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ITAR-TASS<br />
26 Courrier international | n° 1071| du 12 au 18 mai 2011<br />
Europe<br />
Russie<br />
Un parti pour Medvedev, un autre pour Poutine<br />
Les élections législatives<br />
de décembre 2011 pourrai<strong>en</strong>t<br />
servir de “primaires”, afin<br />
de désigner qui, du présid<strong>en</strong>t<br />
sortant ou du Premier ministre,<br />
sera le candidat du pouvoir<br />
à la présid<strong>en</strong>tielle de 2012.<br />
Itogui Moscou<br />
D<br />
ans le monde actuel, quand on est<br />
faible, il se trouve toujours quelqu’un<br />
pour vouloir vous dicter votre<br />
politique”, a mis <strong>en</strong> garde le Premier mi -<br />
nistre Vladimir Poutine <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tant à la<br />
Douma son rapport sur l’activité du gouvernem<strong>en</strong>t<br />
[le 20 avril]. Les observateurs<br />
avertis n’ont pas manqué d’y voir un appel<br />
à se rassembler autour du parti du régime<br />
[Russie unie], puisque seule l’union ferait<br />
la force. Mais le pouvoir a-t-il l’int<strong>en</strong>tion<br />
de déf<strong>en</strong>dre à tout prix le monopole de<br />
Russie unie ? Ce parti est-il capable de<br />
déf<strong>en</strong>dre à lui seul les positions du pouvoir,<br />
de réunir et d’ét<strong>en</strong>dre ce qui a été autrefois<br />
la “majorité électorale” de Poutine ?<br />
Ce n’est pas sûr. A l’approche des élections<br />
législatives de décembre, le pays devrait<br />
voir apparaître un nouveau tandem, composé<br />
cette fois de deux partis politiques.<br />
L’un des derniers sondages de l’institut<br />
Obchtchestv<strong>en</strong>noïé mn<strong>en</strong>ié [Opinion<br />
publique] montre une baisse de la popularité<br />
du pouvoir dans son <strong>en</strong>semble et de<br />
chacune de ses composantes <strong>en</strong> particulier.<br />
Depuis janvier 2010, la cote de popularité<br />
du présid<strong>en</strong>t Medvedev est passée de<br />
62 % à 46 %, et celle du Premier ministre<br />
de 69 % à 53 %. La confiance <strong>en</strong>vers Russie<br />
unie n’a jamais été aussi réduite, avec seulem<strong>en</strong>t<br />
44 % d’opinions favorables ; 38 %<br />
des personnes interrogées ne font pas<br />
confiance au pouvoir, contre 29 % <strong>en</strong> janvier<br />
2010. Cette fois, le pouvoir démarre<br />
d’assez bas sa conquête électorale.<br />
Le principal coup de fouet de la campagne<br />
de Russie unie devrait être la décision<br />
de Vladimir Poutine de figurer <strong>en</strong> tête de<br />
liste. Selon Dmitri Orlov, directeur de<br />
l’Ag<strong>en</strong>ce des communications politiques<br />
et économiques, “le parti devrait remporter<br />
la majorité des sièges de députés, mais sans<br />
atteindre la majorité qualifiée”. Donc, si Poutine<br />
veut conserver le contrôle dont il dispose<br />
aujourd’hui sur le Parlem<strong>en</strong>t, il lui<br />
faudra modifier les schémas politiques<br />
existants. Il n’a dès lors d’autre solution<br />
que de constituer un tandem avec le<br />
deuxième parti du pouvoir, qui pourrait<br />
être retaillé sur mesure pour Dmitri Medvedev.<br />
Le seul parti susceptible de jouer ce<br />
rôle serait Spravedlivaïa Rossia [Russie<br />
juste], à la condition qu’il opère un changem<strong>en</strong>t<br />
de style, et pas uniquem<strong>en</strong>t de responsables.<br />
Créé par le Kremlin comme<br />
contrepoids au Parti communiste, Russie<br />
juste était c<strong>en</strong>sé cont<strong>en</strong>ir le PC sur le flanc<br />
gauche. Or Russie juste s’est tellem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong><br />
