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Séance de la Société Botanique de France du 9 décembre 2011

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Hé<strong>la</strong>s, le microbe était là. Joseph Magrou, cousin <strong>de</strong> Noël et pastorien, avait détecté le bacille <strong>de</strong> Koch<br />

dans les crachats. « Ce fut là <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> peine <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> mon mari » nous confia, rue <strong>du</strong><br />

Val <strong>de</strong> Grâce, <strong>la</strong> veuve <strong>de</strong> Joseph Magrou. Stoïque, le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> avoua à Charles Pérez qu’il se félicitait<br />

…. « <strong>du</strong> moins <strong>de</strong> succomber à un mal qui épargne jusqu’au <strong>de</strong>rnier moment l’intégrité <strong>de</strong><br />

l’intelligence. » Et Pérez d’ajouter : « La conscience limpi<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa perte ne l’empêchait pas d’écrire<br />

<strong>de</strong>s lettres d’une magnifique sérénité. » Il continua donc ses recherches tout en suivant sa ma<strong>la</strong>die.<br />

A l’automne <strong>de</strong> 1910, <strong>la</strong> famille Bernard al<strong>la</strong> s’installer au Domaine <strong>de</strong> Mauroc, ancienne rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong><br />

campagne <strong>de</strong> l’évêque <strong>de</strong> Poitiers, à quelques kilomètres <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville.<br />

« L’Evolution dans <strong>la</strong> Symbiose » avait été, en 1909, le chef-d’œuvre <strong>de</strong> Bernard, une véritable<br />

« Chanson <strong>de</strong> Geste » pour tous les spécialistes <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tions biologiques. Le témoignage le<br />

plus autorisé fut bien celui d’Hans Burgeff, sol<strong>de</strong> prussien <strong>de</strong> Würzburg que nous avons connu,<br />

rencontré, lui déjà vieux ! Il avait travaillé sur le même sujet que Noël Bernard, en même temps que<br />

lui, vers 1900 – 1911, et ne tarissait pas d’éloges à l’adresse <strong>du</strong> disparu. Noël Bernard écrivait<br />

notamment : « Les Orchidées sont sujettes aux atteintes <strong>de</strong> champignons <strong>de</strong>puis l’origine <strong>de</strong> cette<br />

famille. Il reste à savoir comment cet état <strong>de</strong> symbiose a pu s’établir et a évolué chez les ancêtres <strong>de</strong>s<br />

Orchidées actuelles. »<br />

Et en 1909 encore, quel moral pour un homme qui se sait condamné : « Je songe actuellement à<br />

entreprendre <strong>la</strong> série <strong>de</strong>s recherches concernant le Règne Végétal que mon système ouvre. Il y en<br />

aurait pour <strong>de</strong>ux siècles, j’en ai donc pour tout ce qui me reste <strong>de</strong> vie, » écrivait-il, brû<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> fièvre,<br />

en janvier ! Il eut le temps <strong>de</strong> prouver <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> l’asymbiose (ou développement en l’absence <strong>de</strong><br />

symbiote). La germination, « par l’action <strong>de</strong> solutions concentrées, est lente, mais très régulière. »<br />

L’augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> concentration <strong>du</strong> milieu <strong>de</strong> culture peut suppléer l’action <strong>du</strong> champignon ! Et<br />

Bernard proposera encore une approche originale, pastorienne bien sûr, en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> phagocytose<br />

<strong>de</strong> l’endophyte par l’orchidée. Il semble bien qu’il faille voir là un moyen, entre autres, <strong>de</strong> se défendre<br />

contre un colonisateur. Grâce à ce processus <strong>de</strong> limitation, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte peut poursuivre son<br />

développement au niveau <strong>de</strong>s pointes <strong>de</strong> ses racines, <strong>de</strong>s ébauches <strong>de</strong> bulbes, jamais investies.<br />

Chez diverses Orchidées indigènes, Bernard a mis en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> synthèse et <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong><br />

substances antifongiques à partir <strong>de</strong> leurs bulbes. Ce<strong>la</strong> impose donc, chaque année, une réinfestation<br />

par le sol <strong>de</strong>s racines nouvelles portées par le bulbe néoformé !<br />

Jour après jour, <strong>la</strong> tuberculose gagne <strong>du</strong> terrain. Comment pourrait-il en être autrement puisque :<br />

« Francis est gravement ma<strong>la</strong><strong>de</strong>. Les examens, notre instal<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> campagne, le service <strong>de</strong> Marie-<br />

Louise (ses cours <strong>de</strong> mathématiques), les nuits b<strong>la</strong>nches, je n’ai ni temps ni repos. » C’est déjà<br />

l’automne embrumé d’une bien courte vie.<br />

Mais Bernard rêve encore <strong>de</strong> beaux résultats <strong>de</strong> recherches sur <strong>la</strong> Pomme <strong>de</strong> terre. Quinze mois avant<br />

sa mort, il écrit à Jean Perrin : « Je songe dix heures par jour au problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pomme <strong>de</strong> terre qui<br />

s’est posé à moi il y a dix ans. » En effet, dès 1901, il pensait que <strong>la</strong> tuberculisation <strong>de</strong>s bourgeons<br />

chez cette p<strong>la</strong>nte dépendait <strong>de</strong> l’infection <strong>de</strong> ses racines par un champignon symbiotique…. dans ses<br />

stations originelles <strong>de</strong>s An<strong>de</strong>s !<br />

Nous sommes, maintenant, en 1910 et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die poursuit son siège : « Je me suis mis ici au repos le<br />

plus complet …. si je ne puis guérir, je subirai mon sort, mais <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die étant lente, il reste un<br />

moment pour <strong>la</strong> voir venir. » Après Jean Magrou, c’est l’autre cousin, Joseph, qui reçoit ces<br />

nouvelles : « Vivre … comme un infirme, cette perspective peu sympathique à mon caractère, me fait<br />

en réalité désirer que <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die s’arrête et que mon supplice finisse vite ». En septembre 1910, à<br />

Mauroc, Noël Bernard accueille son cousin, pareillement nommé, qui part pour Saïgon afin d’y créer<br />

un Institut <strong>de</strong> Microbiologie. Lors <strong>de</strong> cette visite, le pastorien acquit <strong>la</strong> certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin prochaine. Le<br />

ma<strong>la</strong><strong>de</strong> « s’avouait vaincu et n’entendait plus lutter » nous confiait son cousin. Et le 11 <strong>décembre</strong>,<br />

Joseph Magrou pouvait lire ce courrier : « Tout, sans exception, a évolué en empirant, je suis sur le<br />

chemin <strong>de</strong> <strong>la</strong> déchéance et non sur celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> guérison…. ».<br />

L’Académie <strong>de</strong>s Sciences permettra à l’agonisant, ultime satisfaction, <strong>de</strong> constater que son Œuvre a<br />

été apprécié. Elle lui attribuera le Prix Saintour « pour une série <strong>de</strong> recherches <strong>du</strong> plus haut intérêt sur

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