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Le Triple autoportrait de Norman Rockwell Introduction Autoportrait ...

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<strong>Le</strong> <strong>Triple</strong> <strong>autoportrait</strong> <strong>de</strong> <strong>Norman</strong> <strong>Rockwell</strong><br />

<strong>Introduction</strong><br />

<strong>Autoportrait</strong> = portrait d’un artiste réalisé par lui-même => le résultat <strong>de</strong>vrait donc être réaliste puisque l’œuvre<br />

doit représenter l’artiste. Et pourtant… <strong>Norman</strong> <strong>Rockwell</strong>, peintre américain <strong>de</strong>s années 60, en a réalisé un<br />

célèbre qui révèle toute l’ambiguïté <strong>de</strong> cet exercice.<br />

I) <strong>Norman</strong> <strong>Rockwell</strong><br />

- Peintre et <strong>de</strong>ssinateur américain (New York 1894 – Stockbridge 1978) ayant connu <strong>de</strong> nombreux mouvements<br />

artistiques, célèbre pour avoir illustré <strong>de</strong> 1916 à 1960 les couvertures du magazine Saturday Evening Post.<br />

- Auteur d’affiches célèbres, style caractérisé par son réalisme et son humour, use aussi <strong>de</strong> la caricature pour<br />

accentuer le caractère comique <strong>de</strong> certaines situations.<br />

- Fin années 50 : <strong>Rockwell</strong> commence à être reconnu par le « Post » et déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> publier en feuilleton sa<br />

biographie. Il accompagne cette publication par un tableau : son triple <strong>autoportrait</strong>.<br />

- Héritier <strong>de</strong> la tradition naturaliste américaine du 19è (elle correspond chez nous au travail <strong>de</strong> <strong>de</strong>scription quasi<br />

scientifique d’un Zola par exemple), style précis et méticuleux qui annonce l’hyperréalisme (réalisme quasiment<br />

photographique qui s’inspire du Pop Art et qui consiste en la reproduction à l’i<strong>de</strong>ntique d’une photographie en<br />

peinture).<br />

II) L’œuvre : présentation<br />

- nom d’origine : <strong>Triple</strong> Self-Portrait<br />

- date <strong>de</strong> réalisation : 1960<br />

- dimensions : 113 x 87 cm<br />

- technique : huile sur toile<br />

- lieu où se trouve l’œuvre : Stockbridge, Massachussetts, au musée <strong>Norman</strong> <strong>Rockwell</strong>, USA<br />

III) Description et analyse <strong>de</strong> l’œuvre<br />

L’artiste se représente <strong>de</strong> dos en train <strong>de</strong> peindre son propre portrait tout en s’observant dans la glace. Chacun<br />

<strong>de</strong>s 3 plans offrent successivement une image <strong>de</strong> l’artiste. <strong>Le</strong> nom qui figure en bas à droite sur le tableau en<br />

cours <strong>de</strong> réalisation permet d’établir explicitement l’i<strong>de</strong>ntité entre le personnage représenté et l’auteur.<br />

Mais le rôle <strong>de</strong> cette toile n’est-elle pas <strong>de</strong> montrer le travail <strong>de</strong> l’artiste que l’artiste lui-même ?<br />

A) Description d’un peintre au travail<br />

Tous les éléments <strong>de</strong> l’atelier d’artiste figurent ici où le peintre se peint en pleine activité.<br />

Il se représente <strong>de</strong>vant son chevalet, sur un tabouret. A ses pieds : pinceaux, tubes, allumettes éparpillés ;<br />

poubelle, verre d’eau sale, <strong>de</strong>s esquisses…<br />

Son corps penché sur la gauche permet <strong>de</strong> distinguer ce qu’il peint : un portrait <strong>de</strong> lui-même, inachevé, sans<br />

couleurs => On assiste bien à l’œuvre en train <strong>de</strong> se faire et non au résultat final.<br />

B) <strong>Le</strong>s autres éléments qui renvoient au travail <strong>de</strong> l’artiste<br />

- épinglés en haut à droite, 4 <strong>autoportrait</strong>s <strong>de</strong> peintres : Dürer, Rembrandt, Van Gogh et Picasso<br />

= mise en abyme (représenter une œuvre dans une œuvre du même type), références prestigieuses qui nous<br />

renvoient à l’histoire <strong>de</strong> la peinture et <strong>de</strong> l’<strong>autoportrait</strong>, 4 styles différents illustrant (rapi<strong>de</strong>ment) l’évolution <strong>de</strong><br />

l’art et <strong>de</strong> la manière <strong>de</strong> se représenter.<br />

= affirmation <strong>de</strong> son héritage culturel européen, même si c’est en Américain qu’il se peint (voir le pygargue : aigle<br />