adapté à son rôle de parti d’opposition qu’il<br />
a fini par tomber à bras raccourcis sur<br />
Russie unie, dont il devait pourtant être un<br />
allié, et par lui pr<strong>en</strong>dre des voix.<br />
Capitalisme et redistribution<br />
D’après Valéri Fiodorov, qui dirige l’Institut<br />
d’étude de l’opinion publique, tout cela<br />
devrait r<strong>en</strong>trer dans l’ordre assez vite. Plusieurs<br />
gestes vont déjà dans ce s<strong>en</strong>s. Ainsi,<br />
Sergueï Mironov, le présid<strong>en</strong>t du Conseil<br />
de la Fédération [Sénat], a quitté la tête de<br />
Russie juste, ce qui ressemble à un premier<br />
pas vers une réconciliation. Le parti devrait<br />
<strong>en</strong>suite connaître un reformatage idéologique,<br />
avec moins de populisme de gauche<br />
et plus d’idées libérales, afin de contrebalancer<br />
le conservatisme de Russie unie.<br />
Russie juste va aussi devoir se trouver<br />
un nouveau visage, qui pourrait être, même<br />
si ce n’est que de manière formelle, celui<br />
du présid<strong>en</strong>t Medvedev. Le parti y gagnerait<br />
des voix et Medvedev hériterait d’un<br />
parti déjà constitué et implanté à travers<br />
tout le pays. S’y ajouterait la garantie d’être<br />
représ<strong>en</strong>té à la Douma. Au sein du tandem<br />
[qu’il forme avec Vladimir Poutine], cela<br />
Zoom<br />
L’ ”Obama russe“ tourne le dos à Poutine<br />
Cet agriculteur de la région de<br />
Volgograd, originaire de Guinée-Bissau,<br />
est le seul citoy<strong>en</strong> russe à la peau noire<br />
à avoir jamais t<strong>en</strong>té de se faire é<strong>lire</strong>,<br />
<strong>en</strong> se prés<strong>en</strong>tant sur la liste du parti<br />
de Vladimir Poutine, Russie unie,<br />
aux élections locales, fin 2009.<br />
Joachim Krima, 38 ans, plus connu<br />
dans son village sous le nom de Vassili<br />
Ivanovitch, n’a pas été élu, mais ses<br />
idées progressistes et la couleur de<br />
sa peau l’ont r<strong>en</strong>du célèbre dans<br />
tout le pays. Le Premier ministre<br />
<strong>en</strong> personne l’a félicité l’an<br />
dernier pour son s<strong>en</strong>s de l’initiative.<br />
Le producteur de pastèques avait<br />
<strong>en</strong>trepris de rénover lui-même une<br />
route de son village. Au début du mois,<br />
celui qu’on a surnommé<br />
“l’Obama de Volgograd” a fait<br />
parler de lui <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dant sa<br />
carte de membre de Russie<br />
unie et <strong>en</strong> publiant une lettre<br />
ouverte au Premier ministre<br />
dans laquelle il accuse<br />
le parti du pouvoir d’être<br />
“un frein à la démocratisation<br />
du pays”. Il a raconté à la<br />
Dessin de Belortaja, Albanie.<br />
le r<strong>en</strong>drait plus serein quant à l’exam<strong>en</strong> de<br />
la question de la candidature à la présid<strong>en</strong>tielle<br />
[de mars 2012].<br />
Pour le pouvoir lui-même, un tandem<br />
composé de deux partis est de toute façon<br />
nécessaire car, si Russie unie ne parvi<strong>en</strong>t<br />
Nezavissimaïa Gazeta comm<strong>en</strong>t,<br />
à la fin du torride été 2010, il avait voulu<br />
<strong>en</strong>voyer de l’aide humanitaire, sous<br />
forme de 20 tonnes de pastèques, aux<br />
personnes frappées par les inc<strong>en</strong>dies<br />
de forêt et demandé pour les expédier<br />
l’aide de la section régionale de Russie<br />
unie. Il s’est alors heurté “à un mur<br />
d’incompréh<strong>en</strong>sion”. Les pastèques<br />
ont tout simplem<strong>en</strong>t pourri sur place.<br />
Joaquim Krima, qui croit <strong>en</strong> la politique<br />
