COUR D'APPEL DE VERSAILLES 12ème chambre ... - DLA Piper
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<strong>12ème</strong> <strong>chambre</strong> section 2<br />
A.M./P.G.<br />
ARRET N° Code nac : 39H<br />
contradictoire<br />
DU 22 JANVIER 2009<br />
R.G. N° 07/06119<br />
AFFAIRE :<br />
<strong>COUR</strong> <strong>D'APPEL</strong><br />
<strong>DE</strong><br />
<strong>VERSAILLES</strong><br />
Société PRICEMINISTER exerçant sous l'enseigne BABELSTORE<br />
C/<br />
S.A. BRANDALLEY<br />
...<br />
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juin 2007 par le Tribunal de Commerce de<br />
NANTERRE<br />
N° Chambre : 6<br />
N° Section :<br />
N° RG : 2007F475<br />
Expéditions exécutoires<br />
Expéditions<br />
délivrées le :<br />
à :<br />
SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER<br />
SCP TUSET-CHOUTEAU (2)<br />
E.D.<br />
REPUBLIQUE FRANCAISE<br />
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS<br />
1
LE VINGT <strong>DE</strong>UX JANVIER <strong>DE</strong>UX MILLE NEUF,<br />
La cour d'appel de <strong>VERSAILLES</strong>, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :<br />
Société PRICEMINISTER exerçant sous l'enseigne BABELSTORE<br />
ayant son siège 57 Bld de la Villette 75010 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses<br />
représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.<br />
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - N° du dossier<br />
20071013<br />
Rep/assistant : Me Marc D'HAULTFOEUILLE, avocat au barreau de PARIS (K.112).<br />
APPELANTE<br />
****************<br />
S.A. BRANDALLEY ayant son siège 131 avenue Charles de Gaulle 92200 NEUILLY SUR SEINE,<br />
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.<br />
représentée par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués - N° du dossier 20070694<br />
Rep/assistant : Me Didier LOISEAU, avocat au barreau de PARIS (K.103).<br />
Monsieur Sven LUNG demeurant 28 rue de Pontoise 95600 CHAMPAGNE SUR OISE.<br />
représenté par la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués - N° du dossier 20070672<br />
Rep/assistant : Me Mathieu ANDRE-SIMONET, avocat au barreau de PARIS (D.50).<br />
INTIMES<br />
****************<br />
Composition de la cour :<br />
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à<br />
l'audience publique du 27 Novembre 2008 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant<br />
Monsieur Albert MARON, Président chargé du rapport.<br />
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :<br />
Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur)<br />
Monsieur Denis COUPIN, conseiller,<br />
Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller,<br />
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,<br />
FAITS ET PROCEDURE :<br />
2
La société BABELSTORE, créée en septembre 2000, exploite un site internet intitulé<br />
PRICEMINISTER (www.priceminister.com), dont l'objet est de proposer un service d'intermédiation<br />
mettant en relation, par le biais d'internet, des acheteurs et des vendeurs (professionnels et<br />
particuliers) souhaitant effectuer des opérations d'achat/vente de divers produits, notamment de<br />
produits de grandes marques.<br />
Sven LUNG a participé à la création de la société BABELSTORE et en a été l'un des<br />
administrateurs, avant de la quitter pour créer, en mai 2005, une autre société, BRANDALLEY, dont<br />
l'activité est concurrente de celle de BABELSTORE, dont il est président du directoire.<br />
Cette société exploite un site internet éponyme (www.brandalley.fr) proposant 'la vente de produits<br />
de grandes marques sélectives à prix discount sur internet'.<br />
A compter du 14 octobre 2006, BABELSTORE a constaté que, sur quatre sites ou forums de<br />
discussions très connus des acteurs du commerce électronique : 01Net, PcImpact, BonWeb et le blog<br />
de D. Broche des internautes se présentaient comme des acheteurs victimes d'actes de contrefaçon<br />
après avoir utilisé les services de PRICEMINISTER.<br />
Ces messages étaient également retransmis par courrier électronique à des journalistes ou fédérations<br />
professionnelles de l'industrie du luxe et étaient accessibles via des moteurs de recherche tels que<br />
GOOGLE, en tapant des mots clés tels que DIOR ou VUITTON.<br />
Ainsi, un mail a été adressé le 16 octobre 2006, depuis l'adresse 'NatalieFremont22@yahoo.com' aux<br />
responsables de l'Union des Fabricants ('UNIFAB') qui est une fédération de professionnels (tels que<br />
