Les sens de la peau - Observatoire Nivea
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introduction<br />
Françoise Gründ montre les parentés troubles entre <strong>la</strong> <strong>peau</strong> et le son.<br />
Une parole, une musique, un bruit résonnent sur <strong>la</strong> surface cutanée en<br />
y imprimant une trace. On change <strong>de</strong> couleur face à une parole qui<br />
blesse ou émerveille, on en frissonne ou on a froid dans le dos. On reste<br />
<strong>de</strong> marbre <strong>de</strong>vant une agression coutumière dont il faut ignorer <strong>la</strong><br />
pointe acérée pour éviter une surenchère, mais à l’opposé un son ou une<br />
musique adoucissent, déten<strong>de</strong>nt et restaurent le goût <strong>de</strong> vivre. Selon sa<br />
signification et sa forme un son réchauffe ou refroidit selon <strong>la</strong> qualité<br />
d’émotion qu’il procure. Certaines cérémonies sollicitant <strong>la</strong> transe<br />
amène les possédés au hérissement <strong>de</strong> leurs poils ou <strong>de</strong> leurs cheveux.<br />
Le son a une puissance d’impact cutanée, il transforme <strong>la</strong> géographie<br />
cutanée.<br />
Maxime Coulombe dénonce l’idée que le regard est un seul <strong>sens</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
distance, il est aussi une forme paradoxale du toucher. Il y a une tactilité<br />
<strong>de</strong> l’œil car jamais le regard ne <strong>la</strong>isse tout à fait in<strong>de</strong>mne l’espace sur<br />
lequel il s’est, justement, posé. <strong>Les</strong> croyances popu<strong>la</strong>ires autour du<br />
mauvais œil en sont une illustration. Mais on peut aussi caresser du<br />
regard ou blesser à mort d’un coup d’oeil qui est comme un coup <strong>de</strong><br />
poignard. Plus encore, <strong>la</strong> neutralité est impensable <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> <strong>peau</strong> <strong>de</strong><br />
l’autre dans le jeu du désir. La nudité appelle le contact et<br />
métamorphose le voir en étreinte. Tentative sans doute <strong>de</strong> conjurer <strong>la</strong><br />
distance à l’autre. Mais toujours en même temps le désir se dérobe à son<br />
objet, et tel est d’ailleurs <strong>la</strong> condition <strong>de</strong> sa renaissance. Ainsi <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
photographe Nan Goldin à Princetown photographiant heure après<br />
heure son amante Siobhan dans un rituel érotique où <strong>peau</strong> et regard se<br />
mêlent.<br />
Benoist Schaal nous rappelle à <strong>la</strong> dimension olfactive <strong>de</strong> nos existences.<br />
Le mon<strong>de</strong> nous mène parfois par le bout du nez. Toute <strong>peau</strong> en effet<br />
émet une o<strong>de</strong>ur et traduit sur un mo<strong>de</strong> vo<strong>la</strong>tile ses états d’âme ou ses<br />
états <strong>de</strong> santé. L’accord <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs est sans doute une condition<br />
nécessaire à l’amour. En perdant l’odorat l’individu perd une part <strong>de</strong><br />
son orientation dans le mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> son goût <strong>de</strong> vivre. Sous l’égi<strong>de</strong><br />
notamment <strong>de</strong>s entreprises <strong>de</strong> marketing, <strong>de</strong> nombreuses o<strong>de</strong>urs<br />
artificielles tentent d’imprimer leur influence sur les comportements. Elles<br />
tentent d’isoler <strong>de</strong>s moments du quotidien, là où les o<strong>de</strong>urs « naturelles »<br />
se fon<strong>de</strong>nt dans l’ordinaire <strong>de</strong>s jours tout en leur procurant cependant<br />
ce relief qui fait que l’on se « sent » bien.<br />
Jean-Pierre Pou<strong>la</strong>in nous invite à une bal<strong>la</strong><strong>de</strong> entre saveurs et <strong>peau</strong>. Le<br />
goût relève en effet d’une architecture cutanée quand les aliments<br />
sont absorbés, mais les perceptions gustatives se conjuguent à <strong>de</strong>s<br />
<strong>sens</strong>ations olfactives, kinesthésiques, tactiles, voire même sonore quand<br />
<strong>la</strong> contexture <strong>de</strong>s aliments s’y prête. Manger c’est finalement incorporer<br />
les ingrédients qui entrent dans <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> <strong>la</strong> chair. Jean-Pierre<br />
Pou<strong>la</strong>in boucle son texte en rappe<strong>la</strong>nt l’étroite connivence entre <strong>la</strong><br />
cuisine et l’érotisme. La cuisine <strong>de</strong> l’amour est toujours proche <strong>de</strong><br />
l’amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> cuisine.