• Contre la criminalisation du mouvement social • Contre le fichage ...

Avez-vous vu de jeunes garçons de 6 ou 7
ans jouer au foot ? Ils n’ont aucune notion
du jeu d’équipe et du placement des
joueurs. Ils ne savent pas quel est le rôle de
chacun : être arrière, milieu de terrain ou
avant est pour eux la même chose. Et toutes
les consignes que vous pourrez donner ne
serviront pas à grand-chose : pour eux l’essentiel
est de courir après le ballon pour tenter
de taper dedans. Et quand ils ont tapé, le
but est atteint, même s’il n’est pas marqué.
Le but est d’autant plus atteint qu’on aura
empêché les autres, y compris ses propres
coéquipiers, de taper. Et cela donne du bord
du terrain le spectacle animé et vociférant
d’une horde de gamins qui se bousculent les
uns les autres pour atteindre un ballon qui
ressemble à un saint graal convoité et inaccessible.
J’ai pendant plusieurs années eu
droit à ce spectacle sportif : mon fils jouait
dans une équipe de « poussins » et je passais
pas mal d’après midi à assister aux
efforts impuissants d’un entraîneur bénévole
qui avait l’ambition de leur apprendre à
jouer collectivement, à ne pas garder le bal-
lon que pour soi, à faire des passes aux
coéquipiers et à être heureux et satisfait des
prouesses de l’équipe.
Ils ne sont plus des enfants
depuis longtemps.
Devinez pourquoi je vous parle de ces footballeurs
en herbe, de ce premier apprentissage
du travail d’équipe ? Devinez à qui me
font penser ces gamins ? Ils ne voient
qu’eux, ils se moquent du groupe dont la
victoire comptera moins que leurs exploits
personnels, leur ego est surdimensionné.
C’est habituel chez des enfants. Mais ceux
auxquels je pense ne sont plus des enfants
depuis longtemps. Ils ont perdu leur candeur
« fa tems ». Ils sont même très savants, ils
ont fait des études poussées… parfois
jusqu’à les nas (cherchez l’erreur !). Ils occupent
des fonctions prestigieuses où on est
censé travailler avant tout pour la collectivité.
Ils se disent au service de cette collectivité
et les mots « justice sociale, progrès
social » sont des mots qu’ils utilisent. On les
L’actu vue par Delgé
voit même dans des manifestations avec des
écharpes tricolores. Ils ont l’ambition de diriger
le pays. Ils croient en la démocratie, en la
république. Ils sont membres importants
d’un grand parti politique … mais, ils n’ont
pas appris à jouer en équipe, à penser collectif,
à gagner ensemble.
L’essentiel.
Vous avez bien sûr deviné, derrière mes jeunes
footeux, la kyrielle de candidats du parti
socialiste aux élections présidentielles de
2012. Chacun est dans sa bulle, dans sa
stratégie pour piquer la baballe aux concurrents.
Chacun est dans sa tentative poignante
d’être le meilleur des meilleurs. Et
chacun de parler… en oubliant l’essentiel.
L’essentiel : comment on remet l’économie
au service des hommes et des femmes, comment
on remet les banques, les banquiers,
tous les milieux financiers à leur place (au
fond de la classe), comment on répartit équitablement
les richesses, comment on reconstruit
le salariat, la démocratie, les services
publics,
comment on
éradique la misère
sociale. Non ! Non, je n’écris pas
: comment on fait la révolution…encore
que… quelques changements bien choisis,
cela peut ressembler à une révolution. Mais
je n’en demande pas tant, je suis lucide.
Ce qui m’intéresse ce n’est pas de savoir si
Ségolène est meilleure au foot que
Dominique, si Arnaud tape plus fort que
Martine, si Manuel a de l’avenir sur les stades.
Ce qui m’intéresse, c’est qu’on sorte du
pétrin dans lequel 5 ans de pétainisme gouvernemental
nous auront plongés, de la désespérance
pour le plus grand nombre dont la
droite s’est nourrie. C’est à cette volonté que
je jugerai de la capacité politique à incarner
un espoir pour le peuple de notre pays, pour
sa jeunesse en particulier. Au Front de
Gauche, on s’est mis au boulot… et le boulot
c’est mieux que les egos.
Jean-Marie PHILIBERT, décembre 2010