Le quartier Vauban Une maison en papier Allemagne - Free

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*adobes : briques moulées de façon manuelle (normalement en terre crue). Briques de papier Du papier Alors, ce matériau, qu’est-ce que c’est ? On vous l’a dit : du papier ! Tim a tout récupéré : des journaux, des prospectus, des cartons d’emballage. Environ 70 m3. C’est l’ingrédient principal de ce qu’on appelle le “papercrete”. Il s’agit en fait d’un matériau grisâtre et peu dense qu’il a utilisé partout : les murs extérieurs, les murs intérieurs et le sol. La recette ? Elle semble peu importante. «Tout marche», nous dira-t-il. Tout dépend de l’objectif à atteindre : une concentration importante en papier conduit à un matériau très léger et très isolant mais au détriment de la masse thermique et de la solidité. Après de nombreux essais, il a toutefois figé les proportions suivantes : de l’eau, une part de ciment portland, deux parts d’un mélange sable et terre et trois parts de papier. L’aspect argileux de la terre de la région semble favorable. L’ensemble est broyé dans un «mixer» maison jusqu’à l’obtention d’une pâte qui a la consistance d’un petit déjeuner aux céréales. Pour la fabrication d’une gâchée de 750 litres, il faut près de 600 litres d’eau. La construction de la maison Tim construit cette maison seul depuis maintenant plus de deux ans. L’emménagement est prévu pour août 2002. Tous les murs ont été montés en papercrete. Tim nous explique qu’il avait le choix : ou fabriquer des briques, ou monter les différents murs d’un seul tenant. Il a choisi cette seconde solution par paresse: il ne voulait pas gérer la fabrication individuelle, le séchage, le stockage et le transport. Seul un mur intérieur (séparation entre la chambre et le salon) est monté en adobes*. Une pompe destinée au pompage des boues a permis le remplissage des différents coffrages. Les murs ont ainsi été moulés par couches successives journalières d’environ 90 cm de hauteur. Lors de la fabrication, l’eau des couches supérieures s’écoule évidemment vers le bas et humidifie les couches précédentes. Cela n’a guère d’inconvénients étant donné la bonne tenue du matériau à l’eau (voir encadré). La stabilité du mur est atteinte en un mois. La construction s’est terminée par le sol, de manière à éviter son trempage répété. Lors de la fabrication d’adobes, la matière devient stable environ 3 heures après le moulage et autorise alors le retrait du moule. Il faut toutefois une semaine de séchage avant l’utilisation. Plus la concentration en ciment est importante, plus le séchage est rapide. Le principal objectif, lors de la conception et de la fabrication, fut l’isolation. Isolation thermique, acoustique, mais aussi isolation au sens d’autonomie : aucune liaison ni au réseau électrique, ni au réseau d’eau potable, ni à l’égout. L’alimentation électrique est assurée par une série de panneaux solaires. La région est évidemment favorable et c’est la première chose que Tom a construite : il fallait faire tourner le mixer du papercrete… L’eau provient d’un puits et est filtrée par un filtre à cinq étages, dont une osmose inverse, mais sans désinfection. L’eau de pluie, sur le toit, est évidem- Le saviez-vous ? La consommation mondiale de papiers et cartons ne cesse de progresser. Les quatre plus grands consommateurs sont les Etats-Unis (33,8 % de la consommation mondiale), le Japon (8,3 %) et la Finlande (5 %) . Aux Etats- Unis, cela équivaut à plus de 330 kg par habitant. La France n’en est pas encore là, mais sa consommation (2,5 % de la consommation mondiale) dépasse les 150 kg par habitant, dont… 7,3 kg par habitant et par an pour le papier toilette. Les fibres de bois fournissent aujourd’hui plus de 90 % de la production mondiale de papier. Cependant, l’industrie de la pâte à papier consomme exclusivement les sous-produits de la forêt : rondins d’éclaircie, bois de cimes, déchets de scierie, ce qui permet une régulation des déchets de forêt. Dans une perspective historique, il apparaît que la surface de boisement a diminué de moitié, sauf dans des pays comme la Suède et la France, où la forêt occupe deux fois plus de surface qu’il y a cent ans. Ainsi, de 1950 à 1997, la forêt française a augmenté de 4 millions d’hectares, atteignant 15 millions d’hectares, soit 27 % du territoire national. Pour un arbre abattu, trois arbres sont plantés et on gagne ainsi plus de 20 000 hectares par an. La situation mondiale est malheureusement différente puisque 15 % de la surface boisée a disparu entre 1850 et 1980 et 6 % entre 1980 et 1995. La production française de papier est assurée à 70 % par les résineux, bien que ceux-ci ne représentent que 36 % de nos forêts. Sur la production mondiale de papier de 1994, environ 35 % proviennent du recyclage. Avec 60 à 65 % de papier collecté, la Suède occupe la première place pour ce qui est du recyclage du papier. La France se situe à 46 %. Pour fabriquer 90 000 t de pâte recyclée, il faut 105 000 t de papier de récupération alors qu’il faudrait, normalement, 200 000 m3 de bois de sapin (et beaucoup plus d’énergie et d’eau). n°10 août-septembre 2002 11
