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… et un besoin de retour<br />
aux sources<br />
Regain de religiosité doublé,<br />
en parallèle, par un retour aux<br />
sources, à la médina, symbole<br />
de traditions, d’arabité, d’authenticité,<br />
d’identité… A Tunis,<br />
Sousse, Sfax, Kairouan,<br />
Nabeul, Bizerte… les médinas<br />
sont alors à l’honneur et retrouvent<br />
leur aura, leur grandeur,<br />
leur rayonnement.<br />
Malheureusement, certaines<br />
ont tout per<strong>du</strong>, leur charme,<br />
leurs rôles, leurs âmes, pour<br />
devenir une attraction sans vie<br />
pour touristes en mal d’exotisme.<br />
C’est le cas de celle de<br />
Hammamet, ce grand bazar<br />
inerte, où les enfants ne jouent<br />
plus, ne crient plus, où les boucheries,<br />
les boulangeries, les<br />
épiceries, les artisans et les habitants<br />
ont disparu, où les maisons<br />
jadis animées ont cédé la<br />
place à des boutiques de souvenirs<br />
où trônent les tiroirscaisses.<br />
Par contre, les villes comme<br />
Bizerte se voient consacrer<br />
dans leur rôle de centre de région.<br />
Leurs souks sont envahis<br />
par les petits paysans des alentours<br />
qui viennent en plus<br />
grand nombre encore que d’habitude<br />
apporter pro<strong>du</strong>its frais<br />
ou fabriqués par leurs femmes<br />
et bottes de paille pour la préparation<br />
de l’Aïd. Nombreux,<br />
sans emploi, en profitent pour<br />
monter un étal provisoire de<br />
gâteaux, de galettes ou de<br />
dattes, et les pâtisseries avec<br />
pignon sur rue embauchent<br />
pour ajouter un stand en plein<br />
air. Des jeunes gens n’hésitent<br />
pas à s’improviser vendeurs de<br />
grilles de barbecue ou de<br />
billots de bois. Les souks se<br />
transforment en de grands carrefours<br />
entre la ville et la campagne,<br />
dignes des plus grands<br />
marchés <strong>du</strong> Moyen Age !<br />
Les souks de la médina<br />
de Tunis<br />
A Tunis, au mois de ramadan,<br />
la médina ne dort pas, elle<br />
grouille de vie <strong>du</strong> matin… au<br />
matin. La journée commence<br />
certes un peu tard, mais le<br />
mouvement est ininterrompu. A<br />
10 heures <strong>du</strong> matin, à Bab El<br />
Falla ou à Es-Sabbaghine, le<br />
souk des teinturiers qui ne l’est<br />
plus, les marchands de fruits et<br />
légumes, de poissons, de volailles,<br />
de salaisons, de gâteaux<br />
traditionnels très sucrés et fort<br />
prisés en cette période de l’année,<br />
ces fameuses mkharaq et<br />
zlabia, les épiciers, les bouchers,<br />
sont déjà à pied d’œuvre<br />
et se préparent à affronter le<br />
rush de midi, celui des ménagères<br />
des quartiers avoisinants<br />
et même venues des autres rebats,<br />
notamment les quartiers<br />
périphériques proches, vite<br />
suivi par celui des fonctionnaires<br />
qui attendent pour la<br />
plupart d’entre eux la fin de la<br />
séance unique, vers 14 heures,<br />
pour aller faire leur marché.<br />
Les ruelles des souks sont<br />
pleines à craquer. Les cris stridents<br />
des marchands vantant<br />
leurs pro<strong>du</strong>its se mélangent à<br />
ceux des consommateurs impatients<br />
d’être servis. Les mille et<br />
une senteurs des épices, des<br />
fruits frais, <strong>du</strong> poisson, <strong>du</strong> pain<br />
chaud enveloppent les lieux et<br />
taquinent les narines. Les couleurs<br />
sont un véritable festival,<br />
des tableaux construits par petites<br />
touches par des maîtres<br />
en présentation des épices, des<br />
viandes et surtout des fruits où<br />
le jaune des bananes côtoie le<br />
rouge des pastèques, le tout<br />
sur fond des multiples tons<br />
verts des légumes… Des pro<strong>du</strong>its<br />
qu’on voudrait tant toucher,<br />
caresser, goûter. Eh non<br />
ce n’est pas encore l’heure, il<br />
faut attendre le coucher <strong>du</strong> soleil<br />
et le musical appel à la<br />
prière <strong>du</strong> muezzin pour pouvoir<br />
rompre le jeune !<br />
Grandeur et décadence<br />
En attendant, quel bonheur<br />
d’y partir à la recherche d’un<br />
pro<strong>du</strong>it rare parce que fait maison,<br />
d’un coin d’ombre à l’abri<br />
d’un souk couvert, d’un vieux<br />
marchand de pro<strong>du</strong>its laitiers,<br />
de volailles nourries aux grains,<br />
d’œufs au jaune virant à l’oranger<br />
pour une bonne brik au<br />
thon, de purs pro<strong>du</strong>its de ferme<br />
qui se font de plus en plus rares<br />
sous la poussée de l’in<strong>du</strong>striel…<br />
Dans les souks de la médina<br />
on trouve de tout. La fraîcheur<br />
en pleine canicule, la sérénité<br />
et le calme loin <strong>du</strong> bruit<br />
de la ville, la chaleur humaine,<br />
le sourire et la joie de vivre…<br />
Mais les souks ne sont plus ce<br />
qu’ils étaient. Souk El Blat et ce<br />
qui reste de ses herboristes est<br />
envahi, tout comme Es-<br />
Sabbaghine, par de vulgaires<br />
pro<strong>du</strong>its vestimentaires chinois.<br />
Une insulte, une offense<br />
aux lieux remplis d’histoire,<br />
parce que datant <strong>du</strong> XIIe siècle,<br />
tout comme les autres souks<br />
qui gravitent autour de la<br />
grande mosquée Ez Zitouna.<br />
Souk El Leffa spécialisé dans<br />
les tapis, souk El Kmach celui<br />
des étoffes, souk El Attarine et<br />
ses parfums aux senteurs multiples<br />
et envoûtantes, souk El<br />
Berka, celui des bijoux étincelant<br />
de mille feux qui ont remplacé<br />
les esclaves, souk En<br />
Nissa, les femmes, El Grana,<br />
Essarrajine, les selliers…<br />
Juillet-Août 2010 - 216 le mag - 15