Ebook complet en PDF - TRAVERSES, Livre voyageur
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Traverses, livre <strong>voyageur</strong><br />
qui ressemble à un récit d’av<strong>en</strong>ture. Cette semaine,<br />
je pars avec B., notre photographe ; c’est lui qui<br />
conduit, je n’ai pas le permis. Il a un corps imm<strong>en</strong>se<br />
et fort, une démarche l<strong>en</strong>te et sure, avec un léger<br />
déhanchem<strong>en</strong>t qui dessine dans ses pas l’ombre<br />
d’une tristesse, une inflexion perchée dans ses yeux,<br />
dans la courbe desc<strong>en</strong>dante de ses sourcils. Nous<br />
partons, je suis rassuré d’être avec lui, j’imagine que<br />
les bidons seront bi<strong>en</strong> lourds quand il faudra les remonter<br />
une fois pleins. Je me s<strong>en</strong>s inutile mais je suis<br />
cont<strong>en</strong>t d’être avec B., simplem<strong>en</strong>t parce que nous<br />
nous apprécions. Nous chargeons les bidons pleins,<br />
avec l’aide de l’homme de la maison, sous les rires<br />
de ses deux femmes qui se moqu<strong>en</strong>t de lui. Et puis<br />
nous refusons un dernier thé, nous déclinons l’invitation<br />
pour manger, pour dormir là, nous voyons<br />
bi<strong>en</strong> qu’il va bi<strong>en</strong>tôt faire nuit mais il faut que l’on<br />
r<strong>en</strong>tre à la maison des fouilles, on nous y att<strong>en</strong>d.<br />
Nous nous mettons <strong>en</strong> route. Devant nous il y a<br />
une grande plaine bleutée et zébrée de nombreuses<br />
traces de véhicules, derrière nous nous s<strong>en</strong>tons le<br />
soleil se coucher au calme qui règne sur le ciel sans<br />
nuages. Nous roulons <strong>en</strong> nous fixant sur un tell que<br />
nous devinons à l’horizon, mais ce n’est pas le bon.<br />
Gardant la fin du jour dans notre dos, nous t<strong>en</strong>tons<br />
de retrouver notre route, <strong>en</strong> vain. Partout où nous<br />
regardons nous ne voyons que cette grande plaine,<br />
Les trois jours du Coran<br />
des tells à l’horizon, des pompes noires et des traces<br />
de pneus. Alors nous roulons quelque temps sans<br />
trop savoir où aller et puis nous desc<strong>en</strong>dons dans<br />
une dépression pierreuse. Nous voyons plus loin<br />
une tache de verdure et une maison beige, trahie par<br />
la couleur des arbres qui l’<strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t. Quelqu’un se<br />
ti<strong>en</strong>t devant le seuil, habillé <strong>en</strong> blanc. De là où nous<br />
sommes, nous le croyons assis. Cela nous soulage :<br />
nous nous dirigeons vers la maison et son occupant,<br />
allant au plus court sur les solides amortisseurs de<br />
notre voiture.<br />
Nous sommes presque arrivés et nous nous apercevons<br />
que l’homme que nous voyions de loin est <strong>en</strong><br />
train de prier. Nous nous arrêtons alors, mais le mal<br />
est fait : il s’est levé et nous regarde. Nous l’avons<br />
déjà dérangé, il nous fait signe de nous approcher.<br />
C’est un vieil homme, avec une grande robe et le calot<br />
des hadjis sur sa tête, la marque des sages qui sont<br />
allés à la Mecque. Il nous sourit mais parait surpris de<br />
nous voir ; son hospitalité embarrassée m’embarrasse<br />
<strong>en</strong> retour, je me s<strong>en</strong>s grossier et impoli et un regard<br />
à B. me fait compr<strong>en</strong>dre qu’il est aussi mal à l’aise.<br />
Toujours dégingandé et <strong>en</strong>core plus sublime dans sa<br />
gêne, il me glisse à l’oreille que l’on a dû rouler sur le<br />
champ du vieillard. Je me retourne vers la plaine de<br />
caillasses que nous avons traversée pour v<strong>en</strong>ir à lui<br />
et je me s<strong>en</strong>s <strong>en</strong>core plus horriblem<strong>en</strong>t embarrassé :<br />
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