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Guerre larvée au FLN

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PHOTO : B. SOUHIL<br />

RÉFLEXION<br />

●●●<br />

Plus de la moitié<br />

de la<br />

nomenclature<br />

toponymique en<br />

Algérie<br />

a plus<br />

de deux formes<br />

orthographiques<br />

pour un même<br />

lieu<br />

Ce fonds de toile historico-linguistique,<br />

reconnu comme tel ou nié pour des raisons<br />

souvent idéologiques, est à l’origine de<br />

représentations que nous pouvons observer<br />

à travers une série d’indicateurs tels que<br />

les réactions des gestionnaires de la toponymie des<br />

pays arabes présents <strong>au</strong>x différentes conférences<br />

des Nations unies sur la normalisation des noms<br />

géographiques. Résumons ces réactions. La première<br />

est l’incohérence de la démarche sur l’état de l'écriture<br />

des toponymes loc<strong>au</strong>x. La seconde réside dans les<br />

hésitations devant l’ampleur du problème relatif à la<br />

translittération des toponymes. La troisième, enfin,<br />

porte sur l’impuissance à intégrer les particularités<br />

nationales et sous-régionales, linguistiques et<br />

politiques, dans une stratégie globale, à l’échelle du<br />

Maghreb et du monde arabe. Il f<strong>au</strong>drait y ajouter<br />

désormais dans notre représentation nationale et<br />

régionale les pays du Sahel et la commun<strong>au</strong>té des<br />

populations et des langues qui la composent, dont<br />

tamazight.<br />

Des données historiques objectives peuvent justifier<br />

la position des uns et des <strong>au</strong>tres, à savoir : la langue<br />

d’usage dans le fonds cartographique, généralement<br />

unique (français ou anglais) pour rendre compte des<br />

patrimoines toponymiques différents avec, dans le<br />

cas du Maghreb, une toponymie de souche berbère et<br />

de souche arabe. La tradition graphique dans la<br />

langue de l’ancienne puissance coloniale est encore<br />

prégnante dans les usages cartographiques, avec les<br />

mêmes présupposés historiques et idéologiques de<br />

départ, <strong>au</strong>xquels il f<strong>au</strong>t ajouter les expériences<br />

nationales, réussies ou avortées, de tentatives<br />

d’application, à des échelles différentes, des systèmes<br />

de normalisation, comme celui de l’Algérie en 1980.<br />

Le premier est le système mis <strong>au</strong> point conjointement<br />

par le PCGN (Grande-Bretagne) et le BGN (USA) en<br />

1956, revu et adopté par le Groupe des Experts des<br />

Nations unies (Genung, résolution N°II/8 en 1972).<br />

Le second, celui de l’Institut national géographique<br />

(ING) de France, a été mis en place en 1967. Donc, il<br />

ne f<strong>au</strong>t pas s’étonner de relever deux usages : Oued/<br />

Wed ; Sharm Sheikh, Charm Cheikh… Pire, la<br />

toponymie d’un sous-continent (le nord de l’Afrique)<br />

de souche berbère est confondue avec l’arabe, voire<br />

niée par une démarche institutionnelle de type<br />

jacobin. Cette négation, fruit d’un refoulé historique,<br />

nous rappelle à l’ordre, de quelle manière et à quel<br />

prix ! La confusion, par un phénomène d’attraction<br />

linguistique (In/Ain), de manière consciente et/ou<br />

inconsciente, peut faire déplacer des troupes militaires<br />

à des milliers de kilomètres du point indiqué.<br />

C’est pourquoi le recensement, l’attribution, le<br />

changement, l’identification d’un lieu, de manière<br />

rapide et sûre, est une démarche nationale intégrée :<br />

El Watan - Arts El Watan & Lettres - Arts - Samedi & Lettres 16 février - 1 2013 - 12<br />

