V<br />
(1) Dépêche télégraphique.
234 —<br />
455<br />
Le Ministre dfâ la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris, le 30 octobre 1836.<br />
Je réponds à vos dépêches télégraphiques du 22 octobre.<br />
Ainsi que vous le demandez, vous laisserez pour occuper<br />
Constantine un bataillon français dans la Casbah, mille<br />
Turcs et les quatre escadrons de spahis réguliers de Yusuf.<br />
Le bataillon sera approvisionné pour un an en pain, en<br />
bois et en tout ce qui serait nécessaire et qu'on ne trouve<br />
rait pas dans la ville.<br />
Cinquante mille francs seront mis à votre disposition<br />
pour être employés en moyens d'influence et d'action poli<br />
tique.<br />
Je répondrai à votre dépêche du 20 octobre en réponse<br />
à la mienne du 6 du même mois.<br />
D'après les informations que vous me donnez sur Oran<br />
par votre dépêche du 22 octobre, le général Damrémont va<br />
recevoir l'ordre de se rendre à Marseille.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
235 -<br />
456<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 31 octobre 1836.<br />
Je viens d'arriver à Bône par un temps affreux. J'ai vu<br />
en mer plusieurs bâtiments qui prenaient la même direc<br />
tion, je suppose que ce sont ceux qui portent les troupes<br />
d'Oran.<br />
Mgr le duc de Nemours est arrivé avant-hier 29.<br />
Une bombarde chargée à Alger et portant des chevaux<br />
ayant touché sur un rocher en arrivant en rade de Bône<br />
s'est perdue. Les hommes et quatre chevaux sur 25 ont été<br />
®<br />
sauvés.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 236<br />
457<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Générai<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 31 octobre 1836.<br />
Lorsque vous supputiez avec mon prédécesseur les fonds<br />
qui vous étaient nécessaires pour l'expédition de Constan<br />
tine, vous faisiez entrer dans vos calculs l'emploi de<br />
4.ooo cavaliers indigènes pendant 3o ou 4o jours et vous<br />
proposiez de leur allouer 5o centimes par jour, plus la<br />
nourriture de leurs chevaux.<br />
Par mes instructions du 27 septembre i836, tant à vous<br />
qu'à M. l'Intendant militaire, j'ai autorisé cette dépense.<br />
Lorsque vous m'avez accusé réception, le 6 de ce mois, de<br />
ces instructions, vous m'avez annoncé que c'était moins<br />
pour avoir des auxiliaires réels que pour enlever des parti<br />
sans à Ahmed et donner l'exemple de Musulmans ralliés à<br />
notre cause que vous vouliez employer des indigènes; qu'il<br />
fallait donc que le nombre n'en fût pas rigoureusement<br />
limité, sauf, s'il s'en présentait plus de 4-ooo,<br />
à les garder<br />
en service pendant moins de 4o jours et à compenser ainsi<br />
la dépense. Pour préparer encore mieux cette compensa<br />
tion, le même jour 6 octobre, vous avez dicté à M. l'Inten<br />
dant militaire l'ordre de prévenir le bey Yusuf que ses<br />
spahis auxiliaires recevraient un. franc par jour et par cava<br />
lier, tant pour l'homme que pour le cheval.<br />
Cette mesure, qui était économique et vous donnait le<br />
moyen d'employer plus de 4-ooo indigènes a été exécutée<br />
par l'intendant militaire qui a donné dans ce sens des ins-
— 237 —<br />
tructions précises à M. le sous-intendant militaire Evain (i).<br />
Cependant et par une lettre du 10 octobre, c'est-à-dire<br />
quatre jours seulement après l'ordre rappelé ci-dessus, vous<br />
m'avez annoncé que les indigènes ne pouvaient pas être<br />
abandonnés au hasard de la maraude et qu'il était néces<br />
saire de leur fournir les vivres pour eux et leurs chevaux<br />
pendant la durée de leur service.<br />
Je ne puis attribuer qu'à un malentendu une détermina<br />
tion de votre part aussi opposée à la précédente et ne puis<br />
modifier les instructions et autorisations que j'ai données.<br />
D'ailleurs, je ne puis croire à la nécessité absolue de nour<br />
rir ces indigènes et leurs chevaux,<br />
car il est évident qu'ils<br />
sont accoutumés à se pourvoir eux-mêmes et qu'une indem<br />
nité en argent de un franc par homme leur suffira pour<br />
fournir à tous leurs besoins.<br />
11 ne convient donc pas que les vivres en nature leur<br />
soient fournis et si, dans des circonstances extraordinaires,<br />
quelques distributions accidentelles sont absolument indis<br />
pensables, il faut que cela soit à titre d'exception et sauf<br />
retenue de l'indemnité en argent.<br />
(1) Evain (Pierre-Marie-Armand), né le 28 août 1799 à Redon (Ile-et-<br />
'<br />
VI un- fommis titulaire au Ministère de la ' l3r<br />
.ier e. janvier 1819;<br />
élève de l'Intendance militaire, 4 octobre 1820; salarié en cette qua<br />
lité, 1er janvier 1821; sans traitement du 1er octobre 1822 au 20 février<br />
1823; désigné pour l'armée d'Espagne comme élève, 20 février 1823;<br />
sous-intendant militaire adjoint, 16 juillet 1823; réformé le 15 juin<br />
1825; réintégré comme sous-intendant militaire adjoint, le 21 février<br />
1827; sous-intendant militaire le 15 mai 1835; admis à la retraite par<br />
—<br />
décret du 9 juin 1852. Chevalier de la Légion d'honneur, 30 avril<br />
1835; officier, 10 décembre 1849.
238 —<br />
458<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 31 octobre 1836.<br />
J'ai répondu hier à vos dépêches télégraphiques du 22 oc<br />
tobre et j'adhérais à votre demande de laisser pour occuper<br />
Constantine un bataillon français dans la Casbah,<br />
1.000 Turcs et les 4 escadrons1 de spahis réguliers de Yusuf.<br />
Afin de diminuer le plus possible les dépenses d'occupation,<br />
il serait à désirer qu'au lieu de 1.000 Turcs, 5oo puissent<br />
suffire; faites pour le mieux à cet égard.<br />
Au reste, je confirme de tout point ma dépêche d'hier,<br />
notamment en ce qui concerne : 1°<br />
l'approvisionnement<br />
pour un an en pain, bois et en tout ce qui serait nécessaire<br />
et qu'on ne trouverait pas dans la ville, du bataillon fran<br />
çais laissé dans la Casbah;<br />
1°<br />
la mise à votre disposition<br />
d'une somme de cinquante mille francs pour être employée<br />
en moyens d'influence et d'actions politiques; 3°<br />
enfin,<br />
d'après les informations que vous me donnez sur Oran, par<br />
votre dépêche du 22 octobre, l'avis que des ordres vont<br />
être donnés au général Damrémont pour qu'il se rende à<br />
Marseille.
239<br />
459<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 1"'<br />
tr,<br />
|'<br />
novembre 1836.<br />
11 heures du matin.<br />
Le temps continue à être mauvais. Les vaisseaux Le Suf-<br />
fren et Le Jupiter ont mouillé hier soir en rade de Bône,<br />
ainsi que plusieurs bâtiments employés pour le<br />
matériel, de<br />
l'artillerie, du génie et de l'administration; les deux cor<br />
vettes de charge, La Fortune et La Caravane qui étaient à<br />
Alger sont seules en retard.<br />
Nous sommes entièrement dépourvus de chalands pour<br />
opérer le débarquement des différents navires,<br />
aussi cette<br />
opération est-elle aussi pénible que dangereuse. Nous nous<br />
hâtons autant que possible et j'ai l'espoir que tout sera ter<br />
miné après-demain.<br />
Je vous demande de nous envoyer des chalands pour<br />
notre retour, époque à laquelle nous en aurons besoin. Il<br />
en faudrait toujours trois dans chacun des ports d'Alger,<br />
Bône et Oran et deux à Bougie.<br />
(1*) Dépêche télégraphique.
240<br />
460<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E"<br />
Bône,<br />
le 1"<br />
(1)<br />
novembre 1836.<br />
Malgré les demandes réitérées qui ont été faites depuis<br />
six mois, la direction du port de Bône se trouve dans le<br />
dénuement le plus complet de tout moyen de transport; il<br />
n'y existe ni chaland, ni chaloupe. Un pareil état de choses<br />
en s'opposant au débarquement du personnel et du matériel<br />
du corps d'expédition de Constantine,<br />
a déjà produit les<br />
effets les plus fâcheux. Veuillez inviter le Ministre de la<br />
Marine à donner des ordres pour qu'il soit envoyé d'ur<br />
gence, à la direction du port de Bône, deux chalands dont<br />
la partie antérieure s'abaisserait et deux grandes chaloupes.<br />
Ces moyens de transport, dont l'impérieuse nécessité se fait<br />
sentir en ce moment, seront également indispensables au<br />
retour de l'expédition.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
241 -<br />
461<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE') (1)<br />
Bône, le 2 novembre 1836.<br />
Le temps est toujours très mauvais. Il pleut continuelle<br />
ment, la plaine est couverte d'eau, on débarque pourtant<br />
les troupes, nous avons beaucoup de malades.<br />
Je vous prie de nouveau de me transmettre le plus tôt<br />
possible vos ordres relativement à l'occupation de Cons<br />
tantine afin que je puisse m'y conformer. Vous connaissez<br />
mes désirs à ce sujet.<br />
Mais, je le répète, Constantine pourrait être gardée par<br />
8oo Français et 5oo spahis tirés de la garnison de Bône,<br />
plus i.2oo Turcs à pied. Cette force suffirait pour maintenir<br />
dans nos intérêts toutes les tribus entre Bône et Constantine<br />
et le commerce si important de cette dernière ville aban<br />
donnerait bientôt la direction de Tunis pour reprendre celle<br />
de Bône.<br />
En résumé, les 4 escadrons de spahis existent à Bône<br />
puisque vous en avez dernièrement autorisé la formation,<br />
les 8oo hommes seraient tirés du régiment français dont<br />
on pourrait augmenter l'effectif, il n'y aurait donc à entre<br />
tenir en plus que les 1.200 Turcs à pied.<br />
Le bey<br />
assuré de la paisible possession de Constantine<br />
favoriserait le commerce et la colonisation en maintenant<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
16
— 242 —<br />
la tranquillité de la province à la tête de nos troupes et la<br />
garnison de Bône composée du personnel d'artillerie et du<br />
génie actuel, de 1.200 hommes d'infanterie et du "régiment<br />
de chasseurs, serait plus que suffisante pour garder la ville<br />
et les environs.<br />
L'avenir de la province de Constantine et notre position à<br />
Bône dépendent entièrement de la décision que vous allez<br />
prendre.<br />
462<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 2 novembre 1836.<br />
Je réponds aux lettres que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire les 10, i5 et 16 octobre et une quatrième sans date,<br />
ainsi qu'à vos dépêches télégraphiques des i3, i4 et 16 du<br />
même mois, et enfin à la lettre du général Bapatel du i4-<br />
J'apprécie les observations que vous faites sur les incon<br />
vénients de placer en Afrique des fonctionnaires civils ou<br />
militaires d'une opinion contraire à l'occupation du pays<br />
et à la colonisation,<br />
mais c'est particulièrement à vous qu'il<br />
appartient d'examiner la conduite des autorités, de les<br />
maintenir dans le devoir et de signaler celles qui vous pa<br />
raissent agir dans un sens contraire à ce qu'exige leur posi<br />
tion en Afrique.
— — 243<br />
J'apprends avec satisfaction que le voyage du général<br />
Rapatel à Oran a exercé une heureuse influence sur l'esprit<br />
des régiments nouvellement arrivés en Afrique. J'aime à<br />
croire que les symptômes de découragement qui se sont<br />
faits remarquer dans les premiers moments n'ont eu d'au<br />
tres motifs que ceux que vous indiquez et qu'une plus<br />
grande habitude du pays les mettra bientôt à hauteur des<br />
autres corps.<br />
Je donne des ordres pour que les cadres des régiments<br />
composant le corps d'occupation soient tenus au complet,<br />
suivant les mêmes règles que celles qui sont observées pour<br />
les régiments qui sont en France.<br />
Les calculs présentés dans votre lettre du 16 sont, je n'en<br />
doute pas, fort exacts. Jamais il n'a pu entrer dans ma<br />
pensée que l'effectif de 3o.835 hommes français et spahis,<br />
dont se compose le corps d'occupation,<br />
nombre égal de combattants,<br />
pût présenter un<br />
mais ainsi que je l'ai dit dans<br />
ma lettre du 27 septembre dernier, la loi de finances pose<br />
une limite qu'il n'appartient pas au Gouvernement du Roi<br />
de franchir,<br />
quelque soit son désir de voir l'expédition de<br />
Constantine se faire avec plus de chances de succès encore<br />
que celles qui vous offrent les forces dont vous disposez.<br />
Je vois au reste, dans votre dépêche télégraphique du 16,<br />
que vous n'êtes pas inquiet des résultats. Les troupes parais<br />
sent d'ailleurs parfaitement disposées, et déjà,<br />
d'après ce<br />
que m'écrit le général Rapatel, le i4 octobre, elles viennent<br />
d'en donner un exemple dans une rencontre qui a eu lieu<br />
en avant du camp de Dréan. Ce début me fait bien augurer.<br />
du succès des opérations ultérieures.<br />
.<br />
,
244<br />
463<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Bône, le 2 novembre 1836.<br />
Par ma dépêche télégraphique en date de ce jour, j'ai<br />
l'honneur de vous renouveler la demande d'une réponse<br />
prompte et formelle à la lettre par laquelle je vous ai ins<br />
tamment prié de me faire connaître l'opinion du gouver<br />
nement relativement à l'occupation de Constantine comme<br />
conséquence utile de l'expédition. Il est de la plus urgente<br />
nécessité que je sois fixé à cet égard et que vos ordres me<br />
parviennent le plus promptement possible.<br />
Une garnison à la solde de la France et composée de<br />
8oo hommes d'infanterie française, 5oo spahis réguliers et<br />
1.200 Turcs à pied mettrait le bey<br />
dominer et de soumettre la province.<br />
Yusuf en position de<br />
Comme les 8oo hommes d'infanterie et les spahis seraient<br />
tirés de la garnison de Bône, le surcroît de la dépense con<br />
sisterait surtout dans une somme de 4oo.ooo francs pour<br />
la solde de 1.200 Turcs.<br />
Entouré des forces que je viens d'indiquer, le bey répon<br />
drait de la sécurité de la province et les communications<br />
qu'il établirait avec celle de Titteri jusqu'à la plaine de la<br />
Mitidja contiendraient d'autant le pays autour d'Alger et<br />
feraient cesser toutes les menées par lesquelles ceux de<br />
Constantine cherchent constamment à soulever contre nous<br />
les populations de l'Est de la Mitidja.
— — 245<br />
Le grand commerce de Constantine, au lieu de continuer<br />
à prendre la direction de Tunis comme cela a lieu depuis<br />
quelque temps seulement,<br />
reprendrait les routes de Bône et<br />
ti'Alger. Enfin pour le présent comme pour l'avenir, on<br />
pourrait tirer un grand parti de l'expédition en lui impri<br />
mant le caractère utile qu'elle peut et quelle doit, selon<br />
moi, recevoir.<br />
Mes dispositions seront bien promptement terminées et<br />
la continuation du mauvais temps pourra seule me retenir<br />
ici. Dans tous les cas, il est, dès à présent certain que je ne<br />
partirai pas avant 8 jours. Je commence à réunir les<br />
moyens dé transport et dans la journée d'hier il m'est<br />
arrivé quatre cents mulets; j'en attends d'autres à tout<br />
moment.<br />
464<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 2 novembre 1836.<br />
Monsieur le Maréchal, le Moniteur Algérien du i4 octo<br />
bre dernier,<br />
Constantine,<br />
n°<br />
253, contient, sous le titre : Province de<br />
des détails qu'il annonce envoyés de Bône sur<br />
l'affaire qui a eu lieu le 9 entre Yusuf et Ahmed. Parmi ces<br />
détails, j'ai remarqué avec peine les suivants :
—<br />
— 246<br />
« Vingt têtes ont été envoyées ici, 68 au bout des baïon<br />
nettes ont été comptées à la rentrée du camp. C'est une très<br />
belle affaire et un bon début ». Le rapport de M. le lieute<br />
nant Bapatel (dû i4 octobre)<br />
sur cette affaire ne m'ayant<br />
point signale ces faits, je ne puis croire qu'il soit vrai que<br />
20 têtes aient été envoyées à Bône et que 68 aient été appor<br />
tées au camp au bout des baïonnettes françaises. Je ne sau<br />
rais m'élever avec trop de force, s'ils avaient eu lieu, con<br />
tre des faits aussi condamnables qui, cette année même,<br />
ont été justement flétris à la tribune de la Chambre de<br />
Paris. Nous devons nous attacher à ne pas se laisser perpé<br />
tuer cet usage barbare chez les indigènes que nous em<br />
ployons et s'il n'est pas encore possible de le détruire entiè<br />
rement, le devoir de l'autorité supérieure est de ne pas<br />
souffrir qu'il s'introduise parmi les troupes françaises, en<br />
core moins doit-elle permettre qu'il soit en quelque sorte<br />
préconisé. Je regrette vivement que des faits de cette nature<br />
soient rapportés avec indifférence, accompagnés même<br />
d'expressions d'éloge et surtout qu'une publication aussi<br />
contraire aux bienséances qu'aux instructions du Gouver<br />
nement ait trouvé place dans le journal officiel de nos<br />
possessions françaises. Je vous réitère l'invitation d'exercer<br />
à l'avenir une surveillance plus sévère sur la rédaction<br />
du Moniteur Algérien, dont je vous ai déjà signalé plu<br />
sieurs fois les écarts.
— 247<br />
465<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 2 novembre 1836.<br />
J'ai reçu les lettres que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'écrire les 20 et 21 octobre derniers,<br />
ainsi que votre dépê<br />
che télégraphique du... (qui m'a été transmise de Toulon<br />
sans date le 25 octobre).<br />
Votre lettre du 20 est relative à la position du général<br />
Rapatel par suite du commandement donné au général<br />
Damrémont qui, en cas d'absence de votre part, serait<br />
appelé comme plus ancien à vous remplacer. Le général<br />
Bapatel se plaint de cette mesure dans une lettre du 18 octo<br />
bre en des termes si inconvenants que j'ai dû attribuer ses<br />
plaintes plutôt à une erreur de jugement qu'à l'oubli des<br />
principes militaires. Il a méconnu complètement les devoirs<br />
qu'imposent la discipline et la subordination ainsi que le<br />
respect dû à un ministre du roi. Je le lui fais remarquer<br />
dans une lettre que je lui écris,<br />
et je vous prie de vouloir<br />
bien lui en faire aussi l'observation de votre côté.<br />
M. le général Rapatel ne doit pas perdre de vue que le<br />
commandement des troupes qui lui a été confié n'a pu<br />
ôter au Gouvernement du roi la faculté d'envoyer un ou<br />
plusieurs lieutenants généraux en Afrique;<br />
que ce com<br />
mandement ne lui a pas été donné sous la condition que<br />
lui seul remplacerait le gouverneur général en son absence;<br />
que sa position a été respectée cependant,<br />
soit pas inamovible,<br />
quoiqu'elle ne<br />
car il faut bien reconnaître que le roi
— — 248<br />
peut la modifier, restreindre son commandement, le sup<br />
primer même s'il le jugeait utile, et ce cas échéant nul n'au-<br />
raif le droit des'en plaindre et encore moins d'interpréter la<br />
mesure. Sous aucun rapport, le général Bapatel n'était auto<br />
risé à réclamer et en manquant à la hiérarchie qui lui<br />
prescrivait de vous adresser les observations que vous n'au<br />
riez pas transmises sans les frapper de tout le blâme qu'elles<br />
méritaient, il s'est mis dans le cas d'encourir ma désappro<br />
bation la plus absolue. Vous reconnaîtrez, Monsieur le Ma<br />
réchal,<br />
qu'en me bornant à improuver la conduite du géné<br />
ral Bapatel je reste bien au-dessous des limites de mes<br />
devoirs.<br />
Je vois par votre lettre du 21 que vous êtes impatient de<br />
voir arriver à Bône les troupes destinées à l'expédition de<br />
Constantine. J'approuve les observations que vous faites à<br />
ce sujet, mais le retard dont vous vous plaignez provient<br />
des vents contraires qui ont empêché les vaisseaux envoyés<br />
à Oran d'arriver aussi promptement qu'on l'espérait.<br />
Quant à la demande du colonel du 59° régiment d'infan<br />
terie de faire partir pour Bône les officiers et sous-officiers<br />
des bataillons de guerre qui se trouvent au dépôt, ce régi<br />
ment devant rentrer en France après l'expédition que vous<br />
allez entreprendre, les officiers ainsi que les 700 hommes<br />
de renfort que vous vous proposez d'envoyer à Bône arri<br />
veraient trop tard pour l'expédition.
— — 249<br />
466<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris, le 3 novembre 1836.<br />
J'ai lu avec toute l'attention qu'elle réclame votre lettre<br />
confidentielle du 20 octobre dernier. Ma correspondance du<br />
27 septembre au 19 octobre et particulièrement ma lettre<br />
du 18 y ont répondu déjà et je n'aurais rien à ajouter à ce<br />
que je vous ai écrit jusqu'à présent si je ne croyais devoir<br />
redresser quelques interprétations qu'il m'a paru nécessaire<br />
de rectifier.<br />
Vous dites d'abord que les ordres que vous avez reçus<br />
pendant que M. de Bancé se rendait à Paris, la certitude<br />
que vous aviez de recevoir des renforts,<br />
enfin la nécessité<br />
de vous mettre promptement en mesure pour l'expédition<br />
ordonnée, à cause de la saison avancée,<br />
vous ont déterminé<br />
à prendre sur le champ des dispositions que vous combiniez<br />
d'ailleurs avec la prochaine arrivée des troupes sur lesquel<br />
les vous comptiez.<br />
Je vous ferai observer à cet égard,<br />
Monsieur le Maréchal,<br />
que vous avez dû voir dans la lettre de M. le maréchal<br />
Maison du 3o août qu'il n'appartenait<br />
plus'<br />
au cabinet<br />
d'alors de prendre l'initiative pour la réalisation d'un sys<br />
tème dont il n'avait pas lui-même arrêté les bases, que<br />
c'était au nouveau ministère que devait être réservée la<br />
(1) Publié dans les Explications du maréchal Clauzel, p. 150.
— — 250<br />
décision à prendre, que jusque-là vous ne deviez rien enga<br />
ger; rien compromettre, qu'il fallait vous renfermer dans les<br />
limites de l'occupation actuelle, dans celles de l'effectif<br />
dont vous disposiez et dans celles des crédits législatifs, ou<br />
au moins des dépenses qui résultaient des dispositions pres<br />
crites ou approuvées régulièrement.<br />
Le 10 septembre, M. le vice-amiral Bosamel, ministre de<br />
la Guerre par intérim, vous écrivit que jusqu'à ce que le<br />
gouvernement du roi ait arrêté définitivement le système<br />
d'occupation de nos possessions du nord de l'Afrique, il ne<br />
pouvait que faire compléter les régiments de l'armée sous<br />
vos ordres et encore il vous rappelait que le 59°<br />
régiment<br />
devait rentrer en France au fur et à mesure de l'arrivée des<br />
troupes destinées pour Bône.<br />
Ces lettres étaient loin de vous donner à croire que vous<br />
auriez à mettre immédiatement à exécution le plan d'occu<br />
pation que vous avez proposé et que vous alliez recevoir<br />
des renforts.<br />
Ma dépêche du 27 septembre dernier n'a pas dû changer<br />
la situation dans laquelle vous ont placé les lettres des<br />
3o août et 10 septembre. En effet, après vous avoir rappelé<br />
le contenu de ces lettres, je vous dis que le gouvernement<br />
du roi aurait désiré qu'il n'eût pas encore été question de<br />
l'expédition de Constantine, que c'est parce que cette expé<br />
dition a été annoncée et par ce seul motif que le gouverne<br />
ment de S. M. l'autorise, mais qu'il ne l'autorise que comme<br />
une opération nécessitée par événement, et qu'il doit être<br />
bien entendu qu'elle doit se faire avec les moyens (person<br />
nel et matériel)<br />
qui sont actuellement à votre disposition.<br />
Il me semble que vous n'avez pu vous méprendre sur le<br />
sens de cette lettre. Il est bien évident que le gouvernement<br />
du roi n'a pas ordonné, mais qu'il a seulement autorisé<br />
l'expédition de Constantine,<br />
et qu'il ne l'a autorisée qu'au<br />
tant qu'elle se ferait avec les moyens que vous aviez à votre<br />
disposition. Il l'a d'autant moins prescrite que vous aurez<br />
vu dans la lettre que j'ai écrite au général Damrémont le
— — 251<br />
6 octobre et qu'il a eu ordre de vous communiquer, qu'il y<br />
a dans cette lettre doute de la part du gouvernement du roi.<br />
que vous fassiez cette expédition. Il n'en aurait pas été parlé<br />
d'une manière dubitative si elle vous avait été ordonnée;<br />
et d'ailleurs je vous ai dit formellement dans la lettre du<br />
18 octobre dernier que, comme vous n'êtes qu'autorisé à<br />
faire l'expédition, vous pouvez vous dispenser de la faire;<br />
qu'il dépend de vous seul de prendre à cet égard une déter<br />
mination selon que vous trouverez les moyens à votre dispo<br />
sition suffisants ou insuffisants. 11 est donc bien évident que<br />
le gouvernement du roi n'a point ordonné l'expédition de<br />
Constantine.<br />
Vous dites que cette expédition est devenue une nécessité<br />
commandée par les circonstances,<br />
quelles que soient d'ail<br />
leurs les difficultés et les conséquences qu'elle puisse pré<br />
senter,<br />
et vous ajoutez que ces difficultés et ces conséquen<br />
ces m'ont été déduites dans la note que votre aide de camp<br />
m'a remise d'après votre ordre.<br />
Suivant le nouvel exposé que vous me faites, les diffi<br />
cultés naissent de la force actuelle du corps d'occupation<br />
que vous trouvez insuffisante. Sous ce rapport, je ne puis<br />
que me référer à mes lettres des 27 septembre et 6 octobre<br />
dernier et si nous devons ajouter foi aux dépêches des chefs<br />
indigènes que vous m'avez adressées le 3o septembre, je<br />
persiste à croire,<br />
17 octobre,<br />
comme je vous l'ai dit dans ma lettre du<br />
qu'Abd el Kader ne peut vous donner des crain<br />
tes sérieuses et qu'il n'est pas impossible de tirer quelques<br />
troupes de la province d'Oran.<br />
Quant aux forces que M. le maréchal Soult<br />
saires pour l'expédition de Constantine,<br />
estimait néces<br />
je vous ferai obser<br />
ver qu'il s'agit là d'un projet qui date de l'année i83i, que<br />
nous étions alors à peine établis à Bône,<br />
pions pas encore Bougie et que nous<br />
que nous n'occu<br />
n'avions aucun éta<br />
blissement hors de la ceinture des postes extérieurs de la<br />
ville d'Alger.<br />
Je vous ai fait connaître par mes dépêches télégraphiques
— — 252<br />
du 3o au 3i octobre les dispositions que vous aurez à pren<br />
dre pour l'occupation de Constantine si vous faites l'expé<br />
dition. Je confirme ici le contenu de ces dépêches, comme<br />
je l'ai déjà fait par la poste.<br />
Vous avez, dites-vous, Monsieur le Maréchal, proposé tout<br />
autre chose que ce qui va se faire et pourra se faire d'après<br />
les conditions dans lesquelles je vous ai placé. Ici encore<br />
vous raisonnez dans l'hypothèse où l'expédition de Constan<br />
tine a été ordonnée; vous ajoutez même qu'on est beaucoup<br />
trop avancé pour pouvoir reculer, et que vous devez à la<br />
confiance dont le roi vous honore et au pays de faire contre<br />
votre opinion même ce que le gouvernement juge utile et<br />
convenable de faire._<br />
J'aime à voir que vous êtes pénétré de la confiance que le<br />
roi et son gouvernement vous accordent. Cette confiance est<br />
entière et je me suis plu comme mes prédécesseurs à vous<br />
la témoigner. Vous réconnaîtrez également, si vous voulez<br />
bien vous reporter à la lettre de M. le maréchal Maison du<br />
3o août et à celle de M. le vice-amiral de Bosamel du 10 sep<br />
tembre, que le gouvernement du roi s'est empressé de vous<br />
faire connaître ses intentions par rapport aux plans que yous<br />
lui avez proposés; qu'il vous a fait observer qu'avant de<br />
prendre les devants, il eût été convenable et plus sûr d'atten<br />
dre des instructions positives sur des mesures qui n'étaient<br />
pas encore définitivement résolues et qui en tout cas avaient<br />
besoin d'une direction et d'un concours qui vous échap<br />
paient alors. Il vous a été prescrit en même temps de vous<br />
renfermer dans les limites de l'occupation actuelle.<br />
La lettre de M. de Rosamel a confirmé ces dispositions et<br />
la mienne du 27 septembre dernier, en vous les rappelant,<br />
n'a pu vous fixer davantage encore sur les intentions du<br />
gouvernement du roi et vous faire voir plus clairement qu'il<br />
ne pouvait rien ajouter aux moyens qui étaient alors à<br />
votre disposition. Vous reconnaîtrez enfin qu'il vous a seu<br />
lement autorisé à faire l'expédition de Constantine et qu'il<br />
ne l'a point ordonnée. Ce n'est donc pas au gouvernement
—<br />
— 253<br />
du roi qu'il faut attribuer les embarras de la position dans<br />
laquelle vous mettrait cette expédition.<br />
Quant au chiffre de l'effectif que vous avez demandé,<br />
j'ignore ce qui s'est passé entre vous et les membres du pré<br />
cédent cabinet, mais je vois à la suite d'un état de troupes à<br />
entretenir en Afrique arrêté le 2 août i836, montant à<br />
3o.ooo hommes français et 5.000 indigènes, une note de la<br />
main de M. le maréchal Maison, portant : < Ce chiffre sera<br />
de 3o.ooo hommes, y compris les zouaves et les spahis régu<br />
liers, considérés alors comme troupes françaises; il y aura à<br />
régler les forces régulières qu'il y aura à établir sur diffé<br />
rents points, ce à quoi je suis disposé (aller jusqu'à 4 ou<br />
5.ooo hommes). Je consentirai aussi, si on allait à Constan<br />
tine, à une force auxiliaire en cavalerie pour un mois ou<br />
six semaines de 4-ooo hommes à cinquante centimes par<br />
jour et quelques vivres ».<br />
Je lis ensuite dans votre instruction du 2 août dernier au<br />
général Rapatel : « La garde nationale devra concourir bien<br />
entendu au service de la place (il s'agit d'Alger), et tous les<br />
agents (officiers et autres) d'administration militaire pour<br />
ront, dans une sage proportion, être utilisés. « Cette dispo<br />
sition, prescrite par vous-même, se retrouve aussi dans le<br />
projet d'instruction qui devait vous être adressé si vos pro<br />
positions eussent été adoptées. Il y est dit,<br />
en parlant des<br />
corps mobiles à former : C'est là que doit se trouver le<br />
plus grand nombre et le meilleur choix de troupes. Dans<br />
les villes du littoral destinées à contenir nos magasins et<br />
nos escadres,<br />
nous tiendrons comme garnison les non-<br />
valeurs, les malades, les dépôts, les vétérans, les nouveaux<br />
venus, avec quelques bonnes troupes pour arrêter un ennemi<br />
qui, se dérobant à nos colonnes, viendrait tenter un coup<br />
de main » .<br />
Il me semble, d'après cela, qu'il n'a pu y<br />
avoir doute ou<br />
méprise sur le chiffre de 3o.ooo Français et 5. 000 indigènes<br />
que vous avez demandés. C'est évidemment 35.000 hommes<br />
d'effectif, et d'ailleurs, dans vos instructions au général
— — 254<br />
Rapatel et celles que le précédent ministère vous destinait,<br />
vous n'avez,, ;a perdre de vue, Monsieur le Maréchal, que<br />
l'effectif du cJrps d'occupation, fixé pour i836, par le bud<br />
get, à 21.ooo hommes, devait être réduit à 17.000, y com<br />
pris les indigènes et qu'après la discussion à la Chambre<br />
des Députés il a été arrêté qu'il serait de 22.920 hommes, y<br />
compris 1.2 17 officiers, les zouaves et les spahis. Il ne peut<br />
donc être mis en doute que le chiffre de 35.000 hommes.<br />
auquel le précédent cabinet devait le porter, était le chiffre<br />
de l'effectif,<br />
et non celui des forces disponibles seulement.<br />
Je maintiens dès lors ce que j'ai eu l'honneur de vous<br />
écrire le 6 octobre dernier quant aux forces dont vous dis<br />
posez.<br />
Quant aux conditions dans lesquelles vous étiez au com<br />
mencement du mois d'août et dans lesquelles vous vous<br />
seriez trouvé si l'on eût exécuté ce qui avait été convenu,<br />
je ne puis que vous prier de vous reporter à la lettre de<br />
M. le maréchal Maison du 3o de ce mois. Il n'a pas dépendu<br />
de l'administration actuelle que ces conventions fussent<br />
exécutées.<br />
En ce qui concerne les entreprises d'Ahmed-bey, je vois<br />
dans le rapport du général Rapatel du i4 octobre dernier,<br />
que dans la rencontre qui a eu lieu en avant du camp de<br />
Dréan les Arabes ont été battus,<br />
la conséquence que vos opérations,<br />
tion,<br />
seront couronnées d'un plein succès.<br />
et qu'on en tire avec raison<br />
si vous faites l'expédi<br />
Maintenant vous direz que votre situation politique est<br />
changée, qu'il y a eu à Blida une réunion de tous ceux qui<br />
pensent que la. circonstance est favorable pour nous atta<br />
quer; que les intrigues d'Abd el Kader et du bey<br />
de Cons<br />
tantine sont parvenues à ébranler les tribus de l'est et de la<br />
Mitidja, que la guerre a été décidée contre nous, que vous<br />
êtes obligé de laisser à Oran une colonne assez forte pour<br />
aller ravitailler Tlemcen, mais que vous espérez triompher<br />
des Obstacles dont vous êtes entouré.<br />
Je vous répéterai, Monsieur le Maréchal, quant à Oran,
—<br />
— 255<br />
que, d'après la correspondance que vous m'avez transmise<br />
je ne vois pas que vous dussiez avoir la moin* ye inquiétude<br />
de ce côté; -que sous le rapport de la nécessité de ravitailler<br />
Tlemcen, la garnison de cette place qui n'avait de vivres<br />
que pour jusqu'au mois de novembre s'en est procuré dans<br />
une sortie qu'elle a faite et le marché est approvisionné<br />
(copies<br />
n"<br />
i et 4 des lettres indigènes que vous m'avez<br />
envoyées le 3o septembre dernier); cette opération aurait<br />
donc pu être ajournée.<br />
La lettre de Mustapha ben Ismaël, que vous m'avez trans<br />
mise le 7 octobre, me réitère l'assurance qu'Abd el Kader<br />
est sur la défensive, que par conséquent vous pouvez vous<br />
tenir sur le même pied dans la province d'Oran et en tirer<br />
plus de moyens en hommes que vous ne proposiez de le<br />
faire, ainsi que je vous l'ai dit dans ma lettre du 19 de ce<br />
mois dernier, soit pour augmenter le corps d'expédition de<br />
Constantine,<br />
soit pour être en mesure de repousser victo<br />
rieusement les entreprises que nos ennemis pourraient ten<br />
ter contre Alger.<br />
Dans tout ce que je viens de dire, Monsieur le Maréchal,<br />
j'ai eu particulièrement en vue de vous donner la preuve<br />
que le gouvernement du roi vous a fait connaître bien<br />
franchement ses intentions et qu'il n'a pas entendu, comme<br />
il n'entend nullement encore, vous placer dans une position<br />
critique. Il vous a laissé juge de la question. Il vous appar<br />
tient de la décider selon que vous le croirez le plus con<br />
forme à l'intérêt de la France,<br />
armes.<br />
ainsi qu'à l'honneur de vos
— 256<br />
467<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
Ahmed-bey<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 4 novembre 1836.<br />
a été obligé de rentrer à Constantine par la<br />
crainte fondée d'une insurrection contre lui. Le temps est<br />
aujourd'hui moins mauvais qu'hier, la plaine est couverte<br />
d'eau et nous attendons encore les gabarres La Marne, La<br />
Fortune et La Caravane.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 257<br />
468<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, 4 et 5 novembre 1836.<br />
Les journées d'hier et d'aujourd'hui ont été employées<br />
au déchargement du matériel de l'administration du génie<br />
et de l'artillerie.<br />
Le mauvais temps a cessé, le beau est revenu et s'il con<br />
tinue le corps expéditionnaire de Constantine se mettra en<br />
campagne le io au plus tard. Le Jupiter est parti pour<br />
Tunis hier à 4 heures du matin, Le Suffren prendra proba<br />
blement la mer après-demain pour aller remplir sa mission.<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
17
— — 258<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Le temps continue à être beau,<br />
Bône, 6 et 7 novembre 1836.<br />
on s'occupe avec activité<br />
du débarquement du matériel. Les gabarres La Fortune et<br />
La Caravane sont arrivées cette nuit avec un bataillon du<br />
63"<br />
de ligne et un du<br />
2°<br />
léger. La gabarre La Marne portant<br />
aussi des troupes n'est pas encore arrivée. Je ne les atten<br />
drai pas.<br />
Le bâtiment à vapeur La Chimère se rendant à Bougie<br />
est parti hier au soir pour y prendre 20 chevaux nécessaires<br />
au service de l'artillerie.<br />
Demain, l'avant-garde se rend au camp de Dréan. Je la<br />
suivrai bientôt.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
259<br />
470<br />
Ordre général<br />
(Moniteur Algérien du 28 novembre 1836)<br />
Bône, le 7 novembre 1836.<br />
Lorsque le corps expéditionnaire sera réuni et qu'il se<br />
mettra en mouvement, il marchera dans l'ordre suivant :<br />
La première brigade,<br />
La deuxième brigade,<br />
La troisième brigade,<br />
L'artillerie de réserve,<br />
Les munitions de réserve,<br />
Le parc du génie, suivi des compagnies de cette arme qui<br />
ne sont pas attachées aux brigades,<br />
L'ambulance,<br />
Le convoi des vivres,<br />
Les équipages,<br />
Une compagnie de sapeurs,<br />
La 4*<br />
brigade,<br />
La réserve.<br />
Un ou plusieurs escadrons seront attachés à l'arrière-<br />
garde, s'il y a lieu.<br />
Ces dispositions primitives et fondamentales seront mo<br />
difiées selon les circonstances et la nature du terrain. A cet<br />
effet, des ordres seront donnés en temps opportun.<br />
La gendarmerie se tiendra sur les flancs des équipages<br />
pour y maintenir l'ordre et exercer une surveillance active.<br />
Cinq<br />
gendarmes resteront à l'arrière-garde pour faire sui-
— — 260<br />
vre les traînards et arrêter ceux qui se livreraient au désor<br />
dre.<br />
Toute l'infanterie sera formée sur deux rangs.<br />
On marchera habituellement par section ou peloton. En<br />
plaine, et lorsque le terrain le permettra, la<br />
marchera à droite de la route, la 3e<br />
2°<br />
brigade<br />
à gauche; l'artillerie de<br />
réserve le parc du génie, le convoi et les équipages serre<br />
ront sur la première brigade, et se placeront au centre;<br />
la réserve et la 4°<br />
brigade suivront les équipages et ferme<br />
ront la marche.<br />
La profondeur du convoi devra être diminuée toutes les<br />
fois que la largeur de la route ou la nature du terrain le<br />
permettront. A cet effet, les voitures doubleront, tripleront<br />
et quadrupleront même s'il le faut.<br />
A chaque halte, l'artillerie, le convoi et les équipages<br />
parqueront, si toutefois il y a possibilité d'adopter cette<br />
disposition, à, ïr-.quelle veillera le vaguemestre général; dans<br />
tous les cas,<br />
d'espace possible.<br />
on s'attachera à leur laisser occuper le moins<br />
Les flanqueurs des brigades marcheront lorsque le ter<br />
rain le permettra à 70 toises de la colonne et se prolonge<br />
ront le long du convoi et des équipages,<br />
troupes sont intéressées à protéger.<br />
que toutes les<br />
Des officiers et sous-officiers seront laissés à la gauche de<br />
chaque corps et seront responsables de tout ce qui restera<br />
en arrière. L'armée ne doit pas perdre de vue que le bon<br />
ordre dans les marches est le caractère distinctif des bon<br />
nes troupes,<br />
avec avantage.<br />
qui doivent toujours être prêtes à combattre<br />
Tout soldat, cantinier, domestique ou individu autorisé<br />
à suivre l'armée qui s'écartera de la colonne,<br />
sera arrêté et<br />
puni. La gendarmerie est spécialement chargée de veiller<br />
à l'exécution de cette disposition.<br />
Tous les jours,<br />
et lorsque les troupes seront établies dans<br />
le bivouac, il sera envoyé un sous-officier de planton par<br />
brigade, un de l'artillerie, un du génie et un gendarme,
—<br />
— 261<br />
près du chef de l'état-major général. Ces plantons, avant<br />
de se rendre à leur poste, devront reconnaître le lieu où<br />
se trouvera campé leur commandant de brigade.<br />
Le pillage et la dévastation sont sévèrement interdits; les<br />
personnes et les propriétés doivent être respectées. L'armée<br />
marche à une conquête, qu'elle doit savoir rendre durable.<br />
Il importe à sa gloire comme à ses intérêts de ne point<br />
irriter les indigènes et de ménager les ressources qu'offrira<br />
le pays qu'elle va parcourir.<br />
Lorsque des silos ou des matamores et meules de paille<br />
seront découverts, on y placera sur le champ<br />
une garde e><br />
la distribution se fera ensuite avec ordre, afin que chacun<br />
y<br />
participe et que les propriétaires puissent être indemni<br />
sés, s'il y<br />
a lieu.<br />
Les troupes seront approvisionnées à raison de 60: car<br />
touches par homme. MM. les chefs de corps 'V: ni de suite<br />
établir des bons pour atteindre ce comptai. J^ea corhman-<br />
dants de brigade devront rendre compte démah; , au maré<br />
chal, de l'exécution de cette mesure importante.<br />
La veille du départ, il sera distribué à chaque corps du<br />
pain et des légumes pour 3 jours d'avance; la viande pour<br />
i5 jours sur pied, chaque bœuf sera marqué à la cuisse,<br />
du numéro du corps auquel il appartiendra; du sel pour<br />
20 jours et 'du vin pour un; les fourrages seront emportés<br />
pour 4 jours au moins.<br />
Chaque soldat sera porteur, en outre, d'un petit sac con<br />
tenant 4 jours de vivres auxquels il est défendu de toucher,<br />
à moins d'un ordre d'urgence.<br />
Le café et le sucre seront distribués<br />
pour i5 jours.<br />
Si le convoi et les équipages sont fortement attaqués, les<br />
troupes de toutes armes les plus rapprochées devront se<br />
porter à leur secours et obtempérer à toute demande d'aide<br />
et de protection qui leur sera faite de la part du comman<br />
dant de l'escorte.<br />
Un détachement de 5o hommes<br />
cier sera fourni par le<br />
lance,<br />
commandés par un offi<br />
17e<br />
léger pour la garde de l'ambu<br />
pendant toute la durée de l'expédition.
— — 262<br />
Un détachement de même force du 62"<br />
affecté .à<br />
la<br />
garde du parc d'artillerie.<br />
de ligne sera<br />
La solde sera faite pour i5 jours d'avance aux officiers,<br />
sous-officiers et soldats.<br />
Le maréchal gouverneur général espère qu'aucun soldat<br />
français ne souillera ses mains du sang d'un ennemi sans<br />
défense. Le brave sait accorder protection au vaincu et la<br />
décapitation est un acte de barbarie indigne des soldats<br />
d'une grande nation.<br />
Quant aux indigènes qui combattent avec nous, il leur<br />
sera alloué dix francs par soldat ennemi qu'ils présenteront<br />
vivant au maréchal.<br />
Le présent ordre sera lu aux troupes à trois appels consé<br />
cutifs.<br />
471<br />
Le Consul Général de France à Tunis<br />
au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tunis, le 7 novembre 1836.<br />
J'ai reçu les lettres que vous m'avez fait l'honneur de<br />
m'adresser le 3 et 4 de ce mois.<br />
J'ai accompagné ce matin M. de Bancé chez le bey de<br />
Tunis. Il lui a exposé les griefs mentionnés dans les dépê<br />
ches de Votre Excellence et il a reçu de lui des explications,<br />
des assurances et des promesses dont il vous rendra compte.
— — 263<br />
Je n'avais pas manqué d'entretenir ce prince plusieurs fois-<br />
de ces mêmes griefs. Il a répété à M. de Rancé tout ce qu'il<br />
m'avait dit pour se disculper des faits qu'on lui impute.<br />
J'aurai maintenant à veiller à ce que les promesses qu'il<br />
nous a faites s'exécutent exactement. Je m'acquitterai de<br />
mon mieux de ce soin et si je m'apercevais que les actions<br />
du bey ne répondaient pas à ses paroles, j'en informerais<br />
immédiatement le Gouvernement et Votre Excellence.<br />
Je me suis assuré que, ainsi que je l'ai déjà mandé au<br />
commandant supérieur de Bône, il n'y a pas eu de déser<br />
tions considérables dans les troupes régulières du bey for<br />
mées en deux régiments dont l'un est cantonné sur la côte<br />
et l'autre caserne à Tunis. Si pareille chose avait eu lieu,<br />
j'en aurais eu avis par les officiers instructeurs dont deux<br />
sont Français, avec lesquels je suis en relatioii.'1<br />
Nous avons vivement insisté auprès du bey<br />
pour qu'il<br />
prît des mesures propres à rendre libres et sûres nos com<br />
munications entre La Calle et Tunis. J'ai appuyé fortement<br />
la sommation que M. de Rancé lui a adressée à ce sujet de<br />
la part de Votre Excellence. Nous n'avons admis aucune des<br />
considérations que le bey a alléguées pour se décharger de<br />
la responsabilité que nous lui imposions relativement à la<br />
sûreté de ces communications. Il promit enfin d'aviser aux<br />
moyens de garantir cette sûreté. La nature de ces moyens<br />
nous mettra bientôt à même de juger de leur efficacité.<br />
En conséquence de l'information que Yusuf-bey m'avait<br />
donnée du pillage d'un douar des Ouled Dieb par les Ouled<br />
Ali (i), j'ai porté plainte de cette agression. Aussitôt un<br />
officier du Bardo a été envoyé sur les lieux pour s'enquérir<br />
de ce fait. Lorsqu'il sera de retour,<br />
vous faire part du résultat de sa mission.<br />
j'aurai l'honneur de<br />
Jusqu'à présent, rien n'est venu à ma connaissance qui<br />
m'autorise à suspecter les dispositions du bey à notre égard<br />
(1) Ouled Dieb, tribu au S.-O. de La Clalle. —<br />
sienne, proche la frontière algérienne.<br />
Ouled Ali, tribu tuni
— — 264<br />
pu à supposer qu'il entretienne des intelligences avec<br />
Ahmed-bey, et s'il y a des faits dont on puisse induire qu'il<br />
favorise la cause de ce chef, ils me semblent devoir être<br />
attribués plutôt aux sympathies musulmanes dd ses sujets<br />
qu'à une connivence de sa part. On pourrait toutefois<br />
l'accuser de mollesse et d'un manque de surveillance et de<br />
sévérité envers les autorités locales.<br />
J'ai appris avec infiniment de plaisir que l'expédition de<br />
Constantine allait avoir lieu incessamment. La réussite dont<br />
je ne doute pas produira dans ce pays-ci une impression<br />
très favorable à notre position, mais les avantages qui en<br />
résulteraient sous ce rapport disparaîtraient si, après avoir<br />
occupé Constantine, nous ne pouvions pas nous y main<br />
tenir.<br />
M. de Rancé vous fera part, Monsieur le Maréchal, du<br />
désir que lui a témoigné le bey qu'un de ses neveux, qu'il<br />
a l'intention d'envoyer en France pour le faire guérir d'une<br />
hernie, puisse, à cause de la saison avancée et de l'état de<br />
cet enfant, faire le trajet sur l'un des bâtiments à vapeur<br />
qui sont à votre disposition.<br />
J'ose joindre mes sollicitations aux siennes pour lui faire<br />
obtenir cette faveur dont il aura la plus vive obligation à<br />
Votre Excellence.
265<br />
472<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 8 novembre 1836.<br />
Je viens de recevoir avec une vive satisfaction ainsi que<br />
l'armée et le pays, les dépêches télégraphiques des 3o et<br />
3i octobre, d'après lesquelles vous autorisez l'occupation<br />
de Constantine.<br />
L'avant-garde est partie ce matin se rendant sur Guelma.<br />
Demain une autre colonne se mettra en route.<br />
Je quilteiai Bône dans 3 ou 4 jours, lorsque le charge<br />
ment du matériel sera terminé et je crois être dans Cons<br />
tantine vers le 17.<br />
Le temps continue à être beau.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
266 —<br />
473<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Bône, le 9 novembre 1836.<br />
Le bâtiment à vapeur Le Phare m'a apporté les dépêches<br />
télégraphiques que vous m'avez fait l'honneur de m'adres-<br />
ser sous la date des 3o et 3i octobre dernier. C'est avec une<br />
vive satisfaction que j'ai vu que vous adoptiez les mesures<br />
que je vous proposais pour l'occupation de Constantine :<br />
celte importante résolution contribuera puissamment à for<br />
tifier notre autorité dans la Régence et à donner un grand<br />
développement,<br />
colonisation.<br />
une grande activité à l'industrie et à la<br />
Ainsi que j'avais l'honneur de vous le dire, Constantine<br />
va de nouveau devenir un point central pour le commerce.<br />
C'est autour de cette ville que sont groupées les tribus les<br />
plus riches ou c'est son territoire qu'elles doivent traverser<br />
pour exporter leurs produits. L'action de la puissance du<br />
bey<br />
se faisant sentir sur elle d'une manière immédiate,<br />
leur soumission doit être considérée comme assurée et lors<br />
même qu'on n'obligerait pas les Arabes à diriger sur Bône<br />
leurs marchandises, leurs intérêts même les y engageraient,<br />
car ils n'ont pas, comme à Tunis, à redouter les avanies et<br />
les taxations arbitraires des diverses tribus dont ils ont à<br />
traverser le territoire sur une étendue de plus de 6o lieues.<br />
Ainsi que je le disais, l'occupation de Constantine assure<br />
la paisible possession de Bône. Aussi n'ai-je pas hésité à<br />
vous proposer de former la garnison de cette première ville
— — 267<br />
aux dépens de celle que nous entretenons; actuellement<br />
dans la seconde. Disposant de tribus nombreuses, assuré<br />
par la présence du bataillon français de la tranquillité de<br />
la capitale de son beylick, Yusuf-bey à la tête de sa cava-,<br />
lerie, se portera rapidement d'un lieu à un autre et étouf<br />
fera facilement toutes les tentatives de rébellion qui pour<br />
raient être suscitées contre lui. Les événements encore ré<br />
cents nous le prouvent, la paix en Afrique doit être main<br />
tenue par une administration essentiellement juste dans<br />
tous ses actes, mais les moyens de répression doivent être<br />
promptement appliqués. Dans les circonstances ordinaires,<br />
les Arabes doivent être combattus d'après le mode en usage<br />
parmi eux, promptitude et sévérité. Aussi comme centre<br />
d'action politique, comme centre d'opérations commercia<br />
les, Constantine est un point de la plus haute importance,<br />
et je ne saurais trop m'applaudir, Monsieur le Ministre,<br />
d'en avoir toujours conseillé l'occupation.<br />
D'après l'autorisation que vous avez cru devoir donner,<br />
je laisserai à Constantine un bataillon français, 1.000 Turcs<br />
et les 4 escadrons<br />
approvisionnées pour un an.<br />
réguliers de Yusuf. Les troupes seront<br />
Je suis assuré de pouvoir réduire graduellement les dépen<br />
ses de cette occupation. Je serai parfaitement secondé par<br />
Yusuf-bey en cela,<br />
qui a parfaitement compris que les pre<br />
mières sommes que l'on retirera de son beylick ne doivent<br />
pas. être employées en dépenses superflues, mais à diminuer<br />
autant que possible les charges que s'impose la France.<br />
Les cinquante mille francs que vous mettez à ma. disposi<br />
tion pour être employés en moyens d'influence et d'actions<br />
politiques contribueront puissamment à détacher d'Ahmed-<br />
bey<br />
des hommes qu'il est important de gagner à notre cause<br />
et malgré l'insuffisance des fonds dont je puis disposer ha<br />
bituellement, je vois combien sont<br />
résultats que nous obtenons<br />
des chefs qui nous vendent leurs<br />
moins nous paralysons l'influence.<br />
quelquefois heureux les<br />
au moyen des marabouts ou<br />
services ou dont tout au
—268 —<br />
L'avant-garde du corps expéditionnaire est partie ce ma<br />
tin sous les ordres du général de Bigny. Ce corps, fort de<br />
6.000 hommes, ira camper à Guelma, ville détruite à moi<br />
tié chemin de Constantine. Une autre colonne se mettra en<br />
marche demain et je quitterai Bône dans 3 ou 4 jours, lors<br />
que tous les , débarquements seront opérés et que les diffé<br />
rentes armes ou administrations auront terminé le charge<br />
ment du matériel qu'elles doivent emporter.<br />
Yusuf-bey a suivi la première colonne. D'après les rap<br />
ports qu'il avait reçus, la nouvelle positive du prochain<br />
départ de l'armée expéditionnaire produirait d'heureux<br />
effets dans les tribus; plusieurs chefs étaient venus le rejoin<br />
dre et lui assuraient que de nombreux détachements n'at<br />
tendaient pour venir se ranger sous nos drapeaux que la<br />
certitude qu'ils ne seraient plus exposés aux cruautés<br />
d'Ahmed-bey.<br />
Avant de me diriger sur Constantine, j'ai cru devoir<br />
adresser une proclamation aux habitants de cette ville. Je<br />
les engage à rester dans leurs foyers et je leur promets<br />
protection; je pense que s'ils peuvent se soustraire aux vio<br />
lences d'Ahmed-bey,<br />
nous trouverons dans la ville les hom<br />
mes qui nous ont fait connaître depuis longtemps leurs<br />
dispositions amicales.<br />
Par mon ordre du jour sous la date de ce mois, je fais<br />
appel à l'humanité de nos soldats et je promets une récom<br />
pense à tout indigène auxiliaire qui conduira devant moi<br />
un prisonnier vivant. Les préjugés et les habitudes cruelles<br />
sont trop<br />
fortement enracinées chez les Arabes pour que je<br />
puisse attendre un résultat immédiat et absolu de la mesure<br />
que je viens de prendre, mais elle ne peut que contribuer<br />
à diminuer le nombre d'actes barbares que nous sommes<br />
dans la nécessité de tolérer.<br />
L'opération du débarquement du matériel a été retardée<br />
par le manque de chalands. Il serait important que de<br />
pareilles entraves n'existassent plus lorsque nous devrons<br />
quitter Bône. Je vous prie, Monsieur le Ministre, de vouloir
— 269<br />
bien en écrire à M. le Ministre de la Marine, afin qu'il donne<br />
des ordres pour que nous ne manquions pas de ces moyens<br />
de transport.<br />
474<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E7S)<br />
Bône, le 9 novembre 1836.<br />
Pendant mon dernier séjour à Paris, j'eus l'honneur<br />
d'appeler votre attention sur les dispositions malveillantes<br />
du bey de Tunis. Des mesures énergiques du gouvernement<br />
qui dirigea immédiatement une escadre dans la Méditerra<br />
née arrêtèrent bien les secours qu'il envoyait presque osten<br />
siblement à Ahmed-bey notre ennemi,<br />
mais ne mirent<br />
point obstacle aux moyens qu'employaient ses agents pour<br />
arrêter l'effet de mesures qui devaient nous être avanta<br />
geuses.<br />
Depuis mon arrivée à Bône j'ai eu diverses preuves que<br />
le bey de Tunis,<br />
non content d'empêcher le départ des<br />
Turcs réfugiés dans la capitale qui s'étaient engagés à ser<br />
vir sous les ordres de n'avait mis aucun obstacle<br />
Yusuf-bey<br />
et avait même favorisé l'enrôlement sous les drapeaux<br />
d'Ahmed-bey, des hommes qui font partie de ses bataillons<br />
organisés.<br />
Dans une position aussi grave eu égard aux intentions<br />
actuelles du gouvernement français et avant de partir pour
i.::;r;r'':<br />
— — 270<br />
Goristantine, j'ai cru devoir envoyer le commandant de<br />
Rancé en mission à Tunis, en le rendant porteur de la lettre<br />
que j'écrivis au bey pour lui exprimer le mécontentement<br />
que j'éprouve de ses dispositions peu favorables à notre<br />
cause.<br />
Mes instructions à M. de Rancé sont le développement<br />
des lettres dont j'ai l'honneur de vous adresser copie. Cet<br />
officier supérieur s'est embarqué aujourd'hui sur le bâti<br />
ment à vapeur Le Papin et sera de retour dans 5 ou 6 jours.<br />
La présence du vaisseau Le Jupiter pendant la durée de<br />
l'expédition prouvera au bey que l'intention du Gouverne>-<br />
ment français est de porter obstacle à toute démonstration<br />
qui nous serait hostile. La mission de M. de Rancé sert<br />
de complément à cette mesure et suffira, j'espère, pour<br />
engager le bey de Tunis à refuser tout appui à l'homme<br />
dont nous allons dans quelques jours renverser la puis<br />
sance.
— 271<br />
475<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 9 novembre 1836.<br />
D'après l'autorisation donnée par la dépêche télégraphi<br />
que que vous m'avez fait l'honneur de madresser sous la<br />
date des 3o et 3i octobre dernier,<br />
tera à Constantine.<br />
un bataillon français res<br />
Je vous prie de me faire connaître le plus promptement<br />
possible si ce bataillon devra être pris en entier dans le<br />
régiment formant la garnison de Bône bu s'il pourra être<br />
composé d'hommes de bonne volonté pris dans le corps<br />
expéditionnaire.<br />
Dans ce dernier cas, je demande à être autorisé à choisir<br />
les officiers et le commandant parmi ceux qui marchent<br />
avec moi sur Constantine.<br />
Dans un bataillon organisé, il existe nécessairement des<br />
hommes peu énergiques,<br />
qui ne verraient qu'un exil dans<br />
le poste honorable et de confiance dans lequel ils seraient<br />
placés, et il serait, à redouter que leur manière de servir ne<br />
se ressentit de leur affaiblissement moral.<br />
Des hommes de bonne volonté, au contraire, ayant choisi<br />
par goût la position dans laquelle ils se trouveraient,<br />
seraient toujours à hauteur des diverses circonstances qui<br />
pourraient se présenter.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
''<br />
—<br />
— 272<br />
Le bataillon turc porte une dénomination qui n'est pas<br />
en rapport avec les éléments dont il se compose puisqu'il<br />
se recrute en partie parmi les indigènes. Il me semble qu'il<br />
Serait plus convenable de l'appeler bataillon numide. Ce<br />
nom serait de nature à flatter davantage les habitants mêmes<br />
du pays.<br />
476<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 10 novembre 1836.<br />
Vous m'avez transmis les observations de M. le général<br />
Bapatel et de M. le général Létang<br />
sur le corps de troupes<br />
de Tlemcen et sur la différence qui a existé dans les récom<br />
penses accordées d'après vos propositions et celles du géné<br />
ral Bugeaud par suite des expéditions de Tlemcen, de la<br />
Tafna et de Médéa, d'une part, et des combats de la Tafna<br />
et de la Sikkak d'autre part.<br />
Je me suis fait rendre compte de la répartition des récom<br />
penses qui ont été données dans les circonstances ci-dessus,<br />
et j'ai remarqué que les corps qui ont fait les expéditions<br />
de Tlemcen, de la Tafna et de Médéa ont eu plus de nomi<br />
nations dans la Légion d'honneur que ceux qui ont fait<br />
partie de la division du général Bugeaud.<br />
Quant aux demandes d'avancement à des grades mili<br />
taires, il y a eu effectivement plus de nominations par suite
—<br />
— 273<br />
des propositions du général Bugeaud qu'il n'en a été fait<br />
d'après les vôtres, mais cela vient de ce que les demandes<br />
de cet officier général ont été faites pour remplir des em<br />
plois qui étaient vacants, tandis que les vôtres avaient été<br />
formées pour qu'il y eût vacances d'emploi. Or la loi du<br />
i4 avril i832 s'opposant formellement à ce qu'il soit fait<br />
des promotions sans emploi vacant, il n'a pu être cumné<br />
suite à la plupart de ces propositions; il y a eu là empêche<br />
ment de force majeure.<br />
J'ai vu d'ailleurs que le travail des décorations et celui<br />
de l'avancement à des grades militaires ont été faits avec<br />
le désir de satisfaire le plus possible à vos propositions et<br />
celles qui n'ont pas eu une suite favorable concernaient des<br />
militaires qui n'étaient pas dans les conditions voulues,<br />
soit pour la durée des services, soit pour jouir du bénéfice<br />
de service de guerre, soit enfin parce que le défaut d'em<br />
plois vacants s'opposait à la nomination. Ce dernier motif<br />
ne permet pas de donner le grade de sous-lieutenant aux<br />
cinq sous-officiers remplissant les fonctions de ce grade qui<br />
sont particulièrement recommandés par M- Cavaignac, com<br />
mandant la garnison française à Tlemcen.<br />
Vous jugerez, d'après ces explications, Monsieur le Maré<br />
chal, que les réclamations de MM. les généraux Bapatel et<br />
Létang ne sont pas fondées. Vous savez d'ailleurs par ce<br />
qui s'est fait jusqu'à présent que lorsqu'il n'est pas possible<br />
de faire droit immédiatement à une proposition, il en est<br />
pris note,<br />
ble se présente.<br />
p. g. —<br />
J'ajouterai<br />
et elle est reproduite lorsqu'une occasion favora<br />
que plusieurs des militaires récom<br />
pensés avaient déjà été l'objet de propositions antérieures,<br />
soit de votre part, soit de celle des officiers sous vos ordres.<br />
C'est à la réunion de ces différents titres qu'ils ont dû d'ob<br />
tenir la préférence.<br />
18
.sans aucun<br />
274<br />
477<br />
Le général de Rigny au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Au camp de Mou Elfa, le 10 novembre 1836.<br />
Les troupes sous mes ordres ont continué leur marche<br />
événement remarquable. L'ennemi ne s'est mon<br />
tré nulle part et paraît s'être retiré à Constantine.<br />
Plusieurs chefs de tribus sont venus trouver hier le com<br />
mandant Yusuf. Ils ont promis de lui envoyer des mules.<br />
Le bey doit avoir l'honneur de vous écrire pour vous ren<br />
dre compte en détail de cette affaire.<br />
Pendant ces deux jours de marche, un assez grand nom<br />
bre d'officiers et de soldats ont été atteints par la fièvre.<br />
Le terrain jusqu'ici n'offre aucune difficulté sérieuse pour<br />
les transports et l'artillerie, toutefois la journée de Dréan à<br />
Mou Elfa est assez forte.<br />
A mon arrivée à Guelma, je m'occuperai d'asseoir le<br />
camp<br />
de la manière la plus convenable.
Yusuf-bey<br />
— 275<br />
478<br />
au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Guelma, le 10 novembre 1836.<br />
J'ai continué à recevoir sur 'la route les chefs des diverses<br />
tribus qui occupent le terrain que nous avons parcouru;<br />
peu après mon arrivée, les chefs des Béni Foughal de Gen-<br />
saa et Guelma sont venus me trouver et je puis vous garan<br />
tir le pays pacifié el sûr d'ici à Bône. J'ai reçu i4 mulets<br />
que j'ai fait remettre à l'administration; ils seront joints à<br />
ceux qui partent demain matin. J'ai envoyé dans toutes les<br />
directions pour en réunir et je pense en recevoir demain<br />
matin de bonne heure que je vous acheminerai immédia<br />
tement. Les douars et les troupeaux sont restés dans la<br />
plaine et nous aurons ici tous les bestiaux que l'on voudra<br />
acheter. Je pense que l'orge ne manquera pas,<br />
mais cela<br />
ne viendra que peu à peu; la paille est plus rare, le séjour<br />
du camp d'Hadji Ahmed a presque entièrement consommé<br />
tout ce qui se trouvait dans le pays.<br />
J'ai écrit dans les tribus qui sont en avant. J'ai des nou<br />
velles de Constantine; le bey y est rentré, mais je ne saurai<br />
ses dispositions qu'après que je saurai qu'il connaît notre<br />
marche. J'ai, d'après l'ordre du général,<br />
donné une escorte<br />
de 25 hommes pour les mules qui partent pour Bône, mais<br />
je suis certain que quelques conducteurs auraient suffi; il<br />
nous est arrivé aujourd'hui de Bône même quelques per<br />
sonnes isolément.
— — 276<br />
J'ai fait proposer au général de laisser dans les tribus les<br />
plus rapprochées de la route les malades et les hommes fati<br />
gués. Tout le monde est arrivé;<br />
repartent avec le convoi et à dos de mulet.<br />
ceux atteints par la fièvre<br />
Pour obtenir le plus grand succès possible et assurer la<br />
franche et complète pacification et soumission de ce pays,<br />
je pense, Monsieur le Maréchal, qu'il ne faut pas trop se<br />
presser et qu'un jour de plus passé ici peut amener de<br />
grands résultats. Si, sans déranger vos projets, pour pou<br />
viez séjourner 24 heures de plus à Dréan, en quittant Bône<br />
le 12, je l'apprendrais avec plaisir. Cette station me donne<br />
rait le temps de correspondre avec les Arabes qui sont plus<br />
ou moins éloignés et qui se déterminent toujours lentement<br />
•à prendre un parti et qui d'ailleurs se réunissent toujours<br />
pour se consulter. Le général a fait quelques travaux pour<br />
le passage des voitures;<br />
sa marche a été peu retardée.<br />
479<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
Bône, le 11 novembre 1836.<br />
Tous les rapports qui m'ont été faits depuis mon arrivée à<br />
Bône s'accordant de manière à me convaincre que les dis<br />
positions du bey de Tunis à notre égard étaient moins satis<br />
faisantes qu'elles ne l'étaient précédemment et les commu-
— 277 —<br />
nications entre La Calle et Tunis ayant été entièrement inT<br />
terrompues par suite des violences exercées sur le territoire<br />
tunisien,<br />
j'avais regardé comme utile d'envoyer en mission<br />
auprès du pacha, bey de la régence de Tunis, M. le com<br />
mandant de Rancé, mon aide de camp.<br />
Cet officier est de retour et m'a remis son rapport dont<br />
j'ai l'honneur de vous adresser copie.<br />
La présence en rade de Tunis du vaisseau Le Jupiter<br />
appuyant fort à propos la représentation que j'ai faite au<br />
pacha, j'espère qu'il n'agira vis-à-vis de nous qu'avec beau<br />
coup de prudence et de condescendance et que surtout il ne<br />
permettra pas au bey Ahmed ni à ses troupes de se réfugier<br />
en armes sur le territoire tunisien.<br />
Cela importe beaucoup<br />
afin de terminer promptement<br />
guerre et d'éviter qu'elle ne se renouvelle facilement après<br />
notre départ de Constantine.<br />
— p. s. J'ai l'honneur de joindre ici copie de la réponse<br />
que m'a fait remettre le bey de Tunîs à la lettre que<br />
M. de Rancé lui avait remise de ma part. J'y joins égale<br />
ment copie de la lettre que m'a adressée le consul de France<br />
à Tunis.<br />
la'
— — 278<br />
480<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. ÈE7)<br />
Bône, le 12 novembre 1836.<br />
Depuis le dernier rapport que j'ai eu l'honneur de vous<br />
adresser sous la date du 8 novembre, j'ai continué à pous<br />
ser avec activité les préparatifs de l'expédition. Les moyens<br />
de transport ne pouvant être réunis en assez grand nombre<br />
par suite de l'éloignement des tribus qui, depuis l'entrée en<br />
campagne du bey Ahmed avaient été contraintes à prendre<br />
parti pour lui, j'ai reconnu la nécessité de faire une mar<br />
che en avant de Dréan, afin d'inspirer assez de confiance<br />
aux. Arabes pour les décider à renouer avec nous des rela<br />
tions d'amitié.<br />
Le général de Rigny avec le bey<br />
Yusuf se sont portés jus<br />
qu'à Guelma sans rencontrer aucun ennemi. Les tribus, au<br />
contraire, se sont empressées de nouveau de faire leur sou<br />
mission à notre bey, en sorte que notre avant-garde sera<br />
établie dans le poste de Guelma où les Arabes apportent des<br />
vivres et de l'orge pour nos troupes et nos chevaux. Yusuf<br />
leur a demandé des mulets, qu'ils mettent bonne volonté<br />
à nous livrer,<br />
il est plus que probable aujourd'hui que nous ne rencon<br />
et comme Ahmed s'est retiré à Constantine,<br />
trerons que peu ou point d'obstacles dans notre marche sur<br />
la capitale de la province.<br />
Si, comme je commence à l'espérer, nous prenions Cons<br />
tantine sans coup férir, j'aurais atteint le but comme je le
— — 279<br />
désirais et selon la pensée dans laquelle j'ai constamment<br />
travaillé depuis mon arrivée à Bône.<br />
Cette prise de possession toute pacifique ou bien facile du<br />
moins serait un événement des plus heureux pour le pré<br />
sent comme aussi pour l'avenir de notre colonie.<br />
Ce soir, M. Trézel avec les troupes qu'il commandait du<br />
camp de Dréan aura rejoint le général Bigny à Guelma.<br />
Demain, S. A. R. Monseigneur le duc de Nemours et moi<br />
nous quitterons Bône avec le reste des troupes et les baga<br />
ges de l'armée : ainsi le i5 au soir nous serons t< as réunis<br />
à Guelma d'où j'espère en trois jours arriver à Constantine.<br />
La certitude qu'a le bey<br />
Yusuf aujourd'hui de pouvoir<br />
se maintenir fort et puissant aussitôt qu'il sera entièrement<br />
à la tête de ses affaires par la possession de Constantine a<br />
doublé s'il se peut son activité,<br />
son dévouement et la capa<br />
cité incontestable dont il a fait preuve ici depuis quelque<br />
temps. Il exerce une véritable influence sur les Arabes aux<br />
quels il sait à la fois plaire et commander.<br />
P S. —<br />
Je<br />
profite du départ de M. de Sivry<br />
pour vous<br />
faire connaître de vive voix tous les détails que vous pour<br />
riez désirer entendre sur nos affaires ici, je le prie en consé<br />
quence d'avoir l'honneur de vous voir.<br />
M. de Sivry<br />
arrivé à Bône avec nous ne nous quitte qu'au<br />
moment de notre départ, il a vu et entendu tout ce qui s'est<br />
fait et s'est dit; j'ai pensé qu'il vous serait agréable de le<br />
recevoir.
280 —<br />
481<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Bône, le 12 novembre
—<br />
— 281<br />
aurait à appeler le commerce sur ce point et peut-être par<br />
viendrons-nous à engager de nouveau les pêcheurs français<br />
à fréquenter nos parages et à faire revivre l'époque où cette<br />
industrie était presque entièrement exploitée par nos ma<br />
rins que cette périlleuse navigation rendait ensuite bien<br />
plus aptes au genre de service auquel ils étaient employés.<br />
J'ai écrit à M. l'Intendant civil pour qu'il me fasse connaî<br />
tre les fonds qui resteraient disponibles sur les crédits<br />
ouverts pour les travaux à exécuter à Bône et à Bougie sur<br />
l'exercice i836.<br />
Avant mon départ pour Alger, je me transporterai à La<br />
Calle avec le sous-intendant et l'ingénieur civil et j'aurai<br />
l'honneur de vous soumettre les plans qui me seront remis.<br />
Je yous ai prié de me faire connaître vos intentions à ce<br />
sujet par dépêche télégraphique afin de savoir avant de<br />
quitter Bône si vous adoptez le principe des réparations<br />
faites aux bâtiments civils sur les fonds restés disponibles<br />
sur les travaux qui auraient dû être effectués en i836.<br />
— P. S. Le<br />
génie militaire pourra enfin employer quel<br />
ques fonds à réparer partie des fortifications.
282<br />
482<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 13 novembre 1836.<br />
Les troupes composant le corps expéditionnaire de Cons<br />
tantine seront de retour à Bône du 10 au i5 décembre et à<br />
Alger avant ou vers lé janvier 1837. Je désire qu'à cette<br />
époque Le Jupiter vienne de Tunis pour nous aider à trans<br />
porter les troupes à Alger, à Oran et en France. Je désire<br />
que les quatre ou cinq grosses gabarres soient aussi alors<br />
dans la rade du port génois.<br />
Nous partons à l'instant. Le général de est Rigny à<br />
Guelma depuis trois jours. Les tribus font de nouveau leur<br />
soumission. Rien de fâcheux n'est arrivé entre Guelma et<br />
Bône depuis que nos troupes sont dans cette première ville.<br />
La brigade du général Trézel y sera ce soir.<br />
Ahmed-bey<br />
est à Constantine. Malgré ses instantes priè<br />
res, les tribus éloignées lui refusent de se joindre à lui.<br />
Il serait possible que nous entrassions à Constantine sans<br />
coup<br />
férir : c'est là le but de mes dispositions secrètes de<br />
puis neuf mois. J'espère l'atteindre.<br />
Le bey de Tunis m'a promis de ne recevoir Ahmed-bey<br />
que dans le cas où, fugitif, il viendrait lui demander asile,<br />
et jamais quand il serait en état de nous nuire.<br />
Mgr le duc de Nemours continue à jouir d'une bonne<br />
santé.
— 283<br />
488<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 14 novembre 1836.<br />
J'ai reçu vos dépêches télégraphiques des 28 et 3i octo<br />
bre, Ie',<br />
2 et 4 novembre, ainsi que vos lettres du 28 octobre<br />
et du novembre. Par une dépêche télégraphique du 12<br />
de ce mois courant,<br />
j'ai confirmé le contenu de celle du<br />
3o octobre dernier, relative à l'occupation de Constantine<br />
et dont je vous envoie ci-joint le duplicata. Cette dernière<br />
dépêche n'étant parvenue à Toulon que le 3i octobre n'a<br />
pu partir par le bateau à vapeur du 3o.<br />
J'ai envoyé à M. le Ministre de la Marine copie de votre<br />
dépêche du novembre, dans laquelle vous demandez des<br />
chalands pour le débarquement des navires à Bône.<br />
J'ai appris avec peine la perte de 21 chevaux qui ont péri<br />
par suite du choc qu'a éprouvé une bombarde, à son entrée<br />
dans la rade de Bône. J'espère que les bâtiments La Fortune<br />
et La Caravane vous auront rejoint sans accident.<br />
Je donne<br />
Etrangères,<br />
communication à M. le Ministre des Affaires<br />
de la partie de votre lettre du 28 octobre rela<br />
tive aux plaintes des négociants de Fez qui prétendent avoir<br />
été pillés à Tlemcen.<br />
Vous craignez,<br />
Monsieur le Maréchal, de compromettre<br />
notre autorité dans la province d'Oran en tirant un plus<br />
grand nombre de troupes pour l'expédition de Constantine.<br />
Je n'ai pas fixé d'une manière précise dans mes dépêches<br />
des 27 septembre, 6 et 19 octobre, les forces à tirer d'Oran
— — 284<br />
ou de tout autre point pour cette expédition; je vous ai tou<br />
jours et constamment laissé toute latitude pour la réparti<br />
tion et l'emploi des moyens militaires qui sont à votre dis<br />
position. Quant à l'expression se tenir sur la défensive dans<br />
la province d'Oran, elle n'était que la conséquence des rap<br />
ports que vous m'avez adressés sur cette province et d'après<br />
lesquels Abd el Kader se trouvait dans une situation qui<br />
pouvait permettre cette attitude. Mon idée à cet égard n'était<br />
du reste que relative et pour distinguer l'attitude à prendre<br />
à Oran ou à Alger, comparée à la position offensive à pren<br />
dre en avant de Bône. Je ne puis que répéter que vous êtes<br />
plus à même que personne de juger ce qui convient le<br />
mieux,<br />
et que c'est à vous qu'il appartient de régler l'em<br />
ploi des troupes sous vos ordres dans le plus grand intérêt<br />
de la France.<br />
484<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 16 novembre 1836.<br />
Je réponds à votre dépêche télégraphique et à votre lettre<br />
datées de Bône, 9 novembre,<br />
concernant la composition du<br />
bataillon français que vous devez laisser à Constantine pour<br />
l'occupation de cette place.<br />
La proposition de composer ce bataillon d'hommes de<br />
bonne volonté pris dans divers corps ne saurait être adop<br />
tée, parce qu'elle entraînerait une création de nouveaux
— 285 —<br />
cadres et conséquemment une augmentation de la dépen .<br />
d'occupation qu'il faut tendre au contraire à diminuer aL<br />
tant que possible; il est donc plus convenable de désigner<br />
provisoirement pour l'occupation de Constantine un batail<br />
lon tout entier du régiment destiné à tenir garnison à Bône.<br />
Je dis provisoirement, car vous pourrez l'y faire remplacer<br />
avec avantage par le bataillon d'élite qui était destiné à<br />
aller en Espagne et qui est en marche pour se rendre en<br />
Afrique,<br />
sauf à le compléter à 700 hommes par des hommes<br />
de bonne volonté.<br />
Cette disposition satisfera à toutes les raisons que vous<br />
me donnez pour avoir un bataillon composé d'hommes de<br />
choix et n'entraînera aucun des inconvénients d'une nou<br />
velle formation des cadres.<br />
Je vais donner des ordres pour que le bataillon dont il<br />
s'agit s'embarque directement pour Bône d'où vous pourrez<br />
le diriger sans difficultés sur Constantine.
— 286<br />
485<br />
Le Gouverneur Général au général de Rigny<br />
(Arch. Guerre)<br />
Au bivouac de Constantine, le 22 novembre 1836.<br />
Ce soir, à dix heures, je fais attaquer la ville de Constan<br />
tine par le pont d'El Kantara (i) afin de loger d'abord dans<br />
cette partie de la ville des troupes qui travailleront à dé<br />
truire et déblayer les obstacles qui s'opposeraient d'abord à<br />
l'entrée d'une forte colonne destinée à s'emparer des maisons<br />
qui sont près de cette porte et à s'établir là de manière à<br />
pénétrer plus avant dans l'intérieur de la ville pendant cette<br />
attaque. Quand vous aurez reçu mon ordre, vous pourrez<br />
de votre côté (i) essayer de pénétrer dans la ville par la<br />
brèche en face de votre position pour vous y établir aussi<br />
et, si vous y parvenez, vous ferez en sorte de vous emparer<br />
de la batterie qui est près de'<br />
la porte que vous pourrez<br />
ouvrir afin d'introduire par là ou par la brèche vos troupes.<br />
Vous jugerez sans doute aussi nécessaire de vous emparer<br />
de la mosquée qui est devant la grande porte pour en tirer<br />
tout le parti possible au succès de votre attaque et à la<br />
conservation de tout ce que vous aurez pris.<br />
(1) Sur le Rummel; il fait communiquer Constantine avec le pla<br />
teau de Mansourah, au S.-E. de la ville, sur la rive droite du Rum<br />
mel.<br />
(2) La brigade de Rigny était massée au Coudiat Ali, plateau sur<br />
la rive gauche du Rummel au S.-O. de Constantine, qu'aucun obs<br />
tacle naturel ne sépare de la ville.
— — 287<br />
Je laisse à votre savoir-faire toutes les mesures de détail<br />
à prendre pour la réussite de cette opération. Il convient,<br />
ce me semble aussi,<br />
que vous fassiez créneler vers la cam<br />
pagne les maisons et que vous les fassiez garder, afin que<br />
vous ne soyez pas menacé par ces points qui sont vos avant-<br />
postes extérieurs vers la campagne en suivant la crête de la<br />
montagne.<br />
Dans le cas que le régiment de chasseurs ou une partie<br />
ne vous fût d'aucune utilité et vous embarrassât même,<br />
vous pourriez le faire passer sur la rive droite du Bummel<br />
et il viendrait se placer derrière nos batteries.<br />
Le bataillon d'Afrique sera chargé de faire les attaques<br />
sur la ville, tandis que le<br />
176<br />
léger garderait les possessions<br />
que vous occupez vers la campagne et se retrancherait dans<br />
tes maisons indiquées plus haut.<br />
486<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 24 novembre 1836.<br />
J'ai reçu l'ordre général daté de Bône du 7 novembre cou<br />
rant par lequel vous avez réglé la marche du corps expédi<br />
tionnaire qui va prendre possession de Constantine.<br />
En approuvant toutes les dispositions contenues dans cet<br />
ordre, je vous exprime ma satisfaction particulière au sujet
— — 288<br />
de celles qui ont pour but d'interdire la décapitation et<br />
d'allouer une prime aux indigènes pour chaque prisonnier<br />
qui vous sera amené vivant. De telles injonctions confor<br />
mes aux instructions que je vous avais transmises honorent<br />
les armes françaises et sont en même temps conseillées par<br />
une saine politique, nos progrès en Afrique devant néces<br />
sairement marcher de pair avec ceux de la civilisation.<br />
Je vous recommande de tenir sévèrement la main à ce<br />
que ces dispositions soient exécutées.<br />
487<br />
Le général Trézel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Au camp de la Seybouse, 27 novembre 1836.<br />
Vous aviez ordonné, dans la journée du 21, qu'une ten<br />
tative fut exécutée sur la porte du pont de Constantine. Le<br />
colonel du génie Lemercier avait à sa disposition les<br />
compagnies des 5g0 et 63'<br />
régiments commandés par divers<br />
officiers de votre Etat-Major et le dernier devait être tenu<br />
en réserve pour soutenir les compagnies et entrer avec elles<br />
dans la ville. Ces dispositions furent exactement suivies,<br />
mais le colonel du génie ayant reconnu sur les lieux qu'il<br />
était impossible de prendre ou de forcer la porte du pont,<br />
je ramenai les troupes au camp.
— — 289<br />
Pendant le cours de cette journée et de celle du 22, l'en<br />
nemi nous harcela continuellement sur toutes les parties de<br />
nos positions. Il fut partout repoussé avec vigueur, mais<br />
comme la nature du terrain favorisait la fusillade de ses<br />
tirailleurs contre l'emplacement de la batterie de campa<br />
gne, elle fut un moment fort vivement inquiétée de cette<br />
fusillade qui n'en put être écartée que par une brusque et<br />
vive attaque faite sur ces tirailleurs par les deux compagnies<br />
que j'avais placées dans les cactus pour protéger la batterie.<br />
Notre perte pendant ces deux journées a été de 18 hommes<br />
blessés qui ont été établis provisoirement dans un petit<br />
marabout situé dans le haut du ravin à droite de cette bat<br />
terie.<br />
A la fin de la journée du 22, vers, les 9 heures du soir.<br />
j'ai reçu en communication de M. de Tourville (1), capi-<br />
(1) Guérin de Tourville (Adolphe-Irénée), né à Anneville (Seine-<br />
Inférieure), le 6 septembre 1806. Elève à l'Ecole Spéciale militaire,<br />
11 novembre 1823; sous-lieutenant, 1er octobre 1826; élève à l'Ecole<br />
d'application d'EtaMVïajor, 1er<br />
janvier 1827; sous-lieutenant d'Etat-<br />
Major détaché au 46e de ligne, 29 janvier 1829; aide-major au 3e régi<br />
ment de cuirassiers, 1er octobre 1830; démissionnaire, 31 mai 1831;<br />
réintégré et employé à l'Etat-Major de l'expédition de Bône, 3 mai<br />
1832; placé au 3e régiment de chasseurs d'Afrique, 15 mai 1833; capi<br />
taine d'Etat-Major, 20 décembre 1833; chargé du service topographi-<br />
que à Bône, 22 janvier 1838; employé à l'Etat-Major général en Algé<br />
rie, 29 octobre 1840; capitaine de lre<br />
classe, commandant le cercle de<br />
Guelma, 20 janvier 1841; chef d'escadron, 25 décembre 1843; lieutenantcolonel,<br />
13 juin 1848; disponible, 3 novembre 1849; membre de là<br />
Commission chargée de préparer les projets de loi qui,doivent régir<br />
l'Algérie, 17 décembre 1849; membre de la Commission d'examen des<br />
lois organiques de l'armée, 4 mars 1850; membre du Comité consulta<br />
tif de l'Algérie, 15 avril 1850; attaché à l'Etat-Major du Ministre,<br />
24 avril 1850; chef d'Etat-Major de la 3e division d'infanterie de l'ar<br />
mée de Paris, 10 février 1851; colonel, 22 septembre 1851; mis à la<br />
disposition du Gouverneur Général de l'Algérie, 23 septembre 1851;<br />
général de brigade, chef d'Etat-Major général de l'armée d'Afrique,<br />
17 février 1855; général de division, 24 décembre 1858; maintenu, dans<br />
ses fonctions de chef d'Etat-Major de 1 armée d'Afrique, 14 janvier<br />
1859; autorisé à rentrer en France et nommé membre du Comité c< nsultatif<br />
d'Etat-Major, 15 janvier 1861; inspecteur général pour 1863 du<br />
15e<br />
arrondissement d'infanterie, 13 mai 1863; président du Comité<br />
d'Etat-Major, 31 décembre 1863; membre de la Commission mixte des<br />
de'<br />
Travaux Publics, 31 décembre 1863; inspecteur général 1864 à<br />
1870; placé dans la Section de réserve le 7 septembre 1871; décédé<br />
— à Cannes (Alpes-Maritimes), le 18 mars 1875. Chevalier de la Lé<br />
gion d'honneur, 11 novembre 1837; grand officier, 12 août 1861.<br />
19
— — 290<br />
taine. d'Etat-Major, le dispositif proposé par M. le colonel<br />
du génie Lemercier pour l'assaut de Constantine et approuvé<br />
par vous. J'ai aussitôt réuni à la tête de mon camp et dans<br />
l'ordre suivant :<br />
de carabiniers du<br />
1°<br />
2°<br />
la compagnie franche;<br />
léger; 3°<br />
2"<br />
la. compagnie<br />
deux compagnies d'élite du<br />
63°. Ces troupes ayant été mises à la disposition de M. le co<br />
lonel du génie Lemercier, elles suivirent, d'après ses ordres,<br />
le mouvement des compagnies de sapeurs du génie que cet<br />
officier supérieur conduisit aux abords du pont entre 10 et<br />
11 heures du soir.<br />
Je me mis à la tête du 63e<br />
régiment et descendis aussi<br />
vers le pont,'<br />
me tenant en réserve dans le ravin au-dessous<br />
de la batterie ode campagne, prêt à suivre, d'après le pre<br />
mier avis que j'en recevrais, le mouvement des compagnies<br />
qui devaient me précéder dans cet assaut. Bien que le plus<br />
profond silence fût gardé par les troupes,<br />
une vive fusillade<br />
partit des maisons voisines de la porte du pont aussitôt que<br />
les officiers du génie et les sapeurs s'en furent approchés et<br />
peu de minutes auprès, deux pièces de canon qui parais<br />
saient placées à la casbah de Constantine commencèrent à<br />
tirer sur notre batterie de campagne. D'après les dispositifs,<br />
celle-ci riposta aussitôt de toutes ses pièces et lança des<br />
fusées sur la ville.<br />
Deux obusiers de montagne que j'avais établis en avant<br />
du 63° commencèrent aussi leur feu. Celui des deux pièces<br />
de la casbah se dirigea alors sur nos obusiers et les boulets<br />
qui pour la plupart étaient informes ou de simples biscaïens<br />
atteignaient la tête du 63e<br />
Je fis reculer les premières com<br />
pagnies de ce régiment pour qu'elles ne restassent pas inu<br />
tilement exposées à ces projectiles. Une heure se passa ainsi.<br />
Le feu de mousqueterie de la porte de Constantine augmen<br />
tait toujours de vivacité el celui des deux pièces de la casbah<br />
demeurait assez lent. Vers 11 heures, on cria que les trou<br />
pes du génie et les compagnies d'avant-gaido entraient<br />
dans la ville, Bien que je ne visse ni n'entendisse rien qui<br />
me confirmât cette nouvelle, je descendis avec le 63e pour
— — 291<br />
me rapprocher du pont afin de ne pas avoir à perdre'!une<br />
minute lorsqu'elle se serait réalisée. En avançant, je m'aper<br />
çus que le chemin du pont derrière le parapet duquel.'<br />
vous.<br />
aviez ordonné qu'on cachât l'infanterie turque n'était point<br />
occupé quoique une heure auparavant j'eusse envoyé mon<br />
aide de camp au commandant de ces Turcs pour qu'il les y<br />
conduisit. Comme cette position était importante, j'y portai<br />
aussitôt la compagnie franche et les carabiniers du<br />
2B<br />
léger.<br />
Elles furent couchées sur le parapet de manière à être bien<br />
abritées du feu de'<br />
l'ennemi. J'avais laissé à deux cents- pas<br />
en arrière dans le ravin de droite la tête du 63° régiment.<br />
Ces dispositions étaient à peine exécutées et je revenais vers<br />
la gauche de la compagnie franche lorsque, je fus jeté à<br />
terre par une balle qui me traversa le cou de droite à gau<br />
che. Le capitaine de Laveaucoupet (i), mon aide de camp<br />
(1) Merle de Labruguière de Laveaucoupet (Sylvain-François-Jules),<br />
né à Saint-Sulpice-le-Dunois (Creuse), le 28 août 1806- Elève à l'Ecole<br />
spéciale militaire, 19 novembre 1824; sous-lieutenant, 1er octobre 1826;<br />
sous-lieutenant élève à l'Ecole d'application d'Etat-Major, 29 janvier<br />
1829; lieutenant aide-major au 41°<br />
d'infanterie de ligne, 1er octobre<br />
1830; passé au 5e régiment de chasseurs, 6 juin 1831; employé à l'Etat--<br />
Major de la 19" division militaire, 12 octobre 1831; capitaine, 2 janvier<br />
1833; aide de camp du général Trézel, 23 août 1836; employé à l'Etat-<br />
Major de la 19e division militaire, 20 juillet 1837; chef d'escadron,<br />
4 juillet 1843; employé à l'Etat-Major du Corps d'opérations de la<br />
Moselle, 3 juin 1844; rentré à l'Etat-Major de la 15e division militaire.<br />
11 octobre 1844; employé à l'Etat-Major de la place de Paris, 12 août<br />
1845; chef d'Etat-Major de la division de cavalerie de Lunéville,<br />
30 juillet 1847; à l'armée des Alpes, 10 avril 1848; lieutenant-colonel,<br />
12 septembre 1849; aide de camp du Ministre de la Guerre, 4 novem<br />
bre 1849; chef de cabinet du Ministre de la Guerre, 5 novembre 1849;<br />
employé à l'Etat-Major du Ministre de la Guerre, 29 octobre 1850; chef<br />
d'Etat-Major de la 2° division militaire, 2 novembre 1850; colonel,<br />
10 mai 1852; secrétaire du Comité de cavalerie, 3 mars 1854; chef<br />
d'Etat-Major de la 1"" division d'infanterie de Paris, 26 avril 1854; de<br />
la 2e division, 26 juin 1854; de la division de cavalerie du 3e corps<br />
d'armée du camp du Nord, 22 juillet 1854; secrétaire du Comité de ca<br />
valerie, 28 septembre 1854; chef d'Etat-Major du dépôt de la Garde<br />
Impériale et maintenu au Comité de cavalerie, 5 mars 1855; secrétaire<br />
du Comité de cavalerie, 3 novembre 1855; chef d'Etat-Major de la<br />
lre 2e division du corps de l'armée d'Italie, 24 avril 1859; général de<br />
brigade commandant la lre brigade dé la lre division du 2'<br />
de'<br />
Corps<br />
l'armée d'Italie, 30 juin 1859; commandant la subdivision de l'Indre,<br />
17 août 1860; inspecteur général du 3e arrondissement de cavalerie,
— — 292<br />
et le lieutenant de Morny, mon officier d'ordonnance, me<br />
relevèrent aussitôt et me ramenèrent sur le parapet pour<br />
m'y<br />
abriter. Je reçus alors de l'un et de l'autre des témoi<br />
gnages d'un dévouement bien affectueux. Malgré l'extrême<br />
vivacité du feu, des chasseurs de la compagnie franche et<br />
2e<br />
du léger leur disputèrent la tâche périlleuse de me trans<br />
porter à travers les ravins vers l'ambulance provisoire que<br />
le docteur Baudens venait de faire établir au-dessous de la<br />
batterie de campagne. Mis ainsi hors de combat, je ne pus<br />
suivre les événements ultérieurs de cette nuit et un moment<br />
après, apercevant de l'ambulance que vous descendiez vous-<br />
même vers le pont pour y donner vos ordres, je vous dépê<br />
chai M. de Laveaucoupet pour vous donner connaissance de<br />
ce qui s'y était passé sous mes yeux. Je lui recommandai<br />
de vous informer que je croyais à la possibilité de faire<br />
filer quelques compagnies par la gauche du pont, leur fai<br />
sant gagner ensuite un sentier par lequel vous aviez remar<br />
qué ce jour-là même que des tirailleurs sortant de la ville<br />
allaient gravir, en traversant le ravin, les sommets couverts<br />
de cactus d'où ils avaient tiré pendant ces deux journées<br />
sur l'emplacement de la batterie de campagne.<br />
Les colonels chefs des trois brigades que vous aviez mises<br />
sous mes ordres ont dû vous adresser directement, leurs rap<br />
port et je ne puis que m'en rapporter à eux pour les deman<br />
des qu'ils auraient à faire. Je me borne à vous signaler<br />
25 avril 1865; commandant la 1 brigade de la lr6 division d'infante<br />
"<br />
rie, camp de Châlons, 26 mai 1867; général de division, 27 février 1<br />
inspecteur général du 17e arrondissement d'infanterie, 8 avril 1868;<br />
commandant la 3° division d'infanterie du 2° corps d'armée, 10 juil<br />
let 1868; membre du Comité consultatif d'Etat-Major, 28 décembre 1868,<br />
inspecteur général du 30° 1~~<br />
arrondissement d'infanterie, 26 mai<br />
prisonnier de guerre le 29 octobre 1870; rentré de captivité et disponi<br />
ble, mars 1871; commandant la 2° division du 1OT corps de l'armée de<br />
Versailles, 15 avril 1871; placé dans l'a section de réserve et maintenu<br />
dans son commandement, 29 avril 1871; relevé de son commandement,<br />
— 9 juin 1871; décédé à Saint-Sulpice-le-Dunois, 18 mai 1892. Cheva<br />
lier de la Légion d'honneur, 13 janvier 1837; grand-croix, 19 juin 1871.
— — 293<br />
M. de Laveaucoupet (i) et de Morny (2) comme m'ayant se<br />
condé avec autant de vigueur que de dévouement. Ce der<br />
nier s'est mis depuis ma blessure sous les ordres du colonel<br />
Boyer que vous avez chargé du commandement de l'avant-<br />
garde et s'y est sans doute distingué comme avec moi. Je<br />
demande pour ces deux officiers la décoration de la Légion<br />
d'honneur et je ne doute point que le colonel du 63e ne vous<br />
désigne comme très digne de la même récompense le jeune.<br />
Dufougerais, sous-lieutenant à ce régiment.<br />
(2) Morny (Charles-Auguste-Louis-Joseph de), né à Paris, le 24 octo<br />
bre 1811. Nommé sous-lieutenant à l'Ecole de cavalerie par la Com<br />
mission des récompenses nationales, 19 décembre 1830; sous-lieutenant<br />
à l'Ecole d'Etat-Major, 11 mars 1831; passé au 2e régiment de dragons,<br />
9 janvier 1833; au 1er régiment de lanciers, 7 février 1833; lieutenant,<br />
31 juillet 1836; officier d'ordonnance du général Trézel, novembre 1836;<br />
—<br />
démissionnaire le 4 juin 1838. Chevalier de la Légion d'honneur,<br />
— 13 janvier 1837. 11 s'agit du duc de Morny qui fut ministre de<br />
l'Intérieur du 2 décembre 1851 au 22 janvier 1852, puis président du<br />
Corps législatif de 1854 à 1865, année de sa mort.
294 —<br />
488<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône,<br />
le 1"<br />
décembre 1836'.<br />
Je fais des dispositions pour que les troupes venues d'Alger<br />
et d'Oran y rentrent. Je n'attends que le bâtiment pour les<br />
y ramener. Je pense qu'elles seront utiles à Oran, surtout<br />
pour aller à Tlemcen; je ne perds pas un moment pour cela;<br />
J'écris au Préfet maritime pour le presser de m'envoyer<br />
des bâtiments de transport.<br />
(1) Dépêche.télégraphique.
— 295<br />
489<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 2 décembre 1836.<br />
L'expédition de Constantine n'a pas eu un succès complet,<br />
elle s'est transformée en quelque sorte par un événement<br />
extraordinaire en dehors de toute combinaison, en une<br />
véri-
— — 296<br />
telle pour beaucoup de soldats et en engourdit d'autres par<br />
milliers.<br />
Nous n'étions qu'à trois petites lieues de Constantine.<br />
Nous nous mîmes en marche voyant devant nous cette ville.<br />
Après être descendus d'un coteau sur lequel nous étions<br />
campés, nous passâmes l'Oued bou Mezroug extrêmement<br />
grossi qu'il fallut traverser, ayant de l'eau jusqu'à la cein<br />
ture. La neige tombait toujours,<br />
perte d'hommes.<br />
néanmoins on passa sans<br />
A une lieue plus loin, il fallut passer l'Oued Bummel.<br />
Nouvelles peines,<br />
causes de maladies et par suite diminu<br />
tion de combattants; il n'y en avait pas alors quatre mille<br />
sur les sept que j'avais pris.<br />
Nous arrivâmes enfin vers les deux heures sur le plateau<br />
de Mansourah et prîmes position à 120 toises de la place<br />
lorsqu'un coup de canon et le drapeau rouge détruisirent<br />
l'espoir que j'avais d'entrer sans coup<br />
férir. Je vis qu'il<br />
fallait recourir à la force et la force me manquait de plus<br />
en plus, car le temps était horrible, la terre et les hommes<br />
étaient couverts de neige et les voitures disparaissaient et<br />
se fixaient dans la boue.<br />
La ville ne voulant pas se défendre, on y fit entrer par<br />
les portes qun nous ne pouvions pas bloquer des Kabyles;<br />
c'est eux qui prirent de force le point de la défense.<br />
Je fis canonner vivement le deuxième jour pour enfoncer<br />
lu porte du pont d'El-Kantara. On continua le troisième<br />
jour, la porte fut abattue, mais mal; je voulus y loger des<br />
sapeurs et ensuite des compagnies de grenadiers pour entrer<br />
ainsi dans la ville. La tentative ne réussit pas. Dès lors, le<br />
seul parti à prendre était de se retirer puisque nous n'avions<br />
rien pour vivre et que sur nos subsistances prises pour<br />
quinze jours la moitié presque enterrée dans la boue venait<br />
d'être<br />
abandonnée'<br />
à une lieue de Mansourah et pillée en<br />
partie par les soldats qui élnien! charge r!e les défendre.<br />
Nous quittâmes donc notre position de Mansourah à<br />
120 toises de la ville et celle de Coudiat-Ati à la porte du<br />
Sud où était l'avant-garde vers les 8 heures du matin.
— 297 —<br />
Nous fûmes d'abord suivis par quelques centaines d'hom<br />
mes sortis de la place et des cavaliers venant de toutes les<br />
directions. Leur nombre s'éleva à près de deux mille et<br />
diminua les jours suivants et on n'en vit plus après le qua<br />
trième jour à Baz el Akba où, suivant quelques-uns, nous<br />
devions tous trouver la mort. Notre retraite s'est opérée en<br />
bon ordre, le soldat quoique malade a été parfait. Nous<br />
emmenons tous nos canons et je laisse une bonne garni<br />
son, indigène pour la plupart, à Guelma qui est un poste<br />
plus fort que Constantine.<br />
Nos Arabes voient avec plaisir cette disposition, ce sera<br />
une puissance contre une puissance et d'après la disposition<br />
des esprits, je dois croire que celle d'Ahmed tombera devant<br />
celle de notre bey. Dans quelques mois peut-être n'aurons-<br />
nous plus besoin par ce moyen d'expédition pour nous<br />
rendre maîtres de cette ville de Constantine qui est plus<br />
belle, plus grande, plus importante que Bône, Alger et<br />
Oran.<br />
Mgr le duc de Nemours a pris part à tout ce qui s'est fait<br />
dans l'armée de fatigant et de périlleux; il continue à jouir<br />
d'une bonne santé.
298 —<br />
490<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Bône, le 1"<br />
décembre 1836.<br />
J'ai eu l'honneur de vous faire connaître avant le départ<br />
de l'expédition combien j'avais eu de peine à réunir à Bône<br />
les troupes et le matériel que les vents contraires et les tem<br />
pêtes avaient dispersés dans toutes les directions. Tandis<br />
que les soldats embarqués ainsi depuis longtemps souf<br />
fraient beaucoup à bord, des pluies abondantes tombaient à<br />
Bône et les différents corps, à mesure qu'ils arrivaient, ne<br />
pouvaient se refaire des fatigues de la mer. Je laissai dans<br />
les hôpitaux près de r>.ooo hommes sur 7.000 hommes<br />
d'infanterie que j'étais parvenu à réunir.<br />
Le temps s'étant remis au beau le 12 novembre, je quit<br />
tai Bône le i3 et me mis en marche sur Constantine avec<br />
7.000 hommes de toutes armes.<br />
(1) Ce rapport sur l'expédition de Constantine, dû vraisemblable<br />
ment à la plume de Berbrugger, a été inséré dans le Moniteur Uni<br />
versel du 16 décembre 1836. Une relation, d'un ton moins officiel, a<br />
été publiée par le même Berbruggea dans le Moniteur Algérien du<br />
—<br />
24 décembre 1836. V, aussi sur cette expédition : Giiyon (L.-J.-G.),<br />
Journal de l'Expédition de Constantine de novembre 1836. Paris, 1836,<br />
L'expédition de Constantine par un officier de l'armée<br />
in-8", pp. 40. —<br />
[capitaine de La Tour-Dupin], Revue de Paris, 15 janvier 1837, —<br />
Journal de l'expédition et de la retraite d,- Constantine en ,836, par<br />
un officier de l'armée d'Afrique [le capitaine Mollière], Paris, 1837,<br />
— in-8, pp. 91. Watbled : Cirta.-Constatine, expéditions et prise de<br />
Constantine, Revue africaine, 1870, p. 200 et sq., tirage à part, Alger,<br />
1871, pp. 150, et Explications du maréchal Clauzel.
