monde arabe contemporain
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La steppe de la Palmyrène sous le Mandat français:<br />
marginalisation économique, redéploiement des activités entre Alep et le Nord-Est<br />
nistrativement dissociés, mais correspondant à des "territoires emboîtés" par les activités<br />
humaines!.<br />
Nos sources sont les écrits de l'époque: quelques rapports officiels des autorités civiles<br />
ou militaires; quelques études ethnologiques. Toutefois la lecture, l'interprétation (la<br />
reconstitution de l'histoire) que nous en faisons aujourd'hui est guidée par les traces<br />
laissées dans les mémoires que nous avons pu recueillir au cours de nos recherches sur<br />
le terrain de 1985 à 1992.<br />
Le Mandat: sécurité, modernité, marginalisation de la Palmyrène<br />
Jusqu'au début du vingtième siècle, la vie des petites cités de la Palmyrène, à la fois<br />
"ports du désert" et marché local, reposait sur trois types de ressources:<br />
- La principale était celle que fournissaient le transit caravanier et les fonctions<br />
d'escale sur les routes du grand commerce et du Pèlerinage; Palmyre et Sukhné<br />
se trouvaient au carrefour des pistes qui rejoignaient les grandes villes <strong>arabe</strong>s des<br />
provinces orientales de l'Empire: Basra, Bagdad, Alep, Mossoul, Damas et, par<br />
delà, les ports de la Méditerranée ou les villes saintes de l'islam en Arabie.<br />
Sukhné se situe en effet au débouché de deux des trois passes qui permettent de<br />
franchir la barrière montagneuse qui sépare la steppe de la zone sédentaire. Les<br />
oasiens de la Palmyrène étaient chameliers, caravaniers, ils fournissaient les<br />
moyens de transports et l'équipement aux pèlerins et aux voyageurs et guidaient<br />
ou accompagnaient les caravanes. La possession de moyens de transports était le<br />
principal signe de leur (relative) richesse. Leurs cités faisaient fonction d'escale,<br />
de "ports du désert", de jalons sur les pistes du commerce à longue distance et<br />
un commerce s'y développait à l'occasion du passage de la grande caravane de<br />
la soie et surtout de la caravane du Pèlerinage.<br />
- Ces sédentaires exploitaient aussi à des fins commerciales les ressources végétales<br />
de la zone. Dans les montagnes avoisinantes, ils allaient chercher le chnan 2 à<br />
partir duquel ils fabriquaient de la potasse al-qaIP. Formant leur propre caravane,<br />
jusqu'à dix fois dans l'année, ils acheminaient cette potasse vers Alep où elle était<br />
vendue aux savonniers de la ville. Travaillant ensuite pour ces derniers comme<br />
chameliers de louage, à la morte-saison, certains acheminaient et distribuaient la<br />
production de savon jusqu'en Mésopotamie et dans tout le Sud de l'Anatolie.<br />
- Avec le produit de la vente du qalî, d'autres achetaient en ville les tissus, le<br />
grain, le sucre et tous les produits d'épicerie et les outils nécessaires à leur commerce<br />
avec les tribus bédouines qu'ils fournissaient et accompagnaient dans leur<br />
Cette notion de territoires "emboîtés" est empruntée aux géographes et ethnologues africanistes dans leur<br />
analyse des pratiques spatiales et des perceptions de l'espace chez diverses populations, en particulier à<br />
Bemus (E.), Etlmogéographies, 1995, p. 46.<br />
2 Un arbuste du pays qui est une variété de saule.<br />
3 La potasse est obtenue par combustion à l'air libre du cllIIal/. Le savon était à cette époque fabriqué à Alep<br />
à partir du mélange comprenant 28 % d'eau, 14 % de potasse, 6 % de soude caustique et 52 % d'huile. H.C.<br />
1929,256.