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LES CAPRICES D'UN FLEUVE - Bibliothèque du film

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20<br />

■ L’AFFICHE<br />

Entre le passé et le présent,<br />

le <strong>film</strong> de Giraudeau a trouvé<br />

une place, et il l’affiche.<br />

L’image est un rêve. Jean-François de La Plaine et<br />

Amélie se promènent sur la plage de la mission. Le<br />

gouverneur est en grande discussion avec son esclave.<br />

Ils marchent côte à côte. Elle le regarde, mais<br />

sans entrer dans un dialogue et nous fait face. C’est<br />

elle qui retient notre attention. Son regard à lui est<br />

intérieur. Au loin, la mer dessine un horizon libre et<br />

sans contrainte. L’homme mûr blanc et la jeune fille<br />

noire forment un couple. Seuls les vêtements distinguent<br />

leurs appartenances contradictoires. Habits<br />

d’aristocrate pour lui, châle modeste pour elle.<br />

L’image est double. Elle suggère une lecture<br />

contemporaine <strong>du</strong> couple « métis », mais elle est<br />

aussi chargée <strong>du</strong> poids de l’histoire des relations<br />

ancillaires <strong>du</strong> maître et de son esclave, de la domination<br />

culturelle de l’homme pédagogue, pygmalion qui modèle la jeune fille.<br />

L’homme blanc possède le savoir, la femme noire assimile... La scène est fondatrice.<br />

Dans le <strong>film</strong>, elle est racontée par le fils de ce couple en formation. A<br />

travers l’é<strong>du</strong>cation d’Amélie, Jean-François de La Plaine prend conscience de<br />

l’esclavage et donne sa réponse : l’ouverture d’une relation filiale avec son<br />

esclave, transgression ultime de son parcours qui l’amènera à l’illégitime<br />

(l’amour incestueux et la naissance d’un fils) et au renoncement à son passé de<br />

gentilhomme.<br />

C’est donc une image de transgression qui est proposée au spectateur, une<br />

image qui joue à la fois de la distance et de la proximité avec l’imagerie esclavagiste,<br />

et la revisite. Son rôle est de faire lien avec notre époque.<br />

■ LA CRITIQUE<br />

Entre-deux Les méandres <strong>du</strong> fleuve<br />

Enthousiasme ou ennui, le <strong>film</strong> de Giraudeau navigue<br />

au cœur d’une presse changeante, parfois touché,<br />

jamais coulé.<br />

> <strong>LES</strong> INROCKUPTIB<strong>LES</strong><br />

Giraudeau semble effectivement emprunter les routes balisées <strong>du</strong> beau spectacle en costume mâtiné d’un<br />

humanisme un rien binaire. Mais le <strong>film</strong> s’avère être une fable plutôt sombre et mélancolique, et le<br />

cinéaste parvient la plupart <strong>du</strong> temps à échapper aux pièges « qualité France » qui lui tendaient allègrement<br />

les bras. Grâce en premier lieu à un faux rythme et à une prédilection pour le contemplatif, il<br />

bâtit une fiction à dominante sensuelle et poisseuse où prédominent l’attente et le désarroi intérieur.<br />

Inégal et parfois longuet, certes, mais également curieux et erratique...<br />

Olivier de Bruyn<br />

> POLITIS<br />

Le <strong>film</strong> historique réussit rarement au cinéma français. Trop convenu, trop souvent engoncé dans ses costumes,<br />

trop sage ou trop faux. Les Caprices d’un fleuve échappe à la malédiction peut-être parce qu’il<br />

est libre. Il emprunte au western et à l’estampe coloniale. Il mêle des langages et des époques, ce que j’appelais<br />

en commençant le syndrome de la ligne brisée. On lui reprochera peut-être d’être une grosse pro<strong>du</strong>ction internationale <strong>du</strong> cinéma<br />

à l’ancienne. On aura tort. C’est un <strong>film</strong> d’auteur, parfois déroutant (la ligne brisée encore) toujours d’une grande générosité.<br />

Jean-Pierre Jeancolas, 3 avril 1996<br />

> <strong>LES</strong> ÉCHOS<br />

La gageure était de taille. Celle de parler de l’Afrique d’avant la Révolution, celle de l’esclavage, des négriers, des conflits intertribus,<br />

des missionnaires et des gouverneurs méprisants, sans tomber dans le folklore racoleur ou le lourd <strong>film</strong> à message. Giraudeau a évité<br />

tous les pièges. Les esclaves, on les aperçoit une nuit, enchaînés, les « barbares », potentats <strong>du</strong> désert ou guerriers farouches, reçoivent<br />

sous la tente ou livrent une (belle) bataille. Mais au premier plan, il y a d’abord le soleil, la poussière dorée, le lent cheminement <strong>du</strong><br />

fleuve, et la beauté des femmes.L’envoûtement d’une autre culture. Et l’amour… […] Un beau <strong>film</strong>, que ne gâte pas une volonté affichée,<br />

et judicieuse, de vrai romanesque. Et, à travers l’histoire d’amour, un bel « éloge de la différence ». Les beaux esprits vont peutêtre<br />

faire la fine bouche. Bien sûr, le <strong>film</strong> est un peu nonchalant, comme le courant <strong>du</strong> fleuve aux caprices imprévisibles. Bien sûr, l’histoire<br />

d’amour est au premier degré, un peu trop belle. Mais pourquoi pas ? Elle n’était pas si prévisible en cette époque où les « nègres »<br />

passaient pour des singes.<br />

Annie Coppermann, 3 avril 1996

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