Tim sur le toit-terrasse 12 ment récupérée. Une fosse septique assure le traitement des eaux usées. L’isolation thermique et le système de chauffage ont fait l’objet d’un soin particulier. Tim voulait absolument assurer une isolation sans faille du sol au plafond et sans discontinuité de la couche isolante. Les murs ont ainsi une épaisseur de 300 mm ; le comportement en isolation du papier est finalement proche de panneaux en laine de verre (voir page suivante). Le sol a été particulièrement soigné et bénéficie aussi des propriétés d’isolation du papercrete. Sa structure est la suivante : 127 mm de papercrete puis 90 mm de béton (au niveau supérieur). Entre les deux, on trouve du…tuyau d’arrosage. 900 mètres de tuyau d’arrosage en plastique ! Il s’agit sans doute là de la plus grande fierté de Tim : son système de chauffage. Les 280 m2 du sol sont parcourus par un réseau inextricable de tuyaux qui assurent le chauffage par le passage d’eau chaude. L’habitation est en fait séparée en trois parties distinctes alimentées chacune par deux tuyaux (allerretour) qui passent par le plafond. Les trois branches sont elles-mêmes séparées en cinq branches en parallèle au moment d’entrer dans le sol. Chacune des trois parties de la maison est régulée par un capteur spécifique qui commande une électrovanne à la sortie de la chaudière au propane. La régulation de chacune des parties est donc indépendante et permet de mieux répartir la chaleur sur l’ensemble de l’habitation. Les premiers essais ont été «remarquables» selon Tim. Le rendement semble élevé du fait de la couche inférieure isolante en papercrete. En outre, le réseau est tellement serré que la température est très uniforme. La toiture est constituée de plaques de bois d’épaisseur de 2 cm posées sur un réseau de poutres en étoile à partir de la cour centrale. Le bois est recouvert, vers l’extérieur, de feuilles de plastiques et d’un revêtement caoutchouteux. L’isolation thermique est assurée, de l’intérieur, par de la laine de verre (ndlr : personne n’est parfait !). L’eau chaude courante est générée par une chaudière au propane. Tim l’a également choisie “écologique” : il n’y a pas de veilleuse et il n’y a allumage que lorsqu’il y a débit. En outre, la consommation en propane dépend de la température de l’eau : la chaudière ne n°10 août-septembre 2002 s’allume pas si l’eau est déjà à la bonne température. Un complément parfait au prochain système de chauffage solaire qu’il compte implanter. La maison Cathryn nous avait prévenus : «Vous repérerez facilement notre maison, elle est “rose fané” (“dusty pink”)». Il est vrai que la première impression est un peu mitigée. Vous traversez une région aux habitations très bourgeoises et, tout à coup, vous apercevez une vaste structure carrée au toit plat et à la couleur indéfinissable. Un petit côté western. Le cadre est superbe, un canyon côté sud et un chemin côté nord, mais les murs ne sont pas parfaitement lisses, la ligne de toit n’est pas parfaitement horizontale. On est un peu troublé quand on est issu d’une culture où un “beau mur” est un mur lisse avec des angles droits partout. Finalement, on s’habitue très vite et le couple a même cherché cet aspect non conventionnel. Il pointera du doigt, comme une qualité, les espèces de dessins, “comme ceux sur le sable”, qui apparaissent lorsqu’on enlève les coffrages. L’unique mur en adobes est, quant à lui, “parfait”. L’intérieur est très séduisant. La maison est très vaste : sa base fait 17 mètres. Elle est articulée autour d’une cour centrale d’environ 30 m2. Les plans ont été dessinés par Cathryn selon les règles du Feng Shui : la fonction et la disposition doivent obéir à des règles précises selon des principes chinois qui datent de plus de 3 000 ans. La maison est très lumineuse et très ouverte vers l’extérieur : beaucoup de portes et de fenêtres. La cour centrale permet d’accéder au toit grâce à un escalier : une vaste terrasse “pour admirer les étoiles”. L’ensemble n’était pas encore aménagé lors de notre visite mais semble fonctionnel, pensé, chaud. Une de ces maisons où l’on imagine vivre. En ce qui concerne le prix, Tim est conscient, que l’économie réalisée sur les matériaux est négligeable par rapport aux deux ans et demi qu’il vient de passer sur le terrain… Il insiste surtout sur les coûts réduits de fonctionnement : pas de frais liés à l’eau ni à l’électricité et une isolation thermique maximale. Pour terminer, laissons Tim tirer la conclusion : «Plus la construction avance, plus je tombe amoureux de cette maison. Le papier a des qualités spécifiques qui sont indescriptibles. Quand vous commencez à l’utiliser, à le tester et à jouer avec lui, tout ce que vous pensiez savoir sur les matériaux de construction s’effondre. Il n’est pas dur, mais il est assez dur. Il n’est pas dense mais il est assez dense. Il est chaud, silencieux et absorbe les vibrations[…]. C’est une bonne chose pour la Terre et ses habitants, qu’ils soient riches ou pauvres. J’encourage tout le monde à aller plus loin dans l’investigation de ce matériau». Il nous a paru très enthousiaste. Alors, chiche, si vous faisiez la première maison française en papier ? (ndlr : un prototype sera construit normalement l’an prochain dans le sud... à suivre) Patrick Desrumaux (Article et photos) • Tim et Cathryn Pye ont créé un site qui relate l’histoire de leur maison : www.moonsinger.com/casawizardmoon.htm. • Un site sur les maisons en papier : www.zianet.com/papercrete/
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