05.07.2013 Views

La littérature ibéro-américaine entre le « boom ... - L'Orient-Le Jour

La littérature ibéro-américaine entre le « boom ... - L'Orient-Le Jour

La littérature ibéro-américaine entre le « boom ... - L'Orient-Le Jour

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

VI Essais<br />

Attila,<br />

mythe<br />

et<br />

réalité<br />

attIla, la vIO<strong>le</strong>nce nOmade de Michel Rouche,<br />

Fayard, 2009, 510 p.<br />

Nous ne <strong>le</strong> connaissons<br />

que par des écrivains<br />

romains, observateurs<br />

impuissants de l’effondrement<br />

de l’empire<br />

d’Occident ; présenté sous la forme<br />

d’un être bestial et cornu à l’instar<br />

d’un bouc, <strong>«</strong> Attila est <strong>le</strong> type même<br />

du repoussoir manichéen ». Mais cette<br />

vision des vaincus n’est-el<strong>le</strong> pas une ultime<br />

vengeance destinée à occulter <strong>le</strong><br />

visage de l’un des plus grands conquérants<br />

du monde ? Michel Rouche mène<br />

l’enquête et nous conduit, au-delà du<br />

mythe, à la réalité.<br />

Roi des Huns vers 434, Attila ne régna<br />

seul qu’à partir de 445 après s’être débarrassé<br />

par un meurtre de son frère<br />

Bléda avec qui il partageait <strong>le</strong> pouvoir.<br />

Il rassembla sous son autorité toutes<br />

<strong>le</strong>s tribus des Huns en 446 avec l’aide<br />

du roi des Ostrogoths. Il allait pouvoir<br />

assouvir ses ambitions de conquêtes…<br />

Après avoir envahi à deux reprises<br />

(441/443, 447/449) l’empire d’Orient<br />

auquel il imposa, à chaque paix, des<br />

tributs considérab<strong>le</strong>s, il se lança à la<br />

conquête de l’empire d’Occident. Ses<br />

dernières expéditions qui lui valurent<br />

<strong>le</strong> surnom de <strong>«</strong> fléau de Dieu » sont <strong>le</strong>s<br />

plus connues, mais aussi <strong>le</strong>s plus diffici<strong>le</strong>s<br />

à expliquer. Ses conquêtes s’opèrent<br />

alors en effet dans un <strong>«</strong> climat de faci<strong>le</strong><br />

réussite ». Rouche nous éclaire sur ce<br />

point. De fait, la situation de l’empire<br />

avant l’arrivée des Huns est cel<strong>le</strong> d’un<br />

<strong>«</strong> organisme en p<strong>le</strong>ine mutation » par<br />

suite des réformes non terminées des<br />

empereurs illyriens qui ont sacralisé <strong>le</strong><br />

pouvoir.<br />

Historien consacré de cette période,<br />

Rouche analyse <strong>le</strong>s causes de la supériorité<br />

des Huns dans <strong>le</strong> domaine de<br />

l’armement. Supériorité d’autant plus<br />

avantageuse que Rome rencontre des<br />

difficultés pour mobiliser, au sens stric-<br />

archIves secrètes du cInéma françaIs de<br />

1945 à 1975 de <strong>La</strong>urent Garreau, PUF, 2009, 352 p.<br />

En 1945, suite à la Seconde Guerre<br />

mondia<strong>le</strong>, <strong>le</strong> gouvernement<br />

français décide d’instaurer une<br />

commission de contrô<strong>le</strong> des films régie<br />

par <strong>le</strong> ministère de l’Information afin<br />

de garder l’œil sur un art relativement<br />

nouveau et potentiel<strong>le</strong>ment dangereux.<br />

À l’heure où <strong>le</strong>s autres arts sont affranchis<br />

de toute tutel<strong>le</strong>, la France ressent<br />

combien <strong>le</strong> cinéma peut atteindre <strong>le</strong>s<br />

fou<strong>le</strong>s. <strong>Le</strong>s interventions de la commission<br />

