LES CAPRICES D'UN FLEUVE - Bibliothèque du film
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■ L’AFFICHE<br />
Entre le passé et le présent,<br />
le <strong>film</strong> de Giraudeau a trouvé<br />
une place, et il l’affiche.<br />
L’image est un rêve. Jean-François de La Plaine et<br />
Amélie se promènent sur la plage de la mission. Le<br />
gouverneur est en grande discussion avec son esclave.<br />
Ils marchent côte à côte. Elle le regarde, mais<br />
sans entrer dans un dialogue et nous fait face. C’est<br />
elle qui retient notre attention. Son regard à lui est<br />
intérieur. Au loin, la mer dessine un horizon libre et<br />
sans contrainte. L’homme mûr blanc et la jeune fille<br />
noire forment un couple. Seuls les vêtements distinguent<br />
leurs appartenances contradictoires. Habits<br />
d’aristocrate pour lui, châle modeste pour elle.<br />
L’image est double. Elle suggère une lecture<br />
contemporaine <strong>du</strong> couple « métis », mais elle est<br />
aussi chargée <strong>du</strong> poids de l’histoire des relations<br />
ancillaires <strong>du</strong> maître et de son esclave, de la domination<br />
culturelle de l’homme pédagogue, pygmalion qui modèle la jeune fille.<br />
L’homme blanc possède le savoir, la femme noire assimile... La scène est fondatrice.<br />
Dans le <strong>film</strong>, elle est racontée par le fils de ce couple en formation. A<br />
travers l’é<strong>du</strong>cation d’Amélie, Jean-François de La Plaine prend conscience de<br />
l’esclavage et donne sa réponse : l’ouverture d’une relation filiale avec son<br />
esclave, transgression ultime de son parcours qui l’amènera à l’illégitime<br />
(l’amour incestueux et la naissance d’un fils) et au renoncement à son passé de<br />
gentilhomme.<br />
C’est donc une image de transgression qui est proposée au spectateur, une<br />
image qui joue à la fois de la distance et de la proximité avec l’imagerie esclavagiste,<br />
et la revisite. Son rôle est de faire lien avec notre époque.<br />
■ LA CRITIQUE<br />
Entre-deux Les méandres <strong>du</strong> fleuve<br />
Enthousiasme ou ennui, le <strong>film</strong> de Giraudeau navigue<br />
au cœur d’une presse changeante, parfois touché,<br />
jamais coulé.<br />
> <strong>LES</strong> INROCKUPTIB<strong>LES</strong><br />
Giraudeau semble effectivement emprunter les routes balisées <strong>du</strong> beau spectacle en costume mâtiné d’un<br />
humanisme un rien binaire. Mais le <strong>film</strong> s’avère être une fable plutôt sombre et mélancolique, et le<br />
cinéaste parvient la plupart <strong>du</strong> temps à échapper aux pièges « qualité France » qui lui tendaient allègrement<br />
les bras. Grâce en premier lieu à un faux rythme et à une prédilection pour le contemplatif, il<br />
bâtit une fiction à dominante sensuelle et poisseuse où prédominent l’attente et le désarroi intérieur.<br />
Inégal et parfois longuet, certes, mais également curieux et erratique...<br />
Olivier de Bruyn<br />
> POLITIS<br />
Le <strong>film</strong> historique réussit rarement au cinéma français. Trop convenu, trop souvent engoncé dans ses costumes,<br />
trop sage ou trop faux. Les Caprices d’un fleuve échappe à la malédiction peut-être parce qu’il<br />
est libre. Il emprunte au western et à l’estampe coloniale. Il mêle des langages et des époques, ce que j’appelais<br />
en commençant le syndrome de la ligne brisée. On lui reprochera peut-être d’être une grosse pro<strong>du</strong>ction internationale <strong>du</strong> cinéma<br />
à l’ancienne. On aura tort. C’est un <strong>film</strong> d’auteur, parfois déroutant (la ligne brisée encore) toujours d’une grande générosité.<br />
Jean-Pierre Jeancolas, 3 avril 1996<br />
> <strong>LES</strong> ÉCHOS<br />
La gageure était de taille. Celle de parler de l’Afrique d’avant la Révolution, celle de l’esclavage, des négriers, des conflits intertribus,<br />
des missionnaires et des gouverneurs méprisants, sans tomber dans le folklore racoleur ou le lourd <strong>film</strong> à message. Giraudeau a évité<br />
tous les pièges. Les esclaves, on les aperçoit une nuit, enchaînés, les « barbares », potentats <strong>du</strong> désert ou guerriers farouches, reçoivent<br />
sous la tente ou livrent une (belle) bataille. Mais au premier plan, il y a d’abord le soleil, la poussière dorée, le lent cheminement <strong>du</strong><br />
fleuve, et la beauté des femmes.L’envoûtement d’une autre culture. Et l’amour… […] Un beau <strong>film</strong>, que ne gâte pas une volonté affichée,<br />
et judicieuse, de vrai romanesque. Et, à travers l’histoire d’amour, un bel « éloge de la différence ». Les beaux esprits vont peutêtre<br />
faire la fine bouche. Bien sûr, le <strong>film</strong> est un peu nonchalant, comme le courant <strong>du</strong> fleuve aux caprices imprévisibles. Bien sûr, l’histoire<br />
d’amour est au premier degré, un peu trop belle. Mais pourquoi pas ? Elle n’était pas si prévisible en cette époque où les « nègres »<br />
passaient pour des singes.<br />
Annie Coppermann, 3 avril 1996