LVMH ou Louis Vuitton Malletier) organisés pour lutter contre la contrefaçon. L'UNIFAB mène des<br />
actions de sensibilisation des pouvoirs publics et de communication vers le grand public notamment<br />
par le biais de son site www.UNIFAB.com.<br />
Après vérification par rapprochement des pseudonymes utilisés avec son fichier client,<br />
BABELSTORE constatait qu'aucun produit VUITTON ou DIOR n'avait été acquis par des personnes<br />
homonymes et estimait qu'en conséquence ces messages étaient douteux.<br />
Elle faisait dès lors constater l'existence de ces messages par acte d'huissier en date du 26 octobre<br />
2006 puis sollicitait, par requête, la désignation d'un huissier afin de collecter les informations<br />
nécessaires à l'identification de leurs auteurs/émetteurs.<br />
Par courrier en date du 21 novembre 2006, Orange (anciennement Wanadoo) indiquait à Maître<br />
ADAM que le titulaire de l'adresse IP d'où avaient été envoyés les messages litigieux, était déclaré<br />
auprès de ses services sous les coordonnées suivantes : 'sven LUNG ' 28 rue de Pontoise ' 95560<br />
Champagne sur Oise, E-mail : sven.lung@wanadoo.fr'<br />
BABELSTORE découvrait ensuite qu'en octobre 2006, Sven LUNG avait adressé un message<br />
électronique, dénonçant explicitement la vente de produits Vuitton et Dior contrefaits sur le site<br />
3
Priceminister.com, à la rédaction de la revue NetEconomie.com (devenue aujourd'hui NetEco.com).<br />
Ce message avait été émis à partir de son adresse de courrier électronique professionnelle<br />
('sven@brandalley.com') et comportait sa signature professionnelle ('Sven LUNG, BrandAlley SA').<br />
Le contenu de ce mail avait donné lieu à un article signé de Jérôme Bouteiller et intitulé 'BrandAlley:<br />
dénonciation pour lutter contre la contrefaçon '' ou 'BrandAlley.com victime de contrefaçon '' diffusé<br />
sur le site www.NetEconomie.com.<br />
BABELSTORE saisissait alors, les 11 et 18 décembre 2006, le juge des référés du tribunal de<br />
commerce de Nanterre de demandes tendant à ce qu'il soit ordonné tant à BRANDALLEY qu'à Sven<br />
LUNG de retirer ou faire retirer à leurs frais les messages incriminés des sites internet concernés<br />
ainsi que de les faire déréférencer de tous moteurs de recherche qui permettrait d'y accéder.<br />
Par ordonnance en date du 02 mars 2007, ce magistrat faisait droit à cette demande.<br />
Parallèlement, BABELSTORE saisissait le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir<br />
condamnation solidaire de la société BRANDALLEY et de Sven LUNG à lui payer une somme d'un<br />
euro de dommages et intérêts pour les actes de concurrence déloyale et parasitaire ainsi commis et la<br />
publication du jugement à intervenir dans 5 journaux et/ou sites internet aux frais de<br />
BRANDALLEY, ainsi que sur la page d'accueil du site internet de BRANDALLEY.<br />
Par jugement déféré, en date du 06 juin 2007, cette juridiction a partiellement fait droit aux<br />
demandes de BABELSTORE en jugeant que Sven LUNG avait commis des actes de concurrence<br />
déloyale à l'encontre de BABELSTORE et en le condamnant à payer à cette dernière la somme de 1<br />
euro de dommages et intérêts.<br />
Le Tribunal a en revanche considéré que les demandes de BABELSTORE à l'égard de<br />
BRANDALLEY étaient irrecevables, et n'a pas statué sur la demande de publication formée par<br />
BABELSTORE.<br />
Au soutien de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision, BABELSTORE fait valoir<br />
liminairement que les messages qu'elle reproche à Sven LUNG d'avoir diffusé, ne présentent,<br />
contrairement à ce que ce dernier fait valoir, pas le caractère de messages diffamatoires au sens de<br />
l'article 29 de la loi de 1881.<br />
Des allégations ou appréciations touchant les produits, les services ou les prestations d'une entreprise<br />
n'entrent pas en effet dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 puisqu'elles ne<br />
concernent pas une personne physique ou morale. Tel est le cas en l'espèce puisque les messages<br />
cités ci-dessus ne visent pas la société BABELSTORE mais le site internet proposé par celle-ci sous<br />
la dénomination PRICEMINISTER.<br />
Les imputations critiquées la visent d'autant moins que le site 'PRICEMINISTER' est un site<br />
d'intermédiation mettant en relation acheteurs et vendeurs et que l'imputation de mise en vente de<br />
produits contrefaits ne visait par conséquent que les internautes vendeurs et non BABELSTORE.<br />
4
C'est non une action en diffamation mais bel et bien une action en dénigrement qui lui était ouverte.<br />