de contrô<strong>le</strong> serviront donc à protéger<br />

<strong>le</strong>s mœurs françaises et à renvoyer<br />

une bonne image du pays à l’étranger.<br />

<strong>Le</strong> livre de <strong>La</strong>urent Garreau, riche en<br />

décrets juridiques, lois et exemp<strong>le</strong>s de<br />

films censurés, tente d’expliquer comment<br />

s’est instauré juridiquement<br />

<strong>le</strong> dispositif de la censure,<br />

quels en étaient <strong>le</strong>s thèmes<br />

et sujets délicats et de quel<strong>le</strong>s<br />

manières la censure intervenait.<br />

Il retrace <strong>le</strong>s tournants<br />

majeurs de son évolution, un<br />

parcours qui ne s’arrête pas<br />

en 1975, comme <strong>le</strong> laisse supposer<br />

<strong>le</strong> titre, mais continue<br />

jusqu’à nos jours, <strong>le</strong>s derniers<br />

changements datant de 2007.<br />

S’interroger sur la censure qui régit <strong>le</strong><br />

cinéma français revient à interroger <strong>le</strong><br />

cinéma lui-même en tant que porteur<br />

d’idéologie. On a souvent dit que <strong>le</strong><br />

cinéma est <strong>le</strong> fruit de son époque. On<br />

réalise grâce à ce livre que <strong>le</strong>s interdits,<br />

<strong>le</strong>s coupures, <strong>le</strong>s non-dits sont encore<br />

plus révélateurs que ce qu’on dévoi<strong>le</strong>.<br />

Ils montrent surtout que la France fut<br />

généra<strong>le</strong>ment tolérante lorsqu’il s’agissait<br />

de vio<strong>le</strong>nce ou de liberté de mœurs.<br />

Des films aux titres aguichants comme<br />

Mam’zel<strong>le</strong> Nitouche, <strong>Le</strong>s hommes<br />

ne pensent qu’à ça, Papa, maman, la<br />

bonne et moi et Paris coquin… n’in-<br />

D.R.<br />

Génie méconnu, brigand bien-aimé, fléau de Dieu, stratège impitoyab<strong>le</strong>,<br />

barbare purificateur, monstre diabolique, tombeur de rome, destructeur<br />

ou père fondateur, terrib<strong>le</strong> ou généreux, qui fut donc Attila ?<br />

tement militaire du terme, toutes ses<br />

forces simultanément sur trois fronts<br />

différents, ceux du Rhin, du Danube<br />

et de l’Euphrate. Rouche souligne <strong>le</strong><br />

manque d’unité de l’empire d’Occident<br />

et insiste sur l’opposition de deux<br />

formes d’organisation : cel<strong>le</strong> d’hommes<br />

groupés en tribus guerrières et cel<strong>le</strong> de<br />

citoyens déléguant <strong>le</strong>ur défense à des<br />

armées permanentes et à un État tenu<br />

par des fonctionnaires. Il en ressort une<br />

<strong>«</strong> société à la vio<strong>le</strong>nce disciplinée, instab<strong>le</strong><br />

dès qu’el<strong>le</strong> perd son maître ». En<br />

revanche, la vio<strong>le</strong>nce barbare d’Attila<br />

fit sa force comme el<strong>le</strong> fit ensuite cel<strong>le</strong><br />

de ses successeurs, Avars et Magyars.<br />

Deux ans après la défaite des champs<br />

catalauniques, Attila mourut en 453,<br />

à la suite d’une nuit d’ivresse, d’une<br />

bana<strong>le</strong> épistaxis (saignement de nez).<br />

Bruta<strong>le</strong>, sa mort demeura mystérieuse :<br />

<strong>«</strong> Jusqu’au bout, Attila fut un homme<br />

craint et controversé… entouré de farouches<br />

fidélités et de haines hagardes.<br />

» En huit ans de règne personnel,<br />

<strong>«</strong> il est parvenu à faire venir à ses pieds<br />

simultanément <strong>le</strong>s ambassadeurs des<br />

deux empires romains d’Occident et<br />

d’Orient ».<br />

Si son empire ne lui a pas survécu en<br />

raison de la peste et des conflits <strong>entre</strong><br />

ses fils, sa légende, el<strong>le</strong>… <strong>«</strong> Triomphateur<br />

