monde arabe contemporain
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Formation et transformation des identités urbaines et de l'organisation des vil/es<br />
en Méditerranée orientale et au Moyen-Orient<br />
l'entretien de réseaux transversaux. En Syrie, ces réseaux transversaux constituent des<br />
pouvoirs dont la finalité est plutôt économique, mais qui sont en fait étroitement liés au<br />
politique: ils permettent à des citadins d'établir des liens, dans des perspectives pragmatiques,<br />
avec des représentants de l'État, du Parti, de l'Armée, etc. Ils sont également<br />
facteurs de cohésion, de construction d'intérêts communs ancrés dans des espaces<br />
nationaux tout en jouant sur des espaces économiques qui débordent largement le cadre<br />
national. Ces réseaux peuvent d'une certaine façon contrebalancer, compenser l'excès<br />
de centralisme de l'État et sont un des principaux moyens concrets qui permettent<br />
d'éviter l'accaparement de la totalité des pouvoirs par un seul groupe et l'exclusion de<br />
tous les autres.<br />
Lus dans une perspective historique, ces espaces et ces fonctionnements de la rencontre,<br />
de la négociation, du compromis semblent s'inscrire dans le prolongement de dispositifs<br />
anciens articulant les villes moyen-orientales et le pouvoir politiquë. Les villes de<br />
l'Empire ottoman et de la plupart des ensembles politiques antérieurs, depuis les<br />
Omayyades, ne fonctionnaient pas très différemment, dans un compromis avec un<br />
pouvoir central d'essence ou d'origine militaire, qui protégeait la cité et prélevait des<br />
impôts (et pouvait devenir prédateur), tout en restant discret dans l'organisation et la<br />
gestion de la ville. Les espaces urbains et les sociétés urbaines étaient en partie gérés et<br />
organisés par un système de responsabilité collective à l'intérieur du quartier, de la corporation<br />
professionnelle, du groupe confessionnel, par l'intermédiaire de chefs de quartiers,<br />
de chefs de corporations, de responsables religieux, eux-mêmes en relation avec<br />
l'État. Le souk était alors l'un des lieux essentiels de cohésion de la cité, d'élaboration et<br />
d'expression de son identités.<br />
Les mobilités<br />
Très fortes dans les villes du Moyen-Orient, les mobilités ont longtemps pris appui sur<br />
la solidité des groupes, et sur la possibilité d'être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur<br />
d'une ville donnée. À l'époque ottomane 6 , il était banal de construire des liens matrimoniaux<br />
en dehors de la ville de résidence, mais à l'intérieur d'un même milieu social:<br />
les négociants musulmans par exemple, s'alliaient avec des familles habitant à des milliers<br />
de kilomètres de distance, mais partageant une même activité professionnelle, une<br />
appartenance confessionnelle, un même niveau d'aisance matérielle? Ces familles marchandes<br />
mettaient des villes en réseau et tissaient des liens forts entre Damas, Alep,<br />
Bagdad, Mossoul, Bassora, Tripoli, et d'autres villes beaucoup plus lointaines.<br />
Ces villes de négoce s'étaient organisées pour la circulation des marchandises et la<br />
mobilité des personnes, pour recevoir les étrangers tout en se protégeant d'eux, en leur<br />
4 Raymond (A.), 1994, "Le Caire traditionnel, une ville administrée par ses communautés", in Maghreb/<br />
Machrek, Monde <strong>arabe</strong>, villes, pal/vairs et sociétés, n" 143.<br />
5 David a.C), Beyhum (N.) 1993, "Les espaces du public et du négoce à Alep et Beyrouth", in Les annales de<br />
la recherche urbaine, Espaces pl/blics en ville n" 57-58, Paris, pp. 190-205.<br />
6 Panzac (D.), Les villes dans l'Empire Ottoman, T. 1 et 2, Paris, CNRS 1991.<br />
7 Il était inconcevable d'établir de telles alliances même avec des familles de niveau social comparable, mais<br />
appartenant à d'autres groupes confessionnels ou à d'autres groupes ethniques, professionnels ou sociaux,<br />
les non-citadins par exemple. En revanche, ces groupes établissaient aussi couramment des alliances à l'extérieur,<br />
dans d'autres villes.