CULTURE, TOPONYMIE ET SÉCURITE NATIONALE<br />

cartographie, commerce, recensement et statistiques<br />

nationales, opérations de recherche-s<strong>au</strong>vetage, droits<br />

de propriété et cadastre, production de cartes et<br />

d’Atlas, planification urbaine et régionale, navigation<br />

<strong>au</strong>tomatique, conservation environnementale,<br />

tourisme, techniques spatiales, catastrophes naturelles<br />

et Protection civile, sécurité nationale (militaire et<br />

civile), la police, la gendarmerie, les douanes,<br />

l’aviation, les postes et télécommunications, les<br />

collectivités locales, la justice, les transports, la<br />

culture, les Affaires étrangères… Des instances<br />

régionales et internationales sont également<br />

impliquées par les choix toponymiques d’un pays :<br />

UMA, Ligue arabe, OUA, ONU, CE, etc. Dans<br />

certains pays (USA, Canada, Israël…), la gestion de<br />

la toponymie relève de la sécurité nationale. Le<br />

premier rôle de la toponymie est de permettre<br />

l’identification, le repérage rapide et sécurisé d’un<br />

lieu donné. Des règles bien établies consacrent<br />

l’attribution de noms de lieux. L’existence et le<br />

fonctionnement du Groupe des Experts des Nations<br />

unies sur la normalisation des noms géographiques<br />

depuis 1957, de la commission permanente des<br />

Nations unies sur la normalisation des noms<br />

géographiques depuis une quarantaine d’années en<br />

sont la parfaite illustration. En outre, <strong>au</strong> plan<br />

institutionnel, le système d’écriture, en l’occurrence<br />

la translittération, souverainement adopté par les<br />

Etats peut nous renseigner sur l’adhésion ou le degré<br />

d’adhésion à des formes de normalisation, formalisée<br />

par un certain nombre de divisions géolinguistiques<br />

dans l’enceinte onusienne : francophone, arabophone,<br />

lusophone… activant soit à travers les conférences<br />

quinquennales sur la normalisation des noms<br />

géographiques, soit dans leur groupe d’experts<br />

(Genung).<br />

Deux systèmes d’écriture dominent en Algérie : la<br />

transcription et la translittération. Ainsi, «source»<br />

s’écrit soit Ain, soit ayn. On parlera de transcription<br />

pour le premier et de translittération pour le deuxième.<br />

C’est le cas du village Ammi Moussa/ammî Musa.<br />

Un système de translittération est un procédé<br />

consistant à enregistrer les signes graphiques d’un<br />

système d’écriture en signes graphiques dans un<br />

<strong>au</strong>tre système d’écriture. C’est pour cette raison que<br />

les experts de l’ONU parlent de «conversion» : il<br />

s’agit de la «transposition d'un nom de lieu d'une<br />

langue vers une <strong>au</strong>tre langue en l'adaptant <strong>au</strong>x règles<br />