— — 299<br />
L'armée avait à peine établi son premier bivouac à Bou<br />
Afra (i), qu'une pluie des plus abondantes vint<br />
lir et le ruisseau sur les bords duquel nous étions campés<br />
étant devenu promptement un torrent, je ne pus le faire<br />
passer aux troupes qui se trouvaient en deçà de cet obstacle<br />
que le ili à midi. A cette heure, le soleil ayant reparu, nous<br />
fûmes camper à Mouhelfa (2), el le i5, après avoir passé,<br />
non sans les plus grandes difficultés les bagages, le<br />
col de Nouara (3), nous arrivâmes à Guelma (k)<br />
camper l'armée sur la rive gauche de la Seybouse.<br />
nousa<br />
et je fis<br />
Il reste à Guelma de nombreuses ruines de construction<br />
romaine, et notamment l'enceinte de l'ancienne citadelle<br />
est assez bien conservée pour permettre d'y établir en toute<br />
sûreté contre les Arabes un poste militaire. Je profitai de<br />
cette facilité pour y laisser, sous une garde convenable,<br />
environ 200 hommes que la route que nous avions parcou<br />
rue avait déjà fatigués et qui n'auraient pu suivre jusqu'à<br />
Constantine.<br />
Le temps continuait à être favorable, nous reprîmes<br />
notre route le 16 au point du jour et nous nous arrêtâmes<br />
de bonne heure à Medjez Amar (5), où,<br />
Seybouse,<br />
pour traverser la<br />
nous rencontrâmes de grandes difficultés. Les<br />
rives étant très escarpées, les troupes du génie passèrent la<br />
nuit à établir les rampes et débarrasser le gué encombré de<br />
pierres énormes.<br />
Le 17,<br />
je fis effectuer le passage qui dura très longtemps<br />
et nous atteignîmes, sur les k heures après-midi, la fameuse<br />
(1) Bou Harla, à 25 km. S. du camp de Dréan, situé à 20 km. S.-S.-O.<br />
de Bône.<br />
(2) L'Oued Mouhelfa passe à Nechmeya.<br />
(3) Djebel Aouara (932 m. d'alt.), à 10 km. g. de-Nechmeya, à 53 km.<br />
S.-S-O. de Bône.<br />
(4) Guelma, à 88 km. S.-S.-O. de Bône et 131 km. N.-N.-E. de Cons<br />
tantine (Calama romaine). Le camp qu'y établit le maréchal Clauzel,<br />
à son retour de Constantine, fut l'origine de la ville actuelle, chef-<br />
lieu d'arrondissement.<br />
(5) Medjez-Amar (le Gué rouge), sur la Seybouse, à 100 km. S.-S.-O.<br />
de Bône et 118 kil. E. de Constantine.
montée de la 10"<br />
(i),<br />
— — 300<br />
au haut de laquelle on passe le col du<br />
Baz-el-Akba, nommé par les Arabes le coupe-gorge.<br />
Une foule de ruines que l'on rencontre sur tous les ma<br />
melons attestent que les Bomlains avaient :consferuît ,de<br />
demi-lieue en demi-lieue des tours et des forts pour rester<br />
entièrement maîtres de ce point militaire. Une partie de<br />
ces ruines donne également à supposer que beaucoup de<br />
grands personnages de Borne avaient construit de vastes et<br />
beaux palais dans ce pays si pittoresque.<br />
Ce passage avait toujours été signalé comme si difficile<br />
que les Arabes étaient convaincus que je ne pourrais le<br />
franchir avec le matériel de l'armée. Je fis reconnaître la<br />
montagne et les gorges par plusieurs officiers. Je restai<br />
moi-même à cheval pendant six heures pour me rendre<br />
compte des nombreuses difficultés qui se présentaient et<br />
tandis que l'armée passait la nuit au pied de la montagne,<br />
à Akbet-el-Achair (2), les troupes du génie aidées de nom<br />
breux travailleurs entreprirent le tracé d'une route qui fut<br />
parfaitement dirigé et par laquelle tout mon convoi parvint<br />
le 18 à 6 heures du soir au col qui fut ainsi franchi sans<br />
perte d'aucune partie du matériel de l'armée.<br />
Le même jour 18 novembre, les troupes campèrent chez<br />
les Ouled-Zenati (3),<br />
une lieue au delà du Bas-el-Akba.<br />
Jusque-là, tandis que le temps nous était favorable, nous<br />
marchions au milieu d'une population amie et pacifique.<br />
(1) De la 10e légion romaine.<br />
(8) Le 17, nous nous trouvions auprès de la montagne que les<br />
Arabes appellent Djibel el Sada (montagne du bonheur) et que les<br />
Français nomment Ras el AHba (tête de la montée) bien qu'à la<br />
rigueur cette dénomination n'appartienne qu'au point culminant de<br />
la montagne. La montée a aussi un nom particulier qui est Akbel el<br />
Achari (montée de la dixième) ... Moniteur Algérien du 24 décem<br />
bre 1836.<br />
(3) Le rapport désigne ainsi le pays traversé par l'Oued Zenati,<br />
qui naît à 25 kil. E.-S.-E. de Constantine et passe à Hammam-Meskoutine,<br />
sous le nom d'Oued Bou Hamdan. Sa réunion à l'Oued Cherf<br />
forme la Seybouse. Oued Zenati, com. de pi. exercice et chef-lieu de<br />
canton à 50 kil. E. de Constantine.
— — 301<br />
Les Arabes labouraient leurs champs et les troupeaux nom<br />
breux autour de nous se trouvaient quelquefois sur le che<br />
min même que nous parcourrions; Nous n'étions plus qu'à<br />
deux marches de Constantine.<br />
Le 19, nous campâmes à Baz-oued-Zenati et ce fut là que<br />
commencèrent pour l'armée des souffrances inouïes et les<br />
mécomptes les plus cruels.<br />
Nous étions parvenus dans des régions très élevées. Pen<br />
dant la nuit, la pluie, la neige et la grêle tombèrent avec<br />
tant d'abondance et de continuité que nous fûmes exposés<br />
à toutes les rigueurs d'un hiver de Saint-Pétersbourg, en<br />
même temps que les terres entièrement défoncées représen<br />
taient aux vieux officiers les boues de Varsovie.<br />
Nous apercevions Constantine et déjà nous désespérions<br />
d'arriver jusque sous ses murs.<br />
Nous nous mîmes toutefois en marche le 20 et l'armée<br />
parvint, à l'exception des bagages et d'une arrière-garde,<br />
au monument de Constantine (1) l'on fut obligé de s'arrêter.<br />
Le froid devint excessif; beaucoup<br />
d'hommes eurent les<br />
pieds gelés; beaucoup d'autres périrent pendant la nuit, car<br />
depuis Bas-el-Akba on ne trouve plus de bois.<br />
Enfin les bagages,<br />
sur lesquels on doublait et triplait les<br />
attelages nous ayant ralliés, nous franchîmes le 21<br />
Bou- le<br />
l'un des affluents de l'oued Bummel (3). Gros<br />
Mezroug (a),<br />
sie par les torrents, cette rivière avait beaucoup<br />
débordé :<br />
les hommes avaient de l'eau jusqu'à la ceinture et plusieurs<br />
auraient péri sans le dévouement des cavaliers qui cou<br />
raient eux-mêmes de grands dangers en cherchant à les<br />
sauver. Plusieurs chevaux des transports furent noyés dans<br />
(1) Il s'agit vraisemblablement du mausolée gréco-punique qui<br />
s'élève sur le plateau de Souma, à 15 kil. S. de Constantine.<br />
(2) Bou Merzoug naît à 35 kil. S. de Constantine et se jette dans<br />
le Rummel un peu au-dessus de cette ville.<br />
naît à 35 kil. E.-N.-E. de Sétif, dans les monts<br />
(3) Rummel, Roumel,<br />
Ferdjioua, passe au pied de Constantine et se jette dans la Méditer<br />
ranée sous le nom d'Oued el Kébir, à 45 kil. E. de Djidjelh.
".".;/,*<br />
— — 302<br />
celte circonstance difficile, mais enfin l'armée entière attei<br />
gnît l'autre bord et quelques heures après, nous prenions<br />
position sous les murs de Constantine. Les bagageis de l'ad<br />
ministration étaient toutefois restés à une demi-lieue en<br />
arrière,<br />
enfoncés dans la boue et faisant tous les efforts<br />
possibles pour rejoindre l'armée.<br />
La position de Constantine est admirable et sur tous les<br />
points à l'exception d'un seul, elle est défendue merveilleu<br />
sement par la nature même. Un ravin de 60 mètres de lar<br />
geur d'une immense profondeur et au fond duquel coule<br />
l'oued Bummel,<br />
présente pour escarpe et contre-escarpe un<br />
roc taillé à pic, inattaquable par la mine comme par le<br />
boulet. Le plateau de Mansoura (1)<br />
communique avec la<br />
ville par un pont très étrqit, aboutissant à une double<br />
porte très forte et bien défendue par les feux de mousque-<br />
terie des maisons et des jardins qui l'avoisinent.<br />
Dans les circonstances où nous nous trouvions, je n'avais<br />
pas le loisir d'investir convenablement la place devant la<br />
quelle je m'établis avec les troupes du général Trézel sur<br />
le plateau de Mansoura. J'avais dirigé la brigade d'avant-<br />
garde sur les mamelons de Coudiat-Ati, avec l'ordre de s'en<br />
emparer, d'occuper les marabouts et les cimetières en face<br />
la porte Er-Bachbah (2) et de la bloquer immédiatement.<br />
Il était facile au premier coup d'œil de reconnaître que<br />
c'était sur ce point que la ville devait être attaquée, mais<br />
il était aussi de toute impossiblité d'y conduire l'artillerie<br />
de campagne qui déjà,<br />
sur le plateau de Mansoura, s'en<br />
fonçait en place jusqu'aux moyeux des roues. Le colonel<br />
Tournemire (3)<br />
position deux pièces de 8.<br />
ne put parvenir à faire porter sur l'autre<br />
(1) Le plateau de Mansoura est situé à l'E. de Constantine, au delà<br />
de RhUmmel, au S. du quartier d'El Kantara.<br />
Porte du marché aux .(2) grains.<br />
(3) Vacher baron de Tournemire (Bernard), né à Aurillac (Cantal),<br />
le 10 octobre 1788. Elève à l'Ecole Spéciale militaire, 12 décembre 1804;<br />
renvoyé par décision impériale du 20 août 1805; enrôlé -au 4e régi<br />
ment d'artillerie de marine, 4 septembre 1805; incorporé et aspirant,<br />
17 septembre 1805; artificier, 22 décembre 1805; passé au 2" régiment,
— — 303<br />
C'est alors que commencèrent les hostilités. Elles nous<br />
furent annoncées par deux coups de canon de 24 pointés<br />
conta nos piècçs et par le drapeau rouge des Arabes arboré<br />
sur la principale batterie de la place.<br />
Le bey<br />
Ahmed avait craint de s'enfermer dans Constan<br />
tine; il en avait confié la défense à son lieutenant Ben-Aïssa<br />
et comme il ne pouvait compter sur les habitants, il avait<br />
introduit dans la ville une garnison de 12 à i.5oo Turcs<br />
et Kabyles, bien déterminés à la défendre.<br />
La brigade d'avant-garde, après avoir traversé l'oued<br />
Bummel, se porta sur les hauteurs qui défendues par les<br />
25 mars 1806; lieutenant en second, 1er juin 1807; lieutenant en 1CT,<br />
17 février 1811; adjudant-major, lor février 1813; capitaine en second,<br />
20 avril 1813; passé dans l'artillerie à pied de la Jeune Garde impé<br />
riale, 16 juin 1813; capitaine en 1er, 6 décembre 1813; brigadier d'artil<br />
lerie dans les Gardes du Corps du Roi (compagnie écossaise), 23 août<br />
1814; 3 obtenu le brsvet honorifique du grade de chef d'escadron,<br />
12 novembre 1814; capitaine en 1er dans l'artillefie à cheval de la<br />
Garde royale, 20 septembre 1815; breveté chef d'escadron dans la<br />
ligne, 5 novembre 1816; chef de bataillon dans la Garde royale,<br />
16 mars 1820, rang de lieutenant-colonel, 25 octobre 1820; chef d'esca<br />
dron au régiment d'artillerie à cheval de_ la Garde royale, 9 avril<br />
1823: lieutenant-colonel et classé dans l'artillerie de la ligne, 7 juil<br />
let 1824; placé au 4e régiment à cheval, 24 juillet 1824; admis dans<br />
l'artillerie de la Garde royale et nommé lieutenant-colonel du régi<br />
ment à cheval (rang de colonel), 2 février 1826; nommé colonel et<br />
mis en solde de congé, 11 août 1830; colonel du 11e régiment d'artille<br />
rie, 23 décembre 1830; classé à l'Etat-Major particulier et nommé<br />
directeur d'artillerie à Alger et commandant supérieur des troupes<br />
d'artillerie en Algérie, 30 janvier 1836; inspecteur général pour 1836<br />
du personnel et des troupes d'artillerie en Algérie, 22 juin 1836; chef<br />
d'Etat-Major de l'artillerie du corps expéditionnaire de Constantine,<br />
3 août 1837; commandant l'artillerie de l'armée d'Afrique, octobre<br />
1837; maréchal de camp. 11 novembre 1837; inspecteur général des<br />
troupes et du matériel de l'artillerie en Algérie, 21 novembre 1637;<br />
commandant l'école d'artillerie à Douai, 28 mai 1838; à Rennes,<br />
22 mars 1841; membre du Comité d'artillerie, 29 juin 1846; comman<br />
dant l'artillerie dans les lre et 14e divisions militaires, 23 mars 1848;<br />
inspecteur général du 1er arrondissement d'artillerie, 5 mai 1848;<br />
commandant du fort de Vincennes et l'artillerie de la lre division<br />
militaire, 6 juin 1848; général de division, 7 décembre 1848; membre<br />
du Comité de l'artillerie, 7 janvier 1849; inspecteur général<br />
(1849-<br />
1853); passé dans la Section de réserve, 11 octobre 1853; décédé à<br />
Saint-Germain-en-Laye, 28 février 1860. — Chevalier de la Légion<br />
d'honneur, 14 septembre 1813; grand officier, 10 août 1853. Chevalier<br />
de Saint-Louis, 17 août 1822.
— 304 —<br />
Kabyles sortis en grand nombre de la place, furent suc<br />
cessivement et bravement enlevées par nos troupes. Elles<br />
s'y établirent sous le canon des Arabes, tandis que, de mon<br />
côté, je disposais mon artillerie dont je fis diriger le feu<br />
contre la porte d'El-Kantara pendant toute la journée du<br />
22. Durant cette journée aussi, la brigade d'avant-garde<br />
soutint un combat brillant contre les Arabes réunis à l'in<br />
fanterie turque sortie par celle des portes que nous ne pou<br />
vions bloquer,<br />
sous les armes.<br />
puisque nous n'avions plus 3.ooo hommes<br />
J'envoyai des chevaux de renfort aux prolonges de l'ad<br />
ministration qui, malgré cela, ne purent être tirées des<br />
bourbiers dans lesquels elles se trouvaient enfoncées.<br />
M. l'Intendant militaire m'ayant alors proposé de faire par<br />
tir des mulets pour aller prendre le chargement de ces voi<br />
tures, j'ordonnai cette disposition,<br />
mais elle ne put avoir<br />
son effet car au moment même où le convoi partait sous<br />
l'escorte d'un demi-bataillon,<br />
62e<br />
on apprit qu'une partie du<br />
régiment qui accompagnait et défendait les prolonges,<br />
voyant qu'elles ne pouvaient être emmenées et malgré les<br />
efforts du colonel, avait pillé les vivres, défoncé les ton<br />
neaux de vin et d'eau-de-vie et venait ainsi de nous priver<br />
d'une partie de nos ressources.<br />
Le temps continuait à être affreux, la neige tombait à<br />
gros flocons,<br />
le froid était excessif.<br />
Il me fallait essayer d'enlever la place de vive force et si<br />
je ne réussissais pas, ne pas attendre davantage pour rame<br />
ner l'armée.<br />
La première porte que l'artillerie avait battue était enfon<br />
cée et si le génie parvenait à faire sauter la seconde, on<br />
pouvait espérer pénétrer dans la ville.<br />
J'ordonnai des dispositions pour le logement des sapeurs<br />
et des compagnies qui devaient les suivre.<br />
Le génie qui était resté en arrière avec une partie de ses<br />
voitures étant arrivé à 8 heures du soir, je<br />
prescrivis au<br />
colonel Lemercier de tout préparer pour reconnaître le soir<br />
même l'état de la porte d'El-Kantara, faire sauter ce qui
— — 305<br />
restait encore debout et frayer un passage à cinq compa<br />
gnies d'élite des 63e et 5c/ régiments, que je mis sous les<br />
ordres du commandant de Bancé, mon aide de camp.<br />
Ces dispositions ne. reçurent de la part des troupes du<br />
génie qu'une lente exécution ; elles étaient exténuées de<br />
fatigue, venant de passer 36 heures dans la boue, sans feu<br />
et sans repos. On ne reconnut la porte que peu de temps<br />
avant le jour,<br />
et le génie déclara qu'il lui fallait la journée<br />
du lendemain pour faire les préparatifs que nécessitent<br />
l'opération.<br />
Le 23,<br />
tandis que l'artillerie continuait à battre la ville,<br />
la brigade d'avant-garde fut vivement attaquée. Elle cul<br />
buta l'ennemi sur tous les points, et la cavalerie tua et<br />
sabra une grande partie de l'infanterie turque du bey. Ce<br />
fut le chef d'escadron de qui Thorigny dirigea cette charge<br />
de la manière la plus brillante et durant tout le cours de<br />
la campagne il n'a cessé de donner des preuves de valeur<br />
et de sang-froid. De notre côté,<br />
nous fûmes également atta<br />
qués et le général Trézel fit repousser vivement les Arabes<br />
par le 5g6<br />
régiment de ligne qui couvrait le quartier géné<br />
ral.<br />
Dans l'espoir de détourner l'attention de la garnison et<br />
d'effrayer les habitants,<br />
j'ordonnai pour la nuit deux atta<br />
ques simultanées : l'une contre, la porte d'El-Kantara devait<br />
être dirigée par le colonel Lemercier; l'autre du côté de Kou-<br />
diat-Ati devait être tentée par les troupes d'avant-garde.<br />
Le général Trézel,<br />
lui-même les troupes du 5g6<br />
aussitôt que la nuit fut venue, plaça<br />
et du 63e qui devaient seconder<br />
le corps du génie. Le colonel Lemercier fit avancer ses<br />
hommes et son matériel sous les ordres du commandant<br />
Morin (i) et des capitaines Hackett (2) et Buy<br />
(3). La garni-<br />
(1) morin (Nicolas), né à Rouen, le 12 mai 793 Elève ,1 Ecole<br />
Polytechnique. Elève sous-lieutenant à l'Ecole d'application de Metz,<br />
1« octobre 1812; lieutenant en 2e détaché à Graves, 1« novembie 1813;<br />
à Bois-le-Duc, 10 décembre 1813; lieutenant en 1", 4 août 1814 au<br />
2»<br />
régiment de génie à l'armée du Rhin, 17 avril 1815; licencié<br />
20
306<br />
son commença aussitôt le feu le plus nourri et le plus sou<br />
tenu. Un ordre mal à propos de faire avancer la compagnie<br />
franche de Bougie qui faisait tête de colonne mit le désordre<br />
1er<br />
octobre 1815; affecté à la Compagnie de sapeurs à Rouen, 9 jan<br />
vier 1816; détaché à Belfort, 18 juin 1816;<br />
l8r<br />
employé à Fort-1'Ecluse,<br />
6 mars 1817; capitaine en second, lévrier 1818; détaché à Toulon,<br />
15 avril 1818; à Entrevaux, 4 juin 1€18; à Toulon, 1er janvier 1819; à<br />
l
— — 307<br />
dans le travail commencé des sapeurs. Nous eûmes beau<br />
coup de monde mis hors de combat; les hommes qui por<br />
taient les échelles furent tués ou blessés; le capitaine du<br />
génie Buy eut la jambe et le poignet fracassés; enfin le<br />
général Trézel qui se tenait au plus fort du feu pour dis<br />
poser et encourager les troupes, fut renversé par un coup<br />
de feu au travers du col. Le colonel Lemercier déclara<br />
qu'il fallait renoncer à l'attaque et faire retirer les troupes,<br />
ce que j'ordonnai immédiatement.<br />
L'attaque sur Koudiat-Ati fut également infructueuse. De<br />
braves officiers y trouvèrent une mort glorieuse, entre<br />
autres le capitaine du génie Grand (i),<br />
officier de la plus<br />
grande espérance, et le commandant Bichepance. Le lieute<br />
nant-colonel Duvivier donna dans cette circonstance de<br />
nouvelles preuves de bravoure et d'habileté. Le lieutenant<br />
d'artillerie Bertrand (2), qui fut blessé,<br />
et une énergie dignes des plus grands éloges.<br />
Ces tentatives,<br />
montra une valeur<br />
qu'il était de notre honneur de faire avant<br />
de partir ayant échoué, je songeai à profiter du reste de la<br />
nuit pour réunir l'armée el tout disposer pour la mettre en<br />
marche. J'envoyai le commandant de Bancé à la brigade<br />
(1) Grand (Eugène-Emile-Frédéric), né à Rodez (Aveyron), le 25 rév.<br />
1809. Elève à l'Ecole Polytechnique, 18 novembre 1826; élève souslieùtenant<br />
du Génie (Ecole d'application de Metz), 29 novembre 1828;<br />
sousdieutenant faisant fonctions de lieutenant au 36 régiment du<br />
génie, 12 janvier 1831; lieutenant en lor (attaché à l'Ètat-Major parti<br />
culier), 20 mai 1832; capitaine de 2e classe, 5 juin 1834; mort des suites<br />
de blessures au bivouac de l'Oued Zenati, dans la nuit du 25 au<br />
— 26 novembre 1836. Chevalier de la Légion d'honneur, 30 avril 1835.<br />
(2) Bertrand (Napoléon-Joseph-Henry), né à Paris le 18 novembre<br />
1810. Elève à l'Ecole Spéciale militaire de Saint-Cyr, 12 décembre<br />
1829; passé en Afrique, 2 août 1830; sous-lieutenant au 48e régiment<br />
d'infanterie de ligne, 26 décembre 1830; sous-lieutenant à l'Ecole<br />
d'Etat-Major, 24 février 1831; passé au 6e régiment de lanciers, 27 mai<br />
1833; lieutenant, 25 avril 1835; passé au 2e régiment de chasseurs<br />
d'Afrique, 28 mai 1836; passé aux spahis réguliers d'Oran, 15 avril<br />
1837; capitaine commandant, 30 mai 1837; passé au corps de cavalerie<br />
indigène (escadrons d'Oran), 17 juillet 1842; mis en non activité,<br />
— 23 octobre 1842; rayé des contrôles, 28 janvier 1843. Chevalier de<br />
la Légion d'honneur, 30 août 1836.
— — 30»<br />
d'avant-garde pour lui donner l'ordre de lever son camp<br />
sur le champ, de repasser avant le jour l'oued Bummel afin<br />
de se placer sur la position que j'occupais.<br />
Cette marche ayant été promptement et heureusement<br />
faite, j'indiquai l'ordre dans lequel devaient se placer les<br />
différents corps, et l'armée étant ébranlée avec tous les<br />
bagages et toute l'artillerie,<br />
nous fûmes camper à Souma.<br />
Celte première journée de retraite fut très difficile; la gar<br />
nison entière et un grand nombre de cavaliers arabes nous<br />
attaquant avec tiharnement, surtout à l'arrière-garde. MUs<br />
le 63e 2"<br />
régiment et le bataillon du léger du commandant<br />
Changarnier (1), soutenus par les chasseurs à cheval d'Afri<br />
que, repoussèrent brillamment toutes les attaques, tuèrent<br />
beaucoup de monde à l'ennemi et le continrent constam<br />
ment.<br />
(1)<br />
Changarnier (Nicolas-Anne-Théodule), né à Autun (Saône-et-<br />
Loire), le 26 avril 1793. Garde du Corps du Roi (lieutenant)' dans la<br />
compagnie de Wagram, 10 janvier 1815; lieutenant à la Légion dé<br />
partementale de l'Yonne, 30 novembre 1815; passé au lor régiment<br />
d'infanterie de la Garde Royale, 9 octobre 1825; capitaine au 2e régi<br />
ment d'infanterie légère,, 28 décembre 1828; chef de bataillon, 31 dé<br />
cembre 1835; lieutenant-colonel au 10e régiment d'infanterie de ligne,<br />
5 janvier 1837; passé au 2e régiment d'infanterie légère, 15 janvier<br />
1837; colonel, 27 août 1839; maréchal de camp mis à la disposition du<br />
Gouvernement général de l'Algérie. 2t juin 1840; commandant les<br />
provinces de Miliana et de Médéa, 17 juillet 1842; lieutenant-général<br />
commandant la division de Titteri et de Miliana, 9 avril 1843- ins<br />
pecteur général (1843-1847); commandant la division d'Alger, 6'octobre<br />
1847); gouverneur général de l'Algérie par intérim, 3 mars 1848;<br />
gouverneur général de l'Algérie, 29 avril 1848; commandant en chef<br />
les Gardes nationales de la Seine, les palais des Tuileries et du<br />
Louvre, 29 juin 1848; mis à la disposition du Ministre de l'Intérieur<br />
et maintenu dans son commandement, 19 juillet 1848; commandant<br />
en chef les Gardes nationales de lu. Seine et de la lre division mili<br />
taire, 20 décembre 1848; cesse de commander les Gardes nationales,<br />
maintenu commandant en chef des troupes de toutes armes station<br />
nées dans la 1« division militaire, 19 mai 1849; commandant supé<br />
rieur des Gardes nationales de la Seine et des troupes stationnées<br />
flans la V division militaire, 13 juin 1849; cesse ses fonctions, 9 jan<br />
vier 1851; admis à faire valoir ses droits à la retraite, 4 août 1852;<br />
décédé à Paris, 14 — février 1879. Chevalier de la Légion d'honneur,<br />
lBr<br />
novembre 1823; grand croix, 20 avril 1871
— — 309<br />
Dans un moment si grave et si difficile, M. le comman<br />
dant Changarnier s'est couvert de gloire el s'est attiré les<br />
regards et l'estime de toute l'armée. Presque entouré par<br />
les Arabes, chargé vigoureusement el perdant beaucoup de<br />
monde, il sut inspirer une telle confiance à son bataillon<br />
formé en carré qu'au moment où il était si vivement assailli<br />
il fil pousser à sa troupe deux cris de : « Vive le Boi ! » et<br />
les Arabes intimidés ayant fait demi-tour à vingt pas du<br />
bataillon,<br />
un feu de deux rangs à bout portant couvrit<br />
d'hommes et de chevaux trois faces du carré. Le capitaine<br />
Mollière (i), mon officier d'ordonnance, chargé en cet ins<br />
tant critique de porter un ordre au commandant Changar<br />
nier, se trouva au nombre de ces braves et eut part à cette<br />
noble résistance. Pendant toute la journée et celles qui sui<br />
virent, le bataillon du<br />
2B<br />
léger servit à l'arrière-garde avec<br />
la même distinction et fui vaillamment imité, notam<br />
ment au passage de la Seybouse, à Madjez-el-Amar,<br />
par le<br />
(1) Mollière (Pierre-Jean-Alexandre), né à Orléans, le 26 mai 1800.<br />
Entré au service de la Grèce en qualité de sous-lieutenant à la Com<br />
pagnie Sacrée (officiers philbellènes), en août 1825; lieutenant en<br />
janvier 1827; officier d'ordonnance du général Fabrier, novembre<br />
1827; capitaine, 3 avril 1829; placé au 3e bataillon d'infanterie régu<br />
lière, 18 avril 1829; aide de camp du général Trézel, commandant en<br />
chef des troupes régulières, juillet 1829; chef de bataillon, chef d'Etat-<br />
Major des troupes régulières, 28 novembre 1829; rentré en France<br />
en congé le 6 septembre 1830; admis au service de la France en qua<br />
lité de lieutenant au 6° régiment d'infanterie légère, 10 mars 1831;<br />
passé au lor bataillon d'infanterie légère d'Afrique, 3 juillet 1832;<br />
officier d'ordonnance du général Trézel, 4 février 1833; capitaine au<br />
corps des zouaves, 31 décembre 1833; commandant du bataillon pro<br />
visoire turc, 10 août 1838; chef de bataillon au 23e régiment d'infante<br />
rie de ligne, 13 février 1839; lieutenant-colonel au 24e régiment de<br />
rie de ligne, 13 février 1839; lieutenant-colonel au 24e régiment d'in<br />
fanterie légère, 27 février 1841; colonel du 21e régiment d'infanterie<br />
légère, 16 février 1845; passé au 13°, 23 février 1845; général de- bri<br />
gade, 17 août 1848; commandant une brigade active réunie à Mar<br />
seille, 31 août 1848; commandant la lre brigade de la lre division du<br />
ccrps expéditionnaire de la Méditerranée, 15 avril 1849; disponible,<br />
23 décembre 1849; commandant une brigade d'infanterie de la<br />
Ve<br />
division active à Paris, 13 juin 1850; décédé à Paris, 6 juillet 1850.<br />
—<br />
Chevalier de la Légion d'honneur, 14 novembre 1833; commandeur,<br />
30 juin 1849.
— — 310<br />
lieutenant-colonel. Duvivier, commandant le bataillon<br />
d'Afrique et la compagnie franche de Bougie.<br />
Le 25 nous fûmes camper à Oued-Talaga, repoussant tou<br />
jours avec succès les attaques réitérées des Arabes.<br />
Le 26 l'armée coucha à Sidi-Tamtam (1), et déjà nous<br />
nous aperçûmes que le nombre des ennemis avait considé<br />
rablement diminué. Au moment où nous quittâmes ce<br />
bivouac, les Arabes et les Kabyles s'étant comme d'ordi<br />
naire précipités sur l'arrière-garde dans l'espoir de lui faire<br />
abandonner quelques bagages ou quelques blessés, trois es<br />
cadrons des chasseurs d'Afrique exécutèrent une charge<br />
brillante à laquelle prirent part, avec distinction, le capi<br />
taine de la Tour-Dupin, mon aide de camp, et les lieute<br />
nants de Drée (2) et Baichis, mes officiers d'ordonnance. Le<br />
capitaine de chasseurs Morris (3), commandant l'un des<br />
(1) Le marabout de Sidi Tamtan, sur la rive gauche de l'Oued<br />
Zenati, à 6 kil. S.-S.-O. de Ras el Akba.<br />
(2) Le lieutenant de Drée venait d'être nommé capitaine au 3» chas<br />
seurs d'Afrique le 12 novembre 1836.<br />
(3) Morris (Louis-Michel), né à Croisset-les-Canteleu (Seine-Inf.),<br />
le 27 septembre 1803. Elève à l'Ecole Spéciale militaire, 8 novembre<br />
1821; sous-lieutenant de cavalerie, l8r octobre 1823; affecté au régiment<br />
de chasseurs à cheval de la Vienne (devenu 11e régiment de dra<br />
gons), 15 octobre 1823; détaché à l'Ecole d'application de cavalerie,<br />
9 février 1824; détaché à nouveau à l'Ecole de cavalerie, 15 mars 1825;<br />
rentré au corps, lar novembre 1825; lieutenant, 4 juillet 1830; capitaine<br />
au 3" régiment de chasseurs d'Afrique, 18 décembre 1832; rapporteur<br />
au 28 conseil de guerre séant à Bône, 10 novembre 1833; désigné pour<br />
être, employé au service spécial de la remonte, décembre 1839; chef<br />
d'escadron au 1er régiment de chasseurs d'Afrique, 11 novembre 1837;<br />
lieutenant-colonel du 3° régiment, 21 juin 1840; passé au 4e régi<br />
ment de hussards, 11 décembre 1840; passé au 4e régiment de chas<br />
seurs d'Afrique, 9 mai 1841; commandant supérieur de BoufarlK,<br />
14 novembre 1841; colonel du 1er régiment de chasseurs d'Afrique,<br />
6 août 1843; passé au 2e régiment, 7 août 1843; maréchal de camp,<br />
3 novembre 1847; commandant p. i. la subdivision de Miliana, 12 mars<br />
1848; la subdivision d'Oran, 7 avril 1848; la 3" subdivision de la 5e di<br />
vision militaire à Chalon-sur-Saône, 31 octobre 1848; commandant<br />
une brigade de cavalerie du corps expéditionnaire de la Méditerra<br />
née, 14' mai 1849; commandant la colonne mobile chargée du rétablis<br />
sement de l'ordre dans la province de Viterbe, 6 juillet 1849; gouver<br />
neur provisoire de la dite province, 15 juillet 1849; commandant la<br />
subdivision de Viterbe, 28 juillet 1849; commandant p. i. la 1 divi<br />
sion du corps expéditionnaire dé la Méditerranée 10 octobre 1849;
— - 311<br />
escadrons et qui s'était déjà fait remarquer, laissa la moitié<br />
de la lame de son sabre dans le corps d'un Arabe.<br />
Le 27, nous avions à passer le défilé difficile qui conduit<br />
au col de Bas-el-Akba. J'ordonnai au commandant de Rancé<br />
d'ouvrir la marche à la tête de deux escadrons. Cette cava<br />
lerie s'acquitta vigoureusement de cette mission difficile,<br />
couronnant les crêtes de mamelon en mamelon et repous<br />
sant ou contenant à distance la cavalerie arabe. Nous repas<br />
sâmes enfin le col de Ras-el-Akba. Les Arabes cessèrent à<br />
ce point de nous suivre et ne leparurent plus. Les Kabvles<br />
ayant, essayé de nous fermer ce passage furent chargés du<br />
haut du col par les spahis et grand nombre d'entre eux<br />
restèrent sur la place. Débusqués ensuite par l'infanterie<br />
des bois où ils avaient pris position à droite et à gauche du<br />
chemin que nous avions tracé, ils furent contraints à une<br />
retraite précipitée. Dans cette circonstance, le capitaine<br />
Mac-Mahon (1), aide de camp de Son Altesse Royale, les<br />
lieutenants Baichis et Bertrand, mes officiers d'ordonnance,<br />
inspecteur général (1850-1851); mis à la disposition du général Hec-<br />
quet, commandant la 7e division militaire, pour réprimer les mouve<br />
ment insurectionnels dans les Basses-Alpes et commandant l'état de<br />
siège dans ce département, '5 décembre 1851; général de division,<br />
22 décembre 185.; commandant la division de cavalerie de l'armée de<br />
Lyon, 30 décembre 1851; inspecteur général (1852-53); membre adjoint<br />
du Comité de cavalerie, 19 décembre 1853; commandant la division de<br />
avril1<br />
cavalerie de l'armée d'Orient, 22 1854; chargé provisoirement<br />
du commandement en chef de l'armée d'Orient, en l'absence du géné<br />
ral en chef en tournée du 4 au 22 juin 1854; inspecteur général pour<br />
1854; commandant la lre division de cavalerie de l'armée d'Orient,<br />
21 mars 1855; réunit à ce commandement celui de la ligne de la<br />
Tchernaïa, 30 mai 1855; commandant la division de cavalerie de la<br />
Garde Impériale, 19 avril 1856; inspecteur général (1856-1862); com<br />
mandant la cavalerie régulière et les établissements hippiques de<br />
l'Algérie, 9 janvier 1863; inspecteur général (1863-1864); gouverneur<br />
général de l'Algérie p. i. du 3 au 25 juillet 1864; inspecteur général<br />
Chevalier de la<br />
(1865-1867); décédé à Mostaganem le 7 juin 1867. —<br />
Légion d'honneur, 14 novembre 1833; grand officier, 29 décembre 1854.<br />
(1) Mac-Mahon (Marie-Edme-Patrice-Maurice), duc de Magenta, né<br />
à Sully (Saône-et-Loire) , le 13 juin 1808. Elève à l'Ecole Spéciale mi<br />
litaire, 23 octobre 1825;<br />
sous-lieutenant élève à l'Ecole d'application<br />
lor 4e d'Etat-Major, octobre 1827; détaché au régiment de hussards,<br />
1er 20= janvier 1830; passé au régiment d'infanterie de ligne, 2 avril<br />
1830; officier d'ordonnance du général Berthezène en 1830; lieutenant<br />
au 20e de ligne, 20 avril 1831; au corps d'Etat-Major, 25 septembre
312 —<br />
se conduisirent vaillamment : le dernier eut son<br />
tué à bout portant. Nous campâmes au pied de la montée<br />
de la 10",<br />
sur la rive droite de la Seybouse.<br />
1831; aide-major au 8e cuirassiers, 29 septembre 1831; aide de camp du<br />
général Achard, 16 janvier 1832; aide-major au 1er régiment de cui<br />
cheval'<br />
rassiers, 15 mars 1833; capitaine 20 décembre 1833; aide de camp du<br />
général de Bellair, commandant le département des Deux-Sèvres,<br />
6 août 1835; détaché à l'Etat-Major du camp de Compiègne, 28 juil<br />
let 1836; aide de camp du général Bro, commandant une brigade à<br />
Alger, 18 octobre 1836; du général Damrémont, gouverneur général<br />
de l'Algérie, 5 septembre 1837; disponible, 24 janvier 1838^. employé à<br />
l'Etat-Major de la 21e division militaire et de la division active des<br />
Pyrénées-Orientales, 17 février 1838; employé à l'Etat-Major de la<br />
place de Paris, 1er décembre 1838; détaché au bataillon provisoire des<br />
chasseurs à pied en organisation à Vincennes, 8 mars 1839; aide de<br />
camp du général d'Houdetot, mis à la disposition du Gouverneur<br />
général de l'Algérie 18 décembre. 1839; aide de camp du général Chan<br />
garnier, 12 juillet 1840; désigné pour passer au 2G bureau de chasseurs<br />
à pied, 30 septembre 1840; chef d'escadron au Corps d'Etat-Ma]ot,<br />
28 octobre 1840; chef de bataillon, commandant le 10e de chasseurs à<br />
pied. 30 octobre 1840: lieutenant-colonel du 2e régiment de la Légion<br />
Etrangère, 31 décembre 1842; colonel du 41° régiment d'infanterie de<br />
ligne, 24 avril 1845; passé au 9e de ligne, 20 septembre 1847; comman<br />
dant p. i. la subdivision de Tlemcen, 28 mars 1848; général de bri-<br />
gnde, 12 juin 1848; commandant n. i. la province d'Oran, 19 février<br />
1850; commandant la division de Constantine, 17 mars 1852; inspecteur<br />
général (1852-1854); commandant la lro division d'infanterie du 1er<br />
corps de l'armée du Nord, 13 avril 1855; commandant la 1 division<br />
d'infanterie du 2e corps de l'armée d'Orient, 19 septembre 1855; séna<br />
teur, 24 juin 1856; disponible, 1er août 1856; commandant une divi<br />
sion active en Algérie, 13 avril 1857: inspecteur général en 1858;<br />
commandant supérieur des forces de terre et de mer employées en<br />
Algérie. 31 août 1858; commandant le 2" corps de l'armée des Alpes<br />
(devenue armée d'Italie). 22 avril 1859: maréchal de France, 5 juin<br />
1859; commandant supérieur du 2° arrondissement militaire à Lille.<br />
17 août 1859; commandant enchef<br />
le camp de Châlons (1860-1861);<br />
ambassadeur extraordinaire de France au couronnement du roi de<br />
Prusse octobre 1861: commandant supérieur du 3e corps d'armée à<br />
Nancy, 14 octobre 1862; commandant en chef le camp de Châlons<br />
(1864): gouverneur général de l'Algérie. 1er septembre 1864: comman<br />
dant le lw corps de l'armée du Rhin. 17 juillet 1870; commandant en<br />
chef les l8r, 5" et 7° corps de l'armée du Rhin, 9 août 1870: comman<br />
dant en chef l'armée de Châlnns, août 1870; considéré comme prison<br />
nier de guerre, 2 septembre 1870; rentré de captivité, le 18 mars 1871;<br />
commandant en chef l'armée de Versailles. 5 avril 1871: président de<br />
la Commission de classement nour l'avancement dans la cavalerie,<br />
11 nnvpmbre 1871: membre dn Conseil sunérieiir dp la cruerre, 5 octo<br />
bre 1872: président de la Eôpuhlique Pri,s j, Wontcresson (Loiret). 17 octo<br />
bre 1893. Chevalier de la Légion d'honneur, 24 novembre 1830;<br />
grand croix, 22 septembre 1855.
—<br />
— 313<br />
Le 28, nous achevâmes d'éloigner les Kabyles dont quel<br />
ques bandes occupaient les crêtes qui dominent le défilé<br />
qui conduit à Guelma où nous arrivâmes de bonne heure.<br />
Je laissai à Guelma les malades qui pourront s'y rétablir<br />
plus facilement qu'à Bône et je pris avec l'intendanl mili<br />
taire et le génie les dispositions nécessaires pour faire de<br />
ce poste un point militaire très important.<br />
C'est une grande satisfaction pour moi d'avoir à vous<br />
signaler le courage,<br />
la patience et parfois la résignation de<br />
nos jeunes soldats. Au milieu de tant de souffrances, de<br />
tant de fatigues et de dangers, ils n'ont pas proféré une<br />
plainte, ils n'ont montré aucun découragement.<br />
Les 63e et 5g"<br />
17e<br />
régiments de ligne, le léger, le bataillon<br />
d'Afrique, la compagnie franche de Bougie, le bataillon du<br />
2"<br />
léger et l'artillerie constamment et habilement dirigée<br />
par le colonel Tournemire,<br />
voure. Lorsqu'une partie du 62"<br />
en arrière, le colonel Lévesque (1)<br />
ont rivalisé de zèle et de bra<br />
a pillé les prolonges restées<br />
a fait humainement tout<br />
ce qui était possible pour empêcher ce désordre.<br />
(1) Lévesques (Louis-Charles), né à Dieuze (Meurthe), le 22 août<br />
1788. Entré au service comme soldat au dépôt des conscrits de la<br />
Garde Impériale, 11 novembre 1808; passé au 1er régiment de tirail<br />
leurs de la Jeune Garde, 1er février 1809; passé au régiment de gre<br />
nadiers à pied de la Garde, 1" février 1810; sous-lieutenant au 1er ré<br />
giment de lirailleurs de la Jeune Garde, 27 avril 1811; lieutenant.<br />
10 octobre 1812; lieutenant adjudant-major au 4e régiment de tirail<br />
leurs de la Jeune Garde, 8 avril 1813; aide de camp du général Michel,<br />
5 mai 1813; capitaine (rang de chef de bataillon) au régiment de<br />
grenadiers à pied de la Vieille Garde, 22 janvier 1814; au corps royal<br />
des grenadiers à pied de France, 1er juillet 1814; au lor régiment de<br />
grenadiers à pied de la Vieille Garde Impériale, 19 avril 1815; au<br />
i"<br />
régiment, 21 mai 1815; au 1er,<br />
l6r juillet 1815; en non activité le<br />
10 septembre 1815; chef de bataillon à la Légion départementale de<br />
la Lozère (devenu 10e de ligne), 15 mai 1816; passé au 3e régiment<br />
d'infanterie de la Garde Royale, 9 mars 1826; lieutenant-colonel du<br />
18e<br />
régiment d'infanterie de ligne, 29 octobre 1828; colonel du 62° ré<br />
giment de ligne, 8 octobre 1830; commandant de place à Lyon, 12 juil<br />
— let 1838; à Brest, 27 mai 1849; décédé le 30 mars 1850. Chevalier de<br />
la Légion d'honneur, 16 août 1813; commandeur, 27 avril 1834; cheva<br />
lier de Saint-Louis, 2 novembre 1823.
— — 314<br />
Le colonel Boyer (i), aide de camp de Son Altesse Royale,<br />
s'étant mis à ma disposition avec l'agrément du prince, a<br />
rendu de grands services. Dans plusieurs circonstances dif<br />
ficiles et périlleuses, je l'ai chargé de commandements im<br />
portants. Il a eu un cheval tué sous 'lui.<br />
Le lieutenant-colonel de Chabannes, déjà connu du 3e<br />
ré<br />
giment de chasseurs,<br />
a été fort remarquable aussi en diri<br />
geant plusieurs fois les mouvements de ce corps et même<br />
ceux de quelques colonnes d'infanterie.<br />
M. Baudens,<br />
chirurgien-major attaché à Mgr le duc de<br />
Nemours, a donné avec beaucoup<br />
de dévouement sur le ter<br />
rain même et sous le feu de l'ennemi, les soins les plus<br />
empressés au général Trézel et aux blessés du 63e régiment.<br />
(1) Boyer (Pierre-Paul), né le 1er septembre 1787 à Metz. Engagé<br />
volontaire dans les guides, 21 mai 1803 ; incorporé aux chasseurs à<br />
cheval de la Garde Impériale, 12 septembre 1806; sous-lieutenant au<br />
1er<br />
régiment de chasseurs à cheval, 13 juillet 1807; lieutenant, 30 avril<br />
1809; adjudant-major 20 mai 1810; capitaine aide de camp du duc de<br />
Dantzig, 6 août 1812; chef d'escadron, 10 novembre 1813; en demi-<br />
solde, 1er janvier 1816, chef d'escadron de remplacement aux chas<br />
seurs de la Somme, 5 août 1817, attaché à la personne du roi, 2 octo<br />
bre 1830; lieutenant-colonel du 5° cuirassiers, 5 novembre 1830; mis en<br />
non-activité, 11 avril 1831; aide de camp du roi, 20 septembre 1831;<br />
aide de cainp du duc de Nemours, 14 septembre 1832; colonel du<br />
3e régiment de chasseurs d'Afrique, 7 janvier 1833 (maintenu dans<br />
maréchal de camp (maintenu dans ses<br />
ses fonctions d'aide de camp) ;<br />
fonctions), 11 novembre 1837; commandant la lre brigade de la divi<br />
sion de caxalerie rassemblée à Lunéville, 20 juin 1838; désigné pour<br />
concourir à l'organisation de quatre régiments d'infanterie légère,<br />
sous les ordres du duc de Nemours, 15 octobre 1840; désigné pour ac<br />
compagner en Algérie le duc de Nemours, appelé à commander une<br />
division dans la province d'Alger, 8 mars 1841; rentré en France,<br />
15 juin 1841; commandant la 2e brigade de la division de cavalerie<br />
du camp de Compiègne, 14 juillet 1841; de la lro division de cava<br />
lerie du corps d'opération sur la Marne, 24 avril 1842; la brigade de<br />
cavalerie de la division d'observation du corps d'opération de la<br />
Moselle, 12 mai 1844, lieutenant-général, 20 avril 1845 (maintenu<br />
dans ses fonctions d'aide de camp du duc de Nemours); membre du<br />
Comité de cavalerie, 15 novembre 1845; inspecteur général (1846-47);<br />
admis à faire valoir les droits à la retraite, 17 avril 1848; relevé de<br />
retraite et placé dans la section de réserve, l«r janvier 1853; décédé<br />
■ la<br />
à Dourdan (S.-et-O.Î, le 25 novembre 1864.. —<br />
Chevalier de la Légion<br />
d'honneur, 14 mars 1806; grand officier, 17 août 1841.
315 -<br />
MM. les ducs de Mortemart (i) et de Caraman (2) et<br />
M. de Saint- Aldegonde (3) qu'un noble intérêt pour ce pays<br />
a conduits à faire toute la campagne au milieu de nos trou<br />
pes,<br />
m'ont souvent offert leurs services dans les occasions<br />
les plus graves.<br />
(1) Mortemart (Casimir-Louis-Victurnien de Rochechouart, duc de),<br />
né le 20 mars 1787 à Paris. Sous-lieutenant au 1" régiment de dra<br />
gons, 1er février 1806; lieutenant au 25° dragons, 2 mars 1809; aide de<br />
camp du général de Nansouty, 10 mars 1809; capitaine, 28 juillet 1809;<br />
officier d'ordonnance de l'Empereur, 12 février 1811; capitaine colonel<br />
de la compagnie des Cent Suisses, colonel, 7 juin 1814; maréchal de<br />
camp, 14 décembre 1815; compris comme capitaine colonel des gardes<br />
à pied ordinaires du corps du Roi, dans le cadre de l'Etat-Major gé<br />
néral, 30 décembre 1838; lieutenant général, 20 décembre 1828; dispo<br />
nible par suite du licenciement de la Maison du Roi 20 août 1830;<br />
compris comme disponible dans le cadre de l'Etat-major général,<br />
le 7 février 1831;. admis à faire valoir ses droits à la retraite,<br />
17 avril 1848; relevé de la retraite, 31 août 1849; disponible, 7 septem<br />
bre 1849; commandant la 19e division militaire à Bourges, 17 février<br />
1852; sénateurs 25 mars 1852; admis d'ans la section de réserve et main<br />
tenu dans son commandement, 28 décembre 1852; relevé, sur sa de<br />
mande, novembre 1855 ; décédé à Neauple-le-Vieux (Seine-et-Oise), le<br />
l"r — janvier 1875. Chevalier de la Légion d'honneur, 1er octobre 1807;<br />
grand croix, 8 janvier 1831.<br />
(2) Riquet de Caraman (Adolphe-Frédéric-Joseph-Marie-Victor de), né<br />
à Berlin (Prusse), le 8 septembre 1800. Entré au service comme élève<br />
surnuméraire à l'Ecole d Etat-Major, 20 janvier 1819; sous-lieutenant,<br />
20 janvier 1821; aide-major au régiment de chasseurs des Vosges,<br />
28 février 1821; aide-major au 6e régiment de hussards, 8 avril 1823;<br />
lieutenant aide-major au 20° régiment de ligne, 27 août 1823; admis<br />
dans le cadre du Corps royal d'Etat-Major et attaché comme aide-<br />
major aux compagnies du 1er régiment d'artillerie à pied à Cadix,<br />
13 septembre 1825; passé au régiment d'artillerie à cheval de la Garde,<br />
28 octobre 1825; placé à la suite du 5° régiment de hussards, 31 dé<br />
cembre 1826; lieutenant en second aux lanciers de la garde, 14 mars<br />
1830; aide de camp du lieutenant-général Fezenzac 10 mai 1830; capi<br />
taine au corps royal d'Etat-Major, 26 juin 1830; disponible le 19 juil<br />
let 1830; aide de camp du général Cubières, 2 décembre 1836; „ fait<br />
—<br />
comme volontaire les expéditions de Mascara et de Tlemcen. Che<br />
valier de la Légion d'honneur, 18 septembre 1833.<br />
(3) SAinte-Aldegonde (Charles-Camille-Joseph-Balthazar, comte de),<br />
né à Paris le 6 juin 1787. Elève à l'Ecole Polytechnique, 1" octobre<br />
1806; sous-lieutenant élève à l'Ecole d'application de Metz, 1er octobre<br />
1808; lieutenant en second au 6e d'artillerie à. cheval, 27 juin 1809;<br />
lieutenant en 1er, 25 août 1810; capitaine en second, 22 juillet 1812;<br />
aide de camp du maréchal duc d'Elchingen, 20 septembre 1812; chef<br />
d'escadron, 22 août 1813; passé aide de camp du duc d'Orléans, 2 juil<br />
Martinilet<br />
1814; attaché comme surnuméraire à l'Etat-Major de la
— — 316<br />
Tous les officiers qui m'étaient attachés comme officiers<br />
d'ordonnance ont fait plus que leur devoir. Les capitaines<br />
Mollière, Clauzel (i) et Leblanc, les lieutenants Rewbell et<br />
le sous-lieutenant Guyon méritent d'être cités très honora<br />
blement.<br />
M. le général Trézel fait le plus grand éloge du capitaine<br />
d'Etat-Major de Laveaucoupet et du lieutenant de Morny.<br />
Le chef d'Etat-Major colonel Duverger,<br />
qui déjà com<br />
mandant supérieur de Bône avait rendu des services que<br />
j'ai plusieurs fois signalés, a fait tout ce que, dans une<br />
campagne.aussi difficile il était possible de faire pour diri<br />
ger le service important dont il était chargé. Je lui ai confié<br />
plusieurs fois des commandements à l'<br />
arrière-garde et à<br />
l'avant-garde,<br />
notamment pendant notre première marche<br />
en retraite; il a fait preuve à la fois d'expérience et d'habi-<br />
que, 20 février 1824; commandant militaire p. i. de la Martinique,<br />
8 mai 1827; autorisé à prendre du service en Bussie par décision<br />
royale du 5 octobre 1828; rayé des cadres de l'armée comme ayant<br />
profité de cette autorisation, 11 juillet 1829; colonel du 22e<br />
léger, 11 oc<br />
tobre 1840; maréchal de camp, disponible 18 décembre 1841; comman<br />
dant le département de la Vauclusc, 26 septembre 1842; du Rhône,<br />
2 novembre 1843; commandant la 4a brigade d'infanterie à Parts,<br />
24 avril 1845; admis à faire valoir ses droits à la retraite par décret<br />
du 17 avril 1848; relevé de la retraite et admis dans la section de<br />
réserve,<br />
lev — janvier 1853; décédé à Paris, 24 novembre 1853. Cheva<br />
lier de la Légion d'honneur, 2 septembre 1812; grand officier, 5 mar?<br />
1831; chevalier de Saint-Louis, 11 octobre 1814.<br />
(1) Clauzel (G'abriel-Pierre-Anne-Henri, comte), né à Mirepoix<br />
(Ariège), le 8 août 1804, enrôlé volontaire au 24° régiment de chas1<br />
seurs (devenu 12° dragons), 29 juillet 1823; passé à l'Ecole militaire<br />
de Saint-Cyr, 24 novembre 1824; maréchal des logis au 24° régiment<br />
de chasseurs, 23 septembre 1825; congédié par réforme, 26 octobre<br />
1829; mis à la disposition comme maréchal des logis du général eu<br />
chef commandant l'armée d'Afrique, 19 août 1830, passé au 13" régi<br />
ment de chasseurs, 6 octobre 1830; confirmé, 30 avril 1831; lieutenant<br />
au corps des chasseurs algériens, 23 août 1831; passé au 1er régiment<br />
de chasseurs d'Afrique, 12 décembre 1831; au 2° régiment de lanciers,<br />
7 janvier 1832; aux spahis réguliers d'Alger, 3 septembre 1835; capi<br />
taine, 30 décembre 1835; au 1er régiment de chasseurs d'Afrique,<br />
20 novembre 1839; au corps de cavalerie indigène, 13 mai 1842; mis en<br />
non activité pour infirmités temporaires, le 27 décembre 1843; mis<br />
en réforme le 22 avril 1847. —<br />
24 novembre 1830.<br />
Chevalier<br />
de la Légion d'honneur,
— — 317<br />
leté. 11 a été parfaitement secondé par le commandant Per-<br />
rin, le capitaine Zaragoza (i) et les lieutenants Mimon et<br />
Letellier.<br />
Le capitaine d'Etal-Major Saint-Hyppolite que j'avais<br />
envoyé à l'avance pour recueillir des renseignements topo<br />
graphiques s'en est acquitté avec une grande distinction;<br />
chargé pendant toute la campagne de plusieurs missions<br />
importantes, il a servi de manière à mériter de vous être,<br />
Monsieur le Ministre, vivement recommandé.<br />
Le service de l'Intendance a été habilement dirigé par<br />
M. l'intendant Melcion d'Arc et M. le sous-intendant Evain<br />
qui ont eu beaucoup à se louer de l'agent comptable Thie-<br />
bault.<br />
Enfin, Monsieur le Ministre, dans une situation comme<br />
celle où s'est trouvé l'armée, il a fallu de la part de tous<br />
les officiers une énergie et un courage à toute épreuve. Tous<br />
ont compris et rempli leurs devoirs, tous ont maintes fois<br />
payé de leur personne à la tête des troupes.<br />
(1) Zaragoza (Ramon-Marie-Rose), né à Saragoza (Espagne), le<br />
30 août 1789. Cadet au régiment d'infanterie d'Amérique au service de<br />
l'Espagne, 7 septembre 1797; sous-lieutenant au régiment d'Oltonia,<br />
2 septembre 1800. lieutenant au régiment d'Ordenès. 10 juin 1808; capi<br />
taine au régiment de Carmona, 2 août 1808; lieutenant au régiment dé<br />
Tolède, 25 janvier 1809; capitaine, 23 avril 1810; employé provisoire<br />
ment à l'Etat-Major de l'armée française, dite du Centre, 9 mars 1813;<br />
admis au service de la France et mis en non-activité, 16 octobre 1816;<br />
admis au Corps royal d'Etat-Major, 12 décembre 1818; disponible,<br />
1er<br />
janvier 1819; employé à l'Etat-Major de la 17° division militaire,<br />
24 août 1821; de la 19a division militaire, 6 mai 1832; de la 8° division<br />
militaire, 26 février 1835; de la division d'Alger, 29 août 1835; chef<br />
d'escadron, 30 mai 1837; employé à l'Etat-Major d'Ancône, 6 janvier<br />
1838; disponible, 1er janvier 1839; mis à la disposition du Ministre des<br />
Affaires Etrangères pour remplir une mission en Espagne, 3 septem<br />
bre 1839; employé à l'Etat-Major de la 20° division militaire 22 avril<br />
1840 (maintenu en Espagne jusqu'au 31 décembre 1840), 22 avril 1840;<br />
mis à la disposition du Gouverneur Général de l'Algérie, 9 novembre<br />
1843; disponible, 16 juin 1845; employé à l'Etat-Major de la 17e divi<br />
sion militaire, 22 août 1845; employé à la 20e division militaire, 19 juin<br />
Chevalier de la Légion d'hoii-<br />
1846; retraité par décret, 2 mars 1848. —<br />
neur, 23 mai 1825; officier, 28 avril 1841. Chevalier de Saint-Louis,<br />
25 avril 1821.
— — 318<br />
Je n'ai pu réunir encore les documents que doivent me<br />
fournir tous les chefs de corps; aussitôt qu'ils seront entre<br />
mes mains, j'en ferai l'objet d'un second rapport que<br />
j'aurai l'honneur de vous adresser par le prochain courrier,<br />
en appelant tout votre intérêt sur ceux qui,<br />
grand nombre ayant bien fait,<br />
parmi un si<br />
mériteront de vous être plus<br />
particulièrement désignés. Je vous ferai connaître en même<br />
temps, Monsieur le Ministre, le nombre des tués et des<br />
blessés.<br />
En résumé, le corps expéditionnaire s'est porté sur Cons<br />
tantine sans avoir aucun acte d'hostilité à réprimer; il a<br />
éprouvé pendant quinze jours à Bône des fièvres qui ont<br />
retenu 1.800 hommes aux hôpitaux il a été abimé près<br />
Constantine et autour de cette place par la pluie, la neige,<br />
la glace et la boue.<br />
Il a peu perdu par le feu de la place et de l'ennemi,<br />
lorsqu'il nous a suivis sur Ras-el-Akba, tandis que les<br />
Kabyles qui étaient venus pour s'opposer à notre retour,<br />
ont eu plus de 4oo tués.<br />
Le corps expéditionnaire a ramené son artillerie,<br />
tous les<br />
caissons qui ne s'étaient pas brisés. Tous les soldats faibles<br />
et tous les malades ou blessés ont été aidés ou transportés;<br />
et enfin il a établi une garnison à Guelma,<br />
où tout ce qui<br />
serait nécessaire pour une autre expédition peut être réuni<br />
avant qu'on l'exécute.<br />
Je donne l'ordre au commandant de Rancé de se rendre<br />
auprès de vous, Monsieur le Ministre,<br />
afin de vous faire<br />
connaître les détails dans lesquels les bornes d'un rapport<br />
ne me permettent pas d'entrer.<br />
Je charge particulièrement mon aide de camp d'exprimer<br />
au roi comment Mgr le duc de Nemours a su partager la<br />
fatigue et les périls de l'armée et combien sa sollicitude<br />
pour nos soldats a été vive et éclairée dans les circonstances.<br />
pénibles et difficiles dans lesquelles nous nous sommes<br />
trouvés.
319 —<br />
491<br />
Le maréchal Clauzel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7,)<br />
Bône, le 3 décembre 1836.<br />
J'ai eu l'honneur de vous écrire depuis mon retour à<br />
Bône que je faisais occuper Guelma par 5oo Français, au<br />
tant de Turcs et 5oo spahis de Yusuf (c'est moins que la<br />
garnison de Constantine). Je motive cette disposition sur<br />
la nécessité de conserver notre influence dans le pays, ce<br />
qui détruit celle bien ébranlée d'Ahmed-bey,<br />
sur l'obliga<br />
tion et la politique de défendre ou protéger les tribus qui<br />
se sont prononcées pour nous, enfin sur l'avantage d'arri<br />
ver le quatrième jour d'un départ à Constantine, tandis que<br />
nous n'avons pu nous présenter devant cette place que le<br />
neuvième jour de notre départ pour Bône.<br />
Avec Guelma,<br />
qu'on suive la même route, ou qu'on en<br />
prenne une des autres qui seront ouvertes avant l'époque<br />
d'une nouvelle expédition en temps plus favorable,<br />
des magasins ou dépôts de vivres et de munitions,<br />
on aura<br />
on sera<br />
moins chargé pendant une partie de la route et le soldat<br />
pourra arriver devant Constantine avec quatre jours de<br />
vivres dans son sac, de sorte qu'en supposant qu'on ait pour<br />
le transport des vivres un millier de mulets, les subsistances<br />
seraient assurées pour vingt-quatre jours à l'armée rendue<br />
devant Constantine. Certes, la place ne tiendra jamais ce<br />
temps ni 2k heures devant un blocus complet ni contre<br />
4 pièces de 12<br />
suffisamment approvisionnées. Nous n'avons<br />
pas emmené des pièces de ce calibre parce que nous n'avions
—<br />
— 320<br />
pas assez de bons chevaux et vu le contre-temps de la pluie,<br />
de la neige glacée et je m'en réjouis, car mon embarras<br />
eût été plus grand.<br />
Je crois que nous avons fait des économies; il en a été<br />
fait sur les auxiliaires que je ne trouvais pas d'un grand<br />
secours pour se battre et que je voyais pour nous puisqu'ils<br />
n'étaient pas contre nous. Ils auraient supporté plus mal<br />
que nous le mauvais temps. Ainsi les dépenses pour l'éta<br />
blissement de nos 5oo hommes à Guelma n'augmenteront<br />
pas les frais de l'expédition faite qui sera d'un grand secours<br />
pour celle à faire lorsque le gouvernement le jugera à<br />
propos.<br />
On se sert de grandes murailles pour faire des appentis;<br />
les soldats font les baraques avec les branches des arbres<br />
qui sont dans le voisinage de Guelma.<br />
L'artillerie va mettre ses munitions à couvert, l'adminis<br />
tration en fera autant pour les blés de réserve; les moulins<br />
du pays qui étaient sur un ruisseau de la rive gauche de<br />
la Seybouse vont être portés et établis sur le ruisseau qui<br />
coule sur Guelma, enfin chacun s'ingéniera de manière que<br />
tout se fasse par la main du soldat pour conserver un poste<br />
utile que j'aurais voulu avoir sur la rive gauche de la<br />
Seybouse, mais il faut prendre les choses comme elles se<br />
présentent et en tirer le meilleur parti possible.<br />
Les fours vont être faits dans la terre; il sera nécessaire<br />
d'avoir quelques planches, quelques madriers pour faire de<br />
simples hangars, ce sera là la seule dépense et il s'en faut<br />
qu'elle s'élève jamais à ce qu'auraient coûté quatre mille<br />
auxiliaires pendant six semaines.<br />
Si vous approuvez donc comme je vous le demande la<br />
conservation de Guelma pour les motifs ci-dessus énoncés,<br />
je vous prie de me le faire savoir le plus tôt possible, pour<br />
que je puisse me conformer à votre décision.<br />
J'ai voulu à Guelma une réserve en blé de 600 hectolitres,<br />
parce que les pluies de février et mars, ou d'avril et mai<br />
interrompent les communications, que les eaux de la Sey<br />
bouse s'élèvent et que les difficultés pour les<br />
communica-
— — 321<br />
tions se multiplient. Je verrai à Alger si l'amiral peut me<br />
donner une barque qu'on établirait sur la Seybouse, ce qui<br />
entretiendrait en tout temps la communication. Du reste,<br />
le pays de Guelma sur la rive droite de la Seybouse est<br />
riche, abondant en grains et troupeaux, de sorte qu'il n'y<br />
aura aucune difficulté en aucun cas pour s'en procurer.<br />
Je suis à cet égard convaincu qu'on peut être sans inquié<br />
tude sur le sort des hommes qui seront destinés à garder<br />
Guelma.<br />
C'est le lieutenant-colonel Duvivier que je destine à com<br />
mander ce poste. Le bey<br />
Turcs et les spahis.<br />
Yusuf résidera là où il aura les<br />
Sur 280 malades laissés à Guelma lorsque l'expédition<br />
partit pour Constantine, 200 sont déjà rentrés guéris, reve<br />
nus à Bône avec le corps expéditionnaire.<br />
Depuis le jour que nous sommes passés à Guelma, les<br />
Arabes ne discontinuèrent de se présenter au marché et d'y<br />
porter des vivres malgré qu'ils aient été repoussés le pre<br />
mier jour après notre passage par quelques coups de fusil<br />
de la garnison.
322<br />
492<br />
Le Gouverneur Général au général Trézel<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 3 décembre 1836.<br />
En partant de Bône et en vous remettant la direction<br />
générale des affaires de cette province, je dois vous faire<br />
connaître que je tiens beaucoup à la conservation de<br />
Guelma qui sera occupé par 5oo Français, 5oo Turcs et<br />
5oo spahis de Yusuf-bey. La partie supérieure de cette an<br />
cienne ville sera réservée aux troupes françaises et les tours<br />
rétablies et mises en état de défense devront toutes être<br />
occupées par elles. Le commandant supérieur de Guelma<br />
pourra établir les spahis à pied et à cheval dans l'emplace<br />
ment inférieur et désignera en dehors de la ville le local<br />
dans lequel devra être tenu le marché.<br />
Le commandant supérieur sera le lieutenant-colonel Du-<br />
vivier en qui j'ai la plus grande confiance. Je veux le met<br />
tre à même de rendre de nouveaux services pour qu'il<br />
obtienne la récompense qui lui est due. M. Duvivier jouira<br />
de la plénitude des droits que comporte le titre de com<br />
mandant supérieur d'après le décret de décembre 182 1.<br />
Il convient d'assurer la subsistance des troupes françaises<br />
pour plusieurs mois en faisant acheter six et sept cents<br />
hectolitre de blé que l'on tiendra en réserve en outre des<br />
acquisitions journalières pour le service courant des trou<br />
pes.<br />
Ce que je dis pour les grains doit se pratiquer aussi à<br />
l'égard des viandes. Les chefs des tribus arabes qui sont
—<br />
— 323<br />
dans cette partie de la province m'ont promis de me four<br />
nir de suite tout ce qui sera nécessaire el tout ce que je<br />
demande à ce sujet.<br />
Il faut que les troupes françaises s'occupent elles-mêmes<br />
dans l'espace qui leur est réservé, des travaux de défense et<br />
de logement et qu'à cet égard tous ceux qui ne seront pas<br />
de service travaillent tous les jours jusqu'à ce que ce qui<br />
est ordonné soit entièrement terminé. 11 y aura ainsi cause<br />
d'occupation de santé et de sécurité.<br />
M. l'Intendant militaire est déjà prévenu de mes instruc<br />
tions; il sait que je veux une réserve en blé,<br />
un service courant.<br />
en viande et<br />
Je lui ai parlé do quelques moulins qui sont sur un ruis<br />
seau à la gauche de la Seybouse; il faut les enlever et les<br />
transporter près de Guelma afin de s'en servir. On peut les<br />
placer sur le ruisseau qui passe près du cirque ou dans<br />
tout autre endroit près de la place et d'où l'on puisse faci<br />
lement défendre ces utiles établissements.<br />
Lorsque les troupes auront consommé les râlions de<br />
pain, de biscuit et de riz, on leur fera des distributions ;le<br />
blé, mais comme l'établissement des moulins peut être Imig,<br />
il importe de donner aux troupes les moyens de triturer lo<br />
blé avec facilité. A cet effet, vous ferez rechercher des petits<br />
moulins à bras comme les Maures en ont dans leurs mai<br />
sons et vous les enverrez à Guelma.<br />
J'ai donné verbalement l'ordre aux commandants d'artil<br />
lerie et du génie d'envoyer à Guelma tout ce qui est néces<br />
saire pour leur service, je recommande au premier de met<br />
tre en sûreté et à couvert du mauvais temps toutes les<br />
munitions. Le commandant du génie et l'intendant mili<br />
taire prendront le même soin pour ce qui les concerne.<br />
Les officiers du génie dirigeront les détails de construc<br />
tions qui devront être faites après que leurs places auront<br />
reçu l'approbation du commandant supérieur. Il faut leur<br />
de barraques en bran<br />
recommander de construire beaucoup<br />
chages, de faire serrer les toitures, enfin de prendre toutes
— — 324<br />
les précautions pour que les soldats soient le moins mal<br />
possible.<br />
Pour tout ce qui est dispositif de guerre à établir, les<br />
commandants du génie et de l'artillerie devront se concer<br />
ter avec le commandant supérieur, et c'est par son inter<br />
médiaire que je désire voir passer les ordres que vous aurez<br />
à transmettre à ces officiers lorsqu'ils leur viendront de<br />
vous et non de leur chef immédiat.<br />
S'il m'est possible d'obtenir de l'amiral un bateau pour<br />
le passage de la Seybouse,<br />
on l'établira à l'endroit où étaient<br />
nos rampes et l'on prendra des mesures pour sa conserva<br />
tion.<br />
11 est expressément entendu que pour tout ce qui est<br />
défense intérieure de la ville et pour toute opération de<br />
guerre extérieure le cas échéant, Yusuf-bey devra se con<br />
en ce qui lui sera arrêté et ordonné par le lieute<br />
former,<br />
nant-colonel Duvivier, mais dans ses rapports avec les Ara<br />
bes, avec les chefs des tribus, l'action du bey<br />
doit être<br />
entière : c'est le moyen de faire respecter l'autorité dont<br />
nous l'avons revêtu et il n'a d'ordres et d'instructions à<br />
recevoir que de vous.<br />
Yusuf-bey<br />
devra communiquer au commandant supérieur<br />
tout ce qu'il apprendra par les Arabes relativement à<br />
Ahmed-bey,<br />
aux dispositions des habitants de Constantine<br />
et de cette province. Le bey devra en outre exiger des indi<br />
gènes respect et déférence pour le commandant supérieur<br />
français.<br />
Je vous le répète, Général, je fais le plus grand cas du<br />
lieutenant-colonel Duvivier et je suis certain qu'appréciant<br />
la position délicate el toute de dévouement dans laquelle<br />
est placé cet officier supérieur,<br />
vous lui faciliterez de tout<br />
votre pouvoir les moyens de remplir la mission dont il est<br />
chargé et dont l'influence se fera ressentir dans les événe<br />
ments politiques qui agiteront la province de Constantine.<br />
Deux motifs principaux me décident à garder Guelma<br />
que je voudrais voir sur la rive gauche de la Seybouse plu<br />
tôt que sur la rive droite, le premier parce que nous proté-
— — 325<br />
geons et défendons les tribus qui se sont livrées à nous, le<br />
second parce que nous conserverons une partie du pays que<br />
nous avons parcouru e,t que nous menaçons de plus près<br />
Constantine qui finira par tomber tôt ou tard en notre pou<br />
voir.<br />
Le colonel Bernelle est mis à votre disposition pour com<br />
mander les troupes sous vos ordres s'il y a lieu.<br />
Si vous avez des questions à me faire en ce qui intéresse<br />
les troupes de la province de Bône, je vous prie de me les<br />
poser afin que je puisse y répondre et les résoudre.<br />
493<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 3 décembre 1836.<br />
J'ai déjà eu l'honneur de vous adresser le<br />
i81<br />
du courant<br />
un rapport sur l'ensemble des opérations du corps expédi<br />
tionnaire de Constantine. Je vous annonçais en même temps<br />
que des mémoires de proposition en faveur de militaires de<br />
tous grades et de toutes armes qui se sont le plus particuliè<br />
rement distingués seraient soumis un peu plus tard à votre<br />
approbation.<br />
Je viens aujourd'hui mettre ce travail sous vos yeux, en<br />
réclamant pour ces diverses demandes votre justice autant<br />
que votre bienveillance toute<br />
particulière. Les récompenses<br />
que je sollicite ont été bien méritées; les troupes ont
— — 326<br />
déployé dans lès circonstances difficiles où elles se sont<br />
trouvées, uneénergie<br />
et une fermeté qui les rendent dignes<br />
de toutes les bontés du roi. S. A. B. Mgr le duc de Nemours<br />
a d'ailleurs été témoin de leurs souffrances, de leur fatigue<br />
et de leur force morale.<br />
J'appelle principalement votre attention sur les officiers,<br />
sous-officiers et soldats dont les noms suivent; leur cou<br />
rage et leur dévouement ne se sont jamais démentis :<br />
MM.<br />
Le général Trézel, blessé,<br />
Le lieutenant de Morny, officier d'ordonnance;<br />
Le colonel Duverger, chef de l'Etat-Major général;<br />
Perrin-Solliers,<br />
ral;<br />
Zaragoza,<br />
ral.<br />
Forey (i),<br />
chef d'escadron attaché à l'Etat-Major géné<br />
capitaine d'escadron attaché à l'Etat-Major géné<br />
2"<br />
léger<br />
capitaine de carabiniers;<br />
(1) Fobby (Ellie-Frédéric), né à Paris, le 10 janvier 1804. Elève à<br />
l'Ecole Spéciale militaire, 14 novembre 1822; sous-lieutenant au 2" ré<br />
giment d'infanterie légère, l6r octobre 1828; lieutenant, 8 septembre<br />
1830; capitaine, 22 juin 1835; chef de bataillon au 59e de ligne, 15 no<br />
vembre 1839; passé au 6e bataillon de chasseurs à pied, 30 septembre<br />
1840; lieutenant-colonel au 54» de ligne, 14 -août 1842; passé au 58" de<br />
26e<br />
ligne, 17 août 1842; colonel du régiment, 4 novembre 1844; général<br />
de brigade disponible, 17 août 1848; commandant la 2e brigade de la<br />
2e dévision de 'linfahterie de réserve de l'armée de Paris, 27 août 1848;<br />
brigad"<br />
2°<br />
commandant la de ïa 2° division de l'armée de Paris;; 7 fév.<br />
1851; inspecteur général pour 1851 du 14° arrondissement d'infanterie,<br />
.9 juin 1851; général de division,, disponible, 22 décembre 1851; mem-<br />
■<br />
bre du Comité de l'infanterie, 16 avril 1852; inspecteur général (1852-<br />
1853),<br />
commandant la division de réserve de l'armée d'Orient, deve<br />
nue 4" division d'infanterie de ladite armée, 25 février 1854; disponi<br />
ble, le 1er juillet 1855; commandant la 2e division d'infanterie de l'ar<br />
mée de l'Est, devenue lre de l'armée de Paris, 18 décembre 1855; ins<br />
pecteur général (1856-1858); commandant la lre division du 1er corps<br />
de l'armée d'Italie, avril 1859; sénateur, 16 août 1859; membre du<br />
Comité de l'infanterie, 18 septembre 1859; inspecteur général (1860);<br />
commandant la 1 division d'infanterie au camp de Châlons, 30 avril<br />
1861; la lr° division d'infanterie du 1er corps d'armée, 28 août 1861;<br />
commandant en chef le corps expéditionnaire du Mexique, 1er juillet
—<br />
— 327<br />
Granchette (i), sous-lieutenant ;<br />
Nouvembles, carabinier.<br />
De Blôis (2), capitaine ;<br />
17°<br />
léger<br />
Grust, carabinier qui a pris un drapeau;<br />
Bérot, sergent;<br />
Coupé, chasseur.<br />
Dupolel (3), adjudant-major ;<br />
Bidon, lieutenant;<br />
Bataillon d'Afrique<br />
1862, et ministre plénipotentiaire au Mexique, 6 jullet .1862; maréchal<br />
de France, 2 juillet 1863; ordre de rentrer en France le 16 juillet 1863;<br />
a cessé d'exercer son commandement au Mexique, 1er septembre<br />
1-863; commandant le 2° corps d'armée à Lille; le 3° corps d'armée à<br />
Nancy, 19 septembre 1864; remplacé dans son commandement pour<br />
raisons de santé, 12 novembre 1867; décédé à Paris, 20 juin 1872. —<br />
Chevalier de la Légion d'honneur, 13 janvier 1837; grand'croix, 21 mai<br />
1859.<br />
(1) Granchette (Ambroise), né à Ernemonl (Oise), le 9 janvier 1809.<br />
Sous-lieutenant au 2° d'infanterie légère sur la proposition de la<br />
Commission des Récompenses Nationales, 7 septembre 1831; lieute<br />
nant, 11 novembre 1837; capitaine, 9 août 1840; chef de bataillon au<br />
64e régimtut d'infanterie de ligne, 25 novembre 1849; lieutenant-colo<br />
nel au 49e régiment d'infanterie, 26 décembre 1853; colonel du 50° ré<br />
giment d'infanterie, 11 août 1855; passé au 6e régiment de ligne, 17 oc<br />
tobre 1855; passé au 1er régiment, étranger, 28 octobre 1858; proposé<br />
sur sa demande pour la retraite à titre de blessures; retraité par dé<br />
—<br />
cret du 14 novembre 1858. Chevalier de la. Légion d'honneur, 13 jan<br />
vier 1837; officier, 16 août 1856.<br />
(2) Blois (Louis-Marie de), né à Paris, le 14 août 1790. Entré au<br />
service au régiment de la Tour d'Auvergne, devenu 1er régiment<br />
étranger, 9 novembre 1809, en qualité de sous-lieutenant; licencié en<br />
1815; sous-lieutenant au 5e régiment d'infanterie de la Garde Royale,<br />
2 décembre 1815 (rang de lieutenant); lieutenant à la Légion de la<br />
Haute-Loire (devenue 9e régiment d'infanterie légère), 26 mars 1817;<br />
passé au 19e régiment d'infanterie légère, 30 juillet 1824; capitaine,<br />
16 avril 1828; passé au 78 d'infanterie légère, 25 octobre 1830; passé au<br />
17« d'infanterie légère, 24 juin 1831; retraité par ordonnance du<br />
—<br />
24 août 1841; décédé le 16 octobre 1845. Chevalier de la Légion<br />
d'honneur 13 janvier 1837.<br />
(3) Dupotet (Maurice-Edouard), né à Tonnerre (Yonne), le 3 no<br />
vembre 1796. Entré à l'Ecole militaire de Saint-Cyr, 28 septembre 1813;<br />
sergent, 2 février 1815; licencié, 16 juillet 1815; sergent-major à la Lé<br />
gion départementale de l'Yonne, 12 janvier 1816; soldat, 11 mai 1817;<br />
sergent-major, 1er juillet 1818; garde du corps de Monsieur (compagnie
Boches, sergent;<br />
Bouet, sergent;<br />
Optel, chasseur.<br />
59e<br />
328 -<br />
de ligne<br />
Boussogne (i), chef de bataillon ;<br />
Joseph, fusilier.<br />
Soulard, voltigeur;<br />
Bravier Jacques, fusilier.<br />
62" de ligne<br />
63e<br />
de ligne<br />
De La Boutrie (2), capitaine de grenadiers, déjà proposé<br />
■plusieurs fois pour le grade de chef de bataillon; officier<br />
d'un aplomb et d'une fermeté remarquables.<br />
de Rivière), sous-lieutenant, 13 octobre 1819; en non activité sans<br />
solde le 9 avril 1823; sous-lieutenant au 39° de ligne, 11 juillet 1830;<br />
lieutenant, 7 septembre 1831; passé au 1" bataillon 'd'infanterie légère<br />
d'Afrique, 20 mai 1835; capitaine au 2° bataillon, 12 octobre 1836; chef<br />
de bataillon au 60= d'infanterie de ligne, 6 mai 1850; mis en non acti<br />
—<br />
vité, 13 septembre 1850; retraité par décret, 2 février 1852. Chevalier<br />
de la Légion d'honneur, 13 janvier 1837<br />
(1) Boussogne- (Charles-Louis-Martial), né à Paris le 25 juin 1788.<br />
Elève à l'Ecole Militaire de Fontainebleau, 5 janvier 1807; caporal,<br />
5 mars 1807; sous-lieutenant au 52e de ligne, 9 mai 1807; lieutenant,<br />
9 juillet 1809; capitaine, 28 janvier 1813; licencié et mis en demi-solde,<br />
17 septembre 1815; admis au traitement spécial de réforme, 13 septem<br />
bre 1816; capitaine au 3e bataillon de la Légion de l'Hérault, 5 août<br />
1817; en activité, 31 mars 1819; en congé illimité, 29 décembre 1820;<br />
rappelé à l'activité comme capitaine au 8e régiment d'infanterie lé<br />
gère,. 16 décembre 1830; chef de bataillon au 59° d'infanterie de ligne,<br />
— 3 mars 1832; décédé à Besançon, 16 janvier 1840. Chevalier de la<br />
Légion d'honneur, 30 octobre 1814; officier, 13 juillet 1837.<br />
(2) Moulé de La Routrie (Alexandre-Marie), né à Paris le 27 août<br />
1789. Elève à l'Ecole Spéciale<br />
milita'<br />
re, 26 mai 1807; sous-lieutenant au<br />
24" de ligne, 24 mars 1809; lieutenant, 12 février 1812; capitaine au<br />
118» de ligne, 22 décembre 181S; passé au 81e de ligne, 24 septembre<br />
1814; licencié, 16 septembre 1815; rappelé à la Légion de la Haute-<br />
Saône, 29 janvier 1817; à. la Légion du Rhône, 3 mars 1817; au 20» d'in<br />
fanterie légère, 23 décembre 1820; envoyé en congé, 15 janvier 1821;<br />
rappelé au 63e de ligne, 19 mars 1823; capitaine de grenadiers, 24 dé<br />
cembre 1831; chef de bataillon au 17° de ligne, 31 décembre 1836; admis<br />
à faire valoir ses droits à la retraité par décision royale du 19 août<br />
— 1847; décédé le 2 mai 1873 Chevalier<br />
1832; officier, 14 août 1842.<br />
de la Légion d'honneur. 10 août
3"<br />
Dacher (i), chef d'escadron ;<br />
De Belleau, capitaine ;<br />
—<br />
— 329<br />
Morris, capitaine;<br />
Martin, adjudant sous-officier.<br />
Yusuf-bey, chef d'escadron.<br />
Villiers, capitaine.<br />
Blanchard, chef d'escadron;<br />
Brunel (2), lieutenant.<br />
Morin,<br />
régiment de chasseurs à cheval<br />
chef de bataillon;<br />
Spahis réguliers<br />
Spahis auxiliaires<br />
Artillerie<br />
Génie<br />
(1) Dacher (Auguste), né à S-aint-Martin-d'Estreaux (Loire), le 28<br />
août 1795. Entré au service comme garde au 4° régiment des Gardesd'Honneur,<br />
21 juin 1813; licencié, 9 juin 1814; garde du Corps du Roi<br />
dans la Compagnie de Wagram (lieutenant), 15 juin 1814; passé à la<br />
Compagnie d'Haoré, 1er novembre 1815; rang de capitaine, le 15 juin<br />
1822; licencié et mis en solde de congé avec le brevet de chef d'esca<br />
dron, 11 août 1830; au 3* régiment des chasseurs d'Afrique, 27 janvier<br />
1838; lieutenant-colonel au 11e régiment de chasseurs, 14 avril 1844;<br />
1833; passé au 5° régiment de chasseurs, 27 janvier 1838; lieutenantcolonel<br />
au 11e régiment de chasseurs 14 avril 1844; décédé, 10 août<br />
— 1845. Chevalier de la Légion d'honneur, 18 avril 1834.<br />
(2) Brunel (Hippolyte-Thomas, né à Sumène (Gard), le 13 no<br />
vembre 1797. Enrôlé volontaire au 7» escadron du train d'artillerie,<br />
18 novembre 1817; maréchal des logis chef, 4 mars 1823; maréchal<br />
des logis au 3e régiment d'artillerie à cheval, 3 décembre 1825; ma<br />
réchal des logis chef, 30 avril 1830; passé au 10» régiment d'artille<br />
rie,<br />
l8r juin 1830; sous-lieutenant, 22 février 1831; lieutenant en<br />
second, 5 juillet 1833; lieutenant en premier, 1er janvier 1834; au<br />
10e régiment, 17 mars 1834; capitaine en second, 15 août 1837; au<br />
9° d'artillerie 3 septembre 1837 (manufacture d'armes de Saint-<br />
Etienne); passé au 7° régiment, 20 juin 1838; adjoint à la direction<br />
de Grenoble, 2 août 1839; à la 4B Compagnie d'ouvriers d'artillerie,<br />
20 septembre 1840; capitaine en 1er, corps de l'artillerie, 3 août 1841;<br />
au 12e régiment d'artillerie, 27 août 1841; au 15» d'artillerie (ponton<br />
niers), 13 ma
E-stève (i), capitaine ;<br />
Buy,<br />
capitaine (blessé).<br />
— — 330<br />
Je joins à la présente l'état numérique des tués, blessés<br />
et égarés. Il est à remarquer que la plupart des hommes<br />
du 62e régiment qui sont morts ont péri victimes de leur<br />
intempérance,<br />
après avoir défoncé les barils d'eau-de-vie<br />
qu'il n'était plus possible de dérober à l'ennemi.<br />
membre adjoint du Comité, mis à la disposition du lieutenant-colonel<br />
Lejeune, 3 mai 1848; placé au 6e régiment, 9 novembre 1848; au 8e régi<br />
ment, détaché au dépôt central de l'artillerie, 14 janvier 1849; à l'E.-M.<br />
particulier, 5 mars 1850; chef d'escadron au corps de l'artillerie, 14 juin<br />
1851; au l0»rég., détaché au Dépôt central; secrétaire de la Commission<br />
de défense des côtes, 9 oct. 1851; au 10- régiment monté, 6 mars 1854;<br />
lieutenant-colonel au corps de l'artillerie, 28 mars 1855; à l'Etat-Major<br />
particulier, adjoint au Dépôt central de l'artillerie, 14 avril 1855;<br />
—<br />
retraité, 6 janvier 1858; décédé le 7 novembre 1872. Chevalier de la<br />
Légion d'honneur, 18 avril 1834; officier, 28 novembre 1857.<br />
(1) Estève (Jean-Florentin), né à Perpignan, le 7 novembre 1804.<br />
Elève à l'Ecole Polytechnique, l8r octobre 1824; sous-lieutenant élève<br />
du Génie à l'Ecole d'application de Metz, '1er octobre 1826; faisant fonc<br />
tions de lieutenant en second au 3e l8r<br />
régiment du génie, octobre<br />
1828; faisant fonctions de lieutenant en premier, 12 janvier 1830; lieu<br />
tenant, l8r octobre 1830; classé à l'Etat-Major particulier et employé à<br />
Toulon, 12 janvier 1831; capitaine de 2e classe, 6 octobre 1832; employé<br />
en Algérie, 17 février 1834; capitaine en second au 2e génie et détaché<br />
en Algérie, 20 février 1836; passé au 1er régiment du génie, 27 février<br />
1837; capitaine en 1er, 15 janvier 1839; capitaine de lre classe à l'E.-M<br />
particulier et employé à Oran, 21 janvier 1841; employé à Perpignan,<br />
12 juin 1841; chef du génie à Briancon, 12 juin 1846; chef de bataillon,<br />
14 décembre 1848; chef du génie à Port-Vendres, 21 mars 1849; à Per<br />
pignan, 11 octobre 1849; lieutenant-colonel, 1" février 1854; au-38 régi<br />
ment. 21 février 1854; chef du génie Perpignan, 31 juillet 1855; colo<br />
nel, 22 mars 1856; directeur des Fortifications à Perpignan, 3 mars<br />
1857; retraité par décret du 7 janvier 1865; décédé le 14 mai 1881. —<br />
Chevalier de la Légion d'honneur, 22 décembre 1837; officier, 7 août<br />
1859-
— — 331<br />
494<br />
Le Gouverneur Général au Miristre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 4 décembre 1836.<br />
Le désir de protéger et de défendre les tribus qui se sont<br />
déclarées en notre faveur lors de notre marche sur Constan<br />
tine et l'avantage de conserver notre influence sur une par<br />
tie du pays que nous avons parcouru, m'ont déterminé,<br />
ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous en informer, à<br />
occuper d'une manière permanente le poste important de<br />
Guelma,<br />
que je regrette de ne pas voir sur la rive gauche<br />
de la Seybouse plutôt que sur la rive droite. J'ai décidé<br />
toutefois qu'il serait occupé par 5oo Français,<br />
5oo spahis de Yusuf-bey.<br />
5oo Turcs et<br />
Vu l'urgence et la gravité des motifs qui m'ont déterminé<br />
à prescrire cette disposition, j'ai usé de la faculté qui m'est<br />
accordée par l'article 5 du décret du ik<br />
décembre 1811, et<br />
ordonné de confier la défense de Guelma à un commandant<br />
supérieur. Ces importantes fonctions ont été confiées au<br />
lieutenant-colonel Duvivier,<br />
dont le zèle, la capacité et le<br />
dévouement m'inspirent la plus grande confiance.<br />
Conformément à l'article 5 du décret précité,<br />
neur de vous prier d'assigner à cet officier<br />
j'ai l'hon<br />
supérieur un<br />
rang et un traitement particuliers. L'intérêt du service<br />
l'exige, et il existe à cet égard des précédents à l'armée<br />
d'Afrique. Le colonel Fitz-James qui commandait il y a<br />
quelques années la place de Mostaganem jouissait d'un<br />
traitement spécial.
— 332<br />
495<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 7 décembre 1836.<br />
Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez fait l'hon<br />
neur de m'écrire le n novembre dernier pour me rendre<br />
compte du résultat de la mission du chef d'escadron de<br />
Bancé, votre aide de camp, auprès du bey de Tunis.<br />
Je vois avec satisfaction, par le rapport de cet officier<br />
supérieur,<br />
par la lettre de M. le Consul général et par ce<br />
que le bey vous a écrit lui-même, que ce prince est tou<br />
jours favorablement disposé pour la France et qu'il n'a pris<br />
personnellement aucune part aux intrigues qui ont motivé<br />
l'envoi de votre aide de camp à Tunis. Néanmoins, il sera<br />
nécessaire que vous recommandiez à M. le Consul général<br />
de France dans cette résidence, de veiller avec soin à ce que<br />
les promesses du bey s'exécutent exactement, tant en ce qui<br />
concerne la sûreté des communications par terre entre Tunis<br />
et La Calle,<br />
bey<br />
qu'en ce qui regarde les relations qu'Ahmed-<br />
pourra chercher à entretenir avec quelques fonction<br />
naires du beylick de Tunis.
333<br />
49e<br />
Le Général Trézel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 9 décembre 1836.<br />
Hier 8, le convoi parti de Bône pour Guelma est revenu<br />
sous l'escorte du 3e<br />
bataillon du 62e<br />
régiment sans avoir vu<br />
d'ennemis, mais on a trouvé sur la route- de la source<br />
chaude de Moi* Elfa et au ruisseau de Nechmeya les corps<br />
de deux soldats du<br />
17"<br />
léger qui seront sans doute restés en<br />
arrière du convoi en allant à Guelma. Ils avaient des bles<br />
sures de balles et de yatagan,<br />
coupé la tête.<br />
mais on ne leur avait pas<br />
Les tribus des environs de Guelma y viennent au marché<br />
du camp. L'un des chefs est venu ici avec le convoi et nous<br />
a montré une lettre d'Ahmed qui les engage à nous faire la<br />
guerre et à le seconder dans l'attaque que le bey lui-même<br />
veut diriger sur le camp; six chefs de tribus se sont rendus<br />
auprès de lui à Constantine.<br />
Demain 10, je fais partir le lieutenant-colonel Duvivier<br />
et Yusuf. La colonne se composera de /100 à 45o hommes du<br />
ib<br />
bataillon d'infanterie légère d'Afrique,<br />
dont i5o reste<br />
ront à Guelma et les autres serviront d'escorte pour le retour<br />
et environ i5o spahis. C'est tout ce que Yusuf pourra<br />
emmener avec lui.<br />
Ils'<br />
partent ainsi que leur chef avec une<br />
extrême répugnance. J'espère que là-bas ils se seront bien<br />
tôt établis<br />
passablement puisque ni l'eau ni le bois ne man<br />
quant. Quant aux Turcs à pied, ils sont hors d'état de<br />
bouger encore et je les laisse à la Seybouse et dans nos
— — 334<br />
blockhaus pendant une quinzaine encore podr qu'ils puis<br />
sent se refaire. Beaucoup ont les pieds gelés et presque tous<br />
manquent de vêtements et de chaussures.<br />
La. compagnie franche que je voulais donner au lieute<br />
nant-colonel Duvivier est aussi absolument hors d'état de<br />
marcher. Je la renverrai à Bougie par le premier bâtiment.<br />
Les troupes actuellement au camp de Guelma se compo<br />
sent de :<br />
rie).<br />
46o hommes du<br />
176<br />
léger dont 36 malades<br />
18 hommes d'artillerie dont 4 malades<br />
(Je fais remplacer ces 4 malades de l'artille<br />
16 hommes du génie dont 2 malades<br />
On avait complété à 5oo hommes le bataillon du<br />
à son départ de Dréan,<br />
178<br />
léger<br />
mais 4o se sont trouvés si faibles à<br />
quelques lieues de distance qu'ils sont revenus au camp.<br />
Les malades de Guelma s'y guériront sans doute bientôt,<br />
car l'air y est fort sain et ceux qui exigeront plus de soins<br />
seront ramenés ici par le retour du convoi. Je ne doute pas<br />
que l'activité du lieutenant-colonel Duvivier n'ait bientôt<br />
complété les abris et les moyens de défense de ce camp. Si,<br />
les Arabes continuent amener d'y du grain et des bestiaux<br />
tout ira bien puisque j'espère qu'on y pourra faire du pain<br />
d'abord avec la farine que j'y fais envoyer par M. l'Inten<br />
dant militaire, puis au moyen des meules qu'on trouve sur<br />
place. Je serai fixé là-dessus peu de jours après l'arrivée du<br />
lieutenant-colonel Duvivier.<br />
Notre état sanitaire est toujours bien fâchfeux. Nous<br />
avions hier 1.026 hommes à l'hôpital, avant l'arrivée d'une<br />
centaine ramenés de Guelma. Il y en a 5oo en ville et au<br />
camp<br />
de Dréan.<br />
Le Crocodile va nous porter 35o hon.mes (officiers com<br />
pris) du 63e régiment. J'aurais voulu -que ce bateau pût<br />
prendre tout ce qui restait à Bône de ce régiment,<br />
est jugé impossible par le commandant de la station.<br />
mais cela<br />
La tribu Eulma qui comptait une trentaine de spahis ré-
— — 335<br />
guliers en avait fourni un détachement de 25 pour le der<br />
nier convoi sur Guelma. Ces hommes ont déserté à leur<br />
tribu et ont fait enlever les tentes et tous se. sont portés à<br />
Treat (i) vers le Cap de Fer où Ben Sadi, cheick d'Ahmed-<br />
bey a beaucoup<br />
d'influence. La tribu de Cheurfa est aussi<br />
partie pour les environs de Constantine.<br />
Le 12 décembre, il n'y<br />
aura encore que pour 12 jours de<br />
vivres au camp de Guelma après l'arrivée du convoi qui<br />
part demain et qui en portera pour six jours. L'intendant<br />
peut envoyer qu'une n'y voiture et 3o mulets chargés.<br />
Je suis en avance de dépenses secrètes et dois pourvoir à<br />
la nourriture à 2 francs par jour des trois chefs de tribus<br />
que Yusuf m'a laissés en parlant pour l'expédition. Ces<br />
chefs ont une grande influence dans les environs de La Calle<br />
et leur évasion —<br />
dit<br />
hostilité contre nous.<br />
Yusuf —<br />
mettrait tout le pays en<br />
Le capitaine Berthier vient de m'expédier un corailleur<br />
et de me faire diverses demandes auxquelles je satisfais en<br />
partie par l'envoi d'un sous-officier du génie et de vivres.<br />
L'administration civile en est encore à envoyer un agent<br />
chargé de faire le devis de ce qui manque dans ce poste<br />
depuis six mois et encore cet agent a-t-il manqué le départ<br />
du chébec, puis quand il aura rapporté son devis, M. Disaut<br />
l'enverra à Alger et dans six autres mois on<br />
commencera le<br />
travail si le devis est approuvé et qu'il y ait des fonds.<br />
(1) Treat,<br />
Takouch. -<br />
région entre le Cap de Fer et Bône, au sud de la baie de
— — 336<br />
497<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Areh. Guerre) (i)<br />
Alger, le 10 décembre 1836.<br />
S. A. B. le duc de Nemours est arrivé le 6 à Alger, il a<br />
reçu immédiatement les autorités et les différents corps<br />
d'officiers.<br />
Le. 7, S. A. B. a visité l'hôpital du jardin du Dey, la<br />
Casbah, le fort l'Empereur et a passé en revue la milice<br />
africaine et la garnison de la ville.<br />
Le 8, le prince s'est rendu au camp de Douera et à celui<br />
de Boufarik, il a parcouru la Mitidja et est rentré à Alger<br />
par Oued-el-Kerma.<br />
Le 9, S. A. B. a visité quelques établissements militaires.<br />
Les mosquées, les synagogues et l'église française;<br />
ensuite examiné les travaux du port.<br />
elle a<br />
S. A. B. a été satisfaite de ce qu'elle a vu. Le prince va<br />
sV.mbarquer et jouit d'une bonne santé. J'attends des nou<br />
velles de Tlemcen. J'apprendrai, j'espère,<br />
que le général<br />
de a Létang ravitaillé cette place.<br />
Je vais donc renvoyer le 59* régiment. La plaine de la<br />
Mitidja jouit de la plus grande tranquil'itï.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 337<br />
498<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger, le 10 décembre 1836.<br />
L'occupation de Guelma produit l'effet que j'en attendais.<br />
Ahmed-bey n'ose pas se fixer à Constantine; il conseille à<br />
la population de la ville de l'abandonner et de se retirer à<br />
Hamar Kodde (2) à trois journées sud de Constantine, il a<br />
fait décapiter le cheick el Beled el huit personnages des<br />
plus influents de la ville.<br />
Je vous prie d'autoriser les travaux qui se font à Guelma<br />
pour mettre à couvert l'infanterie française;<br />
que vous pourrez faire pour les Turcs et spahis.<br />
vous verrez ce<br />
Les travaux pour réparer la plus grande partie- des forti<br />
fications de Guelma ne coûteront rien et seront faits par les<br />
troupes toutes remplies de zèle et de bonne volonté.<br />
Guelma est à 18 lieues du poste de Bône et à 20 de Cons<br />
tantine;<br />
c'est un échelon utile pour arriver à Constantine<br />
et un moyen de briser, d'affaiblir la puissance d'Ahmed-bey<br />
et de s'emparer facilement de la capitale.<br />
(lî Dépêche télégraphique'.<br />
Ahrher Khadd: 1<br />
'*<br />
?.5 m.), massif montagneux de l'Aurès, à une<br />
(2)<br />
vingtaine de kil. E. de- ..iskra.<br />
22
— 338<br />
499<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 14 décembre 1836.<br />
J'ai l'honneur de vous demander avec la plus vive ins<br />
tance qu'il soit fait une enquête par l'administration pour<br />
constater d'une manière certaine s'il est vrai que j'ai eu un<br />
intérêt personnel et privé dans la concession de la ferme<br />
de Souk-Ali demandée par M. Melchion et refusée d'après<br />
votre dépêche du 27 novembre dernier.<br />
Je demande en outre que M. Baude fasse partie de la com<br />
mission qui serait créée à cet effet, les investigations aux<br />
quelles il s'est déjà livré le rendant plus propre qu'un<br />
autre à découvrir la vérité,<br />
avec une attention toute spéciale.<br />
car il s'est occupé de cette affaire,<br />
Il est temps que je fasse cesser des bruits accueillis et<br />
encouragés par des personnes qui ont pour agir des motifs<br />
que je connais.
— 339<br />
500<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Paris, le 17 décembre 1836.<br />
J'ai reçu votre dépêche télégraphique de Bône et votre<br />
rapport du de ce mois.<br />
Je viens de m'entretenir avec M. de Bancé, votre aide de<br />
camp.<br />
Je reçois à l'instant votre dépêche de Bône du 3 décem<br />
bre. J'approuve l'occupation de Guelma,<br />
et tout ce que vous<br />
proposez pour un établissement solide sur ce point; j'ap<br />
prouve aussi le choix de M. le lieutenant-colonel Duvivier<br />
pour le commandement de ce poste important. Vous né<br />
pouviez en faire un qui fût plus agréable au Gouvernement<br />
du roi.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 340<br />
501<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)' (i)<br />
Paris, le 17 décembre 1836.<br />
L'état de l'Afrique après l'expédition de Constantine et la<br />
discussion qui va s'élever dans les Chambres rendent néces<br />
saires votre présence à Paris,<br />
où le Gouvernement du roi<br />
aura besoin de vos renseignements et de vos lumières.<br />
Je vous invite à partir immédiatement.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
341 —<br />
502<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 18 déce?d""-t>. 18$6.<br />
Monsieur le Maréchal, j'ai reçu par fragments successifs<br />
votre dépêche télégraphique de Bône (sans date) transmise<br />
de. Toulon le n décembre; votre rapport, en date du sur<br />
l'expédition de Constantine n'est arrivé le i5 de ce mois,<br />
en même temps que la dite dépêche télégraphique.<br />
Vous comprendrez, Monsieur le Maréchal, l'impression<br />
douloureuse que ces dépêches ont fait éprouver au roi et<br />
l'effet qu elles ont dû produire sur l'esprit public (i).<br />
(1) Dans un projet de lettre en date du 17 décembre auquel fut subs<br />
tituée la lettre du 18 décembre reproduite ci-dessus, le Ministre s'ex<br />
primait dans les termes suivants : ■ Votre dépêche et votre rapport<br />
ont causé des sensations diverses dans le public, la dépêche télégra<br />
phique particulièrement a produit une impression pénible que la pu<br />
blication du rapport, atténuera peut-être, mais ne détruira pas entière<br />
ment. Les lettres particulières enfin, sur cette même expédition, rap<br />
portées par les journaux, influent diversement sur l'opinion que Ton<br />
s'est faite des pertes éprouvées dans la marche de Guelma sur Cons<br />
tantine et dans les attaques devant cette ville.<br />
« Vous comprendrez que cette situation des esprits, surtout à l'ap<br />
proche de la session des Chambres, exige que vous vous rendiez le<br />
plus promptement possible à Paris pour éclairer le Gouvernement du<br />
Roi sur l'état des choses en Afrique, sur les conséquences de l'expé<br />
dition, ainsi que sur les dispositions ultérieures qu'il y aura lieu ds<br />
prescrire pour une nouvelle expédition devenue nécessaire, pour don<br />
ner aux Chambres les renseignements qu'elles pourront demander et<br />
que vous seul pourrez fournir complètement, enfin pour calmer par<br />
votre présence ici les inquiétudes que font naître quelques esprits<br />
alarmés ou mal intentionnés. Le Foi compte que dans la circonstance<br />
présente vous ne différerez point votre retour.<br />
etc.» (Arch. Gnerre).<br />
« Vous remettrez le commandement,
— — 342<br />
L'état de l'Afrique après l'expédition de Constantine, et<br />
la discussion qui va s'élever dans les Chambres rendent<br />
nécessaire votre présence à Paris où le Gouvernement du<br />
roi aura besoin de vos renseignements et de vos lumières,<br />
Je vous invite donc à partir immédiatement.<br />
Vous confierez les fonctions de gouverneur général à<br />
M. le lieutenant général Bapatel, comme vous l'avez déjà<br />
fait lorsque vous vous êtes absenté et vous lui donnerez<br />
les instruirons nécessaires pour l'exercice de ces fonctions<br />
intérimair \<br />
Hier, aC.<br />
■<br />
E j'ai reçu votre dépêche, datée de Bône,<br />
-e, sur l'occupation de Guelma; j'approuve les<br />
3 deçeTii<br />
dispositions que vous avez prises pour un établissement<br />
solide sur ce point important; j'approuve aussi l'excellent<br />
choix que vous avez fait de M. le lieutenant-colonel Duvi<br />
vier pour lui en confier le commandement.<br />
M. de Bancé,<br />
votre aide de camp, est arrivé hier matin à<br />
Paris; j'ai conféré longuement avec lui et j'ai été très satis<br />
fait des renseignements qu'il m'a donnés et de la manière<br />
dont il m'a expliqué toutes les circonstances de détail de<br />
l'expédition.<br />
P. S. —<br />
J'ai<br />
reçu presque en même temps votre dépêche<br />
télégraphique de Bône du décembre et celles datées<br />
d'Alger du 10 de ce mois.
