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Séance de la Société Botanique de France du 9 décembre 2011

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<strong>Séance</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong> <strong>du</strong> 9 <strong>décembre</strong> <strong>2011</strong><br />

Auditorium <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> Nationale d’Horticulture <strong>de</strong> <strong>France</strong>, 80 rue <strong>de</strong> Grenelle, Paris 7 e<br />

La séance est ouverte à 14h15 par le Prési<strong>de</strong>nt, Marc-André Selosse qui remercie chaleureusement <strong>la</strong><br />

SNHF pour son accueil dans ce lieu prestigieux.<br />

Le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNHF, M. Delbard, présente alors les projets et travaux actuels <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNHF.<br />

La SNHF a mis en p<strong>la</strong>ce sur son site ou sur l’espace réservé sur celui <strong>du</strong> Ministère un système <strong>de</strong><br />

réponse aux questions qui mobilise 120 personnes dans 15 catégories. Ce système est gratuit et <strong>la</strong><br />

réponse assurée dans un dé<strong>la</strong>i <strong>de</strong> 8 jours. Les réponses sont capitalisées, mais il y manque encore <strong>de</strong>s<br />

experts notamment en matière <strong>de</strong> botanique.<br />

La SNHF a également été impliquée dans les programmes sur <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> stations d’épidémiosurveil<strong>la</strong>nce<br />

en forte évolution dans le cadre <strong>du</strong> p<strong>la</strong>n Ecophyto 2018 <strong>la</strong>ncé par le ministère <strong>de</strong><br />

l’Agriculture. La SNHF s’est impliquée dans le montage en ZNA (zones non agricoles) <strong>de</strong> groupes qui<br />

vont se charger d’étudier l’évolution <strong>du</strong> couple p<strong>la</strong>nte-parasite. L’expérience vise une couverture<br />

nationale pour pouvoir faire remonter très rapi<strong>de</strong>ment les évolutions p<strong>la</strong>ntes – parasites.<br />

Dans le cadre <strong>du</strong> p<strong>la</strong>n Ecophyto 2018, le ministère <strong>de</strong> l’Environnement a souhaité faire connaître<br />

auprès <strong>de</strong>s amateurs et <strong>de</strong>s jardiniers, les pratiques <strong>du</strong>rables. La SNHF a développé à cet effet, sur son<br />

site une entrée « Jardinons autrement », qui sert également d’entrée pour réponse aux questions et qui<br />

a constitué le thème <strong>2011</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNHF.<br />

Il conclut en indiquant que <strong>la</strong> SNHF, société d’un certain âge, s’efforce <strong>de</strong> rester en prise avec les défis<br />

actuels environnementaux, sociétaux, …. A cet effet, chaque année le Conseil scientifique i<strong>de</strong>ntifie<br />

une thématique forte qui gui<strong>de</strong> les actions <strong>de</strong> l’année; en <strong>2011</strong>, il s’agissait <strong>de</strong> « Jardinons autrement ».<br />

En 2012, le thème choisi est « Alliances au pays <strong>de</strong>s racines », à partir <strong>de</strong> mai. Cette thématique en<br />

explorant les modèles <strong>de</strong> cohabitation, voire <strong>de</strong> col<strong>la</strong>boration fructueuse mis en p<strong>la</strong>ce par <strong>de</strong>s systèmes<br />

dits dépourvus d’intelligence, invite à réfléchir sur nos modèles au sein <strong>de</strong>s sociétés humaines. Le<br />

colloque « Alliances au pays <strong>de</strong>s racines, Symbioses racinaires (bactéries et champignons) » qui<br />

ouvrira cette thématique aura lieu le 25 mai 2012 à Paris.<br />

André Charpin, prési<strong>de</strong>nt honoraire <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.B.F., rappelle que <strong>la</strong> SBF a eu son siège social <strong>de</strong> 1854<br />

(date <strong>de</strong> <strong>la</strong> fondation <strong>de</strong> notre société) à 1949 dans les locaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNHF, avec une séance commune<br />

le 8 avril 1949, co-présidée par le Professeur Chouard et monsieur Léon Cuny, tous <strong>de</strong>ux amis <strong>du</strong> père<br />

<strong>de</strong> M. Delbard. Il indique son émotion et son p<strong>la</strong>isir à se retrouver en ce lieu dans lequel ont eu lieu<br />

<strong>de</strong>s centaines voire <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> séances. Il souligne les liens étroits qui ont uni nos sociétés avec<br />

plusieurs prési<strong>de</strong>nts communs dont les professeurs Decaisne et Chouard, liens qui ont contribué à<br />

marier heureusement science pure et science appliquée.<br />

Le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNHF remercie M. André Charpin. La science botanique pose aujourd’hui<br />

problème ; nous en sommes conscients et nous souhaiterions apporter notre pierre à <strong>la</strong> redynamisation<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> botanique en <strong>France</strong>. Il a été reçu récemment au Royaume Uni par <strong>la</strong> Royal Horticultural Society<br />

et a pu constater à quel point <strong>la</strong> botanique pouvait avoir <strong>du</strong> sens y compris économique si l’on pouvait<br />

et savait choisir certaines manières d’abor<strong>de</strong>r le sujet. Il nous incombe <strong>de</strong> faire entendre par le biais <strong>de</strong><br />

propositions notre voix d’amateurs. Lors d’une réunion récente <strong>de</strong>s sociétés d’orchidophilie, il a été<br />

décidé d’entreprendre un certain nombre d’actions vis-à-vis <strong>de</strong>s professionnels, par exemple <strong>la</strong><br />

formation par <strong>de</strong>s experts <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> professionnels. L’ambition est par ces opérations <strong>de</strong><br />

dégager <strong>de</strong>s ressources pour remettre sur pied une chaire et/ou un groupe <strong>de</strong> recherches autour <strong>de</strong>s


orchidées. Il faudrait également explorer les re<strong>la</strong>tions avec <strong>la</strong> Mairie <strong>de</strong> Paris, avec l’ambition – ou le<br />

rêve – <strong>de</strong> créer un lieu où prendrait p<strong>la</strong>ce expérimentation, démonstration, formation avec<br />

universitaires, professionnels, amateurs. En <strong>France</strong>, nous avons tout pour réussir mais nous ne savons<br />

pas ou ne voulons pas nous y prendre <strong>de</strong> manière correcte en oubliant nos chapelles. La S.N.H.F. est<br />

volontaire pour monter <strong>de</strong>s projets communs en ce sens et ouverte à coopération.<br />

Marc-André Selosse, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.B.F., évoque les réalisations récentes <strong>de</strong> notre société. Il réalise,<br />

à travers ce qui a été dit, que nos actions en tant que sociétés savantes sont trop confi<strong>de</strong>ntielles ou trop<br />

restreintes dans leurs publics. Il faut mieux col<strong>la</strong>borer par <strong>de</strong>s alliances entre sociétés savantes.<br />

Admission <strong>de</strong>s nouveaux membres<br />

Nous avons le p<strong>la</strong>isir d’accueillir <strong>de</strong> nombreux candidats qui sont tous acceptés. Nous leur souhaitons<br />

<strong>la</strong> bienvenue :<br />

Mme Jacqueline Saintenoy-Simon, botaniste retraitée, <strong>de</strong> Schaerbeek, Belgique, avec pour<br />

parrains : A. Bizot et P. Bouchet<br />

M. Naceur Haj Ahmed, <strong>de</strong> Nahel-Gabes, Tunisie, avec pour parrains : P. Aurousseau et G.-G.<br />

Guittoneau<br />

M. Olivier Cardon, responsable espaces verts, d’Amiens, <strong>France</strong>, avec pour parrains : G. Decocq<br />

et F. Dupont<br />

Mlle Nolwenn Labor<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Dancevoir, <strong>France</strong>, avec pour parrains : J.-M. Royer et P. Thiébault<br />

Mme Guillemette Resp<strong>la</strong>ndy-Taï, pharmacienne, <strong>de</strong> Louveciennes, <strong>France</strong>, avec pour parrains : F.<br />

Dupont et G. Decocq<br />

Mlle Emilie Chammard, <strong>de</strong> Quinsac, <strong>France</strong>, avec pour parrains : M.-A. Selosse et J.-M. Dupont<br />

Mlle Refka Zouaoui, étudiante en écophysiologie végétale, <strong>de</strong> Tunis, Tunisie, avec pour parrains :<br />

P. Aurousseau et G.-G. Guittonneau<br />

M. Guil<strong>la</strong>ume Blon<strong>de</strong>au, étudiant, <strong>de</strong> Clermont-Ferrand, <strong>France</strong>, avec pour parrains : G. Decocq et<br />

P. Thiébault<br />

Nouvelles <strong>de</strong> nos membres<br />

Un éloge <strong>de</strong> ma<strong>de</strong>moiselle Juliette Contandriopoulos (1922 – <strong>2011</strong>), préparé par Régine Ver<strong>la</strong>que est<br />

lu par M. Guy-Georges Guittonneau :<br />

Juliette s’en est allée dans <strong>la</strong> nuit <strong>du</strong> 27 février <strong>2011</strong>, une semaine avant ses 89 ans. Fidèle à ellemême,<br />

c’est-à-dire sans perdre <strong>de</strong> temps ni embêter personne, elle a été emportée par une crise<br />

cardiaque, après une journée heureuse en famille. La communauté scientifique perd une excellente<br />

chercheuse et aussi, pour bon nombre d’entre nous, une gran<strong>de</strong> amie. Son nom restera rattaché aux<br />

Campanules, mais surtout à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’endémisme et <strong>de</strong>s peuplements insu<strong>la</strong>ires <strong>de</strong> Méditerranée,<br />

puisque sa double approche biosystématique et biogéographique a révolutionné <strong>la</strong> compréhension <strong>de</strong><br />

ces phénomènes, en lui conférant une renommée internationale.<br />

Née le 9 mars 1922 à Marseille dans une famille très éloignée <strong>du</strong> domaine scientifique, elle fait toutes<br />

ses étu<strong>de</strong>s dans cette ville, au lycée Perrier puis à <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> Saint-Charles. Mlle<br />

Contandriopoulos obtient une Licence es-Sciences Naturelles (certificats <strong>de</strong> Zoologie en 1942,<br />

Physiologie générale en 1943, <strong>Botanique</strong> en 1944 et Chimie générale en 1945). Elle entre au C.N.R.S.,<br />

en <strong>décembre</strong> 1945, comme ai<strong>de</strong> technique au Laboratoire <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong> Générale dirigé par le Pr.<br />

Choux. Durant ces années, Juliette partage son temps entre <strong>la</strong> faculté et <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s responsabilités<br />

auprès <strong>de</strong>s Ec<strong>la</strong>ireuses <strong>de</strong> <strong>France</strong>. Se <strong>la</strong>ssant assez vite <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> coupes anatomiques, <strong>du</strong><br />

c<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong>s herbiers, etc., elle propose au C.N.R.S un projet d’étu<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> Corse. Parrainée par<br />

l’éminent Pr. L. Emberger <strong>de</strong> Montpellier, elle entame sa carrière en octobre 1951 comme Stagiaire <strong>de</strong><br />

recherche dans cette institution. En octobre 1953, elle est nommée Attachée <strong>de</strong> recherche, puis en<br />

octobre 1961 Chargée <strong>de</strong> recherche, et enfin Maître <strong>de</strong> recherche en octobre 1967. Bien qu’ayant pris<br />

sa retraite en janvier 1985, Juliette a poursuivi à temps plein <strong>du</strong>rant dix ans ses investigations, seuls <strong>de</strong><br />

nombreux problèmes <strong>de</strong> santé ont eu raison <strong>de</strong> sa volonté inébran<strong>la</strong>ble.<br />

L’intérêt <strong>de</strong> Juliette pour <strong>la</strong> Corse est né grâce à ses « maîtres et grands amis » <strong>du</strong> Laboratoire <strong>de</strong><br />

<strong>Botanique</strong> qui travail<strong>la</strong>ient déjà sur cette végétation : le Pr. G. Malcuit et le Dr. G. Deleuil, chercheur<br />

au CNRS (découvreur <strong>de</strong> l’allélopathie). Ensemble, ils ont arpenté l’île <strong>de</strong> Beauté et ses sublimes


montagnes, année après année, en général à pied ou à dos d’âne. Après <strong>de</strong>s débuts difficiles, le Pr. L.<br />

Emberger l’intro<strong>du</strong>it auprès <strong>de</strong> C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Favarger, jeune Professeur à Neuchâtel, qui l’initie à <strong>la</strong><br />

caryologie. Cette rencontre sera déterminante et très fécon<strong>de</strong> pour ces <strong>de</strong>ux naturalistes passionnés qui<br />

créeront ensemble, en 1961, une c<strong>la</strong>ssification inédite <strong>de</strong>s endémiques. Ils approfondiront aussi les<br />

re<strong>la</strong>tions complexes entre les races chromosomiques, <strong>la</strong> répartition biogéographique <strong>de</strong>s taxons et<br />

l’histoire <strong>de</strong>s régions étudiées. Le 28 mai 1962 à Montpellier, Mlle Contandriopoulos soutient sa thèse<br />

« Recherches sur <strong>la</strong> flore endémique corse et sur ses origines ». Ce travail remarquable sera publié<br />

intégralement dans les Annales <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> Marseille et recevra, à l’unanimité, le<br />

prix Coincy <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong>, en 1964.<br />

