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GUIDE DE VACANCES<br />
Curiosités estivales<br />
L’été en Tunisie, c’est la saison où tout se vit et se partage. Loin des centres touristiques<br />
bruyants et aseptisés, nous vous donnons rendez-vous en plein cœur de nos terroirs où se<br />
perpétuent des traditions et un folklore riches. Ces escapades dans l’autre Tunisie combleront<br />
le visiteur en quête de retour aux sources. Suivez le guide !<br />
Par Frida Dahmani et Samir Bouzidi<br />
Sidi Bou Saïd dans<br />
l’extase de la transe<br />
Au cœur <strong>du</strong> mois d’août, le village<br />
de Sidi Bou Saïd retrouve<br />
sa ferveur mystique. Les rues vibrent<br />
aux rythmes des tambours<br />
et des chants de la procession<br />
de la confrérie des Issaouia.<br />
Sacré et profane s’interpellent<br />
lors de ce rendez-vous annuel<br />
que l’on appelle la « Kharja ».<br />
Rite immuable depuis des siècles,<br />
elle repro<strong>du</strong>it la légende de<br />
Sidi M’hammed Ben Issaâ. Se<br />
rendant à la Mecque, depuis le<br />
Maroc, ce saint patron s’était<br />
per<strong>du</strong> dans le désert avec ses<br />
disciples. Il invoqua Dieu afin de<br />
ne pas mourir de soif et de faim.<br />
La baraka divine lui concéda de<br />
se nourrir de minéraux et végé-<br />
Lella Mokhôla ( Dougga)<br />
20 - 216 le mag - Juillet-Août 2010<br />
taux réputés non comestibles,<br />
mais également de pouvoir devenir<br />
un animal afin de franchir<br />
le Sahara.<br />
Le rituel de la Issaouia reprend<br />
cette geste dont les adeptes, en<br />
état de transe, se muent en<br />
lions, avalent <strong>du</strong> verre ou des<br />
clous et se flagellent avec les raquettes<br />
de figuiers de barbarie.<br />
Cette quête de l’élévation vers le<br />
divin passe par la spirale de la<br />
transe, la nouba, l’instant intime<br />
et ultime de l’extase qui ouvre<br />
sur la connaissance. Le rituel est<br />
dirigé par un maître alors que<br />
certains membres de la confrérie<br />
veillent au bon déroulement<br />
de la nouba. Les Issaouis se<br />
tiennent en rang, vêtus d’un<br />
épais vêtement de laine écrue,<br />
le bdan, qui signifie aussi corps<br />
en arabe, comme dans une<br />
gangue où se livre la métamorphose.<br />
Ils scandent des incanta-<br />
tions et des odes au divin, ils se<br />
balancent d’avant en arrière et<br />
sont pénétrés par la transe. Elle<br />
les transfigure : El Akacha devient<br />
lion, secoue, jusqu’à les<br />
rompre, les chaînes qui l’entravent,<br />
et ses rugissements font<br />
écho aux regards extatiques de<br />
ses compagnons.<br />
Entre ciel et mer, le village oublie<br />
sa vocation touristique et<br />
renoue avec sa tradition soufie.<br />
Aux pieds de la colline, les fils de<br />
Sidi Bou Saïd, le marin, accueillent<br />
les fils de Sidi Ben Aissa,<br />
dont le nom rappelle un lien<br />
lointain avec Aissa, Jésus.<br />
La Kharja 2010 est prévue pour<br />
le deuxième week-end d’août. A<br />
vérifier néanmoins sur place<br />
quelques jours avant auprès de<br />
la Mairie ou des très nombreux<br />
cafetiers.<br />
Autrefois, les soirées<br />
de ramadan<br />
(Médina de Tunis)<br />
Durant ramadan, la médina vit<br />
la magie de la nuit. Les terrasses<br />
de café bondées et les interminables<br />
parties de cartes au souk<br />
des chéchias font partie <strong>du</strong> rituel<br />
des sorties nocturnes. Les<br />
Lella Manoubia et Oum El Zine El Jemmalia sont parmi les saintes femmes les plus connues<br />
des tunisiens. Ces cultes, parfois remontent à la nuit des temps et sont souvent emprunts de<br />
mystère comme celui que l’on dédie à la Mokhôla, à Dougga. Aux pieds de l’aque<strong>du</strong>c romain,<br />
des murs recouverts de chaux portent des dessins au henné, c’est le sanctuaire de la<br />
Mokhôla. Selon la légende, cette jeune femme imposante, à la peau pâle et aux cheveux<br />
sombres, avait fait halte à cet endroit, fascinés par son aura les gens de Dougga ne la laissèrent<br />
plus partir. Depuis, chaque année, en été une grande fête l’honore. En fait, l’imaginaire<br />
populaire s’est emparé d’un culte antique dédié à une déesse d’origine païenne qui symboliserait<br />
l’eau comme l’a révélé une inscription trouvée sur les lieux.<br />
festivals et les spectacles actuels<br />
perpétuent, à leur manière,<br />
une tradition oubliée des<br />
jeunes générations.<br />
En effet, jusqu’aux années 60,<br />
les places de la ville arabe devenaient<br />
une immense scène où<br />
les spectacles de rue enchantaient<br />
petits et grands. Les cracheurs<br />
de feu, les charmeurs de<br />
serpents côtoyaient les balancelles<br />
des manèges. Le théâtre<br />
de marionnettes, héritier <strong>du</strong> karakouz<br />
turc et des marionnettes<br />
siciliennes, attirait les badaux<br />
en leur contant aussi bien l’épopée<br />
de Roland que la passion de<br />
Kais et Leila. Sur la place<br />
Halfaouine, en face <strong>du</strong> café Sidi<br />
Amara, des conteurs tenaient la<br />
foule en haleine tandis que,<br />
dans un recoin, un cinéma improvisé<br />
projetait pour quelques<br />
sous des films muets. Un peu<br />
plus loin, à Bab Souika, les « cafés<br />
chantants » présentaient de<br />
grands noms de la variété ou<br />
des spectacles plus populaires<br />
mêlant les sketches humoristiques<br />
à des ballets. On s’arrachait<br />
les billets pour voir les célèbres<br />
Zina et Aziza et leur<br />
danse <strong>du</strong> ventre typiquement<br />
bédouine, et on attendait patiemment<br />
d’accéder à la salle en<br />
grignotant une pâtisserie mielleuse<br />
à souhait.<br />
Dans ce tourbillon, les espaces<br />
publics de la médina devenaient<br />
féeriques et on se faisait même<br />
élégants pour aller aux spectacles<br />
: les hommes en chéchia<br />
stambouli accompagnaient des<br />
femmes gracieusement drapées<br />
dans des sefsaris de soie tandis<br />
que les fameux groupes de<br />
jeunes fêtards, les « asker el<br />
lil », soldats de la nuit, veillaient<br />
sur leur vedette préférée.