343<br />
503<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Paris, le 18 déc^.nhre 1836.<br />
J'ai reçu les deux lettres confidentielles que vous m'avez<br />
fait l'honneur de m'écrire; la première jointe à votre rap<br />
port sur l'expédition, la seconde datée d'Alger, le n décem<br />
bre.<br />
Votre rapport a excité beaucoup d'intérêt. Il a montré les<br />
choses telles qu'elles étaient et le non-succès de l'entreprise<br />
a du moins laissé intact l'honneur de nos armes et votre<br />
haute réputation militaire. Comme vous, je considère que<br />
l'occupation de Guelma et la certitude acquise que les indi<br />
gènes, dans cette partie de la Bégence,<br />
ne sont pas disposés<br />
a se mettre en hostilité contre nous, sont des résultats con<br />
sidérables. Ils sont payés un peu cher, mais il faut prendre<br />
les choses telles que les événements nous les donnent et ne<br />
songer qu'à réparer les échecs qu'une mauvaise fortune<br />
nous avait préparés.<br />
J'ai déjà pris des mesures pour profiter des résultats<br />
acquis et pour réparer les pertes éprouvées. Je m'en occupe<br />
d'une. manière incessante et rien, absolument rien,<br />
ne sera<br />
négligé ou omis pour que notre établissement en Afrique<br />
ne souffre en aucune manière de la<br />
11) Confidentielle.<br />
malencontreuse affaire
— — 344<br />
de Constantine. Sous peu de jours, j'enverrai officiellement<br />
les ordres-<br />
et les instructions nécessaires pour atteindre ce<br />
but. Vous n'avez pas un seul instant désespéré de conduire<br />
la chose à bien et vous me trouverez toujours et constam<br />
ment dans les mêmes dispositions.<br />
J'ai été très satisfait, non seulement des détails circons<br />
tanciés que m'a donnés, en votre nom, M. de Bancé, mais<br />
encore de la manière sage et calme avec laquelle il envisage<br />
les choses..<br />
Vou&;he pouvez pas vous dispenser de venir à Paris. Votre<br />
présente ici sera indispensable,<br />
soit pour nous aider de vos<br />
lumières -et des grandes connaissances que vous avez des<br />
hommes<br />
et'<br />
clés choses en Afrique, soit à cause des discus<br />
-<br />
sions qui nécessairement vont s'élever dans les Chambres.<br />
Hier le télégraphe a été chargé, à cet égard, d'une dépêche<br />
pour vous. En ce qui concerne le traitement dont vous<br />
jouissez à Paris, j'arrangerai tout cela pour le mieux; vous<br />
y<br />
venez par ordre et vous ne devez pas le faire à vos dépens;<br />
ainsi soyez tranquille à cet égard.<br />
Je vous ai écrit au sujet de M. le général de Bigny (i); il<br />
demande qu'un conseil d'enquête examine sa conduite.<br />
C'est une satisfaction qu'il a droit d'exiger, et d'après ce<br />
que M. de Bancé m'a dit, comme aussi d'après ce que nom<br />
bre de lettres publiées dans les journaux ont, proclamé, je<br />
ne vois pas que ni vous ni moi puissions nous dispenser de<br />
faire examiner judiciairement la conduite de cet officiel-<br />
général .<br />
Comme vous, je suis intimement persuadé qu'il faut<br />
ramener le personnel militaire que nous avons en Afrique,<br />
et dorénavant, n'y envoyer que, ceux qui sont aptes à y<br />
rendre des services réels, et non pas ceux dont on ne saurait<br />
que faire ici. Nous nous entretiendrons largement de tout<br />
cela quand vous serez arrivé à Paris.<br />
(1) Sur cette affaire, voir infra la lettre de Clauzel du 2 janvier<br />
1837.
345 —<br />
Ni votre réputation si élevée et si glorieusement acquise,<br />
ni l'honneur de nos armes ne se trouvent compromis dans<br />
cette circonstance : voilà un grand point. Le temps, la per<br />
sévérance et de nouveaux moyens organisés feront le reste.<br />
P S. —<br />
Je<br />
reçois à l'instant votre dépêche du n décem<br />
bre qui m'annonce le ravitaillement de Tlemcen. C'est une<br />
bonne nouvelle qui sera mise ce soir dans les journaux.<br />
504<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 18 décembre 1836.<br />
Par la dépêche télégraphique que vous m'avez fait l'hon<br />
neur de m adresser sous la date du 3 de ce mois,<br />
vous me<br />
recommandiez de faire surveiller avec le plus grand soin<br />
les individus qui approcheraient Mgr le duc de Nemours.<br />
Les sentiments que Mgr le duc de Nemours a pu remar<br />
quer dans la population d'Alger lorsqu'il a visité les nom<br />
breux établissements publics étaient de nature à dissiper<br />
toutes mes inquiétudes,<br />
lors même que je n'aurais pas éie<br />
convaincu par avance que vos craintes n'étaient heureuse<br />
ment pas fondées.<br />
Tout en prescrivant les mesures dictées par la prudence,<br />
je ne pouvais m'empêcher de me rappeler que bien souvent<br />
on m'avait prévenu que ma vie était en danger et cependant<br />
jamais la plus légère circonstance n'a pu me faire supposer<br />
que cet avis officieux avait quelque vraisemblance.
346<br />
505<br />
Le Général Trézel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)'<br />
Bône, le 28 décembre 1836.<br />
Yusuf -bey est revenu à Bône fort malade de la- fièvre et<br />
de la dyssenterie; il n'a pu aller que jusqu'à Dréan. Les<br />
spahis se sont cependant rendus au camp de Guelma et il y<br />
en a maintenant et 217 8 officiers. Le bey m a fortement<br />
engagé à en laisser partir la moitié pour leurs tribus; les<br />
escadrons alterneront ainsi à chaque convoi dont ils forme<br />
ront l'escorte pour l'aller et le retour. J'y joindrai de l'in<br />
fanterie qui sera prise au camp de Dréan. Lorsque le beau<br />
temps permettra de faire en un seul jour le trajet de Dréan<br />
à Guelma, il sera possible de faire aller les escortes au-<br />
devant l'une de l'autre jusqu'au col au-dessus de Mou Elfa<br />
et alors chacune pourra retourner le soir à son propre camp,<br />
ce qui aurait le double avantage de bien moins fatiguer les<br />
troupes et de faire un convoi en 4 jours au lieu de 6. Déjà<br />
le convoi du 10 de ce mois est revenu avec les voitures en<br />
un jour de Guelma à Dréan. Il a trouvé les troupeaux des<br />
tribus paissant à peu de distance à droite et à gauche de la<br />
route.<br />
Ce matin, il est parti un convoi de huit voitures et cent<br />
mulets chargés d'un mois de vivres, de munitions d'artille<br />
rie et de matériel du génie. J'y ai fait joindre une douzaine<br />
de tentes pour les officiers. Il sera escorté par 35 chasseurs<br />
et spahis jusqu'à Dréan où il prendra 200 hommes d'infan<br />
terie. J'aurais voulu pouvoir différer parce que le temps est
— — 347<br />
bien mauvais depuis deux jours, mais Guelma n'est appro<br />
visionné que jusqu'au 27 en y comprenant le peu de blé<br />
que les Arabes y ont apporté, et si la pluie continuait, les<br />
chemins deviendraient encore plus difficiles et les gués<br />
seraient peut-être impraticables. Le lieutenant-colonel Du<br />
vivier sera prévenu ce soir de la marche de ce convoi afin<br />
qu'il puisse venir au devant et faire quelques dispositions<br />
pour faciliter le passage de la Seybouse. Je lui envoie la<br />
plupart des objets qu'il me demande,<br />
au moins tous ceux<br />
que j'ai pu réunir. Il vient de fixer le plan de ses ouvrages<br />
de défense et sent l'indispensable nécessité d'un réduit inté<br />
rieur. Tout son monde est déjà à l'ouvrage et vous pouvez<br />
compter que tout ce qui pourra y être fait le sera prompte<br />
ment et bien.<br />
Vous savez qu'il reste à Bône un millier d'hommes desti<br />
nés à être transportés à Alger, Oran et Bougie. La circula<br />
tion ordinaire des bateaux à vapeur rendrait ces transports<br />
bien lents; il serait donc nécessaire que les corvettes de<br />
charge fissent encore un voyage-<br />
et que l'une d'elle fût dis<br />
posée pour porter à Alger les malades appartenant aux corps<br />
et qui ne doivent pas rester à Bône. Cet allégement nous<br />
est bien nécessaire,<br />
car toutes nos casernes sont transfor<br />
mées en succursales d'hôpitaux et malgré tous les soins<br />
qu'on prend, la mortalité s'élève à une dizaine d'hommes<br />
par jour, sur 1260 malades.<br />
J'ai autorisé le lieutenant-colonel Duvivier à garder à<br />
Guelma i5o hommes du bataillon d'infanterie légère<br />
d'Afrique. Dois-je les rappeler lorsque le reste du détache<br />
ment de ce bataillon sera embarqué pour Oran. Cela vau<br />
drait mieux,<br />
je crois, car les hommes ainsi séparés de leur<br />
corps éprouvent beaucoup de privations et ne peuvent être<br />
bien administrés. J'ai l'intention-, sauf votre approbation,<br />
de placer le 3e bataillon qui doit venir de la Corse dans les<br />
camps de Dréan et de Guelma. Ce sont des hommes robus<br />
tes, très industrieux et difficiles à contenir dans les villes.<br />
Le lieutenant-colonel Duvivier en sait tirer bon parti, ce<br />
pendant sur 4oo hommes qu'il emmenait au camp, 77 ont
— — 348<br />
bientôt abandonné la colonne et sont rentrés à leur canton<br />
nement de la Seybouse; bon nombre ont vendu ou aban<br />
donné leurs armes et vivent à l'aventure jusqu'à ce qu'ils<br />
soient arrêtés ou qu'ils manquent de nourriture. D'après le<br />
dire de quelques-uns et la confirmation que j'en ai reçue<br />
des officiers, le<br />
i*<br />
bataillon aurait vendu en peu de jours<br />
aux Arabes des environs d'Oran 57 fusils et un grand nom<br />
bre de paquets de cartouches. Ici ils en font autant chaque<br />
fois qu'ils le peuvent. Je fais dresser la plainte contre les<br />
instigateurs de la désertion de ces 77 hommes et le besoin<br />
d'un exemple qui fasse impression sur eux ne me permet<br />
tra pas de faire surseoir à l'exécution si le Conseil de Guerre<br />
en condamne un ou deux à la peine capitale.<br />
Le lieutenant-colonel Duvivier réclame avec instance deux<br />
voitures attelées de l'artillerie et du génie pour les travaux<br />
de son camp de Guelma. Convaincu que ce secours lui est<br />
absolument nécessaire, je lui envoie et fais retenir ces deux<br />
voitures et leurs attelages de six chevaux sur la partie des<br />
parcs de ces deux armes qui n'est pas encore embarquée.<br />
11 me serait impossible sans cela de rien distraire pour<br />
Guelma des moyens de transport déjà bien insuffisants que<br />
nous avons à Bône. Je prie le lieutenant général Bapatel<br />
d'approuver cette disposition ou de vous la soumettre si<br />
elle avait besoin de votre sanction.<br />
J'ai eu l'honneur de vous informer que les tribus des<br />
Chcurfa et d'Eulma s'étaient retirées la première vers Cons<br />
tantine, la deuxième vers l'extrémité occidentale du lac<br />
Fezzara du côté des Ouled Lakall. Le cheick de ces Eulma<br />
est venu après me demander la permission de revenir de ce<br />
côlé-ci du lac et d'y cultiver les terres que cette tribu exploite<br />
depuis longtemps. Le bey<br />
était alors absent et j'ai accordé<br />
cette permission en l'en prévenant. Je tiens beaucoup à re<br />
peupler l'espace entre Bône et Guelma et dans les circonstan<br />
ces actuelles, il ne faut pas exercer,<br />
même contre les Arabes<br />
qui donnent quelques sujets de plainte, des rigueurs qui<br />
les éloigneraient pour toujours et, en feraient des ennemis<br />
irréconciliables. Je ne permettrai de razzias que contre les
•<br />
— 349 —<br />
tribus qui auraient commis des hostilités flagrantes. On cla-<br />
baude beaucoup ici contre ce brave Yusuf et le plus souvent<br />
fort injustement. Je le soutiens, d'abord par esprit de jus<br />
tice et puis parce qu'il est malheureux et réellement fort<br />
malade quoique sans danger pour sa vie;<br />
vous pouvez<br />
compter qu'il traînera le mal en longueur pour ne point<br />
aller à Guelma sous la verge de Duvivier.<br />
Le capitaine Berthier est venu passer quelques heures ici<br />
il y a trois jours. Tout est tranquille aux environs de La<br />
Calle, mais un matelot du chébec Le Bouberak venait d'être<br />
tué d'un coup de pistolet par un très jeune Arabe qui<br />
croyait avoir été outragé mortellement par un geste grossier<br />
que lui avait fait ce marin. M. Berthier est-parvenu à assou-<br />
pir cette malheureuse affaire en obtenant de la tribu de<br />
l'Arabe une indemnité de i.5oo francs qui sera donnée à<br />
la famille du mort. Cette somme ne sera réunie que par une<br />
retenue mensuelle sur la solde que nous accordons à la<br />
tribu sous le titre de spahis irréguliers.<br />
J'attends un rapport officiel sur le pain. La garnison indi<br />
gène est composée d'hommes qui ne reçoivent que i franc<br />
par jour et cette faible solde ne peut suffire à leurs besoins.<br />
Us sont déguenillés et se<br />
Comme nous<br />
vent 2 fr. 10 par jour,<br />
nourrissent fort chichement.<br />
avons ici bon nombre de ces gens qui reçoi<br />
je vais faire un échange entre eux.<br />
Vingt-neuf de ces derniers iront à La Calle<br />
garnison actuelle qui se<br />
remplacer la<br />
trouvera ici toute à l'aise avec ses<br />
, vingt sous par jour parce que tout y est à meilleur compte<br />
et les autres n'auront aucune privation là-bas avec une solde<br />
plus que doublée. ,<br />
Je fais faire un grand nettoyage de la ville et ce n est pas<br />
une petite, besogne. .<br />
Nous avons perdu cette nuit une chaloupe qui servait aux<br />
' ' "<br />
chevaux. Vj c<br />
embarquements et débarquements de C était la<br />
narr<br />
possédât la direction du port. Ses amarres ont<br />
seule que labou-<br />
mouvements de la mer qui labou<br />
pendant la nuit aux<br />
édé<br />
C6d.7,Z, „*<br />
a,ip „ été ietée sur la côte au levant de 1 em<br />
rait le fond et elle a été jetée sur<br />
bouchure de la Seybouse
350<br />
600<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén^, EE7) (i)<br />
Alger, le 19 décembre 1836.<br />
Abd el Kader fait entendre de nouveau des paroles de<br />
paix. Je n'ai aucune confiance dans leur sincérité, ni dans<br />
la durée de cette intention. J'ai autorisé son agent à revenir<br />
vers lui et à lui répéter ce qu'il lui avait dit l'année dernière<br />
de ma part, que le premier acte devait être une soumission<br />
pleine et entière et qu'il devait se reconnaître ainsi sujet de<br />
la France. Je suis convaincu que la démarche d'Abd el<br />
Kader cache des prétentions inadmissibles. Nous verrons.<br />
Il est positif pourtant que ce chef éprouve les plus gran<br />
des difficultés à se faire obéir et à réunir un nombre consi<br />
dérable d'hommes contre nous; il n'avait pas dernièrement<br />
plus de trois mille hommes à opposer au général de Létang<br />
quoi qu'on eût fait mention de- vingt mille hommes dans<br />
un rapport.<br />
La plaine de la Mitidja est dans ce moment parfaitement<br />
tranquille, il en est de même de Bône pour la Seybouse.<br />
Deux tribus se sont éloignées de Bône pour se porter l'une<br />
vers Constantine et l'autre vers le Cap de Fer.<br />
La nouvelle de l'arrestation de Sidi-Embarek par Abd el<br />
Kader circule ici depuis quelques jours.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— 361 —<br />
607<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 19. décembre 1836.<br />
J'ai reçu d'Oran par le dernier courrier des documents<br />
que je vous transmets sur la position dans laquelle se trouve<br />
la population indigène de Tlemcen. Vous y verrez que la<br />
misère de nos alliés est arrivée à un point où elle est tout<br />
à fait insupportable. Nous ne pouvons les laisser davantage<br />
dans cet état et il y a même impossibilité matérielle à ce<br />
qu'ils y lestent plus longtemps. La population de Tlemcen,<br />
lorsque j'ai quitté la ville se composait de 180 familles jui<br />
ves, d'un nombre à peu près égal de familles maures et de<br />
8oo familles de Couloughlis. Je n'ose proposer d'approvi<br />
sionner un pareil nombre d'habitants par des convois partis<br />
d'Oran,<br />
ce serait une grande charge, mais j'ai cru devoir<br />
vous soumettre l'état des choses afin que vous fussiez à<br />
même de décider ce qu'il convient de faire. Quel que soit<br />
le mode qu'on adopte pour tirer nos alliés de l'extrémité où<br />
ils sont réduits, ils sont disposés à l'accepter,<br />
car tout pour<br />
eux est préférable à ce qui existe aujourd'hui et ils aime<br />
raient mieux abandoner une ville où ils sont depuis cinq<br />
ans et où ils ne peuvent plus se nourrir que d'y demeurer<br />
aux conditions actuelles. S'ils abandonnaient cette place, il<br />
deviendrait en quelque sorte inutile d'y<br />
entretenir une gar<br />
nison dont le but est principalement déterminé par la pré<br />
sence d'une<br />
population amie sur ce point. Dans le cas où<br />
cette population se retirerait, faites-moi connaître quel parti<br />
vous jugeriez à propos d'adopter.
352 —<br />
508<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 20 décembre 1836.<br />
Je crois devoir vous présenter quelques observations rela<br />
tivement à votre refus d'approuver la concession de la ferme<br />
de Souk-Ali à M. Melchion (dépêche du 27 novembre i836)<br />
non pour ce refus en lui-même, mais à cause des rensei<br />
gnements non officiels qui vous ont été adressés et qui me<br />
sont parfaitement connus.<br />
Les personnes qui vous ont fait entendre que je pouvais<br />
avoir un intérêt personnel dans cette concession vous ont<br />
trompé et m'ont calomnié. Comme gouverneur, comme<br />
homme public paraissant investi de la confiance du Gou<br />
vernement, j'ai un intérêt paternel, moral, tout moral,<br />
réel au succès prompt,<br />
complet de la colonie et pour ce<br />
motif je n'épargne ni soins, ni peines, ni travaux. Cela peut<br />
paraître extraordinaire aux personnes qui donnent des in<br />
formations au ministère, mais ici c'est un fait qu'aucune<br />
dénonciation ne saurait détruire. J'ai engagé vivement l'an<br />
née dernière plusieurs particuliers riches et capables à de<br />
mander quelques concessions pour les mettre en valeur. Il<br />
en est qui n'ont aucune confiance dans l'avenir de la colo<br />
nie et qui refusèrent mes invitations. M. Melchion s'y rendit<br />
non sans difficulté et je lui promis autant que cela pouvait<br />
dépendre de moi de lui faire donner la plus grande partie<br />
de Souk-Ali. Ma promesse n'était pas un engagement qui<br />
dût contraindre votre approbation; mes actes ont toujours
— — 353<br />
été et de droit en pareilles circonstances soumis à votre<br />
approbation. M. Melchion l'a compris de cette manière ; je<br />
ne l'ai pas entendu différemment et je repousse à cet égard<br />
l'intention qui m'est gratuitement prêtée par le ministère.<br />
Vous trouvez un peu exorbitante, Monsieur le Ministre,<br />
la latitude laissée à M. Melchion de reconnaître les terrains<br />
afférents à sa concession.<br />
J'ai relu attentivement le projet d'arrêté qui vous a été<br />
soumis et je n'y trouve rien qui puisse motiver le reproche<br />
que vous m'adressez.<br />
Je vois seulement, paragraphe 6 de l'article 2 : le conces<br />
sionhaire sera tenu de faire dresser à ses frais avant l'expi<br />
ration de la troisième année par un géomètre assermenté ou<br />
agréé par l'administration, le plan des terres dont il aura<br />
été mis en possession ».<br />
Je ne puis reconnaître dans cette clause onéreuse pour<br />
M. Melchion la latitude de reconnaître les terrains afférents<br />
à sa concession.<br />
Vous pensez aussi, Monsieur le Ministre, que le prix de<br />
5o francs de redevance par hectare est trop<br />
modique. J'au<br />
rai l'honneur de vous faire observer que d'après le paragra<br />
phe de l'article 2,<br />
M. Melchion était tenu de construire un<br />
logement pour i5o hommes et pour i5o chevaux. Vous avez<br />
sous les yeux le devis<br />
estimatif de cette dépense dressé par<br />
un officier du génie et vous avez pu vous convaincre qu'il<br />
atteignait un chiffre très élevé puisqu'il était de 60.000 francs<br />
environ. Si je voulais me livrer à des calculs, il me serait<br />
facile de prouver que l'intérêt légal (en Afrique)<br />
de cette<br />
somme réparti sur 3oo hectares porte la redevance annuelle<br />
à 20 francs.<br />
Pour toutes les<br />
Afrique,<br />
concessions faites jusqu'à ce jour en<br />
nous avons pensé qu'il ne s'agissait point de pren<br />
dre des mesures fiscales et de créer des revenus au Gouver<br />
nement Nous avoris<br />
ture comme la base de<br />
dans l'avenir de<br />
d'indemniser un jour la<br />
considéré le développement de la cul<br />
notre propriété coloniale, car c est<br />
l'agriculture que nous avons les moyens<br />
métropole des sacrifices quelle<br />
23
— — 354<br />
s'impose. Pénétré de ces idées, il était de notre devoir de<br />
favoriser les hommes dont les entreprises concourraient au<br />
résultat que nous nous proposions d'atteindre.<br />
La ferme de Souk-Ali distribuée, divisée comme vous<br />
l'entendrez, n'aura pas dans deux ans le nombre de cultiva<br />
teurs qu'elle possédait et le commandant de la Mitidja aura<br />
un soin, une inquiétude de plus par la nécessité de mettre<br />
un poste que les maladies dévoreront là où des travailleurs<br />
seulement auraient suffi pour la défense.<br />
On vous a dit, Monsieur le Ministre^ que les foins vendus<br />
par M. Melchion compléteraient les travaux qu'il a fait à<br />
Souk-Ali. Sur ce fait, je suis allé aux renseignements fit ils<br />
ont produit la preuve que Souk-Ali n'avait vendu aucun<br />
foin à l'administration. Voici cette preuve.<br />
Vous avez raison, Monsieur le Ministre,<br />
pleinement raison<br />
de croire et de dire qu'une concession de 3oo hectares est<br />
et considérable et trop grande. On doit admettre cela en<br />
thèse générale lojrsque surtout les moyens d'exploitation<br />
manquent, mais ici ils sont où ils étaient entre les mains<br />
et dans la bonne volonté des concessionnaires qui n'avaient<br />
qui n'ont aucun engagement avec le Gouvernement.<br />
Vous me permettrez de faire observer que quoique très<br />
étendue, la concession de Souk- Ali l'était moins que celle<br />
de la Bassauta, dix ou douze fois plus grande au moins que<br />
celle de Souk-Âli et que le concessionnaire de Souk-Ali<br />
avait dix fois plus de moyens pécuniaires et de capacité ou<br />
d'intelligence que celui de la Bassauta que l'administration<br />
de la colonie a soutenu de tous ses moyens.<br />
Le gouverneur n a eu avec M. Melchion ni avec aucune<br />
autre personne la moindre part aux concessions. Ceux qui<br />
l'ont accusé pourraient à sa place être capables de cette<br />
action. 11 vous demande par une lettre particulière une en<br />
quête sur ce fait et il espère que vous ne la lui refuserez<br />
pas. Vous jugerez ensuite entre lui et ceux qui vous adres<br />
sent des avis officieux. Je repousse donc le soupçon d'avoir<br />
voulu engager votre résolution sur une concession à laquelle
— — 355<br />
j'aurais pu ou je pourrais donner, même offrir, dans l'in<br />
térêt de la colonie,<br />
mon appui.<br />
Je vous garantis que vous avez été trompé sur la vente<br />
des foins de Souk-Ali par M. Melchion et je ne crains pas<br />
de vous dire que l'entière division par petits, lots que vous<br />
croyez favorable au progrès de la colonisation lui sera nui<br />
sible.<br />
Ce sont les riches planteurs qui font prospérer les ou<br />
vriers dans les colonies et les ouvriers journaliers devien<br />
nent par le travail planteurs à leur tour. Telle est la marche<br />
que j'ai pu observer dans les colonies naissantes dans les<br />
nouveaux Etats en Amérique et vous avez pu, Monsieur le<br />
Ministre, y<br />
faire les mêmes observations.<br />
Je me confesse coupable, très coupable, d'embauchage au<br />
profit de ce pays. Je cherche partout des colons, des capita<br />
listes, des banquiers, des travailleurs. Ce n'est pas sans suc<br />
cès que j'ai agi jusqu'à ce jour,<br />
mais il existe un obstacle<br />
plus fort que mon pouvoir et c'est là ce qui doit tout tuer<br />
dans notre colonie.
356<br />
509<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 20 décembre 1836.<br />
C'est avec un vif sentiment de regret que j'ai l'honneur<br />
de vous annoncer la mort de M. Lemercier, colonel du<br />
génie. Embarqué le 2 à Bône sur le vaisseau Le Montebello,<br />
il a succombé pendant la traversée. Par ses connaissances<br />
et son activité, il rendait les plus grands services dans le<br />
poste qu'il occupait. Depuis six ans qu'il était en Afrique,<br />
il avait supporté de bien grandes fatigues, aussi je pourrais<br />
dire que sa vie n'a été qu'un long travail qui devait néces<br />
sairement accélérer l'époque de sa mort.<br />
Les importantes fonctions qui sont confiées au colonel<br />
du génie, la répartition d'un budget considérable sur des<br />
travaux de nature différente nécessitent chez cet officier su<br />
périeur des connaissances étendues, aussi je ne saurais trop<br />
appeler votre attention sur le choix du successeur que vous<br />
donnerez au colonel Lemercier.
—<br />
— 357<br />
610<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 22 décembre 1836.<br />
Il importe dans l'intérêt de la défense et du développe<br />
ment de notre agriculture qu'une parfaite sécurité règne<br />
dans la plaine de la Mitidja, aussi les plans qui pouvaient<br />
amener à atteindre ce résultat ont-ils constamment été l'ob<br />
jet de mon attention. Une grande tranquillité règne tou<br />
jours dans la partie est de cette plaine, c'est donc l'ouest<br />
qu'il faut mettre à l'abri du brigandage des Hadjoutes. Plu<br />
sieurs projets m'ont été soumis, mais ils étaient trop dis<br />
pendieux ou entraînaient un déploiement de forces trop<br />
considérables. Je me suis arrêté à celui que j'ai l'honneur<br />
de vous adresser, car j'ai reconnu par moi-même sur les<br />
lieux qu'il est d'une facile exécution. Son but serait de met<br />
tre par une ligne de défense le camp de Mahelma en com<br />
munication avec le poste établi au pied du petit Atlas et<br />
d'opposer une barrière aux incursions de nos ennemis.<br />
La ligne que l'on tracerait ainsi serait perpendiculaire à<br />
la plaine et se rapprocherait de Blida, on profiterait des obs<br />
tacles naturels et on les lierait par un fossé d'une largeur<br />
de six pieds au moins; des blockhaus plus nombreux que<br />
ceux qui existent déjà compléteraient le système de défense.<br />
Au croquis que j'ai l'honneur de vous transmettre, je joins<br />
la lettre du directeur des fortifications qui a parfaitement<br />
compris et entendu le projet que je vous soumets.
— — 358<br />
Je pensé que ce travail auquel on emploierait les troupes<br />
exigerait 2.000 ouvriers pendant six semaines et une dé<br />
pense de 25.000 francs environ. Si vous adoptez en principe<br />
l'exécution du plan que je vous propose, je donnerai l'or<br />
dre au directeur du génie de le comprendre dans les projets<br />
de défense qu'il m'adressera et que je dois soumettre à votre<br />
approbation.<br />
En établissant une ligne de défense de la mer au pied de<br />
l'Atlas, la police de la plaine devient extrêmement facile et<br />
les brigands qui s'y seraient introduits auraient à redouter<br />
de voir couper leur retraite ou tout au moins de ne pouvoir<br />
enlever les bestiaux dont ils se seraient emparés. Les nom<br />
breuses tribus qui peuplent la Mitidja ne nous demandent<br />
que notre protection pour se livrer à l'agriculture. Trouvant<br />
la sécurité bien établie,<br />
ceux des indigènes qui les compo<br />
sent et qui se sont éloignés échangeront facilement, ils<br />
me l'ont fait dire, pour des travaux paisibles et lucratifs<br />
leurs habitudes du pillage; le nombre de nos ennemis dimi<br />
nuerait et on n'aurait plus besoin de fréquentes expéditions<br />
leurs habitudes du pillage ; le nombre de nos ennemis dimi-<br />
Le projet que j'ai l'honneur de vous soumettre est de la<br />
plus haute importance, dans l'intérêt de la défense, du dé<br />
veloppement, de la culture et de l'assainissement d'une par<br />
tie de la plaine. A ce titre, Monsieur le Ministre, permettez-<br />
moi de le recommander à votre attention.
— 359<br />
511<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 22 décembre 1836.<br />
Le Gouvernement du roi désirant avoir de nouveaux ren<br />
seignements sur différentes branches du service et particu<br />
lièrement sur les ressources que l'on pourrait se procurer<br />
pour assurer complètement le succès de l'opération militaire<br />
que l'on projette sur Constantine, je charge MM. les lieute<br />
nants-colonels Foy et de la Bue et le chef d'escadron Pellion,<br />
attachés à mon Etat-Major, de se rendre, le premier à Bône,<br />
le second à Alger et le troisième à Oran,<br />
pour voir le pays,<br />
les troupes et les établissements et prendre des renseigne<br />
ments sur tout ce qui touche à l'avenir de l'Afrique.<br />
Ces officiers supérieurs ont ordre de se présenter devant<br />
vous. Je vous prie de les accueillir, de faire connaître l'ob<br />
jet de leur mission à MM. les Généraux commandant à<br />
Alger, Bône et Oran,<br />
aux commandants militaires, ainsi<br />
qu'aux directeurs de l'artillerie et du génie et aux fonction<br />
naires de l'administration, de les inviter à donner à<br />
MM. Foy, de la Bue et Pellion tous les renseignements qu'ils<br />
leur demanderont et de faciliter leur mission par tous les<br />
moyens qui sont en votre pouvoir.
— 360<br />
512<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris le 23 décembre 1836.<br />
Par la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire<br />
le 4 décembre courant,<br />
vous me faites connaître que vous<br />
avez confié au lieutenant-colonel Duvivier le commande<br />
ment du poste de Guelma. Déjà par une dépêche télégra<br />
phique du 17 et par ma lettre du 18, j'ai approuvé l'établis<br />
sement que vous avez ordonné de faire sur ce point et le<br />
choix que vous avez fait du lieutenant-colonel Duvivier.<br />
Quant au rang et au traitement particulier que vous vou<br />
driez lui voir accordés, il vous sera répondu spécialement<br />
dans quelques jours.<br />
Je reconnais, Monsieur le Maréchal, l'importance d'avoir<br />
un poste à Guelma, mais je- désire que vous me fassiez<br />
savoir d'une manière positive si la communication entre<br />
Bône et Guelma est bien assurée. Vous m'avez exprimé le<br />
regret que cet établissement ne soit pas sur la rive gauche,<br />
plutôt que sur la rive droite. On pourrait suppléer, je crois,<br />
à cet inconvénient en construisant sur la rive gauche de<br />
cette rivière une tête de pont; cela paraît d'ailleurs indis<br />
pensable pour la sûreté de la garnison de Guelma.<br />
11 est nécessaire de savoir ensuite si ce poste, lors des<br />
crues d'eau, ne sera pas isolé et en danger,<br />
des populations voisines,<br />
si l'on est sûr<br />
s'il n'est pas à craindre que la<br />
garnison soit attaquée par les troupes d'Ahmed-bey,<br />
Kabyles ou par les Arabes des environs.<br />
par les
—<br />
— 361<br />
Je désire enfin que vous m'indiquiez dans un mémoire<br />
détaillé, tout le parti que l'on peut tirer de Guelma comme<br />
position militaire, les établissements que l'on peut y créer,<br />
quels sont ceux qu'il est urgent d'entreprendre. Il importe<br />
aussi que vous fassiez des recommandations au colonel Du<br />
vivier, tant pour la sûreté des troupes qui sont sous son<br />
commandement et notamment des 5oo hommes de troupes<br />
françaises que pour ses relations avec les populations qui<br />
avoisinent Guelma. Il sentira qu'il est nécessaire, en outre,<br />
que par ses émissaires il soit informé le plus exactement<br />
possible de ce- qui se passe à Constantine, des projets d'Ah<br />
med et des travaux de défensive qu'il peut faire exécuter<br />
dans cette ville<br />
Pendant votre absence d'Alger, le général Bapatel devra<br />
s'assurer que toutes les recommandations ou ordres que<br />
vous aurez donnés sont exécutés et se faire rendre souvent<br />
compte de ce qui se passe sur les points occupés en avant de<br />
Bône.<br />
d'intérêt le rapport du général<br />
J'ai lu avec beaucoup<br />
Létang sur le ravitaillement de Tlemcen, joint à votre lettre<br />
du n décembre. Je vous prie de témoigner à cet officier<br />
général ma satisfaction sur le résultat qu'il a obtenu.
— 362<br />
513<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 23 décembre 1836.<br />
L'occupation de Guelma commence à produire ses effets.<br />
Ahmèdn'ose pas s'établir définitivement à Constantine, il<br />
n'y- fait pas même rentrer ses femmes ni son argent et la<br />
population est inquiète. 11 devient tous les jours plus sus<br />
pect; il pense et parle de soumission, mais cela a déjà eu<br />
lieu avant l'expédition.<br />
Dans le cas tout éventuel où des propositions seraient<br />
faites et en attendant vos instructions, je crois devoir vous<br />
dire que je n'écouterai ses propositions qu'autant que la<br />
condition de placer un bataillon dans la Casbah et un poste<br />
fortifié sur chaque porte de la ville serait acceptée, comme<br />
aussi celle de se reconnaître sujet de la France. La garnison<br />
française serait entretenue aux frais du beylick. Je crois<br />
que dans ce cas, il n'y a de notre part que des conditions à<br />
dicter. Je me conformerai d'ailleurs à ce que vous pres<br />
crirez.<br />
Abd el Kader n'est pas en meilleure situation. Les tribus<br />
sont mécontentes et le pressent de se soumettre. Aussitôt<br />
que le temps le permettra, je mettrai une colonne mobile<br />
en mouvement entre le Chélif, le Sig<br />
Mascara.<br />
et le Tlélat et vers<br />
Sidi Embarreck paraît avoir été mis en liberté par Abd<br />
el Kader.
363<br />
514<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7) (i)<br />
Alger, le 27 décembre 1836.<br />
J'apprends par Toulon que vous avez écrit au préfet ma<br />
ritime de proposer les moyens d'embarquement pour<br />
2.5oo hommes qu'on suppose destinés pour Bône. y »:<br />
Si cela est vrai, je souhaite que l'embarquement des trou<br />
pes n ait lieu qu'à la fin de janvier, parce qu'on les établi<br />
rait à Guelma où l'on préparerait leur établissement d'ici à<br />
cette époque.<br />
Bône est un mauvais endroit pour la santé du soldat,<br />
c'est un cloaque, c'est un véritable cimetière,<br />
vos établisse<br />
ments seront moins mal au fort Génois. A Bône, il suffit<br />
d'avoir la Casbah, la ville doit rester aux négociants, aux<br />
propriétaires. Les Arabes ne s'en empareront jamais, sur<br />
tout lorsque nous aurons Constantine. Maintenant c'est sur<br />
Guelma que nous devons réunir nos moyens et Guelma sera<br />
en tout temps un point important pour la communication<br />
avec Constantine quoiqu'il y ait. une route plus courte à<br />
faire plus tard : elle passera à peu de distance de Guelma.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
364<br />
515<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger, le 24 décembre 1836.<br />
J'ai reçu hier votre lettre du 17 renfermant la volonté du<br />
roi pour mon départ immédiat. Je serais parti après-demain<br />
si l'intendant militaire avait pu me remettre mes frais de<br />
voyage, mais n'ayant pas les moyens de faire cette avance,<br />
attendu les dépenses extraordinaires que j'ai été obligé de<br />
faire ad sujet de l'expédition, je me vois donc forcé d'atten<br />
dre mes appointements pour me mettre en route.<br />
Le is", je prendrai un bateau à vapeur et j'espère arriver à<br />
Paris du i5 au 20. Je ne crois pas que la Chambre refuse<br />
d'attendre mon arrivée et celle de l'intendant civil pour<br />
demander des explications sur notre situation en Afrique<br />
qui n'a jamais été meilleure qu'à présent sous tous les rap<br />
ports, car je crois que nous pourrons en finir avec Abd el<br />
Kader dans le courant de l'année et nous établir à Constan<br />
tine en juin.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
365 —<br />
516<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 31 décembre 1836.<br />
Je vous ai communiqué par ma dépêche du 5 novembre<br />
dernier les plaintes vives et réitérées de M. l'Intendant mili<br />
taire en Afrique au sujet du mauvais état et du manque<br />
absolu d'hôpitaux et de magasins de vivres dans les places<br />
de la Bégence et particulièrement à Bône.<br />
M. Melcion m'a adressé sous la date du io du même mois<br />
de nouvelles réclamations dont la gravité m'a frappé, et que<br />
sans aucun doute il aura porté d'abord à votre connais<br />
sance; car je me persuade que ce fonctionnaire, avant de<br />
formuler ses plaintes avec la vivacité qui le caractérise, aura<br />
senti qu'il convenait avant tout d'en référer à celui qui, par<br />
sa haute position et l'influence directe qu'il exerce sur les<br />
divers services, était à même de prescrire instantanément<br />
tout ce qu'exigeraient le bien du service et l'intérêt du sol<br />
dat.<br />
Toutefois, je vous envoie encore en communication la<br />
nouvelle lettre de M. l'Intendant militaire,<br />
et je vous prie<br />
de m'adresser un rapport spécial sur les réclamations qu'elle<br />
renferme, après vous être fait rendre compte par M. le Direc<br />
teur des Fortifications à Alger, de l'état d'avancement des<br />
travaux en cours d'exécution à Bône,<br />
en ce qui concerne le<br />
casernement et les bâtiments de l'administration militaire.<br />
Mon intention formelle a toujours été (et dans les cir<br />
constances actuelles cela est plus indispensable que jamais)
— — 366<br />
que ces travaux fussent poussés avec le plus d'activité possi<br />
ble; il faut que les crédits qui restent encore disponibles<br />
sur i836 soient entièrement employés immédiatement et<br />
que les ouvrages à faire pour améliorer et achever les bâti<br />
ments militaires tant pour le casernement que pour les<br />
hôpitaux et les vivres, reçoivent dès à présent la plus grande<br />
extension au moyen des fonds qui seront alloués sur le<br />
budget de 1837.<br />
Veuillez m'adresser sans le moindre retard le rapport qui<br />
vous est demandé ilérativement par la présente lettre.<br />
517<br />
Le général Rapatel au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 31 décembre 1836.<br />
Monsieur le Ministre, l'échange de M. France, lieutenant<br />
de frégate, et de cinq<br />
autres Européens prisonniers chez<br />
Abd el Kader, s'est effectué le 26 de ce mois à Boufarik, con<br />
tre les i5 Arabes que vous m'aviez autorisé à faire venir de<br />
Marseille et d'après les conditions qui avaient été précédem<br />
ment réglées.<br />
La mort de M. Meurice à Mascara avait seule retardé la<br />
conclusion de cette affaire dans laquelle les Arabes ont<br />
témoigné beaucoup de confiance dans notre car<br />
loyauté,<br />
ils ont rendu la liberté à nos prisonniers avant même d'avoir<br />
vu les leurs.
— — 367<br />
M. Meurice a succombé au froid, au chagrin,<br />
au genre<br />
de vie misérable qu'il menait depuis huit mois, et surtout<br />
à l'absence de tout soin et de tout secours efficace pendant<br />
sa maladie.<br />
Les cinq autres prisonniers échangés avec M. France sont<br />
le nommé Bastien, domestique du sieur Pic, colon de Bou<br />
farik, pris le 9 novembre, la nommée Laurent, femme d'un<br />
sergent du génie, prise le 21 juillet entre Douera et Ma-<br />
helma; deux matelots et un mousse sarde pris au cap Ténès.<br />
Il reste encore huit Européens entre les mains des Arabes;<br />
ils sont à Miliana dans une profonde misère. J'ai fait faire<br />
des propositions d'échange à<br />
Hadj'<br />
el Sghir,<br />
mais il exige<br />
comme pour les prisonniers qu'il vient de nous rendre trois<br />
Arabes pour un Européen. Cette négociation ne peut donc<br />
se continuer qu'avec votre approbation, Monsieur le Minis<br />
tre,<br />
ner,<br />
et dans le cas où vous jugeriez convenable de la don<br />
il serait nécessaire d'envoyer de Marseille à Alger un<br />
nouveau détachement de prisonniers.<br />
Je pense qu'il y aurait avantage à traiter cet échange<br />
comme le précédent. On rendrait à la liberté et pour quel<br />
ques-uns à la vie, huit malheureux qui gémissent dans une<br />
dure, captivité; les dépenses occasionnées par l'entretien des<br />
prisonniers faits à la Sikkak seront diminuées et la rentrée<br />
dans leurs tribus de ces indigènes qui ont pu se former une<br />
haute idée de notre puissance, de notre civilisation et sur<br />
tout de notre humanité,<br />
salutaire sur l'esprit de ces populations.<br />
ne peut exercer qu'une influence<br />
Voici la liste des Européens captifs à Miliana :<br />
Lanternier,<br />
lade.<br />
Pic,<br />
colon de Delhi-Ibrahim, en ce moment ma<br />
colon de Boufarik.<br />
Fleury, soldat du 66e de ligne.<br />
Bourgeois,<br />
Devienne, soldat.<br />
Delort, soldat.<br />
soldat du<br />
11°<br />
de ligne.<br />
Tous quatre du bataillon de Tlemcen.
Deux soldats du<br />
i6'<br />
— — 368<br />
bataillon d'infanterie légère d'Afrique.<br />
Pendant son séjour chez les Arabes, M. France, ainsi que<br />
son malheureux compagnon d'infortune M. Meurice, a eu<br />
de grandes obligations à un Hollandais déserteur de la Lé<br />
gion étrangère, nommé Jean Mardulan. Cet homme leur<br />
procurait souvent des vivres et employait pour leur soula<br />
gement tout l'argent qu'il gagnait en exerçant une espèce<br />
de médecine empirique dans les tribus qu'il parcourait.<br />
Plusieurs fois, il a témoigné à M. France le repentir qu'il<br />
éprouvait d'avoir abandonné ses drapeaux et il l'a prié d'in<br />
tercéder pour lui et de lui faire savoir quel traitement il<br />
devait espérer s'il réussissait à s'échapper des mains des<br />
Arabes pour venir faire sa soumission. Je lui ai fait dire qu'il<br />
pouvait compter sur l'indulgence du Gouvernement à la<br />
quelle il avait acquis ses droits par son repentir et par le<br />
dévouement et l'humanité qui l'avaient dirigé dans sa con<br />
duite à l'égard de MM. France et Meurice. S'il se présentait,<br />
je pourrais en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par<br />
l'ordonnance du 23 janvier 1822, refuser l'information sur<br />
la plainte qui serait portée contre lui, ou même,<br />
voyais forcé à le traduire en jugement, recourir,<br />
condamnation, à la clémence royale (1).<br />
si je me<br />
en cas de<br />
M. France a, sur mon invitation, rédigé une petite rela<br />
tion de sa captivité chez les Arabes; elle contient quelques<br />
renseignements qui ne sont pas sans intérêt, particulière<br />
ment en ce qui a rapport à la situation d'Abd el Kader qui<br />
paraît être désespérée. J'ai l'honneur de vous adresser, Mon<br />
sieur le Ministre,<br />
copie textuelle de cette relation, pour que<br />
vous puissiez mieux apprécier les faits dans la simplicité<br />
narrative d'un témoin oculaire.<br />
(1) Jean Martiulan revint à Alger le 13 janvier 1837. Il était né à<br />
Malines (Belgique) (C. le Moniteur Algérien du 22 janvier 1837).
369<br />
518<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 2 janvier 1837.<br />
Par la dépêche télégraphique que vous m'avez fait l'hon<br />
neur de m'adresser sous la date du 17 de ce mois, vous me<br />
transmettez copie de la lettre qui vous a été écrite par<br />
M. le maréchal de camp de Bigny. Elle signale, me dites-<br />
vous, des faits graves qui compromettent l'honneur de cet<br />
officier général et vous m'engagez à vous faire parvenir<br />
dans le plus bref délai possible un rapport circonstancié<br />
sur les causes qui ont motivé mon ordre du jour.<br />
Je m'empresse de me conformer à vos ordres, quelque<br />
pénible qu'il soit pour moi d'ajouter à la publicité de cette<br />
affaire.<br />
Nous avions quitté l'avant-veille les hauteurs de Constan<br />
tine et pendant toute la journée notre arrière-garde avait<br />
tiraillé avec l'ennemi et notre marche avait encore été retar<br />
dée par le mauvais état des chemins; aussi étions-nous en<br />
core à quelque distance du bivouac que j'avais choisi lors<br />
que le jour commençait à tomber. L'ennemi ayant presque<br />
entièrement disparu depuis près de deux heures/j'étais à<br />
quelques centaines de toises de la tête de la colonne afin de<br />
voir par moi-même l'emplacement le plus convenable pour<br />
faire camper l'armée.<br />
J'ordonnais quelques dispositions,<br />
avec moi M. Napoléon Bertrand,<br />
donnance,<br />
lorsque je vis accourir<br />
un de mes officiers d'or<br />
que j'avais envoyé porter un ordre au général<br />
24
—<br />
— 370<br />
de Bigny. Il avait rencontré cet officier général seul au<br />
galop et loin de sa brigade, puisqu'il était à hauteur de<br />
l'ambulance (V. le plan ci-joint). Interrompant vivement<br />
M. Bertrand qui allait lui communiquer mes ordres, il lui<br />
dit d'une voix émue : « Monsieur, commencez par écouter<br />
les miens. Mon arrière-garde est complètement enfoncée,<br />
on vient d'en couper 200 têtes, le désordre est complet. Il y<br />
a sur mon flanc droit une colonne d'Arabes excessivement-<br />
forte qui marche en bon ordre, n'attendant que le moment<br />
favorable pour nous couper (j'entends même la musique du<br />
bey). Le Maréchal se conduit avec honte et déshonneur; il<br />
se fout de son arrière-garde pourvu qu'il puisse sauver son<br />
avant-garde. Il ne nous reste qu'un parti à prendre, c'est-<br />
d'abandonner notre matériel et de nous retirer comme nous<br />
pourrons. Ma cavalerie est en désordre complet, je ne puis<br />
la rejoindre ».<br />
Telles sont, Monsieur le Ministre, les paroles de M. le gé<br />
néral de Bigny. Je viens de les écrire textuellement sous la<br />
dictée de M. Bertrand et j'ai cru que dans des circonstances<br />
aussi graves, je ne devais pas permettre des altérations d'au<br />
cun genre. Quelque étonné que je dusse être de cette étrange<br />
communication, M. le duc de Nemours et moi tournâmes<br />
brides suivis de tout l'Etat-Major. Je fis immédiatement<br />
arrêter la tête de la colone et pris quelques dispositions mi<br />
litaires.<br />
Peu de moments après, nous fûmes joints par M. le géné<br />
ral de Bigny<br />
qui me répéta une partie des paroles que je<br />
viens de porter à votre connaissance; il ajouta seulement<br />
qu'Ahmed seul savait faire la guerre.<br />
Ces paroles, Monsieur le Ministre, étaient proférées à<br />
haute voix, devant des hommes en majeure partie malades<br />
ou blessés. Unejerrible panique pouvait en être la consé<br />
quence et cepehda i tpus restèrent à leur poste; ils se por<br />
tèrent en silence et rvée calme sur tous les points que j'indi<br />
quais, aussi n'ai-je-;eu à signaler que la faiblesse d'un seul.<br />
Je continuai à marcher sur l'arrière-garde. Tous les corps<br />
s'avançaient successivement dans un ordre parfait, j'attei-
— — 371<br />
gnis enfin la cavalerie, toujours le même ordre et dans la<br />
campagne pas un coup de fusil ne se faisait entendre.<br />
Les régiments qui à leur grand étonnement avaient pris<br />
position par mon ordre pour combattre les ennemis dont on<br />
avait annoncé la présence et qu'ils avaient depuis longtemps<br />
cessé d'apercevoir se remirent en marche et il était nuit<br />
lorsque nous atteignîmes notre bivouac.<br />
Le lendemain, M. le général de Bigny<br />
continua à tenir<br />
des discours qui pouvaient agir d'une manière fâcheuse, sur<br />
le moral de nos soldats. Des fonctionnaires d'un rang élevé<br />
dans l'armée, des officiers supérieurs crurent devoir m'en<br />
exprimer leur indignation. Je dus me résoudre agir avec<br />
sévérité.<br />
Je donnai l'ordre aux chefs de corps et au général de Bigny<br />
de se rendre à 8 heures dans ma tente, les premiers seule<br />
ment s'y présentèrent. Après leur avoir demandé si, la<br />
veille, ils avaient aperçu du désordre dans la colonne et<br />
avoir reçu leur réponse négative, je leur donnai connais<br />
sance de l'ordre du jour que le général de Bigny demande<br />
que l'on vous représente.<br />
Cet ordre du jour le voici :<br />
« Au bivouac du Marabout de Sidi-Tamtam sur l'oued<br />
« Zenati,<br />
« Soldats,<br />
(( Je vous félicite avec plaisir et<br />
« rage, de la patience,<br />
empressement du cou<br />
de la résignation que vous avez<br />
« montrés dans ces derniers jours à supporter tous les périls<br />
< et les souffrances les plus cruels de la guerre.<br />
« Je vous félicite surtout d'avoir méprisé les insinuations<br />
« perfides, les conseils<br />
« vous<br />
« vous,<br />
coupables d'un, chef peu propre à<br />
commander puisqu'il ne sait p-Vsouffrir comme<br />
comme nous. '''*;,<br />
« Autrefois, soldats,<br />
« dans la province de<br />
< diverses un chef<br />
un peuple gloriei. faisait la guerre<br />
Constamment ^nçlant ses chances<br />
subalterne cherchai soulever 1 armée<br />
« contre son général. Qu'arriva-t-il, soldats ? Elle passa
— — 372<br />
« sous les fourches caudines, elle fut déshonorée, c'est ce<br />
« que l'on vous préparait hier pour demain. Moi; soldats,<br />
« je vous promets de vous sortir avec gloire de tous les dan<br />
gers, de toutes les positions difficiles qui pourraient se<br />
« présenter.<br />
« En attendant, je rends ce chef au Ministre de la Guerre<br />
« et je vous en donne un autre expérimenté et de tout fait,<br />
« digne de vous commander.<br />
Soldats, souvenez-vous que vous avez la gloire du nom<br />
« de votre pays, votre belle réputation et un fils de France<br />
— — 373<br />
J'avais ordonné au colonel d'Etat-Major Duverg^ir de<br />
prendre le commandement de l'arrière-garde et toujours<br />
sous l'impression de la scène de la veille je consentis à<br />
annuler cette disposition réclamée cependant par l'armée<br />
entière.<br />
J'eus tort, car plus tard, M. le général de Bigny, loin<br />
de me tenir compte de ce que j'avais fait pour lui, pour son<br />
oncle, pour la mémoire de son frère le Ministre, je dois le<br />
dire, continua à tenir des propos capables de démoraliser<br />
une armée chez laquelle on aurait trouvé moins de courage<br />
et moins de résignation..<br />
Mon ordre du 29 parut, mais il n'était que l'expression<br />
bien affaiblie de ma pensée (1) et j'aurais été plus juste,<br />
plus vrai,<br />
en maintenant cette phrase :<br />
Je vous félicite surtout d'avoir méprisé les insinuations<br />
« perfides, les conseils coupables d'un chef peu propre à<br />
« vous commander puisqu'il ne sait pas souffrir comme<br />
< vous, comme nous ».<br />
Il n'est jamais entré dans mes intentions de rendre<br />
M. le général de Bigny responsable des malheurs, des per<br />
tes cruelles que la rigueur de la saison a fait éprouver à<br />
l'armée pendant notre marche toute pacifique sur Constan<br />
tine,<br />
pendant même le siège et les deux premiers jours de<br />
notre retour à Bône. Je n'ai aucune plainte à élever contre<br />
la conduite de cet officier général et il doit même lui reve<br />
nir une portion des éloges que j'ai donnés aux troupes qu'il<br />
avait alors sous ses ordres,<br />
car elles étaient supposées agir<br />
par son impulsion. Mais depuis le jour que je vous ai si<br />
gnalé M. le général de Bigny,<br />
celui-ci paraît avoir été sous<br />
le poids d'une influence funeste que je ne dois pas qualifier-<br />
Tels sont les faits,<br />
Monsieur le Ministre, que j'avais à<br />
vous faire connaître et ils ne seront malheureusement pas<br />
(1) Pellissier de Raynadd : Annales Algériennes, II, p. 141, donne ne<br />
cette affaire la même version. Le général de Rigny,<br />
suite en Conseil de guerre, fut acquitté.<br />
déféré par la
— — 374<br />
les seuls qui seront connus du conseil d'enquête si vous l'or<br />
donnez, mais ils ne suffisent que trop pour motiver mes or<br />
dres du jour. J'étais bien loin de vouloir traiter cet officier<br />
général avec injustice,<br />
car en allant je lui avais confié le<br />
commandement de l'avant-garde et en revenant celui de<br />
l'arrière-garde, mais je me suis vu dans l'impossibilité de<br />
paraître ignorer une conduite qui n'a été que trop publique<br />
et d'ailleurs pouvait avoir des effets fâcheux pour l'armée<br />
qui m'était confiée. Les paroles que je vous ai citées ont été<br />
entendues de la majeure partie de mon Etat-Major et d'une<br />
personne dont les hautes convenances ne m'empêcheraient<br />
pas de réclamer le témoignage.<br />
J'ai cru devoir m'abstenir de toutes récriminations sur<br />
ce qui m'est personnel,<br />
sent pas.<br />
car il est des attaques qui ne bles<br />
519<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 3 janvier 1837.<br />
Ainsi que j'ai l'honneur de vous le dire par ma dépêche<br />
télégraphique de ce jour, je partirai après-demain et je<br />
m'acheminerai après ma quarantaine vers Paris.<br />
Jamais la situation du pays n'annonça plus d'espoir pour<br />
une soumission générale; le besoin en est senti partout par<br />
les Arabes depuis Constantine jusqu'à Tlemcen.
— — 375<br />
Dans la province d'Oran, les Arabes ayant appris la mort<br />
de Charles X (i) se sont livrés à des réjouissances pendant<br />
plusieurs jours parce qu'ils pensaient que cet événement<br />
leur donnerait la paix. Ils croyaient ce roi sur le trône.<br />
Les Européens ont signé- une pétition pour demander la<br />
réunion d'Alger à la France; je n'ai pas cru devoir m'y<br />
opposer ni les encourager à le faire; je me suis borné à dire<br />
à ceux qui m'en ont parlé qu'il valait mieux s'adresser au<br />
Gouvernement qu'aux Chambres, attendu que celles-ci lui<br />
en feraient le renvoi.<br />
Les colons m'ont demandé d'occuper Blida. Comme je ne<br />
vois dans ce moment dans cette démarche qu'un intérêt de<br />
spéculation sur les terres, je leur ai répondu que cette occu<br />
pation n'aurait lieu qu'autant qu'ils feraient arriver assez<br />
de colons laboureurs pour labourer toutes les terres qui<br />
étaient incultes entre Boufarik, Tisser et le cap Matifou.<br />
(1)<br />
Charles X mourut à Goritz (Autriche), le 6 novembre 1836.
—<br />
— 376<br />
520<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 3 janvier 1837.<br />
Le 28 de ce mois, M. Jeanson, lieutenant-colonel au<br />
giment d'infanterie légère,<br />
2"<br />
ré<br />
est mort à l'hôpital du Dey. Je<br />
vous prie de vouloir bien lui donner pour successeur<br />
M. Changarnier, chef de bataillon au même régiment.<br />
Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de vous adressor<br />
sur l'expédition de Constantine,<br />
vous avez sans doute re<br />
marqué la manière brillante dont s'est comporté cet officier<br />
supérieur. Je puis le dire, il n'est pas un homme dans<br />
l'armée qui ne lui rende la justice la plus éclatante. Je sais<br />
que le chef de bataillon Changarnier n'a pas le temps voulu<br />
pour obtenir un grade supérieur, mais son action d'éclat<br />
qui a motivé ma proposition lui donne des droits à votre<br />
bienveillance et je vous renouvelle de la manière la plus<br />
pressante la demande en sa faveur du grade de lieutenant-<br />
colonel dans son régiment où il est désiré par son colonel<br />
de la manière la plus avantageuse.
377 —<br />
521<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (i)<br />
Alger, le 3 janvier 1837.<br />
Je partirai le 5, et après ma quarantaine, je partirai pour<br />
Paris. Jamais la situation du pays n'annonça plus d'espé<br />
rances pour une soumission générale. Le besoin en est senti<br />
par tous les Arabes depuis Constantine jusqu'à Tlemcen.<br />
(1) Dépèche télégraphique.
— — 378<br />
522<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 4 janvier 1837.<br />
Le courrier de Bône est arrivé; le mauvais temps avait<br />
retardé le retour du bateau à vapeur. Les pluies ont cessé<br />
depuis trois jours, ici et à Bône. Le courrier d'Oran est en<br />
retard et je suppose que c'est à cause de l'approvisionne<br />
ment de la Tafna contrarié par la grosse mer.<br />
Toujours mêmes dispositions dans les tribus de l'intérieur<br />
pour la paix. Abd el Kader se défend du reproche de ne la<br />
vouloir point et pour apaiser les murmures, il annonce que<br />
nous devons nous embarquer et retourner en France inces<br />
samment.<br />
J'avais ordonné qu'on achetât dans les environs de<br />
Guelma tout le blé nécessaire pour une réserve de trois<br />
mois pour la garnison. Les pluies, le mauvais temps ont<br />
contrarié l'exécution de cette disposition et une partie du<br />
biscuit, du riz envoyé de Bône a été entraînée par la Sey<br />
bouse à une demi-lieue de Guelma par une forte crue d'eau<br />
au moment où le convoi passait.<br />
Pour éviter de pareils accidents à l'avenir, je vais faire<br />
établir, si vous l'approuvez,<br />
la rive gauche de la rivière,<br />
un poste bien retranché sur<br />
pour qu'en semblable circons<br />
tance on y attende l'écoulement des eaux. Il y a à Guelma<br />
des vivres jusqu'au 3o de ce mois et un autre convoi partira<br />
incessamment de Bône.pour Guelma. Il en faudrait un autre<br />
à Mou Helfa.
— 379 —<br />
Le colonel Duvivier me mande et le général Trézel aussi<br />
que les troupeaux des Arabes sont sur la route de Bône à<br />
Guelma et qu'il n'a été commis contre nous aucune hostilité<br />
sur la route. Malgré cela, je voudrais voir les postes de<br />
Mou Helfa et d'abord de la Seybouse (rive gauche) établis.<br />
Comme il faut quelque dépense et que les troupes seules ne<br />
peuvent les faire, j'en demande l'autorisation.<br />
Quelques tribus s'étaient éloignées de nous au moment<br />
du retour de l'expédition; elles avaient obéi aux ordres<br />
d'Ahmed en s'établissant auprès de Constantine et de Stora.<br />
Le général Trézel me mande que sur leur sollicitai! sn, il<br />
leur a permis de venir reprendre les terrains sur lesquels<br />
elles étaient près de Bône.<br />
Les nouvelles de Constantine sont<br />
qu'<br />
Ahmed-bey aurait<br />
fait périr dans la ville 12 personnes soupçonnées de lui être<br />
contraires.<br />
Le bey<br />
camp<br />
Yusuf est sérieusement malade et n'a pu rester au<br />
de Guelma. Une soixantaine de ses spahis l'ont quitté<br />
et sont rentrés dans leurs douars. Le bey<br />
croit et dit qu'ils<br />
rentreront après les semences et le Bhamadan. C'est le<br />
moment de travailler et d'ensemencer les terres.<br />
Il a y toujours beaucoup de malades à Bône (1.200). Le<br />
bataillon de tirailleurs va y.passer pour se rendre à Guelma.<br />
Le<br />
17e<br />
qui a souffert de la maladie se réunira à Bône;<br />
on le<br />
placera dans la Casbah et hors de la ville tout ce qu'on<br />
pourra. Les spahis à pied et à cheval seront portés au camp<br />
de Dréan. Le général Trézel pense que le colonel Duvivier<br />
et le bey Yusuf seront mal ensemble au camp de Guelma.<br />
Il croit difficile d'entretenir la bonne intelligence entre eux.<br />
Si le Gouvernement pense à faire une seconde expédition<br />
sur Constantine, il convient pour en assurer le prompt suc<br />
cès de commencer de suite les dispositions préparatoires.<br />
Suivant mon opinion, la première chose à faire c'est l'éta<br />
blissement des postes de Mou Helfa et de la rive gauche de<br />
la Seybouse pour assurer la marche tranquille des convois.<br />
La seconde d'envoyer au génie, à l'artillerie et à l'admi-
— — 380<br />
nistration des chevaux et des voitures pour transporter le<br />
matériel nécessaire à l'expédition et de le mettre à couvert<br />
à Guelma. Il faut nécessairement des dépenses à Guelma et<br />
partout pour couvrir et conserver ce qui pourrait s'avarier.<br />
Dès que les chefs des différents services de l'armée au<br />
raient les moyens de marcher, ils agiraient autant que le<br />
temps le permettrait et feraient un ou plusieurs convois<br />
chaque mois, ce qui économiserait les frais de transport de<br />
ce grand matériel lorsqu'il faut le faire tout à coup. On le<br />
ferait avec ordre, ce qui arrive bien autrement lorsqu'on est<br />
pressé ainsi; il y aurait par ce moyen ordre et économie,<br />
avantages qui se trouvent rarement ici et ailleurs.<br />
Ces précautions préliminaires prises, tout arriverait à<br />
Guelma et le temps de l'expédition étant venu, les troupes<br />
se réuniraient à Guelma ou près de Guelma et se dirige<br />
raient ensuite sur Constantine, soit par la route déjà suivie,<br />
soit par une autre qu'on aurait le temps de reconnaître si<br />
celle-ci était préférable à la première.<br />
Je ne parle pas ici du nombre des troupes. Je crois néces<br />
saire de l'augmenter, quoique dix mille hommes fussent<br />
suffisants moyennant vivres, munitions et beau temps.<br />
D'ailleurs, il faut en finir vite avec les Arabes et je suis de<br />
plus en plus convaincu que dès que des troupes assez nom<br />
breuses auront pu entourer Constantine et tenir en même<br />
temps un corps en campagne, Constantine se rendra, car<br />
c'est ce que la place aurait fait si nous avions pu rester<br />
quelques jours de plus autour de ses murs en continuant à<br />
y<br />
jeter des boulets et des obus.<br />
Il nous faut en artillerie des pièces d'un plus fort calibre<br />
que celui que nous avions,<br />
en plus grand nombre et plus<br />
amplement approvisionnées. Il nous faut des vivres pour<br />
un mois et des moulins sur des charrettes pouvant travailler<br />
toute la nuit et le jour lorsque la troupe n'est pas en mar<br />
che. Le bTé ne manque pas autour de Constantine.<br />
L'artillerie, le génie et l'administration vous adresseront<br />
à ce sujet leurs demandes.
—<br />
— 381<br />
523<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 5 janvier 1837.<br />
Je vous ai informé par ma dépêche du 25 décembre der<br />
nier, des mesures préliminaires prescrites et des ordres don<br />
nés pour assurer les besoins du service du génie, en ce qui<br />
concerne la nouvelle expédition projetée contre Constantine.<br />
11 me reste maintenant à vous faire connaître la tâche<br />
préalable que l'arme du génie se trouve avoir à remplir dès<br />
à présent, laquelle exige un grand développement de<br />
moyens d'action et une prompte exécution, afin qu'il ne<br />
soit pas perdu un seul jour d'ici à l'époque assignée pour<br />
l'expédition.<br />
Ainsi, pour atteindre le but qui est proposé, il faudrait<br />
disposer le camp de Dréan pour recevoir un premier dépôt<br />
de vivres et de munitions,<br />
organiser les anciennes fortifica<br />
tions ou parties ruinées de Guelma, de telle sorte que cette<br />
place rendue inexpugnable pour les Arabes puisse devenir<br />
une place de dépôt où l'on emmagasinera d'avance et avec<br />
sécurité le matériel de siège et des vivres pour l'armée expé<br />
ditionnaire; choisir une position en avant de Guelma, sur<br />
la route de Constantine pour y construire, s'il est possible<br />
avec les forces disponibles,<br />
un nouveau poste assez bien<br />
fortifié pour qu'on puisse, sans témérité, le considérer<br />
comme une tête de débouché et y installer, sans danger, un<br />
dépôt de vivres et de munitions. Enfin il est indispensable<br />
de rendre viable h route depuis Bône jusqu'à ce dernier
— — 382<br />
poste et même de la prolonger en avant sous sa protection<br />
autant que l'ennemi en laissera la liberté.<br />
Ces grands et utiles travaux ne sauraient être menés trop<br />
rapidement, car leur achèvement successif avant l'époque<br />
de l'expédition donnerait la facilité de faire arriver peu à<br />
peu des convois qui, conduisant le matériel et les approvi<br />
sionnements dans les lieux de dépôt, préviendraient un en<br />
combrement à Bône ainsi que toutes les avaries qui peu<br />
vent s'ensuivre et utiliseraient les moyens de transport qui<br />
restent de la dernière expédition au grand soulagement de<br />
la prochaine.<br />
Je donne des instructions conformes à M. le Directeur, des<br />
fortifications à Alger et à M. le Chef du génie à Bône et<br />
je vous prie de vouloir bien de votre côté prescrire toutes<br />
les dispositions que vous jugerez convenables pour que ces<br />
instructions reçoivent une prompte et ponctuelle exécution.
383 —<br />
524<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7) (1)<br />
Alger, le 7 janvier 1837.<br />
Les rapports du général Létang me signalent l'extrême<br />
détresse de nos alliés les Douairs et les Smélas dont quel<br />
ques-uns nous ont abandonnés par suite de leur misère,<br />
entre autre un des principaux officiers d'Ibrahim-bey. Etant<br />
convaincu qu'il est de la plus haute importance pour nous<br />
de conserver cette cavalerie indigène,<br />
j'ai donné l'ordre au<br />
lieutenant général Bapatel de faire considérer les cavaliers<br />
et fantassins de ces tribus comme étant en service actif et<br />
de leur faire distribuer 5o centimes par jour plus les vivres<br />
en nature.<br />
Je vous prie de me faire connaître si vous approuvez cette<br />
disposition qui me paraît d'une absolue nécessité.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
— — 384<br />
525<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. E75)<br />
(Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 7 janvier 1837.<br />
La situation politique de la province d'Alger ne présente<br />
aucun fait qui mérite de fixer particulièrement votre atten<br />
tion. On continue à me signaler la tendance générale des<br />
esprits à la pacification et si je n'eusse pas dû me rendre à<br />
Paris, j'aurais pris de suite les mesures nécessaires pour<br />
détruire le résistances partielles et tâcher de mettre fin aux<br />
actes de brigandage que commettent quelquefois les hom<br />
mes qui habitent principalement les tribus des Hadjoutes<br />
et des Mouzaïa.<br />
Le 3 de ce mois,<br />
on a décapité à Alger le Maure Ahmed<br />
qui avait été condamné par un conseil de guerre pour fait<br />
d'espionnage. J'avais ordonné qu'il fût sursis à son exécu<br />
tion,<br />
croyant d'après sa promesse recevoir d'importantes<br />
révélations. Il n'en a pas été ainsi et la sentence a été exé<br />
cutée. Lorsque ce Maure Ahmed fut arrêté, il nous signala<br />
comme les agents de nos ennemis les Maures qui d'après<br />
mon arrêté ont été pour cette cause exclus de la colonie.<br />
Bône. —<br />
Le<br />
courrier de Bône qui a été très longtemps en<br />
retard est enfin arrivé le 4 et<br />
m'a porté les rapports du géné<br />
ral Trézel, le dernier sous la date du 25 décembre dernier.<br />
A cette époque, la tranquillité la plus grande continuait a<br />
régner dans la province et les deux convois partis pour<br />
Guelma n'ont été l'objet d'aucune attaque de la part des
— — 385<br />
Arabes dont on recommence à apercevoir les troupeaux à<br />
côté des routes que nous suivons.<br />
Le général Trézel s'occupe toujours avec activité de l'ap<br />
provisionnement de Guelma. Deux convois ont déjà été<br />
envoyés. Celui du 10 est facilement parvenu à sa destina<br />
tion,<br />
mais le second parti le 18 a eu à surmonter de grands<br />
obstacles. Par suite du mauvais temps qu'il a essuyé, une<br />
portion des vivres a été noyée ou avariée, une.prolon<br />
a<br />
été perdue et un homme noyé,<br />
par suite d'une crue subite<br />
de la Seybouse. Dans la lettre que j'ai eu l'honneur de vous<br />
écrire sous la date du k de ce mois, je vous propose d'établir<br />
un poste à Mou Helfa et une tête de pont sur la rive gauche<br />
de la Seybouse. Ces deux postes auraient pour but de lier la<br />
ligne de Dréan à Guelma, de rendre plus sûre la marche<br />
des convois et de leur donner les moyens d'attendre dans<br />
un abri sûr, s'il survenait des accidents pareils à ceux dont<br />
je viens de vous entretenir.<br />
Oran. —<br />
Les derniers rapports adressés par M. le général<br />
de Létang sont à la date du 29 décembre. Jusqu'à cette épo<br />
que, aucune hostilité n'avait eu seulement lieu, le lende<br />
main du retour de nos troupes de l'expédition de Tlemcen,<br />
un fort parti de cavalerie arabe se montra à la hauteur du<br />
camp<br />
du Figuier,<br />
tirailleurs<br />
nos blockhaus,<br />
fuite.<br />
s'apprqchèrent de<br />
mais deux coups de canon les mirent en<br />
Les différentes communications qui me sont faites de- la<br />
province d'Oran me représentent les tribus comme désirant<br />
la paix. D'après un avis reçu aujourd'hui, Abd el Kader<br />
aurait l'intention de me faire de nouvelles propositions. Ma<br />
réponse sera toujours la même;<br />
nous ne consentirons à<br />
entrer en pourparlers avec lui que si son intention est de se<br />
soumettre et encore<br />
faudra-t-il qu'il nous donne des gages<br />
qui puissent nous inspirer de la confiance.<br />
En attendant, il<br />
Létang<br />
^<br />
paraît d'après les rapports du général<br />
avoir adopté un plan qui consisterait à empêcher<br />
tout commerce des Arabes avec la ville d'Oran. Il n'arrive<br />
25
— — 386<br />
plus sur cette place que de très rares provisions en viande<br />
fraîche et les marchés de Mostaganem sont moins fréquen<br />
tés qu'ils ne l'étaient. M. l'Intendant militaire va prendre<br />
des mesures pour augmenter à Oran les approvisionnements<br />
qui sont en ce moment peu considérables.<br />
Le haut prix qu'ont atteint las denrées va avoir pour effet<br />
de rappeler sur cette place les marchandises que le com<br />
merce avait dirigées sur Bône à cause de l'expédition de<br />
Constantine. Aussi, j'espère qu'avant peu les prix anciens<br />
seront rétablis.<br />
M. le général Létang appelle toute mon attention sur<br />
l'extrême détresse de nos alliés les Douairs et les Smélas et<br />
il annonce même que quelques défections ont eu lieu chez<br />
eux. En ces circonstances, il a cru devoir leur faire distri<br />
buer 4-ooo rations d'orge pour leurs chevaux et il a prié<br />
le général commandant les troupes de me demander des<br />
ordres à ce sujet.<br />
Comme il est pour nous de la plus haute importance de<br />
conserver cette cavalerie indigène et vu la grande misère<br />
qu'éprouvent les Douairs et les Smélas,<br />
j'ai cru devoir don<br />
ner l'ordre à M. le lieutenant général de les faire considérer<br />
comme en service actif et dès lors de leur faire distribuer<br />
conformément à votre lettre du 7 juillet dernier,<br />
n°<br />
1102,<br />
une solde de 5o centimes par jour plus les vivres en nature.<br />
Je ne me suis pas seulement borné à leur faire distribuer les<br />
vivres parce qu'il m'a semblé que pendant un certain temps<br />
les cinquante centimies par jour leur étaient nécessaires<br />
pour faire vivre leurs familles.<br />
J'ai eu l'honneur de vous demander par ma dépêche télé<br />
graphique de ce jour si vous approuvez les dispositions que<br />
je viens de prendre.<br />
MM. les lieutenants-colonels de la Bue et Foy,<br />
M. le chef<br />
d'escadron Pellion sont arrivés et vont remplir la mission<br />
qui leur a été donnée.<br />
M. le chef de bataillon du génie Morin partira prochaine<br />
ment pour Paris.
— — 387<br />
Vous recevrez sous peu l'état de nos besoins pour la nou<br />
velle expédition sur Constantine qui ne devrait être faite<br />
d'après moi qu'à la fin de mai ou au commencement de<br />
juin.<br />
526<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. EE7)<br />
Alger, le 7 janvier 1837.<br />
J'ai eu l'honneur de vous entretenir des relations qui<br />
existent entre l'empereur du Maroc et les Arabes de la pro<br />
vince d'Oran qui s'opposent à l'établissement de notre-<br />
pou<br />
voir dans cette partie de l'ex-Bégence. Des renseignements<br />
de M. de France, lieutenant de frégate,<br />
pris à Arzew en<br />
août i836 et échangé depuis quelques jours, me mettant à<br />
même de vous donner des preuves que Muley Abderrah-<br />
mann, malgré ses protestations récentes,<br />
continue à fournir<br />
des secours de tout genre à nos ennemis qui seraient depuis<br />
longtemps réduits à demander la paix sans cette circons<br />
tance.<br />
Le- i3 août i836, lorsque M. de France fut conduit à Mas<br />
cara, il y trouva M. Meurice qui était prisonnier d'Abd el<br />
Kader depuis quatre mois. Il apprit par lui que le 7 août,<br />
c'est-à-dire peu de jours avant, il était arrivé un convoi du<br />
Maroc apportant des chemises, des calottes, des souliers, des<br />
pantalons, des capotes pour six cents hommes.
— — 388<br />
L'Emir, bien loin de faire un secret de ces envois, s'en<br />
vantait publiquement et il dit souvent à ses ennemis qu'il<br />
en recevrait tous les jours s'il voulait.<br />
Le i5 août, quinze chameaux chargés de poudre et de<br />
balles ont été adressés du Maroc à Abd el Kader.<br />
A la fin de ce même mois,<br />
un autre convoi d'un mois de<br />
biscuit pour 800 hommes et 100 quintaux de salpêtre arrive<br />
du Maroc adressé à l'Emir.<br />
Au commencement de cet hiver, les troupes d'Abd el<br />
Kader réduites à 25o cavaliers et 5oo fantassins, étaient dans<br />
un état complet de dénuement et ce chef avait été obligé<br />
de les renvoyer faute de matériel de campement lorsqu'un<br />
nouvel envoi du Maroc qu'il disait se composer de 80 tentes,<br />
1.000 fusils, des ustensiles et des effets d'habillement est<br />
venu lui donner les moyens de tenir la campagne.<br />
A peu près à la même époque, l'empereur du Maroc écri<br />
vait à l'Emir pour lui annoncer la mort du roi de France<br />
et la guerre civile. Cette nouvelle fut le motif de grandes<br />
réjouissances à Mascara où l'on tira dix coups de canon et<br />
où l'on fit une petite guerre dans laquelle Abd el Kader se<br />
faisait prendre et reprendre lui-même par les deux partis.<br />
Enfin le 2 novembre, l'Emir voulant reconnaître les nom<br />
breuses bontés de l'empereur du Maroc à son égard, lui<br />
envoie deux petits lions, une lionne, trois autruches, quatre<br />
chevaux, quatre mules et deux petites caisses d'argent. Il<br />
lui envoie en même temps quatre Européennes, la femme<br />
Lanternier, sa fille* deux Allemandes, toutes prises à Deli-<br />
Brahim à l'époque des foins par un parti d'Hadjoutes. Déjà<br />
Abd el Kader avait, envoyé à Muley Abderrahmann le bey<br />
que nous avions installé à Médéa, Mohammed ben Hussein<br />
qu'on lui avait amené le 22 mai et qu'il avait dirigé le même<br />
jour sur le Maroc.<br />
Tels sont, Monsieur le Ministre, les faits dont MM. Maurice<br />
et de France ont été les témoins et que j'ai cru devoir met<br />
tre sous vos yeux. Le dernier surtout est très grave et peut<br />
donner lieu à des réclamations des victimes.
389<br />
527<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 8 janvier 1837.<br />
En réponse à votre lettre du 23 décembre, j'ai l'honneur<br />
de vous faire connaître que la communication entre Bône<br />
et Guelma sera assurée quand on aura fait un poste retran<br />
ché intermédiaire dans les environs de Mou-Helfa ainsi que<br />
j'en avais déjà exprimé le désir l'année dernière avant de<br />
rien entreprendre contre Constantine,<br />
et que l'on aura fait<br />
une tête de pont sur la rive gauche de la Seybouse qui sera<br />
rendue imprenable pour les Arabes à peu de frais, en y<br />
établissant un réduit en pierres sèches. Ce poste, qui ne se<br />
trouve qu'à trois-quarts de lieues de Guelma,<br />
pourrait d'ail<br />
leurs facilement être dégagé par une sortie de la garnison<br />
de cette place.<br />
Il n'y a d'hostilités à craindre de la part des Arabes que<br />
si Ahmed se présentait en personne, mais comme on serait<br />
prévenu de son arrivée, la garnison du camp de Dréan et<br />
celle de Bône auraient le temps de se porter au secours de<br />
Guelma et des postes intermédiaires attaqués.<br />
Le commandant supérieur et le bey devront néanmoins<br />
user des moyens d'influence qui sont à leur disposition pour<br />
intéresser les cheicks à la tranquillité du pays et les rendre<br />
responsables des agressions des indigènes,<br />
vir eux-mêmes à escorter les convois.<br />
qui pourront ser<br />
L'ancienne ville de Guelma dont le plan vous a été adressé<br />
a la forme d'un carré long<br />
entouré de i5 tours ayant
—<br />
— 390<br />
800 mètres de développement qui exige par conséquent une<br />
garnison de 800 hommes que j'ai donné ordre de compléter;<br />
il conviendra d'augmenter cette garnison au fur et à mesure<br />
qu'il y sera construit des abris et de la porter à /j.ooo hom<br />
mes avant l'expédition,<br />
afin qu'elle puisse faire des recon<br />
naissances dans les environs. Les abris qui existent main<br />
tenant sont faits en branchages par les soldats et quelques<br />
tentes y ont été envoyées pour couvrir les vivres et les muni<br />
tions.<br />
Les ordres sont donnés pour y construire des barraques<br />
pour hôpitaux, magasins de vivres el de fourrages, autant<br />
que les fonds destinés à ce service le permettront. Ces bar<br />
raques serviront ensuite de logement à la garnison perma<br />
nente; huit fours,<br />
jour, y<br />
seront construits.<br />
pouvant cuire vingt mille rations par<br />
Guelma, est une position militaire à conserver surtout si<br />
l'on veut entreprendre une expédition contre Constantine.<br />
Dans ce cas là, il faut y<br />
réunir à l'avance des approvision<br />
nements en vivres pour deux mois à compter du jour du<br />
départ du corps expéditionnaire,<br />
et des munitions ainsi que<br />
j'en ai déjà fait la demande dans mes précédentes dépêches<br />
afin de ne pas être paralysé par le manque de l'un ou de<br />
l'autre de ces objets importants et de rester maître de ses<br />
mouvements.<br />
Des moyens de campement pour tout ce qui dépasserait<br />
un effectif de 4-ooo hommes devront être envoyés de France<br />
sur Bône;<br />
chaque soldat devra être porteur d'une couver<br />
ture, d'un sac de campement, bidons et marmites, avant<br />
de quitter la France parce que ces effets ainsi transportés ne<br />
coûtent pas de fret à l'Etat et les hommes en profitent pen<br />
dant la traversée el s'en servent en débarquant. Les effets<br />
de campement qui existent en Afrique sont insuffisants pour<br />
les troupes qui s'y trouvent; il faut donc que les soldats<br />
qu'on enverra de France en soient pourvus.<br />
Ces dispositions exécutées, Guelma deviendra une base<br />
d'opérations qui ne sera plus qu'à vingt lieues de Constan<br />
tine où notre influence pénétrera de plus en plus.
— — 391<br />
Mais je ne puis trop vous répéter que pour arriver promp_<br />
tement à des résultats satisfaisants, il faut immédiatement<br />
envoyer à Bône des chevaux de trait et des mulets de bât<br />
pour les travaux préparatoires à exécuter par toutes les<br />
armes, car les moyens de transport qui existent maintenant<br />
sur ce point sont insuffisants et cependant il n'y a pas un<br />
moment à perdre pour les commencer.<br />
Il devient indispensable de relever les constructions com<br />
mencées au camp de Dréan qui avaient été suspendues par<br />
ordre de votre prédécesseur du 26 juillet, malgré les obser<br />
vations qui lui furent faites que le mauvais temps les détrui<br />
rait si on n'achevait pas et si on ne couvrait pas celles<br />
qui avaient été commencées, ce qui est arrivé comme on<br />
l'avait prévu et prédit.<br />
Le colonel Duverger, qui avait alors le commandement<br />
supérieur de Bône,<br />
s'était concerté avec le chef du génie pour<br />
faire faire ces travaux avec le moins de dépenses possible<br />
et dans un but d'utilité bien entendu. Il est regrettable<br />
qu'on n'ait pas laissé à cet officier supérieur qui avait si<br />
bien compris sa mission et obtenu en peu de temps'<br />
de si<br />
heureux résultats dans la province de Bône, plus de latitude,<br />
et qu'on n'ait pas augmenté ses moyens d'exécution comme<br />
je l'avais demandé,<br />
parce que nous eussions trouvé des pos<br />
tes protecteurs à Mouhelfa et Guelma avant notre recon<br />
naissance sur Constantine et ce qui est à faire serait fait, et<br />
nous serions maintenant maîtres de cette ville. Si vous vou<br />
lez vous faire représenter ma correspondance de cette épo<br />
que, vous verrez que mes prévisions et précautions étaient<br />
absolument les mêmes que celles que vous me prescrivez de<br />
mettre à exécution aujourd'hui.<br />
Je laisserai au général Bapatel des instructions sur toutes<br />
les parties du service et je lui recommanderai de veiller à<br />
l'exécution des ordres que j'ai donnés.
392<br />
528<br />
Le Gouverneur Général au colonel Duvivier<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le, 9 janvier 1837.<br />
Il paraît que le Gouvernement est décidé à faire faire<br />
une nouvelle expédition contre Constantine; on y emploie<br />
rait environ 20.000 hommes et une nombreuse artillerie. Le<br />
poste de Guelma va plus que jamais devenir important,<br />
aussi les dispositions que je prends dans cette prévision<br />
ont-elles pour but d'en augmenter successivement la force.<br />
C'est sur Guelma que sera dirigé le matériel nécessaire.<br />
Aussi va-t-on y construire des hangars pour mettre les<br />
vivres el la poudre à couvert; on s'occupera aussi d'y établir<br />
un hôpital. Enfin on ne négligera rien pour assurer le suc<br />
cès de l'expédition projetée.<br />
J'ai lu avec intérêt votre lettre au général Trézel; je vous<br />
prie de continuer à me faire de semblables communications.<br />
J'ai donné des ordres pour que l'on vous envoyât ce que<br />
vous me demandez. Je m'occuperai aussi de faire fixer votre<br />
traitement comme commandant supérieur ainsi que les<br />
fonds pour moyens d'influence qu'il faudra mettre à votre<br />
disposition. D'après de nouvelles dispositions dont je viens<br />
de prévenir le général Trézel, occupera Yusuf-bey Dréan et<br />
le poste que je vais faire construire à Mouhelfa. J'ai aussi le<br />
projet de faire établir une tête de pont sur la rive gauche<br />
de la Seybouse. Je vous prie de faire étudier le terrain car<br />
vous dirigerez cette fortification. De cette manière, les con<br />
vois pourront marcher avec plus de sécurité et ce poste re<br />
tranché sur la Seybouse leur permettra camper avec<br />
d'y
sécurité,<br />
— — 393<br />
s'ils éprouvaient des accidents semblables à ceux<br />
qui ont assailli celui qui était parti le 18.<br />
Autant que les circonstances le permettront, étudiez le<br />
terrain aux environs de la place, examinez avec soin les<br />
moulins qui sont sous le ruisseau et voyez le parti que l'on<br />
peut en tirer.<br />
En quittant le bivouac sur la Seybouse en face de Guelma,<br />
nous fûmes le 17 au soir à Medjez Amar sur le bord de cette<br />
rivière et le lendemain, après l'avoir traversée avec beau<br />
coup de difficulté, le quartier général s'établit un peu audessous<br />
des hauteurs de Baz-el-Akba; je désire éviter ce pas<br />
sage et le défilé qui le précède. Il doit y avoir possibilité i<br />
d'aller directement de Guelma à Baz-el-Akba en suivant la<br />
chaîne de montagnes sur laquelle est bâtie Guelma. Faites<br />
faire de nombreuses reconnaissances sur cette ligne et rap<br />
pelez-vous qu'elle doit être suivie par un matériel très pesant<br />
st très nombreux. Je vous recommande l'étude de cette loca<br />
lité.<br />
Guelma va devenir une base d'opérations des plus impor<br />
tantes. Je comprends tout ce que votre position pourra<br />
avoir quelquefois de pénible,<br />
mais je compte sur vous et<br />
votre réponse au général Trézel m'a prouvé que j'avais eu<br />
raison de faire un appel à votre dévouement
— — 394<br />
529<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 11 janvier 1837.<br />
J'ai reçu les 7 et 8 de ce mois seulement votre dépêche<br />
télégraphique datée d'Alger du 19 décembre, par laquelle<br />
vous m'annoncez qu'Abd el Kader fait entendre de nouveau<br />
des paroles de paix, mais que vous n'avez aucune confiance<br />
dans la sincérité,<br />
ni dans la durée de ses intentions.<br />
Je crois que vous avez parfaitement raison d'en juger<br />
ainsi,<br />
si c'est en effet dans les circonstances actuelles qu'Abd<br />
el Kader vous a fait ou laissé faire des ouvertures. Il n'est<br />
pas probable que le résultat de l'expédition de Constantine<br />
ait disposé ce chef à une soumission qu'on ne peut attendre<br />
chez les Arabes que du sentiment de notre supériorité. Si<br />
Abd el Kader nous fait des propositions,<br />
c'est que proba<br />
blement il s'imagine que nous serons heureux de les accep<br />
ter et je suis bien aise d'apprendre qu'en autorisant son<br />
agent à retourner vers lui, vous vous êtes borné à lui répéter<br />
ce que vous lui aviez dit l'année dernière. Je n'ai pas besoin<br />
de vous recommander de vous tenir dans cette conjoncture<br />
sur la plus grande réserve et de ne rien faire en aucun cas<br />
Bans vous être concerté avec le Gouvernement. J'espère au<br />
surplus que le prochain courrier m'apportera,<br />
sur la démar<br />
che dont vous m'entreteniez, des explications que ne com<br />
portait pas votre dépêche télégraphique. Il m'importe de<br />
savoir de quelle manière les ouvertures vous ont été faites,<br />
•:,} l'agent dont vous parlez a été envoyé spécialement pour<br />
i':et objet,<br />
ou s'il se trouvait déjà depuis longtemps auprès
— — 395<br />
de vous, car vous comprenez qu'il pourrait y<br />
avoir défé<br />
rence de la part d'Abd el Kader ou faiblesse de la nôtre,<br />
suivant que le négociateur serait venu de lui ou parti d'Al<br />
ger. Dans ce dernier cas, il serait même à craindre que le<br />
voyage d'un agent de l'Emir n'ait d'autre objet que de lui<br />
procurer soit des informations,<br />
soit des fonds qui lui man<br />
quent. J'attends de vous sur cette affaire des renseigne<br />
ments circonstanciés.<br />
J'en attends également sur ce que vous me dites des ger<br />
mes de mésintelligence qui sembleraient exister entre Abd<br />
el Kader et Sidi Embarek. Cette circonstance serait trop<br />
favorable à nos dispositions ultérieures pour ne pas la cons<br />
tater avec soin.<br />
530<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Le 12 janvier 1837.<br />
J'ai reçu vos dépêches télégraphiques des 25 el 27 décem<br />
bre dernier, dans laquelle vous témoignez le désir que pen<br />
dant votre absence, l'intérim de vos fonctions soit confié<br />
au lieutenant général Bapatel,<br />
attendu que l'ayant déjà rem<br />
pli plusieurs fois il connaît les dispositions militaires et<br />
politiques arrêtées,<br />
l'administration civile.<br />
ainsi que la marche et la direction de<br />
Déjà par ma lettre du 18 décembre dernier, je vous ai<br />
autorisé à confier les fonctions de gouverneur général à
— — 396<br />
M. le général Bapatel, comme vous l'avez fait lorsque vous<br />
vous êtes absenté. Je ne puis que me référer au contenu de<br />
cette lettre. Quant à l'échange dont vous me rendez compte<br />
dans votre dépêche télégraphique du 25 décembre, des pri<br />
sonniers qui se trouvaient au pouvoir d'Abd el Kader contre<br />
ceux faits à la Sikak par le général Bugeaud,<br />
c'est l'exécu<br />
tion de dispositions déjà arrêtées d'après les propositions<br />
qui m'ont été faites en votre nom par le général Bapatel.<br />
J'approuve que vous fassiez servir les prisonniers had<br />
joutes à nous faire rendre ceux qui peuvent être encore au<br />
pouvoir d'Abd el Kader.<br />
Vous me dites dans cette même dépêche du 25 que nous<br />
avons quelques prisonniers, blessés et non blessés, à Cons<br />
tantine et qu'ils sojit bien traités. J'aurais désiré savoir<br />
quel est leur nombre, de quel grade ils sont pourvus et à<br />
quel corps ils appartiennent.<br />
A cette occasion, je dois vous dire que je n'ai pas encore<br />
reçu l'état nominatif des militaires tués, blessés,<br />
morts ou<br />
perdus dans l'expédition de Constantine. Je vous prie de<br />
donner des ordres pour que cet état me soit envoyé d'ur<br />
gence et qu'à l'avenir en cas d'expédition, reconnais<br />
sance, etc., le chef d'Etat-Major de l'armée ait le soin de<br />
donner les noms des militaires qui seraient tués, blessés,<br />
égarés ou faits prisonniers.<br />
— P. S. A l'avenir, quelle que soit l'importance du com<br />
bat, je désire connaître les noms des tués et blessés par<br />
arme et par corps.
Yusuf-bey<br />
— — 397<br />
531<br />
au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 12 janvier 1837.<br />
J'ai eu l'honneur de vous écrire par le dernier courrier.<br />
Depuis j'ai reçu des nouvelles positives de Constantine où<br />
l'anarchie la plus complète règne; Ahmed-bey est sans pou<br />
voir, les trésors qu'il avait fait sortir de la ville lui ont été<br />
enlevés ainsi que six femmes par les Arabes du désert. Tou<br />
tes les tribus des environs de Constantine se sont rendues<br />
indépendantes et n'approvisionnent plus la ville à cause du<br />
discrédit où est tombée la monnaie du bey. Aussitôt sa<br />
rentrée dans la ville, il a fait mettre à mort quelques per<br />
sonnes influentes, mais après les premières exécutions, les<br />
partis hostiles à son autorité se sont soulevés et armés et<br />
ont opposé de la résistance aux nouveaux ordres de pros<br />
cription. Cette conduite dans les usages musulmans détruit<br />
immédiatement toute puissance et toute force. Les prisons<br />
où gémissaient depuis plusieurs années de nombreux chefs<br />
retenus comme otages ont été ouvertes et chacun a contri<br />
bué au soulèvement des tribus qui toutes ont des vengean<br />
ces à exercer contre l'autorité despotique et cruelle d'Ah<br />
med-bey.<br />
On s'attend à nous voir revenir très prochainement. Quel<br />
ques travaux ont lieu sur les plateaux qu'occupait la brigade<br />
d'avant-garde; les maisons qui s'y trouvaient ont été démo<br />
lies.<br />
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint une lettre du chef
Farhat ben Saïd revêtue de son cachet et la traduction de<br />
cette pièce intéressante.<br />
Les chefs de Bas-el-Akba sont venus de nouveau près de<br />
moi recevoir l'investiture.<br />
Dieu fasse, Monsieur le Maréchal, que vous preniez promp<br />
tement votre revanche et que le mois de mai ne passe pas<br />
sans que nous nous mettions en route.<br />
Je le répète, Constantine et l'annihilation du pouvoir<br />
d'Ahmed sont la clef de la pacification de la Bégence.<br />
Guelma est toujours parfaitement tranquille,<br />
mais l'appro<br />
visionnement de cette place est d'une difficulté inouïe par<br />
le mauvais état des chemins et dans un moment où tous<br />
les Arabes labourent leurs terres.<br />
Ma santé se rétablit et aussitôt que le temps le permettra<br />
je me mettrai en course.<br />
532<br />
Le général Trézel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 13 janvier 1837.<br />
Je reçois avec grande joie votre lettre confidentielle du<br />
7 janvier. Nous aurons donc grande et bonne revanche. Ma<br />
proposition est toute retirée puisque les moyens d'alimenter<br />
les deux camps vont sans doute nous arriver successivement<br />
et c'est ce qui est le plus pressant. Deux cents mulets avec<br />
leurs bâts et leurs conducteurs sont les promiers objets à
— — 399<br />
envoyer ici car les tribus sont de bien petite ressource. Puis,<br />
il nous faudra une compagnie complète du train des équi<br />
pages et une compagnie d'ouvriers d'administration.<br />
Vingt mille hommes et une nombreuse artillerie, c'est, ce<br />
me semble, presque moitié de trop. Et puis,<br />
conduire tout<br />
ce matériel à Guelma pour lui faire repasser encore deux<br />
fois la Seybouse, voilà pour trois mois de convois et plu<br />
sieurs milliers de chevaux. Après nous avoir accordé trop<br />
peu, nous nous trouverons dans l'embarras des richesses.<br />
Oserais-je, Monsieur le Maréchal, vous proposer un change<br />
ment qui me semble nécessaire ? Vous en jugerez.<br />
Guelma nous oblige à passer trois fois la Seybouse, tandis<br />
que la route directe ne la traverse qu'une fois sur Medjez-<br />
Amar. Ce détour nous coûtera chaque fois quatre lieues et<br />
deux gués (compris l'aller et le retour) et toutes les chances<br />
d'accidents dans les mauvais temps. L'unique avantage de<br />
Guelma est dans quelques pans de muraille qui étaient déjà<br />
de peu de conséquence pour un poste d'un millier d'hom<br />
mes à couvrir promptement,<br />
tenir compte,<br />
mais dont on n'a guère à<br />
maintenant que le Gouvernement est décidé à<br />
faire une grande expédition. Une tête de pont sur la rive<br />
gauche à trois-quarts de lieue du camp ne servira que pour<br />
des convois bien escortés et seulement lorsqu'ils ne pour<br />
ront traverser la Seybouse. Tout le reste dû temps, elle<br />
diminuera la force du camp bien loin dé l'augmenter, puis<br />
que l'ennemi ne s'y présentera que par la rive droite. Enfin<br />
tous les renseignements que j'ai pris s'accordent sur l'im<br />
possibilité d'aller avec des convois de Guelma à Constantine<br />
par cette rive droite el par conséquent sur celle d'éviter les<br />
deux passages de la Seybouse à Guelma et ensuite celui de<br />
Medjez Amar.<br />
Ce dernier point est sur la route directe de Constantine<br />
et à trois étapes. 11 est plus facile d'y<br />
arriver de Bône que<br />
d'aller à Guelma. Un pont permanent y est nécessaire pour<br />
le présent et pour l'avenir; le site, bien que dominé à peu de<br />
distance, est facile à défiler de ces hauteurs; on y trouve de<br />
l'eau en abondance, des taillis et du gros bois qui manque
— — 400<br />
absolument à Guelma. Pourquoi n'y ferions-nous pas le<br />
camp dont nous avons besoin comme dépôt ? De là, on<br />
ferait sans danger ni perte de temps tous les travaux du<br />
passage de Bas-el-Akba. L'ennemi n'oserait pas s'aventurer<br />
sur la rive gauche de la Seybouse qu'à grande distance au-<br />
dessus, tandis qu'il le peut faire sans danger lorsque nous<br />
sommes confinés à Guelma. Enfin, les Arabes verraient cet<br />
établissement avec grand intérêt,<br />
car il leur serait utile en<br />
tous temps. Nous pourrions même le leur abandonner avec<br />
la certitude que bien loin de le détruire, ils prendraient soin<br />
du pont et des ouvrages. Si je ne me fais pas illusion, ces<br />
avantages me paraissent décisifs et je vous proposerais d'y<br />
faire porter i.5oo à. 2.000 hommes avec leurs vivres pour<br />
un mois et des outils. On ferait d'abord l'enceinte du camp,<br />
puis les établissements intérieurs et le pont que vous trou<br />
veriez tout établi, lorsque vous nous conduirez à Constan<br />
tine. En commençant cette besogne à la fin de février, épo<br />
que à laquelle nous pouvons espérer d'avoir des moyens de<br />
transport suffisants, le tout serait terminé vers la fin d'avril<br />
ou. la première quinzaine de mai; quelque soit votre déci<br />
sion, je n'en travaillerai pas moins avec ardeur à son ac<br />
complissement. Sans doute, il y a un bon nombre de gens<br />
qui voudraient se croiser les bras et clabauder à l'aise en<br />
attendant les expéditions, mais je ne leur laisse pas la satis<br />
faction de me travailler et,<br />
les écouter, je les réprime,<br />
sans perdre sur mon temps à<br />
quand ils se font entendre un<br />
peu trop. Ces gens-là ne nae compromettront jamais au<br />
moins à mon escient.<br />
Mme<br />
Trézel est très flattée de la bonne opinion que vous<br />
avez de son courage et, craint de ne le pas mériter assez.<br />
Voilà (1) les renseignements les plus récents et les moins<br />
incertains qui me soient parvenus par diverses voies et par<br />
des témoins oculaires sur ce qui s'est passé à Constantine.<br />
(1) Cette dernière partie de la lettre de Trézel a été reproduite par<br />
Clauzel dans ses Explications, p. 179. Elle arriva à Alger après le<br />
départ du maréchal à qui elle fut transmise par le général Rapatel.
— — 401<br />
Peu d'habitants de la ville ont pris part à sa défense; ce<br />
sont des Arabes et des Kabyles qui étaient placés autour des<br />
portes et dans la Casbah.<br />
Le jour de notre retraite,<br />
environ deux cents têtes ont été<br />
apportées à Constantine et l'on n'y a amené aucun prison<br />
nier.<br />
11 y a dans la ville dix Français ou Européens qui s'y<br />
trouvaient avant l'expédition. Deux d'entre eux sont em<br />
ployés dans leur profession d'armuriers.<br />
Mir Tabet el Harles et deux autres habitants ont été pen<br />
dus par l'ordre d'Ahmed-bey pour avoir proposé de rendre<br />
la ville, on dit qu'ils étaient riches.<br />
On répare la porte du pont; on fait des démolitions dans<br />
l'intérieur de la ville et à la porte Bab-el-Oued;<br />
des fossés devant le rempart du côté de cette porte.<br />
on creuse<br />
Les femmes du bey ne sont pas encore rentrées à Constan<br />
tine.<br />
Depuis l'apparution des Français, les bestiaux et les den<br />
rées ont beaucoup augmenté de prix,<br />
mais le blé et l'orge<br />
sont au contraire à bien meilleur compte parce que ces<br />
objets ne peuvent s'enlever facilement; malgré la défense<br />
d'habitants s'en vont avec leurs femmes,<br />
du bey, beaucoup<br />
leurs enfants et leurs troupeaux.<br />
La monnaie d'Ahmed-bey a été fort altérée dans son titre;<br />
les Arabes recherchent les anciennes et aussi celles de<br />
France; une pièce de 5 francs vaut 7 à 8 boudjoux.<br />
On a vu sur la route de Tunis à Constantine une petite<br />
voiture escortée par six ou huit tchaous armés et montés<br />
sur des mules. Cette voiture contenait deux femmes que le<br />
bey de Tunis envoyait au bey Ahmed.<br />
26
— 402<br />
533<br />
Le général Rapatel au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 14 janvier 1837.<br />
Peu d'heures après votre départ, un émissaire m'a apporté<br />
une lettre d'Abd el Kader dont j'ai l'honneur de vous adres<br />
ser la traduction. Vous y verrez qu'Abd el Kader se borne à<br />
demander qu'on dépêche vers lui Durand aîné.<br />
Avant de faire cette démarche, j'ai voulu avoir vofre<br />
approbation et recevoir vos instructions sur la conduite que<br />
je dois tenir en cette circonstance.<br />
Abd el Kader paraît disposé à reconnaître la domination<br />
française, mais il désire savoir quels seraient les avantages<br />
qui lui seraient assurés et la portion d'autorité qui lui serait<br />
laissée.<br />
J'ai donné connaissance à M. le Ministre de la Guerre de<br />
tout ce qui précède en lui envoyant aussi la traduction de la<br />
lettre d'Abd el Kader. Je l'ai fait également prévenir par le<br />
télégraphe et lui ai demandé de me faire connaître ses in<br />
tentions par la même voie.