Selon ce c<strong>la</strong>ssement, l’âge re<strong>la</strong>tif d’un taxon endémique s’établit en comparant ses caractères<br />

morphologiques et caryologiques avec ceux <strong>de</strong>s espèces affines. Ce sont les : Paléo-endémiques (sans<br />

parenté évi<strong>de</strong>nte), Patro- (cytotypes anciens, souvent diploï<strong>de</strong>s), Schizo- (vicariants <strong>de</strong> même nombre<br />

chromosomique) et Apo-endémiques (cytotypes récents, en général polyploï<strong>de</strong>s). Pour <strong>la</strong> première<br />

fois, l’analyse <strong>de</strong> centaines <strong>de</strong> taxons corses et continentaux, récoltés in situ, a prouvé « qu’une flore<br />

endémique ne comprend pas uniquement <strong>de</strong>s éléments anciens et reliques ». L’endémisme relève<br />

autant <strong>de</strong> phénomènes <strong>de</strong> conservation (Paléo- et Patro-endémiques : 40%) que <strong>de</strong> différenciation<br />

(Schizo- et Apo-endémiques), comme on l’oublie trop souvent. Ultérieurement, l’application <strong>de</strong> ce<br />

c<strong>la</strong>ssement a permis <strong>de</strong> comparer l’endémisme <strong>de</strong> divers secteurs (entre îles, île/continent…) intra-<br />

et/ou extra-méditerranéens.<br />

Cette thèse constitue un modèle <strong>de</strong> recherches pluridisciplinaires (associant biogéographie, caryologie,<br />

morphologie, anatomie, histologie, écologie, géologie…) qui abor<strong>de</strong> <strong>de</strong> grands problèmes floristiques<br />

et n’hésite pas à bousculer certaines théories. Juliette montre notamment l’influence <strong>de</strong>s g<strong>la</strong>ciations<br />

dans l’endémisme et surtout l’originalité <strong>de</strong>s montagnes corses : « pauvres en espèces et riches en<br />

endémiques, aux 2/3 d’origine méditerranéenne, suite à leur double isolement insu<strong>la</strong>ire et<br />

montagnard ». Dans le chapitre sur l’histoire <strong>du</strong> peuplement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse, elle analyse les 5 hypothèses<br />

en cours, et opte pour celle <strong>de</strong> Braun-B<strong>la</strong>nquet (1925) « une flore paléogène développée in situ ». La<br />

théorie paléogéographique <strong>de</strong> l’époque reste « La Tyrrhéni<strong>de</strong> » (Forsyth-Mayor 1883, cartes <strong>de</strong> Furon<br />

1958). Al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l’Espagne à l’Italie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Provence à l’Afrique <strong>du</strong> Nord, ce vaste continent ouest<br />

méditerranéen aurait émergé au début <strong>du</strong> Tertiaire, puis subi <strong>de</strong> <strong>du</strong>res vicissitu<strong>de</strong>s : effondrements,<br />

surrections et transgressions répétés. Ces hypothèses <strong>de</strong>s plus complexes ne satisfont pas Juliette, qui<br />

ne les enseignera d’ailleurs jamais. En effet, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s sub-endémiques <strong>de</strong>meure<br />

énigmatique mais, pour elle, chargée <strong>de</strong> sens puisque «l’existence simultanée d’une espèce, en Corse<br />

et dans une autre région, témoigne <strong>de</strong> connexions anciennes ayant permis l’instal<strong>la</strong>tion d’une flore<br />

commune ». Grâce aux caractères cyto-morphologiques et biogéographiques <strong>de</strong> ces taxons, Juliette<br />

esquisse une reconstitution paléogéographique assez visionnaire. Suite à sa thèse, elle dirigera<br />

plusieurs excursions <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong> en Corse.<br />

Après sa thèse, Juliette se <strong>la</strong>nce dans <strong>la</strong> découverte <strong>du</strong> Proche et <strong>du</strong> Moyen Orient, car 1962<br />

correspond aussi à <strong>la</strong> venue à <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> Marseille <strong>du</strong> Pr. Pierre Quézel, botaniste et<br />

phytosociologue éminent, spécialiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore et <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation d’Afrique <strong>du</strong> Nord. Ensemble au<br />

début, puis avec plusieurs universitaires français (M. Barbero, J. Zaffran, J. Gamisans, J.-P. Hébrard,<br />

D. Cartier…) et étrangers, ils vont réaliser <strong>de</strong> très nombreuses missions qui donneront lieu à une<br />

trentaine <strong>de</strong> publications en commun. D’après ses carnets <strong>de</strong> fixations, on peut reconstituer les<br />

itinéraires et les pays visités : Grèce (1963, 64, 65, 72, 75, 76), Yougos<strong>la</strong>vie (1965, 72, 77), Crète<br />

(1967), Turquie (1968, 70, 73), Syrie (1973). Puis, avec l’équipe <strong>de</strong> Neuchâtel (C. Favarger, P.<br />

Kupfer, L. Zeltner, N. Gal<strong>la</strong>nd…), Juliette va herboriser en Iran (1977), Algérie (1978), Maroc (1981)<br />

et Yémen (1990). Durant ses missions, elle réalise <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> fixations <strong>de</strong> boutons floraux et <strong>de</strong><br />

récoltes <strong>de</strong> graines <strong>de</strong>stinées aux travaux, en cours ou futurs, <strong>de</strong> son équipe et d’autres chercheurs<br />

français ou étrangers. Si, son choix se porte d’abord sur les Campanu<strong>la</strong>ceae (elle leur consacrera une<br />

vingtaine d’articles), avec Pierre Quézel, Juliette va diversifier son champ d’investigation en étudiant<br />

différents groupes (Gesneriaceae, Globu<strong>la</strong>riaceae, Dipsacaceae, Lamiaceae…). Ces recherches leur<br />

permettront <strong>de</strong> décrire maints taxons nouveaux : le genre Asyneumopsis (Campanu<strong>la</strong>ceae), une<br />

cinquantaine d’espèces et 10 sous-espèces. Plusieurs espèces lui ont été dédiées, comme Veronica<br />

contandriopouli Quézel, et même un Ostraco<strong>de</strong> (Centrocythere juliettae par J-F. Babinot).


Dix ans après sa thèse, Juliette replonge dans l’insu<strong>la</strong>rité, grâce à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Baléares <strong>du</strong> Pr. Angèles<br />

Cardona <strong>de</strong> Barcelone. Cette col<strong>la</strong>boration débute alors que les géologues révolutionnent <strong>la</strong><br />

paléogéographie <strong>de</strong> <strong>la</strong> Méditerranée, avec <strong>la</strong> délimitation <strong>du</strong> Massif Protoligure (Alvarez 1976) et <strong>la</strong><br />

rotation <strong>du</strong> Bloc Corso-Sar<strong>de</strong> (Westphal et al. 1976). Après plusieurs missions (Espagne, Baléares,<br />

Sardaigne, Corse), <strong>de</strong> 1977 à 1984, toutes les <strong>de</strong>ux vont appliquer à l’endémisme insu<strong>la</strong>ire ces<br />

découvertes qui expliquent bien l’origine et l’ancienneté <strong>de</strong>s endémiques tyrrhéniens. Les nouvelles<br />

reconstitutions <strong>de</strong> <strong>la</strong> Téthys et <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> salinité <strong>du</strong> Messinien (Bouillin 1985, Biju-Duval 1984,<br />

Dercourt et al. 1985) vont inciter Juliette à compléter (1988 à 1991) son étu<strong>de</strong>, puisqu’elle peut enfin<br />

éluci<strong>de</strong>r le problème <strong>de</strong>s sub-endémiques commun à <strong>la</strong> Corse et à une <strong>de</strong>s régions, aujourd’hui<br />

éloignées mais voisines par le passé, <strong>du</strong> bloc disloqué Ca<strong>la</strong>bre-Sicile-Kabylies et Bético-rifain.<br />

Avec l’intégration en 1985, <strong>de</strong> son équipe dans le nouvel Institut Méditerranéen d’Ecologie et<br />

Paléoécologie, Juliette initie une étu<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> Provence et les re<strong>la</strong>tions entre cytotypes et écologie.<br />

Outre l’endémisme et l’histoire <strong>de</strong>s peuplements insu<strong>la</strong>ires, elle a aussi abordé <strong>de</strong>s problèmes<br />

généraux : Polyploïdie, Spéciation, Vicariance et évolution caryologique. Durant toute son activité,<br />

Juliette s’est fait un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> partager ses connaissances : cours (DEA), conférences dans divers pays<br />

(Espagne, Grèce, Liban…), colloques internationaux, et direction <strong>de</strong> nombreux travaux en <strong>France</strong> et à<br />

l’étranger (thèses et DEA). Elle fut toujours pour ses étudiants et col<strong>la</strong>borateurs d’une gran<strong>de</strong><br />

disponibilité et d’une ai<strong>de</strong> sans faille. Juliette Contandriopoulos a fait sa carrière à une époque<br />

heureuse où on pouvait acquérir une renommée internationale en publiant en français dans <strong>de</strong>s revues<br />

nationales. Toute sa vie elle a su gérer habilement son temps entre ses multiples activités : scientifique,<br />

éditoriale (Revue <strong>de</strong> Biologie et d’Ecologie Méditerranéenne), associative (institut grec Solomos),<br />

paroissiale, caritative (maisons d’enfants et <strong>de</strong> retraite), artistique, amicale, mais surtout avec sa très<br />

chère famille, ce qui faisait d’elle une personnalité <strong>de</strong>s plus attachantes et cultivées.<br />

Qu’il me soit permis <strong>de</strong> lui témoigner ici toute ma reconnaissance et mon affection.<br />

Nouvelles <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong><br />

Le préprogramme <strong>du</strong> colloque <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.N.H.F. « Alliances au pays <strong>de</strong>s racines Symbioses<br />

racinaires (bactéries et champignons) », est présenté aux participants.<br />

Marc-André Selosse présente ensuite le prix <strong>de</strong> recherche conjoint 2012 S.B.F.- S.F.O.<br />

Ouvrages récents<br />

Raymond Durand -2010 – Nogent-sur-Vernisson et le Domaine <strong>de</strong>s Barres, <strong>de</strong> <strong>la</strong> préhistoire à nos<br />

jours, éditions <strong>de</strong> l’Écluse. Prix 39 €. Monsieur Georges Callen présente cet ouvrage plus<br />

historique que botanique, mais qui constitue une bonne défense <strong>de</strong> l’arboretum.<br />

Réédition en janvier 2012 <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore <strong>du</strong> professeur <strong>de</strong>s Abbayes : Flore et végétation <strong>du</strong> massif<br />

Armoricain (épuisée <strong>de</strong>puis 1973). Cette flore sera disponible en vente par correspondance sur le<br />

blog : editions<strong>de</strong>sabbayes.blogspot.com. La réédition <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore <strong>de</strong>s Abbayes est réalisée en un<br />

petit nombre d’exemp<strong>la</strong>ires (65). La préface réédite un article <strong>de</strong> M. Dupont rep<strong>la</strong>çant cette flore<br />

en contexte. Il n’y aura pas <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> réédition.<br />

Michel Provost – Juin <strong>2011</strong> – Mendiants et sa<strong>la</strong><strong>de</strong>s <strong>de</strong> fruits, 128 pages, juin <strong>2011</strong>, Éditeur :<br />

Association Faune et Flore <strong>de</strong> l’Orne, prix <strong>de</strong> vente public : 18 € + 3,50 € port. Il s’agit d’un<br />

remarquable petit ouvrage servi par une présentation attractive.<br />

Jacques Guinberteau, Les champignons <strong>de</strong>s <strong>du</strong>nes, Ed. confluences 10 €<br />

Françoise Brice, Les Mots <strong>de</strong> <strong>la</strong> botanique, Actes Sud, 45 €. Préface et illustrations <strong>de</strong> F. Hallé et<br />

Ph. Danton<br />

Pascal Descourvières, Encyclopédie <strong>de</strong>s orchidées tropicales, Ed. Ulmer. Il s’agit d’une<br />

actualisation, avec 1200 espèces décrites dont plus <strong>de</strong> 1000 avec photos, soit environ 1/20 e <strong>de</strong>s<br />

orchidées. L’ouvrage bénéficie <strong>de</strong> très belles photos créditives, dont un bon nombre venant <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

S.F.O.<br />

Edmond Grangaud, Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s fougères et p<strong>la</strong>nts alliées <strong>de</strong>s Mascareignes, co-édition<br />

Biotope/MNHN, collection Parthénope. L’ouvrage offre <strong>de</strong>s clés et <strong>de</strong>s photos permettant <strong>de</strong> se<br />

repérer dans certaines dichotomies pas faciles.


