LE LUXE COMME VICE FÉMININ DANS LA REMONSTRANCE ...

32
porte 22 ». Le second sonnet introducteur atteste d’une autre forme de perversion
qu’entraînent les plaisirs du luxe outrancier. Les pécheresses en viennent à rejeter
l’œuvre de Dieu :
Mais vous qui respirez sous la blanche crespine
De ce ciel radieux, qui l’image divine
Portez en vostre seing, vous ne vous contentez
De l’ouvrage divin, voulans estre plus belles,
Par le fard mensonger, & perrucques nouvelles 23 .
Le catholicisme véhicule un sentiment de mépris pour les richesses, la vie mondaine, le
monde matériel et le corps. Affecté par les passions et les expériences sensuelles, le
corps menace de vicier la pureté de l’âme. De plus, le luxe se manifeste dans la France
du XVI e siècle par l’utilisation outrancière de vêtements et d’ornements ruineux. Ce
n’est donc pas un hasard si Estienne, dans sa Remonstrance charitable, commence son
argumentation par la présentation des quatre grâces de la religion catholique. Quelle que
soit la puissance néfaste du luxe, à ses yeux la condition de catholique suffit amplement
à replacer toute pécheresse sur le droit chemin. Aussi l’auteur ne cache pas la honte
qu’il éprouve lorsque, malgré ces bienfaits, les comparaisons des femmes chrétiennes et
païennes se font à l’avantage de ces dernières : « La femme d’un turc infidèle et d’un
juif obstiné (qui sont en ténèbres et hors de la grâce de Dieu) est plus modestement
habillée que vous […] Il y a plusieurs juifs et payens qui sont fort scandalisés de vostre
manière de vivre 24 ». Le thème de la chrétienne égarée qui, bien que bénéficiant de
l’illumination divine, cède à la païenne en pudeur et humilité est un élément récurrent
de ce traité :
22 Ibid., p. 29.
23 Ibid., p. 1.
24 Ibid., p. 51-52.
Neantmoins on ne voit point, que vous mettiez peine à vous corriger, mais plustost à
vous obstiner de jour en autre, à curieusement rechercher nouvelles inventions […],