BABELSTORE souligne ensuite que les actes de dénigrements reprochés sont en effet incontestables<br />
et visaient clairement à porter atteinte à PRICEMINISTER et ils ont été diffusés à partir de la<br />
connexion Internet (adresse IP) personnelle de Sven LUNG, et pour certains en ayant recours à son<br />
adresse de courrier électronique professionnelle.<br />
Sven LUNG n'a par ailleurs pas pu agir 'par maladresse' comme il le prétend. Bien au contraire, il<br />
savait pertinemment, en diffusant ses messages, comment ceux-ci seraient relayés et transmis de sites<br />
internet en sites internet et quels préjudices ils causeraient à PRICEMINISTER.<br />
Quant à sa prétendue bonne foi, l'usage délibéré de fausses identités d'hommes et de femmes<br />
alléguant de leur qualité (mensongère) de cyber-acheteurs prétendument indignés à la suite d'achats<br />
sur le site internet PRICEMINISTER la dément.<br />
De plus, Sven LUNG : 'connaissait parfaitement BABELSTORE dont il fut l'administrateur' et était<br />
parfaitement à même d'appréhender et de mesurer le dommage qu'il causait.<br />
Dès lors, BABELSTORE demande confirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré que la<br />
diffusion des messages dénoncés constituait un acte de concurrence déloyale à son égard.<br />
Sur la responsabilité de BRANDALLEY, BABELSTORE fait valoir que cette société est engagée<br />
par les agissements de son représentant légal et il existe une présomption de responsabilité pour la<br />
société dont le dirigeant s'est adonné à des actes de concurrence déloyale, notamment par voie de<br />
dénigrement. Elle doit alors être condamnée solidairement avec celui-ci pour avoir participé aux<br />
actes de concurrence déloyale commis par ce dernier, sans qu'il soit nécessaire de démontrer des<br />
agissements personnels distincts de ceux du dirigeant.<br />
Le prétendu fait que Sven LUNG aurait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions<br />
(de telles fautes étant au demeurant exceptionnelles) n'est pas de nature à exclure la responsabilité de<br />
BRANDALLEY du fait des actes de son dirigeant, laquelle reste entière. Il est simplement de nature<br />
à justifier la condamnation in solidum de Sven LUNG.<br />
Celui-ci au demeurant n'a pas agi en dehors de la sphère de ses fonctions professionnelles.<br />
Les termes utilisés dans le courrier électronique adressé le 14 octobre 2006 par Monsieur LUNG à la<br />
rédaction de NetEconomie depuis son adresse de courrier électronique professionnelle<br />
('sven@brandalley.com') et sous sa signature professionnelle ('Sven LUNG, BrandAlley SA') lèvent<br />
toute ambiguïté à cet égard.<br />
Il a notamment été jugé que des actes de concurrence déloyale commis par le gérant d'une personne<br />
morale ne constituaient pas une 'faute séparable' (Cass. com., 17 déc. 2002, pourvoi n° 00-13.484).<br />
5
Enfin, la charge de la preuve du caractère détachable de la faute incombe à la société qui ne veut pas<br />
voir sa responsabilité engagée par le comportement préjudiciable de son représentant. En l'espèce, la<br />
charge de la preuve incombe donc à Brandalley.<br />
Les messages dénigrants diffusés à l'initiative de Sven LUNG étaient fortement préjudiciables à<br />
PRICEMINISTER puisqu'ils laissaient entendre que des produits contrefaisants étaient vendus sur ce<br />
site et que rien n'était fait pour lutter contre ce type d'agissements.<br />
Le dommage qu'ils ont provoqué a été d'autant plus important qu'ils ont été publiés sur plusieurs sites<br />
Internet ou blogs connus des professionnels du commerce électronique ou des consommateurs,<br />
adressés à des journalistes ou des fédérations professionnelles puis relayés par des moteurs de<br />
recherche.<br />
Il faut souligner que l'envoi à l'UNIFAB d'un message visant des produits contrefaits DIOR et<br />
VUITTON avait manifestement pour but non seulement de porter atteinte à la notoriété de<br />
PRICEMINISTER, mais surtout de susciter une réaction immédiate du groupe LVMH,<br />
particulièrement actif dans la lutte contre la contrefaçon. Cette intention de nuire est d'autant plus<br />
manifeste que le message a été envoyé peu de temps après que LVMH ait annoncé dans la presse<br />
nationale qu'il engageait une action judiciaire à l'encontre de 'eBay' pour vente de produits contrefaits<br />
DIOR et VUITTON.<br />
Une simple requête sur GOOGLE avec des mots clés simples (DIOR, VUITTON,<br />
PRICEMINISTER) permettait d'avoir accès à ces messages qui ont ainsi pu être lus par des centaines<br />
d'internautes.<br />
