LE LUXE COMME VICE FÉMININ DANS LA REMONSTRANCE ...

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moralisateur et les textes des lois somptuaires serviront de fondement à l’analyse de ce
discours, qui associe par analogie le luxe et la féminité.
Cette étude s’ouvre sur un aperçu des ramifications historiques et littéraires de la
notion de luxe, ainsi que sur la présentation de ses idées-forces. Nous proposons
d’abord une analyse historique du concept de luxe à partir de documents littéraires et
légaux. Puis, nous examinons la Remonstrance Charitable du père Antoine Estienne,
traité moralisateur condamnant les femmes pour leurs excès d’ostentation. Cet opuscule
se révèle un des organes de propagation du discours associant le luxe et la féminité.
Pour clore cette étude, nous analysons le dispositif légal mis en place par l’État
moderne pour combattre ce vice. Bien que reproductrices d’un certain nombre
d’aphorismes véhiculés par les traités moralisateurs ou les moralistes, les lois
somptuaires présentent un discours différent sur le luxe – plus soucieux du respect des
ordres de la société que du bon goût et du savoir-vivre.
Luxe et féminité dans l’Antiquité classique et tardive
Dès l’Antiquité, le luxe est perçu comme une passion corruptrice et la convoitise
qu’il suscite doit être policée, sinon purgée. Dans un livre paru en 1994, Christopher
Berry retrace l’évolution de ce concept, dont il convient de résumer les thèmes 4 .
La philosophie hellénistique est la pierre angulaire à partir de laquelle s’érige un
discours sur le luxe et sur les dépravations qu’entraîne sa poursuite. Très tôt, Platon le
charge d’une connotation négative. Dans sa Politeia, le dialogue rapporte que Socrate
voit dans la satisfaction des besoins primaires le fondement de la polis. Glaucon,
comparant la polis de Socrate a une cité de porcs, argumente plutôt en faveur d’une cité
4 Christopher Berry, The Idea of Luxury : A Conceptual and Historical Investigation , Cambridge, CUP,
coll. : Ideas in Context, 1994.