LES CAPRICES D'UN FLEUVE - Bibliothèque du film
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Une esthétique à la fois<br />
hollywoodienne<br />
et picturale.<br />
■ CLÉS POUR DES MOMENTS CLÉS<br />
De la scène aux coulisses<br />
En mettant en scène une bataille à<br />
grand spectacle et une bataille de<br />
visages lors d’un dîner, Bernard<br />
Giraudeau trouve deux manières<br />
d’aborder la question de l’esclavagisme et de sa<br />
représentation.<br />
> La libération d’Amélie dans le désert<br />
Le <strong>film</strong> d’aventures s’articule essentiellement autour de scènes d’action<br />
spectaculaires. Dans le cinéma américain, celles-ci étaient tournées par les<br />
secondes équipes, ce qui laissait aux réalisateurs de l’ombre le soin d’exprimer<br />
leur talent pour mettre en scène chevauchées, batailles, cascades, charges de<br />
brigade légère, joutes chevaleresques.<br />
Dans Les Caprices d’un fleuve, la recherche d’Amélie dans le désert, afin de la<br />
délivrer des Maures, est un moment clé d’une scène de genre <strong>du</strong> <strong>film</strong> d’aventure.<br />
Dirigé par Bernard Giraudeau, avec pour conseiller équestre Mario<br />
Luraschi, ce moment de bravoure cinématographique est bâti selon une rythmique<br />
très précise. Le rôle de la musique – le Magnificat de Vivaldi – est essentiel<br />
comme « élévation » de cette scène à vocation mystique.<br />
La construction montre l’assemblage musique/action pour la mise en place<br />
d’une poursuite. Un plan d’ensemble des <strong>du</strong>nes fait apparaître au loin la troupe<br />
des « libérateurs ». Le leitmotiv musical intro<strong>du</strong>it des chants lyriques, en<br />
sourdine, créant un effet émotionnel qui annonce un éclairage dramatique. La<br />
troupe apparaît alors en ligne derrière la <strong>du</strong>ne. Après un fon<strong>du</strong> enchaîné, on<br />
revient sur les « attaquants », Jean-François de La Plaine et Pierre Combaud,<br />
qui gravissent une <strong>du</strong>ne, s’arrêtent et regardent. La colonne d’esclaves apparaît,<br />
<strong>film</strong>ée <strong>du</strong> point de vue subjectif de Jean-François. Puis celui-ci, en plan<br />
poitrine, déterminé, son épée en main, charge au galop dans un mouvement de<br />
ralenti. Plan moyen serré sur les esclaves qui ne voient rien, ni n’entendent<br />
rien. Cette combinaison entre ralenti et plan « sourd » accentue le suspense et<br />
décuple l’émotion. Se succèdent alors des mouvements de ralenti montrant les<br />
trois attaquants : Jean-François qui charge, un « croisé » et le maître des<br />
langues. La bande-son anticipe sur le déclenchement de l’attaque. Le thème<br />
musical s’amplifie, éclate avec le chant lyrique <strong>du</strong> Magnificat mêlé au bruit des<br />
chevaux, aux cris et à la sucession rapides des plans.<br />
On trouve dans l’esthétique de cette scène d’action une allusion aux fantasias<br />
orientalistes représentées par le peintre Delacroix au dix-neuvième siècle. Avec<br />
une musique qui joue des effets d’intermittence, d’interruption, de silence et<br />
d’amplification émotionnelle, cette scène de bravoure témoigne d’une vision<br />
mystique de la libération d’Amélie.<br />
> La déclaration de l’amour filial<br />
Le repas offert par Jean-François de La Plaine, dans la galerie <strong>du</strong> palais,<br />
aux hommes de la société esclavagiste, est une scène qui rassemble l’expression<br />
de tous les justificatifs phi-<br />
losophiques de la position<br />
négrière : une scène importante<br />
qui témoigne de la<br />
justesse de la reconstitution<br />
historique. Sur le plan<br />
cinématographique, cette<br />
Une scène qui témoigne de<br />
la justesse de la reconstitution<br />
historique.<br />
scène est fondée sur la dynamique des regards, qui soulignent les différences de<br />
races et de classes par une opposition entre les gros plans sur les visages des<br />
maîtres et les regards des domestiques qui servent le repas. Le principe de<br />
montage, créant un chevauchement <strong>du</strong> dialogue sur le visage de celui qui<br />
l’écoute, permet de mesurer la violence de ce qui est dit dans un climat feutré.<br />
Ainsi, quand l’ordonnateur s’exclame : « Comment peut-on parler d’amitié<br />
quand il s’agit d’un nègre ? », le spectateur a les yeux rivés sur Siméon posant<br />
un plateau à côté d’un chandelier.<br />
Ce principe de construction permet l’intro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> point de vue silencieux<br />
de l’esclave, notamment d’Amélie qui « de la coulisse » regarde et écoute les<br />
propos violents des esclavagistes et fixe également Jean-François qui ordonne<br />
en maître de cérémonie les différentes étapes <strong>du</strong> repas. Le contrepoint de la<br />
relation empathique qui lie le gouverneur et Amélie installe le crescendo dramaturgique<br />
jusqu’à la déclaration de l’amour filial pour Amélie.