A. Dobignard & C. Chate<strong>la</strong>in - 2010-<strong>2011</strong> - In<strong>de</strong>x synonymique et bibliographique <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore<br />

d'Afrique <strong>du</strong> Nord, vol. 1, 2, 3, vol. 4 & 5 in prep.<br />

CBN <strong>de</strong> Bailleul, Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s végétations forestières et préforestières <strong>du</strong> Nord Pas <strong>de</strong> Ca<strong>la</strong>is.<br />

Annonces <strong>de</strong> stages ou colloques<br />

4 février 2012 : Truffe et territoires à Brive, dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> 2e fête internationale <strong>de</strong> <strong>la</strong> truffe.<br />

23 au 25 mars 2012 : Les Rencontres naturalistes se tiendront à Elbeuf sur Seine (F-76) et ces<br />

journées seront dédiées à Jean Péricart (1928-<strong>2011</strong>).<br />

20 au 25 mai 2012 : 13e Congrès International <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> d'Ethnobiologie à Montpellier<br />

http://congress-ise2012.agropolis.fr<br />

25 au 30 juin 2012 : Le Centre d'Etu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> Conservation <strong>de</strong>s Ressources végétales (C.E.C.R.V.)<br />

organise un stage <strong>de</strong> formation <strong>Botanique</strong> et Phytosociologie à Gabas en Vallée d’Ossau (64).<br />

Renseignements : cecrv.bayonne@wanadoo.fr<br />

22 au 28 juillet 2012 : 7th International Symbiosis Society (ISS) Congress,<br />

http://www.eko.uj.e<strong>du</strong>.pl/symbiosis/<br />

Remise <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.B.F.<br />

Hommage <strong>de</strong> Frédéric Bioret à Guilhan Paradis qui reçoit le prix Gandoger <strong>de</strong> Phanérogamie<br />

<strong>2011</strong>.<br />

Guilhan Paradis est né le 12 juillet 1938 à Martignargues (Gard). Agrégé <strong>de</strong> Sciences Naturelles en<br />

1964 à Paris il réalise sa thèse <strong>de</strong> 3e cycle <strong>de</strong> Paléontologie <strong>de</strong>s Invertébrés en 1976 à Paris-Orsay :<br />

« Recherches sur le Quaternaire récent <strong>du</strong> Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> République <strong>du</strong> Bénin (ex-Dahomey): étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

thanathocénoses <strong>de</strong> mollusques, 173 p., 15 pl., 63 fig. ». Il soutient enfin une thèse <strong>de</strong> Doctorat d’Etat<br />

<strong>de</strong> Sciences Naturelles en 1988 à Bor<strong>de</strong>aux III : « Etu<strong>de</strong> comparative <strong>de</strong>s végétations littorales <strong>du</strong><br />

Bénin et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, 295 p. »<br />

Postes successivement occupés :<br />

1964-1966 : Alès - Professeur agrégé <strong>de</strong> Biologie et Géologie au Lycée d’Alès (Gard)<br />

1966-1982 : Bénin et Côte d’Ivoire<br />

- Professeur agrégé <strong>de</strong> Biologie et Géologie au Lycée Behanzin (Porto-Novo, Dahomey/Bénin)<br />

(1966 - 1967) (coopération)<br />

- Enseignant <strong>de</strong> Biologie et Géologie, Institut d’Enseignement Supérieur <strong>de</strong> Porto-Novo (Dahomey)<br />

(1967 - 1970)<br />

- Enseignant <strong>de</strong> Biologie végétale, Université <strong>du</strong> Dahomey, Porto-Novo (1970 - 1975)<br />

- Enseignant <strong>de</strong> Biologie végétale, Université Nationale <strong>du</strong> Bénin, Cotonou (1975 - 1977)<br />

(coopération)<br />

- Enseignant <strong>de</strong> Biologie et Géologie, Ecole Normale Supérieure d’Abidjan (Côte d’Ivoire) (1977 -<br />

1982) (coopération)<br />

Depuis 1982 : Corse<br />

- Professeur agrégé <strong>de</strong> Biologie et Géologie au Lycée Fesch (Ajaccio) (1982-1989)<br />

- Enseignant vacataire <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong> à l’Université <strong>de</strong> Corte (avril 1984 - juillet 1989)<br />

- Maître <strong>de</strong> Conférences <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong> et Biologie végétale, Faculté <strong>de</strong>s Sciences, Université <strong>de</strong><br />

Corte (septembre 1989 - octobre 2000)<br />

Domaines principaux <strong>de</strong> recherches en Corse :<br />

- Description <strong>de</strong>s habitats par les métho<strong>de</strong>s phytosociologiques et cartographiques : sites <strong>du</strong> littoral<br />

sableux et rocheux, étangs, marais et mares temporaires, îlots satellites <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse, basses vallées,<br />

pozzines <strong>de</strong> montagne,<br />

- Biodiversité végétale (inventaires et cartographies floristiques),<br />

- Biologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation, en particulier <strong>de</strong>s endémiques rares et menacées ainsi que <strong>de</strong>s espèces<br />

rares en limite d’aire,<br />

- Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s espèces « invasives ».<br />

Direction ou co-direction <strong>de</strong> 6 thèses à l’Université <strong>de</strong> Corse :<br />

- Carole Piazza, sur <strong>la</strong> végétation <strong>du</strong> littoral sableux <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse,


- Corinne Lorenzoni, sur <strong>la</strong> végétation <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s littorales et <strong>de</strong>s mares temporaires <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Corse,<br />

- Bothié Koita sur <strong>la</strong> végétation post-culturale en zone soudanienne <strong>du</strong> Sénégal (1988),<br />

- Angélique Quilichini sur <strong>la</strong> biologie et l’écologie <strong>de</strong> l’endémique rare et menacée Anchusa crispa<br />

(1999),<br />

- Florent Mouillot sur <strong>la</strong> modélisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> dynamique <strong>du</strong> paysage près <strong>de</strong> Venaco (2000),<br />

- Sonia Saïd, sur <strong>la</strong> modélisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation dans l’aire <strong>du</strong> pin <strong>la</strong>ricio en<br />

Corse (2000).<br />

Membres <strong>de</strong>s conseils scientifiques :<br />

- <strong>du</strong> Conservatoire <strong>Botanique</strong> National Méditerranéen <strong>de</strong> Porquerolles (1994-2006)<br />

- <strong>de</strong> <strong>la</strong> Réserve Naturelles <strong>de</strong>s Bouches <strong>de</strong> Bonifacio (<strong>de</strong>puis 1995)<br />

- <strong>du</strong> Conseil Scientifique Régional <strong>du</strong> Patrimoine Naturel <strong>de</strong> Corse (CSRPN) (<strong>de</strong>puis 2005)<br />

- <strong>du</strong> Conservatoire <strong>Botanique</strong> National <strong>de</strong> Corse (CBNC) (<strong>de</strong>puis 2007)<br />

Pro<strong>du</strong>ction scientifique<br />

Guilhan est un botaniste reconnu comme le spécialiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore littorale et <strong>de</strong>s zones humi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Corse pour notamment :<br />

- sa gran<strong>de</strong> rigueur, pour <strong>la</strong> détermination <strong>de</strong>s espèces : découverte <strong>de</strong> nombreuses stations d’espèces<br />

remarquables en Corse,<br />

- et sa gran<strong>de</strong> capacité <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ction scientifique : relevés phytosociologiques très nombreux,<br />

cartographies, synthèses, monographies<br />

Publications :<br />

Il est l’auteur <strong>de</strong> 2 thèses, près <strong>de</strong> 200 articles scientifiques, 8 participations à <strong>de</strong>s ouvrages collectifs,<br />

8 articles pour <strong>la</strong> revue Stantari, plus <strong>de</strong> 40 rapports pour <strong>la</strong> DREAL <strong>de</strong> Corse, l’Office <strong>de</strong><br />

l’environnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse, le Conservatoire <strong>Botanique</strong> national <strong>de</strong> Corse, <strong>la</strong> CTC…<br />

Entre 1974 à 1989 <strong>de</strong> 31 publications sur <strong>la</strong> géologie, <strong>la</strong> flore et <strong>la</strong> végétation <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest.<br />

Depuis 1989 : 155 publications sur <strong>la</strong> flore et <strong>la</strong> végétation, exclusivement sur <strong>la</strong> Corse avec ses plus<br />

fidèles col<strong>la</strong>boratrices : Carole Piazza (végétations <strong>du</strong>naires), Corinne Lorenzoni (vases salées et zones<br />

humi<strong>de</strong>s littorales), Marie-Laurore Pozzo di Borgo (mares temporaires)<br />

Publications dans les revues scientifiques : Le Mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes, Bulletin <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>du</strong><br />

Centre-Ouest, Candollea, Le Journal <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong>, Acta Botanica Gallica, Travaux scientifiques <strong>du</strong><br />

parc naturel régional <strong>de</strong> Corse, Documents Phytosociologiques, Colloques phytosciologiques, Bulletin<br />

Sciences historiques et naturelles <strong>de</strong> Bastia, Stantari / patrimoine naturel, culturel, historique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Corse<br />

Organisateur <strong>de</strong> 5 sessions <strong>de</strong> botanique en Corse :<br />

<strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong> : 133ème session extraordinaire - juillet 2001<br />

SBCO : 32e session extraordinaire 2003 : Nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse - avril 2003<br />

SBCO : 39e session extraordinaire 2010 : Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse - avril 2010<br />

SBCO : 41e session extraordinaire <strong>2011</strong> : Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> Corse - mai <strong>2011</strong><br />

Guilhan est particulièrement apprécié pour ses gran<strong>de</strong>s qualités <strong>de</strong> pédagogue, re<strong>la</strong>tées par tous ses<br />

anciens étudiants.<br />

Pour l’ensemble <strong>de</strong> son œuvre, <strong>de</strong> sa contribution à <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore et <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Corse, <strong>la</strong> <strong>Société</strong> botanique <strong>de</strong> <strong>France</strong> est honorée <strong>de</strong> lui remettre ce prix Gandoger <strong>de</strong> <strong>la</strong> société.<br />

Guilhan Paradis remercie Frédéric Bioret et le Conseil <strong>de</strong> ce prix, auquel il ne s’attendait pas et qui le<br />

f<strong>la</strong>tta, ainsi que <strong>de</strong> ces propos, trop élogieux à son goût. Il souligne sa volonté <strong>de</strong> contribuer à <strong>la</strong><br />

conservation et à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore corse qui l’a amené à mener <strong>de</strong> nombreux travaux avec les<br />

collectivités corses et <strong>la</strong> DREAL, tout en regrettant vivement les <strong>de</strong>structions sur le littoral.<br />

Hommage <strong>de</strong> Philippe Bouchet à Michel Botineau qui reçoit le prix <strong>du</strong> Conseil <strong>2011</strong>.<br />

Michel Botineau est le concepteur <strong>du</strong> jardin médiéval <strong>de</strong> Dignac (Charente), où il habite. Docteur ès<br />

Sciences pharmaceutiques, ancien Secrétaire Général <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>du</strong> Centre-Ouest,


membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> d'Histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pharmacie, il est Professeur <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong> et <strong>de</strong> Cryptogamie à <strong>la</strong><br />

Faculté <strong>de</strong> Pharmacie <strong>de</strong> Limoges. Son double regard <strong>de</strong> pharmacien et <strong>de</strong> botaniste donne toute son<br />

originalité à <strong>la</strong> longue liste <strong>de</strong>s ouvrages que Michel a publiés :<br />

- Gui<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes médicinales, Belin - <strong>2011</strong> - EAN : 9782701155784<br />

- Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes toxiques et allergisantes, Belin - <strong>2011</strong> - EAN : 9782701156026<br />

- <strong>Botanique</strong> systématique et appliquée <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes à fleurs, Tec & Doc (Editions) - 2010 - EAN :<br />

9782743011123<br />

- Limousin, terre <strong>de</strong> champignons, Axel Ghestem, Michel Botineau, Pulim - 2007 - EAN :<br />

9782842874230<br />

- Les p<strong>la</strong>ntes <strong>du</strong> jardin médiéval, Belin - 2003 - EAN : 9782701137858<br />

- Travaux d'archéologie limousine - Tome 15, Axel Ghestem, Michel Botineau, Christiane<br />

Descubes, Jean-Jacques Fredon, Association antiquités historiques - 1995 -EAN : 5552001547046<br />

- Prodrome <strong>de</strong>s végétations <strong>de</strong> <strong>France</strong>, Jacques Bardat, Frédéric Bioret, Michel Botineau, A<strong>la</strong>in<br />

Lacoste, Muséum d'Histoire Naturelle - 2004 - EAN : 9782856535639<br />

- Les p<strong>la</strong>ntes <strong>du</strong> jardin médiéval, Eveil Nature Et Science - 2002 - EAN : 9782840000341<br />

Et <strong>de</strong> quelques-unes <strong>de</strong> ses publications (Annales <strong>de</strong> l’Université <strong>du</strong> Limousin) :<br />

- La végétation anthropique spontanée <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Limoges. Premiers documents floristiques,<br />

écologiques et phytosociologiques,<br />

- Axel Ghestem, Michel Botineau, Christiane Descubes-Gouilly et M.P. Martin : Estimation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

pollution atmosphérique aci<strong>de</strong> dans un secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> moyenne vallée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vienne (région <strong>de</strong> Saint-<br />

Junien-Sail<strong>la</strong>t) par l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s lichens épiphytes,<br />

- Michel Botineau, M. Laurent et Axel Ghestem : Les re<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s jonchaies prairiales avec les<br />

mollusques. A propos <strong>de</strong> quelques données phytosociologiques sur <strong>la</strong> végétation dans le sud <strong>de</strong><br />

l'Indre et le nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> Creuse,<br />

- Axel Ghestem, Michel Botineau, Daniel Ron<strong>de</strong><strong>la</strong>ud et E. Gaultier : Etu<strong>de</strong> botanique <strong>de</strong>s prairies<br />

permanentes <strong>de</strong> <strong>la</strong> Xaintrie et d'un secteur <strong>de</strong>s hauts p<strong>la</strong>teaux corréziens,<br />

- Michel Botineau, Dominique Thépault, Axel Ghestem et Christiane Descubes-Gouilly : Les<br />

p<strong>la</strong>ntes protégées <strong>de</strong> <strong>la</strong> région Limousin (Corrèze, Creuse et Haute-Vienne),<br />

- Axel Ghestem, Michel Botineau et Askolds Vilks : Observations phytosociologiques sur les<br />

groupements bryolichéniques <strong>du</strong> site <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vallée <strong>de</strong>s Dauges (Monts d'Ambazac, Haute-Vienne),<br />

- Michel Botineau, Askolds Vilks et Hélène Bruzeau : Le site <strong>du</strong> Longéroux (Corrèze) : premiers<br />

documents phytosociologiques (bas marais tourbeux, tourbière active et <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s tourbeuses),<br />

- Axel Ghestem, Michel Botineau, Christiane Descubes-Gouilly et Askolds Vilks : Premières<br />

données sur les cressonières "naturelles" dans <strong>la</strong> région <strong>du</strong> Limousin,<br />