Yusuf-bey<br />
— — 403<br />
534<br />
au Gouverneur Général<br />
(Arch. Guerre)<br />
Bône, le 14 janvier 1837.<br />
Je viens de recevoir avec une joie inexprimable votre<br />
lettre du g courant par laquelle vous m'annoncez qu'une<br />
nouvelle expédition contre Constantine est résolue et que<br />
les forces réunies nous mettront à même de prendre une<br />
éclatante revanche.<br />
Vous me prescrivez, Monsieur le Maréchal, de m'occuper<br />
immédiatement des moyens de transport sans cependant<br />
rien arrêter. Je dois donc,<br />
ainsi que je l'ai toujours fait,<br />
m'expliquer franchement sur les ressources qui existent et<br />
les moyens de les utiliser.<br />
Je pense donc que dans l'espace d'un mois je pourrai réu<br />
nir dans le rayon du pays soumis de 5 à 6oo mulets, mais<br />
sans conducteurs, que pour arriver à ce résultat et pour<br />
qu'il fût profitable il faudrait prendre les mulets au fur et<br />
à mesure, les abriter, les soigner et les nourrir;<br />
on en paie<br />
rait le loyer du jour où ils seraient dans les écuries du<br />
Gouvernement. Ce mode aurait-il l'avantage d'assurer le<br />
service des transports par la certitude que les mulets seraient<br />
bien nourris et conduits par des Français.<br />
Si on ne peut prendre l'avance et réunir les animaux<br />
petit à petit, il me paraît impossible de mettre à la disposi<br />
tion du Gouvernement un nombre considérable de mulets<br />
dans un temps donné et court. Il faudrait en outre dans<br />
chaque tribu admettre quelques cavaliers auxiliaires soldés<br />
pour faciliter l'arrivée des mulets qu'on demanderait.
— — 404<br />
Je pense que si vous écriviez en termes précis au consul<br />
de France à Tunis en l'informant des immenses préparatifs<br />
qui ont lieu contre Constantine, il obtiendrait facilement du<br />
bey<br />
un ordre formel pour que le caïd Bekbah placé près du<br />
territoire de la Bégence ne mit point d'obstacles à des achats<br />
de chevaux et mulets et qu'au contraire il favorisât cette<br />
opération. Il serait facile d'en acheter 4 à 5oo dans l'espace<br />
d'un mois, mais il faudrait envoyer des fonds sur les lieux.<br />
Le prix pourrait varier de 25o à 3oo francs.<br />
Vous approuvez, Monsieur le Maréchal, que je n'aie<br />
qu'une partie de mon monde à Guelma et vous désirez que<br />
je retourne occuper Dréan et bientôt Mouhelfa. J'aurai<br />
l'honneur de vous faire observer que mes escadrons n'ont<br />
pas un moment de repos pour consolider une organisation<br />
faite à la hâte, que le nombre des chevaux disponibles est<br />
toujours en route pour l'escorte des convois et tenir cent<br />
cavaliers à Guelma que la saison est dure et pluvieuse et<br />
que si tout mon mpnde est dehors,<br />
je n'aurai pas un cava<br />
lier monté pour me porter en avant. J'ajouterai qu'il man<br />
que des effets de campement. Le 3e régiment de chasseurs<br />
qui est en ville depuis notre retour nia pas aujourd'hui<br />
200 chevaux disponibles.<br />
Le pays est parfaitement tranquille et la correspondance<br />
de Guelma en dehors des convois se fait avec deux cavaliers.<br />
Je conserve ici toute mon influence et je profiterai des<br />
beaux jours pour faire quelques courses de Guelma ici.<br />
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint un état de dépen<br />
ses montant à la somme de 4ooo francs.<br />
M. le général Trézel m'a informé qu'il me rembourserait<br />
la somme de i.35o francs.<br />
Je suis pénétré, Monsieur le Maréchal, de vos bontés pour<br />
moi et soyez assuré de nouveau de tous mes efforts pour<br />
justifier notre puissant intérêt.<br />
Je me recommande instamment à vous pour obtenir du<br />
Gouvernement l'acquittement de mes dettes qui s'élèvent à<br />
4o.ooo francs, ce qui, joint aux pertes énormes que j'ai<br />
éprouvées dans l'expédition, me cause de graves embarras.
40,t<br />
535<br />
Le Ministre de la Guerre au Gouverneur Général<br />
(Arch.<br />
Guerre)'<br />
Paris, le 18 janvier 1837.<br />
J'ai reçu vos deux dépêches confidentielles des i4 et 19 dé<br />
cembre dernier (cabinet<br />
n0B<br />
2o3 et 208), l'une contenant les<br />
observations que vous a suggérées mon refus d'approuver la<br />
concession de la ferme de Souk-Ali proposée en faveur du<br />
sieur Melcion, l'autre par laquelle- vous croyez devoir récla<br />
mer une enquête administrative pour constater s'il est vrai<br />
que vous ayez eu un intérêt personnel et privé dans cette<br />
affaire.<br />
J'ai relu ma dépêche du 27 novembre dernier,<br />
n°<br />
5245,<br />
par laquelle je vous donnais avis de ma décision et je n'y<br />
ai rien trouvé que vous ayez sujet d'interpréter d'une ma<br />
nière fâcheuse. Je n'ai reçu aucune information qui puisse<br />
donner lieu à une enquête que repousseraient dans tous les<br />
cas votre haute position et la dignité du commandement<br />
dont vous êtes investi. Quoiqu'il en soit, votre lettre du<br />
i4 décembre a été mise sous les yeux du roi. Sa Majesté a<br />
apprécié les sentiments qui vous l'ont dictée, mais je m'em<br />
presse de vous dire que vous vous êtes entièrement mépris<br />
sur les motifs qui m'empêchent d'approuver le<br />
projet de<br />
concession et qui sont complètement étrangers à toute sup<br />
position d'intérêt personnel de la part du gouverneur géné<br />
ral.<br />
J'ai pensé et je crois encore que,<br />
dans les circonstances<br />
actuelles, les grandes concessions présentent plus d'incon-
— — 406<br />
vénients que d'avantages. D'un autre côté, j'ai cru remar<br />
quer que le Conseil d'Administration,<br />
en /approuvant le<br />
projet dont il s'agit, avait été moins frappé des arguments<br />
tirés de l'utilité de la concession en elle-même que de l'en<br />
gagement qui semblait résulter de vos promesses au sieur<br />
Melcion. Je n'ai pas pu admettre cet engagement, car c'eût<br />
été reconnaître à l'administration locale la faculté de m'en-<br />
gager moi-même sur des questions qui doivent être soumi<br />
ses à votre approbation préalable.<br />
Mais, je vous le répète, Monsieur le Maréchal, il n'y a<br />
rien eu de personnel pour vous dans les motifs qui ont dé<br />
terminé ma décision. Je désire que la présente lettre détruise<br />
complètement dans votre esprit l'impression sous laquelle<br />
les vôtres ont été écrites.<br />
S3S<br />
Le général Rapatel au Ministre dé la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Alger, le 20 janvier 1837 .<br />
M. le Maréchal Gouverneur m'a laissé en partant une ins<br />
truction sur ce qu'il convenait de faire pendant son absence<br />
pour conserver les divers points que nous occupons déjà<br />
en Afrique,<br />
et pour préparer l'occupation de ceux qu'il<br />
considère comme devant l'être prochainement, et plus par<br />
ticulièrement de la ville de Constantine.
J'ai dû, en conséquence,<br />
—<br />
— 407<br />
communiquer à chacun des<br />
commandants supérieurs et des chefs de service la partie df<br />
ces instructions qui exigeait leur concours.<br />
M. l'Intendant militaire vient de m'adresser, pour ce qui<br />
concerne le concours de l'administration, des observations<br />
graves dont il est de mon devoir de vous rendre compte,<br />
ainsi qu'à M. le Maréchal Gouverneur général.<br />
Le Gouverneur ordonnait sommairement, en ce qui re<br />
garde la province d'Oran, de préparer l'occupation de Mas<br />
-2°<br />
de faire des sorties aussitôt que le temps<br />
cara et de Kalaâ;<br />
le permettrait afin d'enlever des bestiaux aux Arabes hos<br />
tiles,<br />
et remédier par ce moyen au manque de viande fraî<br />
che qui se fait sentir d'une manière presque absolue; d'amé<br />
liorer les moyens de couchage qui laissaient beaucoup à<br />
désirer; de suivre la négociation entamée avec l'empereur<br />
de Maroc dans le but d'obtenir l'autorisation d'acheter dans<br />
ses Etats des bestiaux et autres denrées.<br />
Pour Alger, d'établir un fort poste dans l'est de la Mitidja<br />
à l'entrée de la gorge de Hamza et deux ou trois blockhaus<br />
en arrière et de préparer le châtiment des tribus rebelles de<br />
l'Ouest.<br />
C'est Bône, où il y a tout à faire, et la future expédition de<br />
qui avaient particulièrement fixé l'attention de<br />
Constantine,<br />
M. le Gouverneur.<br />
Il prescrivait de préparer des camps pour 18.000 hommes<br />
au fort Génois et aux Caroubiers, les positions les moins<br />
malsaines des environs de la place,<br />
de faire deux ponts sur les ruisseaux torrentueux qui cou<br />
lent des montagnes de Mouhelfa; deux maisons défensives<br />
sur les pitons à droite du col de ce nom,<br />
une tête de pont sur la rive gauche de la Seybouse près<br />
de Guelma,<br />
avec une ou deux maisons crénelées en pierres<br />
sèches dans l'intérieur comme réduits,<br />
afin de pouvoir<br />
enfermer dans cette tête de pont les convois venant de Bône,<br />
lorsque les grands eaux les empêchent de traverser la rivière,<br />
de continuer les travaux de Guelma de manière à en faire
- 408<br />
—<br />
une place inexpugnable, de tout préparer pour y recevoir<br />
un corps de 20.000 hommes, de construire à Bône les bar-<br />
raques, les hangars et appentis reconnus nécessaires et de<br />
les transporter à Guelma, et peu à peu aussi les approvi<br />
sionnements et le matériel devant être employés pendant<br />
l'expédition.<br />
Les dispositions prescrites par M. le Maréchal exigeront<br />
un concours très actif de la part de l'administration. Or,<br />
d'après les observations de M. Melcion d'Arc, celle-ci serait<br />
loin d'être en mesure de le donner en ce moment.<br />
Cet administrateur objecte pour ce qui regarde Oran et<br />
Alger, qu'excepté ce qui concerne les expéditions contre<br />
Constantine, tous les projets de nouvelle occupation de villes<br />
sont ajournés d'après les ordres que vous lui avez adressés,<br />
ainsi que l'établissement de nouveaux camps,<br />
et que toutes<br />
les dépenses extraordinaires sont interdites à ce sujet rigou<br />
reusement. Il ajoute que vous l'avez même rendu respon<br />
sable de toute infraction aux ordres donnés par vous à cet<br />
égard.<br />
Il déclare que chaque jour les devoirs de l'administration<br />
on Afrique deviennent plus difficiles. 11 signale comme<br />
causes principales de cet embarras les occupations de Bou<br />
gie, de Tlemcen et de la Tafna surtout,<br />
nance du 11 novembre i835 (1),<br />
ainsi que l'ordon<br />
rendue sans que l'adminis<br />
tration eût été consultée, et dont il sollicite la prompte révo<br />
cation. Les approvisionnements nécessaires à la future expé<br />
dition de Constantine lui paraissent impossibles à réunir si<br />
elle est maintenue plus longtemps.<br />
Je pense qu'en effet cette ordonnance,<br />
en éloignant les<br />
navires étrangers de nos ports, a fait renchérir les denrées<br />
et rendu les approvisionnements plus difficiles, précisément<br />
au moment même où les besoins devenaient plus considéra-<br />
(1) Ordonnance concernant les droits de navigation et de douane à<br />
percevoir dans les possessions françaises du Nord de l'Afrique (Mon.<br />
Universel du 21 novembre 1835).
— — 409<br />
blés. Il est d'ailleurs douteux que les ports français de la<br />
Méditerranée aient tiré un grand profit des avantages créés<br />
en leur faveur,<br />
parce que la mesure dont il s'agit en a éloi<br />
gné beaucoup de navires étrangers qui les fréquentaient<br />
auparavant. Je n'entrerai pas dans de plus grands détails à<br />
ce sujet, M. Melcion d'Arc m'ayant assuré qu'il vous les<br />
avait donnés directement.<br />
Quant, à ce qui concerne le couchage des troupes dans la<br />
province d'Oran, cet administrateur me prévient que, quoi<br />
qu'il pense que le service se trouve convenablement assuré,<br />
il va prendre de nouveaux renseignements et qu'il pour-<br />
voiera aux besoins qui pourraient exister.<br />
Je dois dire que depuis longtemps je n'ai pas reçu de<br />
réclamations à cet égard, et que tout récemment des lit s ont<br />
été envoyés pour la garnison de Bougie, qui jusqu'à ce jour,<br />
n'avait eu que des hamacs. C'est une amélioration dans la<br />
position de cette garnison qui a eu tant à souffrir.<br />
M. l'Intendant militaire m'annonce qu'il expédie un agent<br />
pour tâcher de tirer des denrées et surtout des bestiaux des<br />
côtes d'Espagne et surtout de Tanger, mais qu'il ignore en<br />
tièrement la négociation entamée avec l'empereur de Maroc,<br />
dont parle M. le Maréchal. Je ne la connais pas non plus,<br />
el je dois dès lors présumer qu'elle aurait été ouverte par<br />
le général commandant à Oran.<br />
J'ai prescrit à cet officier général de faire les sorties ordon<br />
nées par M. le Gouverneur,<br />
mais je ne dois pas vous dissi<br />
muler qu'il est à craindre qu'elles procureront peu de res<br />
sources,<br />
parce que les Douars les plus rapprochés d'Oran se<br />
sont éloignés, et qu'il est presque impossible de joindre<br />
les Arabes,<br />
si on n'est pas en position de les surprendre.<br />
Le manque d'approvisionnement,<br />
viande fraîche à Oran,<br />
particulièrement de<br />
s'il se prolonge, exige qu'on prenne<br />
les mesures les plus promptes et les plus énergiques pour<br />
mettre fin à un semblable état de choses.<br />
Il faut aussi songer à ravitailler Tlemcen de nouveau, et<br />
je viens de donner les ordres les plus précis à M. le général<br />
de Brossard. Dans la saison où nous sommes, il est très
— — 410<br />
important de profiter du beau temps lorsqu'il règne et il<br />
importe de ne pas attendre au dernier moment pour entre<br />
prendre une semblable opération. Or, il n'y avait à Tlemcen<br />
dans les derniers jours de novembre, que pour 83 jours de<br />
blé ou de farine,<br />
el nous sommes déjà au 20 janvier. Les<br />
menues distributions y étaient assurées pour moins long<br />
temps encore, à l'exception du sel. La viande fraîche était<br />
la seule chose qu'on pût s'y procurer à cette époque. Quant<br />
à la solde, elle avait été assurée jusqu'au mois de mai.<br />
Le poste que M. le Maréchal veut établir vis-à-vis du<br />
débouché de la gorge qui conduit à Hamza ne doit pas<br />
sans doute être rangé dans la catégorie des occupations et<br />
nouveaux camps que vous avez interdits, puisque, dans les<br />
idées de M. le Gouverneur, il doit servir à développer le<br />
système de défense adopté par lui pour assurer la sécurité<br />
de la Mitidja. Il suîllra p-obablement de quelques centaines<br />
d'hommes pour le- défendre. Je ne serais d'ailleurs fixé à cet<br />
égard qu'après que le directeur des fortifications aura fait<br />
la reconnaissance des lieux,<br />
truire aura été arrêté.<br />
et que le projet du fort à cons<br />
L'intendant militaire me prévient qu'il vous a longue<br />
ment fait connaître tous les besoins administratifs présumés<br />
nécessaires à une nouvelle expédition contre Constantine,<br />
qu'il vous a demandé des tentes pour i5.ooo hommes et<br />
2.000 mulets tirés de France,<br />
parce que ceux d'Afrique<br />
étaient beaucoup moins forts, et qu'il serait trop difficile de<br />
s'y en procurer, même à Tunis où le Gouvernement ne faci<br />
literait pas les achats, craignant, si nous prenons possession<br />
de Constantine, de perdre- le commerce qu'il fait avec elle.<br />
Il peut y avoir du vrai dans cette assertion. J'ai demandé<br />
des renseignements au général Trézel et je les attends avec<br />
impatience pour savoir à quoi m'en tenir au juste.<br />
J'ai également invité ce général à me faire savoir s'il était<br />
possible et opportun de faire camper 18.000 hommes au<br />
fort Génois et aux Caroubiers. Quelle que soit la réponse,<br />
nous ne serions pas embarrassés,<br />
car on pourrait les placer<br />
en avant de Bône, même dans la plaine, les fièvres ne s'y
— — 411<br />
montrant que dans le mois de juin, époque à laquelle l'ex<br />
pédition devrait être au moins bien avancée, sinon entière<br />
ment terminée.<br />
Quant aux dispositions qui concernent les fortifications<br />
de Guelma et sa ligne de communication avec Bône, elles<br />
sont assez d'accord avec celles prescrites par vous. J'ai invité<br />
le général Trézel à s'en occuper sur le champ, autant que le<br />
mauvais temps et les moyens à sa disposition le permet<br />
tront,<br />
mais ce ne sera que lorsque M. le lieutenant-colonel<br />
Guillemin, qui doit en être spécialement chargé, sera rendu<br />
à Bône, qu'on pourra savoir exactement ce qu'il conviendra<br />
et ce qu'il sera possible de faire.<br />
Toutefois,<br />
préparer Guelma à recevoir tous les approvi<br />
sionnements et les matériels de l'artillerie et du génie néces<br />
saires à l'expédition projetée et à pourvoir aux besoins d'un<br />
corps de 20.000 hommes pendant quelques jours, n'est pas<br />
une petite affaire et exigera bien des travaux d'avance.<br />
Guelma n'est pas une ville à restaurer. Elle se compose de<br />
ruines dont le principal avantage est d'offrir beaucoup de<br />
pierres propres à la construction et la facilité d'y<br />
mettre à<br />
couvert un millier d'hommes des attaques d'ennemis comme<br />
?es Arabes. Il sera donc nécessaire d'y construire des abris<br />
considérables pour recevoir les vivres, les munitions et tout<br />
ce qu'on ne peut pas laisser exposé en plein air dans un<br />
pays où les pluies sont souvent si fortes et où elles durent<br />
quelquefois jusqu'au mois de mai. Il semble, d'après les<br />
infractions du gouverneur, que les barraques, hangars et<br />
appentis devraient être confectionnés à Bône pour être en<br />
suite portés à Guelma où on n'aurait plus qu'à les monter.<br />
Cela est rationnel puisque le génie a des ateliers organisés<br />
dans cette ville,<br />
mais aura-t-il des ouvriers en nombre suf<br />
fisant à tous les travaux préparatoires qui doivent être exé<br />
cutés, c'est ce que j'ignore encore.<br />
Quoi qu'il en soit, je pense que si l'expédition projetée<br />
contre Constantine doit être assez nombreuse<br />
en- hommes<br />
pour en assurer la réussite, il importe d'en fixer le chiffre<br />
dans de justes limites, car plus ce chiffre serait élevé, plus
— — 412<br />
il en résulterait d'embarras pour les vivres et les transports,<br />
chose qu'il faut diminuer autant que possible. L'important<br />
est qu'elle soit largement fournie de tout, surtout en sub<br />
sistances et munitions. Les transports sont la partie la plus<br />
essentielle des préparatifs à faire,<br />
et l'expérience a démontré<br />
que le pays nous offrait peu de ressources assurées de cette<br />
nature.
ANNEXES
Ibrahim-bey<br />
415<br />
Annexe n°<br />
1<br />
aux tribus arabes des provinces d'Oran<br />
et de Tlemcen (1)<br />
(Moniteur Algérien du 11 septembre 1835)<br />
C'est la voix d'un véritable musulman qui va vous par<br />
ler, écoutez-la,<br />
car elle est toute de vérité et elle vient à<br />
votre secours pour vous tirer d'erreur.<br />
Abd el Kader, que quelques-uns de vous reconnaissent<br />
pour chef, n'est qu'un trompeur qui a pris le masque d'un<br />
saint, d'un serviteur du Prophète pour vous mener à votre<br />
perte. Il vous a dit qu'il avait été visiter le tombeau du Pro<br />
phète; mais sa véritable intention était d'étudier la conduite<br />
du pacha d'Egypte envers ses sujets. Il a si mal compris<br />
son administration qu'il s'est tracé un système tout opposé.<br />
Il veut, sous prétexte d'établir une nation arabe, vous<br />
arracher d'auprès les ossements de vos pères,<br />
vous trans<br />
porter de l'est à l'ouest, du nord au midi. N'est-ce pas ainsi<br />
qu'il a agi à l'égard des tribus de Mostaganem,<br />
n'a-t-il pas<br />
voulu en faire autant aux Douairs et aux Smélas ? Il vous<br />
démande déjà la dîme; bientôt il prendra de force non<br />
seulement vos biens, mais encore votre sang.<br />
Vous n'ignorez pas aussi que pendant quelques mois il<br />
a paru être entouré de force et de puissance. 11 ne le devait<br />
qu'aux Français qui lui avaient prêté leur appui. En lui<br />
retirant cet appui, il ne peut que tomber,<br />
entraînant avec<br />
lui ceux qui auraient été assez faibles pour s'attacher à sa<br />
fortune.<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 28 août 1835,<br />
n°
— — 416<br />
Bevenez donc de votre égarement et ralliez-vous à moi.<br />
Car, enfin, que vous demandent les Français ? Bien. Au<br />
contraire, ils veulent vous enrichir par la voie du com<br />
merce; ils respectent votre religion et vos propriétés, et<br />
ils m'envoient pour vous les garantir. Livrez-vous donc à<br />
la joie; les avantages que je vous promets sont positifs;<br />
voilà vos véritables intérêts. Ne soyez pas sourds à la voix<br />
de vos anciens chefs; réfléchissez bien, et votre raison vous<br />
éclairera sur le parti que vous aurez à prendre. Je veux<br />
avant tout savoir de vous quelles sont vos intentions avant<br />
la guerre. Si elles sont sincères,<br />
envoyez-moi des otages<br />
afin qu'au grand jour je puisse distinguer mes amis de<br />
mes ennemis.<br />
■Annexe<br />
n°<br />
Projet d'expédition sur Mascara<br />
par le capitaine Saint-Hypolite (1)<br />
2<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
PRÉLIMINAIRE<br />
Alger, le 25 août 1835.<br />
Un séjour à Mascara de plus d'un mois a permis d'étudier<br />
le pays et les moyens de l'occuper.<br />
Les opérations militaires auront pour base le littoral que<br />
nous occupons : Oran, port militaire, Arzew,<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 30 août 1835<br />
port mar-<br />
n"<br />
72.
— — 417<br />
chand et Mostaganem, poste retranché. Deux autres petits<br />
ports, Bio-Salado et Bachgoun, peu sûrs et peu fréquentés,<br />
restent libres. Ils ne nous seraient utiles que dans le cas où<br />
nous marcherions sur Tlemcen ou bien pour faire des di<br />
versions. Ils sont, au contraire, de première nécessité pour<br />
les Arabes qui en reçoivent des munitions. On devrait les<br />
faire observer.<br />
Les environs d'Oran ont des collines littorales plus ou<br />
moins élevées. On y remarque le mont Gamara à l'ouest<br />
d'Oran, la montagne des lions (Djebel Kahar),<br />
près d'Ar<br />
zew et le Djebel Dyr, à l'est de Mostaganem. Des collines<br />
unissent ces monts en laissant passage,<br />
dans la mer,<br />
pour déboucher<br />
aux fleuves qui arrosent les vastes plaines<br />
étendues plus au sud, à l'intérieur. D'autres rivières en tor<br />
rent se perdent dans les terres.<br />
Les cours d'eau qui vont à la mer sont : l'Oued el May-<br />
lah (i) à l'ouest, le Chérif à l'est et l'Habra au centre, à trois<br />
lieues d'Arzew. Les versants du Chélif resteront sans doute<br />
étrangers aux dispositions militaires; les autres bassins<br />
seront le théâtre des opérations.<br />
Les torrents principaux qui se perdent dans les terres<br />
sont le Tlélat et le Ghérouf .<br />
Les plaines qui pourront être parcourues sont celles des<br />
environs d'Oran et de Meleta, au sud de la ville,<br />
au bord<br />
du grand lac salé, le Sebga; la vallée du Tlélat et les plaines<br />
du Sig, de Céirat, sur l'Habra, de Souf et Tell et de Sey-<br />
doune, à l'ouest au delà de l'Oued Maylati.<br />
A six et huit lieues du littoral, s'élève, parallèlement à la<br />
mer, le petit Atlas dont les rameaux adoucis séparent lés<br />
bassins et les plaines que nous avons indiquées. 11 est proba<br />
ble que les opérations ne s'étendront pas fort avant dans ces<br />
montagnes escarpées et peu connues.<br />
Une expédition sur Mascara ne présentera pas de diffi<br />
cultés si Abd el Kader n'a plus d'influence sur les tribus<br />
(1) Ou Rio Salado.<br />
27
— — 418<br />
,et si elles refusent de se réunir contre nous. S'il rassemble<br />
les Arabes, l'expédition aurait de grands obstacles à sur<br />
monter; leur nombre peut s'élever de 10 à i5.ooo cavaliers.<br />
Elle doit être conduite sagement et avec beaucoup de vi<br />
gueur par un chef qui, avec de la capacité, inspire de la<br />
confiance. Il doit être fort, prudent et emmener le moins<br />
possible de bagages, de matériel et pas de cantiniers qui<br />
nuisent plus qu'ils ne servent.<br />
Le pays n'offrira aucune ressource; tout doit être apporté<br />
d'Oran. On ne trouvera pas d'approvisionnements à Mas<br />
cara. Les moyens de mouture manqueront. Les habitants<br />
font usage de petits moulins à bras.<br />
Le biscuit, le riz, le lard et l'eau-de-vie doivent former<br />
les approvisionnements de l'armée.<br />
Le soldat sera peu chargé. La capote, deux chemises, un<br />
pantalon et une paire de souliers suffisent. Le sac servira<br />
principalement à porter des vivres et des cartouches.<br />
Les époques favorables à une expédition sont le prin<br />
temps et l'automne : les chaleurs sont supportables. Les<br />
rivières ont de l'eau,<br />
hiver. Les chemins ne sont pas fangeux.<br />
mais ne sont pas débordées comme en<br />
Il ne faut pas négliger de publier contre Abd el Kader<br />
une sorte de manifeste que l'on fera parvenir aux tribus de<br />
la province. On leur enverra également des proclamations,<br />
mais elles devront être rédigées avec esprit et discernement<br />
et surtout les faire bien traduire, afin qu'Abd el Kader ne<br />
s'en fasse pas des armes contre nous. Appuyez sur les exécu<br />
tions ordonnées par lui de personnages de considération.<br />
Démontrez que sous des dehors de sainteté, il prépare l'asser<br />
vissement des Arabes. Il n'est pas nécessaire de parler des<br />
impôts. Les proclamations de M. de Bourmont en ont<br />
affranchi les Arabes et il nous a préparé des embarras.<br />
Mascara (Maascar en arabe)<br />
Mascara, résidence de l'Emir Abd el Kader, est mainte<br />
nant très peuplé;<br />
on compte jusqu'à 10.000 âmes. Autre<br />
fois, séjour des beys turcs, cette ville avait de beaux édi-
fices,<br />
— — 419<br />
un palais très vaste et de belles maisons. Aujourd'hui<br />
tout est délabré et en ruines.<br />
Mascara est situé sur les pentes des collines qui, expo<br />
sées au sud-est, bordent la plaine d'Eghres. Elles se ratta<br />
chent vers le nord aux monts du petit Atlas que l'on traverse<br />
en venant d'Oran. Deux des cinq faubourgs sont séparés de<br />
la ville par le ravin profond où coule l'Oued Aïn Sultan<br />
qui donne de l'eau à Mascara. Ce ruisseau se dirige vers le<br />
sud-est et, au delà de la ville, il reçoit les eaux de l'Aïn<br />
Beïda, autre ravin qui, avec le précédent,<br />
encadre la ville<br />
et trois faubourgs (i). Toutes ces habitations occupent ainsi<br />
le sommet et les flancs d'un contrefort arrondi. Mascara a<br />
deux portes principales, l'une dite de l'Est (Cherg)<br />
de l'Ouest (Gharb), une troisième, vers le sud,<br />
guichet ou porte de secours.<br />
et l'autre<br />
n'est qu'un<br />
La ville, entourée d'une bonne muraille, a presque la<br />
forme d'un carré long. Le côté qui est tourné vers le cou<br />
chant est moins régulier que les autres; il a des angles sail<br />
lants et rentrants. C'est là qu'est le fort dominant les envi<br />
rons. Le principal défaut de l'enceinte,<br />
c'est de manquer<br />
de bons feux de flanquement. La muraille a de 18 à 25 pieds<br />
de hauteur; elle est construite en moellons;<br />
son épaisseur<br />
est de six pieds à la base et de quatre pieds au sommet. En<br />
haut, règne une banquette ou chemin de ronde au-dessus<br />
duquel sont des créneaux; l'artillerie ne peut y être placée.<br />
Aux cinq principaux angles, sont de grandes tours car<br />
rées, flanquant un peu les longues faces qui les unissent.<br />
Elles ont des plateformes aussi élevées que les murailles<br />
(1) « La ville reçoit les eaux de Ras-el-Aïn (la tête de la source),<br />
et de Aïn-ben-el-Sol'than (source de la fille du sultan) par un conduit<br />
qui suit la rive gauche du ravin et qui alimente quatre fontaines...<br />
Aïn Beïda (la source blanche), faubourg situé au S. de Mascara... est<br />
ainsi appelé du nom d'une fontaine qu'on y trouve ... Ces oueds se<br />
jettent dans l'Oued Sidi Toudman, qui traverse Mascara. (De l'admi<br />
nistration arabe dans la province d'Oran depuis le 30 mai 1837 dans<br />
■ Tableau de la situation des Etablissements Français dans l'Algérie1<br />
en 1839 ... Paris. 1840, p. 263-264).
— 420 —<br />
pour recevoir une ou deux pièces d'artillerie qui tirent par<br />
des embrasures pratiquées dans la maçonnerie.<br />
Le mur d'enceinte n'a pas de fossés. Un chemin pratica<br />
ble pour les voitures s'étend presque tout autour à l'exté<br />
rieur, excepté entre la porte du Cherg et le fort où des jar<br />
dins et quelques maisons louchent à la muraille.<br />
À l'intérieur de la ville, le chemin du rempart n'est pra<br />
tiqué que sur la moitié du pourtour. En entrant par la<br />
porte de l'Ouest, il prend à gauche jusqu'au fort; à droite,<br />
il va à la porte de secours et à l'ancien palais des beys. Une<br />
rue assez large conduit de la porte du Gharb à celle du<br />
Cherg. Elle passe près du fort sur une place et, par quel<br />
ques détours,<br />
gagner la porte de secours.<br />
elle traverse la ville. 11 est plus difficile de<br />
Fort (Bordj el Miba)<br />
Le.fort situé dans la ville touche à l'enceinte vers le nord-<br />
ouest, bat les pentes de Cuber Doba qui les dominent. Il a<br />
la forme d'un triangle ayant une grosse tour sur chaque<br />
face. Deux de ces tours font partie des murailles de la ville<br />
et la flanquent. Elles ont des plateformes où sont placées<br />
trois ou quatre pièces d'artillerie. Les remparts ont ici des<br />
terre-pleins pour recevoir du canon au-dessus de quelques<br />
magasins de plein-pied avec le sol de la cour intérieure.<br />
La porte d'entrée du el Bordj Miba donne sur la petite place<br />
qui est à peu près au centre de Mascara.<br />
Cette ville est armée d'une vingtaine de petites pièces de<br />
différents calibres, mal montées sur de vieux affûts lourds<br />
et incommodes.<br />
Les maisons en bon état sont petites, sans luxe; les unes<br />
sont couvertes en tuiles et les autres par des terrasses.<br />
Mascara<br />
Mascara est entouré de cinq faubourgs plus ou moins<br />
rapprochés de l'enceinte.<br />
Argoub Ismaïl, ville ancienne, de (forme carrée et de
— 421 —<br />
trois cents mètres de côté, entourée d'un vieux mur en pierre<br />
très mince,<br />
est entièrement séparée de Mascara par le ravin<br />
excessivement profond de Aïn-Sultan.<br />
Argoub Ismaïl occupe le prolongement du contrefort par<br />
lequel on arrive d'Oran. Ce n'a faubourg que quelques ma<br />
sures éparses et ruinées. Il est cependant habité par Sidi-<br />
Mezari, l'aga des Douairs, homme influent. Argoub Ismaïl<br />
a quatre portes, l'une à l'est, l'autre à l'ouest et deux plus<br />
petites donnant sur le ravin de Aïn Sultan.<br />
La porte de l'Ouest,<br />
Mascara,<br />
qui se présente en face en arrivant à<br />
est défendue par une tour carrée au-dessus de<br />
laquelle se trouve une plateforme pouvant recevoir deux<br />
pièces d'artillerie.<br />
Argoub Ismaïl n'est pas susceptible de défense. Il com<br />
munique avec la ville par la porte du Gharb, en avant de<br />
^quelle est un pont de pierre sur le ravin de Aïn Sultan.<br />
On peut également aller à la porte de secours de Mascara,<br />
à travers ce ravin.<br />
Le faubourg Baba Ali s'étend sur la croupe et les flancs<br />
d'un petit contrefort qui, venant de l'ouest, s'arrête en avant<br />
de la porte du Gharb. Les deux berges sont baignées par<br />
les eaux de Aïn Sultan et par celles d'une autre fontaine<br />
qui est au sud, à gauche du chemin d'Oran. Ces deux cours<br />
d'eau, avant de se réunir,<br />
passent'<br />
sous deux pont's en<br />
pierre qui servenï à communiquer d'un côté à l'autre des<br />
vallons.<br />
Le faubourg du Cherg (est) touche aux murailles de<br />
Mascara et s'étend jusqu'aux pieds d'un mamelon élevé,<br />
couvert de tombeaux, appelé le Cuber Doba. Cette hauteur<br />
domine la ville en face du fort ainsi que les environs à<br />
bonne portée d'artillerie. Les eaux de Aïn Sultan nécessai<br />
res aux habitants de la ville peuvent être détournées dans<br />
les fossés d'irrigation qui contournent le mamelon au-des<br />
sus du faubourg du Cherg.<br />
Par ce faubourg,<br />
vu de ses remparts.<br />
on arrive à la porte de la ville sans être
— — 422<br />
Les faubourgs d'Aïn-Beda et d'Hadj Mohamed sont au<br />
sud-est de Mascara, séparés d'elle par un chemin large de<br />
quatre mètres et par des jardins. Ils occupent les pentes<br />
extrêmes de la colline sur laquelle la ville est assise. Ils ne<br />
sont pas vus du chemin d'Oran et resteront étrangers à<br />
l'attaque comme à la défense.<br />
Marche sur Mascara<br />
Mascara est à 22 lieues d'Oran, au delà du petit Atlas. Le<br />
chemin qui y conduit directement est praticable pour les<br />
voitures dans plus de la moitié du trajet. Cette première<br />
partie est presque en pays plat. On peut diviser la route<br />
en quatre marches de six lieues à peu près :<br />
d'Oran à Tlélat 6 lieues<br />
de Tlélat au Sig<br />
5 lieues 1 J2<br />
du Sig à Hammam 5 lieues<br />
d'Hammam à Mascara 4 lieues 1/2<br />
PREMIERE MARCHE JUSQU'AU RUISSEAU LE TLELAT<br />
En partant d'Oran, le chemin monte sur le plateau qui<br />
se trouve au sud de la ville;<br />
on marche quatre heures en<br />
plaine passant auprès du lac Daya qui est saumâtre. On<br />
rencontre ensuite des collines peu élevées couvertes de brous<br />
sailles; plus loin le chemin descend dans la vallée du Tlélat.<br />
Ce ruisseau qui n'a pas d'eau toute l'année sert aux irriga<br />
tions dans les temps de pluie. Il y a quelques sources et des<br />
puits sur la droite du chemin, en entrant dans la vallée. Mais<br />
ces eaux ne suffiraient pas à un corps de troupe nombreux (1).<br />
Le bois n'y manquerait pas. En allant passer le Tlélat à la<br />
sortie des montagnes, on allonge de deux lieues, mais on<br />
est sûr d'avoir de l'eau. Lors même que les Arabes la détour<br />
nerait, il en resterait dans les bas-fonds du Tlélat.<br />
(1) Le général Trézel a campé longtemps sur le Tletat ; l'eau lui a<br />
manqué.
— — 423<br />
DEUXIEME MARCHE JUSQU'AU SIG<br />
La vallée du Tlélat a une lieue de large;<br />
elle est boueuse<br />
par les temps de pluie. Au delà sont les bois de Muley<br />
Ismaïl qui ont une lieue et demie de largeur; ils ne sont<br />
pas fournis. On y voit des groupes d'oliviers sauvages,<br />
rabougris et d'épines blanches assez élevées. L'infanterie et<br />
la cavalerie peuvent les parcourir (i). Ce chemin quelque<br />
fois dominé est d'un accès facile. Après Muley-Ismaïl, on<br />
descend dans la plaine du (Sig<br />
et l'on se trouve dans un<br />
fond évasé. On y rencontre un torrent boueux appelé<br />
Oughaz (2). Il est difficile à passer dans les temps des<br />
pluies. Au delà d'Oughaz, on monte les dernières ondula<br />
tions d'un petit contrefort découvert qui se fond dans la<br />
plaine du Sig. Sur cette hauteur, le chemin rencontre les<br />
deux marabouts de Sidi Daoud à l'embranchement du che<br />
min d'Alger. On est encore à une lieue et demie du Sig,<br />
auquel on parvient par une pente douce au milieu de quel<br />
ques broussailles. On a franchi le territoire des Garabas.<br />
Le Sig<br />
a de l'eau toute l'année. Ses rives sont très pro<br />
fondes, mais l'artillerie passerait facilement en donnant<br />
quelques coups de pioche. Pendant l'hiver, le gué est inter<br />
rompu par les grandes crues d'eau.<br />
Dans cette marche, on n'aura que l'eau du Sig et quelques<br />
broussailles pour brûler.<br />
TROISIEME MARCHE JUSQU'AU OUED HAMMAM<br />
Au delà du Sig, sur ses bords, est un petit marabout : Sidi<br />
Amran Hadji. Là, le chemin entre dans la plaine de Ceirat<br />
qui s'étend au loin à gauche. A droite,<br />
sont les premières<br />
(1) Le général Trézel y battit les Arabes le 26 juin 1835.<br />
(2) Aujourd'hui l'Ougasse, centre sur la route et la voie ferrée<br />
d'Alger à Oran.
— — 424<br />
pentes de l'Atlas, dont on côtoie le pied pendant une heure<br />
et demie. A une demi-lieue du Sig,<br />
sur la droite du che<br />
min, sur les glacis des montagnes, sont deux anciens maga<br />
sins, appelés Bourg Djalaby, servant jadis à déposer les<br />
grains reçus en dîme par les Turcs. Ils ont au moins qua<br />
rante mètres de long<br />
sur dix mètres de large. L'un est en<br />
mauvais état et l'autre est habité par quelques Arabes.<br />
Lorsque le chemin commence à monter dans l'Atlas, il<br />
se dirige d'écharpe sur ses pentes et il passe aux marabouts<br />
de Sidi Tulba, qui occupent un contrefort large,<br />
couvert de broussailles.<br />
arrondi et<br />
A une demi-lieue de là, on remonte l'Oued Gherouf, tor<br />
rent profond, à berges rapides,<br />
qui n'a presque jamais<br />
d'eau. Il se perd dans -la plaine de Ceirat. Ses bords sont<br />
escarpés et ravinés. C'est le premier obstacle que l'artillerie<br />
de campagne rencontrera. Il faut peu de travail pour le<br />
faire franchir. De l'autre côté est une pente peu forte mais<br />
rocailleuse qui monte pendant une heure et parvient au<br />
sommet de la grande dépression du chaînon le Mhamat,<br />
qui sépare l'Oued Hammam du Ghérouf. Ce chemin est<br />
ici dominé par les hauteurs boisées qui sont à gauche; sur<br />
la droite, le terrain s'abaisse un peu. Il est couvert de bois<br />
de petits pins.<br />
La descente sur l'Oued Hammam est plus difficile que la<br />
montée, surtout pendant le temps des pluies. Le roc a dis<br />
paru; ce n'est plus que de la terre glaise. Le chemin qui<br />
n'est qu'un sentier se rétrécit souvent et ne laisse pas de<br />
passage pour l'artillerie de campagne, mais avec de la peine<br />
et quelques travaux, on en viendra à bout. Les plus mauvais<br />
pas sont vers le bas de la descente, lorsque le chemin quit<br />
tant la gauche du vallon que l'on suit, passe sur la berge de<br />
droite. Là, le chemin est raviné et il penche tellement à<br />
gauche que les voitures verseraient.<br />
Depuis l'Oued Ghérouf, le chemin est toujours dominé<br />
d'abord de la gauche et ensuite de la droite vers l'Ham<br />
mam; il l'est des deux côtés.
— — 425<br />
L'Oued Hammam a toujours de l'eau; ses bords sont très<br />
bas. Ils n'offrent aucun obstacle au passage d'une armée, à<br />
moins que ce ne soil pendant les grandes eaux ou à la fonte<br />
des neiges. Ce gué est alors interrompu pour plusieurs<br />
jours.<br />
QUATRIEME MARCHE SUR MASCARA<br />
A mesure que l'on approche de Mascara, les difficultés du<br />
chemin augmentent. On suit d'abord pendant une heure<br />
et demie, au milieu des montagnes, le cours sinueux de<br />
l'Oued Melah,<br />
autre torrent qui n'a presque jamais d'eau<br />
(d'ailleurs elle est salée) ; on le passe plusieurs fois et comme<br />
il est encaissé, quelques endroits sont presque impratica<br />
bles pour nos voitures. Le chemin est dominé à bonne portée<br />
de fusil par les deux berges boisées de la vallée que l'on<br />
remonte en se dirigeant vers le sud-est. On quitte brus<br />
quement les bords de l'Oued Melah et l'on monte à gauche<br />
les pentes très rapides de la montagne Mellaha. Ici, le che<br />
min, sans trop serpenter, gravit un contrefort rapide, do<br />
miné, à portée de fusil,<br />
par une autre montagne qui est à<br />
gauche. A droite, se prolonge, vers le sud, la vallée de<br />
l'Oued Meylah. Cette montée, des plus rapides qui existent,<br />
dure plus d'une heure. Le chemin qui la suit est souvent<br />
étranglé par des ravins à pic qui sillonnent les flancs du<br />
contrefort. Quelques coups de pioche feraient une coupure<br />
insurmontable. C'est une circonstance des plus remarquar<br />
blés dont les ennemis ne s'apercevront pas sans doute.<br />
La montée du Mellaha est très difficile,<br />
sinon imprati<br />
cable, pour une batterie de campagne. Cette artillerie ne<br />
se rendra aisément à Mascara queî par un chemin qui<br />
remonte la vallée de l'Oued Hammam et se dirige vers le<br />
sud, du côté de Bizi et de Sidi Ali ben Ahmed. Ensuite,<br />
il débouche dans la plaine d'Eghres et arrive à Mascara. Ce<br />
chemin allonge de beaucoup et, quoique les Arabes propo<br />
sent de le prendre, il ne faudra s'y résoudre qu'à la der<br />
nière extrémité.
— — 426<br />
Au-dessus de Mellaha, le chemin qui venait de tourner à<br />
gauche prend tout à coup à droite et suit le faîte des mon<br />
tagnes. On aperçoit de là les vergers de Mascara,<br />
mais non<br />
pas la ville dont on est éloigné encore d'une lieue et demie.<br />
Il ne reste plus qu'à descendre par un terrain ondulé d'un<br />
accès facile. Le chemin qui reprend la direction de l'est se<br />
trouve maintenant bon pour les voitures.<br />
On n'aperçoit la ville que lorsqu'on se trouve tout auprès.<br />
Pour entrer à Mascara, le chemin passe à côté du mara<br />
bout Sidi Boudejlal, laissant à droite Argoub Ismaïl et deux<br />
grands fondouks, à gauche quelques masures où sont les<br />
boucheries. Au delà est le pont en pierre d'une seule arche<br />
qui sert à passer le ravin de Aïn Sultan. On tourne à droite<br />
et on arrive à la porte du Gharb.<br />
Depuis l'Oued Hammam, on n'a pas trouvé d'eau; il n'y<br />
en aura que sous les murs de la ville.<br />
Le caractère de cette ligne d'opérations est que plus de la<br />
moitié du chemin est d'un accès facile pour notre armée<br />
— — 427<br />
peut entreprendre. Cependant, comme les deux premières<br />
marches ne présentent aucun obstacle, on pourra les faire<br />
presque d'une seule traite,<br />
en marchant une nuit et une<br />
partie du jour. On aura ainsi l'avantage de trouver au Sig<br />
un bon campement qui ne manquerait pas d'eau.<br />
POSTE DE DEPOT<br />
Pour assurer les communications et, au besoin, protéger<br />
une retraite, il conviendrait, avant de s'engager dans les<br />
montagnes, de faire un établissement de dépôt au bourg<br />
dans ces grands magasins que l'on mettrait faci<br />
Djalaby<br />
lement fà l'abri d'un coup de main. Là, les vivres, les<br />
ambulances et le matériel peuvent être abrités et gardés par<br />
un demi-bataillon. Il faudrait seulement se précautionner<br />
de toile pour couvrir les ouvertures qui se trouveraient aux<br />
terrasses. On n'aurait que de l'eau du Sig et, pour s'en assu<br />
rer la possession, il conviendrait de mettre un poste au<br />
marabout de Sidi Amran,<br />
que l'on entourerait d'une re<br />
doute dont le marabout serait le réduit. Les Arabes, nos<br />
alliés, pourraient,<br />
avec les peaux de bouc qui sont dans les<br />
magasins d'Oran, apporter l'eau du Sig. Le dépôt de Borg<br />
Djalaby, où resteraient les prolonges venues d'Oran, serait<br />
d'un grand secours; il pourrait servir à alimenter les trou<br />
pes de l'expédition.<br />
Ces magasins, éloignés de 7 à 800 mètres l'un de l'autre,<br />
sont plus près de Mascara que d'Oran. En juin dernier,<br />
Abd el Kader campait auprès et sa<br />
position'<br />
défensive était<br />
bien choisie. 11 faudrait l'attirer encore dans les plaines et<br />
l'attaquer avec tant de vigueur qu'il ne puisse se reformer<br />
de longtemps et s'opposer à notre marche sur Mascara.<br />
Cette disposition aurait l'inconvénient de faire consommer<br />
nos provisions en attendant que l'ennemi descendît dans<br />
la plaine. D'un autre côté, on prépare un succès certain,<br />
tandis qu'en s'engagcant dans ces montagnes, tout devient<br />
problématique,<br />
surtout avec des troupes peu faites au cli<br />
mat et n'ayant aucune expérience de nos guerres.
— — 428<br />
PASSAGE DU MEKAMAT<br />
Les difficultés commencent à la troisième journée pour<br />
franchir le chaînon du Mekamat. C'est une position à atta<br />
quer de front en faisant chasser par des flanqueurs les Ara<br />
bes qui attaqueraient le flanc de la colonne. Il faut à tout<br />
prix gagner l'Oued Hammam pour avoir de l'eau. Les atta<br />
ques faites latéralement pour débusquer l'ennemi donne<br />
ront le temps au gros de la colonne de serrer sa marche et<br />
de se former en réserve.<br />
Peut-être serait-il encore prudent, afin d'assurer les com<br />
munications, de faire retrancher un bataillon sur l'Oued<br />
Hammam. Il serait plus dans les principes d'occuper les<br />
cols ou passages des montagnes, mais l'eau y manque.<br />
COTE DE MELLAHA<br />
La position de Mellaha est hérissée d'obstacles naturels.<br />
Si elle est défendue par les Arabes,<br />
il faudra de la vigueur<br />
et de l'adresse pour l'emporter. Trois colonnes d'attaque<br />
sont nécessaires;<br />
chacune pourra se composer d'abord d'un<br />
bataillon. Celle du centre précédée par ses compagnies<br />
d'élite suivra le chemin de Mascara; elle sera accompagnée<br />
par quelques pièces de montagne. Le corps de bataille res<br />
tera en réserve au pied de la montée, engageant cependant<br />
nn autre bataillon au soutien du premier,<br />
car il est pro<br />
bable que l'ennemi s'établira en force au sommet de la<br />
montagne,<br />
perpendiculairement à la route. La deuxième<br />
colonne formée d'un bataillon se dirigera sur les flancs de<br />
la hauteur de gauche qui domine la route. Si l'ennemi se<br />
présente sur la gauche, on marchera à lui sans tirer. Les<br />
compagnies du centre ne s'engageront pas;<br />
elles soutien<br />
dront seulement l'attaque des grenadiers et des voltigeurs.<br />
Cette colonne marchera d'abord parallèlement au détache<br />
ment du centre,, elle se portera à droite quand elle sera sur<br />
le faîte de la montagne. Là, si notre centre est également<br />
sur la crête, les troupes de gauche le soutiendront. S'il n'y
— — 429<br />
est pas encore parvenu, notre gauche - attaquera le flanc<br />
des Arabes. La troisième colonne formée d'un autre batail<br />
lon sera précédée également par ses compagnies d'élite^<br />
elle remontera le cours de l'Oued Maylah par sa rive droite,<br />
de manière à tourner à gauche de la position ennemie en<br />
se faisant voir le moins possible.<br />
Si les Arabes tiennent ferme sur la montagne, une atta<br />
que de droite sera renforcée de deux autres bataillons, et<br />
celle aile se portera aussi rapidement que les difficultés des<br />
pentes le permettront sur l'extrême gauche de. l'ennemi.<br />
cherchant à le déborder pour couper la ligne de retraite sur<br />
Mascara. On se rappelle que le chemin,<br />
après être parvenu<br />
sur la Mellaha, tourne sur la droite. Si, contre mon attente,<br />
les Arabes se montraient inexpugnables dans leur position,<br />
il ne faudrait pas hésiter à renforcer l'attaque de droite.<br />
Le terrain, sans être très exposé au feu de l'ennemi, per<br />
met de tourner facilement la Mellaha. J'appelle l'attention<br />
du général sur ce point.<br />
Les troupes placées en réserve au bas de la côte recevront<br />
les destinations que le,s circonstances du combat rendront<br />
opportunes.<br />
Ainsi,<br />
les trois attaques devront autant que possible com<br />
biner leurs mouvements, de manière à agir de concert pour<br />
fixer également l'attention de l'ennemi. Il ne faudrait pas<br />
que celle de gauche, par trop de précipitation attirât sur<br />
elle toutes les forces des Arabes qui l'écraseraient. Elle ne<br />
fait qu'une démonstration pour couvrir le flanc de la co<br />
lonne du centre qui doit faire l'attaque principale. Toute<br />
fois, si l'ennemi était inexpugnable de front, la colonne de<br />
droite serait renforcée autant que possible pour tourner la<br />
gauche de l'ennemi : c'est la clef de la position.<br />
La Mellaha étant entourée, il ne restera qu'à se diriger<br />
sur Mascara, pour y surprendre la ville et y<br />
l'eau.<br />
Dans l'attaque de la position de Mellaha,<br />
trouver de<br />
la cavalerie des<br />
deux partis ne rendra pas de service. Ce n'est que sur le<br />
plateau supérieur, situé au delà, qu'elle pourra agir. En cet
— — 430<br />
endroit; la nôtre, secondée par l'artillerie, ne doit pas don<br />
ner le temps à l'ennemi de se reconnaître.<br />
Gi la ville ne peut être enlevée de prime abord, il faudra<br />
la prendre de vive force;<br />
siège en règle.<br />
elle ne mérite pas l'honneur d'un<br />
ATTAQUE DE MASCARA<br />
Arrivée sous les murs de Mascara, l'armée française ayant<br />
chassé les Arabes des vergers situés à gauche de la route,<br />
s'établira sur le contrefort, en avant<br />
d'<br />
Argoub Ismaïl, à<br />
droite de Baba Ali. Si les fontaines de ce dernier faubourg<br />
sont assez abondantes, on ne passera pas de l'autre côté<br />
jusqu'à la fontaine de Aïn Sultan,<br />
d'autant mieux qu'elle<br />
est dans un fond dont il faudrait occuper la berge opposée.<br />
Le contrefort au-dessus de Sidi Boudjelal domine Mas<br />
cara et une partie de ses faubourgs, à bonne portée de canon.<br />
Il s'y trouve des groupes d'arbres qui cacheront nos pre<br />
mières dispositions. Toute l'artillerie pourra être réunie et<br />
tirer vivement contre les portes du Gharb qui,<br />
doubles fermetures,<br />
malgré ses<br />
cédera aux premiers boulets. Dans cette<br />
position, on n'est pas dans le champ de tir des embrasures<br />
du- fort, de celles des tours, de la muraille et de la porte<br />
d'Argoub Ismaïl sur laquelle on pourrait placer de l'artil<br />
lerie. Si ce premier feu et l'effet des obus lancés dans la<br />
ville ne la réduisent pas, on pourra tenter de s'en approcher<br />
et de pétarder la porte de Gharb. Je ne parle pas d'escalade,<br />
les moyens pourraient nous manquer et je crois qu'on n'en<br />
viendra pas à cette extrémité.<br />
Si la résistance était plus opiniâtre que je ne. le pense,<br />
on se retrancherait dans la première position de Sidi Boud<br />
jelal et on irait occuper Cuber Doba pour battre directe<br />
ment le fort et ruiner au moins ses défenses,<br />
si nous ne<br />
pouvions faire brèche. De cette manière, nous garderions<br />
les trois postes, mais c'est un faible avantage, parce que<br />
ne pouvant pas cerner la ville, il sera facile aux Arabes de<br />
rouvrir la porte murée qui, au travers du rempart, don-
—<br />
— 431<br />
nait entrée dans les jardins de l'ancien palais<br />
Placés à Cuber Doba,<br />
au'<br />
sud-ouest.<br />
nous pourrions détourner les eaux de<br />
Aïn Sultan et diminuer celles de la ville qui n'aurait plus<br />
que la ressource de mauvais puits.<br />
Cette position est facile à occuper. Sur le mamelon sera<br />
placée une batterie,<br />
quelques troupes se retrancheraient à<br />
droite et à gauche. Ce reste du camp serait placé en arrière<br />
sur le revers nord, dans un petit fond où il ne serait pas vu<br />
de la ville. Il pourrait être seulement inquiété par les jar<br />
dins environnants, mais on abattrait les. arbres.<br />
De Cuber Doba, on gagnerait facilement le faubourg du<br />
Cherg<br />
dont les habitations et les murs des jardins met<br />
traient les assaillants à l'abri des feux de la ville. Les mai<br />
sons permettraient également de conduire deux pièces en<br />
face de la porte du Cherg<br />
pour l'enfoncer. Si les pièces ne<br />
pouvaient! s'y rendre, des hommes de bonne volonté iraient<br />
incendier la porte qui n'est pas défendue par l'artillerie.<br />
Il ne; serait pas peut-être convenable de morceler ses<br />
forces et de conserver la position de Sidi Boudjelal. Mais<br />
je ne doute pas qu'après les premières démonstrations la<br />
ville ne soit enlevée.<br />
Si nous ne conservions pas les établissements de Sidi<br />
Boudjelal, il serait facile de faire communiquer le Cuber<br />
Doba avec la route d'Oran, en traversant le contrefort de<br />
Baba Ali et rejoignant la route d'Oran avant le faubourg.<br />
Dans les premiers moments, on trouvera pour abriter<br />
nos postes quelques-unes des maisons extérieures des fau<br />
bourgs, sur lesquelles on a élevé des murs crénelés, qui ont<br />
servi aux habitants dans les temps de guerre civile, lorsque<br />
Mascara était occupé par les Turcs et en hostilité avec les<br />
faubourgs.<br />
Mais que fera-t-on de Mascara ? Les Français ne peuvent<br />
rester dans un pays sans ressources, séparés d'Oran par des<br />
défilés remplis d'obstacles pour nos communications.<br />
On y établira, sans doute, une autorité musulmane à<br />
laquelle le fort doit servir de moyen de défense. L'enceinte
— — 432<br />
de la ville sera détruite afin d'éviter que Mascara ne rede<br />
vienne le centre d'un gouvernement puissant et hostile;<br />
quelques quintaux de poudre suffiront pour faire sauter ses<br />
murailles. On laissera sur pied les quatre grandes tours qui<br />
flanquent l'enceinte. Forts détachés, ils serviront à renforcer<br />
le château en couvrant ses approches. Le renversement de<br />
ces boulevards de la puissance arabe produira un grand<br />
effet moral.<br />
On pourrait bien relever un autre mur d'enceinte, mais<br />
je doute qu'il soit construit aussi solidement que celui qui<br />
existe. Cela ne sera pas même nécessaire. Le but est de se<br />
défendre contre les Arabes et ils n'ont pas de canons.<br />
Abd el Kader, chassé de Mascara, pourra trouver refuge<br />
dans quelque autre ville. Callah, autrefois résidence des<br />
beys, Mazouna,( près du Chélif, et d'autres cités lui servi<br />
raient à concentrer son autorité.<br />
La prise de Mascara peut présenter de grandes difficultés;<br />
on atteindra le même but politique en battant complète<br />
ment Abd el Kader. Ce n'est que dans les plaines que nous<br />
trouverons cet avantage. Comme il peut entrer dans les<br />
vues du général en chef de l'attirer dans un terrain favora<br />
ble à nos troupes, en manœuvrant autour d'Oran, je join<br />
drai un appendice à ce mémoire, pour détailler le nouveau<br />
théâtre des opérations.
433 —<br />
Annexe n°<br />
Ibrahim-bey à l'Intendant Militaire<br />
3<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
20 septembre 1835.<br />
Je vous ai déjà entretenu du. combat qui avait eu lieu<br />
entre nous et Abd el Kader,<br />
ainsi que de l'échec qu'il<br />
avait éprouvé. Nous sommes sûrs maintenant que sa perte<br />
s'est élevée à 85 hommes,<br />
ce qui a été cause que les Kabyles<br />
l'ont abandonné et se sont dispersés à l'est et à l'ouest (çà<br />
et là) la nuit suivante. La discorde a éclaté entre eux.<br />
L'Emir est alors parti dans la nuit avec sept tentes seule<br />
ment (chaque tente renferme à peu près 25 hommes); il<br />
est allé près de Mascara à un endroit appelé Habra, et<br />
arrivé là, ceux qui l'y avaient suivi l'ont aussi abandonné,<br />
après avoir pris avec eux le reste des munitions. Se voyant<br />
seul, il est entré en ville tout humilié et triste une heure<br />
avant le jour. Tous ses officiers sont contre lui et pour<br />
nous,<br />
parce qu'ils sont des nôtres et ils nous ont envoyé<br />
dire souvent d'aller chez eux promptement,<br />
car les Arabes<br />
ne gardent plus fidélité à Abd el Kader. La plupart des offi<br />
ciers qui entourent Abd el Kader sont des Douairs ou des<br />
Smélas,<br />
surtout des premiers. C'est le bon Dieu qui a dis<br />
persé son armée et confondu ses projets.<br />
Je vous dirai au sujet de Tlemcen que les Arabes qui<br />
sont autour de cette ville sont tous venus auprès de Mus-<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 4 octobre 1835,<br />
n°<br />
28<br />
71.
— — 434<br />
tapha ben Smaïl et sont d'accord avec lui pour seconder<br />
nos projets. Les Hadars (Maures de la ville)<br />
sont toujours<br />
tenus dans une position fâcheuse par les Couloughlis. Le<br />
fils du cheick Ben el Gomari a reçu une lettre de nous l'en<br />
gageant à réunir les Kabyles qui sont autour de lui, car il<br />
est d'accord avec nous et avec Mustapha ben Smaïl.<br />
J'ai envoyé un courrier à Tlemcen,<br />
sa réponse ne m'est<br />
pas encore parvenue. Plus tard je vous manderai ce qu'il<br />
m'aura écrit.<br />
Et vous, ne nous oubliez pas,<br />
avons besoin,<br />
car vous êtes de nos amis.<br />
pour tout ce dont nous<br />
Salut. Daté du 22 du Djemad i25i qui correspond au<br />
20 septembre i835.<br />
Des lettres semblables ont été adressées à M. le Gouver<br />
neur par les Douairs et les Smélas. Les renseignements ob<br />
tenus de divers points sont unanimes sur ces faits.
- (Arch.<br />
— 435 —<br />
Annexe n°<br />
Durand à Abd el Kader<br />
Gouv. Gén. HH3) (i)<br />
4<br />
15 septembre 1835.<br />
Je vous annonce que Clauzel est venu gouverneur à<br />
Alger. Jusqu'à présent, nous ne savons pas ce qu'il sait<br />
faire, à cause du choléra. Maintenant je désire de votre<br />
amitié de m'envoyer 3 ou 4oo bœufs et ce sera un achemi<br />
nement à d'autres négociations; cela empêchera tout le<br />
monde de parler et on verra que vous commencez à faire<br />
le bien et moi je pourrai gagner quelque chose dans ce<br />
moment-ci et si la paix peut avoir lieu ce sera un grand<br />
poinl. Je vous prie aussi de m'acheter des bons chevaux<br />
pour donner ici à quelques grands chrétiens qui sont arri<br />
vés, pour vous mettre bien avec tout le monde et comptez<br />
sur moi pour le paiement. Tout cela m'est ordonné par<br />
votre serviteur mon frère. Je vous prie de ne pas négliger<br />
cette affaire, car tout cela est pour votre bien. Je vous prie<br />
aussi de m'envoyer dix charges de chameaux de blé; car j'en<br />
manque et si vous l'envoyez,<br />
envoyez des mulets pour que<br />
je vous renvoie par eux des grosses toiles et autres choses<br />
dont vous avez besoin. Je vous recommande bien de ne<br />
pas négliger cette affaire parce que je m occupe de votre<br />
affaire jour et nuiL. Bien des compliments à votre serviteur<br />
Milhoud ben Arrach. Je vous envoie deux livres de cire<br />
pour des lettres que mon frère vous a envoyées d'Alger.<br />
n"<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 25 septembre 1835,<br />
61.
436<br />
Annexe n°<br />
Abd el Kader à Haïm Durand<br />
(Arch. Gouv. Gén. HH5) (1)<br />
Après avoir reçu votre lettre,<br />
5<br />
nous l'avons lue et com<br />
prise. Vous ne donnez aucune nouvelle de ce qui se passe<br />
chez vous pour la paix ou la guerre. Ce que vous m'avez<br />
demandé pour les bestiaux et autres choses ne me convient<br />
pas pour le moment. Si vous êtes mon serviteur et que vous<br />
voulez que je vous envoie plus que vous me demandez,<br />
vous ne devez pas choisir ce moment à cause de mes enne<br />
mis que vous avez chez vous, qui peuvent croire que je<br />
vous fais cet envoi par peur. Mais ce n'est pas vrai; je n ai<br />
peur que de Dieu qui m'a élevé jusqu'à ce point et m'a<br />
protégé par rapport à mes amis et à mes ennemis,<br />
bon Dieu veut la paix entre nous,<br />
avoir nos faveurs.<br />
et si le<br />
vous serez le premier à<br />
Votre frère Judas Durand ne nous a donné aucune nou<br />
velle. Comment a-t-il peur de m'écrire puisqu'il s'entremet<br />
pour le bien de deux nations. Il ne doit rien craindre ni de<br />
vous ni de nous. Le bon Dieu nous a préservé de la mala<br />
die; elle est terminée chez nous, et notre retour était motivé<br />
par elle. Nous avons encore des forces pour nos ennemis et<br />
vous savez que nous avons gagné plus dans la guerre que<br />
dans la paix. Un moment de combat est plus doux pour<br />
nous qu'une heure de sommeil.<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 25 septembre 1835,<br />
°<br />
61.
437 —<br />
Annexe n°<br />
Haïm Durand à Abd el Kader<br />
(Arch. Gouv. Gén. HrF) (1)<br />
Nous avons reçu votre chère lettre, nous l'avons lue et<br />
comprise dans tous les sens. Je ne sais pas pourquoi vous<br />
me dites que je vous compromets dans la demande que je<br />
vous ai faite; ce n'est pas une preuve d'amitié de votre côté.<br />
Je suis votre serviteur; je ne vous compromettrai jamais;<br />
je ne ferai que ce qui peut être pour votre bien, mais il<br />
faut que vous m'envoyiez tout ce que je vous demande, des<br />
chevaux et des bœufs, pour éteindre le feu s'il plaît à Dieu.<br />
Tout ce que vous m'enverrez, vous le mettrez sur mon<br />
compte et moi je le vendrai, ou autrement j'en ferai cadeau<br />
à ceux qui veulent le bien, avant la sortie des Français qui,<br />
sans aucun doute, sont prêts à sortir. Ils attendent l'arrivée<br />
seulement de quelques troupes qui sont déjà en mer, mais<br />
les chevaux et les canons sont déjà arrivés ici dans le port<br />
et moi, Monseigneur, je ne fais que le bien pour vous.<br />
Ecrivez à mon frère sur tout ce que vous voudrez. Il faut<br />
que vous donniez au porteur de la présente Dahamed Kahi<br />
Douni un peu de bestiaux qui me serviront pour ouverture.<br />
(1) Joint à. la lettre du Gouverneur Général du 25 septembre 1835,<br />
•<br />
61.<br />
6
— 438<br />
Annexe n°<br />
Communications, au nom d'Ibrahim-bey, à M. le Maréchal<br />
Clauzel, par Kaddour ben Daoud, de la tribu des Smélas,<br />
envoyé d'Ibrahim et recommandé par lui d'une manière<br />
toute particulière.<br />
7<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Le 6 octobre 1835.<br />
Kaddour Ben Daoud dit d'abord : nous nous sommes<br />
donnés aux Français,<br />
nous avons confiance en eux, nous<br />
leur demandons d'avoir confiance en nous : nous serons<br />
avec eux la chair et les os. S'ils nous abandonnaient ou ne<br />
tenaient pas leurs promesses, ifs discréditeraient leur nom<br />
et nous n aurions plus qu'à nous faire égorger jusqu'au<br />
dernier.<br />
Dieu le veut, les Français sont les plus grands. Us nous<br />
ont protégés, nous sommes à eux, mais il faut pour leur<br />
honneur et leur intérêt que les faits viennent après leurs<br />
paroles.<br />
Trois hommes nous nuisent; ils ont des conciliabules et<br />
des correspondances avec les ennemis de la France. Leur<br />
présence à Oran favorise les intrigues et laisse quelque dé<br />
fiance parmi les Douairs et les Smélas. Ce sont Ben Durand<br />
qui est perpétuellement en correspondance avec Abd el<br />
Kader, Allégro qui cherche à nous nuire dans l'esprit du<br />
général et un certain Nahon, Juif, interprète du sous-inten<br />
dant civil, qui fait des rapports à celui-ci.<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 8 octobre 1935,<br />
n"<br />
76.
— — 439<br />
Nos biens, nos familles sont à la disposition des Français.<br />
Nous demandons à marcher toujours exposés aux premiers<br />
coups; notre intérêt est là où nous trouvons appui et force.<br />
Comment ne-<br />
serions-nous pas dévoués aux Français qui<br />
nous donnent l'un et l'autre ?<br />
Nous demandons que par le premier courrier M. le Maré<br />
chal veuille bien éloigner d'Oran Allégro, Nahon et surtout<br />
Ben Durand, intriguants qui sèment la défiance.<br />
Ibrahim appuie particulièrement sur la nécessité de cet<br />
éloignement; il cite, pour garantir sa conduite depuis cinq<br />
ans, l'existence de ses biens à Alger et Oran, sa nomination<br />
au nom de la France. En acceptant, dit Ben Daoud, Ibra<br />
him a renoncé aux siens; il a perdu son influence comme<br />
Musulman, il ne peut plus en avoir que par la France; si<br />
la France ne la lui faisait pas obtenir par l'ascendant de la<br />
force, il serait obligé de laisser les Douairs et les Smélas<br />
à leur sort et de rentrer à Alger : il demande que pour<br />
établir aux yeux de tous la preuve de l'appui que lui donne<br />
M. le Maréchal,<br />
ces hommes dangereux soient éloignés.<br />
Conformément à l'ordre de M. le Maréchal, Ibrahim a<br />
écrit à toutes les tribus : « Les Français vont venir; ceux<br />
qui se présenteront en amis seront bien traités;<br />
ne paraîtront pas seront traités en ennemis ».<br />
ceux qui<br />
Mustapha ben Ismaël a répondu : Quand M. le Maréchal<br />
sera à Oran, je serai bientôt et à peu de distance et ensuite<br />
près de lui. Vous me dites qu'il désire des vivres et des<br />
moyens de transport, dites-lui qu'il ne se tourmente de<br />
rien; je pourvoierai à cela et je ferai en sorte que le sultan<br />
de France reconnaisse que le maréchal est grand et puissant<br />
aux yeux des Arabes ».<br />
La tribu de Clha'hem, près de Mascara, la plus forte qui<br />
soit sous les ordres d'Abd el Kader, a répondu : « Que les<br />
Français s'approchent seulement sur le Sig, nous quitte<br />
rons Abd el Kader et vous verrez alors qu'il n'aura plus<br />
d'ami ».<br />
M'Kalia-Bordjia, Béni Chougran,<br />
pondu de même.<br />
plusieurs autres ont ré
— — 440<br />
Quelques-unes n'ont pas répondu.<br />
Oulad Sid'Mesroud, près de l'Oued al Inala,<br />
ont envoyé<br />
un cheval en présent à Ibrahim : Ne nous comptez pas,<br />
ont-ils dit, parmi les ennemis des Français; quand ils vien<br />
dront, nous serons pour eux ». Ils ont provisoirement rap<br />
proché leurs blés des Douairs et des Smélas; ils amènent<br />
des chevaux et des bestiaux au marché d'Oran.<br />
Kaddour Ben Daoud ajoute : « Dès que M. le Maréchal<br />
aura paru, les difficultés s'aplaniront d'elles-mêmes; il<br />
sera étonné du- nombre d'Arabes qui marchera devant lui;<br />
il ira à Mascara sans coup férir. Qu'il ait seulement une en<br />
trevue avec Mustapha Ben Ismaïl de Tlemcen,<br />
livreront eux-mêmes Abd el Kader ...<br />
et les Arabes<br />
Un cheick puissant, voisin du désert, écrit : Vous nous<br />
parlez des Français. Qu'ils viennent donc à Mascara; nous<br />
croirons en eux et nous combattrons Abd el Kader ».<br />
Il faut faire; il faut paraître, dit Ben Daoud. Le moment<br />
est favorable; la culture occupe les tribus éloignées. Si les<br />
Français ne profitent pas de ce moment, ils auront tort<br />
pour eux et feront une chose mauvaise pour nous.<br />
Si le Gouvernement ne Voulait pas venir à Oran, qu'il<br />
nous donne seulement 4-ooo hommes. Nous laisserons nos<br />
femmes, nos enfants,<br />
nos bestiaux à Oran. Nous marche<br />
rons les premiers; les Français n'auront pas un coup de<br />
fusil à tirer et, s'ils le veulent, ils nous laisseront seuls à<br />
Mascara. Que demandons-nous, dit-il,<br />
ce n'est pas des pen<br />
sions, c'est de combattre avec eux, sous leurs yeux, pour<br />
leurs intérêts et pour les nôtres ?<br />
Puis, s'animant par degré, il a ajouté avec une vivacité<br />
et une expression qu'on trouve rarement chez les Arabes :<br />
M. le Maréchal craint que l'eau ne lui manque : nous<br />
savons où il y a de l'eau, nous le lui ferons voir; de n'avoir<br />
pas de vivres : qu'il prenne nos bestiaux sans les payer; de<br />
n'avoir pas de transport : nous avons aujourd'hui 900 cha<br />
meaux à sa disposition;<br />
s'il en faut plus, nous irons les<br />
prendre, nous les amènerons, nous dirons, voilà, ils sont à
— — 441<br />
toi, fais-en ce que tu voudras et, -si mon cheval est, néces<br />
saire, je le donnerai et je marcherai à pied,<br />
en avant avec<br />
mon fusil. Puis, souriant de cette vivacité peu ordinaire,<br />
il a ajouté : « Je veux, moi, gagner la Croix d'honneur des<br />
Français „.<br />
Ibrahim a entre les mains une lettre écrite par Mustapha<br />
de Tlemcen aux grands des Douairs et des Smélas et ainsi<br />
conçue :<br />
—<br />
— 442<br />
Revenant sur l'influence qu'aurait la présence de M. le Ma<br />
réchal à Oran, il a dit : Nous la désirons pour lui prouver<br />
que nous sommes vrais en tout et que nous savons nous bat<br />
tre ». Il a exprimé de nouveau ses regrets d'une manière ani<br />
mée sur le retard de l'expédition pour laquelle le moment<br />
était si favorable; en cinq jours, l'affaire peut être finie.<br />
« Quand tout sera pacifié,<br />
nous irons en France. Je veux<br />
voir, a-t-il dit, le sultan des Français. Nous irons lui dire<br />
que nous sommes ses serviteurs et que nous voulons com<br />
battre pour lui ». Il a ajouté : Tout change sur la terre; il<br />
y a deux cents ans, nous étions puissants; Stamboul au<br />
jourd'hui périt; Dieu a envoyé les Français en Afrique; ils y<br />
resteront plus ou moins longtemps et puis ils changeront<br />
à leur tour; c'est Dieu qui veut ces choses „.<br />
Il a parlé de Mustapha de Tlemcen et il a dit qu'il jouis<br />
sait dans la province d'Oran de la plus grande considéra<br />
tion, qu'il a comparée à celle de Napoléon en France, aussi<br />
a-t-il dit en se reportant à sa conversation de la veille :<br />
Dès que M. le Maréchal aura eu une entrevue avec lui,<br />
beaucoup<br />
de gens qui hésitent encore parce que ce sont des<br />
gens simples qui ont besoin de voir pour croire » (sic). Il<br />
a ajouté avec finesse : Nous sommes un peu plus avancés;<br />
nous avons plus de pénétration et nous savons que ce que<br />
les Français disent, ils le feront. Mais ces hommes-là sen<br />
tent plus qu'ils ne réfléchissent et ils ont besoin de voir<br />
pour croire ».<br />
Kaddour est revenu souvent sur son désir de voir la<br />
France et le roi, de connaître nos armées, nos arsenaux,<br />
nos ports, nos établissements militaires,<br />
même nos manu<br />
factures. Il s'est courbé en se touchant le front en parlant<br />
des bateaux à vapeur.
443 —<br />
Annexe n°<br />
La réunion des Hébreux de Tlemcen à celle d'Oran<br />
(Arch. Gouv. Gén. HH3) (1)<br />
8<br />
22 octobre 1835.<br />
Nous vous faisons savoir la mauvaise situation dans la<br />
quelle nous nous trouvons et nous sommes renfermés dans<br />
notre ville qu'habitent les Turcs. Les Arabes viennent pres<br />
que toujours la nuit et nous envoient au moins chacune<br />
d'elles vingt-cinq coups de canon, qui tous presque don<br />
nent dans notre quartier et toutes les nuits les femmes et<br />
les enfants de la ville se trouvent forcés de se sauver dans<br />
les divers endroits où ils pensent que le canon ne peut les<br />
atteindre. Cependant malgré toute la prudence apportée par<br />
nous autres, nous avons perdu 3o à ko personnes; plusieurs<br />
de nos maisons et de celles des Turcs ont été écrasées. Tous<br />
les jours nous travaillons dans les différentes brèches par<br />
lesquelles les Arabes pourraient pénétrer et,<br />
malgré ces pré<br />
cautions, les balles ennemies ont fait beaucoup de ravages<br />
et ont tué une immensité de personnes. Sans compter que<br />
pour consolation nous manquons de toute espèce de den<br />
rées de bouche.<br />
Le bien connu Ben Nouna empêche qu'aucune denrée<br />
n'entre dans nos murs, et il a publié que si,<br />
par extraordi<br />
naire, il rencontrait un Arabe des siens apportant des provi<br />
sions de bouche du côté de notre ville, il le ferait fusiller<br />
(1) Joint à la lettre du Gouverneur Général du 25 octobre 1835,<br />
a°<br />
98.
sur-le-champ<br />
— — 444<br />
et confisquerait ses biens. De manière qu'une<br />
mesure de blé (mesure du pays) ne peut nous être procurée<br />
qu'au prix de 20 boudjoux (36 fr.), et ce, avec beaucoup de<br />
difficulté; l'orge à 12 boudjoux (2i,5o). Nous sommes dé<br />
sespérés d'attendre les troupes françaises avec le bey Ibra<br />
him pour mettre fin à notre malheureuse position, mais<br />
nous sommes fâchés de dire qu'ils y mettent beaucoup de<br />
temps et que si quinze jours encore s'écoulent sans le se<br />
cours des Français et du bey Ibrahim, nous serons forcés<br />
de mourir de faim,<br />
Vous pensez que si,<br />
mais non sans combattre.<br />
parmi nous autres qui sommes les<br />
plus à l'aise, nous ne pouvons nous procurer les moyens<br />
d'existence, que feront les pauvres ?<br />
Nous vous prions de vous réunir et de faire lecture de<br />
cette lettre à M. le Général commandant la division d'Oran<br />
à l'effet d'aviser aux moyens autant que possible d'amélio<br />
rer notre pénible situation.<br />
Je vous ferai observer que les Arabes ont fait circuler le<br />
bruit qu'ils avaient vaincu les Français et qu'ils avaient<br />
coupé 5o têtes, ce qui les rend très contents et les encourage<br />
beaucoup<br />
contre nous et les Turcs. Ceci est un bruit que<br />
fait courir Abd el Kader ou ses partisans.<br />
Signé : Salum Sultan, Israël Ziar, Aaron Boumendil,<br />
Eliezer Cresenti, Sason Benguemenn.
— 445<br />
Annexe n°<br />
Opinion d'Abd el Kader ben Daoud sur les Français<br />
et sur leur gouvernement (1)<br />
(Arch. Gouv. Gén. HH3)<br />
9<br />
Le 21 octobre 1835.<br />
vous voulez mon opinion sur les Français et leur gouver<br />
nement. Je vais vous la donner et vous parler franchement.<br />
Lorsque vous êtes venus ici, vous avez puhlié partout que<br />
vous vouliez délivrer les Arabes de la tyrannie des Turcs,<br />
et établir un gouvernement juste, faire fleurir le commerce,<br />
rendre la paix et la tranquillité aux peuples. Ceci était bien,<br />
mais les Arabes n'ont pas compris votre gouvernement et<br />
ne le comprendront jamais. Il est vrai que depuis cinq<br />
ans vous versez vos trésors en Afrique, que vous les avez<br />
comblés de bienfaits, que vous ne tyrannisez personne,<br />
mais cela ne suffit pas et ne soyez pas étonnés que les Ara<br />
bes ne vous aient pas répondu. Ils étaient accoutumés à un<br />
régime de fer et vous les avez plongés dans l'anarchie. Ce<br />
n'est pas la liberté que vous leur avez accordée,<br />
c'est la<br />
licence. Vous vous êtes attachés aux petites choses et vous<br />
avez négligé les grandes. Ce qui vous tue,<br />
c'est que vous<br />
donnez tous vos soins à votre administration particulière;<br />
il ne vous reste plus le temps de vous occuper des Arabes<br />
et de leur administration. Il y a cinq ans que vous êtes en<br />
(1) Publié par R. Busquet Abd el Kader ben Daoud, ses opinions<br />
sur les Français et leur gouvernement (1835). Bul. de la Soc. de Géo<br />
graphie d'Alger, 1907, p. 275.
— — 446<br />
Afrique et vous ne les avez pas connus. Ce n'est pas tout à<br />
fait le fanatisme qui les éloigne de vous; ils sont dégoûtés<br />
d'un gouvernement qu'ils taxent de faiblesse. Les Arabes<br />
veulent un régime sévère; votre bonté et vos lois sont bon<br />
nes pour vos pays policés : punissez sévèrement et promp<br />
tement, n'écoutez pas les rapports des premiers venus, car<br />
on est intéressé à vous tromper; n'éloignez pas de vous ceux<br />
chez lesquels vous reconnaissez des talents dans les affaires,<br />
ne les dégoûtez pas du service. Et malheureusement je vois<br />
ici tout le contraire. Laissez les Français tranquilles et<br />
occupez-vous plus souvent des Arabes. Ce n'est pas par la<br />
guerre que vous les aurez, c'est par un régime bien entendu<br />
et par l'argent. Les Arabes sont comme les enfants,<br />
il faut<br />
les allécher pour les captiver. Si chez vous il n'est pas reçu<br />
de gouverner de la sorte, établissez des hommes qui<br />
sachent la marche des affaires et soyez persuadés qu'avant<br />
peu vous n'aurez qu'à vous occuper de votre commerce.<br />
Pour vous prouver combien les Arabes sont cruels et<br />
accoutumés à la barbarie, je vous dirai qu'un jour on fit<br />
trois prisonniers : on leur coupa la tête, les testicules. Je<br />
leur fis des observations là-dessus; je tâchai de leur faire<br />
comprendre que les Français n'en agissaient pas ainsi,<br />
qu'ils soignaient les blessés et les prisonniers. Je leur pré<br />
dis que les Français useraient de représailles,<br />
mais je ne<br />
fus pas écouté : C'est, me dirent-ils, le droit de la guerre »<br />
et Abd el Kader me fit des reproches de ce que je prenais la<br />
défense des ennemis.<br />
Vous changez trop souvent vos chefs. A peine un de vos<br />
grands a-t-il commencé à connaître le pays, vous le rappe<br />
lez. S'il veut faire quelque chose de bien,<br />
il est obligé d'en<br />
référer au ministre. C'est une des causes de votre peu de<br />
succès en Afrique. Vous, par exemple,<br />
qui comprenez le<br />
pays, il serait à désirer que vous y restiez pour longtemps,<br />
pour toujours,<br />
pour notre bonheur et celui de la France.<br />
Vous ne ferez jamais rien seul et sans le secours des<br />
Turcs. Je vous cite les Turcs parce que c'est la seule nation
— — 447<br />
qui vous servira avec dévouement; même religion que les<br />
Arabes qu'ils ont commandé en maître pendant de longues<br />
années. Vous avez perdu votre réputation dans ce pays;<br />
vous pouvez la relever,<br />
mais agissez de suite et faites voir<br />
que yous êtes les chefs. El surtout appuyez vos amis et<br />
soyez fidèles à votre parole.<br />
P. S. —<br />
Il<br />
vous faut aussi pour votre correspondance<br />
et pour éclairer votre marche des hommes éclairés,<br />
car vos<br />
lettres sont peu raisonnées et ne répondent pas aux affec<br />
tions des Arabes. C'est un point qui doit fixer toute votre<br />
attention.<br />
Annexe n°<br />
Réponse de l'Empereur du Maroc à la note relative aux<br />
5.000 Marocains qui vinrent combattre les Français sur le<br />
territoire de Tlemcen (1).<br />
10<br />
(Arch. Guerre)<br />
Vos lettres nous sont parvenues;<br />
13 mai 1836.<br />
vous nous donnez l'avis<br />
que votre souverain était pressé d'avoir la réponse à la<br />
lettre- qu'il vous a écrite relativement aux rapports qu'on<br />
lui a fait. Précédemment,<br />
nous vous avons acheminé une<br />
réponse positive à tous les articles que contenait cette lettre.<br />
Enfin je suis sûr véritablement qu'aucun des sujets des<br />
provinces de mon empire qui reconnaissent mes lois, n'a<br />
(1) Joint à la lettre du Ministre de la Guerre du 13 octobre 1836,<br />
419.
— — 448<br />
été présent à aucun combat, ni n'y a été engagé, ni n'a<br />
commis de pillage, et dernièrement nous en avons reçu la<br />
nouvelle, après vous avoir envoyé la première réponse, ce<br />
dont je ne doutais nullement, parce que précédemment, à<br />
plusieurs reprises,<br />
nous avions envoyé à tous les gouver<br />
neurs de cette partie de notre empire des ordres pour que<br />
personne ne sortît des. limites de son territoire et n'avançât<br />
en force hors de ses limites,<br />
à des paroles;<br />
afin de ne pas donner matière<br />
et jusqu'aux Arabes qui autrefois descen<br />
daient dans ces contrées pour y faire paître leurs troupeaux,<br />
et qui s'avançaient même jusque dessous les murailles de<br />
leurs villes, à qui nous avons défendu de le faire cette<br />
année,<br />
afin d'éviter toutes discussions, et -à qui nous avons<br />
ordonné de se tenir dans leur pays et de ne pas en bouger,<br />
et cela afin de fuir toute occasion qui donnerait matière à<br />
des paroles.<br />
Eu égard à ce qui existe entre nous et votre nation,<br />
d'après ce qui est spécifié par les traités de paix et pour le<br />
maintien de leur exécution; eu égard à ce que votre nation<br />
est auprès de nous beaucoup plus considérée que les autres<br />
nations; il est certain qu'aucun de ceux qui obéissent à vos<br />
ordres ne se hasardera à sortir de son territoire sans en<br />
avoir obtenu une permission, surtout après les défenses<br />
réitérées qui en ont été faites. S'il y a quelqu'un qui y ait<br />
contrevenu,<br />
ce ne peut être que des gens des montagnes<br />
inexpugnables et qui sont toujours en garde contre les em<br />
bûches. Mais nous ne nous mêlons pas des affaires de ces<br />
gens-là, car, comme vous ne l'ignorez pas, ces peuples des<br />
frontières sont des rebelles, indécis du parti qu'ils doivent<br />
prendre entre les deux gouvernements et qui ne sont ni de<br />
l'un,<br />
ni de l'autre.<br />
Quant au maintien des traités,<br />
cela nous importe plus<br />
qu'à tout autre parce que notre religion nous y oblige; là-<br />
dessus nous n'avons rien à vous reprocher hors ce -jui est<br />
arrivé à nos négociants de Fez, dont les biens ont été pillés<br />
à Tlemcen et qui ont éprouvé beaucoup de dommages,<br />
nonobstant le maintien des traités de paix, et qu'il ?oit à
— — 449<br />
votre connaissance que vos négociants sont en sûreté pour<br />
leurs personnes et pour leurs biens, dans toute l'étendue<br />
de mon empire, qu'ils y sont bien respectés comme vous le<br />
savez bien vous-même.<br />
Lorsque nous étions au Maroc, les négociants de Fez<br />
nous ont écrit pour nous faire savoir les pertes et les souf<br />
frances qu'ils ont éprouvées. Nous leur avons promis que<br />
lorsque nous serions arrivés à Fez, nous prendrions des<br />
informations sur leurs pertes et sur leurs malheurs, qu'ils<br />
eussent à nous faire un rapport de ce qu'on leur avait pillé;<br />
et sur le motif pour lequel on avait pillé. Je vous écrirai à<br />
ce sujet une autre fois,<br />
car je ne le puis maintenant parce<br />
que je suis en voyage, attendu qu'il est pour nous, comme<br />
vous ne l'ignorez pas,<br />
vation des biens de nos sujets.<br />
très important de veiller à la conser<br />
Annexe n°<br />
Réponse du Ministre Sidi Mohamed Taïeb à M. le Consul de<br />
France relativement aux plaintes qu'il lui a portées contre<br />
El Kebir et Ben Mouna et contre les Marocains qui sont<br />
venus attaquer les Français sur la Tafna (1).<br />
11<br />
(Arch. Guerre)<br />
Votre lettre nous est parvenue; nous avons compris son<br />
contenu; elle est tout à fait dans l'intérêt du maintien de la<br />
paix entre les deux nations et de leur bien-être. C'est ce<br />
que nous attendions de vous et cela est le propre de votre-<br />
caractère, d'après ce que nous vous avons<br />
dence et de jugement.<br />
(1) Voir lettre du Ministre du 13 octobre 1836,<br />
n'<br />
reconnu de pru<br />
419.<br />
29
— — 450<br />
Quoique celui qui a du jugement n'ait pas besoin qu'on<br />
lui en apprenne, cependant quant à ce que vous nous dites<br />
d'abord relativement à ce que le général gouverneur d'Oran<br />
vous a écrit pour se plaindre que le gouverneur de Sa<br />
Majesté le caïd El Arbi el Kebir était sorti des limites, de<br />
ses frontières, qu'il s'était mêlé des affaires de ceux qui ne<br />
le regardent pas et qu'il y avait eu de sa part des lettres<br />
envoyées à Ben Nouna,<br />
sachez donc que Ben Nouna est<br />
natif de Tlemcen et qu'il est de famille tout à fait origi<br />
naire de Tlemcen et qu'il n'a jamais demeuré à Fez et<br />
qu'ensuite un gouverneur est dans l'obligation de recevoir<br />
des lettres de tout le monde et qu'il est également dans<br />
l'obligation de faire une réponse à chaque lettre, dans la<br />
quelle il tiendra le discours qu'il jugera convenable. Mais<br />
les discours ne sont pas des faits,<br />
ce ne sont toujours que<br />
des paroles. Il se peut faire aussi que ces lettres soient<br />
fausses et qu'on ait voulu s'en servir comme un moyen de<br />
vengeance,<br />
nes inimitiés.<br />
car ces Arabes ont toujours entre eux d'ancien<br />
Quant à Kebir, qu'il ait été présent à un combat,<br />
cela est<br />
tout à fait un mensonge; cela même est tout à fait impos<br />
sible,<br />
car les négociants de Fez et autres m'ont tenu au<br />
courant de tous les événements,<br />
ainsi que les allants et<br />
venants qui ne m'ont rien laissé ignorer; et certes cela est<br />
tout à fait impossible parce qu'un gouverneur de S. M.<br />
ne consentirait pas à le faire et ne désirera jamais rien tant<br />
que le maintien de la paix et de la bonne harmonie avec<br />
vous, attendu qu'il n'en est pas de votre nation auprès de<br />
S. M., comme il en est des autres nations : vous êtes ses<br />
chéris et ses affectionnés;<br />
elle a pour vous tous la même<br />
considération que ses ancêtres avaient pour vos pères.<br />
Comme S. M. n'a vu de votre part que des procédés qui<br />
tendent à consolider l'amitié, vous n'avez pas cessé de jouir<br />
auprès d'elle d'une grande considération et elle a pour<br />
votre nation tant d'e9time et tant d'amitié que lorsqu'on lui<br />
demanda de nommer un consul auprès de votre cour, elle<br />
répondit que cela n'était pas nécessaire et que votre consul
—<br />
— 451<br />
était son consul, tant il est vrai qu'elle ne craint pas de se<br />
fier à vous d'après la bonne opinion qu'elle c de votre<br />
nation.<br />
D'après cela, comment Kbibi peut-il avoir commis une<br />
pareille action ? Sachant que S. M. est avec votre nation en<br />
pleine paix et que s'il la faisait il en serait puni sans aucun<br />
espoir de pardon, peut-il donc avoir eu quelque intérêt à<br />
faire la guerre, lorsque S. M. n'a aucune prétention sur<br />
ces pays, car on les lui a offerts avant que vous n'y fussiez<br />
«Métrés et elle ne les a pas acceptés, comme on les avait éga<br />
lement offerts antérieurement à Sultan Soliman qui les a<br />
aussi refusés et à cette époque, ils étaient entre les mains<br />
des Turcs.<br />
Ensuite, quant à ce que vous nous mandez relativement<br />
à la poudre, cela peut être, car les négociants ne cherchent<br />
qu'à gagner et ils font le commerce de tout ce qui peut<br />
leur procurer quelque gain ou quelque avantage et tout<br />
cela est pour de l'argent. Mais au surplus Sa Majesté n'a<br />
pas empêché ses négociants d'aller à Tlemcen ainsi qu'à<br />
Oran et à Alger,<br />
eux protection et bienveillance.<br />
parce qu'elle espère de votre part pour<br />
Quant à ceux qui sont avec le cheick Abd el Kader, qu'ils<br />
soient des sujets de l'empire de S. M., cela n'est pas possi<br />
ble, ce ne peut être que quelques mauvais sujets voisins de<br />
nos frontières les plus éloignées qui se sont laissés gagner<br />
à force d'argent et cela en secret, afin que personne ne s'en<br />
doute, ,<br />
ou bien des gens qui se sont portés sur les limites<br />
de leur territoire pour le défendre contre les rapines des<br />
Arabes qui sont alliés d'Oran; car vous autres, vous ne con<br />
naissez pas tout ce dont ces Arabes sont capables. 11 peut se<br />
faire qu'ils aient commis des pillages et que cela ait donné<br />
matière à des contraventions, à des haines et ait même<br />
porté atteinte au maintien de la paix. Il peut se faire aussi<br />
que tout cela ne soit que des intrigues des Arabes alliés<br />
d'Oran.<br />
S'il plaît à Dieu, je vais écrire à Kebir pour le prévenir<br />
de toutes ces plaintes. Je lui ferai connaître en même femps
— — 452<br />
combien S. M. a pour votre nation d'affection et de sincère<br />
amitié et qu'elle n'a avec votre nation que des relations<br />
amicales. Si je reconnais qu'il y est fait quelque chose de<br />
contraire,<br />
des choses agréables.<br />
j'en ferai part à S. M. qui ne lui fera pas voir<br />
Annexe n"<br />
L'Intendant Militaire au Ministre de la Guerre<br />
12<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Bône, le 10 novembre 1836.<br />
J'ai déjà eu l'honneur de vous entretenir des hôpitaux<br />
d'Alger et de la force d'inertie que semblait apporter l'arme<br />
du génie à l'exécution des dispositions arrêtées,<br />
ou qui me<br />
semblaient telles, à ce sujet et par votre prédécesseur.<br />
Ici, je n'attaque point les hommes ni les intentions : je<br />
suis le premier à rendre hommage à un corps si distingué<br />
qui vous compte à sa tête et qui s'en honore à juste titre,<br />
mais j'en appelle de lui-même au ministre,<br />
officier général<br />
de cette même arme, pour ce qui se passe en Afrique, con<br />
vaincu que par cetteseule<br />
raison j'obtiendrai plus de jus<br />
tice de lui que d'un ministre étranger au corps du génie.<br />
Et qu'on veuille bien comprendre que dans cette occa<br />
sion je ne viens pas me faire le champion de l'administra<br />
tion militaire en particulier. Je ne viens pas prêcher pour<br />
mon saint, si je puis m'exprimer ainsi',<br />
n"<br />
mais je viens récla-<br />
(1) Joint à la lettre du Ministre de la Guerre du 31 décembre 1836,<br />
516.
— — 453<br />
mer dans les intérêts généraux du trésor et de l'armée qui<br />
doivent être confondus et auxquels tout service quelconque<br />
doit se soumettre.<br />
La place de Bône est dépourvue de locaux et de maga<br />
sins; une belle caserne commencée ne peut se finir... ! Il<br />
pleut dans nos barraques servant d'hôpital ou de logement<br />
et, faute d'un crochet à chaque- battant de croisée pour les<br />
retenir, les vitres sont brisées et le vent et la pluie arrivent<br />
sur la tête et le lit des malades déposés forcément, à cause<br />
du manque de places suffisantes, au-dessous même des<br />
croisées.<br />
Nous n'avons point de magasin à fourrage, sauf le sol et<br />
un hangar pour presser le foin (et non pour le distribue»)<br />
que l'administration a pris sur elle de faire construire, le<br />
génie depuis cinq ans n'y ayant pas pu ou voulu pourvoir.<br />
L'orge a dû être déposée sur la terre au milieu du magasin<br />
et y recevoir le soleil et la pluie. Enfin le comptable en<br />
s'ingéniant a creusé une immense meule qu'il a exprès<br />
surélevée; il a pratiqué une longue et haute voûte sous la<br />
quelle nous avons pu loger notre orge et la mettre à l'abri<br />
des derniers orages, mais nous n'avons pu faire de même<br />
pour nos balles de foin pressé à envoyer à Bougie et à<br />
Oran,<br />
et la meule que j'avais prescrit que l'on en construi<br />
sît a été renversée par le vent, les balles ont dû recevoir<br />
la pluie tombée par torrents et cela faute de hangars.<br />
D'après des renseignements que je ne garantis pas mais<br />
qui me paraissent certains cependant (ne pouvant m'éclai-<br />
rer à ce sujet d'une manière régulière), la dotation du génie<br />
pour la place de Bône en i836 a dû être dans le principe<br />
fixée à 270.000 fr. Il était raisonnable de croire qu'elle<br />
serait à peu près répartie entre les trois services dans une-<br />
égale proportion; savoir,<br />
celui des fortifications, celui du<br />
casernement et des logements et enfin les divers services<br />
de l'administration militaire qui se composent de ceux des<br />
hôpitaux, campement,<br />
vivres et fourrages, et qu'alors cette<br />
dernière pourrait compter sur 90.000 fr. pour ses dépenses<br />
urgentes. A combien pense-t-on que, dans la répartition de
—<br />
— 454<br />
ces 270.000 fr., M. le Directeur du génie de l'armée d'Afri<br />
que ait fixé notre quote-part ? Je n'avais pas osé le deviner,<br />
mais j'en ai acquis la preuve par la réponse ci-jointe en<br />
original de M. le Chef du génie de la place de Bône : à<br />
cinq<br />
mille francs !<br />
Il est vrai que, la dépense commencée, on a été entraîné,<br />
forcé, à aller jusqu'à 11. 60/1 fr.<br />
Ce fait ne me semble pas avoir besoin de commentai]-0.<br />
Encore un autre cependant.<br />
La porte de la Marine à Bône est tellement basse que<br />
pour passer dessous toute voiture doit être déchargée. Celles<br />
de Mgr le duc de Nemours et de M. le Maréchal gouverneur,<br />
engagées dessous, sans bâches,<br />
ont dû être démontées pour<br />
entrer en ville. L'administration militaire a sans cesse et<br />
inutilement réclamé qu'on exhaussât cette porte de quel<br />
ques pieds afin de n'être pas contrainte de faire à bras le<br />
transport de ses effets et denrées. Vœux inutile? ! Et cette<br />
année, pour les 2/iooo quintaux métriques que le service<br />
des fourrages envoie à Bougie et Oran en balles pressées,<br />
elle paie aux Maltais qui les portent sur les épaules 75 cen<br />
times par quintal ou 18.000 fr. pour des transports que<br />
; nos prolonges et voitures du train des équipages en s'occu-<br />
pant feraient pour rien, et certes l'achat de la maison sous<br />
laquelle passe cette porte ou son exhaussement ne coûte<br />
raient pas la dixième partie d'une semblable dépense.<br />
Je m'arrête, Monsieur le Ministre, j'avais l'idée que les<br />
fonds du trésor devaient être ménagés et bien employés à<br />
quelque service qu'ils revinssent ou fussent affectés, ou au<br />
moins qu'ils devaient l'être dans le meilleur intérêt de<br />
l'armée, à ses premiers et fixes établissements, à conserver<br />
le soldat ou à le rétablir, à couvrir ou resserrer les denrées<br />
qui lui sont destinées et qu'ensuite seulement on pourrait<br />
appliquer ces mêmes fonds aux camps,<br />
aux blockhauss.<br />
aux choses du moment. Vous ne trouverez certainement<br />
pas que je me sois trompé;<br />
vous excuserez ma franchise<br />
comme vous rendrez justice au seul sentiment qui m'anime<br />
en m'attirant votre attention sur cet important objet.
