ÉVÉNEMENT EVENT 10 ... CMAG _ JUILLET-AOÛT/JULY-AUGUST 2011
savoir est uniquement oral, retrouve là le poète Hölderlin, que l’on aurait voulu dément : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ». Continuer à aimer Schubert, qu’adoraient les nazis… « Je me suis longtemps interrogé sur le hasard. Je suis un survivant, né à Paris d’un père juif, pendant la guerre, à une époque où ma mère aurait dû m’avorter. Mais je suis là, je suis chanceux. J’ai toujours fait ce que j’ai voulu faire », glisse l’artiste. Pour Venise, sous une lumière plus généreuse qu’à l’accoutumée, c’est ce mélange de réfl exion et de casino qu’il a mis en scène avec l’installation « CHANCE ». Dans le jardin entourant le Pavillon français, sept chaises qui murmurent dès qu’on s’y assoit : « Est-ce la dernière fois ? ». Dans la pièce centrale, des échafaudages parcourus par un ruban semblable à celui d’une rotative, déroulant les visages de 600 bébés âgés d’un jour. De façon aléatoire, la machine s’arrête sur une sonnerie stridente. Un des visages est projeté. Un individu est choisi. Mais pour quoi ? Dans les salles latérales, des compteurs affi chent en temps réel l’un le nombre de naissances dans le monde, l’autre celui des décès. « Le système est connecté à Internet. La vie triomphe : chaque seconde, il y a cinq morts et huit naissances. À la fi n de chaque journée, le solde est toujours positif. » Dans la salle du fond, un écran vidéo compose en permanence des faciès monstrueux, agençant les fragments de trois visages différents, parmi 60 enfants polonais et 60 autres de la série des « Suisses morts », utilisée par Christian Boltanski depuis une vingtaine d’années : « Les Suisses n’ont aucune raison historique de mourir »… En appuyant sur un bouton, le visiteur peut interrompre le processus : si les trois parties de l’image correspondent, comme au jackpot, il gagne l’œuvre exposée. « Mon travail consiste à faire un collage dans un espace donné. Ce n’est pas une œuvre que l’on regarde, mais dans laquelle on est », ajoute le peintre au seuil de son atelier. L’anodine porte de garage se referme sur un quartier pavillonnaire apparemment sans histoire. La partie avec le diable n’a jamais cessé. Tant pis pour le collectionneur australien : à la fi n, c’est la vie qui gagne. In a seemingly anonymous suburb of Paris behind an innocuous garage door, a man has been playing his “game with the devil” since the very fi rst hour of 2011. In that time, he has been fi lmed night and day by four cameras in his artist’s studio. The images are projected live on the other side of the world in a museum room dug out of the rock in Hobart on the island of Tasmania. The artist is Christian Boltanski, a key fi gure on the international art scene. The “devil”, who is paying Boltanski a monthly fee for this work and, in effect, betting on the artist’s death in the next eight years, is art collector David Walsh. Walsh is an inveterate gambler who made his fortune in sports betting and invested it in the Museum of Old and New Art, MONA. Christian Boltanski smiles as he talks to us in his studio in Malakoff. “So what if I’m fi lmed? These images are not my life, it isn’t even me,” he says. Decidedly non-Proustian, he knows nothing of the limits of biography, to say nothing of autobiography. Born in 1944 (that much can be biographically told), self-taught and incapable of going to school, he came to fame in the seventies with his objects, his “Vitrines de Références” showcases displaying found (and created) objects retracing banal, everyday lives. Until the “Personnes” show at the Grand- Palais in Paris in early 2010, his obsession would remain elsewhere – in the idea of the singular as appearance. With everyday objects Dans la salle du fond, un écran vidéo compose en permanence des faciès monstrueux, agençant les fragments de trois visages différents. In the room at the back, a video screen composes grotesque portraits from the fragments of three different faces. +++ CYBER CASINO Un site Internet permet de participer au jeu de combinaison des visages : www.boltanskichance.com. CYBER CASINO Web users can take part in the face-combining game at www. boltanski-chance.com. 54 E BIENNALE DE VENISE - 54TH VENICE BIENNALE DOMAINE PUBLIC Soutenu par Citroën, le projet de Christian Boltanski est une commande publique. Pour commissaire, l’artiste a choisi Jean-Hubert Martin, conservateur général du Patrimoine, directeur honoraire du Musée national d’art moderne Georges Pompidou. Le commissariat général du Pavillon français est, quant à lui, assuré par l’Institut français – agence du ministère des Affaires étrangères et européennes chargée de la promotion de l’action culturelle –, en coproduction avec le Centre national des arts plastiques (CNAP) et en collaboration avec la Direction générale de la création artistique (DGCA), deux entités rattachées au ministère de la Culture et de la Communication. À l’issue de la Biennale, l’œuvre de Christian Boltanski rejoindra les collections du fonds national d’art contemporain. PUBLIC DOMAIN Backed by Citroën, Christian Boltanski’s work is a public commission. Boltanski has chosen Jean-Hubert Martin, national heritage curator and honorary chairman of the Pompidou Modern Art Museum, as art director. The general direction of the French Pavilion is ensured by Institut Français – an agency of the Foreign Affairs Ministry tasked with promoting cultural initiatives – in co-production with Centre National des Arts Plastiques and in collaboration with Direction Générale de la Création Artistique, two entities of the French Ministry of Culture and Communication. After the Biennale, Boltanski’s work will join the national collection of contemporary art. ... CMAG _ JUILLET-AOÛT/JULY-AUGUST 2011 11