Ainsi, du fait de l'ampleur de la diffusion des messages dénigrants, l'attribution de dommages et<br />
intérêts ne peut compenser l'atteinte portée à l'image du site PRICEMINISTER dans l'esprit des<br />
internautes, atteinte qui se poursuit toujours puisque certains articles faisant état de cette affaire sont<br />
toujours susceptibles d'être trouvés sur internet. C'est pourquoi BABELSTORE demande que la cour<br />
ordonne la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir dans trois journaux et l'affichage de celui-ci<br />
sur la page d'accueil des sites internet 'www.01net.com' ; 'www.journaldunet.com' ainsi que sur<br />
celle des sites internet 'www.BrandAlley.fr' et 'www.BrandAlley.com' aux frais de BRANDALLEY<br />
et de Sven LUNG solidairement, dans un encart situé au-dessus de la ligne de flottaison, avec un<br />
fond blanc et un texte de couleur noire, de police de caractère Time New Roman et une taille de<br />
caractère égale à 12 et ce pendant une période ininterrompue de 3 mois, sous astreinte de 500 par<br />
jour et par infraction constatée consistant en la suppression de cet affichage.<br />
Elle demande enfin la condamnation solidaire de BRANDALLEY et de Sven LUNG à lui payer la<br />
somme de 15.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.<br />
BRANDALLEY demande à titre principal confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé<br />
irrecevables les demandes de Babelstore à son encontre.<br />
6
Lorsqu'une action est engagée contre une personne morale, il faut que celle-ci ait pris part aux<br />
agissements fautifs et une action judiciaire peut être engagée à l'égard du dirigeant indépendamment<br />
de la société.<br />
La responsabilité personnelle d'un dirigeant est seule engagée à l'égard d'un tiers s'il est démontré à<br />
sa charge une faute personnelle séparable de ses fonctions de gestion à l'origine du dommage dont le<br />
tiers demande réparation et qui lui soit imputable personnellement. Il en est ainsi lorsqu'il commet<br />
intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses<br />
fonctions sociales.<br />
Ainsi, le dirigeant qui a participé de façon active et personnelle à des actes de concurrence déloyale<br />
dont il a lui-même revendiqué la qualité d'initiateur engage ainsi sa responsabilité civile. Il en est<br />
ainsi alors même que le dirigeant a agi dans l'intérêt de la société et non pas dans son intérêt<br />
personnel.<br />
En l'espèce, les fautes commises et le mode opératoire de ces fautes excluent l'exercice normal des<br />
fonctions.<br />
Les agissements incriminés n'ont pas été effectués par Sven Lung dans l'exercice de ses fonctions<br />
mais à travers des adresses électroniques privées, à partir de son domicile et on ne saurait retenir<br />
comme griefs contre BRANDALLEY d'avoir fait paraître un article dans la presse où il est<br />
mentionné qu'elle a décidé de réagir contre le problème grandissant de la contrefaçon.<br />
De plus, dans cet article, Sven LUNG a immédiatement réfuté avoir envoyé un mail à cet effet. Ce<br />
prétendu courriel professionnel serait le seul mettant en cause BRANDALLEY.<br />
N'étant pas responsable des agissements de concurrence déloyale reprochés, il serait anormal qu'une<br />
campagne de publication la concernant directement ou indirectement soit décidée, cela n'ayant que<br />
pour volonté et conséquence de l'affaiblir et de sanctionner son image de marque. Aussi<br />
s'oppose-t-elle aux mesures de publication demandées.<br />
Elle souligne au surplus qu'en l'espèce, le préjudice d'image de BABELSTORE n'est pas démontré.<br />
Depuis ces incidents, cette société a procédé à des levées de fonds, elle n'a pas connu de baisse de<br />
valorisation ou de chiffres d'affaires démontrées.<br />
Elle demande condamnation de BABELSTORE à lui payer la somme de 5.000 au titre de l'article<br />
700 du code de procédure civile.<br />
Sven LUNG invoque en premier lieu l'applicabilité en l'espèce de la loi du 29 juillet 1881.<br />
BABELSTORE qualifie elle-même les actes qu'elle lui reproche de diffamatoires. Dès lors, les<br />
dispositions de l'article 1382 du code civil ne sont pas applicables. L'assignation qui a été délivrée<br />
aurait dû respecter les prescriptions de la loi du 29 juillet 1881. Faute de le faire, les demandes de<br />
7
BABELSTORE sont irrecevables.<br />
En toute hypothèse, l'assignation délivrée le 22 janvier 2007 pour des faits postés le 14 octobre 2006<br />
faisait état de faits qui, sous l'empire de cette loi, eussent été prescrits, le délai de trois mois étant<br />