- Christiane Descubes-Gouilly, Daniel Ron<strong>de</strong><strong>la</strong>ud, Michel Botineau, Axel Ghestem et Askolds<br />

Vilks : Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s groupements végétaux <strong>de</strong>s Monts d'Ambazac (Haute-Vienne),<br />

- Hélène Bernikier, Christiane Descubes-Gouilly, Michel Botineau, Axel Ghestem et Askolds<br />

Vilks : Contribution à l'étu<strong>de</strong> phytosociologique <strong>de</strong>s haies <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>teaux <strong>du</strong> Nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> Marche,<br />

- Jean-Roger Wattez, Axel Ghestem, Michel Botineau et Annick Delelis-Dusollier : Le site <strong>du</strong><br />

Longeroux (Corrèze) : Documents phytosociologiques (suite et fin) (<strong>la</strong>n<strong>de</strong>s et pelouses sèches<br />

acidiphiles, formations forestières et préforestières, prairies permanentes et friches, …),<br />

- Axel Ghestem, Askolds Vilks, Michel Botineau et Christiane Descubes-Gouilly : Contribution à<br />

l'étu<strong>de</strong> phytosociologique <strong>de</strong>s <strong>la</strong>n<strong>de</strong>s sèches (Nardo-Callunetea) d'un secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Montagne<br />

Limousine,<br />

- Catherine Terrier-Ber<strong>la</strong>nd, Michel Botineau, Christiane Descubes-Gouilly et Axel Ghestem : La<br />

végétation forestière acidiphile <strong>du</strong> pays <strong>de</strong> Vassivière (Limousin),<br />

Michel Botineau remercie le Conseil <strong>de</strong> ce prix qui le touche infiniment. Il évoque dans cette gran<strong>de</strong><br />

famille <strong>de</strong>s botanistes, les spécialistes que Guyard considérait comme <strong>de</strong>s botanistes <strong>de</strong> second ordre,<br />

et les autres, dans lesquelles il a <strong>la</strong> prétention, mo<strong>de</strong>stement, <strong>de</strong> se ranger. Il a, à travers toute sa<br />

carrière, voulu voir toutes les interactions et toucher à plusieurs disciplines. Ce prix, en reconnaissant<br />

ce parcours, l’émeut profondément.


Hommage <strong>de</strong> Marc-André Selosse au professeur Daniel Boul<strong>la</strong>rd qui s’est vu attribuer le prix<br />

Gandoger <strong>de</strong> Cryptogamie <strong>2011</strong>.<br />

Bernard Boul<strong>la</strong>rd est né le 12 février 1927 à Annebault, dans le Calvados. Il est issu d’une famille<br />

mo<strong>de</strong>ste <strong>de</strong> fermiers normands pratiquant l‘autosubsistance et une vie spartiate. Il fera <strong>la</strong> connaissance<br />

<strong>de</strong> sa femme, Louisette, avant <strong>la</strong> guerre, à l’école primaire ; comme elle, il fait ses étu<strong>de</strong>s à l’Ecole<br />

Normale d’Instituteurs <strong>du</strong> Calvados. Il est nommé instituteur en 1947, et se marie en 1948. Louisette<br />

Boul<strong>la</strong>rd sera l’incarnation <strong>de</strong> <strong>la</strong> tolérance et <strong>de</strong> <strong>la</strong> patience pour soutenir les recherches et <strong>la</strong> passion<br />

naissante <strong>de</strong> son mari pour <strong>la</strong> botanique.<br />

Ses propres cours terminés, Bernard Boul<strong>la</strong>rd suit en effet <strong>de</strong>s enseignements <strong>de</strong> botanique à<br />

l’Université <strong>de</strong> Caen où il est remarqué par le Professeur Moreau. Renonçant à une partie <strong>de</strong> son<br />

sa<strong>la</strong>ire, il <strong>de</strong>vient préparateur en 1950. Il passe son DES puis entame une thèse sur « <strong>la</strong> mycotrophie<br />

chez les Ptéridophytes » sous <strong>la</strong> direction <strong>du</strong> Professeur Moreau, d’abord financé comme attaché <strong>de</strong><br />

recherche au CNRS, puis comme assistant stagiaire. Il travaille alors au jardin botanique <strong>de</strong> Caen, dans<br />

le <strong>la</strong>boratoire où avait travaillé Noël Bernard : Bernard Boul<strong>la</strong>rd m’a avoué qu’avec le Professeur<br />

Moreau, Noël Bernard constituait un modèle – un modèle dont il nous entretiendra bientôt. Rappelé<br />

en Algérie en 1956, il poursuit ensuite sa carrière en gravissant un à un tous les échelons, alors<br />

nombreux, <strong>de</strong> l’Université, pour <strong>de</strong>venir professeur <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong> en 1967. Il sera prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />

l’Académie <strong>de</strong>s Sciences, Belles-Lettres et Arts <strong>de</strong> Rouen (1975) et membre <strong>de</strong> l’Académie<br />

d’Agriculture <strong>de</strong> <strong>France</strong> (<strong>de</strong>puis 1987).<br />

Ses travaux <strong>de</strong> recherche ont porté sur les mycorhizes, avec une inspiration mycologique forte. Ils ont<br />

donné lieu à une centaine d’articles originaux, dont beaucoup dans le bulletin <strong>de</strong> notre société, une<br />

quarantaine <strong>de</strong> revues <strong>de</strong> travaux, près <strong>de</strong> 140 articles <strong>de</strong> vulgarisation, sur <strong>la</strong> flore et le sol… et 23<br />

livres, comme auteur ou co-auteur. De cette pro<strong>du</strong>ction émerge une compréhension <strong>de</strong>s structures et <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s associations mycorhiziennes au niveau écologique (influence <strong>de</strong>s sols salés, par<br />

exemple) et systématique. Ses travaux <strong>de</strong> 1979 sur les Ptéridophytes, et <strong>de</strong> 1988 sur les Bryophytes<br />

restent souvent cités dans <strong>la</strong> littérature internationale. Ses travaux menés avec Yves Lemoigne sur les<br />

mycorhizes âgées <strong>de</strong> 400 millions d’années, fossilisées dans <strong>la</strong> flore <strong>de</strong> Rhynie, ont injustement été<br />

éclipsés par <strong>de</strong>s travaux plus récents qui… ne citent pas leur source… Ses nombreux travaux sur les<br />

ectomycorhizes <strong>de</strong>s arbres forestiers, essentiellement morphologiques, seront le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s<br />

recherches plus physiologiques entreprises ensuite par l’INRA, à Nancy, puis partout en <strong>France</strong>.<br />

L’épanouissement actuel <strong>de</strong>s recherches sur les mycorhizes montre combien les travaux <strong>de</strong> Bernard<br />

Boul<strong>la</strong>rd, seul à s’y intéresser dans les années 1970 !, ont ensemencé <strong>la</strong> microbiologie actuelle. En<br />

vulgarisation, il fait connaître le sol et ses microbes, les champignons, mais aussi <strong>la</strong> forêt. Enfin et<br />

surtout, avec « Guerre et paix dans le mon<strong>de</strong> végétal », il livre en 1990 un panorama <strong>du</strong> parasitisme et<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> symbiose qui a fait date dans les esprits.<br />

En 1987, officier <strong>de</strong> l’Ordre <strong>du</strong> Mérite National et Comman<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s Palmes Académiques, Bernard<br />

Boul<strong>la</strong>rd est <strong>de</strong>venu professeur émérite. Depuis, il continue ses activités… Je l’avais connu lors d’une<br />

conférence à <strong>la</strong> <strong>Société</strong> mycologique <strong>de</strong> <strong>France</strong>, un lundi soir <strong>de</strong> 1985 – il par<strong>la</strong>it alors <strong>de</strong>s mycorhizes<br />

<strong>de</strong> Juniperus, et ce fut <strong>la</strong> première fois que j’entendis ce terme que je <strong>de</strong>vais, ensuite, tellement<br />

répéter ! Je l’ai revu dans les incessantes activités qu’il n’a cessé <strong>de</strong> mener après sa retraite : cheville<br />

ouvrière <strong>de</strong>s Rencontres Mycologiques <strong>de</strong> Bellême, entre 1990 et 2003, il a su insuffler son esprit <strong>de</strong><br />

culture, d’amitié et <strong>de</strong> générosité à cette rencontre mycologique majeure pour les mycologues, ce<br />

qu’on appe<strong>la</strong>it « l’esprit <strong>de</strong> Bellême » ; conférencier, comme on l’entendra plus tard dans cette séance,<br />

sur moult sujets, al<strong>la</strong>nt jusqu’à <strong>la</strong> littérature et les auteurs normands !; auxiliaire d’Anne-Marie Mollet<br />

aux stages <strong>de</strong> Besse qu’il complétait <strong>de</strong> conférences et <strong>de</strong> commentaires microbiennes ou écologiques ;<br />

auteur d’un formidable Dictionnaire <strong>de</strong> <strong>Botanique</strong>, richement illustré et qui n’a pas pris une ri<strong>de</strong>… Sa<br />

femme me confiait l’autre jour, comme nous préparions cette séance : "je ne l’ai jamais enten<strong>du</strong> dire<br />

« je m’ennuie »".<br />

Travailleur incessant et perfectionniste, Bernard Boul<strong>la</strong>rd est aussi un modèle <strong>de</strong> rigueur et <strong>de</strong> partage<br />

pour beaucoup d’entre nous. Rigueur dans <strong>la</strong> connaissance et l’observation, mais aussi rigueur <strong>de</strong><br />

l’expression orale et rigueur <strong>du</strong> texte écrit, souvent manuscrit d’une belle écriture… d’instituteur.


Partage par ses écrits et ses conférences, mais surtout son attention perpétuelle à expliquer, définir,<br />

faire comprendre à autrui. Partage aussi par sa manière amicale, informelle mais distinguée, pleine <strong>de</strong><br />

sollicitu<strong>de</strong>. Lors d’un colloque en Belgique l’an <strong>de</strong>rnier, avec le regretté Désiré-George Strullu, son<br />

élève, nous évoquions encore cette chaleur et cette passion que l’âge semble impuissant à atteindre.<br />

Monsieur Boul<strong>la</strong>rd, en vous disant combien vous doivent <strong>la</strong> recherche sur les interactions<br />

mycorhiziennes et les nombreux universitaires qui vous ont pour modèle, je ne sacrifie pas à <strong>la</strong> forme<br />

d’un hommage : <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Botanique</strong> <strong>de</strong> <strong>France</strong> s’honore vraiment en vous honorant. Et, quant à moi,<br />

je vous avoue par ces mots, et avec émotion, à quel point votre carrière et votre façon d’être<br />

constituent pour moi-même un modèle.<br />

Daniel Boul<strong>la</strong>rd remercie le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cette gerbe <strong>de</strong> compliments qu’il souhaite faire retomber sur<br />

ses parents, tout petits paysans dans une ferme sans électricité, et sur sa femme à qui il doit tout.<br />

Conférences<br />

Marc-André Selosse, présente le premier conférencier, Robin Bosve<strong>de</strong>ix, formateur et excellent<br />

naturaliste. Professeur agrégé à l’université Paris Di<strong>de</strong>rot – Paris 7, il est responsable <strong>du</strong> master<br />

« Enseignement et formation en SVT » et doctorant au Laboratoire <strong>de</strong> Didactique André Revuz (EA<br />

1547) (robin.bos<strong>de</strong>veix@univ-paris-di<strong>de</strong>rot.fr / 01 57 27 79 28 - 06 61 18 36 31)<br />

« Le concept <strong>de</strong> végétal : conceptions d’étudiants <strong>de</strong> master 2, futurs professeurs <strong>de</strong> sciences <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> vie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Terre » :<br />

Evolution <strong>du</strong> concept <strong>de</strong> végétal<br />

L’étu<strong>de</strong> biologique <strong>de</strong>s végétaux constitue une composante majeure <strong>de</strong> l’enseignement universitaire en<br />

sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie et est structurée en une discipline : <strong>la</strong> botanique. Les végétaux désignent<br />

historiquement l’un <strong>de</strong>s grands règnes <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature formalisés par Linné (1735). Il s’agit donc à<br />

l’origine d’un concept systématique. Mais suite au développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> l’évolution au XIX e<br />

siècle, le cahier <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification biologique a été modifié cherchant alors à refléter<br />

l’histoire évolutive et les liens <strong>de</strong> parenté entre les organismes vivants. Cette révolution <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

systématique a entraîné un changement <strong>du</strong> type <strong>de</strong> problème auquel le concept <strong>de</strong> végétal constitue<br />

une réponse. En effet, l’essor récent <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification phylogénétique a révélé le caractère<br />

polyphylétique <strong>de</strong>s végétaux qui ne désignent donc plus aujourd’hui un groupe systématique (Selosse,<br />

2008). Pour répondre à un problème systématique, le concept <strong>de</strong> végétal est <strong>de</strong>venu inopérant dans un<br />

cadre phylogénétique. Il s’agit alors d’un concept quotidien (Vygotski, 1937/1998) au regard <strong>de</strong><br />

problème évolutif. Si les végétaux ne désignent plus un concept systématique aujourd’hui, ils<br />

pourraient désigner un groupe fonctionnel rassemb<strong>la</strong>nt les organismes ayant un même mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

nutrition basé sur <strong>la</strong> photosynthèse oxygénique et par voie <strong>de</strong> conséquence un même rôle à l’échelle<br />

écosystémique, celui <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>cteur primaire. Mais ce<strong>la</strong> implique d’inclure parmi les végétaux les<br />

