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Vapeur Mauve 9. - Rock6070

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C’était en décembre, quelques jours avant Noël. Il<br />

était 9 heures du matin et il neigeait abondamment.<br />

Dans les rues : les passants qui essayent de ne pas se<br />

vautrer dans la neige. C’était un samedi matin. La nuit<br />

venait d’être longue et éprouvante émotionnellement.<br />

Je devais prendre le train pour rentrer chez moi. Je<br />

cheminais vers la gare avec de drôles d’idées en tête :<br />

un mélange subtil de tristesse et de désirs. Je ne sais pas<br />

si je devais pleurer ou rire là devant tout le monde. Vidé.<br />

Mais dans mon sac, sans le savoir, j’avais quelque chose<br />

qui allait me réconforter et me réchauffer par cette froide<br />

matinée. C’était un livre de James Ellroy. C’est ce vieux<br />

James qui allait m’accompagner pendant plus de deux<br />

heures de voyage en train. Ellroy était mon ami ce jour-là.<br />

Je n’allais pas tout lui déballer, je voulais juste lire ce qu’il<br />

avait envie de me dire. Des fois, c’est comme cela que les<br />

étincelles magiques ont lieu.<br />

60’s or not 60’s ?<br />

1960-1969 côté glauque : James Ellroy<br />

James Ellroy : le chien fou de la littérature américaine<br />

actuelle. Le « maître » du Los Angeles glauque des années<br />

40, des femmes fatales, des détectives corrompus et<br />

alcooliques, des meurtres sordides et des faits divers les<br />

plus horribles de l’histoire. J’imagine vos têtes. Qu’est-ce<br />

que cela vient faire dans ce magazine ? Quel est le foutu<br />

rapport entre Ellroy et... nous ? Eh bien sachez qu’Ellroy,<br />

hors des romans noirs terriblement beaux et morbides,<br />

c’est également un homme. Un homme hanté et rongé<br />

par le meurtre de sa mère le 22 avril 1958 et une vie des<br />

plus désordonnées (abus d’alcool, de came, de nuits dans<br />

les parcs, de vol et d’autres vicelardises). Oui mais bon,<br />

encore une fois quel rapport ?<br />

Nous avons tous nos idées reçues sur les 60’s. D’abord,<br />

il y a ceux qui les ont vécues et les autres. Ellroy est<br />

dans la première catégorie. Comme certains d’entre<br />

vous évidemment. Mais voilà, Ellroy a un regard plutôt<br />

cynique sur ces 60’s adulées et regrettées. Il suffit de lire<br />

ses nouvelles autobiographiques de Destination Morgue<br />

(2004, Rivages) pour s’en rendre compte. Ellroy rase tout.<br />

Il n’écoutait pas de rock, il ne traînait avec les hippies que<br />

pour avoir de la drogue, il n’allait pas au Roxy, il n’avait<br />

pas les cheveux longs, il était à la rue et totalement sur<br />

Saturne. Les 60’s, il préfère les oublier. Ellroy, c’est les<br />

coulisses du théâtre du Summer Of Love. On apprend<br />

beaucoup de choses, beaucoup trop. On s’en doutait<br />

bien sûr, mais on ne voulait pas savoir. Alors qu’en août<br />

1969, on s’éclate à Woodstock, il y a toujours autant<br />

de pourriture. Il y a le Vietnam, évidemment. Il y a les<br />

meurtres, les magouilles, les paumés. Les Aqualung. Les<br />

60’s d’Ellroy, c’est Altamont fois 20. La violence, il n’y<br />

renonce pas malheureusement. Il sait qu’il doit user de<br />

ses poings s’il veut survivre dans le L.A. de l’ombre.<br />

Flinguer pour mieux donner la vie<br />

Déconnecté de tout Ellroy? Pas plus qu’aujourd’hui.<br />

Malheureusement extrêmement réaliste. Dans la vie, en<br />

général, on ne veut retenir que les bonnes choses d’une<br />

époque, d’une période. Ellroy c’est tout le contraire. C’est<br />

une psychanalyse sauvage. Une psychanalyse de lui-même<br />

et de toute une époque. C’était vraiment mieux avant?<br />

Est-ce qu’on a retenu les bonnes choses? Est-ce que cet<br />

article sert à quelque chose? Non, il ne vous a d’ailleurs rien<br />

appris de plus. Est-ce que toute cette crasse a nourri les<br />

60’s artistiquement? Possible. En tout cas, il suffit de voir<br />

ce qu’une ville aussi austère et dans la dèche que Detroit<br />

a produit : MC5, Stooges, SRC... Le Velvet Underground<br />

ne serait pas également la face sombre de ces années,<br />

loin du soleil de San Francisco? C’était vraiment si bien?<br />

À ceux qui veulent approfondir la chose, je vous conseille<br />

Destination Morgue de Ellroy pour les confessions et sa<br />

magnifique trilogie Underworld USA pour la fiction autour<br />

des 60’s. Une plongée hallucinante dans les recoins<br />

obscurs de l’Amérique d’alors avec des personnages<br />

aussi picaresques que Hoover, Kennedy et j’en passe.<br />

Pas trop de rock’n’roll malheureusement, mais bien une<br />

vision sans concession de ce que furent ces quelques<br />

dizaines d’années. Ce serait faux de dire qu’Ellroy n’a rien<br />

d’une rock star. Il a en tout cas brûlé la chandelle par les<br />

deux bouts. Le rock n’était pas dans ses oreilles, mais<br />

dans sa vie finalement. Et, James, encore merci pour ce<br />

voyage en train. J’espère que tu ne vas jamais lire cet<br />

article. D’ailleurs, tu dois t’en moquer incroyablement de<br />

ce que l’on peut dire sur toi. Tu vas rire, voire me traiter de<br />

petit con. Mais c’est comme cela qu’on t’aime. Et quant à<br />

une autre personne, cet article t’est dédié.<br />

Richard Joray

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