à tête blanche, emblème <strong>de</strong>s USA au-<strong>de</strong>ssus du miroir). Un <strong>de</strong>s symboles les plus connus aux USA, apparaît dans<br />

la plupart <strong>de</strong>s sceaux officiels, y compris sur celui du prési<strong>de</strong>nt américain.<br />

- épinglée en haut à gauche, une feuille d’étu<strong>de</strong> représentant <strong>de</strong>s esquisses du peintre par lui-même.<br />

Tous ces éléments nous renseignent sur la technique <strong>de</strong> <strong>Rockwell</strong> : 1) choisir son sujet ; 2) plusieurs<br />

esquisses et croquis ; 3) <strong>de</strong>ssin au fusain très précis et au format i<strong>de</strong>ntique à celui <strong>de</strong> la toile définitive ; 4)<br />

reporter ce <strong>de</strong>ssin sur la toile et début <strong>de</strong> la peinture proprement dite.<br />

- un livre d’art sur une chaise, ouvert et annoté, qui révèle là encore la nécessité <strong>de</strong> se documenter. <strong>Le</strong> travail<br />

n’apparaît pas comme qch <strong>de</strong> naturel et spontané mais comme le fruit d’une réflexion et d’une préparation qui<br />

trouve ses références dans d’autres œuvres.


III) Réflexion sur la représentation <strong>de</strong> soi<br />

Laquelle <strong>de</strong> ces trois représentions est la plus juste et la plus fidèle ?<br />

- personnage vu en entier, en plan moyen, mais <strong>de</strong> dos, lunettes et tempes grisonnantes, on ne voit pas le visage<br />

une question se pose : comment peut-il se représenter <strong>de</strong> dos ?<br />

- un portrait <strong>de</strong> face en plan rapproché, mais ce n’est que le reflet du miroir plus éloigné. <strong>Le</strong>s lunettes ne<br />

permettent pas <strong>de</strong> découvrir le regard.<br />

une question se pose : s’il voit mal, comment peut-il se représenter fidèlement ?<br />

- un portrait en gros plan, mais c’est celui du tableau dans le tableau, inachevé, pas en couleurs. Artiste<br />

transformé, <strong>autoportrait</strong> plus grand que nature, pas <strong>de</strong> lunettes.<br />

il offre ici une image idéalisée <strong>de</strong> lui-même, rajeunie, embellie. La pipe qu’il fume est à l’horizontale et non pas<br />

tombante comme dans la « réalité ».<br />

=> Se peindre, n’est-ce pas offrir une image déformée <strong>de</strong> soi ? une image « arrangée » ? n’est-ce pas toujours<br />

mensonger ? C’est peut-être le message que cette mise en abyme semblerait laisser passer.<br />

Aucun <strong>de</strong> ces trois portraits n’est satisfaisant pour rendre compte <strong>de</strong> l’artiste : toute représentation est<br />

éphémère (on vieillit), trompeuse (un reflet) et donc mensongère car elle traduit ce que l’artiste veut bien<br />

montrer <strong>de</strong> lui-même : une image plutôt péjorative <strong>de</strong> l’artiste ici.<br />

III) Une autodérision<br />

Cette attention particulière apportée aux détails montre aussi que l’artiste se moque <strong>de</strong> lui-même.<br />

- le portrait <strong>de</strong> dos dans une position peu flatteuse ;<br />

- le contraste entre les objets appartenant au domaine militaire (aigle, casque), qui révèlent une volonté <strong>de</strong><br />

puissance, et le désordre ambiant (objets par terre, poubelle fumante, verre bancal, livre ouvert).<br />

A noter que la place du casque, au sommet du tableau, peut encore être la marque que <strong>de</strong>rrière ce désordre<br />

ambiant règne une gran<strong>de</strong> lucidité <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’artiste, à la fois sur son art, sa création et sur la vision qu’il a<br />

réellement <strong>de</strong> lui-même.<br />

L’artiste ne se prend pas au sérieux et s’amuse dans cette représentation <strong>de</strong> lui-même.<br />

- 4 <strong>autoportrait</strong>s <strong>de</strong> ses prédécesseurs pour leur rendre hommage et mettre en évi<strong>de</strong>nce la mo<strong>de</strong>stie <strong>de</strong> son<br />

travail.<br />

IV) Conclusion<br />

Ce tableau, quand on le voit pour la 1 ère fois, paraît autant qu’un <strong>autoportrait</strong>, une sorte d’exercice pédagogique<br />

et humoristique sur le thème <strong>de</strong> l’<strong>autoportrait</strong>. Ce qu’on voit là, c’est justement ce que le peintre ne peut pas voir<br />

et ce qu’imagine le spectateur d’<strong>autoportrait</strong>.<br />

N’est-il pas non plus, à quelques années <strong>de</strong> sa révérence à la vie, la manifestation d’un homme qui se sent vieillir,<br />

comme les peintures, et qui le transmet sur le ton <strong>de</strong> la dérision ?...

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