Cyanobactéries qui partagent le même mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> nutrition que les végétaux. Une telle définition <strong>de</strong>s<br />

végétaux é<strong>la</strong>rgie à l’ensemble <strong>de</strong>s organismes réalisant <strong>la</strong> photosynthèse oxygénique maintiendrait<br />

opérant le concept <strong>de</strong> végétal face à un problème <strong>de</strong> nature fonctionnelle mais empêcherait alors <strong>de</strong><br />

parler <strong>de</strong> cellule végétale, puisqu’il n’y a pas d’unité entre une cellule eubactérienne et une cellule<br />

eucaryote. Il n’existe pas <strong>de</strong> définition consensuelle <strong>de</strong>s végétaux, dont le terme est utilisé dans <strong>de</strong>s<br />

sens différents. Le développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie par <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s questions qu’elle porte (Mayr,<br />

1998 ; Rumelhard, 1995) a donc bouleversé le concept <strong>de</strong> végétal.<br />

Les conceptions <strong>de</strong>s étudiants : méthodologie <strong>de</strong> recherche et premiers résultats<br />

Nous avons réalisé une première enquête didactique afin d’analyser les conceptions re<strong>la</strong>tives au<br />

concept <strong>de</strong> végétal chez 29 étudiants en fin <strong>de</strong> formation universitaire (master 2) se <strong>de</strong>stinant à <strong>de</strong>venir<br />

professeurs <strong>de</strong> sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Terre (SVT). Nous cherchons à i<strong>de</strong>ntifier si les étudiants ont<br />

conscience <strong>de</strong> l’évolution <strong>du</strong> concept <strong>de</strong> végétal et quels types <strong>de</strong> problèmes ils mobilisent. Deux<br />

méthodologies complémentaires (basées sur un questionnaire et <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> carte conceptuelle)<br />

ont révélé que les étudiants définissent les végétaux dans un registre fonctionnaliste et très peu dans un<br />

registre historique pour reprendre <strong>la</strong> distinction <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux grands types <strong>de</strong> problèmes biologiques<br />

proposée par Mayr (1998, p. 129). En effet, moins d’un étudiant sur cinq mobilise dans notre étu<strong>de</strong> le<br />

registre évolutif pour définir un végétal (Bos<strong>de</strong>veix, <strong>2011</strong> ; Bos<strong>de</strong>veix & Lhoste, 2012). La définition<br />

<strong>de</strong>s végétaux proposée par 70% <strong>de</strong>s étudiants interrogés est focalisée sur les p<strong>la</strong>ntes terrestres


(Embryophytes), voire même sur les seules Angiospermes. Cette conception macrocentriste con<strong>du</strong>it<br />

les étudiants à ignorer, ou tout ou moins minorer, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s algues (uni ou pluricellu<strong>la</strong>ires) au sein<br />

<strong>de</strong>s végétaux. Elle leur permet <strong>de</strong> donner une définition opératoire <strong>de</strong>s végétaux sur <strong>de</strong>s critères<br />

morphologiques (organismes chlorophylliens fixés pourvus d’une tige feuillée et ancrés au sol. Une<br />

telle conception centrée sur les p<strong>la</strong>ntes terrestres véhicule l’idée d’une unité <strong>de</strong>s végétaux sur le p<strong>la</strong>n<br />

structural et ne facilite pas <strong>la</strong> construction <strong>du</strong> polyphylétisme <strong>de</strong>s végétaux.<br />

Cette enquête préa<strong>la</strong>ble nous a con<strong>du</strong>it à mettre en œuvre une secon<strong>de</strong> recherche visant à analyser le<br />

processus <strong>de</strong> problématisation chez ces étudiants <strong>de</strong> master 2 concernant l’évolution et <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification<br />

<strong>de</strong>s végétaux. Cette enquête a été basée sur <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> dix entretiens indivi<strong>du</strong>els, elle revêt donc<br />

un caractère exploratoire. Les différents entretiens analysés ont tous mis en évi<strong>de</strong>nce, à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés<br />

variables, l’attachement à l’existence <strong>de</strong> végétaux non chlorophylliens (<strong>de</strong>s holoparasites comme<br />

l’orobanche ou <strong>la</strong> cuscute). Ce<strong>la</strong> a con<strong>du</strong>it les étudiants à nier <strong>la</strong> définition fonctionnelle <strong>de</strong>s végétaux<br />

(organismes photosynthétiques réalisant <strong>la</strong> photosynthèse oxygénique) et à en construire une autre.<br />

Mais leur définition se révèle rapi<strong>de</strong>ment peu opérationnelle, s’attachant à trouver d’autres critères <strong>de</strong><br />

regroupement, critères essentiellement cellu<strong>la</strong>ires, tels que <strong>la</strong> paroi ou <strong>la</strong> vacuole. Un résultat central<br />

<strong>de</strong> notre recherche est <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> l’obstacle que nous avons appelé obstacle <strong>du</strong> « critère<br />

absolu », non encore discuté en didactique <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie, mais faisant rejouer un obstacle plus général<br />

qualifié d’essentialiste. L’obstacle <strong>du</strong> « critère absolu » constitue un frein à <strong>la</strong> pensée phylogénétique<br />

et pousse les étudiants à définir les végétaux avec un critère définitoire qui ne souffre d’aucune<br />

exception et qui possè<strong>de</strong> donc un caractère absolu. Le caractère non chlorophyllien ce ces végétaux<br />

n’a pas été problématisé d’un point <strong>de</strong> vue évolutif comme une perte secondaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> chlorophylle.<br />

Cet obstacle con<strong>du</strong>it à <strong>la</strong> confusion inconsciente entre <strong>de</strong>ux opérations bien distinctes : le tri et <strong>la</strong><br />

c<strong>la</strong>ssification. Cette difficulté persiste chez <strong>de</strong>s étudiants en fin <strong>de</strong> formation universitaire, ce qui<br />

montre <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> résistance <strong>de</strong> cet obstacle. Manifesté avec l’exemple <strong>de</strong>s végétaux, cet obstacle<br />

<strong>de</strong>vrait également revêtir un caractère bien plus général et rejouer pour définir tout groupe biologique.<br />

Cette communication correspond à <strong>la</strong> première étape d’une recherche <strong>de</strong> didactique universitaire dans<br />

le domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie évolutive, poursuivie actuellement dans le cadre d’un doctorat.<br />

Références :<br />

Bos<strong>de</strong>veix, R. (<strong>2011</strong>). Le concept <strong>de</strong> végétal : Analyse didactique chez <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> master 2 se<br />

<strong>de</strong>stinant à l’enseignement <strong>de</strong>s SVT. Mémoire <strong>de</strong> master 2 <strong>de</strong> didactique <strong>de</strong>s disciplines, Université<br />

Paris Di<strong>de</strong>rot - Paris 7.<br />

Bos<strong>de</strong>veix, R., & Lhoste, Y. (2012). Problématisation re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification et l’évolution <strong>de</strong>s<br />

végétaux chez <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong> master 2 se <strong>de</strong>stinant à l’enseignement <strong>de</strong>s SVT. (Septièmes<br />

rencontres scientifiques <strong>de</strong> l'ARDiST, Bor<strong>de</strong>aux).<br />

Mayr, E. (1998). Qu'est-ce que <strong>la</strong> biologie? Paris : Fayard.<br />

Rumelhard, G. (1995). De <strong>la</strong> biologie contemporaine à son enseignement. In Deve<strong>la</strong>y M. (éd.) (1995).<br />

Savoirs sco<strong>la</strong>ires et didactiques <strong>de</strong>s disciplines. Une encyclopédie pour aujourd’hui. Paris : ESF.<br />

Selosse, M. A. (2008). Que sont <strong>de</strong>venus animaux, végétaux et champignons ? In Peut-on c<strong>la</strong>sser le<br />

vivant? Linné et <strong>la</strong> systématique aujourd'hui. Dir : Prat, Raynal-Roques & Roguenant. (p. 448).<br />

Paris: Belin.<br />

Von Linné, C. (1735). Systema naturae: Per regna tria naturae, secun<strong>du</strong>m c<strong>la</strong>sses, ordines, genera,<br />

species, cum characteribus, differentiis, synonomis, locis. Lei<strong>de</strong>n.<br />

Vygotski, L.S. (1937/1998). Pensée et <strong>la</strong>ngage. Paris : Éd. La dispute.<br />

Questions :<br />

Un membre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si les algues brunes doivent être c<strong>la</strong>ssées dans les végétaux. Le conférencier<br />

indique que les algues brunes sont <strong>de</strong>s végétaux au sens fonctionnel, mais pas au sens phylogénétique.<br />

En fait, au vu <strong>de</strong>s acquis récents <strong>de</strong> <strong>la</strong> phylogénie le concept <strong>de</strong> végétal n’a plus <strong>de</strong> sens. Dans le<br />

questionnement évolutif, on observe une inégalité <strong>de</strong> traitement entre animal et végétal.<br />

Un membre souligne que dans les questionnements présentés, <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> cycle <strong>de</strong> vie n’a pas été<br />

intégrée. Le conférencier reconnaît volontiers qu’il s’agit d’une <strong>la</strong>cune <strong>de</strong> son questionnaire.<br />

Une remarque sur le retard pris dans l’enseignement <strong>de</strong> <strong>la</strong> systématique évolutive et le caractère<br />

hétéroclite <strong>de</strong> son enseignement suscite un vif débat dans <strong>la</strong> salle.


Le conférencier souligne finalement pour conclure que <strong>la</strong> question n’est pas seulement d’avoir vu ou<br />

pas vu, appris ou pas appris tel ou tel sujet, mais bien les reconstructions et mobilisations qui sont<br />

opérées par les étudiants.<br />

Daniel Boul<strong>la</strong>rd présente ensuite un hommage à Noël Bernard (1874-1911) dont <strong>la</strong> S.B.F. a voulu<br />

ainsi commémorer le centenaire <strong>du</strong> décès.<br />

Ce ne sont que <strong>de</strong>ux prénoms accolés, Noël – Bernard, mais quel grand nom ! C’est, <strong>de</strong>puis le début<br />

<strong>du</strong> 20e siècle, une étoile qui eut dû briller très fort si, pour <strong>de</strong>s raisons politiques et philosophiques<br />

conjuguées, à l’époque, les autorités <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Caen ne s’étaient efforcées d’oublier les mérites <strong>de</strong><br />

ce grand savant. Et cent ans après, peut-on enfin parler (sans encourir le même risque que lui) <strong>de</strong> celui<br />

qui écrivit à son cousin Jean Magrou, en avril 1902 : « Mercredi <strong>de</strong>rnier, digne et grave, solennel<br />

même dans mon habit, j’ai proféré un éloge historique <strong>de</strong> Linné…. J’ai fait un tel éloge <strong>de</strong> cet homme<br />

illustre qu’il a dû apparaître à l’assistance comme <strong>de</strong>sséché entre <strong>de</strong>ux feuilles <strong>de</strong> papier gris. Tandis<br />

qu’une partie <strong>de</strong> l’assistance m’a fait <strong>la</strong> réputation d’un <strong>de</strong>s plus notables conférenciers <strong>de</strong> <strong>la</strong> cité<br />

caennaise, je me suis définitivement coulé dans l’esprit <strong>de</strong> tous les naturalistes <strong>de</strong> l’endroit…. Me<br />

voilà sur le point <strong>de</strong> n’oser plus paraître à <strong>la</strong> <strong>Société</strong> Linnéenne <strong>de</strong> Normandie. »<br />

Fut-il impru<strong>de</strong>nt en y retournant quand même ? On peut se le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r puisqu’au cours d’une séance<br />

on évoque le travail médiocre d’un jeune universitaire et que le doyen Bigot, célèbre géologue<br />

caennais, qualifia cette pro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> « travail <strong>de</strong> Maître <strong>de</strong> Conférences ». Noël Bernard, jeune<br />

Maître <strong>de</strong> Conférences lui –même, intervint sur le champ : « Monsieur le Doyen, beaucoup <strong>de</strong><br />

Professeurs titu<strong>la</strong>ires n’ont pas dépassé ce sta<strong>de</strong>. » Les contacts ultérieurs furent heureusement<br />

harmonieux et Noël Bernard y fit <strong>de</strong>s communications bril<strong>la</strong>ntes. Reprenons notre propos posément.<br />

Noël Bernard, parisien puis caennais, a terminé sa brève vie à 37 ans près <strong>de</strong> Poitiers, en 1911. Nous<br />

ne sommes né que 16 ans après sa disparition, et pourtant nous croyons bien l’avoir rencontré tant<br />

nous sommes <strong>de</strong>venu intime avec lui. Nous ne serions même pas étonnés qu’il soit, aujourd’hui, parmi<br />

nous, avec son chapeau <strong>de</strong> feutre, ses petites moustaches noires, son regard vif et subtil… et son<br />

génie ! Chers amis, vous allez pouvoir considérer l’Homme et l’œuvre, vous disant que le Noël<br />

Bernard <strong>de</strong> 1900 est vraiment encore actuel. Il continue à délivrer <strong>de</strong> profonds messages, et c’est ce<br />

qui nous a incités à venir vers vous.<br />

Au nombre <strong>de</strong> ces messages, faisons état, sans plus attendre, <strong>de</strong> cette expression délicate, habile, <strong>du</strong><br />

mépris <strong>de</strong>s conventions et <strong>de</strong> l’indépendance d’esprit. Il s’agit d’un extrait <strong>de</strong> lettre adressée, <strong>de</strong> Caen,<br />

à Mme Jean Perrin, épouse <strong>de</strong> l’illustre physicien, prix Nobel : « Les orchidées <strong>de</strong>s forêts tropicales<br />

n’ont pas adopté les mœurs <strong>de</strong>s autres végétaux : elles vivent à l’écart, loin <strong>du</strong> sol, retenues aux<br />

branches élevées <strong>de</strong>s arbres par <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s griffes….. Elles auraient sans doute, parmi les autres<br />

p<strong>la</strong>ntes…. une réputation d’orgueil et <strong>de</strong> sauvagerie ; l’on citerait comme <strong>de</strong>s tares les difficultés<br />

qu’elles rencontrent… au cours <strong>de</strong> leur développement. Mais il me p<strong>la</strong>ît <strong>de</strong> croire qu’elles n’écoutent<br />

point les propos <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes qui rampent à terre. Les botanistes ont érigé en lois les règles communes<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes vulgaires ; les lois que je pense trouver les étonnent comme <strong>de</strong>s paradoxes<br />

