monde arabe contemporain

Bab al-Faro} à Alep " un nouveau centre-ville pour de nouveaux territoires extérieurs,
pour une nouvelle société ?
Dès 1881, des notables aleppins ont acheté de la terre dans la vallée de l'Euphrate ou
formé des associations dans la basse vallée du Balikh, alors que des propriétaires d'Urfa
s'installent dans la partie supérieure du Balikh (N. Lewis). Les marchands ne sont pas
les seuls investisseurs dans l'agriculture, d'autres appartiennent aux différents groupes
de notables, fonctionnaires religieux et civils titulaires de charges en ville et dans l'administration
provinciale, propriétaires terriens et fermiers des impôts, qui constituent la
nouvelle bureaucratie gouvernementale, en développement dans la seconde moitié du
XIxe siècle.
La fin du XIXe siècle est marquée par une prospérité certaine et par un renouveau des
échanges à longue distance. Les principaux marchés d'Alep demeurent ceux d'une
large région qui s'inscrit dans le nœud oriental de l'Empire ottoman, avec l'Anatolie
centrale et orientale au nord, Mossoul à l'est, l'Égypte au sud, où les marchands aleppins
exportent les produits des manufactures de la ville, ceux de l'agriculture et des
activités pastorales, contre des importations. La polarisation continentale, interne, des
activités de la ville se confirme.
Les territoires d'Alep avant la première guerre mondiale
Une certaine logique territoriale est dictée par les fonctions commerciales, régionales et
internationales d'Alep, dont un des versants essentiels, outre les réseaux continentaux,
est l'ouverture vers la Méditerranée.
Alexandrette est le principal débouché naturel et historique d'Alep sur la mer. La route
Alep/ Alexandrette est l'une des premières modernisées dans la région ll , vers 1880. Une
nouvelle route est quasi terminée en 1914. La voie ferrée d'Istanbul à Bagdad par Alep
est branchée sur le port d'Alexandrette en 1914, par le tronçon Toprak Kaleh/
Alexandrette, permettant un accès à ce port depuis Alep. Mais la liaison Alep /Beyrouth
par voie ferrée date de 1906, autorisant dès lors un accès relativement aisé à un port bien
équipé et dynamique 12 • Très vite, le trafic d'Alep avec la Méditerranée s'oriente donc
vers Beyrouth, entraînant une baisse du tonnage embarqué et débarqué à Alexandrette
entre 1906 et la guerre. Le changement de tendance imprimé au commerce extérieur
aleppin par l'ouverture vers le sud pouvait alors sembler provisoire, puisque
Alexandrette fait partie du territoire syrien sous mandat jusqu'en 1939. Pourtant la voie
ferrée directe Alep / Alexandrette ne sera jamais réalisée. Lattaquié deviendra un peu
plus tard une alternative purement syrienne à Beyrouth.
Le changement, qui s'avère irréversible, peut être l'expression d'une réorganisation du
territoire syrien qui commence à s'opérer avant la chute de l'Empire ottoman 13 , dans
11 Elle est affectée du figuré des Chausseen (chaussées) dans la carte de Kiepert et Werner peu avant 1905.
12 Malgré la distance et quelques inconvénients techniques: une partie du trajet Rayak-Beyrouth utilise un
système à crémaillère; un transbordement est nécessaire du fait de la différence d'écartement de la voie
ferrée, voie normale entre Alep et Rayak, voie métrique en direction de Beyrouth.
13 L'utilisation du bois est un bon exemple de bouleversement, à la fois commercial et technologique.
Traditionnellement, les plafonds des maisons et d'autres bâtiments sont constitués de planches supportées
par des rondins de pin de 3,50 m à 4 m de long, apportés des forêts de régions assez éloignées au nord
d'Alep, entre' Antab et Marrach, actuellement en Turquie. Avec le chemin de fer, l'importation de poutrelles
métalliques, déjà utilisées depuis quelques décennies pour des bâtiments publics, devient facile. Très rapidement
le bois est totalement abandonné et remplacé par les poutrelles métalliques importées d'Occident
par Beyrouth.