expiré.<br />
Subsidiairement, la maladresse qui lui est reprochée n'est pas constitutive d'un acte de concurrence<br />
déloyale et, en tout état de cause, le préjudice n'est pas prouvé, BABELSTORE ne s'étant jamais<br />
aussi bien portée. En toute hypothèse, les mesures de publication demandées ne sauraient être<br />
prononcées car elles constitueraient une contre-publicité au site dirigé par Sven LUNG.<br />
Enfin, celui-ci demande condamnation de BABELSTORE à lui payer 7.000 sur le fondement de<br />
l'article 700 du code de procédure civile.<br />
SUR CE LA <strong>COUR</strong><br />
Attendu que les abus de la liberté d'expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne<br />
peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'il appartient<br />
aux juges de restituer aux faits leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les<br />
parties en auraient proposée ;<br />
Attendu que selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute allégation ou imputation d'un fait qui<br />
porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ce fait est imputé est une<br />
diffamation ;<br />
Attendu qu'il est démontré, et non contesté, que Sven LUNG, président du directoire de la société<br />
BRANDALLEY a diffusé sur internet, sous des pseudonymes, les messages suivants :<br />
«Je voulais savoir comment nous défendre contre les abus des vendeurs sur INTERNET. En effet, j'ai<br />
commandé des produits chez PRICEMINISTER et il y a des faux dans les annonces, les produits reçu<br />
(sic) étaient contrefaits. C'était des produits VUITTON et des sacs DIOR, mais il (sic) étaient FAUX.<br />
C'est une honte, comment faire ' » et « Attention j'ai acheté du faux DIOR et du faux VUITTON chez<br />
PRICEMINISTER, j'ai porté plainte pour contrefaçon à la DGCCRF. Comment faire pour que je<br />
puisse me faire rembourser, je suis folle furieuse. Je veux le faire savoir auprès de toute la<br />
communauté. N'achetez plus chez PRICEMINISTER, c'est une ARNAQUE » ;<br />
Attendu que si que les appréciations excessives, touchant les produits, les services ou les prestations<br />
d'une entreprise commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet<br />
1881 dès lors qu'elles ne concernent pas la personne physique ou morale, il en est différemment<br />
lorsque les services d'une entreprise commerciale font l'objet non d'appréciations excessives, mais<br />
d'allégations mensongères diffusées dans le but de jeter le discrédit sur cette entreprise ;<br />
Attendu qu'en l'espèce les messages reprochés faisaient état de faits mensongers ; qu'ils insinuaient,<br />
8
pour le premier reproduit ci-dessus, ou explicitait, pour le second, que la société BABELSTORE,<br />
gérant le site PRICEMINISTER, ne prenait aucune mesure pour éviter la vente, par son<br />
intermédiaire, de produits contrefaits et que, par ailleurs, elle ne faisait rien non plus pour que<br />
puissent être dédommagés les consommateurs qui avaient été victimes de vente de tels produits<br />
effectuées par la mise en relation qu'elle propose aux vendeurs et aux acheteurs ;<br />
Attendu qu'aucune des prescriptions exigées, à peine de nullité des poursuites, tant pénales que<br />
civiles, notamment par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 n'a été respectée dans la présente<br />
instance ; que par ailleurs, les dispositions de l'article 1382 du code civil ne sauraient recevoir<br />
application, s'agissant de faits diffamatoires ;<br />
Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu de dire BABELSTORE irrecevable en ses demandes en<br />
concurrence déloyale, fondées sur l'article 1382 du code civil, tant en ce qu'elles sont dirigées à<br />
l'encontre de Sven LUNG qu'à l'encontre de BRANDALLEY ;<br />
Attendu que l'équité s'oppose à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure<br />
civile ;<br />
PAR CES MOTIFS<br />
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,<br />
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,<br />
Dit BABELSTORE irrecevable en ses demandes,<br />
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,<br />
Condamne BABELSTORE aux dépens,<br />
Admet la SCP TUSET-CHOUTEAU, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code<br />
de procédure civile.<br />
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement<br />
avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.<br />
- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel le<br />
magistrat signataire a rendu la minute.<br />
Le GREFFIER, Le PRESI<strong>DE</strong>NT,<br />
9