APPENDICE I<br />
Mission du Lieutenant-Colonel DE LA RUE<br />
au Maroc<br />
(6 Juin 2 Août 1835)
— 457<br />
Le Ministre des Affaires Etrangères<br />
au lieutenant-colonel de La Rue<br />
(Arch. Min. Aff. Etr. Maroc. Correspondance (1833-1836)<br />
vol. 4, fol. 204)<br />
Paris, le 6 juin 1836.<br />
Monsieur le Baron, la mission que le roi vous confie est<br />
très importante el ne réclame pas moins de prudence que<br />
de fermeté de votre part. Elle a pour but d'obtenir de<br />
l'empereur du Maroc des explications catégoriques sur sa<br />
participation plus ou moins avouée aux entreprises des<br />
ennemis qui nous restent à combattre dans l'ex-ré •<br />
d'Alger,<br />
et d'exiger des garanties contre le retour ;d'.-<br />
-rjce<br />
='si*-<br />
évidemment opposés aux relations de paix qui îi-'it "ot.<br />
entre la France et le Maroc. V>, „;<br />
Les documents qui vous ont été communiqués par mon<br />
Département et par le Ministère de la Guerre vous ayant<br />
fait connaître en détail la série de nos griefs, je crois devoir<br />
me borner à en retracer succinctement ici l'exposé. Ce sera<br />
préciser, dans ce qu'il a de plus saillant, l'état actuel de nos<br />
rapports avec le pays où vous allez vous rendre.<br />
La conquête d'Alger par la France n'a cessé d'être envisa<br />
gée au Maroc comme une des plus graves calamités qui<br />
pussent affliger l'islamisme et, en particulier, comme un<br />
des événements les plus fâcheux pour cet empire lui-même<br />
qui, sur ses frontières de l'est, allait se trouver en contact<br />
avec la puissance française. La haine du nom chrétien s'en<br />
est accrue chez ces populations fanatiques,<br />
et si le souve<br />
rain poussa d'abord la dissimulation jusqu'à nous féliciter
— — 458<br />
du succès de nos armes, s'il continua de protester à notre<br />
égard des sentiments les plus affectueux et des intentions<br />
les plus pacifiques, ce fut sans doute pour donner le change<br />
sur ses véritables dispositions,<br />
pour préparer plus sûrement<br />
des projets, qui ne devaient pas tarder à éclater. En effet,<br />
l'empereur de Maroc nourrissait des vues ambitieuses sur<br />
une partie du territoire de la Bégence d'Alger, et,<br />
s'il n'osait<br />
s'arrêter à l'idée de nous faire la guerre, il se flattait du<br />
moins de pouvoir s'emparer du beylick d'Oran à la faveur<br />
des circonstances qui, ne nous permettant pas encore d'en<br />
occuper tous les points,<br />
semblaient ainsi favoriser ses pro<br />
pres desseins. Il en donna lui-même des indices assez signi<br />
ficatifs en faisant, sur la fin de i83o, prendre possession de<br />
la ville de Tlemcen dont les habitants excités, peut-être par<br />
ses suggestions, lui avaient offert de se ranger sous sa<br />
domination,<br />
en réunissant autour de cette place un corps<br />
de dix mille hommes commandés par les principaux chefs<br />
de son armée, et enfin en prenant sur cette partie du terri<br />
toire d'Oran une attitude que nous pouvions déjà considé<br />
rer comme le prélude de véritables hostilités. On dit même<br />
que l'empereur, dans le déliré d'ambition qu'avait excité<br />
en Lài la facile conquête de Tlemcen,<br />
allait jusqu'à rêver<br />
celle d'Alger et se voyait déjà le chef d'une croisade entre<br />
prise pour la gloire et les intérêts de l'islamisme.<br />
Cependant les troupes qu'il avait envoyées à Tlemcen<br />
! l'ayant pas tardé à se disperser, le Gouvernement du roi<br />
qui,<br />
par l'organe du vice-consul gérant le consulat général<br />
de France à Tanger,<br />
sentations à la cour de Fez,<br />
venait d'adresser d'énergiques repré<br />
commençait à regarder cette<br />
affaire comme terminée, lorsqu'oîn apprit que, dans le<br />
courant de l'été de i83i,<br />
un nouveau corps de Marocains<br />
commandé par un beau-frère de l'empereur, le caïd Muley<br />
Ali Benhamri, le même qui avait précédemment occupé<br />
Tlemcen,<br />
était entré dans la province de ce nom, que ces<br />
troupes parcouraient le pays,<br />
en frappant des contribu<br />
tions, en soulevant les habitants contre nous,<br />
et qu'après<br />
avoir pris possession de Mascara, où 200 Turcs massacrés
— — 459<br />
par ordre de Benhamri avaient payé à ce prix l'imprudence<br />
de l'avoir reçu,<br />
elles s'étaient avancées jusqu'à la vue<br />
d'Oran et en avaient provoqué la garnison française.<br />
Le vice-consul du roi à Tanger avait déjà reçu l'ordre<br />
de porter de nouvelles plaintes à l'empereur de Maroc el<br />
d'exiger la retraite immédiate de Benhamri. Mais il était à<br />
craindre que la cour de Fez n'éludât cette réclamation, et<br />
d'ailleurs il importait que la question de Tlemcen fût enfin<br />
décidée conformément à nos droits.<br />
Telles furent les considérations qui, sur la fin de i83i,<br />
déterminèrent l'envoi de M. le comte de Mornay au Maroc,<br />
avec mission de réclamer de l'empereur, outre l'évacuation<br />
de la partie du beylick d'Oran envahie par ses troupes, une<br />
renonciation formelle de sa part à toute espèce de préten<br />
tions sur le territoire de la régence d'Alger.<br />
Accueilli au Maroc et notamment à la cour de Fez avec<br />
des distinctions el des honneurs inusités, M. de Mornay<br />
obtint satisfaclion sur les griefs dont il avait été chargé<br />
d'être l'organe. L'Emir de Maroc,<br />
par une lettre<br />
adress<br />
..au<br />
roi, en avril i83a, et dans laquelle il désavouait hautement<br />
la conduite de Benhamri, déclara qu'il le rappelait et prit<br />
l'engagement de s'abstenir désormais de tout acte d'auto<br />
rité dans la province de Tlemcen. Il est à remarquer toute<br />
fois que l'empereur se réservait d'agir différemment dans<br />
le cas où la France elle-même se trouverait hors d'état d'y<br />
maintenir sa domination. Quoiqu'il en soit, le beylick<br />
d'Oran fut évacué par les Marocains et l'on put espérer que<br />
fidèle à ses promesses, l'empereur éviterait d'intervenir<br />
dans les affaires intérieures de la Régence. Mais cet espoir<br />
ne tarda pas à s'évanouir et nous acquîmes bientôt la<br />
preuve-<br />
que l'empereur n'avait fait qu'ajourner ses vues.<br />
En effet, dès le mois de janvier i833,<br />
nous apprîmes qu'à<br />
Mediah et à Meliana, des schérifs exerçaient l'autorité au<br />
nom de ce prince, souverain, disaient-ils, de toutes les<br />
populatioris qui habitent entre Bône et Oran. Nous sûmes<br />
aussi que la cour de Fez, tout en continuant d'affecter à<br />
notre égard le langage et les dehors de l'amitié, travaillait
— — 460<br />
à entretenir les tribus de la province d'Oran dans leurs<br />
sentiments hostiles contre la France, qu'elle leur faisait<br />
passer des armes et des munitions, qu'elle s'entendait avec<br />
leurs chefs, qu'elle envoyait à ceux-ci des émissaires por<br />
teurs de présents et d'excitations à la révolte, le nom de<br />
l'empereur se retrouvait dans lous les soulèvements, dans<br />
tous les complots qui se succédaient contre nous : les rebel<br />
les priaient pour lui dans les mosquées et leurs chefs, Abd<br />
el Kader surtout, se déclaraient ses lieutenants,<br />
ses délé<br />
gués. On a vu ce dernier faire hommage à l'empereur des<br />
Français pris au combat de la Macta et les envoyer en spec<br />
tacle à sa cour. Enfin leurs communications, leurs intelli<br />
gences avec le Maroc ne discontinuaient pas et il était évi<br />
dent qu'en toute occasion le mot d'ordre émanait de ce<br />
côté.<br />
Cependant, depuis la mission remplie par M. de Mornay<br />
jusqu'à la rupture qui éclata, l'année dernière, entre Abd<br />
el Kader et le général Trézel, le gouvernement marocain<br />
observait du moins quelques apparences de neutralité. Aux<br />
plaintes assez fréquentes que nous lui faisions porter contre<br />
les actes, contraires à cette neutralité, il répondait par de<br />
nouvelles protestations,<br />
par de nouvelles promesses, reje<br />
tant de pareils procédés sur des malentendus,<br />
sur la faute<br />
des subalternes ou sur l'insubordination des populations.<br />
Enfin, l'on n'avait point encore aperçu de Marocains dans<br />
les rangs des rebelles, lorsque cette circonstance est venue<br />
se révéler pour la première fois, lors de l'expédition de<br />
Tlemcen,<br />
où trois mille Marocains figuraient parmi les<br />
troupes d'Abd el Kader. Elle vient de se reproduire avec<br />
plus de gravité encore dans les combats livrés sur les bords<br />
de la Tafna,<br />
où les plus redoutables comme les plus achar<br />
nés de nos ennemis, ceux qui ont fait le plus de mal à<br />
nos troupes, étaient encore des Marocains. Dès lors, il n'a<br />
plus été possible de révoquer en doute la connivence de<br />
Maroc avec Abd el Kader : elle est apparue flagrante, incon<br />
testable. C'est de l'empire de Maroc que ce chef,<br />
réduit naguère à fuir avec quelques cavaliers,<br />
vaincu et<br />
a tiré de
— 461 —<br />
nouvelles forces, de nouveaux soldats et des munitions de<br />
guerre. C'est à l'aide de cette perfide coopération d'un<br />
gouvernement qui avait déclaré vouloir rester l'ami de la<br />
France et respecter ses possessions, qu'Abd el Kader a pu<br />
se représenter en armes devant nos troupes et rallumer une<br />
révolte qui s'éteignait.<br />
Déjà, sur le premier avis de la présence d'un corps de<br />
Marocains parmi les rebelles à Tlemcen, le Gouvernement<br />
du roi s'est empressé d'adresser au consul général de S. M.<br />
à Tanger des instructions qui lui prescrivaient d'exiger<br />
satisfaction de cette insigne violation du droit des gens.<br />
Vous en trouverez ci-joint copie. Nous ignorons encore le<br />
résultat des démarches que M. Méchain a dû faire : mais,<br />
en apprenant ce qui s'est passé plus récemment dans les<br />
affaires de la Tafna,<br />
nous avons jugé que ces instructions<br />
ne suffisaient plus et qu'il y avait lieu d'expédier de Paris<br />
même une personne chargée de se rendre directement au<br />
près de l'empereur de Maroc pour lui porter d'une manière<br />
plus solennelle et plus positive l'expression de nos griefs,<br />
pour lui rappeler ses engagements et le sommer de les<br />
remplir. En faisant choix de vous pour cette mission, le<br />
roi vous a donné, Monsieur le Baron,<br />
un témoignage de<br />
confiance que vous saurez, je n'en doute pas, justifier à<br />
son entière satisfaction. L'intention de- S. M. est que vous<br />
partiez immédiatement pour Toulon où vous devez vous<br />
embarquer afin d'aller rejoindre à l'embouchure de la<br />
Tafna l'escadre commandée par M. le vice-amiral Hugon.<br />
C'est à bord d'une forte division de cette escadre que vous<br />
vous rendrez à Tanger. Nous avons pensé que la présence<br />
d'une force navale imposante imprimerait à votre mission<br />
un caractère plus prononcé,<br />
qu'elle donnerait plus de poids<br />
aux plaintes que vous devez faire entendre ainsi qu'aux<br />
légitimes exigences dont vous serez l'organe. Voici, Mon<br />
sieur,<br />
ter :<br />
quelles sont les demandes que vous aurez à présen<br />
L'empereur de Maroc devra s'engager de nouveau, par<br />
écrit de la manière la plus expresse et sans réserve aucune,
— — 462<br />
à reconnaître les droits de la France sur les provinces dont<br />
se composait le territoire de l'ancienne régence d'Alger, et<br />
particulièrement sur les provinces d'Oran, de Tlemcen, de<br />
Mediah et de Mascara. 11 devra promettre en même temps<br />
que, quelles que soient les chances d'une lutte entre nous<br />
et les parties insoumises de l'ex-régence, il ne se départira<br />
jamais de la neutralité la plus absolue.<br />
11 devra publier immédiatement dans ses états et adres<br />
ser à toutes les tribus, à toutes les autorités du Maroc, les<br />
injonctions les plus précises et les plus sévères pour qu'au<br />
cun secours en hommes, en armes, en munitions, en che<br />
vaux et en matériel de guerre, ne soit expédié du Maroc,<br />
ou en transit ù travers cet empire, soit à Abd el Kader, soit<br />
à tout autre chef ou parti en révolte contre l'autorité de la<br />
France.<br />
11 devra s'obliger en outre à faire punir exemplairement<br />
quiconque, sur ce point, contreviendrait à ses ordres;<br />
à ne recevoir aucune députation venant de l'ancienne<br />
régence d'Alger et qui ne lui serait point adressée au nom<br />
et avec l'autorisation des généraux ou commandants fran<br />
çais;<br />
à n'accorder aucun asile sur son territoire à Abd el Kader,<br />
à ses partisans, à quiconque, dans les possessions françai<br />
aurait conspiré ou pris les armes contre l'autorité de la<br />
ses,<br />
France.<br />
Il devra enfin s'engager à ne pas tolérer le renouvelle<br />
ment de ce scandale odieux des prisonniers français en<br />
voyés à sa cour par les révoltés de l'ex-régence d'Alger et<br />
promenés à travers son empire au milieu des insultes des<br />
populations; mais, au contraire,<br />
à mettre immédiatement<br />
en liberté, sans attendre nos réclamations, les Français qui<br />
seraient ainsi conduits dans ses Etats.<br />
A ces conditions, et en tant qu'elles seront scrupuleuse<br />
ment observées par l'empereur el ses sujets de tout rang<br />
et de toute condition, ce prince pourra compter sur notre<br />
amitié. Dans le cas contraire, nous n'hésiterons pas à obte<br />
nir par nous-mêmes ce qu'il refuserait à nos justes récla-
mations ,el à<br />
— — 463<br />
cet égard, la puissance militaire et navale<br />
de la France ne trahira pas sa volonté bien arrêtée. L'em<br />
pire de Maroc a des côtes facilement accessibles, des ports<br />
qui ne résisteraient point à une attaque sérieuse, des rela<br />
tions de commerce nécessaires et qu'il est intéressé à ne<br />
pas voir interrompre. Cette situation et la puissance de la<br />
Fiance font à l'empereur de Maroc une loi de la prudence<br />
el lui commandent de vivre avec nous dans les rapports<br />
d'une parfaite intelligence.<br />
Vous serez, Monsieur, porteur d'une lettre du roi pour<br />
l'empereur. Cette lettre, où l'objet de votre mission n'est<br />
indiqué que sommairement,<br />
est surtout destinée à vous<br />
accréditer auprès de ce monarque et à vous assurer le<br />
moyen d'être admis en sa présence. 11 est probable d'ail<br />
leurs, à en juger par ce qui s'est pratiqué lors de la mission<br />
de M. de Mornay, que c'est par l'intermédiaire d'une per<br />
sonne spécialement déléguée à cet effet,<br />
s'engagera sur nos demandes. Dans ce-<br />
que la discussion<br />
cas, vous devrez les<br />
consigner par écrit en même temps que nos plaintes et,<br />
rédiger vos notes d'après le contenu des présentes instruc<br />
tions.<br />
Du reste, à votre arrivée à Tanger, vous aurez naturelle<br />
ment à vous entendre avec le consul général de S. M.,<br />
auquel j'annonce l'objet de votre mission et qui vous don<br />
nera toutes les informations, toutes les directions que peut<br />
lui fournir son expérience des hommes et des choses du<br />
pays ou vous allez vous rendre. Vous jugerez d'après ce qu'il<br />
vous dira jusqu'à quel point vous devrez discuter, par<br />
avance, avec le pacha de Tanger, les points sur lesquels<br />
nous avons à obtenir satisfaction. Dans tous les cas, comme<br />
vous êtes muni d'une lettre du roi pour l'empereur, vous<br />
ne devrez pas admettre qu'on puisse vous<br />
la présenter à ce monarque.<br />
En définitive, Monsieur le Baron,<br />
empêcher d'aller<br />
vous aurez à déployer<br />
d'autant plus de fermeté dans votre attitude, de précision<br />
et d'énergie dans votre langage,<br />
,,- gouvernement<br />
que vous aurez affaire à<br />
astucieux, toujours prêt à éluder sous
— 464 —<br />
des formes évasives, les questions le plus nettement articu<br />
lées et à faire naître des équivoques pour prétexter ensuite<br />
d'involontaires malentendus. Tel est surtout le caractère de<br />
l'empereur Abdulrahman, prince aussi faible que violent,<br />
dont la politique n'est qu'une application plus ou moins<br />
heureuse des subterfuges de la duplicité maure. C'est assez<br />
dire que vous ne devrez, en aucune manière, perdre de vue<br />
le sens positif des réclamations dont j'ai précisé les termes<br />
et que, quelque habile lé, quelque persévérance qu'on<br />
puisse mettre à les éluder,<br />
vous devrez péremptoirement<br />
insister pour que l'empereur y souscrive sans réserve ni<br />
restriction. Au surplus, cette fermeté,<br />
cette insistance de<br />
votre part sur les points essentiels de votre mission ne sau<br />
raient exclure, à d'autres égards, une attitude et des for<br />
mes conciliantes. Ainsi vous manifesterez hautement le<br />
désir que nous avons d'entretenir des relations amicales<br />
avec l'empire de Maroc, et vous éviterez- de formuler des<br />
menaces qui nous engageraient par avance. Mais vous<br />
exprimerez froidement la résolution où nous sommes d'ob<br />
tenir les satisfactions et les garanties que vous êtes chargé<br />
de demander. Si, ce que j'ai peine à supposer, la cour de<br />
Fez était assez aveugle pour nous les refuser, le Gouverne<br />
ment du roi,<br />
tat de votre mission,<br />
viendrait d'adopter.<br />
sur le compte que vous lui rendriez du résul<br />
aviserait alors aux mesures qu'il con
— — 465<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Toulon, le 17 juin 1836.<br />
D'après une dépêche télégraphique du ministre de la<br />
Marine datée d'hier 16, le vaisseau Le Scipion sur lequel je<br />
dois m'embarquer a ordre d'attendre les présents destinés<br />
pour l'empereur de Maroc. Je sollicite donc de V. E. leur<br />
plus prompt envoi possible.<br />
Parti de Paris le io, j'étais rendu à Toulon le i5 à la<br />
pointe du jour. Je me suis arrêté vingt-quatre heures à<br />
Marseille pour donner à M. Delaporte le temps de voir les<br />
membres de la Chambre de Commerce auxquels il avait<br />
affaire pour son consulat à Mogador.<br />
Pendant cette journée, les négociants qui font le com<br />
merce avec le Maroc sont venus m'exprimer leurs inquié<br />
tudes de voir leurs intérêts compromis par la situation de<br />
nos rapports politiques avec l'empereur de Maroc. J'ai cru<br />
agir selon les intentions de V. E. en leur faisant partager<br />
mon espoir qu'après avoir obtenu de l'empereur les satis<br />
factions et les garanties que la France a le droit et la volonté<br />
d'exiger,<br />
ma mission aurait pour résultat de maintenir la<br />
bonne harmonie entre les deux pays en éclairant l'empe<br />
reur sur ses vrais intérêts. Ces négociants me paraissent<br />
assez intéressés à la prolongation de la paix avec le Maroc<br />
pour que, si j'en avais eu le temps et surtout l'autorisation<br />
de V. E.,<br />
il m'eût été possible d'obtenir d'eux qu'ils fissent<br />
les frais des cadeaux à donner à l'empereur. La maison<br />
30
— — 466<br />
Luce entre autres est en ce moment à découvert de plus de<br />
5oo.ooo francs.<br />
Le commerce avec le Maroc a pris depuis trois ans un<br />
accroissement rapide et supérieur à celui des Anglais sur ce<br />
point. De 7 à 8 millions, les exportations se sont élevées l'an<br />
née dernière à plus de 20 millions. La majeure partie des<br />
cargaisons est acquittée en numéraire.<br />
Les principales marchandises qu'on exporte sont la laine<br />
surge et les peaux de chèvre, puis de la gomme, de la cire<br />
jaune, des dents d'éléphant et de l'huile d'olive.<br />
On peut évaluer la quantité de laine qui s'exporte annuel<br />
lement de Maroc à 5o à 55.000 quintaux.<br />
La quantité de peaux de chèvre est de- 120 à i/jo.ooo dou<br />
zaines.<br />
L'attention du ministre a déjà été appelée sur une question<br />
que je dois soumettre de nouveau à V. E.<br />
Outre le droit fixe de 3 francs par quintal que paient les<br />
laines à leur sortie de Maroc,<br />
cet article est assujetti à un<br />
surcroît de droits qui se paient en poudre à canon. Ce droit<br />
qui a été mis au moment de la rupture avec Naples a été<br />
maintenu depuis et varie suivant le caprice de pachas. C'est<br />
3 livres de poudre à Tanger et Tétouan, 2 livres à Mogador<br />
et Sali et 1 livre 1/2 à Mazagan.<br />
Notre législation sur la sortie de la poudre et les risques<br />
de tout genre auxquels l'acquittement de ce droit expose<br />
nos négociants les ont portés à me prier d'en obtenir de<br />
l'empereur la remise ou la conversion en argent, même du<br />
double de la valeur de la poudre. Je ne suis point autorisé<br />
par mes instructions à m'occuper des intérêts commer<br />
ciaux; j'en parlerai donc seulement à M. Méchain; mais, si<br />
V. E. croit que cette question qui se rattache à des consi<br />
dérations politiques peut faire l'objet d'une de mes récla<br />
mations au ministre que l'empereur désignera pour traiter<br />
avec moi, je la prie de me donner ses ordres à cet égard.<br />
Ces envois de poudre présentent de graves et de nom<br />
breux inconvénients. Sortant de Marseille, ils sont suspec<br />
tés d'être faits par don Carlos et exposés comme tels à être
— — 467<br />
saisis par les croisières françaises ou anglaises. Celle desti<br />
nation avouée pour le Maroc peut aussi servir de prétexte<br />
en faveur des expéditions faites aux carlistes d'Espagne; dé<br />
plus,<br />
cette exigence de l'empereur de Maroc a l'inconvé<br />
nient de lui fournir de bonne poudre française ou anglaise<br />
au lieu de la très mauvaise qu'il fabriquait auparavant en<br />
tirant de Marseille la poudre en béton.<br />
Ne serait-il pas d'une bonne politique d'entraver au lieu<br />
de faciliter l'introduction au Maroc de munitions et d'ar<br />
mes de guerre ? La maison Ventre de Marseille vient tout<br />
récemment de vendre à l'empereur une forte partie de pou<br />
dre de guerre et plusieurs centaines de fusils de calibre<br />
avec baïonnettes, genre d'armes dont les barbaresques ne<br />
se faisaient pas besoin avant les entreprises d'Abd el Kader.<br />
Mogador et Mazagran sont les principaux ports de l'em<br />
pire. L'année dernière, il a été expédié 5o bâtiments du<br />
seul port de Mogador pour Marseille et à cette occasion je<br />
ferai remarquer que ce sont malheureusement presque tous<br />
des bâtiments étrangers. D'après les renseignements que je<br />
recueille à Toulon, l'abojrd des ports du Maroc, excepté<br />
Tanger,<br />
n'est possible qu'aux petits bâtiments de guerre.<br />
Il serait donc à désirer, dans le cas où l'on voudrait qu'une<br />
démonstration appuyât ma mission,<br />
ou à Mazagran un ou deux bâtiments légers.<br />
d'envoyer à Mogador<br />
J'aurai l'honneur d'informer V. E. du jour de mon em<br />
barquement qui aura lieu aussitôt après l'arrivée des pré<br />
sents.
468<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tanger, le 8 juillet 1836.<br />
J'ai l'honneur d'annoncer à V. E. que je suis arrivé<br />
devant Tanger le 5, à 8 heures du soir, sur Le, Scipion et<br />
avec l'Herminie que nous avions ralliée le 2 au soir en vue<br />
d'Oran. Aussitôt que nous eûmes mouillé dans la baie de<br />
Tanger, le chancelier du consulat se rendit à bord pour<br />
régler la manière dont je- serais reçu le lendemain. Les<br />
autorités de Tanger dans leurs communications avec les<br />
gouvernements européens qui ne se font pas avec leg, rési<br />
dents habituels n'établissant que deux catégories, celle de<br />
porteurs de lettres et celle de personnes chargées de traiter<br />
d'affaires, il a été convenu dans l'intérêt de ma mission et<br />
de l'avis de MM. les commandants de vaisseaux que je<br />
devais être reçu à Tanger comme le sont les personnes<br />
envoyées pour traiter d'affaires avec l'empereur,<br />
ce qui a<br />
eu lieu le 6 à 11 heures du matin et selon l'usage établi.<br />
M. Méchain,<br />
sur le premier avis de mon départ de Paris,<br />
avait expédié un courrier à l'empereur pour le prévenir<br />
de ma mission. Il m'a exprimé ses inquiétudes sur l'ab<br />
sence de présents pour l'empereur. Il ne regarde la boîte<br />
qui lui est destinée que comme acquittant seulement la<br />
formalité de rigueur en remettant la lettre du roi sur la<br />
quelle se pose toujours ainsi une boîte où une montre, ce<br />
qui est tout à fait en dehors des présents qu'il est d'usage
— — 469<br />
d'offrir et dont aucune puissance ne s'est encore affranchie,<br />
pas même les Américains ni les Anglais qui, dans leurs<br />
relations assez fréquentes avec le Maroc, à cause de leur<br />
possession de Gibraltar, n'adressent jamais la moindre de<br />
mande ou réclamation sans l'accompagner d'un cadeau<br />
pour l'empereur et son entourage; nonobstant, je ferai de<br />
mon mieux pour m'en passer et me renfermer dans les<br />
limites du crédit qui m'a été ouvert pour les frais de ma<br />
mission par V. E.<br />
Il est probable que c'est à Méquinez que je serai reçu.<br />
L'empereur a dû partir avant-hier de Babat où il faisait la<br />
guerre contre une tribu révoltée qu'il n'a pu poursuivre<br />
dans les montagnes et qui a failli lui faire éprouver un<br />
revers; car il est, dans son empire, vis-à-vis de la plupart<br />
des tribus dans la même situation que nous dans la Bé<br />
gence d'Alger et,<br />
ne disposant pas de moyens militaires<br />
comme les nôtres, il court habituellement de bien plus<br />
grands risques et voit souvent sa couronne et sa vie com<br />
promises dans des luttes incessantes.<br />
En faisant hier une visite- d'étiquette au pacha de Tan<br />
ger, j'ai reçu de lui en réponse à des phrases de politesse<br />
les assurances non provoquées par moi des sincères inten<br />
tions de l'empereur de tout faire pour maintenir de bons<br />
rapports avec le roi des Français. Il ajouta qu'aucune nation<br />
n'était autant considérée et aimée de l'empereur que la<br />
nation française. Je dois ajouter,<br />
valeur de ces assurances empressées,<br />
pour faire apprécier la<br />
que l'inquiétude la<br />
plus vive régnait à Tanger à l'apparition de nos vaisseaux<br />
et que toute la population était en émoi au moment de<br />
mon débarquement et jusqu'à ce que j'eusse quitté le<br />
pacha qui était venu me recevoir au rivage. J'ai su depuis<br />
par des Européens,<br />
grand nombre,<br />
qui emploient des ouvriers en assez<br />
que tous avaient quitté leur travail et<br />
s'étaient armés sous leurs burnous. Cette inquiétude sub<br />
siste et je crois utile au succès de ma mission de ne rien<br />
dire ici qui puisse affaiblir cette impression.
— 470 —<br />
J'ai trouvé dans les conseils et les démarches de<br />
MM. les Commandants de l'Herminie et du Scipion le con<br />
cours le plus empressé. Malheureusement, j'éprouve le<br />
regret que le commandant Bazoche n'ait pas reçu les ins<br />
tructions détaillées qu'il attendait du ministre de la Marine<br />
et, ce bâtiment n'ayant plus que pour 3o jours de vivres, le<br />
commandant a l'intention de s'éloigner très prochainement<br />
de Tanger pour aller se ravitailler à Toulon. Le comman<br />
dant du Scipion devra aussi aller faire de l'eau à Cadix;<br />
mais ces Messieurs se maintiendront, je l'espère, dans la<br />
baie de Tanger jusqu'après mon départ pour l'intérieur.<br />
M. le Ministre de la Marine m ayant fait l'honneur de<br />
me lire à Paris ses instructions au commandant Bazoche,<br />
j'ai pu lui dire que la prolongation de sa présence ici jus<br />
qu'après mon départ pour l'intérieur était un des ordres du<br />
ministre, subordonné au temps.<br />
Le juillet, le commandant de l'Herminie avait com<br />
muniqué à Oran. On lui mandait les divers mouvements<br />
du général Bugeaud dans la province d'Oran et on ajoutait<br />
qu'Abd el Kader s'était de nouveau retiré dans le Maroc<br />
avec un neveu de l'empereur en révolte vraie ou simulée<br />
contre lui. Ces nouvelles sont ignorées à Tanger. Je ferai<br />
mes efforts pour faire comprendre à l'empereur qu'il faut<br />
enfin qu'à l'avenir les faits répondent à ses promesses et,<br />
bien pénétré des désirs du roi et des instructions de V. E..<br />
je ne négligerai rien pour m'acquitter avec la fermeté et<br />
les ménagements convenables de la mission qui m'a été<br />
confiée.<br />
Après avoir fait connaître à M. Méchain la nécessité d'évi<br />
ter le plus possible les dépenses, je m'en remets à la con<br />
naissance qu'il a des hommes et des choses de ce pays pour<br />
fixer ce qui est relatif aux frais à faire.<br />
P. S. —<br />
Le,<br />
lendemain de notre arrivée devant Tanger,<br />
un brick anglais appartenant au gouverneur de Gibraltar<br />
est venu contourner la baie et, sans communiquer avec la<br />
terre ni nos vaisseaux, est reparti pour Gibraltar.
— 471<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tanger, le 9 juillet 1836.<br />
Par ma dépêche du 8 courant, j'ai eu l'honneur de dire<br />
à V. E. que M. Méchajn avait, avant mon arrivée, expédié<br />
un courrier à l'empereur pour lui annoncer qu'un envoyé<br />
du roi des Français allait débarquer très prochainement à<br />
Tanger, et lui demander de me donner des ordres pour ma<br />
réception et mon voyage jusqu'à sa résidence. La réponse<br />
de l'empereur ne s'est pas fait attendre et les ordres sont<br />
donnés pour que je sois reçu sur toute la route comme<br />
l'envoyé de la nation la plus illustre. M. Méchain envoie<br />
copie de la lettre impériale à V. E.<br />
Aussitôt que j'ai été en communication avec M. Méchain,<br />
je me suis empressé de lui donner connaissance- de mes<br />
instructions et, après lui avoir expliqué la nécessité de sim<br />
plifier le cérémonial pour voyager plus promptement et<br />
surtout pour diminuer les frais, il expédia un second cour<br />
rier à l'empereur pour lui exprimer mes désirs très formels<br />
à cet égard. J'attendrai donc le retour de ce courrier qui<br />
sera probablement ici dans 6 ou 8 jours,<br />
que j'emploie à<br />
faire les préparatifs de réquisitions nécessaires pour la mis<br />
sion. J'en profilerai aussi pour étudier Tanger et la côte<br />
environnante sous le point de vue militaire.<br />
M. Méchian confirme à V. E. le bon effet produit sur la<br />
population et les autorités maures par la présence de nos
— — 472<br />
vaisseaux et l'annonce de ma mission auprès de l'empe<br />
reur.<br />
Je trouve de la part de M. Méchain le concours le plus<br />
complet pour assurer la marche de ma mission.<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tanger, le 11 juillet 1836.<br />
Malgré la lettre de M. Méchain à l'empereur et nos dé<br />
marches auprès du pacha de Tanger, il me sera impossible<br />
de me soustraire au cérémonial habituel sur la route et à<br />
Méquinez où l'empereur s'est hâté de se rendre pour me<br />
recevoir. Contre tous les antécédents et pour mieux témoi<br />
gner de ses dispositions envers la France, il n'a pas attendu<br />
que je fusse arrivé à Tanger pour donner les ordres néces<br />
saires à mon voyage. On sait ici que tout le Maroc est mis<br />
en mouvement par les ordres de l'empereur pour faire trou<br />
ver le plus de tribus possibles sur ma route. C'est une dé<br />
monstration qu'il fait pour répondre aux nôtres et qu'il<br />
croit utile à sa politique. Nos raisonnements et nos démar<br />
ches n'y peuvent donc rien changer et je me vois forcé<br />
d'en subir les conséquences onéreuses. Le fils du pacha de<br />
Tanger a reçu l'ordre de l'empereur de m'accompagner et<br />
de commander mon escorte. Il se montre peu rassuré de
— — 473<br />
cette commission parce qu'il dit que,<br />
si l'empereur peut<br />
mettre en mouvement toutes les tribus, il y en a dans le<br />
nombre qui sont partisanes d'Abd el Kader et sur la mani<br />
festation desquelles l'empereur n'a aucune action.<br />
Dans des circonstances tout ordinaires, M. de Mornay<br />
comme ceux qui l'ont précédé ont dû se conformer pour<br />
leurs dépenses aux usages du pays, et la note qui m'a été<br />
remise au ministère comme indication n'a aucun rapport<br />
avec les dépenses réelles faites par M. de Mornay<br />
pour son<br />
voyage à l'intérieur et dont je trouve ici le détail exact et<br />
fort supérieur à l'indication des bureaux.<br />
Si,<br />
pour prévenir à l'empereur sans tenir compte de leurs<br />
usages, il ne s'agissait que de traverser une tribu le sabre<br />
à la main,<br />
cela pourrait se tenter. Mais j'aurai chaque jour<br />
et pendant douze jours des milliers de cavaliers qui m'ac<br />
compagneront en courant la poudre et dont tous les chefs<br />
s'attendent à recevoir des cadeaux.<br />
Je- ne cacherai pas à<br />
V. E, que j'éprouve une vive contrariété de me trouver<br />
ainsi entre la nécessité de bien remplir ma mission et les<br />
difficultés que m'opposent les limites de mes instructions.<br />
Je devais partir le i3;<br />
mais les préparatifs ordonnés par<br />
le pacha et l'escorte qu'il réunit ne me permettront de<br />
partir c,ve le i5.
— 474<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tanger, le 14 juillet 1836.<br />
Dans une nouvelle communication que je viens d'avoir<br />
avec le pacha pour presser mon départ encore reculé par<br />
lui au 18, j'ai vu que les précédentes plaintes adressées par<br />
M. Méchain à la cour de Fez ayant coïncidé avec les opé<br />
rations du général Bugeaud dans la province d'Oran et sur<br />
Tlemcen avaient fait une vive impression sur l'empereur<br />
et sur les ministres. Ils craignaient que le mécontentement<br />
éprouvé par les généraux français de la présence des Maro<br />
cains à la Tafna ne les portât à entrer sur le territoire de<br />
l'empire. J'ai prévenu le pacha que les déterminations ulté<br />
rieures du gouvernement français dépendraient du résultat<br />
de ma mission auprès de l'empereur. Il me renouvela alors<br />
ses assurances les plus formelles des bonnes et loyales dis<br />
positions de son souverain. Il m'en donna pour preuve qu'il<br />
venait d'envoyer son oncle Mouley Àbdelmalec Zizgoun<br />
avec 4ooo hommes pour contenir les tribus de la frontière<br />
et le caïd d'Oudjda El Kbibi, dont nous avons dû nous plain<br />
dre, que 2. ooo hommes, devaient être placés à Oudjda<br />
même, i.ooo sur la frontière du Bif et i.ooo avec Mouley<br />
Abdelmalec à Taza; que ces troupes étaient destinées à faire<br />
la police de la frontière et à empêcher qu'aucune bande<br />
n'entrât dans la province de Tlemcen. Je pris acte vis-à-vis<br />
de lui de ces explications et, profitant de cela pour expliquer
— — 475<br />
le départ très prochain de la frégate qui va se ravitailler à<br />
Toulon,<br />
j'ajoutai que j'étais content de ce qu'il venait de<br />
me dire des dispositions de son maître et que, pour préve<br />
nir de trop promptes démarches de la pari de nos troupes<br />
ou quelques malentendus sur la frontière, j'allais envoyer<br />
un des vaisseaux qui m'avaient accompagné porter ces as<br />
surances aux généraux qui commandent notre escadre à<br />
l'embouchure de la Tafna et nos troupes dans la province<br />
d'Oran.<br />
J'ai également fait répandre cette nouvelle parmi les<br />
consuls. Voici ce qui m'y a porté. Depuis mon arrivée ici,<br />
le consul d'Angleterre ayant eu pour quelques affaires une<br />
comjmunication avec le pacha,<br />
celui-ci chercha à Savoir<br />
quelle part l'Angleterre prenait à tout ce qui se passait<br />
entre le Maroc et la France. Le consul doit avoir répondu<br />
que l'union de la France et de l'Angleterre était intime<br />
pour le maintien de la paix en Europe et le repos du monde,<br />
mais que l'Angleterre ne se mêlait pas de tout ce que fai<br />
sait la France dans l'Algérie. Peu confiant cependant dans<br />
les démarches du consul anglais,<br />
j'ai pris le soin de main<br />
tenir l'impression qu'il a ressentie et qui a été générale,<br />
même à Gibralter, de la vigueur avec laquelle notre cabinet<br />
a décidé l'envoi de renforts imposants à la Tafna, de la<br />
promptitude de leur arrivée et de la volonté fermement ex<br />
primée à la tribune par V. E. d'assurer notre domination<br />
dans la Bégence.<br />
J'ai pu avec d'autant moins d'inconvénients parler de la<br />
détermination formelle de notre Gouvernement d'obtenir<br />
satisfaction de l'empereur ou de se la faire par soi-même,<br />
que l'empereur et ses ministres sont très intimidés et très<br />
inquiets. Les consuls seuls pourraient affaiblir ces impres<br />
sions et c'est pour prévenir de semblables insinuations de<br />
leur part que je<br />
militaire que diplomatique.<br />
conserve à ma mission un caractère plus
— 476 —<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tanger, le 17 juillet 1836.<br />
Le pacha se décide enfin à me laisser partir demain. Mes<br />
préparatifs pour ce voyage sont terminés depuis plusieurs<br />
jours.<br />
V. E. m'ayant fait l'honneur de me dire que je devais<br />
pendant ma mission au Maroc lui adresser des rapports dé<br />
taillés sur tout ce que je jugerais devoir fixer son attention,<br />
je vais entrer dans quelques détails sur la position militaire<br />
de Tanger,<br />
sur ses moyens de défense dans l'état actuel et<br />
sur le parti qu'on pourrait tirer de ce point après sa facile<br />
occupation.<br />
Malgré la surveillance dont je suis particulièrement l'ob<br />
jet, j'ai parcouru pendant mon séjour à Tanger la ville et<br />
ses environs.<br />
La baie de Tanger a 3 ou li.ooo toises d'ouverture sur i4 à<br />
i.5oo de largeur. Elle est faiblement garantie des vents d'est<br />
et ouverte à ceux du nord et du nord-ouest. Malgré cet incon<br />
vénient, elle est bonne en été, même pour les vaisseaux et<br />
les frégates. Le fonds est d'herbes entremêlées de roches de<br />
grès sur io, i5 et 18 brasses de profondeur. Les bâtiments<br />
qui ne tirent que 5 ou 6 pieds d'eau sont abrités, mouillant<br />
près de la ville. Les grandes marées y sont de 8 pieds et<br />
l'heure à laquelle la marée est haute, le jour de nouvelle<br />
lune,<br />
est à i h. 3/4 du soir.
— — 477<br />
Cette baie est défendue, indépendamment de l'artillerie de<br />
la ville dont je parlerai plus loin, par 6 batteries dont k sont<br />
en maçonnerie fermée à la gorge, l'une à l'entrée de la baie<br />
sur le cap Malabata, l'autre un peu à l'est de ce qu'on appelle<br />
improprement le vieux Tanger et qu'à l'inspection des lieux<br />
et des restes de constructions existantes, on reconnaît pour<br />
un port de galères des Bomains. Le vieux Tanger, la Tingis<br />
des Bomains, était où est le Tanger actuel; une troisième bat<br />
terie fermée est à côté de ses ruines mêmes. Une batterie en<br />
terre se trouve près des dunes qui avoisinent la ville. De l'au<br />
tre côte de la ville, et en avant du plateau marchand, se<br />
trouve à une grande hauteur au-dessus de la mer uneseconde<br />
batterie en terre dont les trois canons ne sont pas montés. La<br />
quatrième batterie en maçonnerieet fermée est dans la direc<br />
tion du cap Sparte! près de l'embouchure de la petite rivière<br />
des Juifs,<br />
sur un point qui serait favorable à un débarque<br />
ment. Elle est armée de 12 pièces, dont le feu serait rasant.<br />
Celle de la pointe Malabata est aussi de 12 pièces. Ces 6 batte<br />
ries ont en tout 34 pièces. Elles sont habituellement gardées<br />
par 3 ou 4 hommes; souvent il a personne.<br />
n'y<br />
A l'exception de la baie de Tanger et de celle d'ALCazar-<br />
Segher, à 3 lieues à l'est de Tanger,<br />
toute la côte nord est<br />
inabordable; mais la côte ouest depuis le cap<br />
Spartel jus<br />
qu'à Larache est susceptible de mouillage et de débarque<br />
ment.<br />
La ville de Tanger est bâtie sur le bord<br />
occidental de la<br />
rade. Elle est entourée d'une enceinte gothique qui peut<br />
avoir 1.000 à 1.200 toises de développement. Elle est flan<br />
quée de petites tours rondes ou carrées de 10 à i5 pieds de<br />
diamètre. Du côté de terre,<br />
elle est entourée à peu près<br />
dans tput son contour par un fossé de dix pieds de profon<br />
deur,<br />
aujourd'hui à moitié comblé et cultivé en légumes<br />
quelques parties. 11 y a contre l'escarpe un talus en<br />
maçonnerie dont la fondation est au fond du fossé. Quoi<br />
qu'il n'y ait plus de plateforme ni de canons sur cette mu<br />
raille,<br />
elle est cependant fermée de tous côtés et entretenue<br />
tant bien que mal à l'abri de l'escalade. Depuis un an sur-
— — 478<br />
tout, les réparations sont faites avec moins de négligence;<br />
mais on n'a pas remarqué plus d'activité dans ces derniers<br />
temps. Cette enceinte se lie du côté du nord aux murs de la<br />
Casbah qui domine la ville et à un fort démantelé armé de<br />
12 pièces de canon qui regardent le détroit de Gibraltar.<br />
En face du port et dans le rentrant de la porte de mer,<br />
il y a plusieurs batteries dont deux en étage; le tout est<br />
armé de 60 pièces de canon environ, y compris deux mor<br />
tiers avec un petit flanc armé de deux pièces qui battent à<br />
revers le point où l'on débarque de la porte de la marine.<br />
Les parapets sont en maçonnerie de deux à (trois pieds<br />
d'épaisseur. Les plateformes en sont très étroites et mala<br />
droitement blanchies pour les faire remarquer de loin. Les<br />
pièces sont espacées de 12 pieds seulement. Les affûts sont<br />
en chêne, très lourds,<br />
presque sans ferrures et pour la plu<br />
part très vieux. Ils me paraissent très difficiles à manœu<br />
vrer. Les roues en sonl pleines et madriers joints de 4 pieds<br />
de diamètre. Les essieux sont en bois. Les canons sont pleins<br />
de rouille. Les canons sont de divers calibres dans la même<br />
batterie, et, pour les charger, les Maures n'ont point de<br />
gargousses préparées. Les travaux pour l'entretien de ces<br />
batteries sont à la charge du gouverneur et du douanier de<br />
la ville. Toutes les batteries sont si mal construites,<br />
si mal<br />
armées, que leur feu s'éteindrait promptement de lui-même.<br />
Il serait donc très facile de s'emparer de Tanger en débar<br />
quant près du vieux Tanger à l'embouchure de l'oued Es-<br />
Sgher et pendant que quelques pièces de canon placées sur<br />
les dunes battraient d'écharpe le revêtement qui regarde le<br />
sud, ou mieux encore battraient le front occidental qui est<br />
à gauche,<br />
en entrant par la porte de mer et dont le pied du<br />
revêtement n'est point chaussé en maçonnerie,<br />
mais se<br />
trouve en terre coulante. En même temps, des troupes tour<br />
neraient la ville du côté de terre et forceraient prompte<br />
ment les murs qui ne résisteraient pas à quelques coups de<br />
canon qu'il serait facile d'amener sur plusieurs des points<br />
qui dominent la ville.
— — 479<br />
La seule poudrière de la ville se trouve en arrière du pla<br />
teau marchand, à mi-côte et près de la fonction du mur<br />
d'enceinte avec la Casba et en dehors. Elle serait prompte<br />
ment occupée et incendiée.<br />
Une fois maître de la ville dont la population est de 5 ou<br />
6.ooo âmes, on s'y maintiendrait facilement,<br />
surtout contre<br />
les Maures qui n'ont pas même d'artillerie de campagne<br />
organisée. On couronnerait les hauteurs par quelques bloc-<br />
kaus et l'on s'établirait en face au plateau du Marchand qui<br />
commande la ville du côté nord. Ce point pourrait être for<br />
tifié avec avantage. Il a 8oo toises de longueur, 3oo toises<br />
de large; le long<br />
côté du nord serait inaccessible et les<br />
autres fronts auraient devant eux un glacis naturel qui<br />
dominerait à plus de i.ooo toises en tous sens. Ce plateau<br />
est très propre, tant à asseoir un fort qu'à servir de camp<br />
retranché et d'appui à une armée qui,<br />
de Tanger,<br />
après s'être emparée<br />
voudrait s'avancer avec sécurité dans le pays.<br />
Je m'occupe à recueillir les noms, la force et l'emplace<br />
ment relatifs, des villes et tribus du Maroc qui se trouvent<br />
sur la frontière de la province de Tlemcen, depuis la mer<br />
jusqu'au désert d'Angad. J'ai déjà réuni quelques docu<br />
ments que je tâcherai de compléter et de contrôler à Méqui-<br />
nez;<br />
mais ce travail est difficile à cause de l'absence de<br />
toute, carte exacte et de l'ignorance ou de la méfiance du<br />
Maroc. Cependant, il sera indispensable pour la suite de nos<br />
rapports avec cet empire et la délimitation ultérieure de<br />
nos frontières. Le concours de M. Delaporte,<br />
qui est traité<br />
en ami par tous les Maures dont il parle la langue comme<br />
le français,<br />
m'est très utile pour ces recherches.
480<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Ksar el Kebir, 21 juillet 1836.<br />
J'espère qu'une occasion de faire parvenir une lettre à<br />
Tanger se présentera dans la soirée. J'en profite pour don<br />
ner à V. E. sur mon voyage quelques détails qui lui feront<br />
apprécier ma position chaque jour plus difficile.<br />
Dans une de mes dernières dépêches datées de Tanger,<br />
j'ai eu l'honneur de mander à V. E. que l'empereur avait<br />
donné des ordres dans toutes ses provinces pour faire trou<br />
ver de. nombreuses troupes sur ma route. J'acquiers chaque<br />
jour la preuve de l'exactitude de ce renseignement et l'em<br />
pereur attachant à cette démonstration toute militaire une<br />
intention bien évidemment politique, je dois rendre à V. E.<br />
compte de ce que je vois.<br />
Les deux premiers jours,<br />
ayant voyagé à travers la pro<br />
vince de Tanger qui est peu peuplée, nous n'avons pas vu<br />
beaucoup de troupes; mais en entrant dans la province de<br />
j'ai été reçu aux limites par le sous-gouverneur à<br />
Larache,<br />
la tête de i.ooo à 1.200 cavaliers qui ont couru la poudre;<br />
sur le lieu du campement,<br />
nous avons trouvé réunis encore<br />
près de 1.000 cavaliers et environ 3. 000 fantassins qui ont<br />
redoublé de tapage, de cris et de coups de fusil. Le sous-gou<br />
verneur et le caïd ont eu beaucoup de peine à nous faire<br />
ouvrir un passage surtout à travers cette multitude à pied<br />
qui nous tirait des coups de fusil dans les jambes de nos<br />
chevaux.
—<br />
— 481<br />
Ce matin, nous fumes escortés par 5oo de nos cavaliers<br />
qui furent joints en marchant par de nombreux détache<br />
ments et, en approchant de notre campement établi à une<br />
lieue en avant de Ksar, nous trouvâmes la hauteur couron<br />
née de 3.ooo hommes de cavalerie et de 5 à 6.000 d'infante<br />
rie. Quand il fallut traverser cette foule indisciplinée et<br />
iirant sur nous, la plus insigne confusion se mit partout.<br />
Les caïds tout troublés né pouvaient empêcher le désordre<br />
ni ces manifestations très hostiles; ils ne parvinrent à me<br />
préserver, ainsi que M. Delaporte, qu'en nous maintenant à<br />
grand peine au milieu d'eux sous leurs étendards. Je savais<br />
bien qu'ils répondaient de nous sur leurs têtes; mais nous<br />
étions assaillis par cette foule de plus de dix mille hommes<br />
qui, sous prétexte de tirer dans les jambes de nos chevaux,<br />
nous lâchaient leurs coups de fusil dans la figure. Mon<br />
domestique a eu la face toute brûlée. J'étais tellement irrité<br />
que j'ai eu vingt fois ma main sur mes pistolets ou sur<br />
mon sabre, mais je me rappelais le but de ma mission et<br />
je me considérais comme un vrai martyr de mes instructions<br />
et des recommandations du roi. J'aurai eu à faire preuve de<br />
plus de prudence et de modération dans cette route que je<br />
ne devrai en déployer à Méquinez.<br />
Il y a une heure que Mohamed ben Abdelmalek, com<br />
mandant en chef la cavalerie impériale,<br />
quinez envoyé par l'empereur,<br />
est arrivé de Mé<br />
pour me complimenter et<br />
m1<br />
escorter dans mon voyage. Je maudis ces honneurs et ces<br />
distinctions militaires hors de toute proportion avec ce qui<br />
s'est fait aux précédentes missions et dont le but est évident<br />
puisque toutes ces populations armées ont fait pour la plu<br />
part 6 et 7 journées de marche pour se trouver sur ma<br />
route,<br />
ce que j'ai vu très positivement, quoique les gou<br />
verneurs et les caïds me répètent sans cesse que ce sont les<br />
gens du pays que je traverse,<br />
prévenus seulement le matin<br />
même et qui me sont présentés comme la preuve du cas<br />
tout particulier que l'empereur fait du roi des Français et<br />
de son désir, en fêtant son envoyé, de<br />
harmonie entre les deux pays.<br />
maintenir la bonne<br />
31
— — 482<br />
Je suis aecablé chaque soir de présents en fusils, cous-<br />
coussou, motutons, vaches, volailles, etc., etc., qu'il me<br />
faut absolument payer bien au delà de leur valeur et que<br />
je ne puis cependant refuser. Abraham ben Chimol qui a<br />
fait onze missions et M. Delaporte qui a assisté à trois autres,<br />
n'ont rien vu de comparable à ces assommantes prévenan<br />
ces,<br />
ni au nombre des troupes. Plusieurs de ces chefs nous<br />
parlent de nos opérations récentes dans la province d'Oran<br />
et il est évident que nos succès sont la cause des honneurs<br />
dont on m'entoure.<br />
Du camp de Foyarah, le 22.<br />
Ma lettre n'ayant pu partir hier, je l'ai interrompue et<br />
je me décide à expédier moi-même aujourd'hui un courrier<br />
à Tanger parce que j'ai hâte d'informer V. E. du parti que<br />
j'ai cru devoir prendre à la suite des désordres sans pareils<br />
qui se sont renouvelés aujourd'hui et qui ont failli tout<br />
compromettre.<br />
Nous avons été 10 heures à cheval par une chaleur ex<br />
trême pour faire 5 lieues au milieu de populations en armes<br />
que je ne saurais évaluer à moins de 25.000 hommes, com<br />
posées surtout d'infanterie indisciplinée. Le pacha de la pro<br />
vince était venu à ma rencontre et me tenait à ses côtés.<br />
Malgré cela,<br />
cette foule se ruait à chaque moment et dans<br />
tous les sens sur nous. La confusion est devenue si effroya<br />
ble que le pacha a fait charger son escorte. Les balles sif<br />
flaient dans toutes les directions. Le pacha lui-même a reçu<br />
une bourre de fusil dans la figure. Il a mis le sabre à la<br />
main et a blessé plusieurs hommes devant moi.<br />
Après leur avoir prouvé pendant trois jours que leur<br />
tapage et leurs coups de fusil ne m'intimidaient pas, j'ai<br />
pris le parti de signifier au caïd de mon escorte et à l'envoyé<br />
de l'empereur que je me refusais à continuer ma route, s'ils<br />
ne prenaient l'engagement formel de m'épargner des dé<br />
monstrations qui pouvaient avoir les résultats les plus com<br />
promettants pour les deux gouvernements et que j'allais<br />
écrire à l'empereur pour lui en rendre compte.
— — 483<br />
Je crois, en cette circonstance, agir avec prudence, et que<br />
je serai approuvé de Voire Excellence en cherchant à éviter<br />
quelque accident qui compliquerait toutes nos relations avec<br />
ce pays et produirait un mauvais effet en Europe.<br />
Je prie Votre Excellence d'excuser les incorrections de<br />
cette lettre écrite sur mes genoux au bivouac.<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Méquinez, le 29 juillet 1836.<br />
Aussitôt mon arrivée en cette ville, le 2 7,, je m'empressai<br />
d'en donner avis à M. Méchain en le priant d'informer<br />
V. E. que j'avais enfin atteint le terme de mon voyage. Je<br />
l'avais également chargé de vous faire parvenir ma dépêche<br />
n°<br />
8 des 21 et 22 juillet par laquelle je rendais compte à<br />
V. E. des difficultés de ma route. Les protestations que j'ai<br />
dû faire se renouveler contre les démonstrations de plu<br />
sieurs tribus ne servirent qu'à me faire apporter d'humbles<br />
excuses des chefs dont l'impuissance était réelle et qui,<br />
pour apaiser,<br />
ensuite payer en présents.<br />
me donnaient des bœufs que je devais<br />
Plusieurs fois, nous courûmes, de véritables dangers, sur<br />
tout en abordant les Arabes d'une tribu des montagnes der<br />
nièrement en révolle et imposée par l'empereur à 5o.ooo du-
— 484 —<br />
cats. Ces gens sont exaspérés et nous chargèrent avec des<br />
cris de guerre et la baïonnette au bout du fusil. Ces incon<br />
vénients se prolongèrent jusqu'à notre entrée dans la mai<br />
son de Méquinez. L'empereur s'est empressé de me faire<br />
exprimer ses regrets de n'avoir pu m'épargner toutes les<br />
fatigues du voyage. Ces désordres paraissent inhérents à ce<br />
pays rempli de fanatisme,<br />
les condamne sans pouvoir les empêcher.<br />
et très certainement l'empereur<br />
Je ne fatiguerai pas V. E. du récit des honneurs qui m'ont<br />
été rendus et que le pacha me faisaient remarquer comme<br />
des distinctions sans exemple. Je me bornerai à lui dire que<br />
de nombreuses tribus et toute la population de la ville cou<br />
vraient les environs et les rues. Toute la garde impériale<br />
était en bataille sur mon chemin et faisait de continuelles<br />
décharges,<br />
ses trente étendards me précédant. Le ministre<br />
Biaz est venu à ma rencontre à quelque distance de la ville,<br />
m'apportant de la part de l'empereur des paroles pleines de<br />
bienveillance. En entrant dans les murs de Méquinez, le<br />
favori de l'empereur, grand-maître du palais,<br />
me reçut au<br />
nom de son maîtie. En passant sur la place du palais, on<br />
me fit remarquer l'empereur qui regardait à travers une<br />
petite lucarne grillée. Maintenant nous sommes enfermés<br />
dans une maison sans jours extérieurs et dont la porte de la<br />
terrasse a été murée. Vingt soldats nous gardent à vue, car<br />
dans l'intérieur de ce pays, les Européens sont traités<br />
comme en Chine. A mes trois derniers campements, j'avais<br />
reçu chaque soir la visite de deux caïds de l'empereur en<br />
voyés pour s'informer de ma santé et me porter ses compli<br />
ments. En résumé,<br />
d'hommes à cheval et à pied,<br />
j'ai vu pendant ce voyage des milliers<br />
peut-être très braves, mais<br />
très mal armés, sans aucune discipline et tout à fait igno<br />
rants des plus simples manœuvres.<br />
J'apprends que le ministre Biaz est désigné pour traiter<br />
avec moi et que l'empereur a fixé mon audience à demain.<br />
Je dois dire à V. E. que M. Delaporte, qu'elle a attaché à<br />
ma mission, montre beaucoup de constance à supporter les<br />
fatigues et les dangers d'un voyage que l'excessive chaleur
— — 485<br />
rend vraiment bien pénible pour un homme de l'âge de<br />
M. Delaporte.<br />
PS. —<br />
J'ai<br />
omis de dire à V. E. qu'il serait bien impor<br />
tant qu'elle consentît à donner des ordres pour que les pri<br />
sonniers marocains, les papiers trouvés sur les tués ou toute<br />
preuve qu'on pourrait recueillir de la connivence du Maroc,<br />
soient immédiatement envoyés de la province d'Oran à<br />
notre consul général à Tanger.<br />
10<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Méquinez, le 30 juillet 1836.<br />
J'ai l'honneur de rendre compte à V. E. que l'empereur<br />
m'a reçu ce matin en audience solennelle. Je lui ai adressé<br />
les paroles suivantes :<br />
« Sire, le Boi de- France<br />
m'envoie'<br />
près de Votre Majesté<br />
pour lui apporter les assurances de son sincère attachement<br />
et lui exprimer les désirs de maintenir les relations de paix<br />
que les traités ont établies entre la France et Je Maroc; mais<br />
en même temps, je suis chargé de parler des griefs du<br />
Gouvernement français contre des sujets de V. M., de trai<br />
tés et de plusieurs<br />
affaires importantes. Je rends grâces à<br />
Dieu que mon souverain m'ait choisi pour remplir cette
— — 486<br />
mission, du succès de laquelle dépend le maintien de la<br />
paix entre les deux Etats ».<br />
L'empereur a répondu qu'il ne demandait pas mieux que<br />
de maintenir la bonne amitié qui existait entre ses illustres<br />
ancêtres et la France, qu'il voulait l'augmenter encore et<br />
faire même plus que les traités ne l'expriment, que toutes<br />
les plaintes que<br />
i"<br />
étais chargé de porter seraient écoutées<br />
et que les affaires que j'avais à traiter se termineraient à ma<br />
satisfaction; que souvent, (lui-même, dans son désir de<br />
maintenir la bonne intelligence,<br />
affaires<br />
avait laissé tomber certaines<br />
qu'il'<br />
aurait été en droit de faire discuter; que, sa<br />
chant que le roi de France avait choisi une personne douée<br />
de prudence et de capacité, il avait choisi de son côté son<br />
ministre Bias qui a toute sa confiance et avec lequel je pour<br />
rais conférer soit par écrit,<br />
soit de vive voix, et, comme<br />
témoignage de haute considération pour mon souverain et<br />
du cas qu'il fait de son envoyé, il m'invitait à visiter les<br />
appartements de son palais et ses jardins.<br />
Après cette risposte, l'empereur s'éloigna et je fus immé<br />
diatement conduit dans l'intérieur du palais dont on me<br />
fit voir les vastes et délabrés appartements. Comme faveur<br />
insigne, on m'introduisit dans la chambre à coucher de<br />
l'empereur, et de là, escorté par deux eunuques noirs, ac<br />
compagné seulement de M. Delaporte et du ministre Bias,<br />
on me fit entrer dans une vaste cour intérieure dont le<br />
centre est occupé par un grand bassin où l'empereur fait<br />
lutter et baigner devant lui ses femmes. Le ministre Bias<br />
entrait en ce lieu pour la première fois et jamais chrétien<br />
n'y<br />
avait mis les pieds. Les femmes nous regardaient der<br />
rière les jalousies. Je visitai ensuite à cheval une partie des<br />
immenses jardins, toujours escorté des principaux officiers<br />
du palais et du ministre Bias qui me reconduisirent jusqu'à<br />
mon logement en me félicitant de ce témoignage sans exem<br />
ple de la bienveillance de leur maître.<br />
V. E. remarquera dans la réponse de l'empereur une<br />
phrase qui m'annonce des difficultés dans la discussion avec<br />
son ministre. On me les avait déjà fait pressentir depuis
— 487<br />
mon arrivée ici et le mauvais effet qu'a produit l'absence de<br />
présents d'usage sur l'empereur et toute sa suite viendra les<br />
augmenter. Je vois que je ne pourrai m'en tirer qu'en me<br />
faisant menaçant, tout en restant cependant dans l'esprit<br />
des instructions de V. E.<br />
J'ai reçu hier soir de M. le Consul général à Tanger la<br />
copie d'une lettre à lui adressée par V. S et où il lui est<br />
recommandé de profiter de ma mission au Maroc et de se<br />
concerter avec moi pour entamer une négociation relative à<br />
l'extraction des bœufs pour notre armée d'Afrique aux mê<br />
mes conditions que les Anglais.<br />
Je partage l'opinion de M. le Consul sur les difficultés<br />
que présente une telle négociation. 11 me mande que le<br />
traité des Anglais pèse beaucoup aux empereurs du Maroc,<br />
qu'il n'a été obtenu que par de riches présents et que ce<br />
n'est que par des sacrifices pécuniaires plus ou moins consi<br />
dérables que les gouverneurs de Gibraltar parviennent à le<br />
maintenir. V. E. jugera que les limites qui ont été posées<br />
pour ma mission sont bien loin de servir cette nouvelle né<br />
gociation et,<br />
pour obtenir cette concession dans un pays où<br />
toutes les affaires se traitent avec de l'argent,<br />
il eût fallu se<br />
résoudre à l'acheter à beaux deniers comptants. Je verrai<br />
cependant à la tournure que vont prendre mes conférences<br />
avec le ministre Biaz ce que je pourrai tenter à cet égard.<br />
J'agirai avec circonspection,<br />
afin de ne pas compromettre<br />
cette négociation importante par des démarches précipitées<br />
et laisser à M. le Consul général les moyens de saisir l'op<br />
portunité.<br />
J'ai également reçu une lettre du juillet du général<br />
Bapatel, gouverneur par intérim à Alger, qui me demande<br />
de réclamer Mohamed ben Hussein que nous avions, en<br />
avril dernier, installé bey<br />
de Médéa et qu'Abd el Kader a<br />
envoyé en présent à l'empereur. Je savais le sort de Moha<br />
med et je n'avais pas attendu la lettre du général Bapatel<br />
pour faire prendre ici des renseignements sur lui. Il paraît<br />
qu'il a été renvoyé par l'empereur à Abd el Kader,<br />
que l'em<br />
pereur croit par là avoir évité de se compromettre vis-à-vis
— 488 —<br />
de nous. Si ce renseignement est exact, je ferai de vifs<br />
reproches à Biaz de n'avoir pas fait mettre en liberté un<br />
sujet français qu'il devait envoyer à notre consul au lieu de<br />
le faire reconduire à Abd el Kader dont il ne doit point<br />
reconnaître l'existence politique. Un autre dire sur Moha<br />
med me ferait crainere que,<br />
conduit prisonnier dernière<br />
ment à Babat empereur s'y trouvait, il ne lui ait<br />
fait couper la tête. ■> espère que ce renseignement est inexact.<br />
Je vais chercher à connaître la vérité, mais indirectement,<br />
parce qu'il pourrait devenir bien grave de la constater.<br />
//<br />
Le lieutenant-colonel de La Rue<br />
au Ministre des Affaires Etrangères<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tanger, le 17 août 1836.<br />
J'ai l'honneur d'adresser à V. E. la traduction de la ré<br />
ponse de l'empereur Abd er Bahman et de la note de son<br />
ministre Biaz dont je porterai moi-même les originaux à<br />
Paris.<br />
n°<br />
Dans ma dépêche n de Méquinez, je me suis empressé<br />
d'annoncer la conclusion de la négociation qui avait été<br />
confiée à mes soins. Je crois devoir aujourd'hui rendre*<br />
compte à V. E. avec quelques détails de la marche qu'elle<br />
a suivie,<br />
juger1<br />
ce qui la mettra à même de si je me suis
— — 489<br />
conformé à ses instructions et si j'ai convenablement rem<br />
pli ses intentions.<br />
Les premières communications avec le ministre Biaz<br />
paraissaient annoncer une conclusion facile et prompte. Je<br />
la pressais par d'instantes démarches, répétant que pour<br />
moi les heures étaient des jours. En ;<br />
"<br />
/ .équence, je dus<br />
me rendre chez le ministre Biaz, au p;w , pour y prendre<br />
connaissance de la minute de la lettia de l'empereur en<br />
réponse à celle du'<br />
roi. Elle me fut lue par le premier secré<br />
taire du commandement de l'empereur et mon étonnement<br />
fut grand d'entendre une lettre- qui ne contenait que des<br />
compliments mystiques et éludait toutes nos réclamations<br />
sans même accréditer le ministre Biaz qui prétendait que les<br />
explications verbales données par lui sur nos demandes<br />
devaient suffire. 11 devenait évident que l'on cherchait à<br />
éluder nos demandes et que, selon les habitudes, ils vou<br />
laient, en gagnant du temps, lasser ma patience el essayer<br />
de rendre ma mission illusoire. Chaque matin, le ministre<br />
Biaz avait pris soin de me faire répéter que je serais con<br />
tent, que tout se terminerait à ma satisfaction,<br />
était loin de répondre à ces assurances.<br />
-et le résultat<br />
J'exprimai alors tout mon mécontentement avec une<br />
grande chaleur; je déclarai qu'il me fallait une réponse<br />
précise et détaillée,<br />
que j'avais l'ordre formel de l'exiger,<br />
que les résolutions alternatives de mon Gouvernement en<br />
seraient la conséquence,<br />
qu'il ne fallait pas que l'empereur<br />
et ses ministres se méprissent sur le but et l'importance de<br />
ma mission;<br />
qu'il en devrait sortir ou la paix ou la guerre;<br />
que je demandais une réponse de l'empereur à chacun<br />
des articles contenus dans celle de mon souverain et aux<br />
diverses demandes dont j'avais remis la note écrite et signée<br />
à son ministre, et,<br />
comme le secrétaire des commandements<br />
se jetait à chaque instant à travers la discussion pour dire<br />
que je ne devais pas douter des intentions du sultan et que<br />
tout se terminerait à ma satisfaction, je vis qu'il fallait<br />
redoubler d'énergie,<br />
rendue par lui à l'empereur.<br />
persuadé que cette conférence serait
— — 400<br />
En conséquence, je cherchai,<br />
ainsi que l'avaient prévu<br />
mes instructions, à faire apprécier la situation respective<br />
des deux puissances et nos moyens d'action en tout genre<br />
si supérieurs aux leurs. Je présentai même Abd el Kader<br />
comme pouvant devenir pour nous un moyen très dange<br />
reux contre l'empereur. Cela me mit enfin dans le cas de<br />
leur dire des choses qui devaient faire impression sur leur<br />
esprit, et, comme je le faisais avec chaleur pour que mes<br />
paroles ne perdissent rien de leur effet sur la traduction<br />
souvent mitigée, Biaz en fit la remarque. Je lui répondis<br />
que j'avais acquis le droit d'insister vivement sur l'objet de<br />
ma mission,<br />
parce que je leur avais donné la preuve de ma<br />
modération personnelle et de mon désir sincère de conci<br />
liation, en ne portant point de plaintes officielles des dé<br />
monstrations de quelques-unes de leurs tribus à mon pas<br />
sage parmi elles. Le secrétaire du commandement reprit<br />
que l'empereur m'en avait su gré. Je terminai alors cette<br />
conférence en annonçant que j'attendais avec impatience<br />
de connaître la résolution de l'empereur. Le ministre Biaz<br />
prétendit que,<br />
pour des affaires aussi graves, on devait pren<br />
dre des mois entiers de réflexion et il argua du passé com<br />
paré à la rapidité avec laquelle ma mission avait marché.<br />
J'insistai de nouveau en disant que ce n'était point une<br />
faveur que j'étais venu solliciter, mais une réponse que je<br />
demandais et que je priais qu'on me la fît connaître le len<br />
demain soir.<br />
En effet, dès le lendemain matin, le secrétaire du com<br />
mandement vint me dire que la lettre de l'empereur serait<br />
telle- que je la demandais, que le ministre Biaz serait accré<br />
dité dans cette lettre et qu'il me donnerait par écrit satis<br />
faction aux diverses demandes dont je lui avais remis la<br />
note. Sur l'insistance que je mettais à ce que l'empereur<br />
répondît lui-même à ces demandes, il me fut dit que l'éti<br />
quette s'opposait à ce que l'empereur répondît personnelle<br />
ment à ce qui n'était pas dans la lettre du roi, mais que son<br />
ministre Biaz serait accrédité dans sa réponse,<br />
comme je
— 491 —<br />
l'étais moi-même dans la lettre de mon souverain. Je ne<br />
crus pas devoir insister davantage sur ce point.<br />
Je reçus dans la journée la note signée du ministre Biaz<br />
et le soir même la lettre de l'empereur me fut remise (i).<br />
Dans cette dernière conférence, le ministre Biaz et le secré<br />
taire du commandement avaient été chargés par l'empereur<br />
de me dire que je devais donner au roi l'assurance formelle<br />
que la nation française était pour lui la première nation du<br />
monde et que si, sous ses ancêtres, l'Espagne avait été la<br />
nation la plus aimée et la plus favorisée au Maroc, il voulait<br />
qu'à l'avenir ce fût la France.<br />
Dès les premières conférences, j'avais eu soin d'écarter el<br />
de renvoyer à l'intervention de notre consul des réclama<br />
tions relatives à des négociants marocains dépouillés à<br />
Tlemcen et à l'arrestation récente à Alger d'un négociant<br />
de Fez conduit à la citadelle de Bône. L'empereur demande<br />
que, si cet homme est reconnu coupable,<br />
il lui soit renvoyé<br />
chargé de fers; il promet d'en faire prompte justice. Il est,<br />
je crois, à désirer que V. E. veuille lui donner des ordres en<br />
conséquence, persuadé que je suis du bon effet que cet<br />
exemple produirait au Maroc et que la punition serait très<br />
certainement plus sévère que si elle était fixée et appliquée<br />
par nous.<br />
Pendant mon voyage dans l'intérieur, le vaisseau Le Sci<br />
pion a croisé sur les côtes de l'Océan et s'est montré devant<br />
le port de Larache,<br />
ce qui a produit un bon effet.<br />
Je quitte Tanger ce soir, laissant M. Delaporte au lit et<br />
fort souffrant par suite des fatigues de notre voyage. Je ne<br />
terminerai pas cette dernière dépêche sans appeler l'intérêt<br />
et la justice de V. E. sur Abraham ben Chimol, consul inter<br />
prête du consulat,<br />
qui m'a été de la plus grande utilité pen<br />
dant le voyage et à Méquinez et qui n'a pas craint, lui, Juif<br />
et sujet de- l'empereur,<br />
ayant des intérêts commerciaux en<br />
gagés, de compromettre l'avenir de ces relations avec son<br />
(1) V. ci-après, Appendices<br />
n°<br />
12 et 13.
— — 492<br />
gouvernement, en servant avec zèle et hardiesse ma mission<br />
dans tous ses détails, et en transmettant toutes mes paroles<br />
souvent acerbes au ministre Biaz. Je me joins à M. Méchain<br />
pour solliciter une amélioration à la position de cet homme<br />
vraiment indispensable au consulat.<br />
J'ai la satisfaction d'annoncer à V. E. que je suis resté<br />
au-dessous du chiffre fixé pour les dépenses de ma mission.<br />
Je crois donc l'avoir conduite avec autant d'économie et de<br />
promptitude que possible, puisque, moins de deux mois<br />
après la remise de vos instructions à Paris, j'avais tout ter<br />
miné à Méquinez; il me reste à savoir si j'ai fait à votre<br />
gatisfaction.<br />
Avant de quitter Méquinez, j'ai fait accorder sans autres<br />
frais ni cadeaux l'exéquatur de M. Delaporte pour le consu<br />
lat de Mogador. J'ai aussi fait donner par l'empereur l'ordre<br />
écrit au pacha de Tanger de permettre l'embarquement de<br />
rafraîchissements et de viande sur pied pour ceux de nos<br />
bâtiments de guerre qui relâcheront à Tanger.<br />
Je vais m'occuper à mettre en ordre des notes prises pen<br />
dant mon voyage dans l'intérieur,<br />
sur ce pays envisagé<br />
militairement. Si V. E. pense que cela puisse être de quel<br />
que intérêt pour son ministère, j'aurai l'honneur de lui<br />
remettre ce rapport à mon retour à Paris.<br />
Je suis chargé par notre consul général de plusieurs com<br />
munications verbales pour V. E.
— — 493<br />
12<br />
Réponse d'Ettayeb el Biaz, serviteur de Sa Majesté<br />
aux demandes que lui a remises l'envoyé de la France (1)<br />
(Arch. Guerre)<br />
6 août 1836.<br />
Demande : « S. M. Abd er Bahman ne se mêlera en rien<br />
des affaires des contrées qui sont en rébellion contre la<br />
France en quelque temps que soit,<br />
et quelques puissent être<br />
les chances favorables ou défavorables dans la lutte entre<br />
eux et les Français, et die conservera toujours la neutra<br />
lité ».<br />
Réponse : « L'empereur de Maroc n'a aucun intérêt ni<br />
aucun motif de se mêler dans les affaires des contrées en<br />
rébellion contre vous,<br />
soit que les chances de la lutte entre<br />
eux et vous soient ou non favorables et pour ne pas rester<br />
neutre. S. M. étant entièrement étrangère pour ceux dont<br />
elle n'a pas besoin,<br />
comment aurait-elle de l'affection et de<br />
la considération pour ceux dont elle n'a à attendre aucun<br />
avantage ? Cela ne peut être ».<br />
Demande : « S. M. donnera les ordres de publier dans<br />
ses Etats, plaines, montagnes, dans tous les ports, etc.,<br />
d'une manière positive, la défense d'aider Abd el Kader, de<br />
lui donner aucun secours en armes, gens, chevaux, argent,<br />
munitions de guerre,<br />
par ses Etats ».<br />
(1) V. ci-dessus, Appendice<br />
et en interdira le transit ou la sortie<br />
n'<br />
11.
— — 494<br />
Réponse : « La parole de S. M. de punir rigoureusement<br />
et même de la vie, ceux qui oseraient se permettre un tel<br />
délit,<br />
a une force plus puissante que toutes les proclamations<br />
que l'on pourrait faire. Quel avantage peut retirer S. M. de<br />
secours en munitions qu'elle fournirait à Abd el Kader ?<br />
A-t-elle des idées de conquête sur la Bégence ? En a-t-elle<br />
le moindre besoin ? A plusieurs reprises on lui a répété<br />
l'offre que l'on en avait faite à son prédécesseur. Elle l'a<br />
repoussée. Lassés de ses refus, ceux qui la lui ont faite ont<br />
cessé leurs instances. Jamais cela n'aura lieu et jamais elle<br />
ne permettra la sortie par ses Etats des articles dont vous<br />
faites mention, à moins que, malgré toute la surveillance<br />
qu'elle ordonne, cela n'ait lieu par le moyen de la contre<br />
bande. Si la surveillance contre la contrebande est difficile<br />
dans un port, dans un espace resserré, à plus forte raison<br />
doit-elle l'être dans un pays d'une aussi vaste étendue que<br />
les Etats de S. M. Faites bonne garde,<br />
vous qui êtes entre<br />
Abd el Kader et nous. Punissez tous ceux que vous trou<br />
verez en contravention des peines attachées au délit de la<br />
contrebande et nous de notre côté nous châtierons rigou<br />
reusement les contrebandiers que l'on nous fera connaître ».<br />
Demande : S. M. s'engagera à punir sévèrement ceux<br />
qui, à cet égard,<br />
contreviendront à ses ordres ».<br />
Réponse : « 11 n'y a nul doute à cela et c'est même indis<br />
pensable. Nous sommes ses sujets et quel est celui de nous<br />
qui oserait désobéir à ses ordres, à ses intentions ou même<br />
s'y associer ? Nous nous soumettons aveuglément à ce que<br />
S. M. ordonne comme à ce qu'elle défend ».<br />
Demande : « S. M. s'engagera à ne recevoir aucune dépu-<br />
tation,<br />
aucun envoyé ».<br />
Réponse : >. S. M. est un souverain. Les souverains reçoi<br />
vent tous les jours des députations, des dépêches de leurs<br />
amis comme de leurs ennemis. Les lettres demandent des<br />
réponses. Ce que l'on doit faire en pareil cas se mesure aux<br />
repousfaits,<br />
non aux paroles. Comment S. M. pourrait-elle
—<br />
— 495<br />
ser un fugitif ? Qui viendrait en suppliant réclamer la pro<br />
tection de son illustre drapeau P Le faire serait heurter tou<br />
tes les règles, à moins qu'il ne vînt demander des secours<br />
et qu'on les lui prêtât; mais celui qui vient supplier ne peut<br />
être repoussé et ne doit pas l'être.<br />
« En un mot, nous observons la teneur des traités de<br />
paix, de bonne harmonie et d'égards qui existent entre les<br />
deux gouvernements ».<br />
Demande : « S. M. n'accueillera pas le renouvellement<br />
des mauvais traitements et du scandale odieux qui ont eu<br />
lieu, de prisonniers français envoyés à S. M. par les rebelles<br />
à notre autorité et promenés en spectacle au milieu des<br />
injures dans les marchés et à travers les tribus ».<br />
Réponse : Ceci est une imposture manifeste ou une ruse<br />
maligne inventée à plaisir par la malveillance pour troubler<br />
la bonne harmonie qui subsiste si heureusement entre nous<br />
et pour souffler le feu de la discorde. Elle voudrait, en exci<br />
tant un conflit entre nous, se mettre à l'abri et s'établir,<br />
tranquille observatrice de nos démêlés; mais s'il plaît à Dieu,<br />
elle ne réussira pas dans ses desseins.<br />
Celui qui vous a fait le rapport que l'on ait injurié de vos<br />
prisonniers et qu'ils aient été la risée de qui que ce soit est<br />
un trompeur qui ne cherche qu'à brouiller les deux gou<br />
vernements et à les indisposer l'un contre l'autre.<br />
Des Français se sont présentés, il est vrai, à S. M., S. M.<br />
les a accueillis, bien traités et les a laissés en liberté. Ils se<br />
sont fait ensuite mahométans sans y être ni contraints, ni<br />
forcés et se sont retirés sans que nous sachions ce- qu'ils<br />
sont devenus,<br />
s'ils sont retournés chez vous ou non. Quel<br />
avantage avons-nous à espérer de leur apostasie ?<br />
Il s'est trouvé avec eux une chrétienne qui a témoigné le<br />
désir de regagner sa patrie. S. M. l'a envoyée immédiate<br />
ment au consul en vertu des traités cimentés entre les ancê<br />
tres de S. M. et ceux de votre souverain,<br />
religieuse observatrice, sans permettre qu'il y<br />
moindre innovation ».<br />
dont S. M. est<br />
soit fait la
— — 496<br />
n<br />
Réponse de l'Empereur du Maroc<br />
à la lettre de S. M. le Roi des Français (1)<br />
(Arch. Guerre)<br />
7 août 1836.<br />
Grâces soient rendues au Dieu qui est unique, de la part<br />
du serviteur de Dieu qui se confie en sa divine providence,<br />
qui se soumet à ses décrets, soit qu'il les fasse connaître ou<br />
veuille les tenir cachés,<br />
qui se résigne à sa volonté et le<br />
prend pour appui, c'est-à-dire (ici dans l'original doit<br />
être le sceau de l'empereur) à celui qui lui porte une amitié<br />
appuyée sur des bases solides et des témoignages incontes<br />
tables, Louis-Philippe,<br />
gouvernement de ses Etats.<br />
Ensuite :<br />
que Dieu assiste et protège dans le<br />
Nous avons reçu la lettre que vous nous avez adressée<br />
et en avons bien saisi le sens. Vous comptez sur notre ami<br />
tié et notre désir de maintenir la paix et la bonne intelli<br />
gence qui existent entre nous,<br />
et que rien n'a plus de prix<br />
auprès de vous. Nous partageons les mêmes sentiments que<br />
le temps ne peut que corroborer. Nous observons, comme<br />
nous devons le faire, la teneur des traités dont nos ancêtres<br />
(d'heureuse mémoire) ont posé les bases.<br />
Vous vous plaignez d'avoir trouvé, dans les rangs de ceux<br />
que vous combattez sur les terres d'Alger,<br />
(1) V ci-dessus, Appendice n"<br />
11.<br />
grand nombre
— — 497<br />
de nos sujets. Veuillez cependant remarquer qu'il ne s'en<br />
est trouvé aucun. Nous avons fait prendre par des émissai<br />
res, que nous avons envoyés à ce sujet, des renseignements<br />
qui tous s'accordent à prouver qu'aucun de nos sujets n'a<br />
fait partie de vos ennemis.<br />
Les rapports qui vous ont été faits à ce sujet sont entière<br />
ment faux sans l'ombre de la moindre réalité. Vous ne<br />
devez pas leur porter la plus légère attention ni ajouter foi<br />
à ceux qui les font. Nous préserve Dieu que pareille chose<br />
arrive dans nos Etats,<br />
que nous gardions le silence et que<br />
nous ne châtions pas les coupables 1 Des délits de ce genre<br />
sont punis ici de la peine capitale. Si quelqu'un des gouver<br />
neurs dépendant de notre autorité, tels que El Arbi El Kebir<br />
qui commande à Oudjda ou le cheick Bôu Zian s'étaient<br />
permis sur le territoire de la Bégence ce dont vous vous<br />
plaignez,<br />
nous les aurions destitués de leurs gouvernements<br />
et punis exemplairement. Ceux contre lesquels vous sont<br />
parvenus les mauvais rapports dont vous vous plaignez sont<br />
des Arabes voleurs tels que ceux qui errent dans les plaines<br />
désertes du Sahara et contre lesquels notre autorité n'a au<br />
cune force. Ils ont pu être soumis autrefois à nos ancêtres,<br />
mais aujourd'hui notre pouvoir ne peut les atteindre.<br />
Quant à la garantie que vous nous demandez, la divinité<br />
seule est garante entre nous, c'est la plus sûre des garanties.<br />
Peut-on se rendre caution de gens qu'on ne peut atteindre,<br />
ou répondre de gens insaisissables, comme ces Arabes qui,<br />
comme nous venons de l'exposer, errent dans des déserts<br />
sans eau,<br />
exposés aux horreurs de la soif ? Quant à nous,<br />
nous ne pouvons absolument rien contre eux.<br />
Le baron de la Bue,<br />
votre envoyé, est arrivée à notre cour.<br />
Nous avons reconnu en lui toutes les qualités indiquées dans<br />
votre lettre : honneur, jugement,<br />
de telles<br />
grandeur d'âme. Ce sont<br />
personnes qu'il convient de charger de missions<br />
semblables à la sienne.<br />
Il nous a<br />
pour nous,<br />
communiqué les demandes dont il était porteur<br />
de votre part, et, vu l'amitié pure et durable -qui<br />
existe entre les deux Etats, nous y<br />
avons répondu par l'in-<br />
33
termédiaire de notre caïd Ellayeb El Biaz, charge de nos<br />
pouvoirs à cet effet. Fait le 22 de la lune de Babijn, second<br />
l'an I2Ô2 (6 août i836).<br />
Pour traduction de l'idiome arabe sur la minute remise<br />
par le secrétaire des commandements de l'empereur, le<br />
6 août i836.
APPENDICE II<br />
Correspondance du Général BUGEAUD<br />
commandant des troupes dans la province d'Oran<br />
(23 Mai 11 Novembre 1836)
501 —<br />
14<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre et Arch. Gouv. Gén. E07)<br />
Parié, le 23 mai 1836.<br />
Je vous ai déjà informé que l'intention du roi est que<br />
vous partiez sur-le-champ de Paris, pour vous rendre en<br />
poste à Toulon, d'où vous serez transporté à Oran, et de là<br />
jusqu'à l'embouchure de la Tafna, où le général d'Arlanges<br />
s'est rendu avec une colonne de troupes, pour y faire un<br />
établissement destiné à faciliter les communications entre<br />
l'île de Bachgoun et Tlemcen. A votre arrivée au poste de<br />
la Tafna,<br />
vous prendrez le commandement des troupes qui<br />
s'y trouvent, ainsi que de celles qu'on y<br />
envoie en ce mo<br />
ment; le général d'Arlanges sera sous vos ordres. Pour les<br />
opérations dont vous êtes chargé, il a environ 2.000 hom<br />
mes d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie avec lui; et il<br />
va recevoir sous quelques jours,<br />
un renfort de 4-5oo hom<br />
mes (2 régiments de la division des Pyrénées-Orientales :<br />
23'<br />
et 24°<br />
de ligne,<br />
et un régiment de la 8°<br />
général commandant cette division a dû désigner).<br />
division que le<br />
Vous nous ferez rendre compte de la situation politique et<br />
militaire du général d'Arlanges, ainsi que des rassemble<br />
ments d'indigènes qui se sont formés autour de lui. Vous<br />
examinerez l'état des travaux défensifs exécutés à l'embou<br />
chure de la Tafna; et,<br />
après avoir mis les troupes que vous<br />
laisserez à la garde de ce poste en état de; Résister victorieu<br />
sement à toute entreprise des Arabes ouffe J&byles, vous
— — 502<br />
marcherez sur Tlemcen avec toutes vos forces pour y arri<br />
ver sans rien compromettre.<br />
Dans votre marche sur cette place, vous battrez les Arabes<br />
et autres troupes qui chercheraient à s'opposer à votre mou<br />
vement. Le mauvais vouloir de la puissance voisine (le<br />
Maroc) rendant provisoirement nécessaire l'occupation de<br />
Tlemcen, et le conseil présidé par le roi le 22 de ce mois<br />
ayant pensé que cette occupation importait aux intérêts de<br />
la France et à la sûreté de la colonie,<br />
vous ferez les dispo<br />
sitions nécessaires pour détruire autant que possible Abd el<br />
Kader et le mettre hors d'état de rien entreprendre désor<br />
mais contre nous.<br />
Lorsque vous serez arrivé à Tlemcen, vous examinerez si<br />
les forts sont en état de résister aux attaques des Arabes, et<br />
si nos troupes (nationaux et auxiliaires) peuvent s'y mainte<br />
nir.<br />
Toutefois la place de Tlemcen ne doit être gardée que par<br />
la garnison actuelle; vous n'aurez pas à y<br />
troupes.<br />
laisser d'autres<br />
Lorsque vous aurez pris les mesures nécessaires pour la<br />
sûreté des forces qui se trouvent aujourd'hui à Tlemcen,<br />
ainsi que pour la conservation du fort de la Tafna, vous<br />
rentrerez à Oran avec vos troupes par celle des routes qui<br />
vous offrira le plus de sûreté pour vos opérations.<br />
Vous me rendrez compte successivement de la marche de,<br />
vos opérations et je vous adresserai les ordres ultérieurs du<br />
Gouvernement du roi.
— 503<br />
15<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Marseille, le 25 mai 1836.<br />
Je suis arrivé ici à deux heures de l'après-midi et j'ai vu<br />
à l'instant M. le général Beurmann et le préfet maritime<br />
ou commissaire de la Marine. Le premier m'a appris que les<br />
deux bataillons du 62° qu'il a désignés pour s'embarquer<br />
ne pourraient partir que samedi, qu'un vaisseau et une fré<br />
gate doivent venir les prendre en rade et que l'embarque<br />
ment commencera demain. Le commissaire m'a dit qu'il<br />
doutait qu'il y eût à Toulon un bateau à vapeur disponible<br />
pour me faire partir demain matin. Ces diverses circons<br />
tances m'ont déterminé à m'embarquer ici avec le 620 Je<br />
toucherai à Oran pour y concerter les approvisionnements<br />
des troupes en vivres, munitions et transports, et aussi pour<br />
charger le commandement de répandre dans le pays des<br />
bruits qui puissent donner le change à l'ennemi sur nos<br />
projets ultérieurs.<br />
Je fus bien désespéré, Monsieur le Maréchal,<br />
moment de partir, je reconnus que j'avais<br />
quand au<br />
perdu mes ins<br />
tructions. Je crois les avoir laissé tomber à la Chambre des<br />
Députés. J'espère que déjà vous m'en avez expédié un<br />
duplicata,<br />
avoir omis.<br />
auquel vous aurez joint ce que vous pourriez<br />
Vous ne me dites pas comment je correspondrai avec<br />
Vous,<br />
si vous avez pris des mesures pour avoir une corres<br />
pondance directe avec Bachgoun ou bien par Oran, qui<br />
correspond avec Bachgoun.<br />
'<br />
v':
— 504-<br />
Du reste, je me rappelle de tout ce qu'il y a d'essentiel<br />
dans vos instructions.<br />
L'amiral Hugon n'a point encore passé pour aller em<br />
barquer les bataillons de Port-Vendres. J'arriverai '<br />
donc<br />
bien avant lui à la Tafna et je crains bien que je serai plu<br />
sieurs jours sans pouvoir agir.<br />
P S. —<br />
du 62e.<br />
Je vais avec le général Beurmann passer la revue<br />
16<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Marseille, le 27 mai 1836.<br />
Je pense qu'on a fait demander des explications à l'empe<br />
reur de Maroc sur les bruits de secours qu'il aurait donnés<br />
à Abd el Kader; on ne saurait trop<br />
tôt l'intimider. J'ai vu<br />
le 62"; il est plein de bonne volonté et de conf.aice; c'est<br />
l'élément du succès. Malheureusement, il a renvoyé une<br />
partie de ses congés illimités. Il n'y aura que i.3oo com<br />
battants. Je pense qu'il en sera de même des troupes de<br />
Port-Vendres. J'ai écrit à Alger et à Oran. Je presse Oran<br />
de m'envoyer de l'artillerie,<br />
et du biscuit.<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
des munitions, des transports
505 —<br />
/7<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Paris, le 27 mai 1836..<br />
En réponse à votre dépêche télégraphique d'aujourd'hui,<br />
je vous annonce qu'on va envoyer à Maroc :<br />
Le Scipion et La Ville-de-Marseille ont mis à la voile de<br />
Port-Vendres hier 26 mai, avec 2.108 sous-officiers et sol<br />
dats et 78 officiers.<br />
Le Nestor embarque son complément de troupes; il por<br />
tera g54 sous-officiers et soldats et 34 officiers.<br />
Ce qui donne en totalité 112 officiers et 3.062 sous-offi<br />
ciers et soldats embarqués sur ce point.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
506<br />
18<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Marseille,<br />
le 27 mai 1836.<br />
Le Santi-Petri et L'Herminie ont ordre de débarquer les<br />
troupes à Oran. A-t-on changé de dessein, ou est-ce un qui<br />
proquo ? J'ai déclaré aux commandants qu'à moins d'or<br />
dres nouveaux,<br />
nous allions à la Tafna.<br />
Ne devant partir de la rade de Marseille que demain à<br />
midi,<br />
j'aurai le temps de voir votre réponse. Je ferai croi<br />
ser pour chercher les vaisseaux de Port-Vendres, s'ils ne<br />
sont pas devant Oran avant nous, et on les dirigera par<br />
la Tafna.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
62e<br />
— — 507<br />
19<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Marseille, le 28 mai 1836.<br />
Je reçois à l'instant votre dépêche de ce matin. Tout le<br />
est embarqué; il est d'une joie parfaite. Les congés<br />
illimités retenus n'ont fait entendre aucune réclamation;<br />
ils sont aussi bien disposés que les autres et montrent le<br />
meilleur esprit militaire. Je me crois revenu aux plus<br />
beaux jours de l'Empire. Nous attendons les souliers et les<br />
bagages du régiment.<br />
(1) Dépèche télégraphique.
508<br />
m<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Paris, le 28 mai 1836.<br />
Bien n'est changé : toutes les troupes doivent être trans<br />
portées directement et débarquées à l'embouchure de la<br />
Tafna. Les vaisseaux qui portent les 3.062 hommes partis<br />
de Port-Vendres le 26 mai sont dirigés sur la Tafna. Le<br />
Santi-Petri et L'Herminie doivent s'y rendre de même et<br />
sans toucher à Oran.<br />
Vos instructions ont été retrouvées et je les ai envoyées<br />
au commandant de place à Toulon,<br />
les faire parvenir.<br />
qui est chargé de vous<br />
La discussion du budget de la guerre est retardée de<br />
quelques jours : le maréchal Clauzel ne partira que le 6 ou<br />
le 8 juin au plus tôt.<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
■:%
— — 509<br />
21<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch, Guerre)<br />
Sur « Le Santi-Pedri ,,, 29 mai 1836.<br />
Je profite de mon loisir pour m'entretenir avec vous;<br />
puissiez-vous avoir le même loisir pour me lire I<br />
Je fais faire des ballots avec les habits, la troisième che<br />
mise, la troisième paire de souliers, le deuxième pantalon,<br />
le sac et la couverture de campement. Le sac se composera<br />
d'une chemise, une paire de souliers et les petits objets<br />
pour soigner les armes et pour la propreté, plus les vivres<br />
et les cartouches afin que les hommes soient aussi légers<br />
que possible. Ces objets seront portés à Oran par la marine.<br />
Je donne du biscuit pour 6 jours, du fromage pour 4, de<br />
la viande salée pour 4, dont 2 de cuite. Ainsi le 62"<br />
pourra<br />
agir en mettant pied à terre. Plaise à Dieu qu'on ait fait<br />
ainsi pour les troupes de Port-Vendres.<br />
Je tremble de ne pas trouver un bateau à vapeur à la<br />
Tafna, la marine de Toulon leur ayant ordonné d'attendre<br />
à Oràn les ordres de l'amiral Hugon. J'ai écrit à Marseille<br />
pour les faire aller a la Tafna. Sans cela, le débarquement<br />
serait très long<br />
A présent,<br />
et dangereux, si la mer était grosse.<br />
souffrez encore quelques réflexions sur le sys<br />
tème de roulement pour les congés illimités.<br />
J'ai pris le système sur le fait pour le départ du 62e<br />
régiment venait de congédier 37<br />
347 (1) soldats,<br />
(1)<br />
Ce<br />
sergents, 72 caporaux et<br />
au moment où il a reçu l'ordre de partir.<br />
Il devait en partir 500; nous en avons retenu 151.
— — 510<br />
Indépendamment des autres préparatifs de départ, il a<br />
fallu recomposer les cadres à la grande hâte et par consé<br />
quent assez mal. 11 y a des compagnies du centre qui ont<br />
8 nouveaux caporaux, d'autres 6, la plupart 5. Ils ont de<br />
un à trois ans de service. Les sergents sont un peu moins<br />
mal. Les compagnies d'élite s'étant recomposées sur les<br />
compagnies du centre comme de raison,<br />
celles-ci sont très<br />
affaiblies. C'est ici le cas de faire une observation qui<br />
m'avait échappé lorsque je publiai une petite brochure<br />
sur la matière. Les congés illimités portent presque exclu<br />
sivement sur le cadre et sur ses compagnies d'élite. Les<br />
pertes sont remplacées par les meilleurs sujets des compa<br />
gnies du centre qui en sont nécessairement très amoin<br />
dries. Cependant,<br />
ce sont elles qui doivent faire l'éducation<br />
des recrues et ces jeunes soldats trouvent là- assez mauvaise<br />
compagnie,<br />
d'assez mauvais exemples puisque ces compa<br />
gnies contiennent tous les mauvais sujets du régiment, les<br />
remplaçants et les enrôlés volontaires qui ne valent pas<br />
mieux. Ils y trouvent aussi des instructeurs très faibles,<br />
parce que les bons sont enlevés par les compagnies d'élite<br />
et par les congés illimités.<br />
Je vous fais grâce des conséquences de tout cela; elles<br />
ont déjà frappé votre esprit et je ne pourrais d'ailleurs<br />
que répéter ce que j'ai dit dans ma brochure et dans ma<br />
réponse au rapport du comité.<br />
A propos du comité, il est bien surprenant qu'il ne soit<br />
pas touché de cette-<br />
myriade d'inconvénients, lorsque je<br />
ne rencontre pas un colonel, pas un officier de régiment<br />
qui n'en soif douloureusement affecté. Comment ne pas<br />
voir qu'en désorganisant chaque année les cadres, les com<br />
pagnies d'élite,<br />
en amoindrissant à l'extrême les compa<br />
gnies du centre, on affaiblit l'instruction, la discipline et<br />
surtout l'esprit militaire.<br />
Pour atténuer cela, on a ordonné quelquefois de ne con<br />
gédier qu'un certain nombre de sous-officiers, caporaux,<br />
grenadiers et voltigeurs par compagnie, mais c'était violer<br />
la loi et il en résultait qu'on ne voulait plus des grades et
— — 511<br />
des distinctions parce qu'ils pouvaient priver des temps<br />
de congé.<br />
Je m'arrête là, Monsieur le Maréchal, ce terrain vous est<br />
bien connu; vous avez apprécié le mal, vous porterez y le<br />
remède; vous ne voudrez pas continuer de sacrifier l'an<br />
cienne active à une réserve presqu'illusoire. D'ailleurs,<br />
vous pouvez essayer ma réserve; si elle réussit, le problème<br />
sera résolu. Vous aurez une armée excellente et une réserve<br />
encadrée, ébauchée, mais très mobile. Cette dernière pro<br />
priété est d'une haute importance.<br />
11 y a dans le 62e<br />
NOTE IMPORTANTE<br />
une vacance de chef de bataillon. Peut-<br />
être y en a-t-il dans les autres régiments et aussi dans les<br />
grades subalternes. Je pense que M. le Maréchal jugera<br />
convenable de réserver les emplois vacants pour récom<br />
penser les services de guerre.<br />
J'ai l'honneur de vous adresser qopie des instructions<br />
générales que je viens de faire copier dans toutes les com<br />
pagnies du 62e<br />
et qui seront copiées dans tous les corps en<br />
arrivant à la Tafna. Si ces instructions et dispositions de<br />
marche et de combat vous paraissent bonnes, vous pourrez<br />
les communiquer ailleurs, si besoin est. Je puis me trom<br />
per,<br />
mais je crois que dans cette guerre nous nous som<br />
mes trop massés,<br />
ce qui a donné, à l'ennemi une grande<br />
facilité pour gagner nos flancs et ce qui rendrait à peu<br />
près impossible un résultat un peu important.<br />
Contre les Arabes, une colonne de 12 ou i.5oo hommes<br />
ne redoute pas d'être coupée du corps de bataille, pourvu<br />
qu'elle n'en soit pas éloignée de plus d'une demi-lieue et<br />
il est possible d'enfermer les cornes du croissant que for<br />
ment les Arabes entre les colonnes,<br />
cher pied ou aile.<br />
de manière à en arra
512 —<br />
22<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre;<br />
Paris, le 7 juin 1836.<br />
J'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite le 25 mai der<br />
nier pour m'annoncer votre arrivée à Marseille et me ren<br />
dre compte des motifs qui vous ont porté à vous embar<br />
2°<br />
quer sur l'un des bâtiments qui doivent transporter le 6<br />
d'infanterie à l'embouchure de la Tafna. Je ne puis que<br />
vous approuver d'avoir pris ce parti, dans le doute où vous<br />
étiez de trouver à Toulon un navire à vapeur disponible.<br />
Quant à votre correspondance,<br />
opération,<br />
tant que vous serez seul en<br />
vous m'adresserez directement vos rapports et<br />
en enverrez de semblables au lieutenant général Bapatel.
513<br />
23<br />
La général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv Gén. E*7)<br />
La Tafna, le 7 juin 1836.<br />
J'arrivai hier soir de ma personne, mes troupes débar<br />
quant ce matin. Les<br />
23°<br />
et 44e<br />
étaient arrivés depuis le 5.<br />
J'ai trouvé le camp assez bien pourvu en vivres, mais<br />
très mal en moyens de transports. Il n'y a que 24 mulets<br />
de bât; ainsi, malgré mon vif désir de ne pas traîner de<br />
charrettes, je serai forcé de le faire. J'en demande même<br />
d'autres à Oran, à défaut de mulets dont on n'a pas, à ce<br />
qu'il paraît. Je demande aussi des chevaux pour moi et,<br />
pour les officiers supérieurs des troupes arrivantes, des<br />
bidons pour le 62e, des objets d'ambulance, des moyens<br />
pour réparer les charrettes, etc..<br />
Les chevaux du train et de l'artillerie sont en très mau<br />
vais état. Il y en a de morveux, d'autres ont le farcin et<br />
pourtant il faut qu'ils marchent. Je me porterai en avant<br />
sur Tlemcen aussitôt que j'aurai,<br />
non pas les moyens<br />
nécessaires (je ne l'espère pas en ce qui touche les trans<br />
ports), mais enfin quand j'aurai ce qu'il est possible<br />
d'avoir.<br />
Comme je n'ai pas l'espoir de trouver des vivres à Tlem<br />
cen, il est probable que j'y resterai peu cette fois, à moins<br />
que des succès importants ne missent des tribus à notre<br />
disposition.<br />
Lors même que je me déciderais à évacuer la Tafna, je<br />
ne le pourrais en ce moment,<br />
car je ne puis me ravitailler<br />
33
— — 514<br />
que là et que, n'ayant pas de transports, je ne puis emporter<br />
des vivres pour une longue course.<br />
Les anciennes troupes de la Tafna sont dans d'assez bon<br />
nes dispositions. Notre arrivée leur a rendu leur gaieté.<br />
S'il y a eu un peu d'affaissement moral,<br />
c'est vers la tête<br />
que cela s'est remarqué. Je ne fiais aucune allusion au<br />
général d'Arlanges qui est resté très bien jusqu'à la fin.<br />
Malheureusement il me quitte; il va être remplacé par le<br />
général Létang.<br />
Vous savez, Monsieur le Maréchal, que je n'ai accepté ce<br />
commandement que pour la mission qui avait pour objet<br />
de dégager Tlemcen et remettre le: choses sur un bon<br />
pied, si c'est possible; mais, cela terminé,<br />
et je crois que ce<br />
le sera vers la mi-juillet, je désire rentrer en France où<br />
de grandes affections et des intérêts importants me rap<br />
pellent. On me ferait gouverneur d'Alger que je ne pour<br />
rais accepter; j'ai voulu donner une preuve de dévoue<br />
ment, rendre un service et rentrer. Je vous prie donc de<br />
pourvoir à mon remplacement pour cette époque.<br />
J'agirai aussitôt que je le pourrai. Si j'en croyais mon<br />
entourage, j'attendrais encore quinze jours pour que la<br />
moisson fût faite ou prête à faire. Mais on n'a aucune nou<br />
velle de Tlemcen depuis le 19 avril (bien qu'il y ait près<br />
de 3.ooo h. à la, Tafna). Plusieurs envoyés ont été pris<br />
et massacrés par Abd el Kader.<br />
On n'a, |dit-on, aucune inquiétude sur Tlemcen, mais<br />
je crois prudent aller d'y et utile d'avoir un combat avec<br />
Abd el Kader.<br />
Je serai forcé de laisser 1.000 hommes à la Tafna parce<br />
que les ouvrages sont très étendus et inachevés. Ils partent<br />
de la rive gauche de la Tafna pour s'en assurer les eaux.<br />
Ils consistent en sept petits forts, ou redoutes,<br />
ou tours,<br />
ou blockhaus, unis entre eux par un fossé avec parapet. Il<br />
ne faudra pas y laisser, lorsqu'ils seront achevés, moins de<br />
700 hommes, 5oo à Tlemcen, c'est 1.200 hommes sur cette<br />
ligne pour ne pas communiquer. Ce système peut être bon<br />
si l'on est fort à Oran,<br />
si l'on a les moyens nécessaires pour
— 515 —<br />
se porter partout où besoin sera, si l'on a des mulets et des<br />
bateaux à vapeur, etc.. Avec le peu de troupes qu'on vou<br />
lait laisser,<br />
Le 62°<br />
ce système est détestable.<br />
24<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
-,/. jli. Gouv. Gén. E9r)<br />
La Tafna, le 8 juin 1836.<br />
a fini de débarquer hier. J'ai vu à présent toutes<br />
les troupes et j'ai assuré tous les services. Je fais distribuer<br />
aujourd'hui du biscuit et du riz pour 6 jours. J'ai recom<br />
mandé moi-même à toute la division de n'y pas toucher<br />
pendant que nous serons au camp et de la ménager en<br />
route.<br />
Dès que j'aurai reçu quelques transports que j'espère<br />
obtenir d'Oran, lorsque nos voitures seront réparées et que<br />
j'aurai monté mes officiers supérieurs, je me-<br />
mettrai en<br />
campagne pour Tlemcen. Il me faudra au moins 3 jours<br />
de marche parce qu'il y aura un jour de travail au mont<br />
Telgat pour faire passer les voitures, puisque je suis forcé<br />
de les emmener n'ayant pas ou presque pas d'autres moyens<br />
de transport. Peut-être cependanl obtiendrai-je 4o à 5o mu<br />
lets et chameaux en faisant laisser au camp le bagage de<br />
nos Arabes auxiliaires.<br />
Les troupes jouissent d'une bonne santé et paraissent bien<br />
disposées.
— 516 —<br />
J'organise la division en trois colonnes. Celles des ailes<br />
sont de i.4oo hommes d'infanterie, i5o chevaux d'Afrique<br />
ou auxiliaires, 3 pièces de montagne et quelques mulets,<br />
celle du centre sera de 3.200 hommes et 8 pièces.<br />
Je laisserai au camp le<br />
17°<br />
léger qui a souffert à la der<br />
nière affaire et qui a des hommes faibles. Je laisserai aussi<br />
200 hommes du génie afin d'achever,<br />
ou du moins de tra<br />
vailler aux retranchements qui ne sont pas prêts à être ter<br />
minés.<br />
La droite de ce camp est faible. On pourrait, la nuit sur<br />
tout, venir à l'embarcadère, enlever les barques, les maga<br />
sins. Je demande que pendant mon absence il y ait un<br />
bateau à vapeur en station pour protéger cette plage et ser<br />
vir aux divers besoins.<br />
J'ai reçu 4 pièces de montagne de plus,<br />
ce qui porte cette<br />
artillerie à 10 pièces. J'ai, en outre, 4 pièces de campagne,<br />
le tout approvisionné à 80 coups. La mer grossit et l'on<br />
ne peut continuer à débarquer l'artillerie. Dès que la mer<br />
devient un peu grosse,<br />
on ne peut accoster l'embarcadère.<br />
Il faut se réfugier dans l'île de Bachgoun et si elle devient<br />
trop grosse, il faut fuir.<br />
Ce ne sera guère que dans 4<br />
marcher.<br />
ou 5 jours que je pourrai<br />
J'ai visité ce matin les postes arabes qui m'entourent à<br />
une portée et demie de canon, ils m'ont envoyé quelques<br />
balles et mille injures. Je n'ai répondu à rien.