dans la mort, <strong>le</strong> sang et l’or », Attila<br />

continue à jouer un rô<strong>le</strong> historique<br />

grâce au mythe qu’il a inspiré. Il existe<br />

bien des re<strong>le</strong>ctures de ce mythe parmi<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s cel<strong>le</strong> des Lumières, mais aussi<br />

cel<strong>le</strong> de Wagner qui rassemb<strong>le</strong> toutes<br />

<strong>le</strong>s légendes en un néopaganisme séduisant<br />

de beauté et de grandeur sauvage<br />

; au point de susciter un discip<strong>le</strong>,<br />

Adolf Hit<strong>le</strong>r, qui a littéra<strong>le</strong>ment vécu et<br />

interprété Attila mythique. <strong>«</strong> Trempezvous<br />

toujours dans <strong>le</strong> sang des impurs !<br />

Vous vous purifiez et vous garantissez<br />

<strong>le</strong> rétablissement de l’équilibre racial<br />

indispensab<strong>le</strong> à celui du monde… »<br />

s’écriait Himm<strong>le</strong>r en bon discip<strong>le</strong> du<br />

Führer. Ainsi s’explique, par ce biais de<br />

l’histoire des mentalités, la plus grande<br />

quiétèrent pas vraiment la censure et<br />

décrochèrent faci<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s visas d’exploitation<br />

et d’exportation. En revanche,<br />

la France fut beaucoup plus chatouil<strong>le</strong>use<br />

vis-à-vis de ses fail<strong>le</strong>s socia<strong>le</strong>s<br />

et de ce qui pouvait nuire à sa politique<br />

étrangère. Aussi, évoquer <strong>le</strong>s fêlures internes<br />

du système comme la corruption<br />

de la police, des juges, <strong>le</strong>s trafics de drogue,<br />

la prostitution… est vu d’un très<br />

mauvais œil. Toutefois, la censure rend<br />

bizarrement hommage au cinéma. Sa<br />

présence rappel<strong>le</strong> la puissance de cet art<br />

et sa comp<strong>le</strong>xité, un art qui déborde son<br />

cadre portant un message politique et<br />

dénonçant <strong>le</strong>s fléaux de la société. En<br />

même temps, il ne cesse jamais d’être<br />

<strong>le</strong> produit d’une industrie qui cherche<br />

à maximiser son profit en offrant du<br />

<strong>«</strong> rêve » et de la <strong>«</strong> réalité » aux spectateurs.<br />

