01.07.2013 Views

Les sens de la peau - Observatoire Nivea

Les sens de la peau - Observatoire Nivea

Les sens de la peau - Observatoire Nivea

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

8 LES SENS DE LA PEAU<br />

On a le « <strong>sens</strong> du contact », on « sent bien les choses » grâce à une<br />

« <strong>sens</strong>ibilité à fleur <strong>de</strong> <strong>peau</strong> ». Et on joue alors sur du « velours ». On « touche<br />

» quelqu’un par un témoignage émouvant, mais on le « manipule »<br />

à l’occasion. On le f<strong>la</strong>tte en « le caressant dans le <strong>sens</strong> du poil » ou on<br />

s’efforce <strong>de</strong> « prendre <strong>de</strong>s gants » pour ne pas le « heurter », et certaines<br />

personnes se « prennent avec <strong>de</strong>s pincettes » ou se « manient » avec<br />

pru<strong>de</strong>nce. Elles sont « chatouilleuses », elles exigent <strong>de</strong>s « gants <strong>de</strong><br />

velours » tandis que d’autres ont « <strong>la</strong> <strong>peau</strong> dure » ou sont « épaisses », « à<br />

moins qu’elles n’en tiennent une couche ».<br />

Une remarque acérée « blesse », « écorche », « heurte », ou elle « fait<br />

suer ». On est « piqué au vif », ou « on a mal » à cause d’un propos désobligeant<br />

ou d’un contact qui « donne <strong>de</strong>s boutons, hérisse le poil, tape sur<br />

les nerfs ». On est trop « <strong>sens</strong>ible » si on a <strong>de</strong>s « réactions épi<strong>de</strong>rmiques ».<br />

Une parole fait « froid dans le dos » ou<br />

« réchauffe le cœur » ; elle donne <strong>la</strong> « chair<br />

La qualité<br />

du rapport<br />

au mon<strong>de</strong><br />

est d’abord<br />

un histoire<br />

<strong>de</strong> <strong>peau</strong><br />

<strong>de</strong> poule » ou <strong>de</strong> « l’urticaire », elle « sou<strong>la</strong>ge »<br />

ou « irrite ». La gêne fait « piquer un fard ». Une<br />

re<strong>la</strong>tion est « brû<strong>la</strong>nte, tendre, douce, tiè<strong>de</strong>,<br />

piquante », etc. On est « onctueux, piquant,<br />

col<strong>la</strong>nt », ou une « <strong>peau</strong> <strong>de</strong> vache », un « dur »,<br />

un « mou », etc. Une personne est « chaleureuse<br />

», « g<strong>la</strong>ciale », etc. Chaque fois, le toucher<br />

débor<strong>de</strong> sur les autres <strong>sens</strong> en signant <strong>la</strong><br />

qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong> rencontre, il ouvre le mon<strong>de</strong>. Ces<br />

termes sollicitent le vocabu<strong>la</strong>ire du toucher<br />

pour dire les modalités <strong>de</strong> <strong>la</strong> rencontre. On a <strong>la</strong><br />

personne aimée « dans <strong>la</strong> <strong>peau</strong> », on l’accueille<br />

alors « à bras ouverts », mais, si elle est détestée,<br />

elle donne <strong>la</strong> « chair <strong>de</strong> poule » ou « hérisse<br />

le poil ». Certains veulent « faire <strong>la</strong> <strong>peau</strong> » <strong>de</strong> leur<br />

ennemi ou lui « tanner le cuir ». Dans nombre <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngues européennes,<br />

<strong>la</strong> <strong>peau</strong> est une métonymie <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne. En français par exemple, on<br />

« sauve sa <strong>peau</strong> », on « se met dans <strong>la</strong> <strong>peau</strong> <strong>de</strong> l’autre », on « lui fait <strong>la</strong><br />

<strong>peau</strong> », etc. « On est bien ou mal dans sa <strong>peau</strong>. » On retrouve les mêmes<br />

expressions en allemand ou en ang<strong>la</strong>is. La qualité du rapport au mon<strong>de</strong><br />

est d’abord une histoire <strong>de</strong> <strong>peau</strong> 11 .<br />

Le toucher comme limite<br />

Le rêveur cherche à se pincer pour se convaincre <strong>de</strong> son état. Il sait<br />

combien <strong>la</strong> vue est propice aux illusions. En touchant les choses, on<br />

reconnaît qu’elles existent. Le mon<strong>de</strong>, et donc <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’autre,<br />

est d’abord une modalité tactile. Sens <strong>de</strong> l’interface entre soi et l’autre, le<br />

toucher incarne <strong>la</strong> limite radicale entre le sujet et son environnement.<br />

Il impose le contact immédiat, <strong>la</strong> butée palpable <strong>de</strong> l’objet qui assure au<br />

réel sa cohésion et sa solidité. Il donne à l’homme les points d’appui<br />

qui l’enracinent sur un terrain tangible. Il a un statut <strong>de</strong> vérification <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> véracité <strong>de</strong>s choses. La parole <strong>de</strong> Thomas, dans l’Évangile, l’atteste :<br />

« <strong>Les</strong> autres disciples lui dirent donc : “ Nous avons vu le Seigneur ! ”<br />

Mais il leur dit : “ Si je ne vois pas dans ses mains <strong>la</strong> marque <strong>de</strong>s clous,<br />

si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ” (Jean, 20, 25).<br />

À son retour, Jésus sollicite lui-même Thomas : « Avance ton doigt ici et<br />

regar<strong>de</strong> mes mains, avance ta main et mets-<strong>la</strong> dans mon côté, et ne sois<br />

plus incrédule mais croyant. » Thomas, plonge ses doigts dans les p<strong>la</strong>ies.<br />

11. D. le Breton, La Peau et <strong>la</strong> Trace. Sur les blessures <strong>de</strong> soi, Paris, Métailié, 2003.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!