étrangers. Mais pour n’être suivies que par une minorité infime, elles ne sont pas moins suggestives,<br />

et c’est sans doute… ce qui m’a amené à aimer, dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces p<strong>la</strong>ntes, l’exception plus<br />

sympathique que <strong>la</strong> loi. »<br />

Tous les biologistes cultivés s’accor<strong>de</strong>nt pour reconnaître que, en dépit <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die qui l’a miné,<br />

Noël Bernard doit être considéré comme une très gran<strong>de</strong> figure <strong>de</strong> <strong>la</strong> Science Française. A l’âge<br />

auquel certains chercheurs, pourtant doués, achèvent à peine une thèse <strong>de</strong> Doctorat, il avait déjà réalisé<br />

une œuvre d’une qualité telle que certaines pages ont leur p<strong>la</strong>ce dans l’esprit <strong>de</strong>s naturalistes érudits.<br />

La famille Bernard était <strong>la</strong>nguedocienne. Mais c’est dans un bel immeuble <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue <strong>du</strong> Quatre-<br />

Septembre, à Paris, que naquit le 13 mars 1894 le jeune Noël, fils <strong>de</strong> François Bernard, négociant en<br />

drap <strong>de</strong> Rouen, et <strong>de</strong> Marie-Marguerite Sabot, d’origine norman<strong>de</strong>. Hé<strong>la</strong>s, un matin g<strong>la</strong>cial <strong>de</strong><br />

<strong>décembre</strong> 1879, François Bernard, cédant sa p<strong>la</strong>ce dans un omnibus parisien à une dame âgée, monta à


l’impériale, y prit froid et mourut <strong>de</strong> congestion pulmonaire quelques jours plus tard. Noël n’avait que<br />

5 ans, c’était « un joli petit garçon pensif qui annonçait déjà le sé<strong>du</strong>isant jeune homme. » La situation<br />

changea radicalement. La maman <strong>de</strong> Noël fut employée par une modiste et travail<strong>la</strong> <strong>du</strong>r pour tenter<br />

d’assurer l’avenir sco<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> son fils.<br />

Les difficultés <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie ne tardèrent donc guère à façonner le caractère <strong>de</strong> l’enfant. Il en héritera<br />

l’amour <strong>du</strong> travail et ne manquera pas <strong>de</strong> le faire savoir : « Au cours <strong>de</strong> mon existence passée, parfois<br />

même en face <strong>de</strong> sérieuses difficultés, j’ai rarement per<strong>du</strong> confiance dans l’idée que l’attachement au<br />

travail peut procurer un bonheur stable. » Travailler, oui ! Mais avec une parfait honnêteté : « Il ne<br />

faut pas douter un seul moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> suprématie qu’a <strong>la</strong> vérité sur le rêve, » disait-il. Dans une lettre à<br />

sa cousine Jeanne Magrou, Bernard précise encore : « La beauté pour les fleurs, <strong>la</strong> bonté pour les<br />

hommes, ne sont point <strong>de</strong>s qualités primitives mais <strong>de</strong>s perfections acquises au prix <strong>de</strong> <strong>du</strong>res peines<br />

subies dans les combats incessants <strong>du</strong> passé. » Et Noël Bernard savait <strong>de</strong> quoi il par<strong>la</strong>it. Travailleur<br />

obstiné, il ne sut, et ne put guère, s’accor<strong>de</strong>r <strong>de</strong> répit, avouant à Joseph Magrou : « Les meilleures<br />

heures sont celles qu’on gar<strong>de</strong> pour réfléchir, mais elles sont rares. »<br />

Enfant, il con<strong>du</strong>isit <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s extrêmement bril<strong>la</strong>ntes au Lycée Charlemagne, puis au Lycée<br />

Condorcet. Nous avons consulté, avec émerveillement, ses relevés <strong>de</strong> notes et les palmarès <strong>de</strong><br />

Distributions <strong>de</strong> Prix…. Pour lui, en permanence, ce fut le Prix d’Excellence.<br />

Presque simultanément Licencié-ès-Sciences Physiques, ès-Mathématiques et ès-Sciences naturelles,<br />

Noël Bernard fut, à son premier essai, admis, à 20 ans, à l’Ecole Normale Supérieure <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue d’Ulm<br />

et à Polytechnique. Il opta pour Normale Sup’ où il entrait comme major, bien enten<strong>du</strong> ! A <strong>de</strong>ux pas<br />

<strong>de</strong> là, rue <strong>du</strong> Val-<strong>de</strong>-Grâce, il venait souvent, soit dans l’appartement <strong>du</strong> rez-<strong>de</strong>-chaussée, soit, aux<br />

beaux jours, dans le petit jardin, converser avec ses cousins Magrou et avec Jean Perrin.<br />

Elève, puis Préparateur <strong>du</strong>rant 6 ans en cette prestigieuse Normale Sup’, il fut, dès 1898, reçu major<br />

(encore) à l’Agrégation <strong>de</strong>s Sciences naturelles, partageant cette 1 ère p<strong>la</strong>ce avec Charles Pérez. Celui-ci<br />

écrira un jour, à propos <strong>de</strong> Noël : « C’était un grand gamin <strong>de</strong> Paris, prompt à saisir les petits travers<br />

<strong>de</strong>s hommes, et les notant aussitôt d’un trait incisif et sûr…. Il fal<strong>la</strong>it voir avec quel brio il contait une<br />

histoire ! Mais sous cette apparence frivole, Bernard avait une conscience droite et ferme…. un cœur<br />

fidèle et généreux. »<br />

Agrégé, il prépara sa thèse dans le service <strong>du</strong> professeur Constantin lequel écrira, cinq ans après <strong>la</strong><br />

mort <strong>de</strong> son élève : « ….je dois dire que j’ai été frappé au plus haut point par un ensemble <strong>de</strong> qualités<br />

presque contradictoires, rarement réunies chez un même savant. …. »<br />

Commença très tôt <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> fastueuse <strong>de</strong>s amours <strong>de</strong> Noël Bernard avec les Orchidées. Déjà, dans le<br />

cadre <strong>de</strong> sa préparation à l’agrégation, il fut chargé <strong>de</strong> donner une leçon sur…. les Orchidées. Ce<br />

furent là, manifestement, <strong>de</strong>s fiançailles puisque le sujet « tomba » à l’écrit <strong>du</strong> concours ! Ce<strong>la</strong> fit dire<br />

à Constantin : « Le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Orchidées suit Bernard, fait corps avec sa vie ». A l’Ecole, à l’heure <strong>du</strong><br />

café, Noël bril<strong>la</strong>it par sa vive intelligence, par son culte <strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté, par <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté <strong>de</strong> ses suggestions.<br />

Puis le service militaire s’imposa. Bernard le fit… par force ! Heureusement, <strong>la</strong> caserne <strong>de</strong> Melun<br />

n’était guère distante <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Fontainebleau. Et le 3 mai 1899, alors que le soldat Bernard s’y<br />

promenait, il fit une rencontre déterminante dont il souligna l’extrême importance dans <strong>de</strong>ux lettres à<br />

un oncle et à un cousin. Ayant rappelé le caractère (encore) mystérieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> germination <strong>de</strong>s graines<br />

d’Orchidées, il écrit : « Mes recherches <strong>de</strong> cet après-midi m’ont mis en possession …. <strong>de</strong> plusieurs<br />

centaines <strong>de</strong> graines <strong>de</strong> Neottia en germination, et j’ai <strong>de</strong> jeunes p<strong>la</strong>ntes….. qu’aucun œil <strong>de</strong> botaniste<br />

n’avait jamais contemplées. J’ai donc <strong>de</strong>s matériaux précieux pour <strong>la</strong> solution <strong>de</strong> cette question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

culture <strong>de</strong>s Orchidées…. Ma thèse va, j’espère, marcher rapi<strong>de</strong>ment. »<br />

Oui, en 1899, on en était encore aux métho<strong>de</strong>s empiriques et pleines d’aléas, initiées par Neumann en<br />

1844, confiant <strong>de</strong>s graines architénues aux composts <strong>de</strong> terrines d’Orchidées a<strong>du</strong>ltes. Le succès<br />

relevait autant <strong>du</strong> « tour <strong>de</strong> main » que <strong>du</strong> « tour <strong>de</strong> force »… inexpliqué !


Les découvertes dominicales <strong>du</strong> jeune Bernard firent l’objet d’une bril<strong>la</strong>nte communication à<br />

l’Académie <strong>de</strong>s Sciences. Cette note recèle en son sein l’essentiel <strong>de</strong> ce qui al<strong>la</strong>it, pratiquement<br />

jusqu’à sa mort, lui servir <strong>de</strong> fil con<strong>du</strong>cteur en orientant ses expériences futures.<br />

Fameuse découverte que celle <strong>de</strong> ce 3 mai 1899 ! La Néottie, totalement dépourvue <strong>de</strong> chlorophylle,<br />

n’é<strong>la</strong>bore dans l’humus <strong>de</strong>s sous-bois <strong>de</strong> feuillus qu’une médiocre hampe florale à partir d’une griffe<br />

souterraine mimant l’intrication <strong>de</strong>s brindilles d’un « nid d’oiseau ». Les racines <strong>de</strong> cette griffe sont<br />

abondamment colonisées par un champignon. Or, écrit Bernard : « Une tige aérienne, portant ses<br />

fruits bourrés <strong>de</strong> graines, s’est trouvée acci<strong>de</strong>ntellement enterrée…. » … « Au printemps, les graines<br />

encore enfermées dans les capsules ont germé en grand nombre ; ce<strong>la</strong> m’a permis d’observer les<br />

premiers sta<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> germination….. ». Devons-nous rappeler <strong>la</strong> présence <strong>du</strong> champignon<br />

symbiotique dans les racines, avant <strong>de</strong> poursuivre <strong>la</strong> citation : « Les fi<strong>la</strong>ments mycéliens (<strong>de</strong> <strong>la</strong> griffe)<br />

se sont éten<strong>du</strong>s dans toutes les parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> Néottie. Les graines en germination sont investies…. Je<br />

suis donc amené à conclure que l’intervention d’un champignon est indispensable à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte dès<br />

l’époque <strong>de</strong> <strong>la</strong> germination ». C’était là une entrée par <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Porte dans le mon<strong>de</strong> scientifique<br />

pour ce « bûcheur-né ». Plus tard, son épouse en témoigna : « Il accepta courageusement, presque<br />

héroïquement, <strong>de</strong> compléter par <strong>de</strong>s répétitions nombreuses à l’extérieur <strong>de</strong> l’Ecole, un traitement <strong>de</strong><br />

Préparateur trop insuffisant pour les lour<strong>de</strong>s charges qu’il avait alors. » Lour<strong>de</strong>s charges ? Oui !<br />

Pendant <strong>de</strong>s années sa mère s’était fort en<strong>de</strong>ttée afin <strong>de</strong> lui payer ses étu<strong>de</strong>s. Sa thèse fut souvent<br />

préparée <strong>la</strong> nuit, alors que ses journées étaient parfois terribles, au point qu’il se couchait dans le fiacre<br />

qui le ramenait le soir à l’Ecole, <strong>de</strong>puis les rési<strong>de</strong>nces princières où il dispensait ses leçons<br />

particulières, car il n’avait plus <strong>la</strong> force <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer assis !<br />

Après <strong>la</strong> Néottie, d’autres orchidées retinrent l’attention <strong>du</strong> jeune chercheur. Il s’intéressa aux graines<br />

d’un hybri<strong>de</strong> <strong>de</strong> Laelia, entre autres, et écrit : « J’ai trouvé <strong>de</strong>s champignons endophytes dans toutes<br />

les p<strong>la</strong>ntes que j’ai examinées et, déjà, dans <strong>de</strong> jeunes p<strong>la</strong>ntes encore enfermées dans le tégument <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> gaine… ». Et Bernard suggère alors que, dans les serres <strong>de</strong>s horticulteurs, l’orchidée a<strong>du</strong>lte sert à<br />

infester le substratum par les champignons indispensables à <strong>la</strong> germination. En 1900, encore, il donne<br />

un prolongement majeur à ses premiers résultats en concluant une note par cette formule : « La<br />

présence constante d’endophytes chez les p<strong>la</strong>ntes à bulbes et à tubercules permet <strong>de</strong> croire que<br />

l’infection par <strong>de</strong>s endophytes est une cause assez générale <strong>de</strong> <strong>la</strong> tuberculisation. » Bernard le<br />

démontrera 12 mois plus tard dans sa thèse soutenue en 1901.<br />

Pendant l’hiver 1899-1900, Bernard suivra l’enseignement <strong>de</strong> Duc<strong>la</strong>ux, Roux, Metchnikoff, à l’Institut<br />

Pasteur. Il reconnaîtra plus tard que lui venait <strong>de</strong> là : «…..une <strong>de</strong>s meilleures parties <strong>de</strong> son capital<br />

intellectuel ». Il est manifeste que ses ouvertures d’esprit pastoriennes ont facilité <strong>la</strong> conception <strong>de</strong> ses<br />

expériences, l’interprétation <strong>de</strong> leurs résultats, l’application à <strong>la</strong> symbiose <strong>du</strong> vocabu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>s<br />

microbiologistes.<br />

Dès que Noël Bernard eut soutenu sa thèse (en 1901), avec dédain mêlé <strong>de</strong> jalousie et <strong>du</strong> souci<br />

d’éloigner <strong>de</strong> Paris un jeune chercheur aussi bril<strong>la</strong>nt, quelques pontifes parisiens <strong>de</strong> l’époque, et<br />

notamment Gaston Bonnier, s’empressèrent <strong>de</strong> « faciliter » sa nomination, en province, à Caen !<br />

C’est donc à Caen, dans le Laboratoire <strong>de</strong> l’Institut <strong>Botanique</strong>, au cœur <strong>du</strong> Jardin <strong>de</strong>s P<strong>la</strong>ntes,<br />

qu’al<strong>la</strong>ient être réalisés les travaux <strong>de</strong> nature à rendre l’Œuvre… et l’Homme, exceptionnels. Ce<br />

Laboratoire, nous l’avons connu, fréquenté <strong>de</strong>s années <strong>du</strong>rant, pour y préparer à notre tour une thèse<br />

…. sur <strong>la</strong> symbiose. Le souvenir, l’esprit, l’ombre même <strong>de</strong> Noël Bernard nous ont toujours fascinés<br />

en ce « Laboratoire portant son nom ».<br />

La leçon inaugurale fut donnée par Bernard le 13 janvier 1902 au Jardin <strong>de</strong>s P<strong>la</strong>ntes. Le len<strong>de</strong>main, le<br />

nouveau Maître <strong>de</strong> Conférences écrivait à Jean Magrou : « Ma leçon inaugurale fut <strong>de</strong>stinée à un<br />

unique étudiant, en présence <strong>de</strong> tous les Professeurs en toge ». Cet étudiant, nommé Röhrig, tenait<br />

pour remarquables les cours dispensés et se remémorait plus tard l’heureuse époque où « sous<br />

l’admirable direction <strong>de</strong> M. Bernard, il commençait son initiation à <strong>la</strong> biologie. ».