de modernisation du présid<strong>en</strong>t<br />
Medvedev, a annoncé son’int<strong>en</strong>tion<br />
d’adhérer au parti Russie juste.<br />
pas à atteindre la majorité qualifiée<br />
<strong>en</strong> décembre, l’“actionnaire<br />
minoritaire” vi<strong>en</strong>dra<br />
l’épauler. La plate-forme idéologique<br />
du système à deux partis est<br />
déjà prête. Dans son rapport à la<br />
Douma, Vladimir Poutine a clairem<strong>en</strong>t<br />
indiqué la vision que partag<strong>en</strong>t<br />
le gouvernem<strong>en</strong>t et la majorité parlem<strong>en</strong>taire<br />
actuelle. Comme le dit le<br />
politologue Gleb Pavlovski, il s’agit<br />
d’un “capitalisme d’Etat associé à un<br />
bloc social et distributif fort”.<br />
La réaction du Kremlin ne s’est pas<br />
fait att<strong>en</strong>dre. Arkadi Dvorkovitch,<br />
conseiller du présid<strong>en</strong>t, a immédiatem<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>tamé une polémique<br />
avec Vladimir Poutine.<br />
Pour lui, la modernisation<br />
[cheval de bataille de Medvedev]<br />
de l’économie ne doit pas être<br />
considérée comme une l<strong>en</strong>te évolution<br />
graduelle, mais comme une<br />
ré forme de toutes les institutions.<br />
Le conseiller a toutefois ajouté que<br />
le Kremlin et le gouvernem<strong>en</strong>t<br />
n’avai<strong>en</strong>t pas de désaccords majeurs<br />
sur les objectifs globaux de développem<strong>en</strong>t<br />
du pays. A partir de là, il devi<strong>en</strong>t crédible<br />
de constituer deux forces politiques<br />
qui ne se nuirai<strong>en</strong>t pas trop mutuellem<strong>en</strong>t,<br />
tout <strong>en</strong> apparaissant distinctes aux yeux<br />
des électeurs. Il suffit de convaincre les<br />
électeurs qu’il ne s’agit pas d’un “partage<br />
arrangé” supplém<strong>en</strong>taire, et que deux<br />
conceptions différ<strong>en</strong>tes du développem<strong>en</strong>t<br />
du pays seront bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>tes au<br />
pouvoir. Ce faisant, il faudra éviter de<br />
pousser jusqu’à un véritable divorce au<br />
sein de l’élite dirigeante.<br />
Deux modèles, une stratégie<br />
Vladislav Inozemtsev, directeur du C<strong>en</strong>tre<br />
d’étude de la société postindustrielle, est<br />
persuadé que “la politique de Poutine vise à<br />
faire perdurer le système de gouvernem<strong>en</strong>t du<br />
pays et sa structure économique”. Gleb Pavlovski<br />
p<strong>en</strong>se que le talon d’Achille de Medvedev<br />
se trouve dans sa conception de la<br />
modernisation, qui n’a pas conquis les<br />
esprits des catégories dép<strong>en</strong>dantes de<br />
l’Etat. “Il faut rassurer ceux qui craign<strong>en</strong>t de<br />
perdre leurs acquis sociaux à cause d’une<br />
modernisation dont ils ne voi<strong>en</strong>t pas bi<strong>en</strong> ce<br />
qu’elle signifie.”<br />
L’interdép<strong>en</strong>dance de ces deux stratégies<br />
contribuerait à préserver le tandem de<br />
tout éclatem<strong>en</strong>t. “Chacun des deux alliés,<br />
poursuit Gleb Pavlovski, devra protéger les<br />
intérêts de l’autre et surtout les intérêts des<br />
groupes sociaux qui les suiv<strong>en</strong>t.” Dans ce<br />
contexte, les électeurs vont participer au<br />
casting des modèles de développem<strong>en</strong>t du<br />
pays, des partis qui les port<strong>en</strong>t et donc de<br />
leurs chefs pot<strong>en</strong>tiels qui aspir<strong>en</strong>t au<br />
fauteuil de présid<strong>en</strong>t. L’un des deux aura<br />
forcém<strong>en</strong>t la préfér<strong>en</strong>ce des électeurs.<br />
Alexandre Tchoudodeev