517<br />
25<br />
Le général Bugeaud au général d'Arlanges<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tafna, 18 juin 1836.<br />
Je vous remercie de tout le soin que vous vous donnez<br />
pour vous tenir approvisionnés et nous fournir les objets<br />
qui nous sont nécessaires. Vous pouvez compter que j'en<br />
suis on ne peut plus reconnaissant.<br />
Je suis extrêmement puni de ne pouvoir répondre en tout<br />
à vos désirs, mais vous comprendrez, j'espère, que, tout<br />
novice dans ce pays, n'ayant aucune connaissance ni des<br />
localités ni des choses, j'aie besoin de conserver près de moi<br />
un homme comme M. Maussion. Vous dites qu'il est atta<br />
ché spécialement à la division d'Oran; je réponds que la<br />
division d'Oran est là où se trouve la plus forte réunion de<br />
troupes, que les principales affaires sont les opérations mi<br />
litaires. Le secrétaire de M. Maussion, que vous avez près<br />
de vous, est fort au courant des affaires, vous pouvez très<br />
bien faire avec lui. Quant à M. Brahemscha, je vous le<br />
renvoie. A présent, mon cher général,<br />
plus importantes.<br />
parlons de choses<br />
Je me décide à marcher sur Oran par la route la plus<br />
courte,<br />
disponible,<br />
pour prendre en avant d'Oran toute la cavalerie<br />
c'est-à-dire les chasseurs d'Afrique et les spahis.<br />
Ne gardez qu'une vingtaine d'hommes pour faire le service<br />
d'ordonnance et éclairer les environs d'Oran.<br />
En conséquence de ces dispositions, je partirai dans la<br />
nuit du n au 12 et je coucherai sur l'oued el Hallouf ou<br />
sur l'oued Senan le lendemain,<br />
environ à moitié chemin
— 518 —<br />
de Bio-Salado à Bridia. Le i4 au matin, je serai de bonne<br />
heure à Bridia; c'est là que j'attendrai le même jour i4 la<br />
cavalerie et les mulets que vous me faites espérer. Je vous<br />
prie de les faire charger de pain. Que les cavaliers soient<br />
munis de vivres pour quatre jours pour eux et, si on le croit<br />
nécessaire, pour leurs chevaux (j'entends de l'orge).<br />
Ayant rallié ma cavalerie avec 100 ou i5o mulets de plus,<br />
me voilà libre de me porter à Tlemcen et partout où besoin<br />
sera.<br />
11 ne faut pas que la cavalerie arrive de trop<br />
bonne heure<br />
à Bridia, car il faut toujours jouer aussi serré que possible.<br />
Arrivé là, je m'assurerai quelques échelons en avant pour<br />
la protéger si d'ailleurs d'ici là je puis avoir battu Abd el<br />
Kader. Si quelqu'un a des chevaux à vendre, ils peuvent les<br />
mettre à la suite de la cavalerie.<br />
Je vous remercie des deux que vous m'avez envoyés, je<br />
vais les faire estimer et vous pourrez en toucher le montant<br />
sur mon compte chez le payeur.<br />
Je viens de lire ce que vous écrivez des chevaux à<br />
M. le colonel Maufrion. Je prends le gris pour 1.000 fr.; je<br />
vais tâcher de vous placer l'autre, ce qui, je crois, ne sera<br />
pas difficile. Mustapha m'a promis de m'en céder un que<br />
je préfère à votre bai, dont je redoute le garrot. Je vous<br />
envoie un mandat sur le payeur.<br />
Mandez-moi à Bridia tout ce que vous saurez de nouveau<br />
soit d'Afrique,<br />
soit de France. Ayez la bonté de m'envoyer,<br />
si vous le pouvez, les journaux à dater du 23 mai, ainsi<br />
que mes lettres s'il y en a. Donnez des ordres, mon cher<br />
général,<br />
pour que l'on continue à approvisionner la Tafna<br />
surtout en biscuit; je compte y revenir avant de marcher<br />
ailleurs.<br />
P. S. —<br />
Donnez<br />
des instructions à la cavalerie sur la con<br />
duite à tenir pour me rejoindre.
— 519 —<br />
Le général Bugeaud au général d'Arlanges<br />
(Arch. Guerre)<br />
Camp de la Tafna,<br />
11 juin.<br />
En m'envoyant la cavalerie, mandez-moi si vous pouvez<br />
m'approvisionner rapidement pour 10 ou 12 jours de vivres,<br />
tant sur les hommes que sur les mulets, car il serait possi<br />
ble,<br />
que je me décidasse à marcher de Bridia sur Tlemcen.<br />
Alors, je ferai rapprocher de vous quelques échelons pour<br />
favoriser l'arrivée des subsistances, mais il faudrait que cela<br />
pût m'arriver en un jour, au plus en deux jours. J'entends<br />
par vivres 2 jours de pain, 4 à 5 de biscuits, riz et viande<br />
sur pied, du sucre et du café.
520<br />
27<br />
Le général Bugeaud au général d'Arlanges<br />
(Arch. Guerre)<br />
Camp de la Tafna, le 11 juin 1836.<br />
Les renseignements que vous me donnez sur Abd el Kader<br />
viennent me conforter dans le projet que j'ai de marcher<br />
sur Oran pour y rallier la cavalerie française et arabe. La<br />
seule modification que j'apporte dans mes dispositions, c'est<br />
de me donner quatre jours pour me rendre à Bridia, parce<br />
que les trois journées seraient déjà trop fortes et que, pou<br />
vant me battre en route, je puis être retardé, ayant d'ail<br />
leurs le projet de poursuivre- Abd el Kader,<br />
si je le bats.<br />
D'après- cela, la cavalerie ne doit faire que le i5 ce qui était<br />
prescrit pour le i4.<br />
Je ne parle plus des vivres à me transporter par les<br />
mulets, puisque les mulets sont embarqués,<br />
valerie prenne pour cinq jours de vivres.<br />
mais que la ca<br />
A présent, mon cher général, je vais répondre à la partie<br />
de votre lettre relative à votre commandement.<br />
Je ne crois pas le moins du monde qu'on ait eu l'inten-,<br />
tion de vous humilier. Cela n'est pas possible, d'après la<br />
manière dont j'ai entendu parler de vous par le Ministre<br />
de la Guerre et par le maréchal Clauzel. Quant à ce qui me<br />
concerne, je suis aussi loin que possible d'une pareille<br />
intention; si j'ai écrit au colonel Barthélémy pour les trois<br />
gendarmes, c'est parce que vous aviez manifesté l'intention<br />
de partir d'Oran le plus tôt possible et que d'ailleurs l'objet<br />
était de si peu d'importance qu'il ne valait pas la peine de<br />
vous en casser la tête.
— — 521<br />
Lorsque je suis arrivé à la Tafna-, j'avais perdu mes ins<br />
tructions; elles ont été retrouvées à Paris et je les ai reçues<br />
hier. Voici le seul passage qui vous concerne : A votre<br />
arrivée au poste de la Tafna, vous prendrez le commande<br />
ment des troupes qui s'y trouvent, ainsi que de celles qu'on<br />
y<br />
envoie en ce moment. Le général d'Arlanges sera sous<br />
vos ordres pour les opérations dont vous êtes chargé ».<br />
J.e conçois, mon cher général, que vous ayez pu 'être<br />
blessé de certains procédés que je crois être l'effet du hasard<br />
et non de l'intention; mais dans Iè cas présent, il était natu<br />
rel et conforme au règlement militaire que, vous amenant<br />
un renfort de 4-5oo hommes et me trouvant le plus ancien,<br />
je prisse le commandement. On aurait pu sans doute vous<br />
envoyer un lieutenant général. Il a y eu, pour ne pas le faire,<br />
des motifs qu'il serait trop long de vous expliquer et que je<br />
vous dirai à la première vue.<br />
J'ai vivement regretté que vous m'ayiez quitté; votre<br />
expérience et votre savoir m'auraient été très nécessaires.<br />
Vous êtes libre de rester à Oran et nécessairement vous<br />
devez y commander. Je ne m'adresserai donc à l'avenir<br />
qu'à vous jusqu'à ce que je sois informé que vous avez<br />
quitté, mais je fais des vœux pour que vous restiez.<br />
P. 5. —<br />
11<br />
n'est pas besoin de dire que les mulets qui<br />
n'auraient pu être embarqués doivent suivre la cavalerie<br />
chargés de pain ou de biscuit ou de riz,<br />
breux.<br />
s'ils sont peu nom<br />
Ne pourrait-on pas envoyer à la Tafna ce qui serait néces<br />
saire pour réparer la chaussure ? Le sous-inlendant le déli<br />
vrerait aux corps suivant leurs besoins et ils le paieraient.
— 522<br />
28<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Oran, le 16 juin 1836.<br />
Ainsi que je vous l'annonçais par ma dépêche du n, je<br />
me suis mis en route à n heures du soir,<br />
afin d'arriver au<br />
point du jour à de mauvais passages qui se trouvent à<br />
2 lieues et demie de la Tafna, par la petite route d'Oran, en<br />
longeant la mer. La difficulté de marcher la nuit à travers<br />
des broussailles'<br />
dans mes colonnes,<br />
fort épaisses a bientôt porté du désordre<br />
que j'ai été obligé d'arrêter à une lieue<br />
pour les . coordonner et attendre le jour. J'ai pu me con<br />
vaincre par cet essai que, hors des cas fort rares, il est<br />
impossible de manœuver la nuit dans un pays si accidenté<br />
et sans aucun chemin. C'est là un grand inconvénient puis<br />
que l'on<br />
l'ennemi,<br />
ne peut espérer dérober des marches et surprendre<br />
et qu'on est obligé de faire marcher les troupes<br />
pendant la grande chaleur.<br />
Nous franchîmes les plus mauvais terrains, sans rencon-<br />
tier l'ennemi;<br />
ce ne fut que sur des plateaux moins âpres<br />
que nous trouvâmes les premiers cavaliers d'Abd el Kader.<br />
Soit que ce chef fût instruit de ma marche,<br />
soit qu'il eût<br />
projeté de marcher vers moi, il avait de très bonne heure<br />
levé son camp des bords du Senan. Il nous a présenté soit<br />
en front, soit sur les flancs,<br />
environ i.5oo chevaux. Dans ce<br />
moment, les bagages qui étaient à la colonne du centre ont<br />
été attaqués par quelques centaines de Kabyles, qui ont été<br />
contenus ou repoussés par un bataillon du 62* et un esca<br />
dron de chasseurs d'Afrique. Mes colonnes étant très allon-
— — 523<br />
gées par ce passage de défilé, j'-en ai arrêté les têtes en pré<br />
sence d'Abd el Kader, ce qui, lui ayant fait croire à notre<br />
hésitation, l'a rendu plus audacieux : il a chargé nos tirail<br />
leurs qui ont fait bonne contenance, mais se sont rappro<br />
chés des colonnes.<br />
J'ai cru que le moment était venu de prendre l'offensive<br />
à mon tour : j'ai porté en avant les trois colonnes, ayant<br />
la cavalerie arabe entre celle de droite et celle du centre, la<br />
cavalerie française entre le centre et la gauche. Les chefs dé<br />
cès deux corps avaient ordre de charger dès que l'ennemi<br />
serait rompu et en déroute,<br />
si l'occasion leur paraissait favo<br />
rable. Les Arabes ne nous ont point attendu de très près;<br />
après avoir beaucoup tiraillé, ils se sont mis en retraite.<br />
Mustapha, chef des auxiliaires, a parfaitement saisi l'à-<br />
propos et a fait une très belle charge; il ma rapporté un<br />
certain nombre de têtes. Ce spectacle m'a fait horreur, mais<br />
je n'ai pu malgré cela m'empêcher de donner des éloges<br />
à l'intrépidité de ses guerriers, et quelque argent aux sim<br />
ples soldats qui avaient abattu des ennemis. Je n'ai pas<br />
voulu laisser charger les chasseurs,<br />
parce que le terrain<br />
devant eux était plus difficile, et que, l'ennemi se ralliant<br />
en force dans une seconde position, je voulais garder la<br />
bonne volonté des hommes et des chevaux pour cette<br />
seconde scène. J'ai attaqué là dans le même ordre que la<br />
première fois et le résultai a été à peu près le même. Abd el<br />
Kader rompu s'est dispersé dans tous les sens. En le pour<br />
suivant, j'ai aperçu dans une vallée profonde son infanterie<br />
qui arrivait, mais qui,<br />
voyant sa cavalerie battue, s'est em<br />
pressée de se soustraire à nos coups. Depuis ce jour, je n'ai<br />
pas vu un seul ennemi.<br />
Le combat,<br />
comme tous ceux de ce genre-, n'a pas donné<br />
de grands résultats matériels. Comment tuer et prendre<br />
beaucoup<br />
de monde à des ennemis qui ne tiennent pas et<br />
qui savent se soustraire aux suites de la défaite en dispa<br />
raissant avec une rapidité merveilleuse. Nous avons tué peu<br />
de monde, mais il paraît par les dépouilles des vaincus que<br />
parmi les morts se trouvent quelques hommes d'impor-
— — 524<br />
tance. De mon côté, mes pertes s'élèvent à 5 tués et n bles<br />
sés. Je dois cette petite perte à la vivacité de nos attaques<br />
et à l'audace de nos tirailleurs. Je n'ai pas fait à l'ennemi<br />
l'honneur d'un seul coup de canon. Je voulais lui faire<br />
croire que je n'en avais pas et augmenter ainsi sa confiance.<br />
J'attendais de pouvoir tirer très près et à mitraille, il m'a<br />
fourni quelques occasions passables, mais que je n'ai pas<br />
jugé assez bonnes. Cette dissimulation pourra me servir à<br />
la première rencontre.<br />
Mes jeunes Iroupes ont montré de la bonne volonté pour<br />
le combat,<br />
mais elles ont très mal supporté les fatigues de<br />
celte journée et des jours suivants. Des fusils, des sacs, des<br />
marmites, des bidons ont été jetés. Beaucoup d'hommes<br />
seraient restés en arrière et auraient été tués sans les soins<br />
actifs de l'<br />
arrière-garde et de l'ambulance. Quand on leur<br />
disait qu'ils se feraient couper la tête en restant en arrière,<br />
ils répondaient que cela leur était égal, qu'ils aimaient au<br />
tant, qu'on leur coupât la tête que d'aller plus loin. Un capo<br />
ral du 62"<br />
s'est suicidé en vue du camp qu'il allait attein<br />
dre. La démoralisation de la fatigue était complète. Plu<br />
sieurs officiers supérieurs et subalternes n'y ont point<br />
échappé;<br />
quelques-uns ont manifesté une grande faiblesse<br />
de caractère, et, au lieu de soutenir les autres, ils contri<br />
buaient à les démoraliser. J'ai déclaré que, si cela se repro<br />
duisait, j'en rendrais compte au Ministre, et qu'en atten<br />
dant, quelque fut le grade de l'officier, je le ferais mettre<br />
sur un bateau et je l'enverrais en France.<br />
Il faut, Monsieur le Maréchal,<br />
pour commander les régi<br />
ments, les bataillons et les escadrons en Afrique, des hom<br />
mes vigoureusement trempés au moral et au physique. Les<br />
colonels et chefs de bataillon un peu âgés,<br />
chez qui la vi<br />
gueur d'esprit et de cœur ne soutient pas les forces physi<br />
ques, devraient être rappelés en France, où ils recevraient<br />
ou leur retraite ou des commandements de places. Leur pré<br />
sence ici est beaucoup plus nuisible qu'utile.<br />
Ce qu'il faut aussi pour faire la guerre avec succès, ce<br />
sont des brigades de mulets militairement organisés afin de
— — 525<br />
ne dépendre pas des habitants du pays, de pouvoir se por<br />
ter partout avec légèreté pour suivre l'ennemi sur tous les<br />
points où il se retire, et ne pas charger les soldats comme<br />
on le fait, de manière à les rendre impropres au rude métier<br />
qui leur est réservé, sur un sol aussi âpre et sous un climat<br />
aussi brûlant. Il y a vraiment de la barbarie (je dirais pres<br />
que que c'est un crime de lèse-nation) de les charger de 7 à<br />
8 jours de vivres, 60 cartouches, chemises, souliers, mar<br />
mites, etc., etc. succombent sous un Beaucoup tel poids et<br />
les plus forts ont besoin d'être conduits avec une lenteur<br />
telle, qu'il est impossible de faire de ces mouvements rapi<br />
des, qui seuls peuvent donner des succès. Des mulets mili<br />
tairement organisés me paraissent être la meilleure base de<br />
la guerre en Afrique. J'ai calculé qu'il en faudrait 80 par<br />
1.000 hommes; ils porteraient 10.000 rations. Les soldats<br />
auraient dans les petits sacs une réserve de 4 jours; ce<br />
seraient donc i4 jours de vivres,<br />
ce qui est très suffisant<br />
pour les campagnes que l'on peut faire dans ce pays, car<br />
elles doivent être de courte durée,<br />
tous ses soldats.<br />
Avec les transports du pays, on risque,<br />
si l'on ne veut perdre<br />
dans une affaire un<br />
peu vive, de perdre ses vivres et ses transports pour les<br />
blessés. Le 12, mes équipages ayant été attaqués, plusieurs<br />
des<br />
conducteurs de chameaux et de mulets s'empressèrent<br />
de jeter leur charges. 11 fallait déployer beaucoup d'énergie<br />
et d'activité pour les leur faire reprendre; heureusement,<br />
rien n'a été perdu.<br />
Si l'on veut continuer l'occupation de l'Afrique, il faut<br />
prendre les moyens nécessaires pour réussir et ce sera faire<br />
de l'économie d'hommes et d'argent. Ce sont les demi-<br />
moyens qui ruinent,<br />
puisque, s'il est vrai qu'on dépense<br />
un peu moins, on dépense en pure perte; il vaut mieux<br />
dépenser et avoir des résultats. D'ailleurs, il se trouvera<br />
qu'en faisant les choses largement,<br />
dépensé,<br />
tats que l'on<br />
on aura au total moins<br />
car on aura obtenu en deux ou trois ans des résul<br />
n'obtiendra pas en vingt ans, si l'on continue<br />
ce système de parcimonie et de demi-moyens. Il faut être
. probablement<br />
— — 526<br />
forts ou s'en aller; surtout il faut n'envoyer que des soldats<br />
robustes, car tous les faibles périssent, et que ces soldats<br />
robustes soient commandés par des officiers jeunes et éner<br />
giques. Si j'avais 3.ooo de mes soldats d'Espagne,<br />
avec des<br />
mulets pour leur porter des vivres, je parcourrais en maître<br />
toute la province d'Oran. Les régiments qui sont depuis<br />
deux ou trois ans en Afrique commencent à être bons, mais<br />
aussi leur effectif est bien réduit. Les trois beaux régiments<br />
que j'y ai amenés deviendront bons aussi, mais ce sera<br />
après avoir perdu deux ou trois cents hommes, faibles au<br />
physique et au moral. L'humanité, l'économie, le bon juge<br />
ment pour la guerre, commandent donc de n'envoyer en<br />
Afrique que des hommes de choix.<br />
Si le combat n'a pas été aussi sévère que je l'aurais désiré,<br />
il n'en a pas moins eu déjà quelques résultats moraux; il<br />
y<br />
avait longtemps qu'on n'amenait rien au marché d'Oran,<br />
et, depuis notre combat, il y<br />
est arrivé plus de trois cents<br />
bêtes à cornes; d'autres sont annoncées et arriveront sans<br />
doute.<br />
11 eût été dans mes vues et dans les bonnes spéculations<br />
de la de poursuivre-<br />
l'ennemi, de le chercher partout,<br />
mais l'état de fatigue et d'abattement de la plus forte partie<br />
de ma colonne m'a imposé l'obligation de faire reposer<br />
les troupes pendant deux ou trois jours à Oran. Elles s'y<br />
retremperont, s'y pourvoieront des objets qu'elles ont per<br />
dus, de petites provisions indispensables et nous rentre<br />
rions en campagne le 19 pour marcher sui\ Tlemcen où<br />
Abd el Kader va réunir ses forces éparpillées.<br />
Le moment est favorable pour ravitailler en grains cette<br />
place,<br />
si tant est qu'il faille la garder. Nous moissonnerons<br />
les froments et nous tâcherons d'en faire un magasin consi<br />
dérable.
527 —<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E87)<br />
Oran, le 18 juin 1836.<br />
Dans mon rapport sur l'affaire du 12, je ne vous ai pas<br />
l'ail connaître les noms des personnes qui se sont distin<br />
guées; j'étais indécis de savoir si je devais faire un ordre<br />
du jour. 11 me paraissait y avoir des inconvénients à citer<br />
des personnes pour un premier combat. C'est peut-être trop<br />
accoutumer les troupes à la louange pour des actions qui<br />
auraient à peine été mentionnées dans le temps de nos<br />
belles campagnes, mais, considérant que la plus grande par<br />
tie de mes officiers et soldats sont à leur premier pas dans<br />
la route de la victoire, je me suis enfin décidé à donner un<br />
ordre du jour dont je joins ici copie. Je vous prie de faire<br />
tenir note des hommes qui se sont distingués;<br />
s'ils persé<br />
vèrent après la campagne que nous entreprendrons demain,<br />
je vous demanderai pour eux s'il y a lieu des récompensés.<br />
Les fatigues, les privations, l'intempérie supportées avec<br />
courage et constance méritent autant que les combats, et<br />
tel qui sait vaillamment braver les balles et la mitraille, ne<br />
sait pas supporter les fatigues de chaque jour.<br />
Le<br />
2"<br />
régiment de chasseurs a trois cents hommes démon<br />
tés. Cela est tout à fait fâcheux,<br />
car ce n'est qu'avec de la<br />
cavalerie appuyée sur de bonne infanterie qu'on peut espé<br />
rer d'obtenir des résultats matériels. D'après ces considéra<br />
tions, j'ai cru pouvoir me permettre d'autoriser l'intendant<br />
et le chef d'escadron Guerbe, chargé de la remonte, à con<br />
tinuer l'achat successif de quelques chevaux. Outre le besoin
— — 528<br />
d'augmenter notre cavalerie, ces achats sont politiques,<br />
parce qu'ils servent à entretenir des relations avec des tri<br />
bus qui paraissent n'attendre que l'humiliation d'Abd el<br />
Kader pour venir à nous. J'espère, Monsieur le Maréchal,<br />
que vous voudrez bien ratifier cette mesure.<br />
Il en est une autre que je n'ai pas osé prendre sur moi<br />
bien qu'elle soit juste et nécessaire, ce serait de donner une<br />
ration de fourrage pour deux compagnies d'infanterie, afin<br />
de nourrir un mulet de division. On donne aux officiers et<br />
soldats qui entrent en campagne des vivres pour huit jours<br />
(ce qui est, à mon avis, beaucoup trop,<br />
s'y<br />
mais il faut bien<br />
résigner jusqu'à ce que nous ayons un équipage de<br />
mulets). Comment les officiers pourraient-ils porter cette.<br />
masse de vivres et se trouver en arrivant en présence de<br />
l'ennemi assez dispos pour y jouer un rôle énergique. La<br />
fatigue dont ils seraient accablés pourrait nuire beaucoup<br />
au combat. Je soumets cette considération à votre expé<br />
rience et à votre sollicitude pour le bien-être des troupes.<br />
A présent, Monsieur le Maréchal, permettez-moi, puis<br />
que j'en ai le temps,<br />
de vous Soumettre quelques réflexions<br />
sur le détachement de la Tafna et Tlemcen et sur le système<br />
à suivre pour dominer la province d'Oran, de manière à<br />
espérer enfin quelques résultats.<br />
Selon le rapport qui est au Moniteur, le poste de la Tafna<br />
aurait été établi pour avoir des communications régulières<br />
avec Tlemcen. Une fortification propre à mettre à l'abri de<br />
tout danger 3oo hommes devait assurer ce résultat de la<br />
communication régulière. 3.ooo hommes se sont rendus à la<br />
Tafna pour y faire ce petit établissement. Si 3oo hommes<br />
pouvaient assurer la communication régulière, 3.ooo le pou<br />
vaient bien davantage. Cependant ces 3.ooo hommes ont<br />
été bloqués ils ont poussé une reconnaissance de<br />
i.5oo hommes qui a été ramenée avec une perte considéra<br />
ble. D'après ces faits, il paraît bien évident que le petit<br />
poste de la Tafna, fûl-il triple, ne peut assurer la commu<br />
nication régulière avec Tlemcen. Pour porter d'un point à,<br />
l'autre avec sûreté des vivres, des nouvelles,<br />
une simple
— — 529<br />
lettre, il faut, pour ne rien livrer au hasard, environ<br />
5.ooo hommes; sans cela il n'y aura jamais de communi<br />
cation. Les deux points seront isolés et les deux garnisons<br />
bloquées chacune de leur côté. Mais,<br />
s'il faut 5.ooo hommes<br />
pour aller de Bachgoun à Tlemcen, que gagne-t-on à avoir<br />
un poste à la Tafna ? Les 5.ooo hommes peuvent tout aussi<br />
bien aller d'Oran à Tlemcen,<br />
affaire qu'aux mêmes ennemis et alors,<br />
que la voie de terre,<br />
car ils ne peuvent avoir<br />
en ne considérant<br />
c'est plus court que d'aller passer par<br />
Bachgoun. On a été séduit par cette distance de i3 lieues au<br />
lieu de 35, mais on n'a pas réfléchi qu'il est à peu près<br />
impossible de transporter à l'embouchure de la Tafna les<br />
5. ooo hommes qu'il faut pour communiquer de Bachgoun<br />
à Tlemcen. Il faudrait d'abord, pour opérer ainsi, une flotille<br />
considérable, et, lors, même qu'on l'aurait à sa disposition,<br />
le débarquement à Bachgoun n'étant un peu sûr que pen<br />
dant trois ou quatre mois de l'année,<br />
on voil qu une telle<br />
manœuvre est infiniment chanceuse et les bonnes spécula-<br />
lions de la guerre ne doivent laisser au hasard que le moins<br />
possible : il ne faut rien laisser à la fortune de ce que l'on<br />
peut lui arracher.<br />
Le projet d'opérer par la mer, vu le mauvais débarcadère<br />
de Bachgoun,<br />
les soi-disants avantages de ces i3 lieues de communica<br />
est donc inadmissible. Que deviennent alors<br />
tions ? La force des choses l'emportera sur des combinai<br />
sons mal mûries; les troupes qui seront chargées de proté<br />
ger le détachement de la Tafna et de Tlemcen, de ravitailler<br />
ce dernier, partiront d'Oran et alors on se<br />
gardera bien<br />
d'aller toucher à Bachgoun pour ensuite en remontant la<br />
Tafna et l'Amiguier se porter sur Tlemcen;<br />
elles iront tout<br />
droit sur cette dernière emportant avec elles dans le sac<br />
ville,<br />
ou sur des mulets pour i5 jours de vivres. Si elles ont des<br />
chariots,<br />
la<br />
elles pourront alors emmener des provisions pour<br />
garnison. Je sais qu'on me répondra que par la Tafna<br />
on pourra ravitailler Tlemcen plus commodément, plus<br />
facilement et qu'ensuite les troupes pourront venir s'y ravi<br />
tailler dans les<br />
expéditions quand elles auront épuisé leurs<br />
34
— — 530<br />
quinze jours de vivres. C'est la seule considération qui mi<br />
lite en faveur du poste de la Tafna, mais je pense qu'elle<br />
ne doit pas l'emporter sur les inconvénients résultant du<br />
danger de la mer, de la privation pour les colonnes actives<br />
de 1.000 hommes qu'il faut indispensablement pour garder<br />
les ouvrages de la Tafna, des complications de l'administra<br />
tion générale et des subsistances.<br />
J'observe, en outre, que, si le poste de Tlemcen ne peut<br />
être approvisionné que par Bachgoun, s'il ne peut pas<br />
vivre dans le pays au moyen de l'influence que nous don<br />
nera une colonne expéditionnaire qui doit être souvent en<br />
mouvement, il faut renoncer à cette occupation. Approvi<br />
sionner ce poste par la Tafna est une chose difficile par les<br />
considérations que j'ai déjà fait valoir,<br />
auxquelles on pou<br />
vait en ajouter bien d'autres. Ainsi il faudrait faire de la<br />
Tafna une véritable place de guerre,<br />
sins, des logements de toute nature;<br />
construire des maga<br />
mais le plus grand de<br />
tous les inconvénients serait d'être liés dans les opérations<br />
(qui doivent être presque vagabondes), par la nécessité<br />
d'escorter des convois qui seraient le point de mire de nos<br />
ennemis et attireraient tôt ou tard sur cette ligne constante<br />
d'opérations la concentration de tous nos adversaires et par<br />
suite peut-être un échec capital. Je suis bien convaincu<br />
qu'en se promenant dans le pays, tantôt sur un point, tan<br />
tôt sur un autre avec une colonne de 5.ooo hommes bien<br />
constitués, c'est-à-dire avec 4-ooo hommes d'infanterie bien<br />
allégée et composée de bons marcheurs,<br />
12 obusiers de montagne, on peut passer partout,<br />
1.000 chevaux et<br />
se rendre<br />
maître du pays et en chasser Abd el Kader. Alors il ne sera<br />
plus nécessaire de porter à Tlemcen que de l'argent; de<br />
tous côtés, les Arabes et les Juifs lui apporteront des provi<br />
sions. Ce qui assure tous les services dans ce pays, comme<br />
ailleurs, c'est la victoire; pour l'obtenir et pour commander<br />
à un pays, il ne faut pas trop éparpiller ses forces; il faut<br />
être avare de détachement et examiner cette mesure par<br />
toutes ses faces avant de s'y déterminer. H y a dans ce<br />
moment-ci dans la province d'Oran environ n.ooo hom-
— — 531<br />
mes. Admettons 2.000 non-valeurs : resteraient 9.000 hom<br />
mes disponibles. Les garnisons de Tlemcen, 5oo hommes;<br />
Oran (1), 600 hommes; Arzew, 4oo hommes; Mostaganem,<br />
5oo;<br />
en tout 2.000 hommes à déduire de 9.000 disponibles.<br />
Beste 7.000 hommes. C'est trop<br />
pour une seule colonne,<br />
quand on aura bien battu Abd el Kader, c'est trop<br />
peu pour<br />
deux colonnes; et, dans mon opinion, il les faudrait pour<br />
bien dominer le pays. L'une s'appuierait sur Oran et Tlem<br />
cen pour l'ouest; l'autre s'appuierait sur Mostaganem pour<br />
l'est. Ces deux colonnes combineraient souvent leurs opé<br />
rations par la facilité des communications maritimes. Avec<br />
ces dispositions, maintenues avec persévérance,<br />
terait les amis d'Abd el Kader et ce chef,<br />
on dégoû<br />
s'il n'est pas tué<br />
dans le combat ou par l'assassinat qui est souvent le partage<br />
des guerriers malheureux parmi les barbares, sera du moins<br />
forcé de quitter le pays et.de renoncer à la guerre.<br />
Aussi ne veut-on qu'une colonne. Il y a plus de troupes<br />
qu'il n'en faut et l'on peut conserver la Tafna,<br />
pour son utilité présente, mais pour l'avenir.<br />
non pas<br />
Si l'on se range à l'idée de deux colonnes, il faut aug<br />
menter les troupes d'Oran de 1.000 chevaux et 1.000 hom<br />
mes d'infanterie. Dans le premier cas, on pourra former<br />
le corps expéditionnaire de 4 à 5.000 fantassins, 1.000 che<br />
vaux et 12 pièces de montagne; il restera environ<br />
i.5oo hommes disponibles, mais qu'il est essentiel de faire<br />
reposer pour remplacer les hommes fatigués ou perdus dans<br />
chaque expédition et repartir toujours avec la même com<br />
position de colonne, pour se porter tantôt dans l'ouest, tan<br />
tôt dans l'est. Ce métier,<br />
fort dur pour les officiers et le soldat,<br />
doit l'être.<br />
on ne peut se le dissimuler, sera<br />
s'il est fait comme il<br />
Dans le second cas, la colonne de l'ouest serait composée<br />
comme il vient d'être dit; celle de l'est serait de 3.000 hom<br />
mes d'infanterie, 1.000 chevaux et pièces 9<br />
de montagne.<br />
(1) Parce qu'elle contient tous les non disponibles pour la campa<br />
gne qui aident à sa garde.
— 532 —<br />
Il est aisé d'augmenter la cavalerie indigène; il se pré<br />
sente beaucoup de recrues pour les spahis et cette troupe<br />
est d'une grande utilité dans le pays.<br />
Si, au lieu d'augmenter les troupes d'occupation d'Oran<br />
ou de rester dans le statu quo, on voulait les diminuer, il<br />
ne faudrait pas hésiter un seul instant à évacuer la Tafna.<br />
D'après ce dernier plan que je suis loin d'approuver, mais<br />
qui pourtant pourrait avoir quelques .chances<br />
de succès,<br />
après avoir bien pourchassé Abd el Kader, on pourrait reti<br />
rer d'Oran un régiment et même 2.000 hommes d'infan<br />
terie,<br />
en portant la cavalerie française ou les spahis à<br />
1.200 chevaux.<br />
C'est surtout de la cavalerie qu'il faut dans ce pays, ou<br />
plutôt de l'infanterie à cheval, maniant les chevaux avec<br />
la même adresse que les Arabes.<br />
Quant à l'infanterie, j'ai déjà dit qu'il la faut très mo<br />
bile, très peu chargée et emmenant avec elle constamment<br />
80 mulets pour 1.000 hommes.<br />
Je me mets en route aujourd'hui à trois heures après-<br />
midi pour Tlemcen. Je n'irai aujourd'hui qu'à Misserghin,<br />
trois lieues d'Oran; demain 20, je coucherai à Aïn-Ameria;<br />
le ai, sur le Smaï; le 22, à Tisser ou s'il y a combat en<br />
route, ce que je suppose, à Guet el Gerab ou Breg; le 23 ou<br />
le 24, sur l'Amiguier; le 25 ou le 26, à Tlemcen.<br />
Ma cavalerie arabe sera renforcée, je crois, d'une cen<br />
taine d'hommes, excités par le succès du 12 et par l'espoir<br />
de moissonner pour s'indemniser des pertes que leur a fait<br />
éprouver Abd el Kader en brûlant leurs récoltes et en pre<br />
nant leurs bestiaux. Ma colonne s'est bien reposée; le moral<br />
un peu affaissé chez quelques-uns, s'est relevé et la con<br />
fiance paraît régner.<br />
Je n'ai aucun doute sur le résultat heureux de cette expé<br />
dition, qui demande pour être bien faite, 25 ou 3o jours :<br />
j'emporte avec moi une partie des objets nécessaires pour<br />
moissonner à Tlemcen. Il est convenu avec les Arabes qu'ils<br />
moissonneront deux jours pour moi et quatre pour eux. Je<br />
tâcherai aussi de faire moissonner une partie des troupes
— — 533<br />
protégées par l'autre partie et j'exciterai les Couloughlis à<br />
se pourvoir abondamment de subsistances. Ces opérations<br />
me conduiront jusqu'à la mi-juillet et je compte être de<br />
retour à Oran du i5 au 20 de ce mois.<br />
Là, Monsieur le Maréchal, je considérerai ma mission<br />
comme finie et je vous supplie de m'autoriser à rentrer par<br />
le premier bateau à vapeur qui se présentera. J'ai en France<br />
des intérêts et des affections qui ne me permettent pas de<br />
rester en Afrique. Si le pays était en danger, s'il s'agissait<br />
d'une grande guerre européenne, je sacrifierais tout. Mais<br />
ici il n'y a que des intérêts très secondaires (s'il y a des inté<br />
rêts);<br />
assez d'autres brigueront mon commandement.<br />
30<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre)<br />
Tlemcen, le 24 juin 1836.<br />
l'arrivé à Tlemcen après 6 jours de marche. Ce serait de<br />
petites journées pour l'Europe; elles sont assez fortes pour<br />
l'Afrique, avec les chaleurs actuelles. La marche de la Tafna<br />
à Oran m'avait appris de reste qu'il fallait conduire les<br />
troupes avec une extrême sagesse si l'on ne voulait perdre<br />
en 5 ou 6 jours de route autant d'hommes que dans une<br />
bataille. J'ai donc pris toutes les précautions imaginables et<br />
possibles à Oran,<br />
en ce qui touche les vivres et les trans<br />
ports. J'ai' fait des haltes fréquentes. Partout où il y avait
— — 534<br />
de l'eau, je restais 2 heures ou je couchais et, malgré cela, à<br />
2 jours d'Oran, j'ai dû renvoyer près de 3oo hommes qui<br />
ne pouvaient plus marcher par une cause ou par une autre.<br />
Depuis, mes cacolets et mes chameaux se sont encore cou<br />
verts de soldats et d'officiers. Les nouveaux régiments sont<br />
détestables pour faire celle guerre; ils ne deviennent bons<br />
qu'après s'être épurés de près de moitié de leur monde. Le<br />
17e<br />
léger en est là; entré il y<br />
a sept mois en Afrique avec<br />
1.600 et tant d'hommes, il n'en a pas 900 dans le rang,<br />
mais ces 900 sont bons. Il faut convenir que l'apprentissage<br />
est un peu cher.<br />
Parmi les nouveaux régiments, le<br />
24e<br />
été le plus mécontent. Il a été très démoralisé;<br />
est celui dont j'ai<br />
c'était pres<br />
que du désespoir. Quatre hommes se sont suicidés dans une<br />
marche de 4 lieues et il a fourni autant que tous les autres<br />
aux cacolets et aux chameaux. Cette maladie venait d'en<br />
haut. Le corps d'officiers était en très grande partie mécon<br />
tent d'avoir été réembarqué immédiatement après jRon<br />
retour de Corse. On exhalait hautement ses plaintes; on<br />
s'apitoyait sur le sort du soldat,<br />
et l'on prétendait que l'on<br />
n'avait jamais vu mener des troupes d'une manière aussi<br />
dure, lorsque dans tous les autres régiments on convient<br />
que jamais on n'a été conduit avec autant de (soins et<br />
d'abondance. 'Comparons cela, disent-ils,<br />
avec l'expédition<br />
de Mascara où nous avons manqué de vivres pendant cinq<br />
jours. (C'est une brigade seulement, les autres n'ont man<br />
qué que deux ou trois jours).<br />
Le colonel du<br />
24°<br />
est un homme faible, peu propre à cette<br />
guerre. Il se bornait à faire de longs soupirs et ne cherchait<br />
nullement à relever le moral. Le lieutenant-colonel est faible<br />
aussi et par-dessus cela, il est frondeur et grognard. Ce<br />
ne sont pas des hommes comme cela qu'il faut pour cette<br />
guerre. Il faut des jeunes gens ayant de l'ardeur et de<br />
l'avenir.<br />
J'ai dû m'occuper sérieusement du moral du 24*. J'ai<br />
réuni les officiers, je les ai harangués en présence des sol<br />
dats; j'ai discuté leurs plaintes à haute voix; je leur ai
— — 535<br />
prouvé qu'aucune n'était fondée, qu'ils avaient eu de l'eau<br />
et des vivres en abondance; qu'on avait fait halte après<br />
chaque heure de marche;<br />
que les régiments avaient été tour<br />
à tour à la tête, au centre et à la queue des colonnes, etc.,<br />
etc. Enfin, quittant le ton de la discussion, je leur ai dit<br />
que leurs plaintes sur le sort du soldat dissimulaient mal<br />
l'affaissement de leur moral, que les soldats ne se seraient<br />
pas plaints si eux-mêmes n'en avaient donné l'exemple. Le<br />
lieutenant-colonel a eu la sottise de me reprocher les fati<br />
gues de la journée du 12 qui était un jour de combat. Il me<br />
faisait beau jeu. Je lui ai répondu comme il le méritait et<br />
ma réponse a produit bon effet. Si pareille chose se renou<br />
velait, j'ôterais le commandement aux deux chefs supé<br />
rieurs et je le leur ai dit à huis-clos.<br />
Je suis entré dans tous ces détails, Monsieur le Maréchal,<br />
pour vous corroborer dans l'opinion que vous avez sans<br />
doute déjà, à savoir qu'il faut pour l'Afrique des troupes<br />
constituées tout exprès et surtout commandées par de jeu<br />
nes chefs, ardents et vigoureux. Quelques jeunes- gens se<br />
sont distingués en Afrique. Si vous conservez cette fâcheuse<br />
conquête, il faut les avancer et leur donner le commande<br />
ment des régiments d'abord, des colonnes plus tard.<br />
J'arrive un peu tard peut-être à la relation des faits mili<br />
taires. Nous n'avons vu aucun ennemi pendant les cinq.<br />
premiers jours, mais aujourd'hui la cavalerie d'Abd el<br />
Kader a attaqué mon arrière-garde dans, le terrain haché<br />
qui sépare l'Amiguier de la Safsaf. D'abord je n'ai pas fait<br />
grande attention à la légère fusillade qui s'était engagée;<br />
mais voyant qu'elle devenait plus sérieuse, j'ai arrêté les<br />
têtes de colonne et je me suis porté à la queue de celle du<br />
centre avec l'intention de donner une leçon aux poursui<br />
vants, à qui on a trop laissé prendre, je crois, la douce habi<br />
tude de harceler impunément. J'ai fait reployer tous les<br />
tirailleurs derrière un mamelon;<br />
j'ai formé trois échelons<br />
de cavalerie et deux d'infanterie. Au moment où je donnais<br />
au premier échelon l'ordre de laisser bien aventurer l'en<br />
nemi avant de le charger, le chef a cru que j'ordonnais
—<br />
— 536<br />
la charge et il est parti au galop. Il a reçu de très près la<br />
fusillade d'une cavalerie supérieure. 6 hommes ont été bles<br />
sés, 4 chevaux tués et la charge a avorté. Je me suis avancé<br />
avec le second échelon et j'ai précipité le tout sur l'ennemi.<br />
Dans ce moment, Mustapha que j'avais fait appeler, et qui,<br />
selon son habitude (i), chassait le sanglier avec ses Douairs<br />
sur mon flanc gauche, est arrivé fort à propos sur le flanc<br />
de l'ennemi pendant que nous le poussions de front. Sa<br />
déroute alors a été complète. Les plus mal montés sont tom<br />
bés sous le fer et leur tête a été coupée. Dans le nombre, se<br />
trouve un .<br />
aga d'Abd el Kader et un de ses chaouchs.<br />
J'ordonnai de continuer la poursuite jusqu'à ce que tout<br />
fût dispersé. Cela nous a ramenés jusque sur l'Amiguier,<br />
mais ce n'était pas du temps perdu. La leçon était bonne.<br />
Elle apprenait aux Arabes qu'il ne faisait pas bon nous flai<br />
rer de si près; elle prouvait à nos soldats que quand on veut<br />
se, faire lion,<br />
on fait respecter sa queue. Cela était d'autant<br />
plus nécessaire qu'avant la charge plusieurs officiers m'as<br />
suraient que cela ne réussirait pas, que nous fatiguerions<br />
nos chevaux et que, quand nous ferions demi-tour, nous<br />
serions harcelés de nouveau. Nous n'en avons pas revu un<br />
seul,<br />
et cet acte de vigueur nous a probablement sauvé too<br />
ou i5o blessés, que nous aurions eu dans le tiraillement<br />
d'arrière-garde qui aurait duré jusqu'à la Sâsaf. Ajoutons<br />
qu'il est honteux pour 6.000 hommes de se laisser ainsi<br />
bafouer par une poignée d'hommes, bien que ce soit, il faut<br />
l'avouer, de fort habiles cavaliers. J'ai eu 6 hommes tués et<br />
3 blessés. Je vous ferai connaître par mon ordre du jour<br />
les militaires qui se sont distingués.<br />
Après ce combat, je me suis arrêté deux heures sur la<br />
Sasaf, à une lieue de Tlemcen. C'est là que Cavaignaç, le<br />
bey et les chefs des Maures et des Juifs sont venus me rejoin<br />
dre. Ils ont été bloqués presque constamment. Abd el Kader<br />
(1) Ils chassent au dernier jour de marche quand rien n'annonce<br />
l'ennemi.
y<br />
— — 537<br />
était hier avec 5 ou 6.000 hommes et 120.000 têtes de<br />
bétail qui ont détruit les chétives récoltes qui existaient au<br />
tour de Tlemcen. Il s'est retiré, dit-on,<br />
vers l'empire de<br />
Maroc. J'ai vu les traces de deux pièces de canon qu'il traîne<br />
avec lui. D'autres disent qu'il m'attend au confluent de<br />
Tisser et de la Tafna. Je le saurai bientôt, je donnerai un<br />
jour de repos à mes troupes et je marcherai sur lui.<br />
Outre le désir de trouver Abd el Kader, je suis forcé de<br />
marcher sur la Tafna, car il a n'y ici aucun moyen de vivre<br />
sans attaquer le petit magasin de la garnison. Je dois vous<br />
dire que ce pays tant vanté est une petite oasis qu'on trouve<br />
avec plaisir après avoir traversé les 3o lieues de désert sté<br />
rile, incultivable,<br />
qui la séparent d'Oran; mais en même<br />
temps on est étrangement surpris de voir quelque chose de<br />
si peu semblable au portrait oriental qu'on nous en avait<br />
fait. Tlemcen est un monceau de vilaines ruines. C'était<br />
un amas de petites cabanes carrées dont il ne reste plus<br />
que les quatre murailles plus ou moins dégradées. Une<br />
petite partie est encore debout,<br />
et n'en est pas plus belle.<br />
Elle recèle 4 ou 5.000 Juifs, Maures ou Couloughlis qui ont<br />
l'air fort misérables,<br />
et qui sont très malheureux par suite<br />
du blocus et de l'absence de tout commerce. Un tel état de-<br />
choses ne peut durer. Si nous ne détruisons pas la puissance<br />
d'Abd el Kader, si nous n'occupons pas le pays en force-, il<br />
faudra que les habitants de cette malheureuse ville se sou<br />
mettent à l'Emir ou que nous les enlevions pour les porter<br />
ailleurs. La contribution a commencé leur ruine, le blocus<br />
l'a bien avancée el, comme ils ne recueillent rien, il faudra<br />
bien que leur petite bourse s'épuise.<br />
La position topographique de cette ville est agréable. De<br />
belles eaux qui descendent de la montagne voisine la tra<br />
versent,<br />
puis vont arroser des jardins et un bois d'oliviers<br />
que je croyais plus vastes, d'après les dires pompeux de nos<br />
Africains<br />
enthousiastes. Je crois être libéral en portant à<br />
200.000 francs le produit des olives de Tlemcen. Après ce<br />
bois se trouvent quelques champs de médiocre qualité.<br />
Quelques<br />
pièces d'orge, restes d'Abd el Kader, attestent que
— — 588<br />
la récolte était fort chétive. Du reste, pas un épi de froment.<br />
11 faut, dit-on,<br />
aller à 6 lieues de là dans la montagne pour<br />
en trouver, encore n est-ce pas certain; mais ce qui est<br />
assuré, c'est qu'il faudrait s'y<br />
battre avec les Kabyles pour<br />
récolter. Or il faudrait deux jours pour apporter un peu de<br />
grain. Pendant ces deux jours,<br />
nous mangerions autant<br />
que nous aurions récolté et les troupes seraient harassées,<br />
incapables de rien entreprendre contre l'ennemi. Il faut<br />
donc renoncer à moissonner, du moins pour le moment.<br />
En revenant,<br />
si les habitants de Tlemcen peuvent me four<br />
nir trois jours de vivres, je les mènerai moissonner avec<br />
moi.<br />
Je laisse encore 3oo éclopés à Tlemcen et je prends en<br />
remplacement 200 hommes de la garnison et 3oo Coulou-<br />
ghlis commandés par Cavaignac.<br />
Ne pouvant faire partir cette dépêche que de Bachgoun,<br />
je ne la terminerai que là.<br />
Rachgoun, 29 juin.<br />
L'ennemi ne m'a disputé ni le passage de l'Isser, ni celui<br />
du mont Telgat, qui est cependant fort difficile. Arrivé à<br />
10 heures du matin à l'Isser, j'ai poussé mes têtes de colonne<br />
vers la route qui longe la Tafna. J'ai laissé reposer les trou<br />
pes jusqu'à 3 heures après-midi; j'ai fait tête de colonne à<br />
droite et j'ai pris la route qui passe sur la montagne. Tous<br />
les Arabes s'accordaient à la dire meilleure que celle d'en<br />
bas par la Tafna. Les officiers du génie soutenaient le con<br />
traire par induction. Je me suis rangé du côté de ceux qui<br />
avaient vu et j'ai bien fait. Par la montagne, quoiqu'il<br />
faille monter 5oo mètres,<br />
on peut faire une bonne route<br />
carrossable en travaillant un jour ou un jour et demi. L'in<br />
convénient c'est qu'il n'y a que deux petites fontaines insi<br />
gnifiantes pour une grosse colonne; mais il est partout aisé<br />
de protéger un convoi. La route passe dans les deux ver<br />
sants sur une arête flanquée par d'énormes ravins qui sont,<br />
une fortification naturelle; mais il faut préalablement s'em-
— — 539<br />
parer du col avec une forte partie de la colonne. Il faut<br />
7<br />
heures à une colonne pour traverser cette montagne.<br />
J'ai couché au sommet le 27, et le 28 au pied du versant<br />
nord sur les bords de la Tafna, à 4 lieues de Bachgoun.<br />
En couchant là, j'avais deux objets : faire vivre ma cava<br />
lerie dans quelques petites pièces d'orge que l'on rencontre<br />
si rarement dans cette terre promise, et reconnaître la route<br />
d'en bas. A 4 heures, j'ai marché sur ce chemin avec 4 ba<br />
taillons et la cavalerie. L'infanterie a été successivement<br />
échelonnée sur des points protecteurs, la cavalerie ensuite,<br />
et avec les Douairs alliés, je me suis porté jusqu'en vue- de<br />
mon camp sur les bords de l'Isser. Nous avions trouvé<br />
plusieurs mauvais passages, mais là il en existe un où<br />
600 hommes arrêteraient une-<br />
rétrécissent la vallée déjà fort étroite,<br />
armée. Deux montagnes à pic<br />
et la Tafna la barre<br />
exactement d'une montagne à l'autre en formant un ravin<br />
de 4o à 5o mètres de profondeur. Les bords sont perpendi<br />
culaires. Les ingénieurs ont dû convenir que les Arabes<br />
avaient raison. S'il s'agissait de faire, en pleine paix, une<br />
route de Bachgoun à Tlemcen, il faudrait la faire par en<br />
bas, mais en temps de guerre et avec les travaux que nous<br />
faisons dans les plus mauvais pas, il faut passer par en haut»<br />
c'est beaucoup plus sûr. Mais je ne ferais ni l'une ni l'autre.<br />
Celle d'en bas ne me convient aucunement et celle d'en<br />
haut n'ayant point d'eau, je ne puis y rester deux jours<br />
par ces chaleurs. D'ailleurs, n'ayant à Bachgoun que 6 mau<br />
vais fourgons mal attelés,<br />
cela ne vaut pas la peine que<br />
nous prendrions. Pendant 2 jours de travail,<br />
nous consom<br />
merions les vivres des fourgons, et l'approvisionnement de<br />
Tlemcen n'en serait nullement augmenté. Je me bornerai<br />
donc à charger mes 4 à 5oo chameaux ou mulets. J'espère<br />
qu'ils<br />
me porteront dix jours de vivres pour la colonne et<br />
pour deux mois pour la garnison de. Tlemcen,<br />
ce qui lui<br />
fera un approvisionnement d'environ 6 mois. J'espère trou<br />
ver des bœufs à Tlemcen. Dès que le camp d'Abd el Kader<br />
a été levé,<br />
écrire par le bey<br />
quelques Angad sont venus au marché. J'ai fait<br />
à toutes les tribus voisines pour les enga-
— — 540<br />
ger à se soumettre et à venir commercer avec Tlemcen.<br />
Je ne resterai à Bachgoun que le temps nécessaire pour<br />
organiser mon convoi. Je ne puis y faire vivre ma cavalerie<br />
et mes nombreux transports qu'en allant fourrager au loin.<br />
Il faut y mettre beaucoup de précaution pour qu'il n'arrive<br />
pas d'accident.<br />
Je ne puis non plus vivre à Tlemcen; il faut donc de toute<br />
nécessité rentrer à Oran. Je compte traverser les montagnes<br />
du Beni-Hamer pour châtier ces tribus rebelles. Bentré à<br />
Oran, il faudra du repos aux troupes pendant les plus gran<br />
des chaleurs. Je n'aurais donc rien à faire de quelques<br />
temps, ce sera le cas de laisser le commandement au général<br />
Létang qui sera sans doute arrivé et d'aller visiter Alger,<br />
afin de pouvoir, avec connaissance de cause, dire au Gou<br />
vernement et aux Chambres mon opinion sur la colonie.<br />
Beconnaissant qu'il était nécessaire, pour donner suite aux<br />
affaires pendantes à Oran, d'y<br />
laisser l'homme qui les avait<br />
commencées, j'ai prié le général d'Arlanges de continuer<br />
et je le laisse jouir des indemnités qui y sont attachées.<br />
Vous jugerez, Monsieur Ie Maréchal,<br />
si vous devez m'accor-<br />
der des frais de représentation. En attendant, je représente<br />
comme je le dois et quelle que soit votre décision, je serai<br />
toujours satisfait.<br />
Il paraît qu'Abd el Kader s'est retiré vers le Maroc parce<br />
que les tribus ont mal répondu à son appel. Elles voient que<br />
nous sommes bien décidés à nous battre,<br />
qu'elles n'ont à<br />
gagner que des coups; cela les dégoûte. Elles sont d'ailleurs<br />
fort malheureuses pour la plupart. Obligées de fuir avec<br />
leurs troupeaux, elles se sont entassées vers Trara et Ne-<br />
droma où l'on ne les souffre qu'avec peine et mauvais trai<br />
tements. Elles sont donc fort dégoûtées de la guerre et je<br />
m'attends à quelques ouvertures. Un marabout kabyle a<br />
demandé une entrevue à Mustapha pour aujourd'hui sur<br />
une montagne où l'on doit allumer du feu. Nous verrons.<br />
Je suis très convaincu que l'on peut soumettre le pays,<br />
pour un temps du moins, avec beaucoup d'activité et de<br />
dépenses; mais je ne crois pas du tout que l'on soit récom-
— — 541<br />
pensé des frais et du sang versé. Je développerai cela une<br />
autre fois. Je veux terminer par deux mots sur les postes de<br />
k Tafna et Tlemcen. Le temps me presse, il faut que le<br />
bateau reparte pour aller nous chercher ce qui nous man<br />
que. Je n'aurai pas le temps de copier ma dépêche; je vous<br />
prie de me la garder.<br />
Je crois aujourd'hui qu'avec les forces que nous avons,<br />
il est bon de continuer l'occupation de Tlemcen et de ma<br />
nœuvrer autour autant qu'on le pourra; mais pour cela il<br />
faudrait y avoir des magasins, c'est là le difficile.<br />
Je pense toujours que le poste de la Tafna n'est pas du<br />
tout la conséquence nécessaire de celui de Tlemcen. Loin de<br />
faciliter les opérations, il les gêne, et le port est si détestable<br />
toute l'année, si impraticable pendant 7 ou 8 mois,<br />
que l'on<br />
ne peut fonder là quelque chose de stable. Je préférerais de<br />
beaucoup<br />
un poste retranché sur le Senam à moitié chemin<br />
d'Oran à Tlemcen. On l'approvisionnerait aisément avec des<br />
fourgons et des mulets et les colonnes mobiles trouveraient<br />
dans ce poste central à se ravitailler en vivres et en muni<br />
tions, ce qui serait bien plus avantageux pour les opérations<br />
que d'aller à la Tafna en dehors du cercle d'action. De<br />
Tlemcen à la Tafna, il y a plus loin que du Sinou. De là,<br />
on peut se porter partout, après avoir pris pour 12 ou<br />
i4 jours de vivres. A la Tafna, on est dans un cul-de-sac,<br />
au milieu des montagnes kabyles; il faut remonter la rivrere<br />
pour opérer autour de Tlemcen. De ce point à la Tafna, il<br />
y<br />
a au moins trois jours de marche ou 16 lieues environ.<br />
Ainsi trois jours pour aller chercher des vivres, trois jours<br />
pour revenir au centre des opérations. Tout cela est bien<br />
gênant, bien paralysant. Que si l'on a assez de monde, on<br />
peut faire l'un et l'autre; mais, s'il fallait -choisir,<br />
je donne<br />
rais la préférence au poste du Sinou. Je conviens toutefois<br />
qu'il est plus difficile d'y faire un établissement solide qu'à<br />
la Tafna à cause de la difficulté d'y transporter des bois,<br />
de la chaux, etc., etc..<br />
On peut se<br />
passer de l'un et de l'autre avec un bon sys<br />
tème de transports. Ce serait moins coûteux, plus sûr, plus
— 542 —<br />
commode pour les opérations que la Tafna (i). On p.eut<br />
approvisionner Tlemcen avec 12 fourgons el la colonne avec<br />
80 mulets pour 1.000 hommes.<br />
Je ne veux pas terminer, Monsieur le Maréchal, sans vous<br />
dire un mot de nos alliés les Douairs. J'en suis extrêmement<br />
content. Ce sont d'intrépides et habiles cavaliers. Us sont<br />
évidemment supérieurs à nos cavaliers pour éclairer, tirail<br />
ler et combattre -dans les terrains difficiles. Mustapha, leur<br />
chef,<br />
y<br />
est un homme respectable et de très bon conseil. Il<br />
a d'autres chefs qui sont aussi fort recommandables par<br />
leur bravoure et leur intelligence. Il serait juste et politique<br />
de faire un bon traitement à ces hommes qui servent si<br />
bien notre cause. Je vous engage vivement à prendre ce<br />
po;t! et à demander au général qui doit commander Oran<br />
un travail sur ce point fort important. Cela sera plus fruc<br />
tueux que les fortifications que quelquefois on multiplie<br />
d'une manière peu judicieuse.<br />
(1) Il y faut pour 100.000 francs de bâtiments.
— 543<br />
■Il<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 24 juin 1836.<br />
J'ai reçu la lettre que vous m avez écrite de Santi-Pietri le<br />
29 mai, dans laquelle vous me rendez compte des disposi<br />
tions que vous avez prescrites pour le transport des effets du<br />
62°<br />
régiment et la composition du sac de chaque soldat.<br />
Cette lettre renferme aussi des observations sur les consé<br />
quences de l'application de la mesure des congés illimités.<br />
J'y ai trouvé, en outre, les instructions générales que vous<br />
avez données au 62* régiment et que vous vous proposez<br />
de donner à tous les corps réunis sur la Tafna, pour les<br />
engagements qu'ils auront dans vos opérations contre les<br />
Arabes hostiles. Il ne faut pas trop se servir dans cette<br />
guerre des systèmes absolus, ce n'est pas une guerre comme<br />
une autre; on doit prendre conseil de l'expérience surtout<br />
avec des ennemis comme ceux auxquels vous avez affaire.<br />
Je m'en rapporte du reste à votre bon esprit et à votre expé<br />
rience des hommes et des choses.<br />
J'ai répondu, le 7 juin, à votre lettre du 25 mai,<br />
et je<br />
vous ai fait connaître comment vous correspondrez avec<br />
moi. Je ne puis que vous répéter que-'vous m'adresserez<br />
directement vos rapports, tant que fou- «- ez seul en opé<br />
rations, mais que vous devez aussi envoyer les mêmes rap<br />
ports, en même temps, au général Bapatel. Une lettre du<br />
10 juin de cet officier général me fait connaître qu'à cette<br />
époque, il n'avait pas encore reçu de vos nouvelles. Cette<br />
date est rapprochée trop de celle de votre débarquement
— — 544<br />
pour que vous ayez pu informer de votre arrivée le général<br />
commandant les troupes à Alger. 11 est essentiel que vous<br />
l'en instruisiez et que vous le teniez au courant de vos opé<br />
rations,<br />
afin qu'en l'absence de M. le Gouverneur général<br />
qu'il remplace, il puisse prescrire telle disposition qui pour<br />
rait être utile au succès de votre expédition.<br />
Je pense, au reste, qu'au moment où je vous écris, ma<br />
lettre du 7 juin vous est parvenue el que vous êtes mainte<br />
nant en correspondance avec le général Bapatel.<br />
M. le maréchal Clauzel doit partir incessamment pour se<br />
rendre à son poste.<br />
32<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre)<br />
Le 30 juin 1836.<br />
J'ai reçu vos lettres des 7, 8, 11 et 16 du mois courant<br />
dans lesquelles de votre arrivée au camp de l'embouchure<br />
de la Tafna, des dispositions que vous avez faites pour orga<br />
niser les services nécessaires à vos opérations, de la situa<br />
tion dans laquelle vous avez trouvé les troupes du général<br />
d'Arlanges, de celles qui ont été envoyées récemment sur ce<br />
point, des motifs qui vous ont déterminé à marcher sur<br />
Oran avant de vous porter sur Tlemcen et du combat que<br />
vous avez livré à Abd el Kader le 11, à la suite duquel il a<br />
été dispersé et mis en fuite dans toutes les directions.
— — 545<br />
J'ai lu toute cette correspondance avec intérêt; j'applau<br />
dis aux bonnes dispositions que vous avez faites ainsi qu'aux<br />
succès qu'elles ont eues.<br />
Vous aurez sans doute des résultats non moins heureux<br />
dans nos opérations sur Tlemcen.<br />
ville,<br />
M. le maréchal Clauzel pense qu'à votre retour de cette<br />
vous feriez une chose utile en établissant les troupes<br />
sous vos ordres dans les montagnes de Beni-Amer, en face<br />
d'Oran et de l'autre côté du lac Sebka, afin de comprimer<br />
les efforts de cette tribu hostile. J'écris par le télégraphe au<br />
général Bapatel pour qu'il vous fasse connaître cette inten<br />
tion du gouverneur général;<br />
mais je l'informe en même<br />
temps et j'en préviens aussi M. le Maréchal que je vous<br />
laisse toutefois à apprécier les avantages et l'opportunité de<br />
cette mesure. Vous ferez donc à cet égard ce que vous juge<br />
rez de plus favorable pour escompter le résultat que le Gou<br />
vernement du roi attend de vos opérations et vous m'en<br />
rendrez compte; vous en informerez en même temps le<br />
général Bapatel.<br />
35
546 —<br />
33<br />
Le général Bugeaud au général d'Arlanges<br />
(Arch. Guerre)<br />
Au camp de la Tafna, 30 juin 1836.<br />
J'ai été péniblement étonné de ne pas t.ouver ou recevoir<br />
ici une lettre de vous avec les journaux que vous aviez eu<br />
la bonté de me promettre. Nous n'avons lu quelques jour<br />
naux que jusqu'au 25 mai; de grâce, envoyez-nous donc<br />
ceux dont vous pourrez disposer par le retour du Brasier.<br />
Mais ce qui presse plus que les journaux,<br />
envoyer ici au moins ioo.ooo francs pour :<br />
i"<br />
c'est de nous<br />
Le paiement de deux mois qui restent dûs au bataillon<br />
de Tlemcen avec l'indemnité 4o.ooo fr.<br />
2°<br />
Pour deux mois d'avance avec la réduc<br />
tion de solde 35 . ooo<br />
3°<br />
Et enfin pour acheter des bœufs à Tlem<br />
cen et pour dépenses imprévues au moins.... 25 . ooo )<br />
Total ioo . ooo fr.<br />
Il vaudrait mieux 120.000 fr.<br />
J'envoie les officiers payeurs des corps pour toucher ce<br />
qui est dû aux régiments et quelque chose d'avance. Les<br />
officiers et les soldats achètent beaucoup quand ils en trou<br />
vent l'occasion, pour subvenir à leurs besoins; il faut leur<br />
donner les moyens de dépenser leur solde pour conserver<br />
les forces nécessaires au service.<br />
Ce qui manque le plus aux approvisionnements d'ici,<br />
c'est la viande sur pied, le foin et l'orge. Expédiez-moi tout
- 547<br />
-<br />
de suite de l'argent, du foin, de l'orge et de la viande; je<br />
n'attends que cela pour me remettre en mouvement, car je<br />
ne puis pas vivre ici avec ma nombreuse cavalerie, mes cha<br />
meaux, etc..<br />
Je ferais bien quelques fourrages, mais tout est épuisé, aux<br />
environs.<br />
Le commandant du Brasier me dit que vous avez su par<br />
un Juif de Tlemcen les événements de notre marche sur<br />
cette ville. Nous n'avons vu l'ennemi que le dernier jour.<br />
entre l'Amiguier et le Sasaf. 11 y a eu un combat d'arrière-<br />
garde qui fait assez d'honneur aux troupes qui ont été enga.<br />
gées; il a le mérite d'avoir appris à l'ennemi qu'il ne fait<br />
pas bon à venir nous flairer de si près, et à nos troupes, que<br />
quand on veut se faire respecter à l'<br />
arrière-garde, on l'ob<br />
tient toujours en se faisant lion et non pas mouton. Faites-<br />
vous mouton et l'on vous tondra.<br />
Donnez-moi donc par le retour du bateau à vapeur des<br />
nouvelles du maréchal Clauzel, du général Létang et de tous<br />
les on-dit. Que le bateau revienne après-demain sans faute,<br />
car je brûle de repartir.<br />
P. S. —<br />
Faites<br />
sion, je vous en prie.<br />
parvenir mes lettres par la première occa
548<br />
34<br />
Le général Bugeaud au général Létang<br />
(Arch. Guerre)<br />
Au camp sur la Tafna, le 1°'<br />
juillet 1836.<br />
Malgré le désir que j'en aie, je ne pouri ,-jJrentrer à Uran,<br />
après avoir ravitaillé Tlemcen et voici pourquoi : pour por<br />
ter les effets de la garnison et quatre mois de vivres pour<br />
elle, il me faut 280 chameaux; il m'en restera tout au plus<br />
assez pour porter six jours de vivres pour moi. J'en dépen<br />
serai trois ou quatre pour me rendre à Tlemcen. Avec six<br />
que j'aurai dans le sac, ce serait dix jours qu'il me resterait;<br />
mais comme de toute nécessité il me faudra rester un jour à<br />
Tlemcen,<br />
plus trois jours pour faire un fourrage aux envi<br />
rons et châtier une ou deux des tribus les plus malveillan<br />
tes, il ne me resterait plus assez de vivres pour aller à Oran<br />
sans toucher à Bachgoun.<br />
Une autre grande raison d'y revenir, c'est que j'ai laissé<br />
des malades à Tlemcen et que j'en aurai encore d'autres<br />
qu'il faudra évacuer sur Bachgoun et de là à Oran.<br />
Je viens donc vous prier de donner à l'intendant les ordres<br />
les plus positifs pour approvisionner la Tafna avec la plus<br />
grande activité.<br />
1*<br />
de 60.000 rations de biscuit,<br />
car je vais emporter à peu<br />
près tout celui, qu'il y a (nous ne pouvons envoyer qu'envi<br />
ron 3o.ooo rations ou reprendre la fabrication pour aller à<br />
40.000);<br />
20<br />
De la viande sur pied,<br />
car je suis incertain d'en trou<br />
ver à Tlemcen. (Un navire est envoyé à Mostaganem pour y<br />
chercher des bœufs; nous en enverrons également d'ici);
3°<br />
du pain et de l'orge,<br />
— — 549<br />
car le pays autour de nous est<br />
complètement épuisé. (Il y a au camp pour 1/1 jours de foin<br />
et d'orge ; il faudrait connaître au juste la quantité que<br />
l'on désire) ;<br />
4°<br />
du sucre et du café qui produisent un si bon effet sur<br />
les troupes en route (envoyé 43. ooo rations);<br />
5°<br />
Enfin du riz, du sel, du vin et dans la même propor<br />
tion (il a été envoyé du sel; on enverra encore du riz; du<br />
vin a été envoyé).<br />
Il n'y a pas un moment à perdre, car je reviendrai sur la<br />
Tafna aussi vite que je le pourrai.<br />
On m'a parlé,d'un Juif nommé Ben Dieziria, ancien ami<br />
de Mustapha,<br />
qui voudrait lier dans notre intérêt des rela<br />
tions avec l'aîné de la famille des Marannis des Ouled Nas-<br />
sas. Bien que je croie que de pareilles<br />
ouvertures'<br />
sont encore<br />
un peu prématurées, je suis très disposé à donner mon<br />
consentement à ces négociations. Je vous engage donc à<br />
voir ce Juif qui connaît M. le sous-intendant Berlié et à<br />
mettre cette affaire en train. Un autre succès de noire part<br />
et le ravitaillement de Tlemcen ne pourraient qu'accélérer<br />
l'affaire.<br />
J'espère trouver des lettres de vous, des journaux et des<br />
nouvelles en rentrant à Bachgoun et encore un peu d'argent.
voi,<br />
550<br />
35<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E87)<br />
Sur la Tafna, le 3 juillet 1836.<br />
J'espère partir demain pour Tlemcen avec un grand con<br />
contenant pour quatre mois de farine et de riz pour<br />
cette garnison et dix jours de vivres pour ma colonne. Je<br />
serai obligé de revenir ici, soit pour m'y réapprovisionner,<br />
soit pour y rapporter les malades que j'ai laissés à Tlemcen.<br />
Ce métier de convoyeur,<br />
faire,<br />
qu'il est pourtant indispensable do<br />
paralyse la guerre réelle : il est probable que je n'aurai<br />
de combats que si Abd el Kader est tenté de se placer sur ma<br />
route. Je tenterai cependant de faire quelques courses aux<br />
environs de Tlemcen, tant que j'aurai des vivres. Si je ne<br />
du moins je lui nuirai dans l'opinion des<br />
bats pas l'ennemi,<br />
tribus qu'il ne pourra protéger. Je tâcherai de rentrer à<br />
Oran par le pays des Beni-Amer. Tout cela me prendra, je<br />
crois, jusqu'à la fin de juillet, époque à laquelle il est indis<br />
pensable de faire reposer les troupes. Quoique la chaleur ne<br />
soit pas encore à son plus haut degré, elles se fondent rapi<br />
dement. Je crois vous avoir dit déjà que j'ai laissé 5oo hom<br />
mes à Oran; j'en avais laissé 3oo ici, en j'y laisserai encore<br />
200; j'en ai 3oo à Tlemcen; c'est le cinquième de mes forces<br />
agissantes.<br />
Pendant mon absence, il n'y a point eu d'attaque sérieuse<br />
sur le camp de la Tafna. Une prolonge du génie qui allait<br />
chercher des broussailles à fascines pour le<br />
été attaquée par les Arabes : trois hommes du<br />
tués, trois chevaux enlevés.<br />
retranchement a<br />
24e<br />
ont été
— — 551<br />
Aucune tribu n'a encore demandé à faire sa soumission,<br />
ni ici ni dans l'est. Elles le feraient si on pouvait leur assu<br />
rer une protection constante, mais cela ne serait possible<br />
qu'avec 5o ou 60.000 hommes, occupant plusieurs postes el<br />
divisés en plusieurs colonnes.<br />
Le général d'Arlanges me mande que la tribu des Borgias<br />
qui apportait des vivres à Oran depuis mon entrée en cam<br />
pagne,<br />
a été attaquée à son retour d'Oran par les Garabas,<br />
qui leur ont enlevé des mulets et ont blessé plusieurs hom<br />
mes,<br />
dont un est, venu mourir à Oran.<br />
36<br />
Le général Bugeaud au général Létang<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Tlemcen, 7 juillet 1836.<br />
Vous verrez par cette dépêche le gros de nos succès; nous<br />
vous dirons les détails quand nous vous verrons.<br />
Il avait convoqué tous les bans, il était à l'apogée de ses<br />
forces et avec moitié des mêmes il a été saboulé de la ma<br />
nière la plus brutale; il a perdu immensément.<br />
Je resterai ici quelques jours si je puis trouver du pain,<br />
mais dans tous les cas,<br />
le 18.<br />
(1) Dépêche télégraphique.<br />
tenez-vous prêt à me recevoir pour
552 —<br />
Que l'intendant ait, du pain biscuité, mais meilleur que<br />
celui qu'on nous a donné en partant qui était vraiment bien<br />
mauvais. Et puis songez à nos légumes.<br />
31<br />
Le général Bugeaud au Ministre de 9a Guerre<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Tlemcen, le 7.<br />
Abd el Kader depuis quatre jours attendait mon grand<br />
convoi au passage du Tolgat sur les bords de la Tafna.<br />
N'ayant aucun avantage à combattre là, j'y ai fait des<br />
démonstrations et la nuit j'ai passé ailleurs. Le lendemain 6,<br />
à la pointe du jour, il m'a attaqué avec toutes les forces<br />
qu'il avait convoquées depuis quinze jours au moment où<br />
mon convoi traversait le ravin creusé par le Sikkak. J'ai<br />
fait filer le convoi sur Tlemcen avec une partie de mes<br />
forces; avec le rdsle, j'ai pris l'offensive et Abd el Kader a<br />
éprouvé une déroute complète. Son infanterie surtout a été<br />
anéantie. J'en ai sauvé i3o du carnage. Je vais les envoyer<br />
à Marseille. C'est dans le ravin de l'Isser près de son embou<br />
chure dans la Tafna où je l'ai précipitée qu'a eu lieu la<br />
plus grande destruction,<br />
c'est-à-dire à quatre lieues du<br />
point où a commencé le combat. Il a laissé tous ses blessés<br />
et trois drapeaux dont celui de l'infanterie régulière.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
553 -<br />
38<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E97)<br />
(Moniteur Universel des 30 et 31 juillet 1836, p. 1683)<br />
Tlemcen, le 8 juillet 1836.<br />
Ma dépêche télégraphique vous a fait connaître en abrégé<br />
notre succès du 6. Mieux qu'un autre, puisque vous avez<br />
triomphé souvent, vous jugerez du bonheur que j'ai à vous<br />
retracer un combat tel que je l'ambitionnais, à cela près<br />
qu'Abd el Kader n'a été ni tué, ni pris. Son cheval seul est<br />
resté sur le champ de bataille.<br />
L'affaire de la Sikkak pourrait sans hyperbole s'appeler<br />
une bataille,<br />
puisque, toutes les forces dont peut disposer<br />
mon adversaire s'y trouvaient.<br />
Il avait appelé du secours de partout pour m'empêcher<br />
de ravitailler Tlemcen et depuis 4 jours il était posté au<br />
Telgat, près de la Tafna. Une reconnaissance que j'y avais<br />
poussée dans le double but de reconnaître la route pour<br />
l'avenir et de lui donner le change lui avait fait penser que<br />
je voulais passer par là, tandis que je n'en eus jamais l'in<br />
tention.<br />
Mon convoi devait être l'objet de son envie et je comptais<br />
là-dessus pour avoir avec lui en engagement sérieux que<br />
j'aurais peut-être cherché vainement par d'autres manœu<br />
vres. Se faire attaquer est le meilleur moyen avec un tel<br />
ennemi et sur un tel terrain;<br />
mais, il fallait combattre dans<br />
un lieu favorable, ce fut là l'objet de toute ma sollicitude.<br />
Je partis de Bachgoun le 4 à 4 heures du soir. Je poussai
— — 554<br />
trofs bataillons aux ordres du colonel Combes sur la route<br />
du Telgat et je vins camper avec mon convoi de 5oo cha<br />
meaux et 3oo mulets à quelque distance derrière lui. A<br />
2 heures du matin, Combes quitta son camp sans bruit et<br />
par un sentier à gauche, il fut occuper à deux lieues et<br />
demie de là le col de Seba-Chiouch. Je m'y dirigeai une<br />
heure après. Le convoi et le reste de la division s'y dirigè<br />
rent. Le col n'était pas gardé, mais 4 ou 5oo hommes des<br />
Beni-Amer y arrivaient par l'autre versant. Il était trop tard;<br />
à 7 heures, tout mon convoi avait passé et nous descendions<br />
vers l'Isser. Abd el Kader était trop loin pour s'opposer à<br />
notre marche. La rivière fut franchie tranquillement et je<br />
campai sur la rive gauche, fort satisfait d'avoir passé la<br />
chaîne de montagnes sans combat (i).<br />
Abd el Kader, instruit enfin de ma marche, se rapprocha<br />
de moi. A 3 heures après-midi, i.5oo à 2.000 chevaux aux<br />
ordres de son lieutenant Ben Nouna, défilèrent en vue de<br />
mon camp, sur la rive droite de l'Isser, et vinrent camper<br />
à demi-lieue sur ma gauche. Le gros des forces remonta la<br />
rive gauche de l'Isser et vint camper à une lieue sur ma<br />
droite. Je jugeai que cette manœuvre avait pour but de<br />
m'enfermer le lendemain matin dans le profond ravin de<br />
la Sikkak que je devais passer deux fois pour me rendre à<br />
Tlemcen. Je fis une reconnaissance pour chercher une autre<br />
route/ mais toutes présentaient des difficultés, soit pour le<br />
combat, soit pour le convoi. Je me décidai à franchir la Sik<br />
kak et je quittai mon camp à 3 heures du matin dans le<br />
double objet de passer le premier ravin et d'être plus près<br />
de Tlemcen avant d'être attaqué, afin d'y jeter mon convoi<br />
et de reprendre l'offensive dès que je serais débarrassé de cet<br />
énorme empêchement.<br />
J'annonçai cette résolution aux troupes : « Vous serez<br />
attaquées, leur dis-je, demain pendant votre marche. Vous<br />
(1) Ce résultat ne pouvait être obtenu qu'en renonçant aux charret-,<br />
tes et à l'artillerie roulante.
— — 555<br />
saurez un temps souffrir les insultes de l'ennemi et vous<br />
« vous bornerez à le contenir,<br />
mais dès que je pourrai jeter<br />
« le convoi dans Tlemcen, vous prendrez votre revanche,<br />
vous marcherez à lui et vous le précipiterez dans les ravins<br />
de l'Isser, de la Sikkak ou de la Tafna >,.<br />
Cela s'est vérifié avec un bonheur inouï.<br />
Malgré ma diligence, j'ai été attaqué par le cuinp de ma<br />
gauche à 4 heures et demie du matin, lorsque mon convoi<br />
n'avait passé qu'à moitié le premier ravin de la Sikkak. Je<br />
l'ai fait contenir par les Douairs,<br />
escadron du 2°<br />
chasseurs.<br />
un bataillon du<br />
24°<br />
et un<br />
Le colonel Combes, après avoir passé la Sikkak avec ma<br />
colonne de droite,<br />
protectrice du convoi.<br />
avait pris avec intelligence une position<br />
Soupçonnant que la colonne d'Abd el Kader ne tarderait<br />
pas à paraître sur les plateaux de la rive gauche, je me suis<br />
empressé d'y<br />
arriver avec la tête de la colonne du centre<br />
et ma colonne de gauche. Abd el Kader y touchait avec en<br />
viron 3. ooo chevaux, 3.ooo Kabyles à pied et son bataillon<br />
régulier de i.ooo à i.ioo hommes.<br />
J'ai déployé le 62e<br />
et un demi-bataillon d'Afrique parallè<br />
lement à la Sikkak, mais en arrière de la crête, de manière<br />
à n'être pas vu de l'ennemi qui nous suivait. J'ai mis en<br />
bataille le<br />
23e<br />
et un demi-bataillon d'Afrique perpendicu<br />
lairement à la gauche du 62e- En avant du<br />
ment, j'ai formé en colonnes doubles,<br />
23e<br />
et parallèle<br />
échelonnées sur le<br />
bataillon du centre, les trois bataillons du colonel Combes et<br />
j'ai jeté en avant sur le flanc gauche du 62e<br />
gnies d'élite en tirailleurs et les spahis du<br />
mandés par le lieutenant Mesmer. Le<br />
2e<br />
2e<br />
deux compa<br />
chasseurs com<br />
chasseurs a été<br />
rappelé en entier des bords de la Sikkak et placé en colonnes<br />
par escadron vis-à-vis l'un des intervalles des bataillons de<br />
Combes. Le convoi a été placé dans l'angle formé par les<br />
troupes,<br />
par la ligne parallèle et la ligne perpendiculaire à<br />
la Sikkak. Il était gardé par 200 hommes du bataillon de<br />
Tlemceh et les Couloughlis. Je rappelai les Douairs et les<br />
tirailleurs qui contenaient les Arabes de la rive droite de la
— — 556<br />
Sikkak afin de leur donner la confiance de passer sur la rive<br />
gauche. Les Douairs furent lents à se réunir et ne purent<br />
prendre place dans l'ordre de la bataille parce que les événe<br />
ments marchèrent trop vite. Je ne connais d'autre défaut à<br />
cette intrépide cavalerie que de se lancer dans le combat<br />
avec un tel abandon qu'on ne peut presque plus disposer<br />
d'elle pour les événements subséquents, mais, dès qu'elle<br />
reconnaît que sa présence est nécessaire sur un point où le<br />
combat devient sérieux, elle y accourt d'elle-même, c'est ce<br />
qu'elle a fait avec succès dans cette journée.<br />
On voit par les dispositions indiquées que je vais livrer<br />
un combat double sous la figure d'une équerre, mais le<br />
croquis ci-joint vous en fera mieux juger.<br />
Contre des armées européennes, cette disposition pourrait<br />
paraître vicieuse. On peut croire faible le sommet de l'angle<br />
qui peut être enveloppé et écrasé, mais ici cet inconvénient<br />
était racheté par ces circonstances que l'une des lignes était<br />
couverte par le ravin et que l'autre appuyait sa droite au<br />
même obstacle. D'ailleurs avec les Arabes il n'y a pas de<br />
mauvais ordre,<br />
pourvu qu'on ait de la fermeté et de la<br />
résolution. Je n'aurais pu du reste choisir dans tout le pays<br />
un champ de- bataille plus heureux que celui que m'offrait<br />
la fortune. Abd el Kader avait derrière lui un plateau facile<br />
pour la cavalerie, de deux à trois lieues d'étendue et entouré<br />
sur trois côtés par la Sikkak, l'Isser et la Tafna, de sorte que<br />
j'étais presque assuré, en le mettant en fuite, de l'acculer à<br />
un ravin où il devait éprouver des pertes,<br />
poursuite fût vigoureuse.<br />
pourvu que la<br />
J'avais besoin de dix minutes de plus pour finir mes dis<br />
positions et distribuer les rôles avec précision. Il fallait aussi<br />
donner le temps à l'ennemi de la Sikkak de la passer, afin de<br />
l'y<br />
précipiter. Abd el Kader n'a pas voulu me donner ces<br />
dix minutes, il a rejeté sur moi mes tirailleurs et mes spahis<br />
et s'est avancé en grosses masses informes poussant des cris<br />
affreux. J'ai jugé que le moment de prendre l'offensive à<br />
mon tour était arrivé et qu'un mouvement rétrograde pou<br />
vait tout compromettre. Après avoir lancé des obus et de la
—<br />
— 557<br />
mitraille sur cette vaste confusion, toutes les troupes à la<br />
fois se sont ébranlées à mon commandement et ont abordé<br />
l'ennemi avec une grande franchise.<br />
Le combat du plateau était le plus considérable : les trois<br />
bataillons de Combes ( i du 47e,<br />
2 du<br />
170<br />
léger)<br />
ont agi avec<br />
une résolution et une vitesse remarquables pour des troupes<br />
si fatiguées par les marches et la chaleur. Les cavaliers ara<br />
bes étaient si nombreux que la fusillade avec laquelle ils<br />
nous ont accueillis ressemblait à un feu des deux rangs de<br />
plusieurs régiments de notre infanterie. Ils ont plié, mais<br />
avec lenteur. J'ai cru le moment favorable pour "lancer sur<br />
eux le<br />
2e<br />
de chasseurs. J'ordonnai à<br />
c/-'<br />
régiment une charge<br />
à fond qui d'abord eut un plein succès. Les Arabes qui se<br />
trouvaient en face furent culbutés et un parti d'infanterie<br />
kabyle fut sabré; mais l'aile droite des Arabes ayant attaqué<br />
le flanc gauche des chasseurs pendant que d'autre infan<br />
terie sortie du ravin les fusillait par le flanc droit, ils se<br />
sont retirés avec quelques pertes et sont rentrés sous la pro<br />
tection des bataillons que je menais à leur secours presque<br />
à la course. L'artillerie aux ordres du brave colonel Tourne-<br />
mine suivait ces mouvements rapides, bien que cela parût<br />
impossible auparavant avec le matériel de montagnes. Les<br />
Arabes ont plié une seconde fois;<br />
une seconde fois aussi je<br />
leur ai lancé ma cavalerie,; mais alors 4oo Douairs m'avaient<br />
rejoint. Malheureusement, leur aga Mustapha venait d'être<br />
blessé d'une balle à la main. Malgré la privation de cet<br />
excellent chef, ils m'ont rendu de grands services : eux et<br />
les chasseurs se sont couverts de gloire. Tout a été culbuté<br />
et la cavalerie arabe embarrassée par son nombre même a<br />
perdu beaucoup d'hommes, d'armes et de chevaux. Ses<br />
morts,<br />
ses blessés sont restés en notre pouvoir. Alors Abd el<br />
Kader lui-même,<br />
dont nous avions aperçu le drapeau en<br />
arrière, au milieu de son infanterie régulière, s'est avancé<br />
avec cette réserve (1) et la cavalerie qu'il a pu ramener.<br />
(1) C'est la<br />
première fois, dit-on, qu'on a vu employer aux Arabes<br />
une réserve ou l'engager avec tant d'à propos.
— — 558<br />
Ce dernier effort n'a pu nous arrêter un moment. Nous<br />
nous sommes jetés sur cette troupe qui, malgré un feu bien<br />
nourri,<br />
a été rompue et précipitée fatalement sur le point le<br />
plus difficile du ravin de l'Isser. Une pente assez rapide<br />
aboutit à un rocher taillé presque à pic à 3o ou 4o pieds<br />
au-dessus de la plage. C'est là qu'un carnage horrible com<br />
mence et se poursuit malgré mes efforts. Pour échapper à<br />
une mort certaine, ces malheureux se précipitent en bas du<br />
rocher, s'assomment ou se mutilent d'une manière affreuse.<br />
Bientôt cette dernière ressource leur est enlevée : des chas<br />
seurs et des voltigeurs trouvent un passage et pénètrent<br />
dans le lit de la rivière, ils sont cernés de toute part,<br />
et les<br />
Douairs peuvent assouvir leur horrible passion de couper<br />
des têtes ! Cependant,<br />
à force de cris et de coups de plat de<br />
sabre, je parviens à sauver i3o hommes de l'infanterie régu<br />
lière. Je vais les envoyer en France. Je<br />
crois'<br />
que c'est entrer<br />
dans une bonne voie; l'humanité et la politique en seront<br />
également satisfaites. Ces Arabes prendront en France des<br />
mœurs et des idées qui pourront fructifier en Afrique.<br />
Grand nombre de fusils français donnés à Abd el Kader<br />
au temps où il était notre allié sont restés en notre pouvoir.<br />
Indépendamment des armes des tués et des prisonniers,<br />
beaucoup<br />
de soldats avaient jeté leur fusil pour se glisser<br />
dans des rochers où ils avaient besoin de leurs deux mains.<br />
Nos Douairs, qui font argent de tout, étaient porteurs cha<br />
cun d'une, deux et trois têtes et trois ou quatre fusils. Je<br />
leur ai donné tout l'argent que je possédais,<br />
qu'il faut honorer leurs trophées;<br />
car c'est ainsi<br />
mais je leur ai dit que<br />
c'était pour les prisonniers et non pas pour les têtes, qu'à<br />
l'avenir je- n'en paierais aucune.<br />
La cavalerie avait lâchement abandonné son infanterie et<br />
s'était enfuie<br />
vers la Tafna. Je l'aperçus faire mine de se<br />
rallier au bout du plateau avant de descendre sur la rivière.<br />
Je marchai à elle avec les<br />
17*<br />
léger, 47°<br />
et 23°<br />
et l'artillerie,<br />
laissant à la cavalerie le soin de poursuivre les restes de<br />
l'infanterie et les Kabyles. Cette cavalerie ne m'attendit pas;
—<br />
— 559<br />
elle passa la Tafna et je m'arrêtai sur la rive droite, mes<br />
troupes étant déjà très fatiguées et la chaleur excessive'.<br />
Revenons sur le premier champ de bataille où le 62"<br />
et un<br />
demi-bataillon d'Afrique ont dû charger l'ennemi qui avait<br />
attaqué le convoi et dont partie seulement avait passé la Sik<br />
kak au moment où j'ai été forcé de prendre l'offensive.<br />
Cette portion fut précipitée dans le ravin et fusillée de très<br />
près, elle éprouva des pertes notables en hommes et en che<br />
vaux tués. Après cette charge vigoureuse, le 62e, débarrassé<br />
de l'ennemi qu'il avait en face, vint appuyer mon mouve<br />
ment victorieux.<br />
Dès que la victoire avait été à peu près décidée, j'avais<br />
fait filer le convoi et les équipages sur Tlemcen. Quoique<br />
privé de mon parc de bœufs et de toute espèce de ressources<br />
pour les officiers, j'ai tenu à coucher sur les rives de la<br />
Tafna pour mieux constater ma victoire. Peut-être aurais-je<br />
mieux fait encore d'envoyer ma cavalerie chercher mes<br />
équipages et mes vivres, et le surlendemain de marcher<br />
sur les montagnes de Trara où Abd el Kader s'était retiré<br />
avec un petit nombre des siens. J'en eus la pensée, mais la<br />
fatigue des troupes, le besoin de les ramener à Oran pour<br />
leur donner quelque repos, la grande dispersion des forces<br />
de l'ennemi, son échec qui me paraissait décisif, l'aspérité<br />
des montagnes où il s'était retiré, furent autant de motifs<br />
d'abandonner une idée conforme à la bonne tactique. En<br />
Afrique moins qu'ailleurs,<br />
on peut donner libre cours à<br />
son imagination. On est arrêté par tant de considérations.<br />
Peut-être aurai-je lieu de me repentir de n'avoir pas suivi<br />
mon premier mouvement,<br />
et cependant jusqu'ici les habi<br />
tants de Tlemcen et les Arabes qui viennent au marché<br />
disent qu'Abd el Kader ne se relèvera pas de cet échec. Je<br />
n'ose m'en flatter et pourtant il est certain qu'il a été fort<br />
maltraité; il a laissé sur le champ de bataille 12 à<br />
i.5oo morts ou blessés, beaucoup d'armes et de chevaux,<br />
6 drapeaux et, chose inouïe jusqu'à ce jour, i3o prisonniers.<br />
Moralement, la défaite est plus grande encore : il avait<br />
convoqué son armée en lui annonçant la dernière bataille,
— — 560<br />
celle qui devait amener la destruction de ma division, notre<br />
dernière ressource. Au lieu de ces prédictions, le marabout<br />
a été complètement vaincu. 11 devrait en être discrédité,<br />
mais les Arabes sont oublieux et crédules; avec un peu de<br />
temps, ils pourraient bien encore une fois répondre à un<br />
dernier appel. Pour le moment, chacun est retourné chez<br />
soi très dégoûté de la guerre et des tribus demi-hostiles amè<br />
nent des bestiaux à Tlemcen où l'on est bien approvisionné<br />
sous ce rapport. Mais les grains sont rares et,<br />
si les relations<br />
commerciales ne se renouaient pas, il y aurait famine dans<br />
trois mois. J'espère que la victoire arrangera tout.<br />
Ma perte a été de 32 hommes tués et 70 blessés. Si elle est<br />
minime comparée à celle de l'ennemi, je la dois à la vigueur<br />
de la brusquerie des attaques.<br />
A présent, Monsieur le Maréchal, il me reste un heureux<br />
devoir à remplir, c'est celui de vous faire connaître le nom<br />
des militaires qui se sont plus particulièrement distingués<br />
au combat de la Sikkak.<br />
J'attendais une affaire plus sérieuse que les précédentes<br />
pour demander des récompenses en faveur de ceux qui<br />
montrent non seulement du courage dans les combats, mais<br />
aussi de la patience et de la fermeté dans les privations et<br />
les fatigues, ce qui n'est pas moins méritoire.<br />
beaucoup<br />
J'espère qu'aujourd'hui les demandes que j'ai l'honneur de<br />
vous adresser par l'intermédiaire de M. le général Rapatel<br />
seront accueillies avec bonté par le roi. Mes troupes l'ont<br />
vraiment bien mérité. Bentrées à Oran en passant par le<br />
Beni-Hammer, elles auront fait la plus longue course qui ait<br />
encore été faite en Afrique en même temps qu'elles ont exé<br />
cuté tout ce qui faisait l'objet de ma mission.<br />
Voici les noms à citer; ils sont nombreux, mais je ne puis<br />
consciencieusement en effacer aucun :<br />
le colonel Combes,<br />
commandant ma colonne de droite et<br />
qui a toujours manœuvré avec intelligence et résolution;<br />
le colonel de chasseurs de Laisle,<br />
charges à la tête de son régiment;<br />
qui a fait deux belles
— — 561<br />
le colonel d'artillerie Tournemine, qui, sans y être obligé,<br />
s'est associé à notre campagne avec un commandant fort<br />
au-dessous de son grade et m'a rendu de grands services<br />
dans l'affaire du 6;<br />
le colonel Corbin, du<br />
17e<br />
léger, qui montre dans toutes les<br />
occasions un aplomb et un courage fort remarquables;<br />
le lieutenant-colonel Guesviller, du 62°,<br />
tout avec les tirailleurs de son régiment;<br />
dans mon Etat-Major, le capitaine Martimprey,<br />
qu'on voyait par<br />
je demande la décoration de la Légion d'honneur.<br />
Dans le<br />
2e<br />
chasseurs d'Afrique :<br />
pour qui<br />
les capitaines : Tremblay, adjudant-major; Caillant, capi<br />
taine, Senani, aide-major qui a fait des amputations sur le<br />
champ de bataille; Marche, maréchal des logis, trompette;<br />
de Villiers, sous-lieutenant; Cottin, maréchal des logis; de<br />
Pradt, chasseur; de Pardaillan, sous-lieutenant; Nérat, ma<br />
réchal des logis chef; Lebrun, brigadier; Grandvallet, sous-<br />
lieutenant; Laurenché, maréchal des logis; Le Comte, capi<br />
taine; Laudier, maréchal des logis; Louin, chasseur; Prieur,<br />
chasseur; Lirnsalat, trompette; Dupré, capitaine; Vidille,<br />
maréchal des logis chef, blessé grièvement; Enée, maréchal<br />
des logis (blessé de deux coups de feu); Joignot, maréchal<br />
des logis (qui a pris un drapeau); de Vachon, chasseur; de<br />
Montauban, capitaine; Cassaignole, lieutenant; Boue, maré<br />
chal des logis chef; Trépin, brigadier (blessé de deux coups<br />
lieutenant (intrépide officier, qui se distin<br />
de feu), Mesmer,<br />
gue dans tous les combats); Savaresse, sous-lieutenant; Gai-<br />
lot, maréchal des logis; Cauro,<br />
maréchal des logis; Colona,<br />
maréchal des logis (blessé de deux coups de feu); de Mou<br />
che, brigadier (a tué un Arabe qui attaquait son colonel);<br />
Hussein Soliman, chasseur; Aswal, trompette très distin<br />
gué.<br />
17e<br />
léger :<br />
Caizac, lieutenant; Doze, sous-lieutenant; Liénard, ser<br />
gent-major; May, sergent-major; Charton, sergent; Colotte,<br />
36
— — 562<br />
caporal; Samouilhan, voltigeur; Sarda, chasseur; Ansely,<br />
chasseur.<br />
47°<br />
de ligne :<br />
Bellœuvre, capitaine de voltigeurs; Verbené, capitaine;<br />
Berruer, lieutenant de voltigeurs; Texier, lieutenant de vol<br />
tigeurs; Hursy, Patoureau, Morin, sous-lieutenant; de la<br />
Fosse, adjudant; Gabilleau, sous-lieutenant; Becalde, ser<br />
gent; Bernard, sergent; Malet, fourrier; Lejeune, caporal;<br />
les voltigeurs Vauthier, Bousselot, Damât, Ladavèze, Desser-<br />
termer,<br />
Zislin et Zaulaville.<br />
620 de ligne :<br />
Vial, lieutenant de grenadiers (pour sa belle conduite en<br />
tirailleurs contre les Arabes); le sergent Leroy, le grenadier<br />
Portai de la même compagnie, blessé grièvement.<br />
Le nombre des militaires cités comme s'étant distingués<br />
pourra vous paraître considérable,<br />
ment de chasseurs,<br />
surtout dans le<br />
2e<br />
régi<br />
mais quand on songe que ce régiment a<br />
été deux fois et longtemps engagé pêle-mêle contre des for<br />
ces très supérieures, on ne peut s'en étonner. Il n'est pas un<br />
individu de ce corps qui n'ait eu à combattre individuelle<br />
ment plusieurs ennemis. J'ai fait ce que j'ai pu pour réduire<br />
les citations et quand on me citait les titres, j'étais forcé<br />
de rétablir le nom que j'avais rayé.<br />
Je vais adresser à M. le général Bapatel mes propositions<br />
pour la Légion d'honneur et quelques avancements : le<br />
nombre sera infiniment au-dessous de mes citations.
563 —<br />
Le général Bugeaud au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Gouv. Gén. E97)<br />
Oran, le 19 juillet 1836.<br />
J'ai écrit à Tlemcen la relation de notre combat du 6,<br />
mais je n'ai pu jusqu'à présent vous l'adresser et vous le<br />
recevrez en même temps que les détails que voici sur la suite<br />
de nos opérations.<br />
Croyant devoir renoncer à poursuivre l'ennemi dans les<br />
montagnes de Trara, j'arrivai le 7 à Tlemcen et j'y séjour<br />
nai le 8.<br />
La population étant très misérable et menacée de la fa<br />
mine dans un avenir prochain, si la soumission et la paix<br />
ne s'établissent dans le pays, j'ai voulu tenter de moisson<br />
ner dans les environs, tant pour augmenter les provisions<br />
du Méchouar que pour fournir quelques aliments à la popu<br />
lation de cette malheureuse ville. On m'assurait qu'il y<br />
aurait beaucoup de grains dans le pays des Beni-Ournid,<br />
tribu qui a toujours été très hostile à Tlemcen et qui l'em<br />
pêche de s'approvisionner parce qu'elle occupe les princi<br />
paux abords de cette ville. Il y avait donc un double objet<br />
à remplir : châtier des ennemis acharnés et se procurer des<br />
provisions.<br />
Le 9, je franchis la montagne au sud de Tlemcen et j'en<br />
trai dans la vallée qu'on me représentait comme l'Eldorado<br />
du pays. J'y<br />
trouvai quelques maigres cultures sur un sol<br />
pierreux et brûlant. Nous nous mîmes à moissonner et à<br />
vider quelques silos; l'ennemi ne parut pas pour défendre<br />
ses moissons. J'opérai donc tranquillement pendant deux
jours,<br />
—<br />
— 564<br />
mais voyant que le résultat était mesquin et que nous<br />
mangions chaque jour autant que nous pouvions récolter,<br />
j'ai renoncé à ce métier de dupes,<br />
qui fatiguait nos troupes<br />
sans augmenter nos provisions. Cependant cela n'a pas été<br />
tout à fait inutile pour la population de la ville qui s'est<br />
procurée par ce qu'elle a ramassé ou par ce que lui ont<br />
-, «-udu nos Douairs, moissonneurs très actifs,<br />
deux mois de grains.<br />
Je ne pouvais prolonger mon séjour à Tlemcen,<br />
pour environ<br />
ce qui<br />
eût été fort utile, sans consommer tout ce que j'avais apporté<br />
à la garnison : d'un autre côté, il était pressant avant l'achè<br />
vement des moissons de traverser le pays des Beni-Amer<br />
qui se sont montrés les plus attachés à la cause d'Abd el<br />
Kader et qui sont nos plus puissants ennemis puisqu'ils<br />
peuvent mettre, dit-on, 3.ooo chevaux en campagne. L'opi<br />
nion de nos Douairs alliés était que le meilleur moment de<br />
les châtier et de les amener à la soumission était celui dé<br />
la récolte. Cependant je ne pouvais me décider à brûler leur<br />
moisson avant de leur avoir donné des avertissements. Je<br />
leur fis écrire par le chef des Maures de Tlemcen pour les<br />
engager en son nom à m'apporter leur soumission sur<br />
l'Isser,<br />
s'ils ne voulaient voir incendier leur pays. J'étais<br />
le i3 sur cette rivière,<br />
aucun envoyé ne parut. Nous vîmes<br />
quelques cavaliers arabes au loin sur la montagne,<br />
ne tirèrent pas un-<br />
mais ils<br />
coup de fusil. J'envoyai quelques-uns de<br />
nos Arabes pour tâcher de lier conversation avec eux; ils<br />
répondirent que si nous continuions d'être forts dans le<br />
pays, ils se soumettraient. Le lendemain dans ma marche,<br />
je me décidai à brûler les récoltes et nous en trouvâmes<br />
beaucoup<br />
plus que dans les autres terrains que nous avions<br />
traversés. Ce pays a la réputation d'être le grenier de la pro<br />
vince d'Oran,<br />
mais il ne peut être considéré comme fertile<br />
que par comparaison à l'infertilité du reste. Ce n'est pas<br />
qu'il n'y ait de loin en loin d'assez bons champs,<br />
mais la<br />
sécheresse prolongée en détruit les avantages naturels. On<br />
ne peut y cultiver que du grain, et encore- est-il évident que<br />
la trop grande chaleur le fait avorter, car on voit de très
— — 565<br />
maigres récoltes sur des terres qui sont évidemment d'ex<br />
cellente qualité.<br />
J'ai traversé toute cette contrée sans recevoir un seul coup<br />
de fusil et cependant les anciens Africains m'avaient prédit<br />
que je serais continuellement harcelé. Bien ne prouve<br />
mieux que ce fait combien les tribus sont terrifiées par notre<br />
dernier succès; cela prouve aussi que nous avons adopté la<br />
tactique convenable, celle de ne jamais laisser insulter<br />
impunément notre arrière-garde.<br />
Je suis arrivé aujourd'hui à Oran avec des troupes bien<br />
fatiguées,<br />
mais fort satisfaites de leur campagne et de la<br />
perspective de jouir de repos pendant quelques semaines. Je<br />
traînais à ma suite 25o malades ou blessés qui ont trouvé<br />
place dans les hôpitaux d'Oran, où tout était préparé pour<br />
les recevoir par les soins vigilants du sous-intendanl Bertié.<br />
Les opérations sont maintenant suspendues jusqu'à la mi-<br />
septembre, époque à laquelle il faut rentrer en campagne<br />
pour exploiter et consolider l'effet produit par nos victoires.<br />
La manière d'agir, les opérations à faire seront l'objet d'un<br />
petit mémoire que j'aurai l'honneur de vous adresser avant<br />
de quitter Oran,<br />
ce à quoi j'espère être autorisé par vous<br />
le plus prochainement possible. J'ai rempli la mission qui<br />
m'avait été donnée avec des résultats plus heureux que je<br />
n'osais l'espérer. Il n'y a plus rien à faire de six semaines<br />
ou deux mois et ce qu'il y aura à faire après pourrait être<br />
fait par tout homme ayant quelque habitude des troupes el<br />
quelque prudence. M. le général Létang est, dit-on, très<br />
propre à cette guerre;<br />
c'est donc sans aucun scrupule pa<br />
triotique que je lui laisserai le commandement des troupes<br />
comme il a le commandement de la division territoriale.<br />
De grands intérêts et de grandes affections me rappellent<br />
en France; je vous prie, Monsieur le Maréchal, de m'en-<br />
voyer immédiatement l'autorisation d'y rentrer.<br />
Mes prisonniers partent pour Marseille avec mes dépêches<br />
ainsi que les drapeaux au nombre de 6. Vous aurez sans<br />
doute donné des<br />
ordres à Marseille sur la destination de<br />
ces Arabes. S'il entre dans vos projets de les envoyer dans
— — 566<br />
l'intérieur, je ne serai pas fâché qu'ils vinssent à Périgueux<br />
ou à Excideuil; je pourrai en employer quelques-uns à<br />
l'agriculture et leur donner de bonnes idées à rapporter<br />
dans leur pays.<br />
Il me resterait à présent, Monsieur le Maréchal, à vous<br />
rendre compte des résultats politiques de notre campagne,<br />
Aucune tribu ne s'est encore présentée pour faire sa sou-<br />
mais malheureusement jusqu'ici, ils sont presque nuls.<br />
mission. Il est vrai qu'elles étaient dans la stupeur et<br />
qu'elles n'ont pas eu encore le temps de se concerter, occu<br />
pées qu'elles étaient d'éloigner leurs troupeaux de notre<br />
atteinte. J'ai lieu d'espérer que, d'ici peu de jours, il<br />
nous sera fait des ouvertures de pacification. Les Maures<br />
de Tlemcen m'ont paru très disposés à servir d'entremet<br />
teurs. J'emploie aussi, indirectement,<br />
quelques riches Juifs<br />
qui ont des relations nombreuses dans le pays. Je vous<br />
instruirai de ce qui en résultera. Toutefois, il est à présu<br />
mer que nous n'aurons de grands résultats sous ce rapport<br />
qu'après une seconde campagne qui prouvera notre ferme<br />
volonté d'en finir. En attendant,<br />
nous aurons l'abondance<br />
dans nos marchés des villes de la côte : c'est déjà quelque<br />
chose.<br />
Dès que j'aurai terminé les affaires les plus pressantes<br />
pour l'assiette de mes troupes et pour les préparatifs d'une<br />
seconde campagne pour le plan de laquelle j'esquisserai<br />
quelques idées, j'irai visiter Alger et y attendre l'autori<br />
sation de rentrer en France,<br />
où je suis appelé par tant de<br />
motifs. Je laisse ici les choses sur un bon pied, on n'a qu'à<br />
continuer à y mettre un peu d'activité.
