monde arabe contemporain

Bab al-Faraj à Alep : un nouveau centre-ville pour de nouveaux territoires extérieurs,
pour une nouvelle société?
Parmi les musulmans, constructeurs d'immeubles modernes, (investisseurs dans l'hôtellerie
?), Ghazzi cite Hosni Sba'i, Abdallah Salahiyé, Sayem al-Oahar, dont il serait
nécessaire de préciser les origines, mais qui ne sont pas signalés parmi les notables aleppins
entre 1770 et 1830 20 : Abdallah Salahiyé apparaît comme un important propriétaire
de locaux commerciaux dans les khan-s de la Mdiné, notamment au khan al-Goumrok, où
il s'est sans doute introduit au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La famille
Sayem al-Oahar compte parmi les plus gros investisseurs dans le coton et les industries
de transformation des produits agricoles pendant la période mandataire française et les
premières années qui ont suivi la seconde guerre mondiale. La famille Sba'i semble
s'enrichir à la même époque 21 •
D'où provient la fortune de ces nouveaux investisseurs: de l'intensification des
échanges avec l'Occident, de l'importation et de la redistribution de produits modernes
fabriqués en Europe, ou plutôt des nouvelles activités agricoles et du commerce des
produits de l'agriculture, qui se développent avec la reconquête de l'est? Quoi qu'il en
soit, les nouveaux capitalistes investissent dans l'immobilier de service, ce qui est relativement
nouveau, constituant souvent des associations financières, notamment entre
chrétiens et musulmans, ce qui est nouveau aussi.
Dans l'économie du souk, la diversité des appartenances et la complémentarité des
groupes avaient une valeur fonctionnelle essentielle, sous une apparence relativement
peu formalisée. Dans les nouveaux espaces et les nouveaux fonctionnements, on peut
se demander si les appartenances confessionnelles et ethniques se fondent, disparaissent,
pour se replier dans la sphère familiale, supplantées par une nouvelle organisation
de la société, par classes, par groupes définis en fonction de la richesse, de la profession,
délimités par des clivages "modernes". Mais, concrètement, dans une association d'affaires
entre chrétiens et musulmans, l'appartenance a-t-elle encore une valeur opérationnelle,
les représentants de chaque groupe fournissant des savoir-faire, des relations,
des réseaux propres? Il semble bien que, dans ce contexte, les appartenances soient toujours
fondamentales et fassent partie de la diversité des rôles possibles endossés par les
acteurs de l'économie comme du politique.
Continuités : les liens entre les souks anciens et le nouveau centre, entre anciens
commerçants et nouveaux capitalistes
Le nouveau centre est sans doute le produit d'une modernisation, de l'implantation ou
de la greffe de services et d'acteurs qui font partie plus ou moins précisément du
système occidental, dans le cadre d'une certaine mondialisation: il semble pourtant
essentiel d'essayer de comprendre comment nouveaux espaces et nouveaux acteurs
s'articulent avec les structures anciennes, dans une logique interne.
Le Bulletin de la Chambre de Commerce donne une répartition des sites des sièges de tous
ses membres, classés en quatre catégories, par exemple en 1932-33 :
- sur 39 négociants de première classe, les plus riches et les plus influents, cinq
seulement ne sont pas dans la Mdiné, notamment un importateur d'automobiles
20 Meriwether (Margaret L.) 1981, The notable fallli/ies of Aleppo, 1770-1830: networks and social structure. Thèse,
University of Pennsylvania (University Microfilms International).
21 Les Sba'i et les Sayem al-Oahar construisent dans les années 1950 deux très grandes villas modernes,
mitoyennes, dans le nouveau quartier du Mohafazat, à l'ouest de la voie ferrée.