L’exemp<strong>le</strong> de <strong>La</strong> Religieuse de<br />

Jacques Rivette montre comment<br />

un film peut se transformer<br />

en phénomène de<br />

société. Produit en 1962, il<br />

sou<strong>le</strong>va un tel tollé de la part<br />

des institutions catholiques<br />

que Char<strong>le</strong>s de Gaul<strong>le</strong> en<br />

personne dut l’interdire pour<br />

calmer l’animosité publique.<br />

Ce n’est qu’en 1967 que <strong>le</strong><br />

film obtint son visa d’exploitation<br />

grâce aux efforts infatigab<strong>le</strong>s de<br />

son producteur, aux pétitions et surtout<br />

à Georges Gorse, président de la commission<br />

qui se chargea patiemment de<br />

faire changer d’avis <strong>le</strong> général.<br />

L’ouvrage va au-delà de l’analyse objective<br />

des faits et contourne <strong>le</strong> sensationnalisme<br />

attaché habituel<strong>le</strong>ment au mot<br />

<strong>«</strong> censure ». Alors qu’on semblait promis<br />

à une série de révélations dénonçant <strong>le</strong>s<br />

actes de barbarie commis au nom d’une<br />

mora<strong>le</strong> absurde sur <strong>le</strong> monde hautement<br />

spirituel de l’art, d’agréab<strong>le</strong>s surprises<br />

nous sont réservées. <strong>La</strong> première étant<br />

que <strong>le</strong> livre tord <strong>le</strong> cou aux préjugés et<br />

nous présente une censure démystifiée,<br />

catastrophe de l’histoire européenne.<br />

S’appuyant sur <strong>le</strong>s résultats des dernières<br />

fouil<strong>le</strong>s archéologiques devenues de<br />

plus en plus scientifiques, et ce depuis<br />

<strong>le</strong>s frontières de la Chine jusqu’à la péninsu<strong>le</strong><br />

européenne, Rouche distingue<br />

<strong>le</strong>s forces et <strong>le</strong>s faib<strong>le</strong>sses du <strong>«</strong> civilisé »<br />

par rapport au <strong>«</strong> barbare » ; et nous<br />

révè<strong>le</strong> l’étrange caractère des Huns en<br />

particulier et des nomades en général.<br />

Ce faisant, il s’intéresse au mystère des<br />

Amazones, tribu parmi d’autres, et <strong>entre</strong>prend<br />

de faire la part des choses <strong>entre</strong><br />

la légende fantasmée et <strong>le</strong>s faits historiques<br />

établis. Il se demande d’ail<strong>le</strong>urs si,<br />

au sein même de la tribu des Huns, derrière<br />

la façade officiel<strong>le</strong>ment proclamée<br />

de la vio<strong>le</strong>nce masculine, il n’y aurait<br />

pas eu en réalité un exercice si<strong>le</strong>ncieux<br />

du pouvoir féminin, <strong>entre</strong> autres en<br />

vertu de la notion de <strong>«</strong> v<strong>entre</strong> de souveraineté<br />

». Rouche s’intéresse à l’évolution<br />

du christianisme qui, introduit<br />

par Constantin en 313 puis proclamé<br />

religion d’État en 392, devient à partir<br />

de l’an mil un facteur de sédentarisation<br />

des nomades. À grand renfort de détails<br />

et de cartes géographiques indispensab<strong>le</strong>s<br />

à la compréhension des stratégies<br />

militaires et des enjeux politiques d’une<br />

époque si lointaine, Rouche plante soigneusement<br />

<strong>le</strong> décor d’un contexte a<br />

priori assez obscur et réussit <strong>le</strong> tour de<br />

force de nous <strong>le</strong> rendre familier.<br />

Coutumiers des sacrifices humains et<br />

buveurs de sang, <strong>le</strong>s Huns ont inspiré<br />

une indicib<strong>le</strong> terreur. Il n’en existe pas<br />

moins une véritab<strong>le</strong> démesure <strong>entre</strong><br />

cette terreur et la réalité des destructions<br />

et des massacres commis. <strong>Le</strong>s<br />

images des nomades ont créé un choc,<br />

quel<strong>le</strong>s que soient <strong>le</strong>urs têtes : cel<strong>le</strong> du<br />

