L'EXPLOITATION DE LA PROSTITUTION : UN ... - Fondation Scelles
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LE DÉNI FACE À <strong>LA</strong><br />
<strong>PROSTITUTION</strong><br />
Face à la violence, la<br />
personne prostituée a<br />
des « trucs » pour se<br />
protéger. Un de ces<br />
trucs, c’est le déni.<br />
C’est ce qu’explique<br />
une personne prostituée,<br />
en activité depuis<br />
près de 15 ans : « Le<br />
lavage de cerveau (…)<br />
est quelque chose de<br />
primordial si l’on désire<br />
durer dans le métier.<br />
A mes débuts, je me<br />
suis souvent menti à<br />
moi-même, je me suis<br />
raconté des histoires,<br />
je me suis fait croire<br />
que faire la pute, ça<br />
n’était pas si terrible, ni<br />
si horrible que ça. Avoir<br />
recours à ce processus<br />
psychologique<br />
était pour moi une<br />
chose vitale, voire une<br />
question de survie (…)<br />
; la lucidité face à ma<br />
prostitution<br />
serait quelque chose<br />
de tout à fait inenvisageable<br />
(…).<br />
Si, un jour, j’ai<br />
l’inconscience de<br />
regarder cette réalité<br />
et cette tristesse de<br />
ma vie, je sombre<br />
dans l’alcoolisme et la<br />
dépression (…).<br />
Maintenant, j’ai trouvé<br />
une méthode imparable<br />
: je me prends<br />
la tête, je l’enfonce<br />
dans un trou de sable<br />
comme pour les autruches<br />
et je me répète<br />
inlassablement,<br />
quotidennement : tout<br />
va bien, tout va bien ».<br />
dans le vagin, dans la bouche, et l’anus. C’est dégueulasse, son sperme qui<br />
coule au coin de ta bouche et qui te donne envie de vomir. Sans égard à<br />
toi, ils te pénètrent avec leurs mains, des objets, leur pénis. »<br />
Et pour certaines, sous le contrôle de proxénètes, les passes se succèdent<br />
les unes aux autres, dans une recherche du profit maximum. « Tu ne t’es<br />
jamais soucié que de la caisse, écrit Ulla, l’emblématique meneuse de la<br />
révolte de Lyon en 1975, s’adressant à son proxénète. Tu n’as jamais<br />
calculé que le prix net de mes journées de turbin, ne cherchant pas<br />
à savoir ce que ça représentait en nombre de corps. Dans les bons<br />
moments, ça faisait quarante, cinquante corps ».<br />
Toutes les femmes, sorties de la prostitution ou encore en exercice,<br />
ont les mêmes mots, chargés de violence, pour évoquer l’acte<br />
prostitutionnel. Toutes parlent aussi du dégoût ressenti, un dégoût qui va<br />
au-delà de l’écoeurement lié au contact physique du client.<br />
« De façon inconsciente, au tréfonds de moi-même, explique une personne<br />
prostituée en exercice, je vais systématiquement le détester, parce<br />
que, face à lui, je suis obligée de me comporter comme la plus vile des<br />
chiennes, comme la plus vile des serpillières (…) Je vais également détester<br />
le client car, celui-ci, à l’aide de son argent, il est un peu le gardien de ma<br />
déchéance ».<br />
Pour dépasser cet état, pour retrouver l’intégrité de leur être, toutes<br />
évoquent ces douches interminables et indispensables : « Pour essayer<br />
de faire passer le dégoût, dit Yolande, ancienne prostituée, j’ai pris des<br />
douches pendant des heures et des heures (…) cela m’arrive encore<br />
maintenant, alors que j’ai arrêté en 1987 (…) C’est devenu une habitude,<br />
pour avoir une sensation : C’est moi, je suis propre ! ».<br />
Domination et déshumanisation<br />
C’est dire à quel point la prostitution déshumanise la personne<br />
prostituée. Pour le client comme pour le proxénète, celle-ci n’est plus<br />
qu’un objet : « Ils te traitent mal (...) comme si t’étais une merde, comme<br />
si tu n’étais pas une personne comme les autres mais juste une chose ».<br />
Une chose sur laquelle le proxénète, mais aussi le client ont tous les<br />
droits. Car, en payant, le client prend possession du corps de la personne<br />
prostituée et la soumet à son envie. La personne prostituée est totalement<br />
instrumentalisée : le client prend physiquement possession de son corps<br />
et de sa personne toute entière. Cette instrumentalisation fait d’elle un<br />
objet au service d’un tiers.<br />
FONDATION SCELLES L’exploitation de la prostitution : un fléau mondial 26