Séance de la Société Botanique de France du 9 décembre 2011

(Embryophytes), voire même sur les seules Angiospermes. Cette conception macrocentriste conduit
les étudiants à ignorer, ou tout ou moins minorer, la place des algues (uni ou pluricellulaires) au sein
des végétaux. Elle leur permet de donner une définition opératoire des végétaux sur des critères
morphologiques (organismes chlorophylliens fixés pourvus d’une tige feuillée et ancrés au sol. Une
telle conception centrée sur les plantes terrestres véhicule l’idée d’une unité des végétaux sur le plan
structural et ne facilite pas la construction du polyphylétisme des végétaux.
Cette enquête préalable nous a conduit à mettre en œuvre une seconde recherche visant à analyser le
processus de problématisation chez ces étudiants de master 2 concernant l’évolution et la classification
des végétaux. Cette enquête a été basée sur la réalisation de dix entretiens individuels, elle revêt donc
un caractère exploratoire. Les différents entretiens analysés ont tous mis en évidence, à des degrés
variables, l’attachement à l’existence de végétaux non chlorophylliens (des holoparasites comme
l’orobanche ou la cuscute). Cela a conduit les étudiants à nier la définition fonctionnelle des végétaux
(organismes photosynthétiques réalisant la photosynthèse oxygénique) et à en construire une autre.
Mais leur définition se révèle rapidement peu opérationnelle, s’attachant à trouver d’autres critères de
regroupement, critères essentiellement cellulaires, tels que la paroi ou la vacuole. Un résultat central
de notre recherche est la découverte de l’obstacle que nous avons appelé obstacle du « critère
absolu », non encore discuté en didactique de la biologie, mais faisant rejouer un obstacle plus général
qualifié d’essentialiste. L’obstacle du « critère absolu » constitue un frein à la pensée phylogénétique
et pousse les étudiants à définir les végétaux avec un critère définitoire qui ne souffre d’aucune
exception et qui possède donc un caractère absolu. Le caractère non chlorophyllien ce ces végétaux
n’a pas été problématisé d’un point de vue évolutif comme une perte secondaire de la chlorophylle.
Cet obstacle conduit à la confusion inconsciente entre deux opérations bien distinctes : le tri et la
classification. Cette difficulté persiste chez des étudiants en fin de formation universitaire, ce qui
montre la grande résistance de cet obstacle. Manifesté avec l’exemple des végétaux, cet obstacle
devrait également revêtir un caractère bien plus général et rejouer pour définir tout groupe biologique.
Cette communication correspond à la première étape d’une recherche de didactique universitaire dans
le domaine de la biologie évolutive, poursuivie actuellement dans le cadre d’un doctorat.
Références :
Bosdeveix, R. (2011). Le concept de végétal : Analyse didactique chez des étudiants de master 2 se
destinant à l’enseignement des SVT. Mémoire de master 2 de didactique des disciplines, Université
Paris Diderot - Paris 7.
Bosdeveix, R., & Lhoste, Y. (2012). Problématisation relative à la classification et l’évolution des
végétaux chez des étudiants de master 2 se destinant à l’enseignement des SVT. (Septièmes
rencontres scientifiques de l'ARDiST, Bordeaux).
Mayr, E. (1998). Qu'est-ce que la biologie? Paris : Fayard.
Rumelhard, G. (1995). De la biologie contemporaine à son enseignement. In Develay M. (éd.) (1995).
Savoirs scolaires et didactiques des disciplines. Une encyclopédie pour aujourd’hui. Paris : ESF.
Selosse, M. A. (2008). Que sont devenus animaux, végétaux et champignons ? In Peut-on classer le
vivant? Linné et la systématique aujourd'hui. Dir : Prat, Raynal-Roques & Roguenant. (p. 448).
Paris: Belin.
Von Linné, C. (1735). Systema naturae: Per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera,
species, cum characteribus, differentiis, synonomis, locis. Leiden.
Vygotski, L.S. (1937/1998). Pensée et langage. Paris : Éd. La dispute.
Questions :
Un membre demande si les algues brunes doivent être classées dans les végétaux. Le conférencier
indique que les algues brunes sont des végétaux au sens fonctionnel, mais pas au sens phylogénétique.
En fait, au vu des acquis récents de la phylogénie le concept de végétal n’a plus de sens. Dans le
questionnement évolutif, on observe une inégalité de traitement entre animal et végétal.
Un membre souligne que dans les questionnements présentés, la notion de cycle de vie n’a pas été
intégrée. Le conférencier reconnaît volontiers qu’il s’agit d’une lacune de son questionnaire.
Une remarque sur le retard pris dans l’enseignement de la systématique évolutive et le caractère
hétéroclite de son enseignement suscite un vif débat dans la salle.