Le Professeur Octave Lignier, paléobotaniste réputé, patron <strong>de</strong> Bernard, fit tout ce qu’il put pour créer<br />

les conditions les plus propices à <strong>la</strong> bonne con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Noël Bernard. « M. Octave Lignier<br />

….. a toujours été prêt à perfectionner le <strong>la</strong>boratoire dans le sens le plus utile à mes recherches. »<br />

Pour se loger, le jeune Maître <strong>de</strong> Conférences s’instal<strong>la</strong>, rue Caponière, dans une <strong>de</strong>meure on ne peut<br />

plus mo<strong>de</strong>ste. Il résida là jusqu’à son mariage, en 1907, avec une mathématicienne, excellente élève <strong>de</strong><br />

l’Ecole Normale Supérieure <strong>de</strong> jeunes filles. A dater <strong>de</strong> ce jour, ils s’installèrent à 15 km <strong>de</strong> Caen, à<br />

Mathieu, d’où le savant biologiste venait chaque jour à bicyclette, et par tous les temps, au Laboratoire<br />

<strong>du</strong> Jardin <strong>de</strong>s P<strong>la</strong>ntes.<br />

En 1902, Bernard proc<strong>la</strong>me encore, mais avec quelque pru<strong>de</strong>nce, <strong>la</strong> nécessité <strong>du</strong> champignon pour que<br />

germent les graines d’Orchidées…. Pru<strong>de</strong>nce, ou prémonition : « Il est, certes, difficile d’affirmer que<br />

<strong>la</strong> germination est impossible sans le concours <strong>de</strong> ces champignons ; un jour, peut-être, on <strong>la</strong><br />

réalisera sans eux, mais, pour le moment, ce<strong>la</strong> ne paraît pas être fait. »<br />

Et lorsque le biologiste Laurent démontre que les bourgeons <strong>de</strong>s pousses aériennes <strong>de</strong> diverses p<strong>la</strong>ntes<br />

cultivées sur <strong>de</strong>s solutions concentrées peuvent prendre l’aspect <strong>de</strong> tubercules, Bernard réagit avec<br />

brio : « ….<strong>la</strong> présence dans les tissus <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte <strong>de</strong> champignons capables <strong>de</strong>….dédoubler <strong>de</strong>s<br />

édifices molécu<strong>la</strong>ires complexes et d’augmenter ainsi <strong>la</strong> concentration est une <strong>de</strong>s conditions qui<br />

peuvent aussi mener à cet état. » La présence <strong>du</strong> champignon, en scindant les grosses molécules,<br />

créerait donc <strong>de</strong>s conditions équivalentes à l’usage d’une solution concentrée.<br />

En <strong>décembre</strong> 1903, Bernard écrit à sa tante Antoinette Magrou : « Pour le moment, je me contente<br />

d’élever une centaine d’orchidées <strong>de</strong> moins d’un millimètre, et pour tenir en bon état cette forêt<br />

minuscule, il a fallu que l’on me construise une serre…. et que l’Etat dépense cinq francs par jour<br />

pour le chauffage. » La même année, il intro<strong>du</strong>it une nouvelle expression dans le vocabu<strong>la</strong>ire appliqué<br />

à <strong>la</strong> symbiose en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> « synthèse <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntules d’Orchidées ». Il compare ces p<strong>la</strong>ntules<br />

symbiotiques à <strong>de</strong>s Lichens, autre remarquable exemple <strong>de</strong> vie en commun.<br />

En 1904, Bernard démontre <strong>la</strong> non-spécificité absolue <strong>de</strong>s endophytes d’Orchidées puisque : les<br />

graines d’un hybri<strong>de</strong> <strong>de</strong> Cypripedium ont germé aussi bien avec l’un qu’avec l’autre <strong>de</strong>s trois<br />

endophytes <strong>de</strong> Cypripedium, <strong>de</strong> Cattleya, ou <strong>de</strong> Spiranthes ». Mais il se refuse à croire qu’un seul et<br />

même champignon soit le symbiote <strong>de</strong> toutes les espèces d’Orchidées. Il suppose qu’existent <strong>de</strong>s races<br />

physiologiques d’une même espèce <strong>de</strong> champignon, races adaptées, chacune, à tel ou tel hôte.<br />

Effectivement, Noël Bernard isolera 3 souches <strong>de</strong> Rhizoctonia :<br />

- Rhizoctonia <strong>la</strong>nuginosa, à partir <strong>de</strong> racines d’Odontoglossum ;<br />

- Rhizoctonia mucoroï<strong>de</strong>s, à partir d’un Vanda ;<br />

- Rhizoctonia repens, à partir d’un Orchis.<br />

On sait maintenant qu’il s’agit <strong>de</strong> formes imparfaites <strong>de</strong> Basidiomycètes.<br />

Le mémoire intitulé « Recherches expérimentales sur les Orchidées », 1904, se termine par cette<br />

suggestion que Bernard vali<strong>de</strong>ra par <strong>la</strong> suite : « On est amené à penser que le passage à l’état vivace<br />

dans le règne végétal peut être un symptôme d’infestation, et l’on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si beaucoup <strong>de</strong><br />

p<strong>la</strong>ntes vivaces, autres que les Orchidées, ne doivent pas (à <strong>la</strong> symbiose) <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s bulbes, <strong>de</strong>s<br />

rhizomes ou <strong>de</strong>s tubercules. »<br />

En 1905, Noël Bernard prit <strong>la</strong> parole lors <strong>du</strong> Congrès National d’Horticulture pour exprimer sa<br />

détermination en <strong>de</strong>s termes …… explosifs ! Sollicitant <strong>de</strong>s riches orchidiculteurs une ai<strong>de</strong> financière,<br />

il conclut : « Et si je ne suis pas parvenu à vous convaincre, je poursuivrai <strong>la</strong> question pour mon<br />

compte. S’il le faut, pour avoir <strong>de</strong>s matériaux <strong>de</strong> travail, …. j’irai piocher <strong>la</strong> terre pour y trouver <strong>de</strong>s<br />

germinations <strong>de</strong> nos Orchidées indigènes, aussi intéressantes pour moi que les Orchidées tropicales,<br />

et qui ont au moins l’avantage d’être accessibles à tout le mon<strong>de</strong>. »<br />

En 1905, <strong>la</strong> pluralité <strong>de</strong>s endophytes est, une nouvelle fois, démontrée. Si les Cattleya et<br />

Cypripendium hébergent le même associé, celui <strong>de</strong>s Pha<strong>la</strong>enopsis est différent et diffère aussi <strong>de</strong> celui<br />

<strong>de</strong>s Odontoglossum. Il est, dans ces tentatives <strong>de</strong> synthèse, <strong>de</strong>s cas :


- <strong>de</strong> symbiose parfaite ;<br />

- d’impuissance notoire <strong>du</strong> champignon ;<br />

- <strong>de</strong> parasitisme f<strong>la</strong>grant <strong>du</strong> champignon à l’encontre <strong>de</strong>s graines d’Orchidées.<br />

La conclusion <strong>de</strong> Bernard est d’une parfaite limpidité : « L’état, dit <strong>de</strong> symbiose, est en quelque sorte<br />

un état <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die …. prolongée, intermédiaire entre …. <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die rapi<strong>de</strong>ment mortelle et …<br />

l’immunité complète. »<br />

Par <strong>la</strong> suite, en 1909, le bril<strong>la</strong>nt chercheur précisera encore les modalités <strong>de</strong> l’union : « …. les<br />

embryons encore in<strong>de</strong>mnes attirent seuls le champignon, et aussitôt après que l’infection est réalisée,<br />

cette attraction cesse <strong>de</strong> s’exercer. » Donc, chez les Orchidées, les embryons inoculés avec un<br />

Rhizoctonia convenable <strong>de</strong>viennent réfractaires à l’intrusion <strong>de</strong> toute autre Rhizoctonia. En outre,<br />

l’intervention d’un champignon atténué peut vacciner le semis <strong>de</strong> graines contre un champignon actif.<br />

Le vocabu<strong>la</strong>ire médical fut celui <strong>de</strong> Bernard.<br />

Hé<strong>la</strong>s, il faut recourir à ce même <strong>la</strong>ngage pour parler <strong>du</strong> savant lui-même, lequel écrivait dès 1905 :<br />

« Parfois, j’ai <strong>de</strong> mon côté <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> marasme. Je crains <strong>de</strong> voir, avant le temps d’en récolter <strong>de</strong>s<br />

résultats, s’éteindre <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière lueur <strong>de</strong> mon activité. »<br />

A Londres, en 1906, Bernard révé<strong>la</strong> un fait troub<strong>la</strong>nt : « Les propriétés <strong>du</strong> champignon peuvent être<br />

différentes au moment <strong>de</strong> son isolement et lors <strong>de</strong> son emploi ultérieur… ». Il sut intro<strong>du</strong>ire <strong>la</strong> notion<br />

<strong>de</strong> « <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> virulence » et se targua même d’être capable <strong>de</strong> « rendre une activité suffisante à <strong>de</strong>s<br />

champignons aux pouvoirs altérés. » L’alternance <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie en symbiose et <strong>de</strong>s phases<br />

d’isolement en culture pure, suffit pour faire fluctuer le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> virulence <strong>de</strong> l’endophyte. C’est <strong>du</strong><br />

Grand Art <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> notre biologiste caennais, nourri <strong>de</strong> bactériologie pastorienne.<br />

Encore célibataire, en 1906, Noël Bernard confessait : « …… j’ai formé le vœu <strong>de</strong> mener à mon<br />

<strong>la</strong>boratoire une vie monastique jusqu’au jour où j’aurai enfin réuni en un volume l’Œuvre que je<br />

médite…. ». Et résidant maintenant à Mathieu, marié, notre universitaire caennais écrira en 1907 :<br />

« Habitant <strong>la</strong> campagne, nous éviterons ….. une foule <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions mondaines, et <strong>de</strong> mener une vie<br />

coûteuse. » C’est là, à Mathieu, que naîtra, en 1908, son fils Francis, prématuré, sa « plus belle culture<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong>boratoire », pour lequel il préparera, entre <strong>de</strong>ux semis ou repiquages d’Orchidées, <strong>de</strong>s biberons<br />

stériles, vitaminés, pour tenter <strong>de</strong> sauver le nouveau-né, en abrégeant sa propre vie, car il s’usa<br />

excessivement. Dès 1904, le futur papa <strong>de</strong> 1908 écrivait : « ….. les graines rudimentaires <strong>de</strong>s<br />

Orchidées sont comme <strong>de</strong>s fœtus, mis au mon<strong>de</strong> avant terme, qu’on parvient bien parfois encore à<br />

élever, mais au prix <strong>de</strong> difficultés sans nombre. » Francis Bernard était bien conscient <strong>du</strong><br />

« sauvetage » réalisé par son père en hypothéquant ses propres forces. Ce fils « sauvé » nous dit un<br />

jour : « Mon père disait que lorsqu’on me posait dans mon petit lit, je m’y éta<strong>la</strong>is comme une goutte<br />

d’huile. ». Il fut professeur <strong>de</strong> zoologie à Alger.<br />

L’un <strong>de</strong>s grands moments <strong>de</strong> gloire <strong>de</strong> Noël Bernard, <strong>du</strong>rant sa trop courte vie, fut bien l’ovation<br />

monstre qui salua sa conférence gantoise lors <strong>de</strong>s Floralies <strong>de</strong> 1908. Ce jour-là, il dit tout en matière :<br />

- <strong>de</strong> symbiose fongique <strong>de</strong>s Orchidées ;<br />

- <strong>de</strong> particu<strong>la</strong>rités et exigences <strong>de</strong> leurs semences ;<br />

- d’analyses et synthèses d’Orchidées symbiotiques ;<br />

- <strong>de</strong> fluctuation <strong>de</strong> virulence <strong>de</strong>s souches ; et même, il évoqua <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> faire germer,<br />

sans champignon, <strong>de</strong>s Orchidées qui, dans <strong>la</strong> nature, n’en sont jamais dépourvues.<br />

