monde arabe contemporain

La steppe de la Palmyrène sous le Mandat français:
marginalisation économique, redéploiement des activités entre Alep et le Nord-Est
sources "traditionnelles", accélérant une mutation qui se dessinait déjà dans les dernières
décennies du XIxe siècleS.
Frontières et nouveaux États cloisonnent la steppe
Le nouvel ordre politique a découpé et cloisonné l'espace. L'établissement des frontières
et du "Contrôle Bédouin", institué par l'Armée du Levant dans l'Est Syrien pour la surveillance
des tribus, imposait des restrictions aux déplacements des troupeaux.
Certaines tribus chamelières se virent ainsi coupées de leurs puits par la frontière avec
l'Irak, ou de leurs campements d'hiver en Jordanie et en Arabie, ainsi que de la possibilité
de recourir à des zones plus favorisées en cas de catastrophe climatique.
Pour éviter les heurts avec les sédentaires et protéger les cultures, les militaires du
"Contrôle Bédouin" contenaient les troupeaux dans la badia, notamment les années
sèches, leur interdisant la migration vers l'Ouest (ou le Nord) avant la date des récoltes.
Ils veillaient à assurer la sécurité des voyageurs et des sédentaires, désormais soumis à
l'impôt, et interdisaient le reZZOll et le prélèvement de la khuwa. Ils obligeaient les contrevenants
à restituer le butin et les soumettaient à des sanctions sévères (amendes, saisie
des troupeaux).
Cet ordre politique, dont la mise en place débute en 1921, ne s'établit que lentement. Il
fallut dix ans pour fixer les frontières avec l'Irak. Les rivalités entre les puissances mandataires
favorisèrent les conflits intertribaux. C'est seulement après la révolte de 1925-
26, ou même après les traités bédouins de 1931, que l'ordre régna dans la steppe.
Pendant toute cette période, le "Contrôle Bédouin" organisa des "Conférences de
tribus", visant à délimiter les territoires entre les tribus, et à établir entre elles des traités,
selon la coutume du désert. Il importait de rétablir le calme dans la steppe en prévision
de la construction du pipe-line de l'Irak Petroleum Company. Les conférences se succédèrent
jusqu'en 1934.
Le dernier rezzou dans la Palmyrène date de 1931. La compagnie de méharistes installée
à Palmyre est alors en mesure de sanctionner les contrevenants en saisissant leur bétail.
C'est seulement à ce moment là que les oasis d'El Kowm et de Tayibé (villages satellites
de Sukhné) , razziées une fois de plus par les Sba'a en 1917, furent réoccupées. Les
sédentaires qui avaient dû fuir chez leurs parents lors des précédents raids, à Deir ez­
Zor ou à Sukhné, avaient recommencé à cultiver l'oasis dès 1925 mais ils ne réinstallèrent
leurs familles qu'en 1931 quand les hommes osèrent se déplacer en laissant au
village femmes et vieillards.
D'un autre coté, la frontière avec la Turquie a privé Alep de son arrière pays anatolien
et mésopotamien. Les savonneries perdaient ainsi l'essentiel de leur clientèle rurale, à
un moment où les importations de produits européens plus sophistiqués détournaient
la clientèle urbaine. Les importations de soude tendaient par ailleurs à supplanter la
potasse végétale dans la fabrication. Le prix de la potasse al-qalî à Alep s'effondra en
quelques années, limitant d'autant le profit qu'en tiraient les Sukhniotes. Ces derniers
cessèrent peu à peu leurs livraisons aux savonniers et durent abandonner leurs tournées
saisonnières de chameliers ou muletiers colporteurs en Anatolie.
5 Métral (F), "Changements dans les routes et les flux commerciaux du désert syrien 1870-1920." Second conference
on the Syrian Land, fnjrastmctures and COllllllunications, Erlangen, 1995.