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senta sur scène pieds nus. À leur grande surprise,<br />
ils sortirent vainqueurs de chaque ronde et finirent<br />
par gagner le concours. L’horizon s’élargit ainsi pour<br />
eux. Le duo fut invité à se produire un peu partout<br />
dans le pays. Ce qui, d’ailleurs, était un petit cauchemar<br />
pour Rune qui avait une phobie de l’avion.<br />
Mais la victoire à ce concours leur ouvrit aussi les<br />
portes des studios de Philips Records qui leur proposa<br />
un contrat pour l’enregistrement d’un album.<br />
Notre duo n’avait toutefois jamais imaginé aller aussi<br />
loin, jamais caressé le rêve de graver leur musique<br />
sur disque. Nina et Rune s’étaient liés d’amitié avec<br />
Satnam Singh, un étudiant d’origine indienne qui ne<br />
parlait pas un mot de norvégien et avec lequel ils<br />
conversaient en anglais. Il y avait alors bien peu de<br />
résidents d’autres ethnies dans la Norvège de cette<br />
époque, ce qui faisait de Satnam un jeune homme<br />
un peu solitaire. Rune s’intéressant grandement à la<br />
musique indienne, le rapprochement entre les deux<br />
hommes se fit d’autant plus facilement qu’il s’avéra<br />
que Satnam était un excellent joueur de flûte et de<br />
tablas. Notre duo se transforma ainsi en trio. Nina<br />
garde de Satnam le souvenir d’un homme adorable,<br />
un peu plus âgé qu’eux, leur mitonnant des petits<br />
plats indiens tellement épicés qu’ils les mangeaient<br />
accompagnés d’un grand pichet d’eau.<br />
L’album fut enregistré en un week-end seulement, à<br />
Oslo. Le trio sollicita l’aide du bassiste Sture Janson<br />
et du batteur Espen Rud, deux excellents musiciens<br />
de jazz, ainsi que celle d’Helge Grosli, l’organiste<br />
d’une formation locale nommée Junipher Greene.<br />
Le groupe avait une entière liberté de procéder<br />
comme il le voulait, d’enregistrer ce qu’il désirait. Ils<br />
commencèrent par répéter ensemble dans le studio,<br />
pendant peu de temps, puis l’album fut enregistré<br />
rapidement. Leur choix de chanter en anglais se fit<br />
naturellement car, d’une part, personne en Norvège<br />
ne jouait une musique semblable à la leur et, d’autre<br />
part, la musique qu’ils aimaient eux-mêmes écouter<br />
était majoritairement anglophone. Rune et Nina<br />
avaient d’ailleurs l’habitude de chanter des chansons<br />
des Beatles lorsqu’ils se produisaient en concert, et<br />
le Bird du titre de leur album, Dedicated to the bird<br />
we love, était un clin d’œil au Blackbird des Beatles<br />
que tous deux adoraient. Étrange phénomène que<br />
ce disque d’Oriental Sunshine. L’ajout d’influences<br />
indiennes aux merveilles d’hippie folk qui composent<br />
l’album peut, pour certains, constituer le principal<br />
attrait de Dedicated to the bird we love. Mais, pour<br />
d’autres, ces mêmes sonorités indiennes sont<br />
superflues tant la beauté des mélodies et des voix ne<br />
nécessitent aucun artifice pour les mettre en lumière.<br />
D’ailleurs, à l’écoute de la première chanson, Across<br />
your life, l’oreille attentive peut avoir le sentiment<br />
qu’Orient et Occident cohabitent sans vraiment se<br />
fondre, que les tablas semblent s’être invités à la fête<br />
sans y avoir été conviés. Nous tenons toutefois là un<br />
superbe album d’acid folk enrichi par la voix chaude<br />
de Nina. Le disque obtint d’excellentes critiques, un<br />
journaliste d’un grand quotidien du pays déclarant<br />
même qu’il s’agissait du meilleur album norvégien<br />
qu’il ait jamais entendu. Fort malheureusement, il<br />
ne bénéficia pas d’une promotion adéquate et le<br />
nombre d’exemplaires vendus aurait été à lui seul un<br />
motif de renoncer à aller plus loin. Il en fut toutefois<br />
un autre, plus douloureux encore pour Nina, qui mit<br />
fin au parcours d’Oriental Sunshine.<br />
Peu après la sortie de Dedicated to the bird we love,<br />
elle apprit que son père était grandement malade.<br />
Ce père qui avait toujours été la seule personne<br />
à l’encourager à se lancer dans une carrière de<br />
musicienne. Elle se rendit à son chevet. Il insista<br />
toutefois pour qu’elle ne perde pas son temps à<br />
le veiller et qu’elle retourne à Bergen, là où l’avenir<br />
l’attendait. Ce qu’elle finit par accepter de faire. À<br />
peine y était-elle arrivée qu’elle recevait un message<br />
lui apprenant la mort de son père. Nina en fut<br />
dévastée, incapable de continuer à chanter. Il n’y eut<br />
donc jamais de deuxième album, et nos musiciens<br />
en vinrent lentement à se perdre de vue. Rune joua<br />
par la suite avec quelques groupes locaux, Satnam<br />
partit s’installer au Danemark. Et Nina, qui sait ?<br />
Rune et Nina se sont retrouvés en 2006 à l’occasion<br />
de la réédition de leur unique album par Sunbeam<br />
Records. Ils ne s’étaient pas revus ni parlé depuis<br />
35 ans. Ce fut l’occasion de se remémorer cette<br />
douce et belle aventure qu’ils vécurent ensemble<br />
alors qu’ils n’étaient encore que des adolescents. Le<br />
CD est accompagné d’un livret fort joliment réalisé<br />
avec non seulement des photos, mais également<br />
le témoignage très instructif de Nina et Rune grâce<br />
auquel cet article a pu être écrit.<br />
Béatrice<br />
Album en écoute sur :<br />
http://www.radiorock6070.com