567 —<br />
40<br />
Le Ministre de la Guerre au général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 30 juillet 1836.<br />
J'ai reçu vos lettres des 18, a4 juin et 3 juillet ainsi que<br />
vos ordres du jour des 18 et 25 juin; j'y<br />
vois que vous avez<br />
eu à combattre l'ennemi le 12 et le 24 et que vous vous<br />
proposiez de partir du camp de la Tafna le 4 juillet pour<br />
conduire à Tlemcen un convoi de vivres pour la garnison<br />
française de cette ville.<br />
Vos ordres du jour sont conçus dans un très bon esprit;<br />
je les approuve entièrement. J'espère qu'ils auront produit,<br />
le bon effet que vous étiez en droit d'en attendre et que<br />
vous n'aurez eu à sévir contre aucun des militaires sous<br />
vos ordres; les officiers particulièrement auront compris<br />
qu'ils doivent l'exemple dans toutes les occasions. Toute<br />
fois ce que vous me dites du<br />
24e<br />
régiment est si grave qu'il<br />
est nécessaire de prendre une mesure à l'égard du colonel<br />
et du lieutenant:colonel de ce corps. Je vous écrirai spécia<br />
lement à leur sujet.<br />
J'ai lu avec intérêt votre rapport sur le combat du 24 juin<br />
el sur votre marche de Tlemcen à la Tafna; j'en ai fait<br />
insérer les parties principales dans le Moniteur. J'applaudis<br />
au succès que vous obtenez dans vos opérations. Vous avez<br />
prouvé dans le combat du 24 juin que l'on peut se faire<br />
respecter dans toutes les occasions et partout. C'est un pré<br />
cédent important que vous venez d'établir; désormais, on<br />
ne pourra plus souffrir et on ne souffrira plus,<br />
en Afrique,<br />
que l'arrière-garde d'une colonne soit attaquée et que la
— — 568<br />
colonne elle-même puisse être harcelée dans un mouve<br />
ment de retraite comme cela est arrivé depuis la conquête.<br />
J'apprécie les observations que vous faites dans vos let<br />
tres des 18 et 24 juin sur le système à adopter pour nous<br />
assurer la possession de la province d'Oran, agir efficace<br />
ment contre les forces d'Abd el Kader, détacher de son parti<br />
le plus de tribus qui lui sont encore soumises et garantir<br />
une protection certaine à celles qui oint embrassé notre<br />
cause.<br />
D'abord, je m'occupe de renforcer la cavalerie et, dans<br />
cette vue, j'ai déjà fait augmenter les fonds alloués pour<br />
l'achat des chevaux. J'approuve donc l'autorisation que<br />
vous avez accordée de continuer la remonte du<br />
2e<br />
chas<br />
seurs. Quant aux mulets de division que vous proposez de<br />
donner à chaque régiment d'infanterie, je me fais rendre<br />
compte de ce projet et je vous ferai connaître ce que j'au<br />
rai décidé. Sans rien préjuger de ce qui pourra être fait,<br />
je reconnais avec vous qu'il serait fort avantageux de ren<br />
dre les bataillons le plus mobiles possible en allégeant le<br />
poids que chaque homme doit porter. En ce qui concerne<br />
le système d'occupation que vous développez dans votre<br />
lettre du 18 juin dont vous m'entretenez encore dans celle<br />
du 24, vous préféreriez à l'établissement de la Tafna et<br />
même à celui du Senan que l'on entretint dans la province<br />
d'Oran deux colonnes mobiles de chacune environ 5.000<br />
hommes, 1.000 chevaux et 12 obusiers de montagne qui<br />
opéreraient dans l'ouest et dans l'est de cette province. Les<br />
considérations que vous faites valoir à l'appui de votre opi<br />
nion sont de nature à être approfondies; je m'occupe de<br />
l'examen des vues que vous émettez et j'y aurai égard dans<br />
la répartition des forces du corps d'occupation.
— — 569<br />
41<br />
Mémoire du général Bugeaud sur la guerre dans la province<br />
d'Oran et sur les moyens de la terminer par le lieutenantgénéral<br />
Bugeaud.<br />
(Arch. Guerre)<br />
L'expédition qui, partant de la Tafna,<br />
Oran, juillet 1836.<br />
a commencé le<br />
12 juin et fini le 19 juillet i836, les trois combats qui<br />
viennent d'être livrés et surtout le dernier, ont porté un<br />
coup fatîl à la puissance matérielle et morale d'Abd el<br />
Kader.<br />
Toutefois, il ne faut pas se faire illusion; si l'on retom<br />
bait dans l'inaction, on ne retirerait que bien peu de fruits<br />
de ces succès qui peuvent devenir décisifs en persévérant<br />
dans ce système des colonnes agissantes,<br />
parcourant le pays<br />
et combattant l'ennemi partout où il se présente. Ce n'est<br />
qu'ainsi que l'on peut lasser les populations. Ne trouvant<br />
de sécurité ni de repos nulle part,<br />
n'ayant aucun abri sûr<br />
pour leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux, elles<br />
finissent par se soumettre et viendront successivement se<br />
ranger sous nos drapeaux pour combattre le chef ambi<br />
tieux qui leur cause tant de maux.<br />
La conduite que je trace aux Français est pénible sans<br />
doute, mais il faut s'y résoudre,<br />
c'est le seul moyen de<br />
réussir. Ce qui doit d'abord fixer la sollicitude du gouver<br />
nement et des généraux,<br />
c'est de constituer les troupes de<br />
manière à remplir avantageusement le rôle indiqué.<br />
Lès soldats doivent être forts,<br />
robustes et, s'il se peut.<br />
choisis volontairement dans tous les régiments de l'armée.
— — 570<br />
L'expérience a prouvé que les hommes faibles ne pouvant<br />
supporter, ni les marches, ni le climat, périssent miséra<br />
blement sur les routes et dans les hôpitaux. En les conser<br />
vant dans les rangs de l'armée d'Afrique, l'effectif sera fort<br />
sur le papier, faible pour aller au combat. Rien d'aussi<br />
fâcheux qu'un pareil état de choses, puisque tous ces sol<br />
dats malingres coûtent aussi cher que les bons, pendant<br />
qu'ils gênent, qu'ils consomment et qu'ils encombrent sans<br />
rendre aucun service. Ayez donc un effectif moins fort,<br />
mais qu'il soit tout ou presque disponible. Ces réflexions<br />
nous conduisent à désirer pour l'Afrique ce qui a été désiré<br />
souvent des corps spéciaux,<br />
ou du moins des bataillons<br />
parfaitement épurés de tout ce qui ne pourrait supporter<br />
les grandes fatigues de cette guerre et les rigueurs de ce<br />
climat.<br />
Le choix des officiers n'exige pas moins d'attention dans<br />
tous les grades. Il faut des hommes jeunes, vigoureux de<br />
corps et d'esprit,<br />
ayant de l'avenir et de l'ambition. Point<br />
de vieux officiers supérieurs voisins de leur retraite; point<br />
de vieux capitaines dégoûtés de leur métier. Ils n'ont plus<br />
l'énergie de corps et d'âme nécessaire pour relever et sou<br />
tenir le moral du soldat de manière à lui faire braver 'es<br />
fatigues, les privations et les dangers qui se présentent<br />
dans cette guerre à chaque instant.<br />
Les moyens de transport pour les vivres, les malades et<br />
les blessés font partie intégrante et indispensable de la<br />
bonne constitution de nos colonnes. Jusqu'ici,<br />
sa disposition, en général,<br />
on n'a eu à<br />
que des chameaux ou des mulets<br />
du pays qu'on louait au moment même où chaque expé<br />
dition allait commencer. Ce système que je crois fort dis<br />
pendieux avec la guerre active que je voudrais, offre en<br />
outre de grands inconvénients, je dis plus, de grands dan<br />
gers.<br />
Avec lui,<br />
point de secrets possibles dans les opérations.<br />
Toutes les fois qu'on veut se mouvoir, il faut chercher<br />
longtemps à l'avance et sur tous les points où nous avons<br />
quelque influence, les moyens de transport nécessaires et,
— — 571<br />
malgré la plus grande activité, souvent au moment du;' lé-<br />
part, on n'a que des moyens insuffisants. 11 faut retarder<br />
la marche ou partir avec trois ou quatre jours de vivres de<br />
moins qu'il ne faudrait pour agir conformément aux néces<br />
sités de la guerre et de la bonne tactique.!<br />
Dans les marches, les mulets ou chameaux de louage<br />
conduits par les gens du pays occupent un espace immense;<br />
rien d'aussi difficile que d'y<br />
mettre de l'ordre. Au passage<br />
des rivières, les conducteurs insouciants laissent coucher<br />
les chameaux et les mulets dans l'eau et les vivres sont<br />
perdus ou avariés.<br />
Souvent dans les défilés où ils ne peuvent pas être aussi<br />
bien observés, ils jettent leurs charges. Mais cela arrive<br />
surtout quand il survient le moindre danger sur le point<br />
où se trouvent les équipages; alors le désordre est complet<br />
et les pertes sont immenses.<br />
S'agit-il de faire transporter des blessés ou des malades ?<br />
C'est bien un autre embarras. Les conducteurs arabes mal<br />
traitent des soldats trop faibles pour se venger; ils font<br />
courir le chameau pour faire tomber le soldat et,<br />
quand il<br />
est tombé, ils le laissent là. Pour éviter des inconvénients<br />
si graves, on augmente la garde des équipages et l'on affai<br />
blit ainsi les colonnes qui doivent combattre.<br />
Dans cet ordre d'idées, j'estime qu'il faut renoncer aux<br />
transport de louage et avoir 80 à 100 mulets par 1.000 hom<br />
mes. Ces mulets devraient être organisés militairement par<br />
brigades, divisions et bataillons, conduits et commandés<br />
par un nombresuffisant<br />
d'officiers, sous-officiers et soldats<br />
du train des équipages, lesquels étant armés n'auraient<br />
plus besoin que d'un très petit nombre d'hommes pour les<br />
aider à garder le convoi. Avec cette organisation,<br />
toutes les<br />
opérations deviennent faciles et sûres. Le général ne sera<br />
plus paralysé par les subsistances; il pourra,<br />
s'en présente,<br />
de l'ennemi,<br />
si l'occasion<br />
consacrer deux ou trois jours à la poursuite<br />
quelle que soit la direction dans laquelle il se<br />
retire. Il ne sera pas comme aujourd'hui irrévocablement<br />
attaché à un itinéraire. Si, dans ses prévisions, il doit faire
— — 572<br />
12 journées de marche, il portera avec lui pour 16 jours de<br />
vivres : 4 dans le sac du soldat et 12 sur les transports afin<br />
d'avoir 4 jours de marge pour les cas imprévus. Sera-t-il<br />
attaqué à son arrière-garde ou sur l'un de ses flancs, s'il<br />
bat l'ennemi il pourra le poursuivre en arrière, à droite<br />
ou à gauche, un, deux ou trois jours.<br />
Apprend-il que l'ennemi est établi à quelque distance de<br />
lui et hors de son itinéraire, il peut marcher à cet ennemi,<br />
je le répète, parce-<br />
Mais, pour jouer ce rôle,<br />
qu'il a une marge de 4 jours de vivres.<br />
pour suivre les principes de la<br />
bonne lactique applicables à chaque occasion, il faut qu'il<br />
renonce aux chariots et à l'artillerie roulante afin de pou<br />
voir passer partout. Les chariots vous attachent ordinaire<br />
ment à une direction unique et dès lors, il est impossible<br />
de bien faire cette guerre et l'on fournit à son ennemi une<br />
connaissance si exacte de la ligne qu'on doit suivre, qu'il<br />
peut avec assurance y convoquer des rassemblements et y<br />
tendre des pièges.<br />
Quelques officiers m'ont dit : Mais les chariots peuvent<br />
être souvent utiles; on peut,<br />
en cas de revers, se grouper<br />
autour et derrière eux et si, dans quelques cas, leur conser<br />
vation est dangereuse, on doit savoir les abandonner ».<br />
Je réponds que pour le léger avantage qu'offrent les<br />
transports par chariots sur les transports par mulets et<br />
pour le petit nombre de cas où des chariots peuvent nous<br />
servir de refuge, il ne faut pas se donner des inconvénients<br />
permanents et paralysants. On ne doit mettre en campagne<br />
que des corps suffisamment forts pour combattre en toute<br />
occasion. Agir autrement, c'est laisser beaucoup<br />
au hasard<br />
cl l'on ne doit rien laisser à la fortune de ce qu'on peut<br />
lui arracher. Si un corps est trop faible pour combattre et<br />
prendre l'offensive, je ne pense pas qu'il acquiert de grands<br />
avantages en se jetant derrière des chariots. Ce moyen est<br />
bon contre la cavalerie d'Europe dont le choc fait la prin<br />
cipale puissance; mais il n'en est pas ainsi de la cavalerie<br />
arabe qui n'est que de l'infanterie à cheval. Sa puissance<br />
est dans son feu. Elle enveloppera les chariots à une cer-
—<br />
— 573<br />
taine distance et finira par décimer les soldats qui s'y<br />
appuient. Quand ils auront brûlé leurs cartouches,, ils<br />
seront dans une cruelle situation. J'aimerais mieux, dés le<br />
principe, nie retirer; mais, encore un coup, il ne faut mettre<br />
en campagne que des corps suffisammment forts; car, dans<br />
tous les cas, lorsqu'on est trop faible, il est difficile de ne<br />
pas être enveloppé par la cavalerie arabe. Quant à l'idée<br />
d'abandonner ses chariots, quand la conservation en de<br />
vient périlleuse, j'observe qu'il est dans l'esprit humain<br />
de ne se déterminer à ce sacrifice qu'à la dernière extrémité<br />
et alors, on est au milieu de tous les dangers qu'on aurait<br />
évités probablement, si on n'avait pas eu de chariots, car<br />
on aurait changé de route longtemps avant. Souvent, c'est<br />
la veille et avant la présence du danger et dans la prévision<br />
de ce même danger que l'on doit changer de direction. Ce<br />
n'est point alors que l'on se détermine habituellement à<br />
abandonner ses chariots. On attend que le danger soit<br />
imminent et souvent il n'est plus temps.<br />
Je ne saurais trop le répéter, parce que cela me paraît<br />
tout à fait fondamental; pour bien faire la guerre en Afri<br />
que, il ne faut ni chariots, ni artillerie roulante,<br />
afin de<br />
pouvoir passer partout. L'artillerie de montagne est bien<br />
suffisante contre un ennemi qui n'a point de canons.<br />
Mais, comme il est probable qu'il s'écoulera encore un<br />
assez long espace de temps avant que l'armée d'Afrique ait<br />
80 ou 100 mulets organisés militairement par 1.000 hom<br />
mes, cherchons les meilleurs moyens d'éviter les dangers<br />
auxquels nous exposent les transports de louages.<br />
Je voudrais les organiser par brigades et par divisions.<br />
Il serait fait un contrôle exact des maîtres et des conduc<br />
teurs de chameaux. Chaque chameau serait marqué dans le<br />
poil de la lettre initiale du propriétaire afin de savoir tou<br />
jours à qui appartient le chameau dont la charge aura été<br />
jetée ou avariée par la faute du conducteur et pouvoir en<br />
retenir la double valeur sur le prix de location. Ces dispo<br />
sitions seraient notifiées à l'avance aux propriétaires et aux<br />
conducteurs.
— — 574<br />
Chaque brigade de 25 chameaux serait en outre confiée à<br />
i sergent, 2 caporaux et i5 hommes. Deux brigades ou une<br />
division formeraient le commandement d'un lieutenant ou<br />
sous-lieutenant. Quatre brigades ou deux divisions forme<br />
raient le commandement d'un capitaine et toutes les briga<br />
des ensemble celui d'un chef de bataillon. Ces troupes ne<br />
seraient pas relevées pendant toute la durée de l'expédition,<br />
afin que les officiers, sous-officiers et soldats connaissent<br />
bien les chameaux et les conducteurs de leur brigade. Ils<br />
devront les suivre et les garder dans toutes les circonstan<br />
ces, au pacage, à l'abreuvoir, au chargement en route, en<br />
station, etc., etc.; avec ces précautions, on n'aura pas toutes<br />
les garanties désirables, mais toutes les garanties possibles<br />
de la Conservation de ses vivres et les subsistances que l'on<br />
porte avec soi sont la condition sine quoi non du succès de<br />
la guerre en Afrique, puisqu'il n'y<br />
espérer dans ce pays,<br />
lerie.<br />
a aucune ressource à<br />
si ce n'est du fourrage pour la cava<br />
J'ai dit plus haut que le système de louer les mulets du<br />
pays me paraissait plus dispendieux que d'avoir des mulets<br />
appartenant à l'Etat. Essayons de le prouver par quelques<br />
calculs. La guerre ayant l'activité que je voudrais lui impri<br />
mer,<br />
ma colonne de 5. 000 hommes serait en campagne<br />
pendant huit mois de l'année; elle aurait 4oo chameaux de<br />
louage au lieu de 5oo mulets de l'Etat. Le chameau se loue<br />
à Oran 6 fr. par jour,<br />
ce qui fait 2.4oo fr. par jour pour<br />
4oo chameaux et pour huit mois 676.000 fr. De bons mulets<br />
de moyenne taille coûteront tout équipés 5oo fr. Pour<br />
5oo mulets, cela fait 25o.ooo fr. Ils dureront, terme moyen,<br />
5 ans; la dépense n'est donc pour chaque année que le<br />
cinquième de 25o.ooo fr.,<br />
savoir 5o.ooo fr. auxquels il faut<br />
ajouter le remplacement d'un cinquième par an : 5o.ooo fr.;<br />
total : 100.000 fr.; plus,<br />
nais,<br />
pour ferrure et entretien des har<br />
20.000 fr.; nourriture des mulets pendant 6 mois<br />
(attendu que les 6 autres mois ils<br />
l'ennemi),<br />
vivront aux dépens de<br />
91.250 fr. La dépense serait donc de 2ii.25o fr.<br />
au lieu de 576.000 fr. Il y a donc au moins une économie
— — 575<br />
de moitié. Ajoutez à cet avantage tous ceux que j'ai signalés<br />
plus haut pour la sûreté des opérations et la conservation<br />
des vivres.<br />
COMPOSITION DES COLONNES D'EXPÉDITION<br />
Dans toutes les guerres possibles, il faut jouer serré; mais<br />
c'est surtout dans celles d'Afrique qu'on ne doit jamais<br />
s'écarter de ce principe. Dans ce pays, l'ennemi, c'est toute<br />
la population mâle, depuis i5 jusqu'à 60 ans. Tous les<br />
hommes sont guerriers, tous sont exercés au maniement<br />
du cheval et des armes; l'ennemi est donc partout et sou<br />
vent lorsqu'il ne s'annonce nulle part,<br />
on peut le lende<br />
main être assailli par un rassemblement considérable. Il ne<br />
faut donc jamais mettre eh campagne de colonnes qui ne<br />
puissent pas lutter avec avantage, non seulement contre le<br />
rassemblement connu, mais contre le rassemblement possi<br />
ble. Toutefois, il y a des limites tracées; je ne dis pas seule<br />
ment par l'effectif de nos forces, mais aussi par les ressour.<br />
ces de la tactique. Une colonne de 2.000 hommes luttera<br />
difficilement contre 6.000 Arabes;<br />
à rester groupée;<br />
son petit nombre la force<br />
son petit nombre est facilement jugé par<br />
chaque cavalier ennemi et il est impossible avec cette petite<br />
force de faire cet étalage, de produire ces illusions d'opti<br />
que qui produisent sur l'ennemi un si grand effet moial.<br />
La petite colonne est bientôt enveloppée et forcée de com<br />
battre par toutes les faces.<br />
Multiplions les mêmes proportions par un même nombre,<br />
3 par exemple;<br />
nous aurons d'un côté 6.000 et de l'autre<br />
18.000. On sera dans les mêmes proportions et pourtant<br />
tout aura changé de face. Les 6.000 hommes de troupes ré<br />
gulières battront<br />
aisément, la cohue de 18.000 hommes,<br />
parce que la tactique et l'organisation permettront à un<br />
chef habile de diriger avec ensemble et harmonie vers un<br />
but commun les 6.000 individualités pendant que le même<br />
résultat est impossible à obtenir de la vaste confusion que<br />
forme les 18.000 irréguliers. Les efforts de ceux-ci seront
— — 576<br />
isolés et sans ensemble. Jamais ils ne sauraient engager<br />
dans le combat qu'une partie de leur monde; partout, ils<br />
céderont le terrain et cette ombre d'organisation dont la<br />
base est un drapeau ou un chef apparent disparaîtra bientôt<br />
pour faire place à la déroute. Le combat n'aura aucune<br />
durée,<br />
car il est impossible de faire rentrer en action des<br />
troupes de cette nature quand une fois on a rompu le peu<br />
d'ordre qu'elles avaient en marchant au combat.<br />
Ces troupes ne peuvent livrer avec avantage que deux<br />
espèces d'actions : l'embuscade et la poursuite. Il faut donc<br />
éviter autant que possible de lui fournir l'occasion de com<br />
battre ainsi. On ne doit jamais faire ce que désire l'ennemi,<br />
ce qui peut seconder ses habitudes, sa tactique,<br />
ce qui peut<br />
relever son moral. On doit éviter tout cela avec le plus<br />
grand soin. Cependant, quand nous marchons avec des cha<br />
riots et de l'artillerie roulante,<br />
ment aux Arabes l'occasion de combattre,<br />
cade, dans un lieu fort et bien choisi,<br />
vant quand nous battrons en retraite,<br />
nous fournissons nécessaire<br />
soit en embus<br />
soit en nous poursui<br />
car nous repassons<br />
nécessairement par la même route; les chasseurs nous atta<br />
chent à une ligne à peu près unique; ils le savent tout<br />
comme nous; ils choisissent un point fort; ils convoquent<br />
tous les guerriers à la ronde dans un rayon de i5,<br />
20 ou<br />
3o lieues et ils livrent un combat où ils ont les plus grands<br />
avantages,<br />
car notre colonne des équipages est obligée de<br />
passer par le milieu du croissant qu'ils forment pour occu<br />
per et défendre le défilé qu'ils ont choisi, tandis que,<br />
si l'on<br />
n'avait que de l'artillerie de montagne et des mulets, on<br />
aurait tourné à côté soit de loin, soit immédiatement,<br />
et on<br />
les aurait forcés à combattre ailleurs que sur le terrain de<br />
l'embuscade.<br />
Dans la retraite, ils ont encore plus d'avantages. La ligne<br />
indispensable que vous suivez devient point de mire de<br />
chaque individu poursuivant; on pourrait dire qu'il est leur<br />
général;<br />
car c'est la connaissance de cette ligne qui établit<br />
de l'ensemble et de l'harmonie dans l'action de cette multi<br />
tude qui, par un instinct naturel qui appartient aussi aux
— 577 —<br />
animaux, fait exactement ce qu'il y a de mieux à faire, se<br />
dirige individuellement et à la course sur tous les points<br />
où l'on peut faire pleuvoir des balles sur la colonne. C'est<br />
ainsi que nos colonnes en retraite ont toujours été assaillies<br />
sur tous les points. Mais dans l'offensive, il n'en est point<br />
ainsi. L'ennemi ne sait point ce que vous voulez faire. Son<br />
rôle ne lui est point tracé d'avance et ses dispositions mora<br />
les sont tout autres. Dans la poursuite, il est plein d'ardeur;<br />
quand il est attaqué, il est terrifié.<br />
C'est l'examen de ces vérités qui m'a fait adopter pour<br />
règle constante l'offensive. Je n'ai point permis à l'ennemi<br />
d'insulter impunément mon arrière-garde sans crainte de<br />
revenir en arrière,<br />
et dans un quart d'heure tout était fini.<br />
La retraite s'opérait ensuite sans recevoir un seul coup de<br />
fusil, mais, pour atteindre ce but,<br />
poursuite soient sérieuses.<br />
il faut que la charge et la<br />
De ce que je viens d'établir plus haut, il ne faut pas con<br />
clure que je veuille toujours des colonnes de 6.000 hom<br />
mes, mais je pense seulement qu'elles ne doivent jamais<br />
être de inoins de 4 à 5.000 hommes aguerris au combat, au<br />
climat : composées de 1.000 à 1.200 chevaux, 3 à 4.000 hom<br />
mes d'infanterie, de 8 à 10 pièces de montagne,<br />
elles doi<br />
vent battre facilement le plus gros rassemblement que puis_<br />
sent faire les Arabes. Mais<br />
n'en employons jamais moins<br />
jusqu'à ce que la situation du pays ait complètement changé<br />
de face et même alors que le calme semblerait parfait,<br />
faudrait jamais exposer une petite troupe;<br />
ner aux Arabes la tentation de la révolte;<br />
il ne<br />
elle pourrait don<br />
elle est arrivée<br />
souvent aux Turcs. La nécessité que je crois avoir établie<br />
d'avoir des colonnes mobiles d'environ 5,ooo hommes doit<br />
nous rendre<br />
excessivement avares de petits détachements<br />
gardant des points à poste fixe. On ne doit en faire que lors<br />
que l'utilité, je dis plus, l'indispensabilité,<br />
est parfaitement<br />
démontrée. La manie de multiplier les camps, les postes<br />
«»•<br />
anches me paraît funeste, On croit par là mieux domi<br />
ner le pays, on veul tout garder et en définitive on ne garde<br />
rien. En<br />
éparpillant ainsi ses forces, on s'affaiblit, on se<br />
37
— 578 —<br />
paralyse. A moins d'avoir une armée immense, il ne reste<br />
plus les moyens de parcourir le pays avec des colonnes telles<br />
que je les ai indiquées et les petits postes sont bloqués par<br />
tout. On sent alors le besoin d'aller les dégager. Mais,<br />
comme on ne sait pas faire l'abandon des points où on a<br />
remué de la terre,<br />
où on a fait quelques dépenses en<br />
blockhaus et en maçonnerie, on se met en campagne avec<br />
des forces insuffisantes. C'est fournir à l'ennemi l'occasion<br />
d'un succès qui relève toutes ses espérances et vous met<br />
dans une position critique.<br />
Voilà pourtant le système que nous avons presque tou<br />
jours employé en Espagne et qui nous a causé une perte<br />
peut-être de cent mille hommes. Que cette expérience ne<br />
soit pas perdue pour l'Afrique. N'ayant qu'un petit nombre<br />
de points retranchés, qu'ils soient bien choisis, faciles à<br />
approvisionner pour que les troupes,<br />
après une campagne<br />
de 12 à i5 jours, trouvent à s'y fournir de vivres et de mu<br />
nitions.<br />
D'après ces considérations, jetons un coup d'œil sur la<br />
province d'Oran.<br />
Si l'on y conserve 10 à 12.000 hommes, les postes de<br />
Tlemcen et de la Tafna peuvent être maintenus avec avan<br />
tage. Mais pour conserver celui de Tlemcen, il faut que<br />
l'influence de nos victoires et la présence presque habituelle<br />
d'une colonne dans les environs nous fournissent les moyens<br />
d'approvisionner la garnison et la ville, du moins en grande<br />
partie, autrement que par des convois tirés de la Tafna.<br />
C'est-à-dire qu'il faut arriver à y faire porter des vivres<br />
en payant par les tribus environnantes. Sans cela, l'occupa<br />
tion de ce poste me paraît impossible. Ce n'est pas une<br />
petite affaire que de répéter les convois de la Tafna à Tlem<br />
cen. Il faudra pendant longtemps encore 4 à 5.000 hommes<br />
pour les escorter si l'on veut agir avec prudence. On y<br />
emploie en été quatre jours et en hiver trois. Mais calculons<br />
sur trois jours pour aller, trois jours pour revenir,<br />
cela fait<br />
6 jours de marche aux troupes et dans ces 6 jours, elles
—<br />
— 579<br />
consommeront le quart ou le tiers des munitions qu'elles<br />
auront transportées.<br />
Tlemcen est un bon centre d'opérations; de là,<br />
on couvre<br />
les Béni Amer et l'est de la Régence, parce que les princi<br />
pales ressources et le principal appui d'Abd el Kader sont<br />
du côté de Maroc el que c'est là qu'il va toujours se refaire<br />
après une défaite. De Tlemcen, on est très à portée de suivre<br />
Abd el Kader dans toutes les entreprises qu'il pourrait faire.<br />
C'est pour cela qu'il faut tâcher d'y faire un gros magasin<br />
et s'arranger de manière à ce que la colonne mobile de<br />
5. ooo hommes puisse y passer une partie de l'hiver et sur<br />
tout la saison des pluies. Peut-être serait-il possible de s'y<br />
loger en rétablissant la toiture des masures et en faisant<br />
quelques baraques au moyen des oliviers appartenant aux<br />
émigrants. Le palmier nain pourrait, je crois, servir à la<br />
toiture des baraques, de manière à ce qu'elles fussent imper<br />
méables à l'eau. Je pense qu'une autre expédition de 12 à<br />
i5 jours qui parcourrait les Beni-Amer et les tribus envi<br />
ronnantes de Tlemcen procurerait les moyens dt former<br />
dans cette ville un approvisionnement en grains de trois<br />
mois pour la colonne et de 6 mois pour la garnison. C'est<br />
une chose à tenter dans les premiers jours de septembre.<br />
Il faut partir d'Oran avec 20 jours de vivres, en employer 12<br />
pour battre les Beni-Amer et arriver à Tlemcen avec tous les<br />
transports chargés de grains qu'on aura pris dans les silos;<br />
séjourner un jour à Tlemcen et se rendre à la Tafna pour y<br />
recharger tous les transports; en même temps, tâcher d'ou<br />
vrir des relations par les Juifs ou par les Maures pour faire<br />
acheter des grains. Si ce moyen ne réussit pas,<br />
on sera<br />
bientôt forcé d'abandonner Tlemcen et d'enlever la popula<br />
tion turque.<br />
Le poste de la Tafna n'est pas à près aussi avan<br />
beaucoup<br />
tageusement situé que Tlemcen; il est placé entre les mon<br />
tagnes des Kabyles dont on ne doit pas s'occuper avant<br />
d'avoir soumis les Arabes qui occupent des terrains plus<br />
faciles et plus fertiles. J'aimerais presque autant prendre les<br />
approvisionnements de Tlemcen à Oran qu'à la Tafna. Il y
— — 580<br />
a deux journées de marche de différence et en allant à Oran<br />
par diverses routes on bat en même temps le pays. Quand<br />
on va chercher des vivres à la Tafna,<br />
on se met dans un<br />
cul-de-sac en dehors de toutes les opérations et on perd au<br />
moins six jours. Ce poste ne serait d'une grande utilité que<br />
dans le cas où l'on voudrait opérer vers Trara, Nedroma et<br />
les frontières de Maroc. Il faut ajouter à ces inconvénients<br />
son mauvais port qui ne permet d'embarquer et de débar<br />
quer que pendant 5 ou 6 mois de l'année et pendant cet<br />
espace de temps seulement par une très belle mer. Le ter<br />
rain qui enveloppe l'embarcadère est fait de manière qu'il a<br />
fallu multiplier les ouvrages soit pour couvrir l'embarca<br />
dère du port et des magasins,<br />
soit pour s'assurer des eaux<br />
de la Tafna et l'on ne peut estimer à moins de 8oo à<br />
i.ooo hommes la garnison nécessaire pour garder ce poste<br />
avec quelque sûreté. Je pense qu'il serait préférable que<br />
cette force fût disponible pour aider à parcourir le pays.<br />
On l'a placé là pour avoir, dit-on, des communications<br />
régulières avec Tlemcen,<br />
mais il est évident que ces com<br />
munications ne peuvent avoir lieu d'une manière utile que<br />
lorsqu'une colonne de 5 à 6.000 hommes servira d'intermé<br />
diaire entre les deux et je ne conseillerai jamais même avec<br />
une paix profonde de faire partir d'un point à l'autre un<br />
convoi avec 3 ou 4oo hommes. J'aimerais mieux dans ce<br />
cas expédier un convoi par les gens du pays sans aucune<br />
escorte française; nous n'en sommes point encore là.<br />
De ces réflexions, je conclus que si l'effectif de l'armée<br />
d'Oran ne s'élève pas à 10 ou 12.000 hommes, il ne faut pas<br />
hésiter un seul instant à évacuer la Tafna. S'il est porté au-<br />
dessous de 8.000 hommes, il faut aussi évacuer Tlemcen.<br />
11 faut s'établir dans le pays de telle sorte que dans l'un ou<br />
l'autre cas,<br />
on ait une colonne de 4 à 5. 000 hommes pour<br />
parcourir le pays; car ce n'est qu'en le- parcourant qu'on<br />
peut le soumettre et non par des postes retranchés qui para<br />
lysent des troupes et ne sont qu'un corps inerte qui atteste<br />
la faiblesse plutôt que la force puisque l'on n'ose pas fran<br />
chir l'enceinte fortifiée.
Mais,<br />
— — 581<br />
si l'on veut faire la guerre de manière à espérer des<br />
résultats prompts et décisifs, il ne faut pas moins de<br />
i5.ooo hommes dans la province d'Oran et alors voilà la<br />
manière dont selon moi il faudrait les employer. J'aurais<br />
deux bases d'opérations : Oran et Mostaganem. De chacun<br />
de ces points partirait une colonne de 5.ooo hommes com<br />
posée ainsi que je l'ai indiqué ci-dessus. Celle d'Oran rayon<br />
nerait dans tout l'ouest depuis les frontières du Maroc jus<br />
qu'au Sig; celle de Mostaganem opérerait de la même ma<br />
nière depuis le Sig jusqu'à Miliana el au delà du Chélif. Je<br />
n'entends point par là renforcer ces colonnes dans une zone<br />
infranchissable, elles pourraient dans certains cas passer<br />
d'une zone à l'autre et faire tout ce qu'exigeraient les bon<br />
nes combinaisons de la guerre.<br />
On se recriera peut-être sur le chiffre de i5.ooo hommes<br />
et je conviens que cela est impraticable avec le bud<br />
get actuel, mais je ne raisonne pas ici d'après le chiffre du<br />
budget, mais bien d'après ce qui me paraît conforme aux<br />
besoins de la guerre et d'une politique bien entendue.<br />
Les dépenses mal faites, celles qui ne peuvent produire<br />
aucun résultat, parce qu'elles ne permettent d'employer<br />
que des demi-moyens,<br />
sont les plus dispendieuses de toutes,<br />
quelque mesquin que soit le chiffre de la dépense annuelle.<br />
Si l'on ne maintient à Oran qu'un effectif de 5 à 6.000 hom<br />
mes, il est certain qu'on n'arrivera à aucun résultat. Trop<br />
faible pour former les garnisons et disposer d'une force suf<br />
fisante pour parcourir le pays,<br />
on s'enfermera sur les points<br />
fortifiés de la côte où l'on sera perpétuellement bloqué et<br />
dans six ans on ne sera pas plus avancé qu'aujourd'hui. On<br />
le sera rqême beaucoup moins,<br />
car les troupes seront dégoû<br />
tées de l'inutilité de leurs efforts et de la vie sans gloire à<br />
laquelle on les assujettit, pendant que les Arabes au con<br />
traire seront fiers du rôle qu'ils auront joué et pleins de<br />
confiance dans leur avenir.<br />
Comparez donc pour les dépenses six ans d'occupation<br />
avec 6.000 hommes sans aucun succès et deux ans d'occu<br />
pation avec i5.ooo hommes qui termineront tout dans cet
— — 582<br />
espace de temps, j'en ai la conviction. D'un coup d'œil, on<br />
voit que dans la seconde hypothèse il y a moins de dépen<br />
ses que dans la première et que le succès n'est pas douteux<br />
pourvu que les affaires soient bien conduites.<br />
Je ne préjugerai point ici les résultats définitifs en ce qui<br />
touche les avantages que la France peut retirer de cette<br />
conquête, je ne traite que la question de la guerre el dans<br />
cette limite je dis que le Gouvernement et les Chambres ne<br />
peuvent, sans manquer à un de leurs devoirs les plus sacrés,<br />
tarder davantage à prendre un parti bien tranché. Je dirais<br />
presque qu'il y a crime à ne pas le faire, car en restant plus<br />
longtemps dans cette voie d'incertitudes el de demi-moyens,<br />
d'absence de tout plan arrêté, on dépense le sang et l'or de<br />
la France sans gloire et sans profil. On ne peut pas laisser<br />
plus longtemps une partie notable de l'armée française dans<br />
cette triste situation. On serait responsable des hommes qui<br />
périssent tous les jours sur ce sol brûlant et dans ces petits<br />
combats multipliés qui n'aboutissent à rien.<br />
On doit être enfin assez éclairé pour prendre un parti. Je<br />
n'hésite point à dire qu'il vaut mieux évacuer l'Afrique sur<br />
le champ que de continuer la guerre et l'occupation comme<br />
on le fait. Au point où vous en êtes avec les indigènes, il<br />
n'y a plus de moyen terme possible; la guerre est invétérée;<br />
on ne peut plus la terminer que par la force des armes.<br />
Pour y parvenir sûrement, promptement, économiquement,<br />
il ne faut pas moins de 45 à 5o.ooo hommes. Si la France<br />
veut conserver l'Afrique,<br />
voilà les conditions du succès; si<br />
elle ne sait pas se décider à faire cet effort vigoureux, indis<br />
pensable, qu'on abandonne le pays le plus tôt possible.<br />
Occuper seulement quelques points de la côte serait un rôle<br />
indigne d'une grande nation; nous serions d'abord le jouet<br />
des Arabes et bientôt la risée de l'Europe. Nous dépense<br />
rions moins chaque année sans doute,<br />
dépense,<br />
mais cette moindre<br />
multipliée par le nombre des années et considérée<br />
dans son inutilité serait plus onéreuse pour la France. Je le<br />
répète,<br />
suite.<br />
mieux vaut mille fois abandonner le pays tout de
— 583<br />
DES CAMPS KETRANCHÉS<br />
Les camps retranchés, à une marche en avant des points<br />
qu'on occupe, ne peuvent être selon moi que d'une bien<br />
rare utilité. On les établit, dit-on, pour abriter lc,s troupes et<br />
je veux admettre que les troupes s'y abriteront la première<br />
ou la dernière journée de marche; mais, dans les autres<br />
journées, à quoi leur servira le camp retranché ? Le camp<br />
ne les suivra pas partout où elles se porteront. Or, de deux<br />
choses l'une : ou l'on est assez fort pour tenir la campagne<br />
ou on ne l'est pas. Si on n'est pas assez fort dans la première<br />
journée de marche, on s'abritera dans le camp retranché,<br />
mais les jours suivants, on revient à toute sa faiblesse et<br />
encore un coup, on ne doit pas se mettre en campagne<br />
quand on n'est pas assez fort. Si l'on est fort,<br />
on n'a pas<br />
besoin de camp retranché et d'ailleurs offrirait-il quelques<br />
avantages,<br />
ce ne serait encore que-<br />
pour le premier ou le<br />
dernier jour. Toutefois, je ne nie pas qu'il n'y ait un petil<br />
nombre de circonstances où un camp retranché ne puisse<br />
être utile, mais alors, dans la plupart des cas, il faudra se<br />
perfectionner de manière à y établir un poste permanent.<br />
En général, je pense qu'on attache à ces sortes d'ouvrages<br />
une importance trop grande et fort peu raisonnée.<br />
fis ont l'inconvénient de fatiguer les troupes pour les<br />
faire, de compromettre quelquefois le détachement qu'on<br />
est tenté d'y laisser précisément parce qu'on a fait le camp.<br />
Si le camp contient un détachement sédentaire, c'est, bien<br />
pis, voilà un détachement de plus retiré de la marche des<br />
forces actives. Il faut porter des vivres à ce détachement; le<br />
détachement qui les porte est souvent compromis; les hom<br />
mes isolés, qui vont y visiter leurs camarades, ont la tête<br />
tranchée et tout cela pour de prétendus<br />
peut justifier par aucune raison solide.<br />
avantages qu'on ne<br />
Je ne saurais trop le redire : les véritables éléments des<br />
succès en Afrique, ce sont des colonnes mobiles débarras<br />
sées de chariots et d'artillerie roulante, suffisamment fortes ,<br />
bien constituées au physique et au moral, commandées par
— — 584<br />
des officiers jeunes et énergiques, pourvues de moyens de<br />
transport bien organisés et portant avec elles 4 ou 5 jours<br />
de vivres de plus qu'on ne suppose en avoir besoin.<br />
La prévision d'une marche facile ne doit pas davantage<br />
nous engager à nous charger de chariots et d'artillerie rou<br />
lante. Une foule de circonstances peut nous engager à<br />
changer de route; il faut toujours être prêt à pousser l'en<br />
nemi dans toutes les directions, car c'est la défensive qui,<br />
tournée en offensive, peut donner des résultats,<br />
et à ces con<br />
ditions, il vaut mieux se faire attaquer que d'attaquer. Bare-<br />
ment,<br />
on trouvera l'ennemi quand on le cherchera avec des<br />
forces imposantes,<br />
à moins qu'il ne vous attende dans un<br />
lieu fort où vous êtes obligé de passer par la nature de vos<br />
moyens de transport. Mais il pourra souvent attaquer dans<br />
l'espoir qu'il pourra impunément harceler votre colonne<br />
pendant plusieurs lieues comme cela est arrivé souvent.<br />
C'est le moment de lui donner une leçon sévère et pour cela<br />
il faut être légèrement équipé.<br />
Il résulte des principes que je viens de poser et sur les<br />
quels je suis revenu plusieurs fois parce qu'ils me paraissent<br />
de la plus haute importance, que l'artillerie de montagne<br />
doit jouer le premier et l'unique rôle dans cette guerre. On<br />
ne saurait donc s'attacher trop à la bien constituer en maté<br />
riel et en personnel. Les hommes qui la serviront doivent<br />
être équipés comme des fantassins, souliers, guêtres, le sac<br />
et la carabine. Ils doivent être choisis parmi les hommes les<br />
plus lestes, les plus robustes et les meilleurs marcheurs.<br />
Toutes les parties du matériel doivent être de première qua<br />
lité parce que cette artillerie devant être presque toujours<br />
traînée et non portée, le matériel est sujet à plus d'avaries.<br />
Il faut, porter avec soi de quoi faire toutes les petites répa<br />
rations journalières.<br />
SUBSISTANCES<br />
J'ai parlé des avantages de porter avec soi plus de subsis<br />
tances que les prévisions des marches me semblent en exi<br />
ger, mais je n'ai rien dit de leur qualité.
— — 585<br />
Sous un climat si rude, avec des fatigues comme celles<br />
qu'exige cette guerre, si elle est faite convenablement, on<br />
doit mettre le soin le plus scrupuleux à ne donner aux sol<br />
dats que des vivres de première qualité. L'humanité l'exige;<br />
on peut même dire que c'est un devoir que de bien traiter<br />
des hommes qui font à la patrie un si dur sacrifice. C'est<br />
d'ailleurs de l'économie bien entendue, car il y a peu de dif<br />
férence entre le prix des bonnes denrées et celui des mau<br />
vaises. Les hommes bien nourris sont dans le rang au lieu<br />
d'aller dans les hôpitaux où ils coûtent plus cher. La con<br />
servation des hommes est une partie essentielle de la science<br />
du général; sans elle, les armées sont bientôt affaiblies au<br />
point de ne pouvoir plus rien entreprendre. Un grand nom<br />
bre de compagnies ont été perdues pour avoir négligé ces<br />
soins de chaque jour qui maintiennent la santé du soldat.<br />
Le Gouvernement el l'administration ne paraissent pas<br />
assez pénétrés de cette vérité. Le pain en Afrique n'est pas<br />
suffisamment bon. Le biscuit est loin de valoir celui de l'ar<br />
mée de mer; il y en a souvent de gâté et, dans les moments<br />
de presse, comme on n'a pas le choix, les corps les reçoivent<br />
par nécessité et le soldat se trouve privé d'une partie de la<br />
subsistance. Le riz est de la dernière qualité : c'est de la<br />
criblure de riz qu'on leur donne à l'armée.<br />
Le lard salé doit être, évité avec soin. Il ne faut l'employer<br />
qu'à la dernière extrémité et il ne doit entrer que pour peu<br />
de chose dans les approvisionnements, parce qu'il donne la<br />
diarrhée à l'instant même. Avec un peu d'industrie, il est<br />
facile de s'approvisionner de viande fraîche. Les haricots<br />
doivent être proscrits; le riz de bonne qualité doit remplacer<br />
tous les légumes secs; il est très sain; c'est un des premiers<br />
éléments de la bonne nourriture en Afrique.<br />
Ce ne sont pas seulement les soldats qui appellent la solli<br />
citude du Gouvernement; le sort des officiers n'est pas beau<br />
coup<br />
plus heureux et il leur est impossible de vivre et de<br />
s'entretenir en Afrique avec leur solde. Leurs rations ne<br />
suffisent pas à leurs nourritures; ils achètent à des prix exor<br />
bitants le vin et les autres comestibles que transportent à la
— — 586<br />
suite des armées des cantiniers de toutes les nations, en<br />
sorte que, pour la nourriture seulement,<br />
un officier dépense<br />
presque toute sa solde et cependant il use quatre ou cinq<br />
fois plus de vêtements qu'en France. Dans la campagne de<br />
trente-huit jours que nous venons de faire,<br />
les officiers ont<br />
mis tous leurs vêtements en. lambeaux. Cela se concevra<br />
facilement quand on saura que nous avons perpétuellement<br />
marché sans route à travers des arbustes plus épineux qu'au<br />
cun de ceux que nous avons en Europe. Il me paraît de<br />
toute justice et de toute nécessité de rétablir l'indemnité<br />
extraordinaire telle qu'elle existait dans le principe.<br />
Exactement pour les mêmes motifs, il est indispensable<br />
d'ajouter un supplément à la masse de linge et chaussure<br />
du soldat. Un mois de campagne suffit pour mettre hors de<br />
service un pantalon,<br />
une paire de guêtres et une paire de<br />
souliers. Comment donc la masse actuelle pourrait-elle suf<br />
fire à l'entretien ?<br />
Mais c'est bien trop cher, dira-t-on. Je réponds que qui<br />
veut la fin veut les moyens. Vous voulez conquérir et con<br />
server l'Afrique, soit pour les intérêts de la France, soit pour<br />
satisfaire son orgueil national; sachez payer convenablement<br />
ceux qui font à ces idées bien ou mal fondées le sacrifice<br />
de toutes les affections humaines et même de leur existence.<br />
C'est même dans votre intérêt bien entendu,<br />
premières chances du succès,<br />
car l'une des<br />
c'est d'avoir une armée satis<br />
faite de son sort et de son gouvernement. En voulez-vous<br />
la preuve ? Voyez l'armée anglaise : elle est recrutée dans<br />
l'écume de la population, moralement parlant,<br />
car on choi<br />
sit toujours des hommes robustes. Les charges d'officiers y<br />
sont vénales. Tout enfin semblerait faire présumer que ce<br />
ne peut être qu'une mauvaise armée. Eh bien 1 contre tou<br />
tes les prévisions,<br />
cette armée est bonne : d'abord parce que<br />
la discipline y est très bien observée,<br />
ensuite parce que<br />
l'armée y est admirablement, payée, nourrie, habillée et<br />
équipée. Ne saurez-vous donc pas faire pour les enfants de<br />
la France,<br />
pour ces jeunes conscrits appelés par la loi à<br />
faire à la patrie le plus dur des sacrifices, ce que l'on fait en
— 587 —<br />
Angleterre pour des mercenaires recrutés dans les mauvais<br />
lieux ou sur le pavé des grandes villes. La justice, le devoir<br />
et surtout l'intérêt bien entendu de la patrie exige que vous<br />
le fassiez.<br />
Un dernier mot sur les subsistances : la nourriture des<br />
chevaux est proclamée insuffisante : 8 livres de foin el<br />
8 livres d'orge sont une ration inférieure à ce que les che<br />
vaux reçoivent en France et cependant les chevaux comme<br />
les hommes ont besoin, en Afrique, d'une excellente nour<br />
riture.<br />
DES BECONNAISSANCES<br />
En terminant cette esquisse imparfaite des points les plus<br />
saillants de la guerre d'Afrique, je crois utile de faire<br />
quelques observations sur l'emploi trop fréquent des recon<br />
naissances. Une reconnaissance, comme toute autre démar<br />
che militaire, ne doit pas être faite sans un but bien mar<br />
qué, sans une nécessité reconnue. Il faut toujours se deman<br />
der pourquoi cette recoinnaissance. En satisfaisant cette<br />
question,<br />
on trouvera la plupart du temps que cette recon<br />
naissance est inutile et un faux pas.<br />
En effet, d'après le principe que nous avons posé plus<br />
haut,<br />
qu'il ne faut se mettre en campagne qu'avec des for<br />
ces suffisantes pour battre tel rassemblement que ce soit,<br />
quel pressant besoin a-t-on de savoir si l'ennemi est ou<br />
n'est pas en force sur tel ou tel point ? Quand on le saura,<br />
on n'en sera pas en général beaucoup plus avancé. Cepen<br />
dant, pour être vrai, il faut convenir que quelquefois il<br />
peut être nécessaire de le savoir. Dans ce cas, il faut que la<br />
reconnaissance soit faite avec une extrême prudence. Il ne<br />
faut pas compromettre une forte fraction de troupes comme<br />
cela se pratique ordinairement. 11 faut reconnaître avec très<br />
peu ou avec tout. Sur ce point, selon moi, il n'y a pas de<br />
moyens termes. 4o ou 5o cavaliers des mieux montés de<br />
toute la brigade, toute la division ou toute l'armée.<br />
Si vous n'envoyez qu'une forte fraction, il arrivera sou<br />
vent que l'ennemi jugera que toute la troupe n'est pas là
et il écrasera votre<br />
588 —<br />
reconnaissance. Appuyez donc toujours<br />
de près et avec tout votre monde par des échelons bien pla<br />
cés la troupe qui va reconnaître. Mais, je le répète, il est<br />
rare, en Afrique,<br />
que cette opération soit nécessaire.<br />
42<br />
Le Ministre de la Guerre au Général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre)<br />
Le 4 août 1836.<br />
J'ai reçu vos dépêches télégraphiques du 7 juillet, ainsi<br />
que vos rapports des 18 et 19 de ce mois, dans lesquels vous<br />
m'avez rendu compte de vos opérations. J'ai éprouvé une<br />
vive satisfaction en lisant la relation de votre brillante<br />
affaire de la Sikkak et je me suis empressé de mettre votre<br />
rapport sous les yeux du roi. S. M. a applaudi au résultat<br />
que vous avez obtenu dans cette affaire décisive que l'on<br />
peut, comme vous le dites,<br />
appeler une bataille et dans<br />
laquelle vous avez montré une grande habileté. Le roi a<br />
applaudi également à la bravoure des troupes sous vos<br />
ordres qui se sont conduites avec une grande valeur. Dès<br />
que j'aurai reçu les demandes de récompenses que vous<br />
avez faites en leur faveur, je prendrai les ordres de S. M.<br />
J'ai l'espoir que la victoire signalée que vous venez de<br />
remporter sur Abd el Kader amènera la pacification de la<br />
province d'Oran et assurera par conséquent notre domina<br />
tion dans cette partie de l'ancienne Bégence d'Alger.
— 589 —<br />
Des services aussi distingués méritaient récompense. Sur<br />
le rapport que j'en ai fait au roi, S. M. vous a nommé<br />
lieutenant général. Je vous en ai donné avis par le télé<br />
graphe et j'ai un véritable plaisir à vous le confirmer par<br />
cette lettre.<br />
Je vous ai adressé aussi par le télégraphe l'autorisation<br />
de rentrer en France d'après l'assurance que vous donnez<br />
que votre présence n'est plus nécessaire à Oran.<br />
J'approuve la mesure que vous avez prise d'envoyer en<br />
France les prisonniers que vous avez faits dans le combat<br />
de la Sikkak; ils sont établis à Marseille. J'ai donné des<br />
ordres pour qu'ils soient bien traités,<br />
afin de leur faire sen<br />
tir les avantages de notre civilisation et de nos mœurs et<br />
de pouvoir, lorsque nous les renverrons en Afrique-, nous<br />
servir de ces prisonniers dans nos rapports avec leurs<br />
coreligionnaires.
590 —<br />
43<br />
Le Gouverneur Général au Ministre de la Guerre<br />
(Arch. Guerre) (1)<br />
Oran, le 7 août 1836.<br />
Le départ du 66°, du bataillon d'Afrique, de quatre com<br />
pagnies du 63°, 8 à 900 malades ou blessés, les garnisons de<br />
Tlemcen, la Tafna, Mers-el-Kébir, Oran, Arzew et Mostaga<br />
nem, les non-valeurs de toute espèce absorbent tellement<br />
mon effectif qu'il me paraît impossible de réunir<br />
5.ooo hommes qu'il me faut pour agir dans l'Est de la pro<br />
vince et aller à Mascara; on pourrait, je crois, y<br />
moins,<br />
aller avec<br />
mais il n'est pas prudent de se montrer amoindri<br />
avant d'avoir entièrement battu Abd el Kader. Envoyez-<br />
moi donc les premiers renforts ou ordonnez à Alger par le<br />
télégraphe de m'envoyer 800 hommes.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
591<br />
Le Ministre de la Guerre au Général Bugeaud<br />
(Arch. Guerre)<br />
Paris, le 10 août 1836.<br />
Vos dernières dépêches m'avaient fait penser que vous<br />
aviez renoncé à toute opération à cause de la saison.<br />
Retenez le 66e<br />
régiment et les 4 compagnies du 63° jus<br />
qu'à l'arrivée des renforts et ne les faites partir que par les<br />
bâtiments qui porteront ces renforts.<br />
(1) Dépêche télégraphique.
Général,<br />
592<br />
45<br />
Le général Bugeaud au général Létang<br />
(Arch. Guerre)<br />
Excideuil, le 3 septembe 1836.<br />
on paraît désirer que je retourne prendre le com<br />
mandement d'Oran. Je crois vous avoir fait pressentir les<br />
raisons qui m'éloignent en ce moment d'une mission en<br />
Afrique; j'ai donc cherché à l'éluder sans dire mes vérita<br />
bles motifs. Dans le nombre des raisons que j'ai données,<br />
j'ai appuyé plus particulièrement sur celle-ci qui est dans<br />
ma conviction : Le général Létang m'a paru très capable<br />
de bien conduire les affaires dans ce pays et je crois qu'il<br />
fera tout aussi bien que moi. Il aura de la prudence dans<br />
les entreprises, de la résolution dans l'exécution ». Vous<br />
justifierez mes assertions. Je le désire pour le pays, pour<br />
vous et pour moi, car si vous faites bien, il n'y aura pas<br />
nécessité de envoyer. m'y Je vais d'abord vous en laisser le<br />
temps. Mon collège se réunit le 24 et dans tous les cas je ne<br />
pourrais être à Oran avant le i5 octobre.<br />
Du jour de mon départ jusqu'à cette date,<br />
deux courses;<br />
les combats,<br />
vous aurez fait<br />
vous aurez obtenu quelques résultats, soit par<br />
soit par les traités.<br />
Je ne me suis pas borné à faire des vœux pour le succès<br />
de nos armes en Afrique; j'ai longuement causé avec le roi<br />
et les ministres des moyens à employer dans cette guerre el.<br />
je crois avoir été écouté. Il est vrai que les ministres ne<br />
sont déjà plus; mais,<br />
comme j'ai laissé des notes écrites,<br />
j'espère que ce ne sera pas perdu. Je crois par exemple que,
— 593 —<br />
avant peu, vous recevrez l'ordre d'acheter des mulets pour<br />
organiser vos transports à 80 mulets par 1.000 hommes.<br />
Je compte aussi qu'on s'occupera d'améliorer les vivres<br />
de toute espèce, j'ai répondu à cet égard aux nombreuses<br />
questions écrites que m'a adressées le ministre.<br />
J'ai conseillé de demander des échantillons de pain, du<br />
biscuit, du riz et de toutes les graines employées à la manu<br />
tention. Il serait bien que le général commandant à Alger<br />
envoyât de son côté des échantillons pour les comparer avec<br />
ceux de l'administration dont quelques employés subalter<br />
nes pourraient être intéressés à faire illusion au ministre.<br />
J'ai vivement recommandé au ministre mes propositions<br />
en faveur des militaires sous vos ordres qui se sont le plus<br />
distingués. On était dans les meilleures dispositions. Le tra<br />
vail du<br />
2e<br />
de chasseurs était presque terminé et je pense<br />
que vous ne tarderez pas à recevoir les diverses promotions.<br />
Je vous prie de dire à ces MM. combien je suis heureux<br />
d'avoir contribué à faire récompenser leurs services.<br />
Faites, je vous prie,<br />
mes compliments à MM. les Colonels,<br />
y compris M. de Maussion que j'aime et honore pour ses<br />
bonnes qualités militaires.<br />
38
594<br />
46<br />
Le général Bugeaud au général Létang<br />
(Arch. Guerre)<br />
Excideuil, le 11 novembre 1836.<br />
Je suis flatté du désir, que vous m'avez montré de me voir<br />
revenir à Oran prendre le commandement en chef. Je n'ai<br />
rien fait, ni pour y aller, ni pour n'y pas aller. Je suis resté<br />
tranquille à la campagne. C'est assez mon habitude; je ne<br />
demande pas, mais je ne refuse pas les postes honorables et<br />
certainement Oran est un de ceux-là. J'ai dit partout que<br />
vous étiez propre à le remplir. On y a envoyé le général<br />
Damrémont, j'ignore ce qui a pu amener cette détermina<br />
tion. Je présume que vous connaissez ce lieutenant général<br />
puisqu'il a déjà servi en Afrique. Je l'ai un peu vu à Paris,<br />
il m'a paru fort bon enfant.<br />
A présent que vous voilà dégagé des tribulations du com<br />
mandement en chef,i j'espère que vous prendrez le temps<br />
de rédiger et publier vos vues sur la guerre et la colonie<br />
d'Afrique. Vous me répétez que vous êtes convaincu qu'on<br />
ne parviendra à aucun résultat tant qu'on agira comme<br />
on le fait,<br />
et vous m'avez dit à Oran que vous aviez un<br />
système que vous pensiez devoir résoudre le problème; et<br />
moi je vous répète que vous ne pouvez plus longtemps gar<br />
der le silence-<br />
sur ce système sans manquer à ce que vous<br />
devez au- pays et au roi. Publiez-le ou adressez-le au minis<br />
tre, ce sera bien votre propriété, vous en aurez tout l'hon<br />
neur si la chose est bonne, vous aurez de plus l'immense<br />
jouissance d'avoir rendu un grand service à la France qui<br />
dépense 7 ou 8.000 hommes par an et 25 millions sans
—<br />
— 595<br />
aucun résultat et aux -lépens de sa prépondérance en Eu<br />
rope.<br />
Si elle emploie 5o.ooo hommes comme il les faudrait au<br />
maréchal Clauzel, ce sera bien pire, ce sera, à mon avis, un<br />
immense danger,<br />
car si la guerre nous surprenait en Eu<br />
rope, quel vide que 5o.ooo hommes tirés d'une armée déjà<br />
faible pour défendre au début 4oo lieues de frontière.<br />
trop<br />
On n'improvise pas en France ni en Europe de bonnes<br />
armées et la guerre aujourd'hui marche vite et la capitale<br />
n'est qu'à 60 lieues de la frontière.<br />
Le public imbécile dit et dira : « Qu'est-ce que<br />
5o.ooo hommes pour une population de 33.000.000 ? »<br />
Mais les hommes de guerre savent tout ce qu'il faut de<br />
temps, de peine et de dépense pour former 5o bons mille<br />
hommes. Dites-nous donc bien vite votre secret. Si vous ne<br />
nous le dites pas, je vais vous dénoncer au ministre,<br />
lui-même et vous serez bien forcé d'accoucher;<br />
au roi<br />
si c'est ré<br />
serve ou modestie, cela doit disparaître devant l'intérêt du<br />
pays (1). Moi qui ne suis pas modeste, je dis tout ce que je<br />
sais,<br />
ou tout ce que je crois savoir, espérant qu'on pourra<br />
apprendre quelque chose d'utile. C'est ainsi que j'ai laissé<br />
en Afrique une ébauche de mémoire où j'ai consigné une<br />
grande partie de mes idées sur cette guerre. Pour le dire en<br />
passant,<br />
vous avez dédaigné cette esquisse. Je vous l'avais<br />
offerte, vous ne m'en avez plus parlé, j'ai cru que vous<br />
n'en vouliez pas. Pour mon compte,<br />
contact avec vous,<br />
si je me retrouvais en<br />
je recevrais vos idées avec plaisir parce<br />
que je vous crois homme de guerre. J'y ferais un choix, je<br />
les marierais avec les miennes. On ne, peut que gagner à<br />
cela.<br />
(1) Le travail du général Létang : Des moyens d'assurer la domi<br />
nation française en Algérie. Paris, 1840, in-8°.<br />
w*
APPENDICE III<br />
Instructions du Ministre de la Guerre<br />
au Général DAMRÉMONT<br />
(6 Octobre 1836)
599<br />
47<br />
Le Ministre de la Guerre au Général Damrémont<br />
(Arch. Guerre).<br />
Paris, le 6 octobre 1836.<br />
L'intention du Boi est que vous partiez immédiatement<br />
et en poste de Paris,<br />
pour vous rendre à Toulon d'où vous<br />
serez transporté en Afrique. Des ordres seront donnés par<br />
le télégraphe pour que M. le Préfet maritime fasse mettre<br />
immédiatement à votre disposition un bateau à vapeur, afin<br />
que vous puissiez vous rendre sans aucun retard à Alger.<br />
M. le chef d'escadron de Bancé, aide de camp de M. le<br />
maréchal comte Clauzel, reçoit pareillement l'ordre de<br />
retourner sur le champ et en poste à Alger ; il est prévenu<br />
que je désire qu'il puisse partir avec vous et profiter du<br />
bâtiment qui vous transportera.<br />
Vous verrez par l'ordre de service que je vous adresse<br />
que le Boi vous a nommé au Commandement spécial de<br />
la division commandement d'Oran, qui a acquis une grande<br />
importance par suite de l'extension donnée à l'occupation<br />
de cette province et à cause de la quantité de troupes qui<br />
s'y trouvent.<br />
A votre arrivée à Alger vous vous présenterez à M. le<br />
maréchal comte Clauzel qui vous donnera ses instructions<br />
pour l'exercice de ce commandement,<br />
ainsi que pour les<br />
autres fonctions que vous pourriez être dans le cas de<br />
remplir par la suite.<br />
À cet égard, le Boi a pensé que dans un gouvernement<br />
comme celui de nos possessions du Nord de l'Afrique, assez
— — 600<br />
éloigné de la France et particulièrement de la Capitale pour<br />
que les relations avec celles-ci soient trop lentes et quelque<br />
fois même incertaines,<br />
surtout dans la saison où nous<br />
entrons, il serait d'une sage prévoyance de se mettre en<br />
mesure contre toute espèce d'événement. S. M. a considéré<br />
en outre qu'un seul Lieutenant-général,<br />
ayant d'ailleurs<br />
des fonctions très importantes, était insuffisant dans le cas<br />
où le Gouverneur Général devrait être suppléé pour un<br />
motif quelconque.*<br />
i.a prudence commande, en effet, que<br />
le Gouvernement de nos possessions d'Afrique et le com<br />
mandement du corps d'occupation soient fortement orga<br />
nisés et que leur action soit constante et sans interruption.<br />
Dans les circonstances actuelles, par exemple, le Boi a<br />
autorisé l'expédition de Constantine. M. le maréchal comte<br />
Clauzel s'est proposé d'en prendre lui-même le comman<br />
dement ; les moyens nécessaires pour faire cette expédi<br />
tion lui ont été indiqués et il est possible qu'elle se fasse.<br />
Dans ce cas, l'absence de M. le Maréchal au siège du<br />
Gouvernement général d'Alger et les soins que réclament<br />
l'expédition d'une part,<br />
et le commandement général des<br />
troupes, ainsi que celui de la division d'Alger, d'autre part,<br />
pouvant exiger que M. le^ Maréchal soit suppléé et que le<br />
Général Bapatel lui-même dirige d'après ses ordres quelques<br />
opérations, il est indispensable qu'un lieutenant-général<br />
soit à la disposition de M. le Maréchal pour le suppléer s'il<br />
y avait lieu. Si, d'un autre côté, quelque accident de guerre<br />
venait à priver momentanément nos possessions de leur<br />
Gouverneur général, ou si M. le Maréchal se trouvait dans<br />
le cas de s'absenter temporairement d'Afrique, il faudrait<br />
encore et à plus forte raison qu'il fût suppléé.<br />
Ces graves considérations motivent donc le choix que le<br />
Boi a fait de vous.<br />
Le Gouvernement de S. M. ne sait pas encore d'une<br />
manière positive si M. le Maréchal fera ou ne fera pas<br />
l'expédition de Constantine. D'après ses dernières dépêches<br />
il demande 6 à 8 mille hommes de renfort. Le Gouver-
— — 601<br />
nement du Boi ne pense pas que ces renforts soient néces<br />
saires ; il croit que les moyens que M. le Maréchal a à sa<br />
disposition sont suffisants, et il ne peut d'ailleurs lui être<br />
envoyé d'autres troupes. Je désire même à cet égard que<br />
vous donniez à M. le maréchal Clauzel les explications<br />
nécessaires pour lui faire apprécier comment la chose a<br />
été vue, comprise et considérée par le Gouvernement, afin<br />
qu'il soit bien convaincu qu'il n'y a dans, cette circonstance<br />
que conviction de notre part, et qu>: gutre le Gouverne<br />
ment du Boi est dans l'obligation de rester, quant aux<br />
dépenses, dans les limites qui lui sont imposées par les<br />
lois de finances.<br />
Soit que l'expédition de Constantine se fasse, soit qu'elle<br />
ne se fasse pas, et M. le maréchal Clauzel restant en Afrique,<br />
vous irez prendre sous ses ordres le commandement de la<br />
province d'Oran et des troupes qui s'y trouvent. Mais si<br />
par une circonstance quelconque, M. le maréchal était<br />
obligé de cesser momentanément de remplir ses fonctions<br />
de Gouverneur général, il vous est ordonné de prendre le<br />
Gouvernement de nos possessions d'Afrique. Je préviens<br />
M. le Maréchal que, ce cas se présentant, l'intention du Boi<br />
est qu'il vous remette ce Gouvernement et qu'il vous donne<br />
en même temps les instructions qui lui ont été adressées<br />
jusqu'à ce jour. Vous agiriez alors conformément à ces<br />
instructions et à mes lettres du 27 septembre dernier et<br />
du 6 octubre courant dont vous trouverez ci-joint, copie, et<br />
vous seriez par conséquent juge de l'opportunité de faire<br />
ou de ne pas faire l'expédition de Constantine.<br />
Le Boi compte sur votre dévouement et sur votre expé<br />
rience pour le succès de la mission qui vous est confiée.<br />
Veuillez m'accuser réception de cette lettre que vous com<br />
muniquerez à M. le maréchal Clauzel et me rendre compte<br />
de votre départ.
N0»<br />
Annexe n» 5. —<br />
Appendice II,<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
n"<br />
Septembre<br />
n"<br />
n°<br />
n"<br />
n°<br />
n°<br />
n"<br />
n"<br />
n'<br />
n"<br />
n"<br />
TABLE<br />
Abd el Kader<br />
Pages<br />
1835, à Haïm Durand 436<br />
15. —<br />
16. —<br />
18. —<br />
19. —<br />
21. —<br />
2$. —<br />
24. —<br />
25. —<br />
26. —<br />
27. —<br />
n°<br />
— 29.<br />
n"<br />
n"<br />
— S3.<br />
n°<br />
n°<br />
— 35.<br />
n°<br />
n°<br />
n'<br />
n'<br />
Le Général Bugeaud<br />
25 mai 1836, au Ministre de la Guerre 503<br />
27 mai 1836,<br />
—<br />
504<br />
27<br />
28<br />
29<br />
7<br />
8<br />
8<br />
11<br />
16<br />
— mai 1836,<br />
— mai 1836,<br />
— mai 1836,<br />
— juin 1836,<br />
— juin 1836,<br />
506<br />
507<br />
509<br />
513<br />
515<br />
juin 1836, au général d'Arlanges 517<br />
— juin 1836,<br />
— juin 1836,<br />
519<br />
520<br />
— 28. 16 juin 1836, au Ministre de la Guerre 522<br />
18 juin 1836,<br />
— 527<br />
— 30. 24 juin 1836, — 533<br />
30 juin 1836, au général d'Arlanges 546<br />
— Si. 1«<br />
juillet 1836, au général Létang<br />
548<br />
Au Ministre de la Guerre 550<br />
— 36. Au général Létang<br />
551<br />
$7. —Au Ministre de la Guerre 552<br />
n°<br />
— 41.<br />
n"<br />
n°<br />
— — 38. 553<br />
— — 39. 563<br />
45. —<br />
46. —<br />
Mémoire sur la guerre 569<br />
Au général Létang<br />
592<br />
— 594
— — 604<br />
Noi Pages<br />
471. —<br />
441. —<br />
Le Consul de France à Tunis<br />
7 novembre 1836, au Gouverneur général.<br />
Le Directeur du Dépôt de la Guerre<br />
22 octobre 1836, au Ministre de la Guerre 215<br />
Annexe n "<br />
Annexe<br />
n"<br />
*. —<br />
6. —<br />
Haim Durand<br />
15 septembre 1835, à Abd el Kader 435<br />
A Abd el Kader 437<br />
L'Empereur du Maroc<br />
Annexe n° — 10. 13 mai 1835 447<br />
Apfendice I,<br />
342. —<br />
343. —<br />
344. —<br />
348. —<br />
3S0. —<br />
n"<br />
13. —<br />
7 août 1836, au roi des Français 496<br />
Le Gouverneur général<br />
.<br />
25 juillet 1836, au général Rapatel 13<br />
25 juillet 1836,<br />
—<br />
14<br />
25 juillet 1836, au Ministre de la Guerre 15<br />
2 août 1836, au général Rapatel 21<br />
3 août 1836, au Ministre de la Guerre 33<br />
— 356. 6 août 1836,<br />
— 44<br />
357.— 7 août 1836, au général Rapatel 45<br />
— 377. 31 août 1836, au Ministre de la Guerre 87<br />
378.— 2 septembre 1836,<br />
— 88<br />
89<br />
379.— 3 septembre 1836, —<br />
382. —<br />
8<br />
septembre 1836,<br />
—<br />
—<br />
383.— 8 septembre 1836,<br />
384.— 9 septembre 1836,<br />
— 95<br />
%<br />
97<br />
385.— 9 septembre 1836,<br />
—<br />
386. - 10 septembre 1836,<br />
389. — 15 septembre 1836,<br />
— 390. 15 septembre 1836, au général Létang<br />
— 391. 16 septembre 1836, au Ministre de la Guerre<br />
392. —<br />
393. —<br />
394. —<br />
395. —<br />
17<br />
17<br />
17<br />
18<br />
— septembre 1836,<br />
— septembre 1836,<br />
— septembre 1836,<br />
— septembre 1836,<br />
?<br />
99<br />
— 103<br />
— 107<br />
108<br />
109<br />
112<br />
114<br />
115<br />
117
N»»<br />
— — 605<br />
Page»<br />
398. —23 septembre 1836, au Ministre de la Guerre 122<br />
— 399. 23 septembre 1836,<br />
— 128<br />
— 400. 23 — 130<br />
401. —<br />
402. —<br />
403. —<br />
405. —<br />
408. —<br />
409. —<br />
412. —<br />
413. —<br />
23<br />
septembre 1836,<br />
septembre 1836, —<br />
24 septembre 1836,<br />
U<br />
414. — 7<br />
416. —<br />
416. —<br />
417. —<br />
418. —<br />
419. —<br />
420. —<br />
42,1. —<br />
424. —<br />
425. —<br />
426. —<br />
427. —<br />
428. —<br />
433. —<br />
434. —<br />
436. —<br />
437. —<br />
438. —<br />
441. —<br />
445. —<br />
448. —<br />
449. —<br />
450. —<br />
451. —<br />
462. —<br />
453. -<br />
454. —<br />
456. —<br />
459. —<br />
460. —<br />
461. —<br />
463. —<br />
467. —<br />
468. —<br />
469. —<br />
septembre 1836, —<br />
132<br />
— 135<br />
136<br />
27 septembre 1836, au général Létang 139<br />
29 septembre 1836, au Ministre de la Guerre 147<br />
30 septembre 1836,<br />
6 octobre 1836,<br />
6 octobre 1836,<br />
octobre 1836,<br />
8 octobre 1836,<br />
8 octobre 1836,<br />
8 octobre 1836,<br />
10 octobre 1836,<br />
13 octobre 1836,<br />
13 octobre 1836,<br />
13 octobre 1836,<br />
15 octobre 1836,<br />
16 octobre 1836,<br />
16 octobre 1836,<br />
16 octobre 1836,<br />
16 octobre 1836,<br />
20<br />
20<br />
20<br />
21<br />
22<br />
— 151<br />
— 157<br />
— 163<br />
— 164<br />
— 167<br />
— 169<br />
— 171<br />
— 172<br />
— 174<br />
— 176<br />
— 177<br />
— 182<br />
— 183<br />
— 184<br />
— 185<br />
— 187<br />
.octobre 1836,<br />
— 197<br />
octobre 1836,<br />
— 199<br />
octobre 1836,<br />
— 208<br />
octobre 1836,<br />
211<br />
octobre 1836, »A 212<br />
22 octobre 1836,<br />
25 octobre 1836,<br />
27 octobre 1836,<br />
28<br />
28<br />
28<br />
.octobre 1836,<br />
octobre 1836,<br />
octobre 1836,<br />
28 octobre 1836,<br />
28 octobre 1836,<br />
28 octobre 1836,<br />
31 octobre 1836,<br />
I6' novembre 1836,<br />
1" novembre 1836,<br />
1er novembre 1836,<br />
2 novembre 1836,<br />
4 novembre 1836,<br />
4-5 novembre 1836,<br />
6-7 novembre 1836,<br />
— 215<br />
— 220<br />
— 224<br />
— 226<br />
— 227<br />
—<br />
•••• 228<br />
229<br />
—<br />
■ •<br />
•.<br />
— 230<br />
—<br />
• • 233<br />
— 235<br />
— 239<br />
— 240<br />
— 241<br />
— 244<br />
— 256<br />
— 257<br />
— 258<br />
470.— 7 novembre 1836, Ordre général 259
N°"<br />
472. —<br />
473. —<br />
474. —<br />
475. —<br />
479. —<br />
480. —<br />
481. —<br />
482. —<br />
485. —<br />
8<br />
— — 606<br />
Pages<br />
novembre 1836, au Ministre de la Guerre 265<br />
9 novembre 1836,<br />
9 novembre 1836,<br />
9 novembre 1836,<br />
11 novembre 1836,<br />
12<br />
12<br />
—<br />
novembre 1836,<br />
—<br />
novembre 1836,<br />
— 266<br />
— 269<br />
— 271<br />
— 276<br />
278<br />
280<br />
13 novembre 1836,<br />
— 282<br />
22 novembre 1836, au général de Rigny<br />
286<br />
au Ministre de la Guerre 294<br />
— r" 488. décembre 1836,<br />
— 489. 2 décembre 1836,<br />
— 295<br />
— 490. 1« décembre 1836,<br />
— 298<br />
491.— 3 décembre 1836,<br />
— 319<br />
— 492. 3 décembre 1836, au général Trézel '322<br />
493.— 3 novembre 1836, au Ministre de la Guerre 325<br />
— 494. 4 novembre 1836,<br />
— 497. 10 décembre 1836,<br />
— 498. 10 décembre 1836,<br />
— 499. 14 décembre 1836,<br />
— 504. 18 décembre 1836,<br />
— 506. 19 décembre 1836,<br />
— 507. 19 décembre 1836,<br />
— 508. 20 décembre 1836,<br />
— 509. 20 décembre 1836,<br />
— 510. 20 décembre 1836,<br />
— 513. 23 décembre 1836,<br />
— 514. 27 décembre 1836,<br />
— 515. 24 décembre 1836,<br />
518.— 2 janvier 1837,<br />
— 519. 3 janvier 1837,<br />
— 520. 3 janvier 1837,<br />
—<br />
—<br />
521.— 3 janvier 1837,<br />
— 522. 4 janvier 1837,<br />
524.— 7 janvier 1837,<br />
525.— 7 janvier 1837,<br />
E26. —<br />
527. —<br />
528. —<br />
7<br />
8<br />
9<br />
Annexe n» 8. —<br />
— janvier 1837,<br />
— janvier 1837,<br />
janvier 1837,<br />
— 331<br />
— 336<br />
— 337<br />
— 338<br />
— 345<br />
— 350<br />
— 351<br />
— 352<br />
—<br />
'<br />
356<br />
— 357<br />
— 362<br />
— 363<br />
— 364<br />
— 369<br />
— 374<br />
— 376<br />
377<br />
378<br />
— 383<br />
— 384<br />
387<br />
389<br />
au colonel Duvivier 392<br />
Les Hébreux de Tlemcen<br />
22 octobre 1835, aux Hébreux d'Oran 443<br />
Ibrahim-Bey<br />
Annexe n° — 1. Août 1835, aux tribus arabes 415<br />
Annexe n» — 3. 20 septembre 1835, à l'Intendant Militaire.... 433<br />
406. —<br />
26 septembre 1836, au Gouverneur général 141
N°»<br />
404. —<br />
— — 607<br />
L'Intendant Civil<br />
Pages<br />
24 septembre 1836, au Ministre de la Guerre 138<br />
L'Intendant Militaire<br />
Annexe n» — 12. 10 novembre 1836, au Ministre de la Guerre 452<br />
Annexe n» 7. —<br />
Annexe n» 9. —<br />
Appendice I,<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
Appendice I,<br />
Appendice II.<br />
336. —<br />
338. —<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
—<br />
9<br />
18<br />
Kaddour ben Daoud<br />
6 octobre 1836, au Gouverneur général 438<br />
21 octobre 1836, Son opinion sur les Français 445<br />
n"<br />
n"<br />
n'<br />
n"<br />
n "<br />
n"<br />
n"<br />
n"<br />
2. —<br />
3. —<br />
4. —<br />
5. —<br />
6. —<br />
7. —<br />
8. —<br />
9. —<br />
n", 10. —<br />
n*<br />
— 11.<br />
n'<br />
n"<br />
n"<br />
n"<br />
1. -—<br />
Le lieutenant-colonel de la Rue<br />
17 juin 1836, au Min. des Affaires Etrangères 465<br />
8 juillet 1836,<br />
—<br />
468<br />
9 juillet 1836,<br />
— 471<br />
11 juillet 1836,<br />
— 472<br />
14<br />
juillet 1836, — 474<br />
17 juillet 1836,<br />
21 juillet 1836,<br />
29<br />
juillet 1836, -<br />
30 juillet 1836,<br />
17<br />
août 1836 —<br />
Le Ministre des Affaires Etrangères<br />
— 476<br />
— 480<br />
483<br />
— 485<br />
488<br />
6 juin 1836, au lieutenant-colonel de la Rue.. 457<br />
14. —<br />
17. —<br />
20. —<br />
Le Ministre do la Guerre<br />
23 mai 1836, au général Bugeaud 501<br />
27 505<br />
28<br />
— mal 1836,<br />
— mai 1836,<br />
— juin 1836,<br />
— juin 1836,<br />
— juin 1836,<br />
508<br />
n"<br />
— 22. 7 512<br />
n"<br />
— 31. 24 543<br />
n"<br />
— 32. 30 544<br />
juillet 1836, au Gouverneur général 3<br />
7<br />
juillet 1836, —
— — 608<br />
N" Pages<br />
339. —<br />
340. —<br />
345. —<br />
347. —<br />
20 juillet 1836, au général Rapatel 9<br />
22<br />
26<br />
Fin<br />
— juillet 1836,<br />
— juillet 1836, juillet'<br />
— 1836,<br />
10<br />
16<br />
19<br />
n'<br />
Appendice II,<br />
— 40. 30 juillet 1836, au général Bugeaud 567<br />
—<br />
n"<br />
— 42. 4 août 1836,<br />
— 588<br />
— 352. 5 août 1836, au général Rapatel 37<br />
n"<br />
Appendice II,<br />
— 44. 10 août 1836, au général Bugeaud 591<br />
— 358. 10 août 1836, au général Rapatel 48<br />
— 360. 11 53<br />
364. —<br />
365. —<br />
367. —<br />
368. —<br />
369. —<br />
370. —<br />
373. —<br />
375. —<br />
août 1836, —<br />
17 août 1836,<br />
— 60<br />
18 août 1836, au Gouverneur général 61<br />
22 août 1836, au général Rapatel 64<br />
22 août 1836,<br />
— 66<br />
22 août 1836,<br />
— 67<br />
22 août 1836,<br />
— 69<br />
26 août 1836,<br />
— 80<br />
30 août 1836, au Gouverneur général 84<br />
— 376. 30 août 1836, au général Rapatel 86<br />
— 380. 5 septembre 1836, au Gouverneur général 92<br />
381.— 5 septembre 1836,<br />
— 94<br />
— 387. 10 septembre 1836,<br />
— 104<br />
— 388. 14 septembre 1836,<br />
— 105<br />
— 397. 21 septembre 1836,<br />
— 121<br />
— 407. 27 septembre 1836,<br />
— 142<br />
— 410. 1"<br />
octobre 1836,<br />
— 152<br />
411.— 6 octobre 1836,<br />
— 154<br />
n"<br />
Appendice III,<br />
— 47. 6 octobre 1836, au général Damrémont— 599<br />
— 422. 13 .octobre 1836, au Gouverneur général 178<br />
423. —<br />
429. —<br />
430. —<br />
431. —<br />
432. —<br />
436. —<br />
439. —<br />
440. —<br />
446. —<br />
455. —<br />
457. —<br />
458. —<br />
462. —<br />
464. —<br />
465. —<br />
466. —<br />
476. —<br />
483. —<br />
15 octobre 1936,<br />
17 octobre 1836,<br />
18 octobre 1836,<br />
18 octobre 1836,<br />
19 octobre 1836,<br />
21 octobre 1836,<br />
22<br />
22<br />
26<br />
— octobre 1836,<br />
— octobre 1836,<br />
— octobre 1836,<br />
30 octobre 1836,<br />
31<br />
31<br />
2<br />
2<br />
2<br />
3<br />
— octobre 1836,<br />
— octobre 1836,<br />
— 181<br />
— :<br />
novembre 1836, —<br />
novembre 1836,<br />
188<br />
— 193<br />
— 194<br />
— 196<br />
— 211<br />
213<br />
214<br />
221<br />
— 234<br />
236<br />
238<br />
—<br />
novembre 1836, —<br />
novembre 1836, —<br />
10 novembre 1836,<br />
14 novembre 1836,<br />
—<br />
—<br />
242<br />
245<br />
247<br />
249<br />
272<br />
283
— — 609<br />
N»» Pages<br />
484. —<br />
486. —<br />
16 novembre 1836, au Gouverneur général 284<br />
24 novembre 1836,<br />
—<br />
287<br />
495.— 7 décembre 1836,<br />
— 500. 17 décembre 1836,<br />
— 501. 17 décembre 1836,<br />
— 602. 18 décembre 1836,<br />
— 503. 18 décembre 1836,<br />
— 511. 22 décembre 1836,<br />
— 512. 23 décembre 1836,<br />
— 616. 31 décembre 1836,<br />
523.— 5 janvier 1837, —<br />
629. —<br />
530. —<br />
535. —<br />
11 janvier 1837,<br />
12 janvier 1837,<br />
18 janvier 1837,<br />
— 332<br />
— 339<br />
—<br />
Le général Rapatel<br />
: 340<br />
— 341<br />
— 343<br />
— 359<br />
— 360<br />
— 365<br />
381<br />
— 394<br />
— 395<br />
— 405<br />
335.— 9 juillet 1836, au Ministre de la Guerre 1<br />
— 337. 15 juillet 1836,<br />
— 4<br />
— 341. 23 juillet 1836,<br />
— 11<br />
— 346. 30 juillet 1836,<br />
— 17<br />
349.— 2 août 1836,<br />
~ 29<br />
351.— 4 août 1836,<br />
— 35<br />
— 353. 5 août 1836,<br />
— 38<br />
— 354. 5 août 1836,<br />
— 40<br />
— 355. 5 août 1836,<br />
— 42<br />
— 359. 10 août 1836,<br />
— 49<br />
— 361. 11 août 1836,<br />
— 54<br />
— 362. 12 août 1836,<br />
— 56<br />
— 363. 13 août 1836, au Gouverneur général 58<br />
— 366. 19 août 1836, au Ministre de la Guerre 62<br />
371. —<br />
372. —<br />
374. —<br />
517. —<br />
533. —<br />
536. —<br />
477. —<br />
23 août 1836,<br />
26 août 1836,<br />
26 août 1836,<br />
31 décembre 1836,<br />
14 janvier 1837,<br />
20 janvier 1837,<br />
Le général de Rigny<br />
— 71<br />
— 77<br />
— 81<br />
— 366<br />
— 402<br />
— 406<br />
10 novembre 1837, au Gouverneur général 274<br />
Annexe n° 2. —<br />
Le capitaine de Saint-Hypolite<br />
25 août 1835, Projet d'expédition sur Mascara 416<br />
39
No»<br />
Annexe<br />
n'<br />
Appendice I,<br />
11. —<br />
n"<br />
— — G10<br />
Taïeb El Biaz<br />
Pages<br />
Au Consul de France à Tanger 449<br />
12. —<br />
6 août 1836, au lieutenant-colonel de la Rue. . 493<br />
Le général Trézel<br />
444.-25 octobre 1836, au Gouverneur général 219<br />
— 447. 27 octobre 1836,<br />
— 233<br />
— 487. 27 novembre 1836,<br />
— 288<br />
496.— 9 décembre 1836,<br />
— 333<br />
505. —<br />
632. —<br />
396. —<br />
443. —<br />
478. —<br />
531. —<br />
634. —<br />
28 décembre 1836,<br />
13 janvier 1837,<br />
Yusuf-Bey<br />
— 346<br />
— 398<br />
20 septembre 1836, au Gouverneur général 120<br />
25 octobre 1836,<br />
— 217<br />
10 novembre 1836,<br />
— 275<br />
12 janvier 1837,<br />
14 janvier 1837,<br />
— 397<br />
— 403
INDEX DES NOMS PROPRES<br />
Abdallah, I, 245.<br />
Abd el Kadenech, I, 646.<br />
Abd el Kader (l'Emir), I, 19 à<br />
21 23 à 26. 36, 44. 55 à 58, 61, 65,<br />
70, 72, 74, 82 à 84, 88, 89, 91 à 93,<br />
S5, 100 101, 103, 106 à 108,<br />
112 à il4, 118, 128, 133, 135,<br />
110,<br />
136,<br />
138 à 140, 157, 161, 166, 167, 169,<br />
177, 181, 185 188, 190, 197, 200, 208<br />
à 210, 216, 220, 227, 243 à 245,<br />
247, 250, 252, 255, 256, 260, 271, 272,<br />
277, 278, 281 à 283, 286 à 288, 290,<br />
300 304, 306, 308, 310, 319, 321, 322,<br />
324^ 333, 337, 342 à 344, 346, 353<br />
à 355, 363, 367, 368, 379, 383, 386<br />
à 388, 392 à 394, 396 à 399, 405 a<br />
409, 412, 416, 419, 425 à 426, 430 à<br />
434, 436, 437, 443, 454, 460, 470,<br />
483, 488, 489, 495 à 4S7, 500 à 502,<br />
522, 524, 526, 539, 545, 547 à 549,<br />
553, 555 561, 563 à 566, 568, 570,<br />
572, 574, 595, 597 à 599, 603, 606,<br />
610, 611, 615 à 618, 629, 631, 633,<br />
638 à 640, 642, 643, 645, 651 à 653,<br />
667, 671, 706, 707, 710, 712, 714,<br />
717, 727, 728 732, 733, 738, 741 à<br />
746 749 à 751, 768, 774 à 776, 792,<br />
795. —<br />
II, 2, 11, 12, 15, 19, 25, 39,<br />
41, 42, 57, 60, 62, 63, 69, 71, 75, 86,<br />
89, 98 à 100 105, 108, 110, 115, 140,<br />
142, 149, 150, 159, 165, 172, 175, 189,<br />
190, 197, 206, 207, 228 232, 251, 254,<br />
255, 284, 350, 362, 364, 366, 368, 378,<br />
385, 387, 388, 394 à 396, 402, 415,<br />
417, 418, 427, 431, 433, 439, 440, 444,<br />
446, 451, 460 à 462, 467, 470 473,<br />
487, 488, 490, 493, 494, 502, 504, 514,<br />
518, 520, 522, 532, 537, 539, 540 544,<br />
550, à 559, 564, 566, 569, 579 588,<br />
590.<br />
des Tomes I et II<br />
Abd el Kader, marabout, I, 63.<br />
Abd el Kader el Djeridi, I, 749.<br />
Abd el Kader Gomali, I, 106.<br />
Abd el Moumen, I, 745.<br />
Abderrahman, I, 82, 364.<br />
Abderrahman ben Ouada, I,<br />
368.<br />
109.<br />
Abib Boualem, I, 287.<br />
Abid, 1,167, 190.<br />
Abid Cheraga, I, 548, 557.<br />
Abou Aziz, I, 502, 505, 512.<br />
Abou Dlaf, I, 82, 307, 503. —<br />
Achkoune, I, 688.<br />
Adjal (el), I, 282.<br />
II,<br />
Agathe (U), I, 202, 203, 300 594,<br />
667, 66S, 685.<br />
— Agha des Arabes. V. Marey.<br />
Agha (ex-). —<br />
V. Hadj Mahiddin<br />
es Seghir ben Moubarek.<br />
Ahlaf, I, 495.<br />
Ahmed, II, 384.<br />
Ahmed (bey de Constantine),<br />
I, 44, 89, 109, 112, 116, 138 167,<br />
170, 171, 196, 209, 219, 220, 230, 231,<br />
263, 269 278, 298, 308, 323, 368, 442,<br />
453, 460, 485, 499, 502, 503, 508, 531,<br />
532 540, 561, 575, 600, 603, 623, 635<br />
641, 657, 679, 680, 682, 685, 686 688^<br />
689, 694, 695, 701, 702, 719, 720, 734<br />
à 736, 740, 760, 761, 769, 770, 776.<br />
-<br />
II, 4, 5, 29, 39, 44, 57, 62 67, 79,<br />
86, 90, 109, 130, 135, 136, 150, 159,<br />
160, 163, 165 à 167, 185, 186, 195,<br />
196, 198, 200, 203, 204, 206 à 208,<br />
211, 212, 223, 224, 231, 235, 236, 254,<br />
256, 264, 268, 269, 275, 277, 288, 292,<br />
295, 297, 303, 319, 324, 333, 335, 337,<br />
360, 362, 370, 379, 389, 397, 398, 401,
Ahmed bel Arbi, I, 320.<br />
Ahmed ben Amrouche, I, 106.<br />
232.<br />
Ahmed Omara, I, 212.<br />
Ahmed Oulid Sokhal, I, 434.<br />
Ahmed Smara, II, 224.<br />
Ail) aux, I, 657.<br />
Aïn Ameria, II, 532.<br />
Aïn Beïda. —<br />
V. Mascara.<br />
Aïn el Bridj, I, 422, 423.<br />
Aïn el Hout, I, 428, 429, 458.<br />
Aïn Fornaka, I, 556.<br />
Aïn Kebira, I, —<br />
Aïn Sultan.<br />
Akbel, I, 89.<br />
— V.<br />
— 612<br />
352 à 354. II,<br />
Mascara.<br />
Akbet el Achari, II, 300.<br />
Akerma, I, 547, 559. —<br />
Albanie, I, 75.<br />
II; '42, 48.<br />
Alcazar-Segher (baie d'), II,<br />
477.<br />
Alcyon (V), I, 34.<br />
Alger, I, 13, 19, 21, 23, 33, 45, 47,<br />
56 à 58, 74, 75, 77 à 80, 83, 85 à<br />
88 91, 96, 113, 118, 120, 124, 126,<br />
136 156, 159, 161, 163, 165, 167, 168,<br />
178", 181, 184, 186, 188, 190, 197, 202,<br />
203, 207, 208 à 210, 214, 218, 223,<br />
225, 228 à 230, 236, 239, 260, 265,<br />
266, 268, 276, 284, 287, 291 à 294,<br />
296, 297, 299, 304, 305, 307, 309, 314,<br />
319 à 321 337, 348, 362, 365, 368,<br />
382, 383, 388, 403 à 405, 412, 413,<br />
438, 442 à 444, 454, 455, 479, 487,<br />
489, 492, 499, 505 509, 511, 539, 545,<br />
562, 573, 587, 592, 602, 603, 636, 653,<br />
656, 666, 670, 675, 682 684, 693, 695,<br />
698, 705, 722 à 725, 730, 737, 740,<br />
751,'<br />
755, 761, 764, 767, 783 800. —<br />
II, 5, 8, 11, 17 à 19, 22, 23, 25, 26,<br />
28, 29, 35, 36, 38, 39, 54, 55, 59, 63,<br />
69, 80, 83, 87, 89 à 91, 104 à 106,<br />
116, 145, 148, 150, 154, 155, 158, 159,<br />
162 164, 176, 184, 185, 193 194, 196,<br />
200, 204 à 208, 211, 215, 226, 227,<br />
231, 235, 239, 244, 245, 255, 281, 282,<br />
284, 294, 321, 336, 345, 347, 359, 367,<br />
375, 384, 407, 408, 451, 457, 458, 462,<br />
491, 496, 504, 523, 526, 528, 530 à<br />
532 535, 540, 544, 566.<br />
— DudgEt, I, 52;<br />
— Camp de<br />
—<br />
Mustapha, I, 445, 481, 482; Cas<br />
—<br />
bah, I, 293; Commissaire de po<br />
lice (V. Germond);<br />
— Commis<br />
sion des eaux, I, 52;<br />
— Conseil<br />
d'administration, II, 178, 227, 406;<br />
— Garde Nationale, I, 53;<br />
— Hô<br />
pitaux, I, 5 à 7;<br />
— Jardin du<br />
Dey I, 293;<br />
— Maire, I, 726;<br />
—<br />
Port, I, 53;<br />
— Sahel, I, 296, 366,<br />
443, 444, 478, 621, 626, 631, 685, 799;<br />
— —<br />
II, 206; Station navale (com<br />
mandant de la), V. Manouvriez-<br />
Dufresne.<br />
Ali, I, 368.<br />
Ali ben Allouchy, I, 800.<br />
Ali ben Aouda, I, 61.<br />
Ali ben Mouloud, I, 446.<br />
Ali Berboucha, I, 411.<br />
Ail Bourada, I, 681.<br />
Ali Hargoun, I, 209.<br />
Ali Idja, I, 135.<br />
Aliala, I, 618.<br />
Alibaud, II, 138.<br />
Allegro (capitaine), I, 135, 198,<br />
II, 120, 438, 439.<br />
277. —<br />
Allemagne, I, 224.<br />
Alliez (lieutenant de vaisseau),<br />
I, 389, 390.<br />
Allot (chef d'escadron), I, 606.<br />
Amar Khaddou, II, 337.<br />
Ambassadeur turc à Paris, I,<br />
368.<br />
Amérique, I, 75.<br />
Ammal, I, 168.<br />
Amraouah, I, 30, 37 83, 107, 167,<br />
308, 404, 455, 480, 600. —<br />
II, 57.<br />
Amriah (el), I, 419, 425, 476.<br />
Amziane ben Rabah, I, 200, 211,<br />
212, 218, 266, 278 à 280, 373, 376,<br />
—<br />
377, 518. II, 49 à 51, 54, 55. 70,<br />
82, 90, 101, 166.<br />
Ancône, I, 206.<br />
Augad, I, 61, 200, 397 427, 429,<br />
II,<br />
435, 633, 639, 716, 742, 750. —<br />
98, 539.