Hun à la Frankenstein, cel<strong>le</strong> de l’Avar<br />

porteur de nattes ou cel<strong>le</strong> du Magyar<br />

au crâne rasé. <strong>«</strong> <strong>Le</strong>s mythes ont beau<br />

sommeil<strong>le</strong>r au niveau des récits folkloriques,<br />

ils n’en ont pas moins la vie<br />

dure. ».<br />

Dame Anastasie nue et habillée<br />

lAmiA el-SAAd<br />

ni bonne ni mauvaise, mais qui s’interroge<br />

perpétuel<strong>le</strong>ment sur el<strong>le</strong>-même, sur<br />

sa raison d’être et sa façon de procéder.<br />

Certes, ses justificatifs sont souvent<br />

condamnab<strong>le</strong>s lorsqu’il s’agit d’une censure<br />

politique où <strong>le</strong>s autorités françaises<br />

tentent d’esquiver des sujets graves et<br />

de cacher certaines vérités concernant<br />

la Collaboration, <strong>le</strong>s colonies, la guerre<br />

d’Algérie… Mais <strong>le</strong>s décisions prises<br />

par la commission de contrô<strong>le</strong> sont<br />

parfois compréhensib<strong>le</strong>s voire louab<strong>le</strong>s,<br />

surtout quand il s’agit de protéger <strong>le</strong>s<br />

mineurs d’images trop vio<strong>le</strong>ntes ou sadiques.<br />

Garreau conclut ainsi avec des<br />

propos qui rendent justice à une activité<br />

trop souvent condamnée : <strong>«</strong> <strong>La</strong> censure<br />

n’a pas pour première vocation d’empêcher<br />

la transmission des œuvres aux<br />

générations futures. El<strong>le</strong> s’appuie sur<br />

l’idée qu’el<strong>le</strong> se fait de l’état des mœurs<br />

ou de la conjoncture politique et socia<strong>le</strong><br />

pour prononcer l’avis qu’el<strong>le</strong> estime <strong>le</strong><br />

plus conforme à l’intérêt public. »<br />

Même l’image reçue habituel<strong>le</strong>ment du<br />

censeur est remise en question. L’auteur<br />

met en va<strong>le</strong>ur <strong>le</strong> mérite des présidents<br />

successifs de la commission de contrô<strong>le</strong><br />

qui ont guidé <strong>le</strong> cinéma vers la liberté<br />

et l’affranchissement. Grâce à eux, des<br />

changements ont été effectués et des<br />

films à sujets sensib<strong>le</strong>s tels <strong>Le</strong>s Parents<br />

terrib<strong>le</strong>s de Cocteau, <strong>Le</strong> Corbeau de<br />

Clouzot, <strong>Le</strong>s Tricheurs de Carné… ont<br />

pu être projetés. On retiendra surtout<br />

<strong>le</strong> nom de Georges Huisman, à la tête<br />

de la censure de 1945 à 1950, grand<br />

amoureux du cinéma et de son métier<br />

de censeur qui lui donnait <strong>«</strong> l’agréab<strong>le</strong><br />

obligation de voir tous <strong>le</strong>s films ». À lui<br />

revient l’affirmation ferme que la censure<br />

doit traiter <strong>«</strong> <strong>le</strong> film comme une<br />

création spirituel<strong>le</strong> qui mérite <strong>le</strong> respect<br />

et qui exige d’être conservée dans son<br />

intégralité ». Il a redéfini ainsi <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s<br />

d’un jeu qu’on pensait manichéen.<br />

myriAm SASSine<br />

Riad el-Solh, fils<br />

de l'Empire et<br />

père du Liban<br />

D.R.<br />

la lutte pOur l’Indépendance arabe, rIad<br />

el-sOlh et la naIssance du mOyen-OrIent<br />

arabe mOderne de Patrick Sea<strong>le</strong>, Fayard, 572p.<br />

Depuis près d’un demisièc<strong>le</strong>,<br />

Patrick Sea<strong>le</strong> a la<br />

réputation d’être un des<br />

journalistes <strong>le</strong>s mieux informés<br />

du Moyen-Orient. Plusieurs de<br />

ses livres sont devenus des classiques<br />

de référence. Cette fois, délaissant l’actualité<br />

récente, il s’est intéressé à la<br />

biographie d’un des hommes essentiels<br />

de l’histoire du Proche-Orient dans la<br />

première moitié du XX e sièc<strong>le</strong>.<br />

<strong>La</strong> vie de Riad el-Solh l’a fasciné depuis<br />

longtemps, et il s’est lancé dans<br />

l’écriture de sa biographie à la demande<br />

de descendants de l’homme d’État.<br />

Cela lui a permis de disposer de très<br />

riches informations familia<strong>le</strong>s complétant<br />

ce que l’on pouvait trouver dans<br />

<strong>le</strong>s archives et la presse. L’auteur s’est<br />

fait aider de <strong>«</strong> documentalistes » dans<br />

<strong>le</strong> dépouil<strong>le</strong>ment des sources arabes,<br />

ottomanes, françaises et anglaises. On<br />

peut considérer qu’il a disposé de tout<br />

ce qui est accessib<strong>le</strong> actuel<strong>le</strong>ment sur<br />

ce sujet.<br />

<strong>La</strong> biographie commence par l’ascension<br />

socia<strong>le</strong> de la famil<strong>le</strong> Solh au XIX e<br />

sièc<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> cadre de l’Empire ottoman.<br />