Enfin, l’orateur abor<strong>de</strong>ra le problème <strong>de</strong> l’Evolution <strong>de</strong> l’immense famille <strong>de</strong>s Orchidées, en attribuant<br />

à leurs endophytes un rôle majeur. A sa femme, <strong>de</strong>puis Gand, il écrira le 24 avril 1908 : « Ma<br />

conférence est faite. Il se passe ici un phénomène <strong>de</strong>s plus bizarres : j’y suis un savant officiel ! Tout<br />

change en passant <strong>la</strong> frontière ! ».Reconnu hors <strong>de</strong> l’Hexagone, il était <strong>de</strong>venu difficile <strong>de</strong> ne pas<br />

confier à Bernard un poste <strong>de</strong> Professeur titu<strong>la</strong>ire.<br />

Ce sera chose faite en novembre 1908, avec sa nomination à Poitiers. Il a alors 34 ans. Notre<br />

professeur <strong>de</strong> botanique, directeur <strong>de</strong> thèse et patron <strong>de</strong> <strong>la</strong>bo, Fernand Moreau, fut l’un <strong>de</strong>s premiers<br />

étudiants poitevins <strong>de</strong> Noël Bernard, préparant le concours <strong>de</strong> l’agrégation : « Bernard s’avéra un<br />

magicien <strong>de</strong> <strong>la</strong> pédagogie. Chacun <strong>de</strong> nous enviait son talent d’orateur, sa façon d’exprimer avec<br />

simplicité ce qui est compliqué, son art <strong>de</strong> rendre intéressant un sujet ari<strong>de</strong> et d’exposer avec<br />

originalité une question banale. »


Hé<strong>la</strong>s, le microbe était là. Joseph Magrou, cousin <strong>de</strong> Noël et pastorien, avait détecté le bacille <strong>de</strong> Koch<br />

dans les crachats. « Ce fut là <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> peine <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> mon mari » nous confia, rue <strong>du</strong><br />

Val <strong>de</strong> Grâce, <strong>la</strong> veuve <strong>de</strong> Joseph Magrou. Stoïque, le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> avoua à Charles Pérez qu’il se félicitait<br />

…. « <strong>du</strong> moins <strong>de</strong> succomber à un mal qui épargne jusqu’au <strong>de</strong>rnier moment l’intégrité <strong>de</strong><br />

l’intelligence. » Et Pérez d’ajouter : « La conscience limpi<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa perte ne l’empêchait pas d’écrire<br />

<strong>de</strong>s lettres d’une magnifique sérénité. » Il continua donc ses recherches tout en suivant sa ma<strong>la</strong>die.<br />

A l’automne <strong>de</strong> 1910, <strong>la</strong> famille Bernard al<strong>la</strong> s’installer au Domaine <strong>de</strong> Mauroc, ancienne rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong><br />

campagne <strong>de</strong> l’évêque <strong>de</strong> Poitiers, à quelques kilomètres <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville.<br />

« L’Evolution dans <strong>la</strong> Symbiose » avait été, en 1909, le chef-d’œuvre <strong>de</strong> Bernard, une véritable<br />

« Chanson <strong>de</strong> Geste » pour tous les spécialistes <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions biologiques. Le témoignage le<br />

plus autorisé fut bien celui d’Hans Burgeff, sol<strong>de</strong> prussien <strong>de</strong> Würzburg que nous avons connu,<br />

rencontré, lui déjà vieux ! Il avait travaillé sur le même sujet que Noël Bernard, en même temps que<br />

lui, vers 1900 – 1911, et ne tarissait pas d’éloges à l’adresse <strong>du</strong> disparu. Noël Bernard écrivait<br />

notamment : « Les Orchidées sont sujettes aux atteintes <strong>de</strong> champignons <strong>de</strong>puis l’origine <strong>de</strong> cette<br />

famille. Il reste à savoir comment cet état <strong>de</strong> symbiose a pu s’établir et a évolué chez les ancêtres <strong>de</strong>s<br />

Orchidées actuelles. »<br />

Et en 1909 encore, quel moral pour un homme qui se sait condamné : « Je songe actuellement à<br />

entreprendre <strong>la</strong> série <strong>de</strong>s recherches concernant le Règne Végétal que mon système ouvre. Il y en<br />

aurait pour <strong>de</strong>ux siècles, j’en ai donc pour tout ce qui me reste <strong>de</strong> vie, » écrivait-il, brû<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> fièvre,<br />

en janvier ! Il eut le temps <strong>de</strong> prouver <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> l’asymbiose (ou développement en l’absence <strong>de</strong><br />

symbiote). La germination, « par l’action <strong>de</strong> solutions concentrées, est lente, mais très régulière. »<br />

L’augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> concentration <strong>du</strong> milieu <strong>de</strong> culture peut suppléer l’action <strong>du</strong> champignon ! Et<br />

Bernard proposera encore une approche originale, pastorienne bien sûr, en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> phagocytose<br />

<strong>de</strong> l’endophyte par l’orchidée. Il semble bien qu’il faille voir là un moyen, entre autres, <strong>de</strong> se défendre<br />

contre un colonisateur. Grâce à ce processus <strong>de</strong> limitation, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte peut poursuivre son<br />

développement au niveau <strong>de</strong>s pointes <strong>de</strong> ses racines, <strong>de</strong>s ébauches <strong>de</strong> bulbes, jamais investies.<br />

Chez diverses Orchidées indigènes, Bernard a mis en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> synthèse et <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong><br />

substances antifongiques à partir <strong>de</strong> leurs bulbes. Ce<strong>la</strong> impose donc, chaque année, une réinfestation<br />

par le sol <strong>de</strong>s racines nouvelles portées par le bulbe néoformé !<br />

Jour après jour, <strong>la</strong> tuberculose gagne <strong>du</strong> terrain. Comment pourrait-il en être autrement puisque :<br />

« Francis est gravement ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Les examens, notre instal<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> campagne, le service <strong>de</strong> Marie-<br />

Louise (ses cours <strong>de</strong> mathématiques), les nuits b<strong>la</strong>nches, je n’ai ni temps ni repos. » C’est déjà<br />

l’automne embrumé d’une bien courte vie.<br />

Mais Bernard rêve encore <strong>de</strong> beaux résultats <strong>de</strong> recherches sur <strong>la</strong> Pomme <strong>de</strong> terre. Quinze mois avant<br />

sa mort, il écrit à Jean Perrin : « Je songe dix heures par jour au problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pomme <strong>de</strong> terre qui<br />

s’est posé à moi il y a dix ans. » En effet, dès 1901, il pensait que <strong>la</strong> tuberculisation <strong>de</strong>s bourgeons<br />

chez cette p<strong>la</strong>nte dépendait <strong>de</strong> l’infection <strong>de</strong> ses racines par un champignon symbiotique…. dans ses<br />

stations originelles <strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s !<br />

Nous sommes, maintenant, en 1910 et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die poursuit son siège : « Je me suis mis ici au repos le<br />

plus complet …. si je ne puis guérir, je subirai mon sort, mais <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die étant lente, il reste un<br />

moment pour <strong>la</strong> voir venir. » Après Jean Magrou, c’est l’autre cousin, Joseph, qui reçoit ces<br />

nouvelles : « Vivre … comme un infirme, cette perspective peu sympathique à mon caractère, me fait<br />

en réalité désirer que <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die s’arrête et que mon supplice finisse vite ». En septembre 1910, à<br />

Mauroc, Noël Bernard accueille son cousin, pareillement nommé, qui part pour Saïgon afin d’y créer<br />

un Institut <strong>de</strong> Microbiologie. Lors <strong>de</strong> cette visite, le pastorien acquit <strong>la</strong> certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin prochaine. Le<br />

ma<strong>la</strong><strong>de</strong> « s’avouait vaincu et n’entendait plus lutter » nous confiait son cousin. Et le 11 <strong>décembre</strong>,<br />

Joseph Magrou pouvait lire ce courrier : « Tout, sans exception, a évolué en empirant, je suis sur le<br />

chemin <strong>de</strong> <strong>la</strong> déchéance et non sur celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> guérison…. ».<br />

L’Académie <strong>de</strong>s Sciences permettra à l’agonisant, ultime satisfaction, <strong>de</strong> constater que son Œuvre a<br />

été apprécié. Elle lui attribuera le Prix Saintour « pour une série <strong>de</strong> recherches <strong>du</strong> plus haut intérêt sur


<strong>la</strong> Biologie <strong>de</strong>s Orchidées. » Et le 25 <strong>décembre</strong> 1910, Noël Bernard impressionnera encore ses proches<br />

par son esprit, son éloquence, sa lucidité…. même s’il ne pouvait plus jouir <strong>de</strong> <strong>la</strong> vue sur <strong>la</strong> campagne<br />

<strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> Mauroc. Le jeudi 26 janvier 1911, il rendit son <strong>de</strong>rnier soupir dans <strong>la</strong> chambre <strong>de</strong><br />

l’évêque…. aux tentures violettes.<br />

Autour <strong>du</strong> cercueil <strong>de</strong> cet athée, qui ne pénétrera donc pas dans l’église <strong>de</strong> Saint-Benoît, en plein hiver,<br />

par un froid terrible, il n’y avait, pour les obsèques que six amis proches <strong>du</strong> défunt et, en matière <strong>de</strong><br />

famille, que sa vail<strong>la</strong>nte mère, son admirable épouse et le petit Francis.<br />

Dès son retour à Paris, Charles Pérez écrira : « Civiles, suivant sa ferme conviction d’athée, ces<br />

obsèques eurent <strong>la</strong> simplicité austère qu’il avait désirée. Mais, par une splen<strong>de</strong>ur qu’il n’avait pu<br />

refuser, <strong>la</strong> nuit avait paré <strong>de</strong> givres étince<strong>la</strong>nts les pyrami<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s genévriers, les buissons <strong>de</strong>s<br />

prunelliers et <strong>de</strong>s aubépines ; et <strong>de</strong>s fleurs cristallines tombaient <strong>de</strong>s rameaux <strong>de</strong>s chênes…. Et toute<br />

mo<strong>de</strong>ste, traîné par un seul cheval, ce petit corbil<strong>la</strong>rd <strong>de</strong> campagne ne manquait pas <strong>de</strong> majesté et <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>ur. »<br />

Et Ferdinand Le Dantec, autre normalien supérieur, d’ajouter : « Il est mort plein <strong>du</strong> regret <strong>de</strong> ne<br />

pouvoir continuer ses fructueuses recherches… Il a donné un exemple rare à notre génération d’âpres<br />

arrivistes (1911 ! pas encore <strong>2011</strong> !). Et si malheureusement … il n’a pu moissonner lui-même les<br />

gerbes qu’on pouvait attendre d’un si bon ouvrier, <strong>du</strong> moins aura-t-il pu cueillir un bouquet<br />

magnifique… son Œuvre donne l’impression <strong>de</strong> l’achèvement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> perfection. »<br />

Pour Joseph Magrou : « La mort prématurée <strong>de</strong> notre cousin fut une perte irréparable. Il <strong>la</strong>issait…<br />

une œuvre accomplie qui s’impose tant par l’élévation <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée que par <strong>la</strong> rigueur et l’élégance<br />

<strong>de</strong>s démonstrations expérimentales ».<br />

Majeurs furent les prolongements et les applications <strong>de</strong>s travaux con<strong>du</strong>its au cours d’une si brève vie :<br />

- Il a appliqué à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> symbiose chez les végétaux, les techniques <strong>de</strong> <strong>la</strong> bactériologie<br />

pasteurienne.<br />

- Il a facilité l’obtention <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes hybri<strong>de</strong>s à <strong>la</strong> faveur <strong>de</strong> savants croisements.<br />

- Il a, au p<strong>la</strong>n <strong>du</strong> vocabu<strong>la</strong>ire, établi une passerelle entre <strong>la</strong> bactériologie et <strong>la</strong> mycologie.<br />

- Il a ouvert les yeux <strong>de</strong>s horticulteurs, avant que suivent sylviculteurs et agronomes, sur<br />

l’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> symbiose chez d’autres végétaux que les Orchidées.<br />

Et nous <strong>la</strong>isserons le <strong>de</strong>rnier mot au sculpteur Jean Magrou, auteur d’un buste <strong>du</strong> grand disparu :<br />

L’Œuvre que Noël Bernard a consacrée aux Orchidées réunit tous les éléments qui font les plus belles<br />

découvertes scientifiques : l’intuition divinatrice….., l’élégance et <strong>la</strong> rigueur…., l’imagination…. ».<br />

Pourtant, selon le savant lui-même, le chef-d’œuvre n’était pas achevé !<br />

Monsieur le Prési<strong>de</strong>nt, Mesdames, Messieurs, nous aimerions, en hommage à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> figure que<br />

nous avons eu l’honneur d’évoquer <strong>de</strong>vant vous, que ce propos s’achève en partageant, tous ensemble,<br />

un instant <strong>de</strong> recueillement à <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> Noël Bernard et à celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> science Française qu’il a si bien<br />

servie !<br />

Il est <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> préciser les re<strong>la</strong>tions entre les travaux <strong>de</strong> Noël Bernard et ceux <strong>de</strong> Lewis Nudson.<br />

Daniel Boul<strong>la</strong>rd indique que Lewis Nudson a réalisé <strong>de</strong>s milieux <strong>de</strong> cultures concentrés vitaminés et<br />

obtenu <strong>de</strong>s germinations, <strong>de</strong>s développements et <strong>de</strong>s floraisons et reste connu pour ce<strong>la</strong>, mais Noël<br />

Bernard l’avait fait avant, hors floraison toutefois.<br />

La séance a été levée à 17h30. Environ 90 personnes y ont assisté.

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