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Fr-19-03-2013

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Cinélatino, 25 es Rencontres de Toulouse Cinéma et politique<br />

Les connexions de l’histoire<br />

De notre correspondant<br />

particulier : Abdelmadjid<br />

Kaouah<br />

Il y a 25 ans, après les années de<br />

plomb et de dictature,<br />

l’Amérique latine reprenait<br />

laborieusement, son chemin<br />

vers la démocratie. C’est le<br />

moment où les cinéastes latino-américains<br />

reprennent leur souffle mais<br />

avec peu de moyens, les gouvernements<br />

de l’époque, n’ayant pas fait<br />

du cinéma une priorité. La meilleure<br />

réplique était de sortir de l’anonymat,<br />

de faire connaître les nouvelles<br />

productions à travers le monde pour<br />

espérer que le cinéma latino-américain<br />

dispose enfin de moyens et d’aides<br />

adéquats.<br />

C’est à cette époque, à Toulouse,<br />

où une expérience courageuse voit le<br />

jour à l’initiative d’Esther et de<br />

<strong>Fr</strong>ancis Saint-Dizier qui président<br />

Cinélatino a été inauguré le 15 mars<br />

par la projection simultanée en ouverture<br />

de deux longs métrages :<br />

«Infancia clandestina» de Benjamin<br />

Avila, qui traite du regard de l’enfance<br />

en période de dictature et «La Playa<br />

D.C.» de Juan Andrès Arango<br />

l’Association Rencontres cinémas<br />

d’Amérique latine, (ARCALT). Un<br />

mini-festival est organisé, l’espace<br />

d’un week-end où sont projetés une<br />

dizaine de films devant au moins<br />

1 500 personnes. Cette initiative réalisée<br />

par quelques bénévoles avec des<br />

moyens artisanaux allait faire son<br />

chemin et devenir aujourd’hui, un<br />

rendez-vous incontournable du<br />

cinéma latino-américain en <strong>Fr</strong>ance et<br />

en Europe ! Pour <strong>Fr</strong>ancis Saint-<br />

Dizier : «Le cinéma est un bon vecteur<br />

entre l’imaginaire et le réel.»<br />

D’une certaine manière, depuis son<br />

épopée héroïque, le festival<br />

«Cinélatino» de Toulouse est un vrai<br />

film, entre rêve et réalité. C’est le<br />

mérite de ses fondateurs qui y avaient<br />

cru en leur rôle de passeurs.<br />

Aujourd’hui Cinélatino, c’est pas<br />

moins de 10 jours de projections, une<br />

programmation non stop du meilleur<br />

de la production cinématographique<br />

latino-américaine récente,<br />

des films à découvrir, ou à redécouvrir,<br />

des films pour tous, petits et<br />

grands. Et pour couronner le tout,<br />

des sections de compétition pour<br />

longs, courts-métrages, fictions et<br />

documentaires... Sans oublier la<br />

dimension festive de ces rencontres<br />

qui se déroulent comme un avantgoût<br />

du printemps à Toulouse. La<br />

cour de la cinémathèque de Toulouse<br />

devient durant une dizaine de jours,<br />

le lieu d’une véritable fiesta dont les<br />

Latinos, seuls, ont le secret. Entre<br />

apéros-concerts, tango et rumba,<br />

débats, rencontres, expositions, rassemblant<br />

les professionnels du<br />

cinéma d’Amérique latine et<br />

d’Europe et les cinéphiles ainsi qu’un<br />

public curieux et nombreux. Des<br />

temps forts sont ainsi aménagés.<br />

L’édition <strong>2013</strong> revêt une dimension<br />

commémorative mais aussi hautement<br />

emblématique puisqu’elle se<br />

déroule sous le thème générique<br />

«Cinéma et politique», décliné en<br />

quatre sous-sections consacrées à<br />

«Dictatures et violence d’Etat»,<br />

«Migrations», «Globalisation» et<br />

enfin «Média et politique», un thème<br />

hautement sensible dans la mesure<br />

où il détermine en Europe souvent la<br />

perception biaisée d’une Amérique<br />

latine en pleine mutation. A cet<br />

égard, le grand Chris Marker, familier<br />

dans les années <strong>19</strong>60 de la<br />

Cinémathèque algérienne, et auquel<br />

Cinélatino rend hommage (en particulier<br />

dans la revue de l’Arcalt,<br />

Cinémas d’Amérique latine disait :<br />

«Nous, Européens, nous aimons bien<br />

les peuples en lutte, à condition qu’ils<br />

soient ou tout à fait martyrs ou tout<br />

à fait victorieux...»<br />

La Mostra de Cinélatino est<br />

consacrée cette année exclusivement,<br />

au rapport entre politique et cinéma<br />

avec 35 films réalisés durant le quart<br />

