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LES CAPRICES D'UN FLEUVE - Bibliothèque du film

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16<br />

Une esthétique à la fois<br />

hollywoodienne<br />

et picturale.<br />

■ CLÉS POUR DES MOMENTS CLÉS<br />

De la scène aux coulisses<br />

En mettant en scène une bataille à<br />

grand spectacle et une bataille de<br />

visages lors d’un dîner, Bernard<br />

Giraudeau trouve deux manières<br />

d’aborder la question de l’esclavagisme et de sa<br />

représentation.<br />

> La libération d’Amélie dans le désert<br />

Le <strong>film</strong> d’aventures s’articule essentiellement autour de scènes d’action<br />

spectaculaires. Dans le cinéma américain, celles-ci étaient tournées par les<br />

secondes équipes, ce qui laissait aux réalisateurs de l’ombre le soin d’exprimer<br />

leur talent pour mettre en scène chevauchées, batailles, cascades, charges de<br />

brigade légère, joutes chevaleresques.<br />

Dans Les Caprices d’un fleuve, la recherche d’Amélie dans le désert, afin de la<br />

délivrer des Maures, est un moment clé d’une scène de genre <strong>du</strong> <strong>film</strong> d’aventure.<br />

Dirigé par Bernard Giraudeau, avec pour conseiller équestre Mario<br />

Luraschi, ce moment de bravoure cinématographique est bâti selon une rythmique<br />

très précise. Le rôle de la musique – le Magnificat de Vivaldi – est essentiel<br />

comme « élévation » de cette scène à vocation mystique.<br />

La construction montre l’assemblage musique/action pour la mise en place<br />

d’une poursuite. Un plan d’ensemble des <strong>du</strong>nes fait apparaître au loin la troupe<br />

des « libérateurs ». Le leitmotiv musical intro<strong>du</strong>it des chants lyriques, en<br />

sourdine, créant un effet émotionnel qui annonce un éclairage dramatique. La<br />

troupe apparaît alors en ligne derrière la <strong>du</strong>ne. Après un fon<strong>du</strong> enchaîné, on<br />

revient sur les « attaquants », Jean-François de La Plaine et Pierre Combaud,<br />

qui gravissent une <strong>du</strong>ne, s’arrêtent et regardent. La colonne d’esclaves apparaît,<br />

<strong>film</strong>ée <strong>du</strong> point de vue subjectif de Jean-François. Puis celui-ci, en plan<br />

poitrine, déterminé, son épée en main, charge au galop dans un mouvement de<br />

ralenti. Plan moyen serré sur les esclaves qui ne voient rien, ni n’entendent<br />

rien. Cette combinaison entre ralenti et plan « sourd » accentue le suspense et<br />

décuple l’émotion. Se succèdent alors des mouvements de ralenti montrant les<br />

trois attaquants : Jean-François qui charge, un « croisé » et le maître des<br />

langues. La bande-son anticipe sur le déclenchement de l’attaque. Le thème<br />

musical s’amplifie, éclate avec le chant lyrique <strong>du</strong> Magnificat mêlé au bruit des<br />

chevaux, aux cris et à la sucession rapides des plans.<br />

On trouve dans l’esthétique de cette scène d’action une allusion aux fantasias<br />

orientalistes représentées par le peintre Delacroix au dix-neuvième siècle. Avec<br />

une musique qui joue des effets d’intermittence, d’interruption, de silence et<br />

d’amplification émotionnelle, cette scène de bravoure témoigne d’une vision<br />

mystique de la libération d’Amélie.<br />

> La déclaration de l’amour filial<br />

Le repas offert par Jean-François de La Plaine, dans la galerie <strong>du</strong> palais,<br />

aux hommes de la société esclavagiste, est une scène qui rassemble l’expression<br />

de tous les justificatifs phi-<br />

losophiques de la position<br />

négrière : une scène importante<br />

qui témoigne de la<br />

justesse de la reconstitution<br />

historique. Sur le plan<br />

cinématographique, cette<br />

Une scène qui témoigne de<br />

la justesse de la reconstitution<br />

historique.<br />

scène est fondée sur la dynamique des regards, qui soulignent les différences de<br />

races et de classes par une opposition entre les gros plans sur les visages des<br />

maîtres et les regards des domestiques qui servent le repas. Le principe de<br />

montage, créant un chevauchement <strong>du</strong> dialogue sur le visage de celui qui<br />

l’écoute, permet de mesurer la violence de ce qui est dit dans un climat feutré.<br />

Ainsi, quand l’ordonnateur s’exclame : « Comment peut-on parler d’amitié<br />

quand il s’agit d’un nègre ? », le spectateur a les yeux rivés sur Siméon posant<br />

un plateau à côté d’un chandelier.<br />

Ce principe de construction permet l’intro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> point de vue silencieux<br />

de l’esclave, notamment d’Amélie qui « de la coulisse » regarde et écoute les<br />

propos violents des esclavagistes et fixe également Jean-François qui ordonne<br />

en maître de cérémonie les différentes étapes <strong>du</strong> repas. Le contrepoint de la<br />

relation empathique qui lie le gouverneur et Amélie installe le crescendo dramaturgique<br />

jusqu’à la déclaration de l’amour filial pour Amélie.

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