Son père, Rida al-Solh, a fait<br />

carrière dans l’administration ottomane.<br />

Il a exercé à plusieurs reprises<br />

<strong>le</strong>s fonctions de qa’im maqam (souspréfet)<br />

puis de mutassarif (préfet ou<br />

gouverneur) dans différentes parties de<br />

l’empire, en particulier dans <strong>le</strong>s Balkans.<br />

Riad el-Solh est né<br />

en 1894. Il a été é<strong>le</strong>vé au<br />

sein de sa famil<strong>le</strong> avec<br />

des précepteurs puis a<br />

fréquenté <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s missionnaires<br />

chrétiennes et<br />

l’éco<strong>le</strong> ottomane d’État.<br />

Son père a pris sa retraite<br />

en 1907 pour être élu en<br />

1908 député de Beyrouth<br />

au Par<strong>le</strong>ment ottoman.<br />

Avec justesse, l’auteur insiste<br />

sur l’importance de<br />

ces années de formation à<br />

Istanbul dans <strong>le</strong> contexte<br />

de la vie politique tumultueuse<br />

de la période Jeune-Turque<br />

(1908-1913).<br />

Selon <strong>le</strong> paradoxe bien connu pour ce<br />

milieu de notab<strong>le</strong>s arabes sunnites, <strong>le</strong><br />

jeune homme va être profondément<br />

marqué par la culture politique ottomane<br />

tout en s’engageant dès 1913<br />

dans <strong>le</strong> milieu des sociétés secrètes<br />

arabistes. Durant la guerre, <strong>le</strong> père et<br />

<strong>le</strong> fils sont considérés comme suspects<br />

par <strong>le</strong> pouvoir jeune-turc, et c’est probab<strong>le</strong>ment<br />

grâce à <strong>le</strong>urs réseaux d’amis<br />

politiques au plus haut niveau de l’État<br />

qu’ils sont seu<strong>le</strong>ment exilés à Smyrne<br />

durant ces années terrib<strong>le</strong>s. Dès la<br />

fin des combats, <strong>le</strong> jeune Riad rejoint<br />

l’émir Faysal à Damas. À 25 ans, il devient<br />

l’éphémère gouverneur de Saïda,<br />

vil<strong>le</strong> d’où sa famil<strong>le</strong> est originaire et où<br />