Angleterre, I 381. —<br />
475, 587.<br />
Ansely (soldat), II, 762.<br />
Antibes, II, 170, 177.<br />
II, 119, 469,<br />
Aouiwah, I, 230, 511, 706, 767,<br />
791, 792, 800. —<br />
II, 37, 185.<br />
Aoulad Ali, I, 252.<br />
Arabes, I, 24, 26, 29 à 31 36,<br />
60, 61, 69, 75, 83, 88, 90 à 100,<br />
107, 108, 112, 113, 119, 122, 123, 125,<br />
128, 134, 135, 137, 156, 159, 161, 165,<br />
166, 172, 173, 187, 190 192, 198, 200,<br />
204, 207, 210, 219 à 221, 230, 237,<br />
239, 240, 245, 251, 261, 270 278, 284,<br />
286, 293, 295, 300, 310. 314, 321 à<br />
323, 325, 332, 333, 335, 339 à 345,<br />
347, 348, 350 à 353, 355, 362, 366,<br />
379, 396, 414, 417 à 419, 422, 426,<br />
431, 435, 438, 450, 471. 472, 475, 476,<br />
488, 502, 505 506, 510, 514, 518, 523,<br />
524, 531, 534 à 538, 544, 553, 557 à<br />
559, 562, 564 à 566, 572, 574, 576,<br />
584, 589 592 606, 608, 616, 621 à<br />
623, 627, 632, 636, 641, 647, 648, 651,<br />
659, 665, 669, 679, 691 703 707, 733,<br />
739, 746 à 749', 754, 755, '757, 758,<br />
771, 773, 779 à 781 791, 792, 797,<br />
800. —<br />
II, 10, 24, 42, 50, 51, 75, 76,<br />
78, 90 99 100, 102, 110, 122 à 124,<br />
142, 148, 159, 160, 168, 173, 176, 185,<br />
189, 197, 204, 206 211 213, 223, 230,<br />
266, 276, 278, 295, 297, 300, 301, 304,<br />
309 à 311, 321, 324-, 347, 348, 360,<br />
363, 366, 367, 374. 375, 377, 379, 380,<br />
385, 387, 389, 3S4, 398 401 407, 409,<br />
411, 416 à 418, 422, 425 à 427, 429,<br />
430, 433, 440, 443 à 446, 448 '450,<br />
483, 501, 502, 511, 523, 530, 532, 538,<br />
543, 550 556 à 560, 564, 565, 577,<br />
581.<br />
Arbi el Kebir, II, 450, 497.<br />
Arbi el Kbihi, I, 494.<br />
Ardera, I, 796.<br />
Arèse (comte d'), I, 761.<br />
Argenson (marquis d'), I, 275.<br />
Argoub Ismaël. —<br />
V. Mascara.<br />
Arjiis, I, 30, 412, 442, 665, 683,<br />
II, 62, 63.<br />
705, 748. —<br />
Aribs du Hnmza, I, 620, 685, 705,<br />
740, 771.<br />
613<br />
Arlanges (général d'), com<br />
mandant supérieur d'Oran, I 17<br />
41, 57 à 59, 83, 88 à 90, 99 101,<br />
178, 198, 205, 215, 248 à 250 261,<br />
272, 273, 300, 309, 330, 332, 333, 341,<br />
343, 351 à 353, 355 à 357 417, 431,<br />
436, 460, 462, 545, 546, 559, 560, 564,<br />
565, 567, 571, 573, 574, 591 617 618<br />
631, 651, 652,<br />
654,'<br />
655, 667 à 670,<br />
673, 675 à 677, 685, 690 à 692 698,<br />
709, 710, 712, 713, 726 à 733,<br />
737, 738, 741, 742, 764, 767, 768, 771<br />
—<br />
778, 779. II, 1, 2 12, 35, 444]<br />
501, 514, 521, 540, 551.<br />
Armée d'Afrique, 1, 8, 9, 12, 13<br />
17 à 19, 20, 27, 39, 40, 45, 46, 54 à<br />
56, 59, 60, 74, 75, 81, 94 à 101, 111,<br />
113, 138. 140 à 155, 162 à 164, 182,<br />
228, 229, 264, 274, 276, 294 300, 306<br />
307, 311, 313, 387, 390, 391, 395, 451<br />
à 453, 482, 487, 488 à 494, 506 à 509,<br />
549 à 552, 580, 586 593, 616, 632,<br />
—<br />
634, 714 à 717, 752. II, 10, 24, 42,<br />
50, 51, 75, 76, 78, 90 100 102, 110,<br />
122 à 124, 142, 148, 160, 168,<br />
173, 176, 185, 189, 190, 197, 204, 206,<br />
211, 213, 223, 230, 266, 276, 278, 295,<br />
297, 300, 301, 304. 309 à 311 331,<br />
324, 347, 348, 360, 363, 366, 367, 374,<br />
375, 377, 379 380. 385, 387, 389, 394,<br />
398, 401, 407, 409, 411, 416 à 418,<br />
422, 425 à 427, 429, 430, 433, 440,<br />
443 à 446, 448, 450, 483, 501, 502,<br />
511, 523, 530 532, 538, 543, 550, 556<br />
à 560, 564, 565, 577, 581.<br />
— V. Constantine (Expédition<br />
de), Mascara (Expédition de),<br />
Tlemcen (Expédition de).<br />
Arnaud (chef de bataillon), I,<br />
582.<br />
Arzew, I, 53, 59 89, 156, 203, 217,<br />
218. 249, 250, 489, 565, 587, 591, 615,<br />
618. —<br />
II, 1, 2, 12 71, 74, 75, 88,<br />
98, 148, 416, 417, 531, 590.<br />
Arzew (Vieil-), I, 546, 556, 570.<br />
Asboune (commandant Abdal<br />
lah d'), I, 504.<br />
Ashab el Dahra, II, 141.<br />
Aswal (trompette), II, 576.<br />
Atlas, I, 165, 186, 207, 218, 230,<br />
311, 321 331. 333, 335, 341, 343, 344,<br />
348, 350. 353 à 355. 357, 563, 572,
579 585, 592, 631, 641. —<br />
II, 26, 90,<br />
185, 232, 357, 358, 419. 422, 424.<br />
Aziza, I, 411.<br />
B<br />
Baba Ali, I, 367,: 588, 591, 627,<br />
672.<br />
Baba Ali (faubourg).<br />
cara.<br />
—V. Mas<br />
Bachir, I, 106, 309, 320, 739.<br />
Bagdadi (el), I, 454.<br />
y Bahmet Caouadji,<br />
Mozabites, I, 67, 131, 301.<br />
amin des<br />
Baichis (lieutenant), I, 477. —<br />
II, 310, 311.<br />
89.<br />
Barakka, I, 36.<br />
Barcelone, I, 11 à 13, 38. —<br />
Barka, I, 459, 497.<br />
II,<br />
Barthélémy (colonel) I, 232,<br />
II,<br />
651, 669, 698, 711, 712, 743. —<br />
71, 186, 520.<br />
Barthès, I, 626.<br />
Bastien, II, 367.<br />
Batta (Salomon), I, 567.<br />
Baude (baron), II, 92, 93, 121,<br />
338.<br />
Baudens (chirurgien-major),<br />
II, 294, 314.<br />
Baudrand (général), I, 326.<br />
Beaudouin, I, 746.<br />
Beaiufort (lieutenant-colonel<br />
de), I, 148, 330.<br />
Belleau (capitaine de), II, 329.<br />
Belmont (capitaine), I, 605.<br />
Bellceuvre (capitaine), II, 562.<br />
Ben Abdallah, I, 453.<br />
Ben Aïssa, II, 303.<br />
Ben Ali, I, 249.<br />
Ben Ali ben Belaouery, I, 444.<br />
Ben Aouda el Moktari, I, 82,<br />
324.<br />
614<br />
Ben Arbi, II, 52, 55, 68, 70, 77,<br />
78, 82, 106.<br />
Ben Burnouth, I, 213, 234.<br />
Ben Chaban, I, 108.<br />
Ben Chania, I, 454.<br />
Ben Chimol (Abraham), H, 482'<br />
491.<br />
Ben Daoud, II, 439.<br />
Ben Djeziria, II, 549.<br />
Ben el Gabdan, I, 82.<br />
Ben el Ghomari, II, 434.<br />
Ben Guemenn (Samson), II,<br />
444.<br />
Ben Hameri, II, 458, 459.<br />
Ben Kaddour Morfl, I, 556.<br />
Ben Kahla, I, 288.<br />
Ben Larbi, I, 657.<br />
Ben Mouloud, I, 602.<br />
Ben Nouna, I, 31, 256, 430, 434,<br />
436, 458, 466, 470 484,, 495, 497, 498.<br />
—<br />
II, 98, 443, 450, 554.<br />
Ben Sadi, II, 335.<br />
Ben Yacoub, I, 759.<br />
/ Ben Zamoun, I, 83, 85, 107, 442,<br />
480, 619, 620, 665, 792, 800. —<br />
II,<br />
35, 68.<br />
Ben Zekri, I, 620, 682.<br />
Bénéjean, II, 55.<br />
Béni Aclef, II, 166.<br />
Béni Aga, II, 39.<br />
Béni Agadou, I, 547.<br />
Béni Aïcha, I, 308, 602, 603,<br />
—<br />
à 621, 666, 678, 685. II, 38,<br />
68.<br />
Béni Ali, I, 602, 603, 619 à 621,<br />
666, 678, 685.<br />
Béni Amer, I, 89, 160, 232, 246,<br />
252, 256, 272, 289. 300, 331, 388, 433,<br />
460, 471, 473 495, 496, 505, 554, 560,<br />
565, 566, 570, 571, 596, 633, 675, 710,<br />
728 —<br />
742, 785 à 787, 790, 791. II,<br />
1, 2 11, 35, 41, 72, 108, 149, 150,<br />
187, 189, 340, 545, 550, 554, 560, 564,<br />
579.<br />
Béni Arbora, II, 166.<br />
619<br />
63,
Béni Assoun, I, 107.<br />
Béni Baba, II, 77.<br />
Béni ben Hassen, I, 750,<br />
Béni bou Yacoub, I, 47.<br />
Béni bou Yagueb, I, 308, 320,<br />
403, 440.<br />
Béni Chougran, I, 208, 425, 556.<br />
Reni Djaad, I, 107, 402, 410, 411,<br />
453, 479, 500, 665, 792.<br />
Béni Foughal, II, 161, 275.<br />
Béni Ghaddou, II, 42.<br />
Béni Hassan, I, 84, 266.<br />
Béni Imen, I, 704.<br />
Béni Issa, I, 107.<br />
Béni Kaïd, II, 79.<br />
Béni Khaled, I, 497.<br />
Béni Khalfoun, II, 63.<br />
Béni Khalifa I, 83, 168, 495,<br />
496.<br />
Béni Khelii, I, 36. 108, 137, 168,<br />
320, 367, 442, 444, 479.<br />
Béni Khellouf, I, 497.<br />
Béni Menacer, I, 602, 706, 739,<br />
771.<br />
Béni Menad. I, 706, 739, 771. —<br />
II, 100.<br />
Béni Mered, I, 309, 320, 411, 641,<br />
707, 708, 730, 739, 771.<br />
—<br />
Béni Merine, I, 497.<br />
Béni Messaoud, I, 107, 364, 646.<br />
II, 148.<br />
Béni Mimoun, II, 81.<br />
Béni Miscera, I, 320, 368, 411.<br />
Béni Morni, II, 77.<br />
Béni Moumen, I, 215.<br />
Béni Moussa, I, 35, 36, 106, 107,<br />
168, 186, 187, 191, 324, 367, 411, 441,<br />
II, 57.<br />
444, 454, 592, 665, 744. —<br />
Béni Ouariach, I, 37.<br />
Béni Ouassan, I, 567.<br />
Béni Ournid, I, 557. —<br />
II, 563.<br />
Béni Salah, I 107, 213, 234, 253,<br />
254, 309, 447, 500,<br />
— 708. II, 114,<br />
125, 132 158, 230.<br />
615<br />
—<br />
Béni Selim, I, 107.<br />
Béni Smiel, I, 434.<br />
Béni Snassen<br />
II, 2.<br />
I, 494, 497, 570.<br />
Béni Soliman I, 320, 366, 368,<br />
454, 603, 705.<br />
Béni Urjine, I, 253, 315.<br />
Béni Zeintes, I, 281, 569.<br />
Béni Zeroual, I, 205, 281, 569,<br />
II, 41, 141.<br />
733. —<br />
Berbrugger, I, 795,<br />
Berkant (el), I, 257, 308 319,<br />
324, 410, 454, 602.<br />
Berlié (sous-intendant), II, 549.<br />
Bernard (capitaine), I, 345, 347,<br />
461, 607.<br />
Bernard (sergent), II, 569.<br />
Bernelle (colonel), II, 325.<br />
Bernier-Maiigny (capitaine), I,<br />
64.<br />
Bérot (sergent), II, 327.<br />
Berruer (lieutenant), II, 562.<br />
Berthier (lieutenant), I, 760.<br />
Bertier (capitaine), I, 327. —<br />
5, 29, 30, 102, 335, 349.<br />
II'<br />
Bertrand (lieutenant Napo<br />
léon), I, 626.<br />
370.<br />
—<br />
II, 307, 311, 369,<br />
Besnard (sous-lieutenant), I,<br />
515 à 517, 519, 530 543, 625, 640,<br />
650.<br />
Betteoua, I, 546.<br />
Beurmann (général), II, 503,<br />
504.<br />
Beyram, I, 325, 411.<br />
Bidon (lieutenant), II, 327.<br />
Bignon (lieutenant-colonel), I,<br />
148.<br />
Blanchard (chef d'escadron),<br />
II, 329.<br />
—<br />
Blangini (capitaine), I, 613, 654.<br />
II, 50, 51. 55, 56, 70, 83.<br />
Blida, I, 26, 36, 106, 107, 137, 168,<br />
185, 308, 309. 320 324, 368, 411, 454,<br />
479, 586, 641, 685, 722, 799. —<br />
II,
— 616<br />
22, 25, 26, 38, 68, 99, 100, 114, 122,<br />
123, 125 126, 132, 205, 206, 254, 357,<br />
375.<br />
Blondy (capitaine), I, 205.<br />
Bœuf (sergent de), I, 613, 614,<br />
654.<br />
Bohmmedi (Mohammed), I, 578.<br />
Boiros, I, 680.<br />
Bois des Oliviers, I, 584, 585.<br />
Bondurand, I, 5 à 7.<br />
Bône I, 33, 41, 43, 56, 78, 79, 87<br />
à 90, 93 96, 109, 112, 113, 115, 138,<br />
139, 157, 163, 164, 166, 171, 176,<br />
189, 208, 218, 219, 231, 253, 254, 269'<br />
276, 278, 281, 298, 307, 311, 315, 316,<br />
320 365, 369, 384, 385, 388, 413, 447,<br />
454! 480, 481, 486, 489, 492 500, 508,<br />
509, 515 à 517, 519, 521, 523, 530,<br />
531, 533 à 535, 539, 542 à 544, 561,<br />
562, 574 à 577, 587, 588, 599, 603,<br />
612, 623, 624, 628, 631, 632, 635 640,<br />
643, 650 656, 664, 671, 686 à 688,<br />
699, 720, 724, 736, 746, 752, 759,<br />
II, 4, 5,<br />
761, 769 774,<br />
—<br />
783, 786.<br />
14, 16, 21, 23, 27 à 29, 31, 33, 34, 37,<br />
39 48, 58 à 62, 67, 68, 72, 77, 79,<br />
80, 90, 91, 95, 102 à 106, 111, 114,<br />
116, 130, 131, 133 à 136, 145, 150,<br />
157, 158, 162, 165, 167, 168, 170, 181,<br />
184, 186, 193 à 196, 198, 200, 203 à 205,<br />
208, 210, 211, 213, 214, 219 à 221,<br />
223, 227 231, 235, 239, 240 à 242,<br />
244 à 246, 248, 251, 263, 265, 266,<br />
268, .269, 271, 275, 276 279, 281 à<br />
285, 287, 295, 298, 312, 316, 319, 321,<br />
322, 333, 337, 338, 341, 347, 348,<br />
350, 356, 357, 360, 361, 363, 378, 379,<br />
381, 382, 384, 386, 389, 399<br />
411, 491.<br />
407, 408,<br />
— Commandant supérieur (V.<br />
Uzer (général d');<br />
— Duverger<br />
(colonel); —<br />
— Fort<br />
— Fort<br />
655. —<br />
— Porte<br />
— Porte<br />
— Redoute<br />
— Sous-intendant<br />
697.<br />
Trézel<br />
(général)<br />
Génois, II, 363, 407, 410.<br />
des Caroubiers, I, 600,<br />
II, 407, 410.<br />
de la Marine, II, 454.<br />
des Tagarins, I, 600.<br />
Damrémont, I, 657.<br />
militaire, I,<br />
278.<br />
Bondrand (capitaine), I, 221,<br />
Bordeaux, I, 562.<br />
Bordj (el), I, 353 à 356, 425.<br />
Bordj Djalabi, I, 556.<br />
Borgias, I, 124, 246, 256, 289,<br />
290, 387, 546, 547, 556, 557, 618, 712,<br />
— 733. II, 1, 149, 150, 189, 191, 439,<br />
551.<br />
Bosquet (capitaine), II, 55.<br />
Bossa (capitaine), I, lis.<br />
Bouabsa, I, 208.<br />
Bouack (le cap), I, 263, 269, 270<br />
Bou Aguéb, I, 61.<br />
Bou Alem (Mohammed), I, 502.<br />
Bou Aziz, I, 307.<br />
' Bouberalt (Le), II, 349.<br />
/ Bouderbah (Ahmed), I, 644, 673,<br />
693, 695, 717, 723, 729, 730, 755,<br />
795.<br />
Boue (maréchal des logis chef),<br />
II, 561.<br />
Bouet (sergent), II, 328.<br />
Boufarik, I, 35 36, 49, 61, 108,<br />
113, 137 167, 171, 172, 186, 201, 213,<br />
222. 239^ 257 265. 270, 296, 299, 320,<br />
324, 400, 411, 442, 443, 445, 447, 478,<br />
500, 514, 586, 588. 591 619, 621, 648,<br />
066, 685 706 à 708, 748, 752, 755,<br />
798, 799. —<br />
H, 19, 25, 26, 63, 98,<br />
114, 123, 124, 132, 148, 197, 205, 230,<br />
336, 366, 367.<br />
Bougie I, 18. 19, 21, 22, 41, 44,<br />
47, 48, 56, 57, 61, 73, 74, 75, 78, 86<br />
88,'<br />
à 90, 92, 111, 112, 114, 115, 120,<br />
139, 156, 158, 159, 164 à 166, 175,<br />
176, 189, 202, 203, 211, 212, 228, 229,<br />
232, 238, 243, 254, 262 à 264, 266,<br />
268 à 270, 276, 279, 299, 307, 312,<br />
317, 320, 323, 365, 369, 377, 405 à<br />
407, 447, 454, 480, 489, 491, 492, 500,<br />
517, 518, 520, 539, 540, 574, 577, 588,<br />
593, 599, 612, 626, 627, 631, 632, 635,<br />
636, 641, 654, 661, 664, 671, 687, 689,<br />
680, 752, 759, 765, 766, 773, 774, 782,<br />
— 786. II, 4, 6, 14, 16, 23, 29, 49,<br />
50, 52, 54, 55, 67, 69, 70, 82, 83,<br />
101, 102, 106, 109, 111, 131, 134, 150,<br />
158, 159, 166, 184, 186, 889, 251, 258,<br />
281, 306, 309, 334, 347, 408, 409, 454.
— Commandant supérieur, voir<br />
Girot (lieutenant-colonel), La Ro-<br />
c h et te (lieutenant-colonel de),<br />
Musis (chef de bataillon de), La-<br />
pène (lieutenant-colonel).<br />
— Fort<br />
Abd el Kader, I, 22, 48,<br />
112, 165, 238, 263, 269. — 270. II,<br />
51, 55.<br />
„, Bou<br />
— Fort<br />
— Fort<br />
270.<br />
— Fort<br />
Bouack, I, 238.<br />
Moussa, I, 48, 112, 239,<br />
Rapatel, II, 51.<br />
— Moulin Demous, I, 307, 312,<br />
317, 369, 375, 405, 406.<br />
Bou Halouan, I, 708.<br />
Bou Hamidi, I, 598, 599, 655.<br />
Bou Harla, II, 299.<br />
Korchefa, I, 107.<br />
Bou Mendil (Aaron), II, 444.<br />
Bou Messaoud, II, 81, 82.<br />
Bourgeois (soldat), II, 367.<br />
Bourmont (maréchal de), II,<br />
418.'<br />
Boussogne (chef de bataillon),<br />
II, 77, 328,<br />
Boutchiche (Mohammed), I,<br />
494, 497, 498.<br />
Bouzein ben el Chaoui, I, 485,<br />
497.<br />
Bou Zian, II, 497.<br />
Boyer (colonel), II, 293, 294.<br />
Brahemscha (interprète), II,<br />
517.<br />
Brasier (Le), I, 33, 309, 554, 567,<br />
591, 604, 617, 629. S30, 652, 727. —<br />
II, 1, 71, 546, 547.<br />
Bravier (soldat), II, 328.<br />
Briche, I, 616.<br />
Bridia, I, 418, 565, 596. —<br />
518, 520.<br />
Brijia, I, 732.<br />
II,<br />
Bro (général), I, 10, 221, 580,<br />
581, 730.<br />
Bro (sous-lieutenant), I, 221,<br />
278, 295.<br />
617<br />
Broglie (duc de), I, 439.<br />
Brossard (général de), I, 724. —<br />
II, 122, 124 à 127, 132 133, 159,<br />
230.<br />
Broussais, I, 208.<br />
Brunel (lieutenant), II, 329.<br />
Bugeaud (général), I, 691 à 693,<br />
737, 738, 741, 746, 764, 770 à 772,<br />
775, 778 à 780, 785 à 788, 790, 792.<br />
—<br />
II, 1 à 3, 11, 12, 20, 25 35, 39<br />
à 43. 46, 60, 80, 115, 272, 273, 396,<br />
470, 474.<br />
Bunten (capitaine), I, 370, 371.<br />
Cabrera, I, 21.<br />
Caillant (capitaine), II, 561.<br />
Caizac (lieutenant), II, 561.<br />
Callah (el), I, 546. —<br />
II, 432.<br />
Cambier (sergent-major), I,<br />
527.<br />
—<br />
Camp Clauzel, I, 687 à 689, 796.<br />
II, 30, 32, 59, 79. /;<br />
Camp Dréan, I, 231, 600, 623,<br />
—<br />
624, 631. II, 23 27, 162, 186, 194,<br />
205, 211, 223, 231, 243, 254, 258, 274<br />
278, 279, 334, 347, 381, 385, 389, 391,<br />
392, 404.<br />
Camp d'Erlon, I, 9, 10, 49, 60,<br />
201, 257, 648. —<br />
II, 123.<br />
Camp du Figuier I, 179, 199,<br />
216, 248. 278, 306, 311, 331, 332<br />
595, 615, 711. —<br />
II, 46, 71, 385.<br />
Camp de Mustapha, voir Alger.<br />
Canapa (interprète), I, 134, 161,<br />
277.<br />
Caraman (général de), II, 315.<br />
Caravane (La), I, 488, 746. —<br />
76. 239, 256, 258, 283.<br />
Carette (capitaine), II, 30.<br />
Carlos (don), II, 466.<br />
Carthagène, I, 187.<br />
Casimir-Périer, I, 757.<br />
II,
561.<br />
Cassaignole (lieutenant), II,<br />
Castellane (général de), I, 76,<br />
II, 116.<br />
92, 227. —<br />
Castex (sous-lieutenant), I, 555.<br />
Castor (Le), I, 305, 594, 681. —<br />
II, 35, 39, 83.<br />
Cauro (maréchal des logis), II,<br />
561.<br />
Cavaignac (chef de bataillon),<br />
I, 448 à 450, 469, 471, 502, 529, 567,<br />
—<br />
594, 599, 615, 669, 670. II, 73,<br />
112, 275, 536, 538.<br />
Caxine (le cap), I, 303, 542.<br />
Céira, I, 556. —<br />
II, 417, 424.<br />
Cerbère (Le), II, 223.<br />
Chaban, I, 547, 559. —<br />
II, 150.<br />
Chabannes (lieutenant-colonel<br />
II, 314.<br />
de), I, 148. —<br />
Chabert (capitaine de), II, 75.<br />
Chabot-Latour (capitaine), I,<br />
327.<br />
Chaboun, I, 368, 800.<br />
Chadeysson (capitaine), I, ilO.<br />
Chaïba, I, 366.<br />
Chakri Saab Thaba, I, 453.<br />
Changarnier (chef de batail<br />
lon), II, 308, 309, 376.<br />
Charles X, II, 375, 388.<br />
Charon (capitaine), I, 371, 372.<br />
Charton (sergent), II, 561.<br />
Chasseloup-Laubat (capitaine),<br />
II, 7, 75, 221.<br />
Chauffert (capitaine), I, 583.<br />
Chavert, I, 205.<br />
Chef du Génie à Bône, II, 382,<br />
454.<br />
Chéliff (le), I, 59, 156, 166, 233,<br />
282, 288, 312, 379, 546 548, 559, 560,<br />
569 à 571, — 573. II, 60, 100, 140,<br />
149, 159, 187, 362, 417, 432, 581.<br />
Chenoua, I, 708, 739, 771.<br />
Cheragas (les), I, 289, 290, 732.<br />
Cherchali, II, 46.<br />
618<br />
Cherchell, I, 36, 105, 109, 112,<br />
185, 234, 235, 242, 256, 368, 503, 602,<br />
701, 739, 744, 748, 771.<br />
Cherg. —<br />
V, Mascara.<br />
Cheurfas, I, 288, 289. —<br />
335, 348.<br />
II, 140,<br />
Chiffa (la), 1, 36, 514, 518, 544,<br />
580, 585, 646, 659 682, 685, 706, 722,<br />
751. —<br />
II, 22, 26, 58, 64, 83, 90, 99,<br />
114, 122 à 124, 133, 147 148, 159,<br />
181, 205, 206.<br />
Chimère (La), I, 300,<br />
II, 11, 258.<br />
303. 313,<br />
589. —<br />
Christels, I, 546.<br />
Chuider, I, 665.<br />
Claudine (La), I, 25.<br />
Clauzel (maréchal), I, ?75, 281,<br />
306 à 309, 319, 320, 364, £65, 402,<br />
410, 446, 487 493, 580, 585, 591, 599,<br />
606, 609, 610, 615, 618, 619, 630, 633<br />
637, 656, 678. 686, 706 717, 778, 790!<br />
— II. 151, 406 à 410, 434, 435, 439 à<br />
441, 454, 508, 544, 545, 547.<br />
— (Mme),<br />
I, 672.<br />
Clauzel (capitaine), II, 316.<br />
Claye, II, 47.<br />
Cognet, II, 55.<br />
Coléa, 1,36, 60, 83, 168, 172, 239,<br />
257, 324, 514, 518, 592, 631 780. -<br />
II, 22, 25, 26, 38, 110, 122, 149.<br />
Collo, I, 82.<br />
Colomer (maréchal des logis),<br />
I, 625, 626.<br />
Côlona (maréchal des logis),<br />
II, 561.<br />
Colotte (caporal), II, 561.<br />
Combes (colonel), I, 330, 333,<br />
342, 350 à 352, 354, 556, 557, 606,<br />
—<br />
710, 726. II, 34, 61, 554, 555, 557,<br />
560.<br />
Comète (La), I, 33, 316, 317, 480,<br />
617, 651, 652, 685, 705, 709, 752, 792.<br />
—<br />
II, 59.<br />
Commandant de la Station Na<br />
V. Manouvrier-Defresne.<br />
vale. —<br />
Constantine, I, 34, 90 113, 114,<br />
124, 156, 181, 162, 207 à 209, 218,
219, 253, 259, 276, 298, 308, 311, 325,<br />
368, 481, 486, 500, 516, 531, 534, 535,<br />
561, 568, 577, 603. 641, 657, 682, 688,<br />
694, 696 704, 718, 720, 721, 724, 734,<br />
—<br />
740, 761, 769, 796, 797. II, 5, 10,<br />
23, 27 à 29, 34, 67, 86, 91, 109, 118,<br />
137, 150 154, 162, 166, 191, 196, 197,<br />
200, 204, 211 à 213, 223, 241, 242,<br />
244, 245, 265 à 268, 271, 275, 277 à<br />
279, 282 284, 285, 324, 325, 333, 337,<br />
363, 364, 371, 379, 397, 399, 400.<br />
— (Expédition de), I, 508, 562,<br />
576, 588, 627, 628, 662, 663,. 703.<br />
—<br />
II, 27, 33 36, 37, 39, 44, 90, 91,<br />
95 96, 100 103, 111, 114, 116, 118,<br />
130, 131, 133 à 136, 138, 144 à 147,<br />
153, 154, 157 à 162, 165 167 à 170,<br />
176, 181, 189, 194 à 197, 199 à 201,<br />
204, 206 à 208, 210 à 215, 218, 219,<br />
226 à 228, 234, 236, 238 240, 243, 250<br />
à 252, 257 259 à 262, 264 à 266,<br />
268 à 271, 274, 275 278, 282, 283,<br />
285 à 287, 290 à 295 à 321, 325<br />
à 330 331, 340. 341 à 345, 369 à<br />
374, 376, 377, 379 à 381, 386, 387,<br />
389 à 392 394, 396, 401, 403, 404,<br />
406 à 408, 410, 411.<br />
—<br />
307.<br />
Coudlat-Ati, II, 296, 302, 305,<br />
—<br />
El-Kantara, II<br />
304,<br />
286, 288, 296,<br />
305.<br />
—<br />
— Pont<br />
Mansourah, II, 296, 302.<br />
Er-Rachbah, II, 302.<br />
Constantinople, I, 381, 406 453,<br />
—<br />
721, 724, 725, 734. II, 442.<br />
— (Ambassadeur de France), I,<br />
769, 776.<br />
Consul d'Espagne à Alger, I,<br />
II, 55.<br />
456. —<br />
Consul de France à Gibraltar,<br />
I, 456.<br />
Consul de France à Tanger. —<br />
V. Méchain,<br />
Consul de France à Tunis. —<br />
V. Deval.<br />
Consul de Grande-Bretagne a<br />
Alger, I, 381. —<br />
II, 475.<br />
Corbin (colonel), I, 358, 606. —<br />
II, 561.<br />
— — 619<br />
Coreil (lieutenant de frégate),<br />
I, 390.<br />
Corréard (colonel), I, 149.<br />
Corse, I, 490, 492, 553, 593. —<br />
27, 28, 81, 170, 177, 204,<br />
II,<br />
347.<br />
Cottin (maréchal des logis), II,<br />
561.<br />
Coudiat-Ati. —<br />
V.<br />
Coupé (soldat), II, 327.<br />
Constantine.<br />
Crébassan (chef d'escadron), I,<br />
147.<br />
Cresenti (Eliézer), II, 444.<br />
Crocodile (Le), I, 307, 320, 713,<br />
II, 334.<br />
726. —<br />
Cuber Doba. —<br />
V. Mascara.<br />
Culte catholique, I, 52.<br />
Cuny (capitaine), I, 474.<br />
Cygne (Le), II, 5, 30, 109.<br />
Dacher (chef d'escadron), II,<br />
329.<br />
Dahamed Kahi Donni, II, 437.<br />
Dahman, I, 82.<br />
Dalmas de Lapeyrouse (lieute<br />
nant), II, 124.<br />
Damât (soldat), II, 562.<br />
Damrémont (général), II, 154 à<br />
156, 181, 1S3, 208, 209, 215, 228, 233,<br />
234, 238, 250, 594.<br />
Dar el Atchan, I, 597, 632, 667.<br />
Dar Nassar, I, 370, 376, 612, 689.<br />
Dardanelles, I, 381.<br />
Daumas (capitaine), I, 347.<br />
Bavière (capitaine, puis chet<br />
II, 127.<br />
de bataillon), I, 370. —<br />
Daya. —<br />
V.<br />
Oran.<br />
Dekakna, I, 478, 678, 706.<br />
Delaporte, II, 469, 479, 481, 482,<br />
484, 486, 492, 495.<br />
Delaroche (capitaine)", I, 93.<br />
Delcambre (capitaine), I, 385,<br />
600.
Déli-Ibrahim, I, 9, 114, 214, 257,<br />
266, 442, 444 445, 481, 745 à 747. —<br />
II, 10, 63, 110, 388.<br />
Dellys, I, 603.<br />
Delort (soldat), II, 367.<br />
Deschioud, I, 9, 444.<br />
Desforges, I, 67.<br />
Desjobert (député), II, 66.<br />
Desmichels (général), I, 91,<br />
392, 393, 400, 401, 572, 580, 584, 585,<br />
644.<br />
Dessertermer (soldat), II, 562.<br />
Deval (consul de France à Tu<br />
nis) I, 34, 170, 171, 193, 196, 688,<br />
734.'— II, 5, 32, 78, 102, 106, 277,<br />
332, 404.<br />
— V.<br />
Devienne (soldat), II, 367.<br />
Directeur de l'artillerie à Alger.<br />
Lasnon.<br />
Directeur des Finances à Al<br />
II, 47.<br />
ger, I, 68, 683. —<br />
Directeur des Fortifications à<br />
V. Lemercier.<br />
Alger. —<br />
Directeur du personnel, II, 203.<br />
Disaut, II, 335.<br />
Djebel Aouara, II, 299.<br />
Djebel Dakla, I, 323.<br />
Djebel Dyr, II, 417.<br />
Djebel Kaha, II, 417.<br />
Djebel Tessala, I, 596.<br />
Djenan el Mesquine, I, 246.<br />
Djidjelli, 1, 107, 763, —<br />
Djilali ben Dehouit, I, 649.<br />
Djurdjura, I, 602.<br />
Dodier, I, 374.<br />
II, 150.<br />
Dolgorouki (prince), II, 111.<br />
Douairs, I, 37, 58, 65, 73, 76, 83,<br />
84, 88, 89, 91, 93, 109, 110 114, 124,<br />
136, 161, 167, 178 à 180 '<br />
190, 201,<br />
216; 250, 256, 272 273, 277, 287, 289,<br />
290, 301, 355, 388, 409 431, 465, 501,<br />
547, 569, 596, 728, 742, — 778. II,<br />
24, 40, 68, 383, 386, 421 426, 433,<br />
438 à 440, 536, 539, 542<br />
564.<br />
555 à 558,<br />
620<br />
—<br />
Douairs du Titteri, I, 308.<br />
Douaouda, I, 366, 592, 622, 749.<br />
II, 38.<br />
Douera, I, 9, 10, 35 71, 86, 114,<br />
257, 296, 315, 442, 444, 445, 481, 666,<br />
706, 707, 730, 748 749, 752, 779, 800.<br />
—<br />
II, 110, 336, 383, 386, 415.<br />
Doze (sous-lieutenant), II, 561.<br />
Drée (lieutenant, puis capi<br />
taine de), II, 126, 132, 310.<br />
Drouet d'Erlon (général), I, 9,<br />
13 à 15, 21, 23, 27, 30, 51, 52, 55,<br />
50, 72, 77, 179, 208.<br />
Du Barail (colonel), I, 282.<br />
Duchatel (capitaine), I, 229.<br />
Duherme (lieutenant), I, 336,<br />
477.<br />
Duparc (lieutenant de vais<br />
seau), I, 389.<br />
Duperré (amiral), II, 53. —<br />
Ministre de la Marine.<br />
Dupotet (capitaine), II, 327.<br />
Dupré (capitaine), II, 561.<br />
Duquesne (Le), I, 177, 228.<br />
Durance (La), I, 593. —<br />
V.<br />
II, 76.<br />
Durand (Haïm), I 12, 69, 161,<br />
II,<br />
167, 198, 209 210, 277, 795. —<br />
402, 436, 438, 439.<br />
Durand (lieutenant), I, 916.<br />
Durand (colon), I, 621.<br />
— (Mlte),<br />
I, 621.<br />
Duverger (colonel, comman<br />
dant supérieur à Bône), I, 31, 32,<br />
357, 369, 477 550, 599, 601, 623, 624<br />
631, 635, 650, 656, 657, 687 à 689,<br />
696, 701 702, 718, 724, 734, 759 761<br />
à 763, 777, 796, 797. —<br />
II, 4 à 6, 10,<br />
13, 16, 27, 28, 31, 32, 34, 46 58,<br />
61, 68, 77 à 79, 102, 106, 109, 133,<br />
136, 137, 160, 165, 167, 221 222, 316,<br />
326, 373, 391.<br />
Duvivier (lieutenant-colonel),<br />
I. 176, 534. —<br />
II, 307, 309, 321, 322,<br />
324, 331, 333, 334, 338 342, 347 à<br />
349, 360 379.
E<br />
Egérie (V), II, 76.<br />
— 621<br />
Eghriss (plaine d'), I, 596. —<br />
II, 419, 425.<br />
El Affroun, I, 257.<br />
El Eubbad, I, 428.<br />
El-Kantara. —<br />
V.<br />
Constantine.<br />
Enée (maréchal des logis), II,<br />
561.<br />
Espagne, I, 75, 161,<br />
— 216. II,<br />
7 à 9, 36, 45, 60, 64, 65, 89, 168,<br />
170, 177, 285, 409, 491, 578.<br />
Estève (capitaine), II, 330.<br />
Etats-Unis, II, 119, 469.<br />
Eulmas, I, 315. —<br />
II, 334, 348.<br />
Evain (sous-intendant mili<br />
taire), II, 237, 317.<br />
— Ex-Agha. V, Hadj Mahiddin<br />
es Seghir ben Moubarek.<br />
Excideuil, II, 566.<br />
Eydounen, I, 601, 635, 666.<br />
/ Farhat ben Saïd, II, 109, 398.<br />
Farhat ben Taher, II, 63, 223.<br />
Fas (le), I, 708.<br />
Favori (Le), I, 116.<br />
Fenaïa, II, 50.<br />
Fer (le cap de), II, 109, 224,<br />
335, 350.<br />
Ferme-Modèle (la), I, 444, 708.<br />
Fès, I, 193, 247, 713, 750, 789. —<br />
II, 2, 12 20, 174 219, 283, 449, 450,<br />
458, 459, 474, 491.<br />
—<br />
Fezzara (le lac), I, 4SI, 600, 624.<br />
II, 348.<br />
Figuier (le), I, 62.<br />
Finistère (Le), I, 305, 454, 480.<br />
Fitz-James (colonel de), II, 331.<br />
Fleury (soldat), II, 367.<br />
63.<br />
Flissa, I, 107, 441, 480. —<br />
Flittas, I, 289 547, 559. —<br />
150, 181.<br />
gie.<br />
gie.<br />
Forey (capitaine), II, 326.<br />
Fort Abd el Kader. —<br />
Fort Bouack, I, 238. —<br />
Fort des Caroubiers. —<br />
Bône.<br />
Fort Clauzel, I, 601, 612.<br />
Fort-Gênois. —<br />
V.<br />
II, 57,<br />
II,<br />
V. Bou<br />
V. Bou<br />
Bône.<br />
Fort l'Empereur, I, 293.<br />
Fort Moussa. —<br />
Fort Neuf, I, 186.<br />
V. Bougie.<br />
Fort d'Orléans, I, 339, 341.<br />
Fort Rapatel. —<br />
V. Bougie.<br />
Fort Saint-Grégoire, I, 309.<br />
Fortune (La), I, 115, 488. —<br />
239, 256, 258, 283.<br />
V.<br />
II,<br />
F/ournier (chirurgien sous-<br />
aide), I, 625, 626, 650.<br />
Foy (lieutenant-colonel), II,<br />
359, 386.<br />
France (lieutenant de frégate<br />
de), II, 75, 366 à 368, 387, 388.<br />
Franconin (capitaine), I, 616.<br />
Freytag (lieutenant), I, 582.<br />
Friol (chef de bataillon) I, 89,<br />
204, 249, 293.<br />
Froidefont (capitaine), I, 475.<br />
Fulton (Le), I, 593, 738, 741, 746,<br />
—<br />
752, 759. II, 4, 16, 35, 40, 52 54,<br />
57.<br />
Gabilleau (sous-lieutenant), II,<br />
562.<br />
Gallias (capitaine), II, 186.<br />
Gallot (maréchal des logis), II,<br />
561.<br />
Gamara (le mont), II, 417.
Gamba (capitaine), I, 148.<br />
Gantier (lieutenant), I, 372.<br />
Garabas, I, 160, 201, 215, 218,<br />
256, 289, 290, 473, 488, 501, 502, 522,<br />
554, 556 564, 567, 618, 651, 711, 728,<br />
—<br />
732, 733, 742. II, 1, 71, 72, 141,<br />
149^ 551.<br />
165.<br />
680.<br />
Garde des Sceaux, II, 20.<br />
Gasselin (sous-lieutenant), II,<br />
Gauthier (capitaine), I, 12.<br />
Gauthier (canonnier), I, 679,<br />
Gay (capitaine), I, 89, 110.<br />
Gazer, I, 655.<br />
Général commandant la 8e di<br />
vision, II, 11.<br />
Gensaa, II, 275.<br />
Gentil Saint-Alphonse (capi<br />
-<br />
taine), I, 687, 704. II, 68.<br />
Gérard (maréchal), I, 14.<br />
Gérard (sous-lieutenant), I, 467.<br />
Germond (commissaire de po<br />
lice à Alger), I, 644, 666, 696, 717,<br />
II, 59.<br />
726/ 730, 731. —<br />
Gharb. —<br />
V. Mascara.<br />
Ghérouf, II, 417, 424.<br />
Ghimel, I, 469.<br />
Ghomari (el), I, 61, 397.<br />
Gibraltar, I, 25, 26, 245, 247, 262,<br />
284, 455. —<br />
II, 469, 470, 478.<br />
Gira (el), I, 556.<br />
■<br />
Girard<br />
327.<br />
(lieutenant-colonel), I,<br />
Girot (colonel), commandant<br />
supérieur à Bougie, I, 48, 86, 158,<br />
176, 200, 211, 218.<br />
Glachant (capitaine), II, 75.<br />
Gouraya, I, 270, 372 375 577,<br />
612, 613.<br />
Gouy (colonel de), I, 358, 457.<br />
.Granchette (sous-lieutenant),<br />
II, 327.<br />
Grand (capitaine), II, 307.<br />
— — 622<br />
Grand Seigneur (le), I, 499. —<br />
V. Porte Ottomane (la).<br />
Grandvallet (sous-lieutenant),<br />
II, 561.<br />
Granet (chirurgien), I, 316.<br />
Grouflnat, I, 208.<br />
Grust (capitaine), I, 272.<br />
Grust (soldat), II, 327.<br />
Guelma II, 27, 77, 165, 167, 195,<br />
196, 223, 265, 268, 274, 275, 278, 279,<br />
282, 295, 297, 299, 312, 318 à 324,<br />
331, 333 à 335, 337, 342, 343, 346 à<br />
349 360 362, 363, 378 à 381, 384,<br />
385] 389 à 393, 399, 400, 404, 407,<br />
408, 411.<br />
64.<br />
Guerbe, I, 179. —<br />
II, 527.<br />
Guerouaou I 306, 619. —<br />
II, 39,<br />
Gueswiller (lieutenant-colonel),<br />
II, 561.<br />
Guet el Guerab, H, 532.<br />
Guetna (el), I, 566.<br />
Guillemin (lieutenant-colonel),<br />
II, 411.<br />
Guiroye (sous-intendant mili<br />
taire de), I, 5, 287, 360.<br />
Guyon (sous-lieutenant), II,<br />
316.<br />
Habib ben Holan, II, 141.<br />
Habra (D, I, 134, 233, 288, 304,<br />
306, 322, 340, 341, 343, 344, 347, 348,<br />
350, 352, 388, 397, 425, 433, 546, 548,<br />
II,<br />
554, 556, 566, 727, 738, 786. —<br />
88, 100. 140, 150.<br />
Hachem, I, 217, 249, 353, 460,<br />
475, 496. —<br />
II, 41, 141.<br />
Hachem Cheragas, I, 618.<br />
Hachem Dahro, I, 288, 289, 548,<br />
559.<br />
Hachem d'Eghriss, I, 289, 561.<br />
Hackett (capitaine), II, 305.<br />
Hadj Challabi. I, 410.<br />
«
y<br />
Hadj el Houza, I, 89.<br />
Hadj Mahiddin es Seghir ben<br />
Moubarek, ex-agha des Arabes,<br />
I, 35, 36, 61, 82, 105 106, 136, 137,<br />
168, 185, 234, 235, 255, 266, 270, 287,<br />
288, 309, 319 320, 324, 325, 454, 503,<br />
553, 563, 568 592, 619, 642, 643, 645,<br />
653, 658 à 660, 677, 682, 684, 686,<br />
718, 722, 723, 730, 739, 744, 745, 748,<br />
750, 751, 768, 771, 791, 798, 800. —<br />
II, 18, 19, 57, 63, 367.<br />
Hadj Mohammed, I, 545.<br />
Hadj Mohammed (faubourg). —<br />
V. Mascara.<br />
Hadj Moussa el Derkaoul, I,<br />
684, 723.<br />
Hadj Soliman, I, 736, 761.<br />
Hadji Kara, I, 320.<br />
Hadjoutes I, 9, 35, 36, 56, 60,<br />
106, 107, 113, 136 à 137, 156, 165,<br />
168, 172, 173, 201, 220, 222, 233 234,<br />
240, 241, 257, 258, 270, 293, 319,<br />
324, 365, 368, 400, 401 à 403, 410,<br />
411, 413, 442 à 445, 453, 478, 499,<br />
510, 553, 573, 592, 619, 622, 641, 648,<br />
649, 684, 706 à 708, 722, 740, 745,<br />
—<br />
747, 781, 784, 785, 798, 799. II, 9,<br />
17, 38, 39, 53, 57, 63, 68 100, 132,<br />
124, 127, 132, 133, 159, 357, 384, 388.<br />
Halfon, I, 116.<br />
Halil, I, 485, 486.<br />
Halloula (le lac), I, 258, 622. —<br />
II, 110.<br />
Hamdan ben Othman Khodja,<br />
I, 368, 673, 695, 725, 729.<br />
Hammam, II, 424 à 426,<br />
Hammam bou Hadjar, I, 475.<br />
Hamza, I, 620, 665, 666, 685. —<br />
II, 62. 63, 407, 408.<br />
Hananenchas, I 687, 701, 702,<br />
704,<br />
68.<br />
719, 735, 769, 776,<br />
— 777. II,<br />
Haouch el Aga, I, 367.<br />
Haouch Chaouch, I.<br />
Haouch Hadji, I, 35.<br />
Haouch el Hamirat, I, 445.<br />
Haouch Ramdan, I, 454.<br />
623<br />
Harrach (1'), I, 168, 171, 172,<br />
239, 708. —<br />
II, 123.<br />
Hassan ben Ahmed, I, 694.<br />
Hassan ben Ali, I, 190, 287, 308,<br />
323, 659, 660, 684, 767, 791, 800.<br />
/ Hassan ben Hamdan Amin<br />
Zecca, I, 694, 695.<br />
Hassensena, I, 547.<br />
Hassenaoui, I, 687, 688, 701 à<br />
704, 735.<br />
Hauchbah, I, 430, 431.<br />
Hecquet (colonel), I, 10, 580.<br />
Hennaya, I, 459, 469.<br />
Herbin-Dessaux (chef d'esca<br />
dron), I, 147.<br />
Herminie (V), II, 468, 470, 506,<br />
507.<br />
Hillil (1'), I, 546, 547, 558, 713.<br />
Hippone, I, 657. —<br />
II, 32.<br />
Hocin ben Turcah, I, 479.<br />
Houaira, I, 190, 572.<br />
Ichaouas, I, 253, 315.<br />
Indes, II, 119.<br />
Intendant civil, I, 21, 50 à 53,<br />
II, 193, 198,<br />
407 à 410. V. Lepas-<br />
—<br />
67, 178, 412,<br />
— 686.<br />
281, 386,<br />
quier.<br />
Intendant militaire.<br />
cion d'Arc.<br />
— V.<br />
— — 624<br />
Mel-<br />
Ismaël, I, 601.<br />
Isser, I, 36, 107, 165, 230, 404,<br />
421 à 425 440, 442, 446, 455, 457 à<br />
'<br />
460, 468, 471, 480, 500, 619, 620,<br />
—<br />
665, 678, 683, 746. II, 38, 57, 185,<br />
375, 532 538, 539, 552, 554 à 556,<br />
558, 564.<br />
376.<br />
Jacob (sous-lieutenant), I, 401.<br />
Jauréguy (général), I, 12.<br />
Jeanson (lieutenant-colonel), II,<br />
Joignot (maréchal des logis),<br />
II, 561.<br />
Joseph (soldat), II, 328.<br />
Journal de Paris (Le), II, 66.<br />
Jugurtha. II, 110.<br />
Juifs, I, 125, 161, 173, 216, 246,<br />
255,<br />
579.<br />
354, 355, 504, 684. —<br />
II, 63,<br />
Jupiter (Le), II, 239, 257, 270,<br />
282.<br />
Jurien (amiral), I, 726.<br />
Kabyles, I, 82, 134, 136, 166, 211,<br />
213, 218, 219, 230 252, 365, 369, 370,<br />
374 à 378, 397, 398, 406, 458 à 462,<br />
465 à 467, 469, 479, 497, 567, 569,<br />
572, 577 à 579 581 à 583, 605 à 607,<br />
612, 613, 616, 632, 633, 639, 642, 652,<br />
654, 661, 669, 689, 690, 710, 727, 750,<br />
—<br />
766, 773, 782, 800. II, 38, 50, 51,<br />
54, 55, 59, 70, 73, 81, 82, 97, 122,<br />
125, 126, 131, 150, 164, 167, 185, 236,<br />
302, 310 à 318, 360, 401, 416, 433,<br />
501, 538, 558, 579. -,r<br />
Kaddour ben Daoud, I, 197 198,<br />
II, 45, 189, 438, 440.<br />
276, 277. —<br />
Kaddour ben Morfl, I, 712.<br />
Kaddour ben Yetto, I, 518.<br />
Kalaah, I, 289.<br />
Karamanie, I, 124.<br />
Karesas, I, 253, 315, 316, 400. —<br />
II, 110.<br />
Kbihi (el), II, 451, 474.<br />
Kerma (el), I, 505.<br />
Kermiche, II, 77.<br />
Khachna, I, 30, 31, 108, 168, 187,<br />
191, 476, 602, 620, 622.<br />
Khalil, I, 171.<br />
Kherouf, I, 501.<br />
Khoseriah, I, 444.<br />
Kœnigsegg (colonel), I, 580.<br />
Korsac, I, 308.<br />
Korte (chef d'escadron), I, 192,<br />
—<br />
196, 220, 276, 277, 486. II, 127.<br />
Kouba, I, 26, 114.<br />
Ksar, II, 481.<br />
Kubly (sous-lieutenant), I, 401.<br />
Laboutrie (capitaine), II, 328.<br />
La Calle, I, 575, 687, 702 762,<br />
—<br />
769, 777, 793, 797. II, 5, 14, 29<br />
à 31, 48, 67, 78, 79, 102 332, 349.<br />
111, 118,<br />
Lacordaire (sous-lieutenant), I,<br />
649, 764.<br />
La Combe (capitaine de), I, 626,<br />
650.<br />
Lafltte (sous-intendant mili<br />
taire), I, 360.<br />
Lafont-Rilliet, colon, I, 621.<br />
La Fosse (adjudant de), II, 562.<br />
Laisle (colonel de), II, 560.<br />
Lakdar ben Ferrât, I, 443.<br />
Lakdar ben Taleb, I, 402, 442,<br />
740, 771.
Lamairesse (lieutenant), I, 648,<br />
649, 764.<br />
Lambert, I, 206.<br />
Lamoricière, I, 2113, 214, 221,<br />
222, 278, 336, 353, 434, 715, 749 à<br />
751.<br />
La Lamproie, I, 319, 447.<br />
Lanternier, II, 367.<br />
386.<br />
— femme<br />
et fille, II,<br />
Lapène (lieutenant-colonel),<br />
commandant supérieur à Bougie,<br />
I, 371. —<br />
II, 49 à 52, 55, 69 70, 81<br />
à 83, 101, 167.<br />
La Pierre (général), II, 111.<br />
Larache, II, 477, 480, 491.<br />
Larbi (el), I, 498.<br />
Larguech, I, 171, 485, 486.<br />
La Rochette (lieutenant-colo<br />
nel, puis colonel de), comman<br />
dant supérieur à Bougie, I, 218,<br />
317, 318, 365, 369, 373, 376, 377, 405,<br />
480, 527, 528, 577, 601, 612.<br />
La Rue (lieutenant-colonel de),<br />
I, 491, 492, 500, 520, 526, 539, 791.<br />
—<br />
II, 12, 47, 174, 229, 359, 383, 365,<br />
386, 497.<br />
Lasnon (colonel), directeur de<br />
l'artillerie à Alger, I, 358, 398, 450,<br />
477, 738, 741, 763.<br />
Lasry, I, 24.<br />
La Tour-Dupin, I, 93, 94, 477. —<br />
II, 310.<br />
Laudier (maréchal des logis),<br />
II, 561.<br />
Laurence (député), I, 700, 756.<br />
Laurenché (maréchal des lo<br />
gis), II, 561.<br />
Laurent, II, 367.<br />
Laveaucoupet<br />
II, 291 à 293.<br />
(capitaine de),<br />
Leblanc (capitaine), II, 311.<br />
Leblond (commandant), I, 463.<br />
Lebrun (brigadier), II, 561.<br />
Leclerc, I, 740, 747, 799.<br />
Lecomte (capitaine), II, 561<br />
625<br />
Lejeune (capitaine), II, 562.<br />
Lemal (pharmacien), I, 625,<br />
626, 650.<br />
Lemercier (colonel), directeur<br />
du génie, I, 5, 62, 98, 158, 159, 175,<br />
211 à 213, 218, 229, 239, 264, 278,<br />
279, 335, 348, 354, 398, 450, 477, 590,<br />
591, 598, 609, 646, 668 à 671, 682,<br />
685 686, 698, 770, 743. —<br />
II, 2, 59,<br />
94, 115, 126, 288, 290, 304, 305, 307,<br />
356, 365, 382, 454.<br />
Lepasquier (intendant civil), I,<br />
V. Intendant civil.<br />
673, 758. —<br />
Lepeletier de Saint-Fargeau, I,<br />
147.<br />
Lérida, I, 13.<br />
Leroy (sergent), II, 562.<br />
Lesparda (lieutenant-colon, de),<br />
I, 118.<br />
Létang (général), commandant<br />
supérieur à Oran, I, 232, 233, 281,<br />
282, 328, 354 —<br />
730, 743. II, 1 à 3,<br />
24, 36, 40, 46, 58, 60, 68, 69, 71 à 76<br />
97, 98, 100, 101, 105", 111 112, 149,<br />
150, 160, 181, 182, 186, 187, 215, 231,<br />
272 273, 336, 361, 383, 385, 386, 514,<br />
540; 547, 565, 592.<br />
Letellier (lieutenant), II, 317.<br />
Lévêque de Vilmorin (colonel),<br />
I, 358, 417.<br />
Lévesques (colonel), II, 313.<br />
Leyritz (capitaine de), I, 716.<br />
Lhander (capitaine général), I,<br />
12, 13.<br />
Le Liamone, I, 406.<br />
Liénard (sergent-major), II,<br />
561.<br />
Lieutaud, I, 205.<br />
Linsalat (trompette), II, 561.<br />
La Lionne, I, 59.<br />
Livourne, I, 59, 116, 385, 456.<br />
Le Loiret, I,<br />
Louin (soldat), II, 561.<br />
Louis-Philippe, I, 353, 440, 690,<br />
721. —<br />
II, 156, 174, 214, 341, 463,<br />
471, 481, 485, 486, 489, 496, 560, 588,<br />
595.<br />
40
— 626<br />
Lowasy (sous-intendant civil),<br />
I, 218.<br />
311.<br />
Lucerne, I, 562.<br />
Lyon, II, 111.<br />
M<br />
Maberda (el), I, 581.<br />
Maclouf, I, 592.<br />
Mac-Mahon (capitaine de), II,<br />
Macta (la) I, 117, 169, 170, 249,<br />
355,<br />
460.<br />
386, 488, 506,<br />
—<br />
533, 550. II,<br />
Mafrag (la), II, 30, 219.<br />
Mahelma, I, 9, 10, 114, 319, 410,<br />
443, 445, 481, 621, 622, 685, 707. —<br />
II, 17. 49, 56, 357, 367.<br />
—<br />
Manon, I, 111, 177, 202, 264, 644.<br />
II, 84.<br />
Maison (maréchal), ministre de<br />
la guerre, II, 143, 154, 175, 202,<br />
204, 208, 249, 252, 254,<br />
Maison (lieutenant-colonel), I,<br />
236, 237, 329.<br />
Maison-Carrée, I, 708, '48. —<br />
II, 148.<br />
Malabata (le cap), II, 477.<br />
Maleschewitoh (comte de), II,<br />
111.<br />
13.<br />
Malet (sergent). II, 562.<br />
Malitoume (capitaine), I, 94.<br />
Mallahah (el), I, 497.<br />
Malouine (La), I, 708, 729.<br />
Malte, I, 193, 196, 220. -<br />
II,<br />
Manouvrier-Dufresne (contreamiral),<br />
commandant ta narine<br />
à Alger, I, 34, 389, 435, 543, 594,<br />
652,<br />
321.<br />
6S3, 697, 714, — 769. H, 175,<br />
Mansourah. —<br />
V. Constantine.<br />
Mansouriah, I, 428.<br />
Marbot (général), I, 327, 349,<br />
352, 353, 356, 357.<br />
Marchand (plateau du), II, 479.<br />
Marche (maréchal des logis),<br />
II, 561.<br />
Mardulan (soldat), II, 368.<br />
Marengo (chef de bataillon), II,<br />
46.<br />
/ Marey (lieutenant-colon.), agha<br />
des Arabes, I, 148, 161, 191, 209,<br />
213, 214, 222, 295, 297, 319, 320, 324,<br />
366, 367, 403, 447, 511, 745, 799.<br />
Maria (La), I, 85.<br />
Marne (La), I, 485, 594, 617, 652,<br />
II, 256, 258.<br />
668. —<br />
Maroc, I ,20, 25, 124, 217, 245,<br />
247, 262, 284, 397, 396, 412, 437, 438,<br />
458, 495, 570, 607, 611, 615 à 617,<br />
638, 742. —<br />
II, 98, 174, 175, 387,<br />
388, 449, 459, 460, 462, 464, 465, 467,<br />
469, 470, 472, 475, 476, 479, 485, 487,<br />
491, 502, 505, 537, 580.<br />
— Commerce<br />
— Sultan<br />
II, 466.<br />
du. —<br />
Abderrahman.<br />
V.<br />
Muley.<br />
Marocains, I, 465, 466, 468, 494,<br />
496, 497, 609, 610, 629, 630, 632, 638,<br />
—<br />
710, 713, 738, 789, 795. II, 15, 459<br />
à 461.<br />
Marseille, I, 51, 153, 206, 207,<br />
300, 447, 680,<br />
—<br />
737, 748, 751. II,<br />
11, 60, 234, 238, 366, 367, 465 à<br />
467, 504, 509, 512, 552, 565, 589.<br />
— Chambre<br />
465.<br />
de Commerce, II,<br />
—<br />
Commissaire de la marine,<br />
II, 503.<br />
Martimprey (capitaine de), II,<br />
561.<br />
Martin (adjudant), II, 329.<br />
Marulaz (sous-lieutenant), I,<br />
749, 786.<br />
Mascara I, 19, 58, 61, 63, 64, 72<br />
à 74, 76, 83, 99, 114, 134, 183, 185,<br />
208, 231, 247, 251, 265, 289 298, 331,<br />
333 à 335, 340, 343, 349 à 351, 353 à<br />
356, 362, 378, 383, 386, 397, 454, 467,<br />
473, 477. 536, 556, 665, 680, 685, 750,<br />
786. —<br />
II, 12, 22, 24, 25, 34, 39, 41,<br />
42, 59, 75, 88, 98, 108, 165, 190, 232,<br />
362, 366, 387, 388, 407, 416, 433, 439,<br />
440, 458, 462, 560.
— (expédition de), I, 27, 55, 62,<br />
63, 69, 70 à 76, 83, 91, 92, 95 à 99,<br />
111, 113 114, 117 à 120, 122, 124,<br />
136, 160, 169, 170, 177, 176, 181,<br />
190, 197, 201, 227, 236, 244, 245, 251,<br />
252, 255, 256, 266, 267, 271, 273, 274,<br />
278 293 301, 305, 306, 310, 321, 325<br />
à 361, 363, 364, 380, 390, 391, 395,<br />
397, 399, 405, 406, 412, 416, 420, 421,<br />
426, 427, 430, 431, 502, 512, 524, 561,<br />
686, 760. —<br />
II, 214, 416 à 432.<br />
— Aïn<br />
— Aïn<br />
431.<br />
— Cuber<br />
Beïda, II, 419, 422.<br />
Sultan, II, 421, 426, 430,<br />
Doba, II, 421, 430, 431.<br />
—<br />
Faubourg d'Argoub Ismaël,<br />
II, 420, 421, 426, 430.<br />
— Faubourg de Baba<br />
421, 430, 431.<br />
Ali, II,<br />
— Faubourg<br />
du Cherg, II, 421.<br />
— Faubourg de Hadj Moham<br />
med, II, 422.<br />
—<br />
Fort, II, 420.<br />
— Porte du Cherg, II, 419 à<br />
421, 431.<br />
— Porte du Gharb, II, 419, 420,<br />
426, 430, 431.<br />
Masera (el), I, 357.<br />
Matamore, I, 282, 587, 591.<br />
Matifou (le cap), II, 375.<br />
Mattei (capitaine), I, 10.<br />
Maussion (chef d'escadron de),<br />
II, 517, 518, 593.<br />
May (sergent-major), II, 561.<br />
Mazafran (le), .1, 168, 172, 588,<br />
621, 682, 685, 706, 707, 744, 749, 751,<br />
—<br />
768, 779, 780. II, 56, 122.<br />
Mazagan, II, 466, 467.<br />
Mazagran, I, 204, 245. —<br />
190, 191.<br />
Mazère, II, 63.<br />
Mazouna, I, 557. —<br />
— — 627<br />
II, 148,<br />
II, 149.<br />
Méchain, consul de France à<br />
Tanger I, 193, 568, 630, 679, 680,<br />
—<br />
712, 788, 789. II, 2, 12, 174, 175,<br />
229, 458, 459, 461, 463, 466, 468, 470<br />
à 472, 474, 483, 487, 488, 492, 495.<br />
Médani, I. 212, 218, 279, 280, 364,<br />
388, 357, 413, 518, 712. —<br />
II, 50, 51.<br />
Médéa, I, 26, 60, 82, 83, 109 114<br />
124, 136, 137, 166 à 168, 182,<br />
186, 192, 208, 209, 220, 221, 230, 242,<br />
252, 255, 257, 266, 270, 271 287, 299,<br />
300, 308, 319 à 321. 325, 368,<br />
403, 410, 442, 443, 446, 454, 503, 519,<br />
520, 533, 544, 545, 563, 572, 573, 583<br />
à 585, 592, 619, 631, 640 641, 646,<br />
658, 660, 668, 67%, 677, 683, 684, 690,<br />
692, 693, 715, 722, 724, 752, 764, 766,<br />
767, 774, 775, 791, —<br />
794, 800. II,<br />
18, 22, 25, 26, 57, 60 63, 100, 110,<br />
112, 113,<br />
185,"<br />
191, 272, 459, 462.<br />
Medjahers I, 208 233, 281, 288,<br />
—<br />
290, 546 à 548, 559, 570, 712. II,<br />
141, 149, 187, 189.<br />
Medjez Amar, I, 535. —<br />
309, 393, 399.<br />
Megrouar, II, 174.<br />
Méhémet-Ali, I, 426. —<br />
Mékalia, I, 547, 557.<br />
Mékamat, II, 428.<br />
II, 299<br />
II, 415.<br />
Meknès, II, 469, 472, 479, 481,<br />
484, 488, 491, 492.<br />
Melah (el), I, 556.<br />
Melchion, II, 338, 352 à 354, 405,<br />
406.<br />
Melcion d'Arc, intendant mili<br />
taire, I, 6, 7, 27, 229 231, 360,<br />
668, 657, 731, 738, — 741, 774. II,<br />
25, 28, 33, 58, 60, 317.<br />
Meldoneh, II, 123.<br />
Meleta, I, 728. —<br />
II, 417.<br />
Mellaha (el), I, 459. —<br />
426, 428, 429.<br />
Mendja, I, 106.<br />
Menne (colonel), I, 358.<br />
II, 425,<br />
Menonville (chef de bataillon),<br />
II, 41, 42.<br />
I, 712. —<br />
Mercier, colon, I, 672, 724, 748.<br />
Merdja, I, 740, 771. —<br />
II, 64.<br />
Mers el Kébir, I, 53, 57, 305, 309,<br />
4S8, 489, 509, 543, 587, 615 652, 741,<br />
743. —<br />
II, 590.<br />
Méry (sous-lieutenant), I, 205.
.' Miloud<br />
— 628<br />
Mesmer (lieutenant), II, 555,<br />
561.<br />
Messahra, II, 186, 187.<br />
Messaoud, II, 49.<br />
Metz, I, 725.<br />
Meurice, colon, I, 621, 647 665,<br />
—<br />
707, 710, 749. II, 366 à 368, 387,<br />
388.<br />
Mey de Châles (lieut.-colonel),<br />
I, 148.<br />
Mezari (el), I, 134, 282, 379, 387,<br />
388, 392 à 394, 396, 409, 412, 424,<br />
428, 431, 433, 460 à 462, 556, 569,<br />
643, 682, 712,<br />
—<br />
738, 770, 795. II,<br />
24, 45, 101, 189, 160, 421.<br />
Mezzo Coerto, I, 681.<br />
Miliana, I, 21, 36, 60, 61, 82, 83,<br />
105, 107, 131, 136, 165, 166, 168, 178,<br />
185, 207 à 209, 230, 235, 242, 256,<br />
257 271, 299, 309, 319, 320, 324, 368,<br />
443, 454, 503, 533, 545, 553, 563,<br />
568, 583, 592, 602, 619, 640, 641, 660,<br />
684, 685, 750 à 752, 775, 798, 800. —<br />
II, 24 à 26, 57, 100, 110, 159, 187,<br />
198, 367, 459.<br />
ben Arrach, II, 435, 581.<br />
Mimon (lieutenant), II, 317.<br />
Mina (la), I, 233 546, 547, 558,<br />
— 569. II, 56, 60, 100, 110, 159, 187,<br />
232.<br />
Ministre des Affaires étrangè<br />
res, I, 116, 170, 171, 193, 381, 406,<br />
439, 500, 568, 680, 688, 769, 770, 776,<br />
— 788. II, 20 68, 106, 108, 174, 175,<br />
283.<br />
Ministre de la Guerre, I, 79,<br />
109, 110, 130, 216, 258, 653, 670, 731,<br />
—<br />
753, 763, 772 785, 795. II, 13, 21,<br />
28, 45, 46, 59, 101, 402.<br />
Ministre de l'Intérieur, I, 51,<br />
275.<br />
Ministre de la Marine, I, 34, 54,<br />
118 171, 188, 203, 227, 228, 390, 406,<br />
439, 452, 493, 791. —<br />
II, 53, 240,<br />
269, 283, 465, 470.<br />
Mir (prince de), I, 270, 299, 647,<br />
II, 3, 4.<br />
648, 748. —<br />
Mir-Tabet-el-Harless, II, 401.<br />
Misserghin, I, 65, 83, 86, 89, 109,<br />
136, 388, 418,, 706, 728. —<br />
II, 532.<br />
Mitidja, I, 36, 60, 108, 113, 124,<br />
128, 165, 201 270, 296, 297, 402, 503,<br />
510, 533, 542, 563 568, 572, 579,<br />
619,<br />
—<br />
641, 706. II, 122, 124 206,<br />
244, 254, 336, 350, 357, 358, 407, 410.<br />
/ Mjaheddin, I, 497.<br />
493.<br />
M'Kalia, II, 436.<br />
Mogador I, 679. —<br />
II, 465 à 467,<br />
Mohammed ben Abdallah, 1.<br />
167.<br />
Mohammed ben Abdelmalek,<br />
II, 481, 485.<br />
/ Mohammed ben Hussein, bey<br />
de Titteri I, 136, 160, 165, 167, 191,<br />
192, 201, 220, 221, 242, 243, 246, 257,<br />
266, 287, 307 308, 323. 403, 404, 410,<br />
441, 442, 446. 453, 454, 479, 499, 511,<br />
550, 584, 593 603, 619, 631, 658,<br />
660, 672, 677, 683, 684, 693, 706, 722,<br />
723, 746, 750, 766 767, 774, 786, 791.<br />
—<br />
II, 12, 20, 47, 57, 388, 487, 488.<br />
Mohammed ben Kaddour I,<br />
433.<br />
Mohammed ben el Jali, I, 498.<br />
Mohammed ben Mustapha ben<br />
Galdin, I, 603.<br />
Mohammed ben Othman, I,<br />
443.<br />
Mokra, II, 13.<br />
Mokta Kerra, I, 621, 685, 767,<br />
768.<br />
Mollière (capitaine), II, 309,<br />
316.<br />
Moniteur Algérien (Le), I, 164<br />
190, 223, 621, 755. —<br />
II, 245, 246.<br />
Monjuich, I, 11.<br />
Montebello (Le), II, 356.<br />
Montée de la 10e Légion, II, 300.<br />
Montguyon (capitaine), I, 327.<br />
Montpellier, II, 213.<br />
Montredon (capitaine), I, 582.<br />
Morin (chef de bataillon), I,
305.<br />
Morin (capitaine), I, 671. —<br />
II,<br />
Morin (sous-lieutenant), II, 562.<br />
Mornay (de) II, 459, 460, 463,<br />
473.<br />
Morny (lieutenant de), II, 292,<br />
263, 326.<br />
Morris (capitaine), II, 310, 329.<br />
Mortemart (général de), II, 315.<br />
Mostaganem, I, 17, 53, 59, 63,<br />
89, 156, 169, 184, 199, 203, 204, 217,<br />
231, 246, 248 249, 272, 273, 280, 281,<br />
300, 301, 349, 354, 355, 357, 362, 382,<br />
383, 388, 413, 489, 540, 546 à 548,<br />
556, 557, 587, 591, 615, 706, 712, 728,<br />
732, 733 —<br />
742, 751, 775. II, 2, 12,<br />
22, 24, 25, 33, 41, 72, 88, 98, 140,<br />
148, 150, 181, 186<br />
531, 548, 581, 590.<br />
232, 331, 415, 417,<br />
Mouche (brigadier de), II, 561.<br />
Moucheria (el), II, 5.<br />
Mouelfa, II, 274, 299, 333, 34'1<br />
378, 379, 385, 389, 391, 392, 404, 407.<br />
Mouley Abd el Malek Zizgoun,<br />
II, 474.<br />
Mouley Abderrahman, sultan<br />
du Maroc, I, 135, 250, 278, 283, 458,<br />
496 592, 602, 610, 611 712, 750. —<br />
II, '98, 174, 229, 367, 388, 407, 409,<br />
450 à 452, 457 à 459, 461 à 465, 467<br />
à 474, 481, 484, 485, 488 à 495, 504.<br />
Mouley Ismaël (forêt de), I, 332<br />
à 334, 354. —<br />
II, 423.<br />
— Moulin Demous. V. Bougie.<br />
Moussa el Bedaoui, I, 453.<br />
Mouzaïa, I, 35, 108, 187 191, 201,<br />
202, 213, 220, 278, 572,'<br />
579, 581, 583,<br />
585, 586, 589, 590, 640, 641, 646, 647,<br />
684, 708, 731, 781, 784, 785. — II,<br />
9, 38, 68, 148, 191, 384.<br />
Mozabites, I, 52, 66 à 68, 108, 130<br />
—<br />
à 132, 301, 302, 684. II, 65, 178<br />
à 160.<br />
des). —<br />
— (Amin V. Bahmet<br />
Caouadji et el Hpuatin.<br />
Mufali (Le), I, 316.<br />
Muller, colon, I, 621, 622, 647,<br />
673, 675, 678, 707, 747, 772.<br />
629<br />
Musis (chef de bataillon, Salo<br />
mon de), commandant supérieur<br />
de Bougie, I, 601 661, 759, 765,<br />
773, 782. —<br />
II, 49, 50, 51, 55.<br />
69, 70, 82, 83, 101.<br />
Mustapha, I, 367.<br />
Mustapha ben Ismaël,<br />
61, 122, 134, 160, 161 200,<br />
250, 256, 262, 285, 419, 425,<br />
I, 20 , 37,<br />
216, 245<br />
426. 431,<br />
483, 522<br />
434, 435, 460, 461, 465, 470,<br />
545 à 547, 558, 560, 561, 566, 568<br />
570, 595 à 597, 608, 633, 643, 654<br />
682, 711, 713, 732, 733, 741, 775, 795<br />
—<br />
II, 12. 24, 40, 41, 45, 46, )101, 108<br />
118, 140, 189, 190, 197, 232, 255, 434<br />
440<br />
557.<br />
à 442, 518, 523, 536, 540, 542<br />
Mustapha ben Kirim, I, 384,<br />
385, 532.<br />
Mustapha ben Mekelech, I, 469,<br />
483, 484, 504.<br />
Mustapha ben Omar, bey de<br />
Miliana, I, 105, 109, 112, 235, 244,<br />
256, 368, 503.<br />
Mustapha ben Taher, I, 441.<br />
Mustapha Pacha, I,<br />
II, 14.<br />
723, 755,<br />
783. —<br />
Mustapha bou Mezrag, I, 136,<br />
320, 610.<br />
Musoli (Le), II, 5.<br />
M'Zaïa, I, 159, 212, 218, 278, 279,<br />
365 375, 518, 577, 578, 601, 612, 613,<br />
627", 632, 635, 641, 664, 689, 690, 766,<br />
782. —<br />
II, 6, 50; 51, 52, 82, 101, 166.<br />
Mustapha-Pacha, bey de Tu<br />
nis, I, 195,-196, 220, 277, 381, 453,<br />
657, 658, 686, 693, 696, 717, 734 à<br />
736, 761, 769. —<br />
II, 68, 78, 102, 166,<br />
196, 197, 222, 262, 263, 269, 270, 276,<br />
282, 332, 401.<br />
N<br />
Nahon, interprète, I, 198, 210,<br />
II, 438, 439.<br />
277. —<br />
Naples, II, 466.<br />
Narboni, I, 212, 218, 278.<br />
,<br />
'
Nebels, I, 760, 796.<br />
Nechmeya, II, 333.<br />
Nédroma, I, 570. —<br />
Nemenchas, II, 77.<br />
II, 540, 580.<br />
Nemours (duc de), II, 210, 214,<br />
235 279, 282, 294, 314, 318, 326, 336,<br />
345^ 370, 454.<br />
Nérat (maréchal des logis), II,<br />
561.<br />
-<br />
Nestor (Le), I, 177, 300, 593, 768.<br />
II, 505.<br />
Ney d'EIchingen, I, 327.<br />
Nouvembles (soldat), II, 327.<br />
Olivier (capitaine), I, 11, 12.<br />
Optel (soldat), II, 328.<br />
Oran, I, 17 à 20, 22, 23, 25, 27, 33,<br />
34, 37, 41, 44, 55 à 58, 61 à 64, 73 à<br />
75, 78, 79, 81, 83, 87 à 90, 93, 95 à<br />
98, 100, 101, 103 108, 109, 111, 113<br />
119, 120, 122, 124, 126 136, 138, 139,<br />
156, 157, 159, 161, 163, 166, 169, 170,<br />
176, 178 180, 181, 186 à 190, 197 à<br />
199, 201, 203, 207, 210, 214, 216, 217,<br />
227, 228, 232, 235, 244, 246, 250, 251,<br />
255 256, 260 à 262, 265, 266, 271,<br />
272, 277, 282, 284 à 289, 300, 301,<br />
303, 305, 306, 309, 311 à 313, 321,<br />
325, 331, 335, 340, 348, 354, 362, 364,<br />
378, 379, 382, 383, 388, 393, 395 à<br />
397, 399, 405, 406, 408, 412, 417, 418,<br />
421, 422, 426, 429, 437, 438, 450, 451,<br />
454, 457, 459, 469, 470, 476, 480 483,<br />
486 à 490, 492, 500 à 503, 508^ 512,<br />
515, 521, 522, 533, 538, 539, 542 546<br />
548, 554 à 556, 559, 560, 564, 566,<br />
567, 570, 571, 573, 574, 578, 587, 591,<br />
594, 595, 598, 604, 606, 609, 615 à<br />
618, 629 à 631, 634, 640, 642 643,<br />
651, 652, 654, 667, 668, 670, 676, 685,<br />
686, 690 à 692, 698, 705, 706, 708,<br />
709, 712, 713, 716, 726 à 728, 730,<br />
732, 737, 738, 740,<br />
752, 754, 764, 767,<br />
742, 746 750 à 768,"<br />
770 à 772,<br />
774, 775, 785, 786, 788, 792, 795, —<br />
II, 1, 11, 12, 19, 22 à 24, 34 à 37,<br />
39 à 42, 46, 53, 54, 57, 58, 68, 69,<br />
630<br />
71, 72, 74 à 76, 80, 88, 89, 91, 97,<br />
100, 105 106, 110 à 113, 115, 116,<br />
131, 133, 134, 138, 140, 145, 147 à<br />
149, 155, 158 à 160, 162, 165, 168,<br />
181, 182, 184, 186, 194, 197, 198, 200,<br />
204 à 208, 211, 215, 226, 228, 231 a<br />
233, 2Li8, 248, 254, 255, 282 à 284,<br />
294, 347, 348, 351, 359, 375, 378, 385<br />
à 387, 407 à, 409, 416 à 419, 421,<br />
422, 426, 427, 431, 432, 438, 440, 451,<br />
454, 457, 459, 460 462, 468, 470, 474,<br />
475, 501 à 504, 506, 509, 513 à 517,<br />
520 à 522, 529 à 534, 537, 540, 541,<br />
544, 548, 551, 559, 560, 565, 568, 578<br />
à 581, 588 à 590, 592, 594.<br />
— Daya,<br />
— Hôpital,<br />
—<br />
II, 422.<br />
I, 58.<br />
Port, I, 53.<br />
— Sebka, I, 89, 331, 418, 419,<br />
475, 566, 785. —<br />
II, 417, 545.<br />
Orléans (ducd'), I, 267, 268, 270,<br />
271, 273 à 276, 291 à 297, 300, 303<br />
à 305 309, 310, 312 à 314, 321, 322,<br />
326, 331, 332, 339, 344 à 348, 353,<br />
II, 214.<br />
354, 363, 380, 381, 503. —<br />
Otba, I, 208.<br />
Oualouan, I, 329.<br />
Oudinot (général), I, 322, 329,<br />
331 à 333, 338, 339 à 341, 345, 346,<br />
349, '356, 357, 382, 571.<br />
Oudinot (colonel), I, 148, 314. —<br />
II, 116.<br />
Oudjda, h 458, 494, 495, 498, 568,<br />
II, 98, 102, 474, 497.<br />
750, 789. —<br />
Oued Abdou, I, 495.<br />
Oued Aïn Sultan, II, 419.<br />
Oued el Akhara, I, 187, 191, 479.<br />
Oued el Alleug, II, 90, 99, 114,<br />
123, 126.<br />
Oued Amiguier, I, 408, 424, 425,<br />
II, 529, 532, 547.<br />
428, 471, 502. —<br />
Oued Bou Merzoug, II, 296, 301.<br />
Oued Chrouf, I, 556.<br />
Oued Djer, I, 581<br />
Oued Ghazer, I, 597.<br />
Oued Hadjad, I, 596,<br />
Oued Haïma, I, 596.
Oued el Hammam, I, 83.<br />
Oued el Inala, II, 440.<br />
Oued Kerma, I, 171, 172, 239. —<br />
II, 336.<br />
Oued Mafrag, I, 703.<br />
Oued el Maghlah, I, 419.<br />
Oued Mehaguel, I, 688.<br />
Oued Melan, I, 475. —<br />
425, 429.<br />
Oued Mimoun, I, 473.<br />
Oued el Okou, I, 190.<br />
II,<br />
147,<br />
Oued Senan, I, 420, 424, 597. —<br />
II, 517, 522, 541, 558.<br />
Oued es Sgher, II, 478.<br />
Oued Sidi Abdallah, I, 420, 421.<br />
Oued Talaga, II, 310.<br />
Oued Zenati, H, 300, 301, 371.<br />
Oued Zitoun, I, 270, 325, 402,<br />
410, 411.<br />
Oughaz, II, 423.<br />
Oujakats, I, 136.<br />
Oulassa, I, 398, 458, 459 469,<br />
495, 567, 578, 590, 591, 642.<br />
Oulad Abd El Kerin, I, 444,<br />
Ouled Ahmed ben Ibrahim I,<br />
496.<br />
Ouled Ali, I, 256, 272, 664.<br />
Ouled Ali ben Tahla, I, 494.<br />
Ouled Aiparna, I, 288, 289.<br />
Ouled Assas, I, 741.<br />
Ouled Altia, I, 600, 635, 664.<br />
Ouled ben Brahim, II, 12.<br />
Ouled ben Chérif, II, 41.<br />
Ouled Boukoual, I, 288, 289.<br />
Ouled Chakour, I, 108<br />
Ouled Dieb, II, 79, 263.<br />
Ouled Driss, I, 442.<br />
Ouled el Gramsa, I, 208.<br />
Ouled Hamden, I, 548, 559.<br />
Ouled Hamet, II, 41.<br />
Ouled el Hammam, I, 566.<br />
Ouled Khalfa, I, 469, 548.<br />
Ouled Klouiï, II, 41.<br />
Ouled Kriars, II, 76.<br />
OiSl<br />
Ouled Lakhal, I, 4S0, 796. —<br />
5, 348.<br />
Ouled Lallah, H, 64.<br />
II,<br />
Ouled Mendil, I, 621, 799, 800.<br />
Ouled Menia, II, 4.<br />
Ouled el Mezaouir, I, 494.<br />
Ouled Moalef, I, 208, 288, 299.<br />
Ouled Moktar, I, 136 740 771,<br />
791, 792, 795, 800.<br />
Ouled Nassas, II, 549.<br />
Ouled Schick, II, 35.<br />
Ouled Selim, I, 365.<br />
Ouled Sidi Abdallah, I, 546, 547,<br />
570.<br />
Ouled Sidi Ghranem, I, 566.<br />
Ouled Sidi Laribi, I, 547, 557 à<br />
II, 150, 189.<br />
559, 751. —<br />
41.<br />
Ouled Sidi Sadi, 1, 792. —<br />
II,<br />
Ouled Sidi Mesroud.II, 191, 440<br />
Ouled Soliman, I. 651.<br />
Ouled Zeir, I, 473.<br />
Ouled Zenati, II, 79.<br />
Ouled Zitoun, I, 107, 186, 299,<br />
453.<br />
Oulid Benanoni, I, 495.<br />
Oulid el Berkani, I, 684.<br />
Oulid Bou Mezrag, I, 136, lf>8,<br />
159, 166, 189, 200, 211, 213, 218, 706,<br />
800.<br />
Oulid el Moktar, I, 708.<br />
Oulid ou Rabah, I, 56, 61, 115,<br />
176, 244, 276, 278, 279, 299, 373, 518.<br />
—<br />
II, 6, 50.<br />
Ouridane, I, 418, 429.<br />
Ouzera, I, 586, 619, 677.<br />
-<br />
Palais (capitaine), I, 205.<br />
Palma, I, 12, 13, 18, 21, 111, 187.<br />
II, 89. .<br />
Palmier: (Le), I, 9.<br />
Pansoni, I, 657.<br />
Papin 'Le), II, 183, 199, 227, 270.
Pardaillan (sous-lieutenant), II,<br />
562.<br />
Pasquier (chirurgien-major), I,<br />
328.<br />
Patau (capitaine), I, 614, 654.<br />
-<br />
Patourneau (sous<br />
II, 562.<br />
Pau, II, 8, 9.<br />
Pélissier, I, 94.<br />
lieutenant) ,<br />
Pellion (chef d'escadron), II,<br />
359, 386.<br />
Pellissier (capitaine), I, 347.<br />
Périgueux, II, 566.<br />
Perle (La), I, 11, 12.<br />
Perpignan, I, 11.<br />
Perreau (chef de bataillon), I,<br />
II, 74, 97.<br />
596. —<br />
Perrégaux (général), I, 76, 329,<br />
332, 333, 341 à 343, 345, 346, :>51,<br />
352, 356, 357, 408, 421, 424, 428, 430,<br />
433 à 435, 457, 468, 471, 473, 476,<br />
488, 501, 502, 515, 554 à 556, 564 à<br />
566, 573, 578, 595, 641, 671, 716, 732,<br />
751. —<br />
II, 116.<br />
Perrégaux (maréchal des logis) ,<br />
I, 760.<br />
Perrin-Soliers (chef d'escadr.),<br />
II, 326.<br />
I, 461. —<br />
Phare (Le), II, 266.<br />
Pic, II, 367.<br />
Pigeons (île des), I, 25.<br />
Pilla (femme), I ,679.<br />
Polnte-Pescade, I, 747.<br />
Pont El Rachba. —<br />
tine.<br />
V. Constan<br />
Port-Vendres, I, 11, 18, 74 90,<br />
99, 118, 177, 187, 188, 203, 236, 271,<br />
—<br />
300, 395, 690, 692. II, 8, 76, 106,<br />
204.<br />
Portai (soldat), II, 562.<br />
Porte Ottomane, I, 381, 406, 718<br />
à 721, 760<br />
Porte du Cherg, —<br />
V. Mascara.<br />
— Porte du Gharb. V. Mascara.<br />
— Porte de La Marine. V. Bône.<br />
632 —<br />
Porte des Tagarins. —<br />
Portes-de-Fer, I, 761. —<br />
Potier (capitaine), I, 6.<br />
Pouvert, I, 626.<br />
Pouzin (docteur), I, 717.<br />
V. Bône.<br />
Pradt (soldat de), II, 561.<br />
II, 29.<br />
Précieux (maréchal des logis),<br />
I, 10.<br />
Préfet maritime de Toulon, 1,<br />
II, 294.<br />
203. —<br />
Président du Conseil, I 753,<br />
II, 174, 175.<br />
754, 789. —<br />
Prieur (soldat), II, 561.<br />
Princeteau (lieutenant), I, 464.<br />
Procureur Général à Alger. —<br />
Voir Réalier Dumas.<br />
Providence (La), I, 214, 215, 280.<br />
Pyrénées, I, 395. —<br />
Rabat, II, 469, 488.<br />
II, 7.<br />
Rachgoun, I, 25, 26, 92, 250, 256<br />
260, 261, 264, 283 à 286, 378 383,<br />
398, 437, 457, 45?, 489, 495, 567, 578,<br />
587, 591, 598, 616, 618, 627, 629, 634,<br />
—<br />
637, 642, 727, 733, 769. II, 417,<br />
501, 503, 529, 530, 539, 540, 548, 553.<br />
Rajetas, I, 575.<br />
Ramier (Le), I, 11, 13, 303, 608,<br />
652, 668, 683, 726, 727, 778, 796. —<br />
II, 11, 29, 77, 78.<br />
Rancé (capitaine de), I, 361,<br />
380, 382, 386, 405 526 — II, 34,<br />
107, 157, 160, 176, 183, 195, 199, 249,<br />
262 à 264, 270, 277, 305, 307, 318,<br />
332, 338, 342, 344.<br />
Rapatel (général), I, 56, 68, 76,<br />
213, 214, 220, 278, 295, 301, 388, 405<br />
à 407, 413, 514, 518, 543, 544, 581,<br />
636, 675, 676, 690, 720, 734, 735, 776,<br />
— 780, 784, 787, 790, 794. II, 9, 15,<br />
19 20, 33, 72, 84 85, 97, 94, 104 à<br />
106. 108, 111, 112, 115, 139, 140, 145,<br />
152, 155, 157, 159, 161, 178, 179, 182,<br />
198, 208, 209. 222, 227, 242, 243, 246
à 248, 253, 254, 272, 273, 342, 348,<br />
361, 383, 386, 391, 395, 396, 487, 512,<br />
543, 544, 545, 560, 562.<br />
Ras El Aïn, I, 88, 651.<br />
Ras El Akba, I, 761. —<br />
II, 161,<br />
295, 297, 300, 301, 311, 318, 393, 398,<br />
400.<br />
—<br />
Rassauta (la), I, 30, 270. II,<br />
3, 354.<br />
Réalier-Dumas (procureur géné<br />
ral), I, 385, 442, 642.<br />
Récalde, II, 562.<br />
— Redoute Damrémont. Voir<br />
Bône.<br />
Réformateur (Le), I, 162.<br />
Reghaia (la), I, 748.<br />
Regnault (capitaine), I 472.<br />
Rekbah, II, 404.<br />
Remchi, I, 459, 460, 502.<br />
Renaud (capitaine), II, 126.<br />
Renaud-Lebon, II, 79.<br />
Rendu, I, 726.<br />
Resgui, I, 701, 702, 759, 796.<br />
Rewbell (lieutenant), II, 316.<br />
Rhin (Bas), I, 562.<br />
Rhin (Haut), I, 562.<br />
Rhodes, I, 124.<br />
Rhône (Le), I, 404, 487.<br />
Rhummel. II, 287, 296, 301, 303,<br />
307.<br />
Riban (chef de bataillon), I,<br />
718.<br />
Ricard (colonel), I, 84.<br />
Ricard (lieutenant), I, 316.<br />
Ricard (entrepreneur), I, 799.<br />
Richepance (colonel), I, 337,<br />
II, 367.<br />
Rif, II, 474.<br />
Rigau (colonel), I, 149.<br />
347, 431. —<br />
Righa, I, 254, 257. —<br />
II, 29, 67.<br />
Rigny (général de), II, 154, 268,<br />
278, 279, 282, 344, 369 à 376<br />
Rio Salado, I, 23, 25, 26, 92, 245,<br />
II, 417, 518.<br />
261, 419, 420, 475. —<br />
633<br />
Roches (sergent), II, 326.<br />
Rofrera Oulid Kader, I, 618.<br />
Romains, II, 110, 300.<br />
Rome, II, 300<br />
— (Cour<br />
de), I, 52.<br />
Rosamel (vice-amiral de) 11,<br />
143, 250, 252.<br />
Rosas, I, 187, 188.<br />
Roumann, II, 6.<br />
Roure (brigadier de), I, 649.<br />
Rousselot (soldat), II, 562.<br />
Rousser (capitaine), I, 116.<br />
Roux (le cap), II, 78.<br />
Rulhière (général), I, 76.<br />
Russie, I, 381. —<br />
II, 119.<br />
Ruy (capitaine), II, 305, 307,<br />
330.<br />
San, II, 466.<br />
Safsaf, I, 408, 429,<br />
II, 535, 536. 547.<br />
431, 502. —<br />
Sahara, I, 209.<br />
Sahel. —<br />
Sahri, I, 547.<br />
V. Alger.<br />
Saïd Ahmed, I, 134, 135.<br />
Saïd Brahim, I, 135.<br />
Saint-Hypolite (capitaine), I, 76,<br />
—<br />
94, 298, 357. II, 317.<br />
Saint-Pétersbourg, II, 301.<br />
Sainte-Al.degonde (de), II, 315.<br />
Salamandre (La), I, 13, 90, 260,<br />
261, 286, 303, 305, 309, 388, 415, 543.<br />
Samouilhan (soldat), II, 562,<br />
San Giovanni (Le), I, 455.<br />
Sanson (chef de bataillon), 1,<br />
374.<br />
Santi Pétri (Le), II, 506, 507,<br />
543.<br />
Sarda (soldat), II, 562.<br />
Sarlat (capitaine), I, 303,
Sarthe, I, 562.<br />
Sassy (lieutenant), I, 472.<br />
— 634<br />
Savaresse (sous-lieutenant), II,<br />
561.<br />
Sbehi, I, 325.<br />
Sboul Kéirat, I, 681.<br />
Schauenbourg (colonel), I, 35,<br />
45, 148, 168, 172, 235, 729, 774. —<br />
II, 126, 127.<br />
Scipion (Le), 1, 300, 305. 593. -<br />
II, 465, 468, 470.<br />
Seba Chioukh, I, 460, 462, 496,<br />
II, 554.<br />
497. —<br />
Sebahan, I, 545.<br />
Sebaou, I, 792. —<br />
Sebka. —<br />
V. Oran.<br />
Sedjemaras, II, 141.<br />
Sedjerara, I, 289.<br />
II, 57.<br />
Senani (aide-major), II, 561.<br />
Seraïje, I, 108.<br />
Sercey (capitaine), I, 346.<br />
Setif, II, 29.<br />
Seybouse, I, 167, 253, 254, 316,<br />
401, 517, 544, 657, 759, 763. —<br />
II,<br />
31, 299 309, 312, 320, 321, 323, 324,<br />
331, 347 à 350, 3.78, 379, 385, 389,<br />
392, 395, 399. 407.<br />
Seydoune, II, 417.<br />
Sicardet, II, 82.<br />
Si Khelii, II, 5, 13.<br />
Sidi Abdallah, II, 42.<br />
Sidi Abdallah Berkem, I, 597.<br />
Sidi Abd el Kader, I, 682, 685,<br />
706, 800.<br />
Sidi Abd el Moumen, I, 779.<br />
Sidi Aïd, I, 478. —<br />
II, 56.<br />
Sidi Ali Ben Ahmed, II, 425.<br />
Sidi Ali Fereygi, I, 575<br />
Sidi Amar, I, 656.<br />
Sidi Amran, II, 423, 427.<br />
Sidi Boudjelal, II, 426, 430, '431.<br />
Sidi Bouhaïte, I, 422.<br />
f<br />
Sidi Bou Medine, I, 428, 429.<br />
Sidi Brahim, I, 350, 351, 355,<br />
356.<br />
Sidi Cahouen, I, 459.<br />
Sidi Chaban, I, 88.<br />
Sidi Chirk, I, 750.<br />
Sidi Daoud, I, 289.<br />
Sidi Demden, I, 516, 600, 623,<br />
624, 664.<br />
Sidi Embarek, I, 60, 344, 346. —<br />
II, 60, 90, 100, 110, 207, 231, 350,<br />
362, 395.<br />
Sidi Ferruch, I, 214.<br />
Sidi Ghranem, II, 72.<br />
Sidi Guerouf, I, 342 à 346, 505.<br />
Sidi el Habchi, I, 213, 234, 401,<br />
II, 18.<br />
410, 442, 475. —<br />
Sidi el Kebir, I, 106.<br />
Sidi Khalifa, I, 746. —<br />
99, 123, 124.<br />
Sidi Khalil, II, 17.<br />
II, 64, 90,<br />
Sidi Laribi, I, 246, 256, 288, 290,<br />
545, 558.<br />
Sidi Marouf, I, 556.<br />
Sidi Mohammed, I, 559.<br />
Sidi Nayssa, I, 315.<br />
Sidi Nouar, I, 465, 468, 497, 565.<br />
Sidi Rached, I, 745.<br />
/ Sidi Saadi, I, 325. —<br />
II, 57.<br />
Sidi Tamtam, II, 310, 371.<br />
Sidi Tulba, II, 424.<br />
Sidi Yacoub, I, 606, 629, 6,v2,<br />
667, 686, 750.<br />
Sidi Yahia, I, 235, 262.<br />
Sig (le), I, 74, 122, 246, 252, 262,<br />
310, 321, 322, 333 à 335, 341, 342,<br />
-<br />
425, 501. 502, 505, 554 à 556, 786.<br />
H, 2, 88, 100, 140, 149, 159, 362, 417,<br />
422 à 424, 427, 439, 581.<br />
Sikkak (la), II. 272, 367, 396, 552<br />
à 556, 559, 560, 588, 589.<br />
Sivry (de), I, 758. —<br />
II, 279.<br />
Skal (Si Hammadi el), I, 483.<br />
Smaï, II, 505.
Smélas, I, 37, 88, 93, 109, 110,<br />
114, 124, 136, 161, 167, 178 à 180,<br />
216, 250, 256, 272, 273, 277, 287, 289,<br />
290, 291, 355, 388, 409, 435, 501, 566,<br />
596. —<br />
II, 24, 40, 68, 383, 386, 415,<br />
426, 433, 438 à 440.<br />
Sol (chef d'escadron), I, 260,<br />
261, 267, 286, 398.<br />
Soliman (Hussein), II, 561.<br />
Soliman Ben Belcacem, 1, 441.<br />
Souari, I, 108.<br />
Souf el Tell, II, 417.<br />
Souk Ali, I, 558, 591, 627, 657. —<br />
II, 17, 338, 352, 354, 355, 405.<br />
Souk el Mitou, I, 569.<br />
Soulard (soldat), II, 328.<br />
Soult (maréchal), I, 5. —<br />
200, 251.<br />
Souma, II, 295.<br />
Soumam, I, 601,<br />
—<br />
II, 50.<br />
635 —<br />
II,<br />
Soumata, I, 35, 107, 187, 270,<br />
II, 100.<br />
602, 684, 708. —<br />
Spartel (le cap), II, 477<br />
Sphinx (Le), II, 60.<br />
Staouéli, I, 9, 745, 798.<br />
Stora, I, 704.<br />
379.<br />
—<br />
II, 5, 91, 109,<br />
Styx (Le), I, 214, 303, 305, 365,<br />
390, 398, 454, 705, 708, 709.<br />
Subervie (général), II, 116.<br />
Suffren (Le), II, 239, 257.<br />
Suisse, I, 562.<br />
Sultan (Salomon), II, 444.<br />
Sylphe (Le), I, 543.<br />
Tabarque, II, 78.<br />
Taboni, II, 50.<br />
Tafna (la), I, 260, 261, 265, 283,<br />
378. 398, 438, 457 à 459, 465, 466,<br />
468, 495, 497, 565, 578, 587, 590, 591,<br />
594, 598, 618, 642, 646, 651, 654, 667,<br />
669, 670, 673, 675, 685, 686, 691 à<br />
694, 698, 705, 706, 709 à 711, 713,<br />
715, 716, 723, 726, 727, 729, 737, 738,<br />
741, 742, 746, 750 751 754, 768, 769,<br />
772, —<br />
775, 778, 788, 789. II, 1, 2,<br />
12, 15, 22, 25, 41, 71, 73, 74, 97,<br />
112, 113, 140, 148, 207, 272, 378, 408,<br />
460, 401, 474, 475, 50.1 à 504, 506,<br />
507, 509, 511 à 514, 518, 521, 522,<br />
528 à 530, 533, 537, 539, 541 à 544,<br />
550, 552, 553, 555, 556, 558, 559, 567,<br />
568, 569, 578 à 580, 590.<br />
Tahar Kortan, I, 368.<br />
Taïeb Ben .Bedra, I, 107.<br />
Taïeb El Biaz, II, 174, 229, 484,<br />
486 à 492, 498.<br />
Tallah, I, 319, 494, 760.<br />
Tanger, I, 247, 587, 591, 592, 631,<br />
680. —<br />
II, 47, 175. 409, 461, 463,<br />
466, 468 à 471, 476 à 480, 482, 485,<br />
Voir Méchain, Maroc.<br />
491, 492. —<br />
— (Pacha de), II, 469, 472, 474<br />
à 476, 492.<br />
—<br />
Tarragone, I, 12, 13, 187.<br />
Tatareau (capitaine), I, 93, 337.<br />
Taza, II, 474.<br />
Telgat (le), I. 607<br />
Ténès (le cap), II, 367.<br />
Ténia. I, 167, ,201, 572, 581, 585.<br />
II, 26, 59, 113.<br />
Texier (lieutenant), II, 562.<br />
Tétouan, I, 193. —<br />
Théobald, I, 275, 314.<br />
II, 466.<br />
Thiébault (agent comptable),<br />
II, 317.<br />
Thiers, II, 99, 100, 202.<br />
Thomas (lieutenant), I, 432.<br />
Thorigny<br />
I, 530, 545. —<br />
(chef d'escadron de),<br />
II, 305.<br />
Titteri, I, 82, 136, 165, 170, 186,<br />
231, 242, 254, 255, 288, 307, 308, 503,<br />
510, 536, 568, 579, 592, 631, 659, 665,<br />
—<br />
666, 684, 706. II, 17,<br />
18,"<br />
23, 25,<br />
48,<br />
244.<br />
86, 98, 159, 186. 191, 198, 205,<br />
(Bey de). —<br />
—<br />
Voir Moham<br />
med Ben Hussein.
Tixador (lieutenant), I, 347.<br />
Tizi, I, 436. —<br />
II, 425.<br />
— 636<br />
Tlélat (le), I, 74, 215, 248, 304,<br />
306, 314, 331, 332, 334, 505, 548, 556.<br />
560. —<br />
II,, 71, 362, 417, 422, 423.<br />
Tlemcen, I, 25, 37, 83, 84, 92,<br />
109, 119, 122, 134, 161, 200, 216, 245,<br />
246, 250 à, 252, 255, 256, 260 à 262,<br />
264, 266, 267, 271, 284, 287, 289, 301,<br />
378, 379, 388, 398, 451, 456, 483, 484,<br />
495, 497, 501, 502, 513, 524, 525, 538,<br />
545, 565 567, 570, 578, 594, 595, 598<br />
604, 605, 609, 611, 615, 633, 638, 639,<br />
642, 654, 657 à 670, 691, 694, 706,<br />
709, 713, 714, 716, 727, 750, 767, 772,<br />
—<br />
775 778, 786 à 790. II, 1, 2, 12,<br />
22, 24, 25, 59, 71, 72, 98, 100, 101,<br />
108, 112, 113, 118, 140, 158, 160, 163,<br />
190, 206, 207, 215, 228, 229, 254, 255,<br />
272, 273, 283, 294, 336, 345, 351, 361,<br />
374, 377, 408, 417, 433, 434, 441, 442,<br />
448, 450 451, 458, 461, 462, 474, 491,<br />
501, 502, 513 à 515, 518, 526, 528 à<br />
533, 536 à 542, 544, 545, 546, 548,<br />
550, 552 à 555, 559, 560, 563, 564,<br />
566, 567, 578 à 580, 590.<br />
— (Expédition de), I, 119, 362,<br />
396, 399, 405 à 408, 412, 413, 416 à<br />
438, 457 à 464, 465 à 477, 488, 512,<br />
—<br />
513, 524, 525, 541, 760. II, 385.<br />
— (Contribution<br />
de), I, 470, 503,<br />
II, 101, 201.<br />
504, 529. —<br />
Tombeau de la Chrétienne, I.<br />
258.<br />
Toudja, I, 377, 689.<br />
Toulon, I, 51, 91, 111, 157, 202,<br />
264, 300, 309, 319, 404 452, 483, 487,<br />
490, 492, 527, 552, 573',. ' 593, 691 692,<br />
708, 725, 772. — 35 53 154,<br />
204, 210, 213, 214, 283, 341, 363, 465,<br />
470, 501 à 503, 507, 512.<br />
Tournemine (colonel de), II,<br />
302, 313, 557, 561.<br />
Tourville (capitaine de), II, 289.<br />
Traras, I, 633.<br />
563, 580.<br />
—<br />
II, 540, 559,<br />
Tréat, II, 335<br />
Tremblay (capitaine), II, 561.<br />
Trépin (brigadier), II, 561.<br />
Trévise (duc de), I, 15.<br />
Trézel (général), commandant<br />
supérieur à Bône, I, 17, 20, 26, 40,<br />
72, 74, 81, 101, 139, 179, 231 333,<br />
505, 778. —<br />
II, 61, 116, 186, 217,<br />
218, 231, 279, 302, 305, 307, 314, 326,<br />
379, 384, 385, 389, 392. 393, 404, 410,<br />
411, 460.<br />
Trézel (Mm°), II, 400.<br />
Tripoli, I 112, 124, 181, 368, 381,<br />
734.<br />
Triton (Le), I, 300.<br />
Tukkusch, I, 316.<br />
Tunis, I, 44, 75, 96, 109, 112, 116,<br />
120, 124, 135, 157, 170, 181 196, 220,<br />
276, 368, 439, 453, 485, 486', 500, 561,<br />
623, 657, 687, 688, 694, 718 à 720,<br />
—<br />
740, 760, 761, 769, 770. II, 32, 44,<br />
78, 98, 95. 106, 109, 111, 166, 241,<br />
245, 257, 263, 266, 270, 277, 282<br />
401, 410.<br />
332,<br />
—<br />
Pacha.<br />
(Bey de). —<br />
V.<br />
Mustapha<br />
Turcs, I, 22, 29, 61, 92, 110, 113,<br />
123, 124, 125, 128, 158, 159, 165 167,<br />
181,<br />
153.<br />
182, 184, 495. —<br />
II, 152,<br />
Turquie, I, 405, 406, 439.<br />
Urtin (chef de bataillon), I, 656.<br />
Uzer (général d'), commandant<br />
supérieur à Bône, I, 34, 44 138,<br />
219, 253, 315, 317, 384 480, 481, 521,<br />
II, 78, 106<br />
522, 530. —<br />
Vachon (soldat), II, 561.<br />
Valled, I, 731.<br />
Varsovie, II, 301.<br />
Vasnier (chef de bataillon), I,<br />
715.<br />
Vauthier (soldat), II 562.
Ventre, II, 467.<br />
Verberle (capitaine), II, 562.<br />
— 637<br />
Vergé (lieutenant), I, 411, 707,<br />
708.<br />
Vernon (sous-lieutenant de) I,<br />
373.<br />
Vial (lieutenant), II, 562.<br />
Vialar (de), colon, I, 411, 412,<br />
717.<br />
Vice-Consul de Naples a Bône,<br />
I, 657.<br />
Vidal, I, 679, 680.<br />
Vidille (maréchal des logis), II,<br />
561.<br />
Vigarosy, I, 758.<br />
Ville-de-Marseille (La), I, 228,<br />
300, 305, 593. —<br />
II, 505.<br />
Villiers (lieutenant de) I, 347,<br />
432, 760. —<br />
II, 120, 561,<br />
Villiers (capitaine), II, 325.<br />
Voirol (général), I, 130.<br />
W<br />
Wilzlivia (comte), II, 111.<br />
Yusuf-Bey, I, 147, 316, 320, 387,<br />
409, 419, 431 à 433, 460, 461, 468,<br />
508, 509, 531, 532, 534, 561, 562, 573,<br />
575 à 577, 588, 600, 623, 624, 627,<br />
628, 635, 641, 662 à 664, 687, 688,<br />
694, 718, 719, 734 à 736, 759, 760 à<br />
762, 769, 774, 777, 793, 794, 796. —<br />
II, 5, 6, 13, 14, 16, 28, 29, 45, 66,<br />
67, 79, 102, 103, 109, 118, 119, 131,<br />
133, 135 à 137, 152 à 154, 159, 186,<br />
204, 212, 219, 220, 223 à 225, 234<br />
236, 238, 244, 245, 263, 267 à 269,<br />
274, 278, 279, 319, 321, 322, 324, 329'<br />
331, 333, 335, 346, 348 349, 379, 389,<br />
392.<br />
Zanlaville (soldat), II, 562.<br />
Zaragoza (capitaine), II, 317.<br />
Zeithoun, I, 371.<br />
Zerouala, I, 478, 479.<br />
Ziar (rsraël), II, 444.<br />
Zizlin, II, 562.<br />
Zoumilly, II, 17.<br />
Zouaouas, I, 167, 219, 231.<br />
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