de siècle écoulé. Faut-il citer quelques<br />

réalisateurs ? On y retrouve<br />

naturellement les Chilien Patricio<br />

Guzman (avec «Salvador Allende»),<br />

Carmen Castillo, compagne de<br />

Miguel Enriquez dirigeant du MIR<br />

tombé sous les balles de Pinochet<br />

tandis qu’elle fut contrainte à l’exil.<br />

Devenue cinéaste, Carmen Castillo<br />

s’interroge dans l’émouvant «Rue<br />

Santa Fe» sur l’engagement et le sens<br />

de la résistance. Dans la nouvelle<br />

génération, Pablo Larrain avec<br />

«Santiogo 73, Post Morte». Pouvait-il<br />

en être autrement que de choisir le<br />

thème de «Cinema et politique» pour<br />

un vingt-cinquième anniversaire ?<br />

<strong>Fr</strong>ancis Saint-Dizier rappelle que dès<br />

ses premiers pas, le cinéma a été politique.<br />

Pour preuves, l’entrée des<br />

ouvrières filmées par les frères<br />

Lumière, métaphore des classes<br />

sociales, «Naissance d’une nation» de<br />

D. W. Griffith, embellissement de<br />

l’histoire…<br />

Cinélatino a été inauguré le 15<br />

mars par la projection simultanée en<br />

ouverture de deux longs métrages :<br />

«Infancia clandestina» de Benjamin<br />

Avila, qui traite du regard de l’enfance<br />

en période de dictature et «La<br />

Playa D.C.» de Juan Andrès Arango,<br />

qui restitue le drame des populations<br />

soumises aux déplacements forcés.<br />

Le film a été tourné avec les vrais<br />

habitants du quartier La Playa de<br />

Bogota.<br />

C’est dire la place que l’enfance<br />

occupe dans les œuvres des nouveaux<br />

réalisateurs latino-américains.<br />

Dans la section compétition longsmétrages,<br />

c’est le cas de «Princesas<br />

rojas», (Princesses rouges) de la réalisatrice<br />

Laura Astorga Carrera, qui<br />

fait un retour sur les années <strong>19</strong>80<br />

quand la révolution sandiniste au<br />

pouvoir au Nicaragua fut harcelée<br />

par la Contra puissamment appuyé<br />

par Reagan, qui entendait faire comprendre<br />

que «L’Amérique est de<br />

retour». Un film pathétique : un couple<br />

doit évacuer ses deux filles au<br />

Costa Rica proche. Les deux filles élevées<br />

dans le cule révolutionnaire<br />

continuent innocemment à jouer<br />

leur rôle de pionnières dans un Etat<br />

conservateur mais contrebalancé pat<br />

la chaleur humaine de ses gens. Sous<br />

le coup des évènements, le couple<br />

parental implose. La mère prend<br />

attache avec les Américains et se<br />

sauve à Miami. Les lendemains de la<br />

révolution sont parfois tristes et ne<br />

chantent pas toujours ? Révolution<br />

trahie ? A cette interrogation, Laura<br />

Astorga Carrera nous répondra qu’il<br />

fallait situer la trahison évoquée à un<br />

niveau personnel. Elle sait de quoi<br />

elle parle puisque son film est fortement<br />

autobiographique.<br />

Finissons cette correspondance<br />

sur une note plus réjouissante avec<br />

«Tango, no todo es rock» (Tango, il<br />

n’y a pas que le rock) de Jacques<br />

Goldstein et le photographe Pedro<br />

Lombardi qui revisitent sur les rives<br />

du Rio de la Plata, un genre qui est<br />

depuis la fin du XIXe siècle tout à la<br />

fois musique, danse et poésie. Une<br />

expression entre mélancolie et passion<br />

amoureuse dont les origines<br />

populaires l’ont au départ, vouée à la<br />

marge. Aujourd’hui, la bourgeoisie<br />

argentine danse le tango lequel<br />

connaît un engouement universel.<br />

Une vraie magie qui résume le couple<br />

et ses figures métaphoriques. Plus<br />

qu’un documentaire adroitement<br />

structuré, c’est un plaidoyer pour le<br />

renouveau d’un genre qui fonctionne<br />

sur des figures obligées et de jeunes<br />

danseurs photographiés dix ans<br />

auparavant ont emmenées vers d’autres<br />

rivages. Pour la petite histoire,<br />

rappelons que Toulouse et Buenos<br />

Aires se disputent la naissance de<br />

Carlos Gardel, figure de proue légendaire<br />

du Tango. En tous cas,<br />

l’Argentine ne passe pas inaperçue,<br />

elle vient de donner un pape dont le<br />

passé durant la dictature n’échappe<br />

pas au murmure des questions…<br />

D’ici le 24 mars, date de la clôture<br />

de Cinélatino, les cinéphiles pourront<br />

faire ample moisson de films.<br />

A. K.

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