el<strong>le</strong> conserve des biens importants, des<br />

parents et des amis. Il en est chassé par<br />

<strong>le</strong>s Français. Alors que son père est ministre<br />

de l’Intérieur du royaume arabe,<br />

Riad fait partie des radicaux qui n’acceptent<br />

pas la séparation du Liban de<br />

la Syrie et <strong>le</strong>s compromis que Faysal<br />

passe avec <strong>le</strong>s Français. Après l’occupation<br />

de Damas par <strong>le</strong>s Français en<br />

août 1920, il est condamné à mort et<br />

doit s’évader du Liban dans des circonstances<br />

romanesques.<br />

Exilé, il séjourne en Égypte et en Europe<br />

et achève son initiation politique.<br />

Il peut r<strong>entre</strong>r au Liban en 1924 où il<br />

devient journaliste. Durant <strong>le</strong>s années<br />

de la grande révolution syrienne, il se<br />

fait <strong>le</strong> propagandiste de la cause arabe<br />

en Europe dont il est maintenant une<br />

personnalité de premier rang. Comme<br />

durant <strong>le</strong> reste de sa vie, il sacrifie une<br />

grande partie de la fortune familia<strong>le</strong><br />

aux besoins de la cause. Rentré au <strong>Le</strong>vant<br />

en 1928, il devient l’un des ani-<br />

Défenseur<br />

de l’unité<br />

arabe, il<br />

s’oppose<br />

aux projets<br />

d’union<br />

avancés par<br />

la Jordanie<br />

et l’Irak<br />

mateurs du Bloc national syrien décidé<br />

à trouver une solution politique avec la<br />

France. Son action s’exerce dans l’ensemb<strong>le</strong><br />

du Proche-Orient. En liaison<br />

avec Hajj Amin al-Husseini, il <strong>entre</strong> en<br />

contact avec <strong>le</strong>s sionistes dans <strong>le</strong> but de<br />

mieux comprendre <strong>le</strong>urs ambitions. Il<br />

en ressort encore plus inquiet.<br />

Au milieu des années 1930, il prend<br />

conscience que <strong>le</strong> Grand Liban est<br />

devenu un fait accompli et qu’il doit<br />

inscrire son action politique dans ce<br />

cadre. <strong>Le</strong> moment décisif est la conclusion<br />

des traités franco-syrien et franco-libanais<br />

de 1936. L’échec de cette<br />

politique lui porte un coup très dur.<br />

Durant la Seconde Guerre mondia<strong>le</strong>,<br />

il se refuse à tout engagement en faveur<br />

de l’Al<strong>le</strong>magne, mais soutient la<br />

révolte irakienne de 1941. <strong>La</strong> grande<br />

heure de Riad el-Solh commence avec<br />

la conquête des États du <strong>Le</strong>vant par<br />

<strong>le</strong>s Anglo-Gaullistes. Il est maintenant<br />

la personnalité politique la plus importante<br />

des sunnites du Liban. Avec<br />

une grande intelligence politique, il va<br />

nouer une doub<strong>le</strong> alliance, l’une avec <strong>le</strong><br />

général Spears, <strong>le</strong> représentant britannique,<br />

l’autre avec Béchara el-Khoury,<br />

qui va conduire au pacte national et à<br />

l’indépendance du Liban.<br />

Après 1945, plusieurs fois Premier ministre,<br />

il doit affronter <strong>le</strong>s problèmes<br />

de la constitution d’un État organisé<br />

alors que la lutte pour l’indépendance<br />

ne l’a pas préparé à cette tâche. S’il est<br />

reconnu comme une grande personnalité<br />

sur <strong>le</strong> plan arabe et s’il est un partisan<br />

de liens forts avec la Syrie, il doit<br />

faire face à une désunion croissante<br />

<strong>entre</strong> <strong>le</strong>s deux pays due<br />

à l’antagonisme des pro-<br />

jets économiques. Tout<br />

en étant un défenseur<br />

de l’unité arabe, il s’oppose<br />

aux projets d’union<br />

avancés par la Jordanie<br />

et l’Irak. Il est impuissant<br />

devant la catastrophe<br />

pa<strong>le</strong>stinienne de 1948<br />

due à l’impréparation<br />

de tous <strong>le</strong>s pays arabes.<br />

L’exercice du pouvoir<br />

est un temps bien décevant<br />

alors que la défaite<br />

de Pa<strong>le</strong>stine suscite la<br />

montée des mouvements<br />

politiques radicaux. L’affaire<br />

du PPS et de la mort<br />

d’Antoun Saadé est expliquée avec détails<br />

et mesure. Il en est de même pour<br />

<strong>le</strong>s circonstances encore extrêmement<br />

troub<strong>le</strong>s de l’assassinat à Amman de<br />

Riad el-Solh, <strong>le</strong> 16 juil<strong>le</strong>t 1951.<br />

Cette biographie est riche en détails,<br />

portraits et analyse psychologique.<br />

On y retrouve toute la politique arabe<br />

d’un demi-sièc<strong>le</strong> expliquée de la façon<br />

la plus claire possib<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s noninitiés.<br />

