J'AIME PAS… - Tunisiens du Monde

GUIDE DE VACANCES
Le kalatous sur la
route de nos vacances
Pour beaucoup, le jasmin capiteux, avec l’olivier, symbolisent
la Tunisie. Mais pour les fils et les filles du pays, ce sont des
senteurs moins sophistiquées qui annoncent le retour aux
racines : celles des pins et, surtout, des eucalyptus.
Par Frida Dahmani
Un soleil resplendissant, des chants
de cigales entêtés, l’air immobile
sous l’effet de la chaleur. Autant de
sensations évocatrices des vacances pour
les Tunisiens. Ces souvenirs lumineux,
qui réchauffent les mois gris, seraient incomplets
sans les parfums qu’exhale la
Méditerranée. Et celui du kalatous... Qui
n’a pas dans le cœur ou dans un coin de
sa mémoire son ombre accueillante et
parfumée sur le chemin de la plage et sur
les routes qui serpentent aux flancs des
djebels et des vallées du Nord ?
L’eucalyptus n’est pourtant qu’un fils
adoptif du paysage tunisien. En effet,
d’origine australienne, il n’a débarqué sur
nos rivages qu’avec la colonisation, il y a
un peu plus d’un siècle. Depuis, on ne saurait
imaginer une nationale ou un chemin
qui ne soit bordé de son port majestueux.
Il se déploie partout dans le Nord et sur les
zones côtières, ne cédant la place à ses
prédécesseurs, le chêne-liège, qu’en
Khroumirie, et le palmier qu’au sud du
Kairouanais.
Une robustesse à toute épreuve
Le choix d’implanter l’eucalyptus en
Tunisie n’est pas dû au hasard, l'arbre
ayant la capacité rare de s'adapter à des
environnements variés. Il s'épanouit par-
24 - 216 le mag - Juillet-Août 2010
faitement en milieu méditerranéen et s’acclimate
aussi bien au bord de mer qu’à la
montagne. Résistant à la sécheresse grâce
à ses racines profondes qui vont puiser
l'eau en profondeur dans le sol, il est peu
exigeant et n’a besoin ni de sols riches ni
de soins particuliers.
L’eucalyptus a été plébiscité parce qu’il
est, d’abord et surtout, un arbre salubre.
Sa puissance d'absorption hydrique permet
de faire disparaître les marécages, ses
émanations antiseptiques neutralisent les
miasmes des eaux stagnantes et son feuillage
supportant les fortes chaleurs procure
un couvert épais. Il s’est ainsi retrouvé enrôlé
par les colons en tant que précieux
auxiliaire dans son occupation des terres.
L’arbre des paysans, de la
médecine... et des rencontres
Si, en Europe, sa repousse rapide a été
appréciée pour la production de pâte à papier,
en Tunisie, elle a permis de fournir
quantité de combustible, efficace et bon
marché, aux habitants des campagnes.
Pour les propriétaires terriens, l’eucalyptus
est aussi un excellent brise-vent. En effet,
la majeure partie du Nord et des côtes
de Tunisie est exposée aux vents forts de
la mer, qui provoquent l'érosion des sols,
augmentent les précipitations et réduisent
la superficie feuillue des végétaux.
L’eucalyptus participe à la lutte pour la
protection des sols et sa structure est
idéale pour faire plier les vents.
La médecine traditionnelle a également
fait siennes les vertus médicinales des
feuilles d’eucalyptus. Son huile est utilisée
dans les hammams, mélangée à la vapeur,
pour son effet énergisant. En raison de ses
propriétés bactéricides, il est également
conseillé pour guérir les problèmes dermatologiques.
Mais c’est surtout pour son efficacité
contre les affections respiratoires
qu’il est reconnu et apprécié. La variété
« eucalyptus bleu » est spécialement réputée
pour assainir l'air.
Touche pas
à mon arbre
En mai 2010, un mouvement
de solidarité assez étonnant
s’est constitué à travers les
réseaux sociaux et la presse
locale, pour dénoncer le
massacre des eucalyptus de
Guengla (près de Bizerte), mais
aussi dans d’autres zones du
pays. La municipalité avait
confié, contre la somme de
7 000 dinars, l’élagage des
eucalyptus à des sous-traitants
qui avaient infligé une taille
sévère à ces arbres centenaires
qui faisaient tout le charme de
la région. Les habitants se sont
insurgés contre ces manières
de faire, d’autant que cette
campagne de taille ne se
déroulait pas au bon moment
pour les arbres et que ce bois
était destiné à être transformé
en charbon.
Son ombre clémente, dans les campagnes,
en fait l’arbre à palabres local. A
ses pieds se jouent d’interminables parties
de kharbga. On y attend aussi le passage
du bus ou du taxi collectif. Dans sa
conquête quasi épique du monde, l’eucalyptus
a jeté ses amarres sur nos rivages
qui se sont empressés de l’accueillir. Et
comme le cyprès venu de Perse, la tomate
du Pérou et les agrumes d’Extrême-Orient,
il est devenu un incontournable du paysage
tunisien.