phonologiques, morphologiques ou graphiques de<br />

celle-ci. La conversion s'effectue soit par<br />

transcription, soit par translittération» (Genung).<br />

Si nous faisons un rapide état des lieux de l’écriture<br />

des noms de lieux en Algérie et/ou <strong>au</strong> Maghreb, on se<br />

heurtera d’emblée à une absence de transcription ou<br />

de translittération uniforme des caractères arabes en<br />

caractères latins, et, tôt ou tard, pour le tamazight. La<br />

variation dans l’écriture d’un même nom a atteint des<br />

nive<strong>au</strong>x insoupçonnés dans notre région. Sur un<br />

corpus de plus de 20 012 toponymes, nous avons<br />

obtenu les résultats suivants : le nombre d’écritures<br />

pour un même nom de lieu est le suivant : plus de la<br />

moitié de la nomenclature toponymique en Algérie a<br />

plus de deux formes orthographiques pour un même<br />

lieu, exactement 52,53%. Les <strong>au</strong>tres pratiques se<br />

À L'AFFICHE<br />

PHOTO : D. R.<br />

déclinent ainsi : 3 orthographes, 18,4% ; 4 écritures,<br />

10,78% ; 5 écritures, 6,37% ; 6 écritures, 3,75% ; 7<br />

écritures, 2,38% ; 8 écritures, 2,03% ; 9 écritures,<br />

1,07% ; 10 écritures, 0,71% ; 11 écritures, 0,48% ; 12<br />

écritures, 0,77% ; 13 orthographes, 0,24% ; 14<br />

orthographes, 0,42% ; 17 orthographes, 0,06%.<br />

Prenons des exemples concrets en commençant par<br />

justement «ayn/Ain» et ses dérivés. Onze formes ont<br />

été relevées sur des documents officiels algériens :<br />

Ain/ Aine/ Aîn/ Aïen/ Aioun/ Aïoun/ Layoune/<br />

Aouïnet/ Aien/ Aouinettes/ Aouinet. On relèvera dix<br />

formes pour Cheikh/ Cheik/ Echikh/ Cheïkh/<br />

Chioukh/ Echikh/ Chioukr/ El Cheikr/ Chikr/ Chieikh.<br />

La multiplicité des écritures concerne <strong>au</strong>ssi bien les<br />

toponymes de souche arabe que de souche berbère.<br />

Tefoun/ Tefoune ; Telrhem/ Lirem ; Gherara/ Rherara/<br />

Rorara ; Cherrak/ ech-cherrak/ el-cherrak ; Oulhassa/<br />

Oulassa/ ou-lhassa/ Oulhaca ; El-Merhesla/<br />

el-Meghsel/ el-Merhassel/ Marhsel/ Merhassel/<br />

Merhesla/ Rhoussel.<br />

Nous voyons bien à travers ces listes que la<br />

transcription graphique des toponymes algériens est<br />

loin d’être résolue. Il f<strong>au</strong>t retenir qu’<strong>au</strong>cun système de<br />

transcription ou de translittération n’est parvenu à<br />

imposer ses règles. On ne peut faire abstraction d’un<br />

tel degré de généralisation «f<strong>au</strong>tive» sans s’interroger<br />

et interroger les probables et possibles explications<br />

d’un mode d’intervention n’établissant finalement<br />

<strong>au</strong>cune règle dans la procédure de mise en place d’un<br />

usage normalisé d’écriture des noms propres algériens<br />

(c’est <strong>au</strong>ssi le cas de l’état civil). La numérisation de<br />

ce fonds onomastique (ou noms propres) donne une<br />

dimension exponentielle à ce déficit structurel. Ce<br />

dernier rappelle une réalité intangible, celle, entre<br />

<strong>au</strong>tres, de la dimension stratégique de la matrice<br />

ethnolinguistique dans la pérennité des faits de<br />

culture et de société dans notre pays.<br />

Des entreprises, sous l’apparence de normalisation,<br />

ont été lancées dans les pays du Maghreb. En Algérie,<br />

avec le fameux décret 81-26 du 7 mars 1980, on a<br />

voulu changer l’usage consacré depuis des siècles et<br />

des milliers d’années (Skikda/Soukaykida) d’une<br />

société «dont la filiation est établie depuis la plus<br />

h<strong>au</strong>te antiquité» (Lacheraf, Des noms et des lieux,<br />

1999). En réalité, ces entreprises s’apparentent à une<br />

action d’uniformisation ; une entreprise de<br />

standardisation et une tentative de dérèglement<br />

politique des faits de culture et de langue, culture et<br />

identité n’ayant rien à voir avec la normalisation, <strong>au</strong><br />

sens moderne et rationnel du terme.<br />

Ce champ des pratiques dénominatives est perçu<br />

comme stratégique et relève désormais de la<br />

négociation entre Etats. Les textes les plus aboutis en<br />

la matière sont produits par le Groupe des experts des<br />

Nations unies sur la normalisation des noms<br />

géographiques (GENUNG). Rappelons que ce groupe<br />

a eu pendant une dizaine d’années un vice-président<br />

algérien : Atoui Brahim, docteur en géographie,<br />

colonel de l’ANP en retraite, <strong>au</strong>teur de Espace et<br />

toponymie en Algérie. Ce groupe réunissant les<br />

experts les plus compétents <strong>au</strong> monde définissait la<br />

normalisation comme étant l’établissement de règles,<br />

des critères appliqués à des noms ou ensembles de<br />

noms donnés. Cette normalisation peut s’opérer à<br />

différents nive<strong>au</strong>x : local, régional et international,<br />

selon les <strong>au</strong>torités et les régions concernées. Nous<br />

pouvons considérer que la normalisation se déclinerait<br />

en deux volets à l’intérieur de la juridiction territoriale,<br />

à savoir : l’établissement d’un ensemble de règles et<br />

l’écriture de chacun des noms en conformité avec ces<br />

règles. Le tout serait adossé à l’existence d’organismes<br />

dotés d’un certain pouvoir de supervision, sinon<br />

d’imposition. Alors, à ce moment, c’est nous qui<br />

dirons <strong>au</strong> monde que ce nom propre (de lieu ou de<br />

personne) est de chez nous et qu’il est normalisé car<br />

«l’existence et la forme ont été sanctionnées par une<br />

<strong>au</strong>torité qui a un pouvoir légal en matière<br />

d’officialisation des noms de lieux. Mais là encore,<br />

c’est une <strong>au</strong>tre histoire… F. B.<br />

*Docteur en sciences du langage, Ancien doyen de Faculté, Université de<br />

Mostaganem, chef de projet PNR /CRASC.

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