<strong>Le</strong> ton n’est pas tendre pour<br />

la politique française, ce qui pour<br />

<strong>le</strong> moins correspond à la perception<br />

qu’en avaient <strong>le</strong>s milieux nationalistes<br />

arabes. On perçoit aussi l’ombre écrasante<br />

de la présence britannique dans<br />

la région. Comme d’autres personnalités<br />

panarabes de l’époque, Riad s’est<br />

senti enfermé dans <strong>le</strong> cadre étatique<br />

nouveau en train de se former. Son héritage<br />

ottoman ne l’avait pas formé à<br />

cette perspective.<br />

Riad el-Solh a été l’architecte de l’indépendance<br />

du Liban, un fervent partisan<br />

de l’unité arabe souvent déçu par<br />

<strong>le</strong>s rivalités mesquines des dirigeants<br />

arabes, un démocrate attaché au par<strong>le</strong>mentarisme<br />

et à l’entente islamochrétienne,<br />

préférant la citoyenneté au<br />

confessionnalisme. Il a cherché un modus<br />

vivendi acceptab<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s relations<br />

<strong>entre</strong> la Syrie et <strong>le</strong> Liban. Comme<br />

beaucoup d’hommes politiques de sa<br />

génération et de son milieu, il a sacrifié<br />

une grande partie de la fortune familia<strong>le</strong><br />

aux exigences de la lutte politique.<br />

Son prestige de son vivant comme<br />

après sa mort a été grand.<br />

Henry lAUrenS<br />

Jeudi 4 marS 2010<br />

à lire<br />

Saint Jean-Paul II<br />

C’est ce 4 mars que paraît chez Plon<br />

<strong>le</strong> livre d’Alain Virconde<strong>le</strong>t, intitulé<br />

(avant l’heure !) Saint Jean-Paul II.<br />

L’occasion de revenir sur <strong>le</strong> parcours<br />

exceptionnel d’un saint homme qui<br />

aima <strong>le</strong> Liban.<br />

Poissons d’avril<br />

Après <strong>le</strong> succès de <strong>La</strong> valse <strong>le</strong>nte des<br />

tortues et des Yeux jaunes de crocodi<strong>le</strong>,<br />

Katherine Pancol publie <strong>le</strong> 1er avril<br />

chez Albin Michel un nouveau roman<br />

bizarrement intitulé <strong>Le</strong>s écureuils de<br />

Central Park sont tristes <strong>le</strong> lundi. C’est<br />

éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> 1er avril que sortira, aux<br />

éditions XO, <strong>le</strong> dernier Guillaume<br />

Musso.<br />

San-Antonio chez Bouquins<br />

<strong>La</strong> prestigieuse col<strong>le</strong>ction Bouquins<br />

chez Robert <strong>La</strong>ffont annonce la sortie<br />

prochaine des 175 romans de San-Antonio<br />

à l’occasion du dixième anniversaire<br />

de la mort de son créateur,<br />

Frédéric Dard. Réunis en 17 tomes,<br />

dont 6 paraissent cette année, ces romans<br />

écrits <strong>entre</strong> 1949 et 1999 feront<br />

<strong>le</strong> bonheur des inconditionnels du<br />

fameux commissaire.<br />

Nouveautés chez Actes Sud<br />

Parmi <strong>le</strong>s parutions prévues chez Actes<br />

Sud : Déluge de Henry Bauchau, <strong>Le</strong><br />

si<strong>le</strong>nce des esprits de Wilfried N’Sondé<br />

(lauréat du Prix des 5 continents de la<br />

Francophonie), <strong>Le</strong> lanceur de dés de<br />

Mahmoud Darwich illustré de photos<br />

d’Ernest Pignon Ernest, Invisib<strong>le</strong> de<br />

Paul Auster, Orphelins de l’Eldorado<br />

de Milton Hatoum, <strong>Le</strong> musicien et <strong>le</strong><br />

calife de Bagdad de Rachid el-Daïf, <strong>La</strong><br />

question de Pa<strong>le</strong>stine d’Edward Saïd ,<br />

Dictionnaire des hiéroglyphes de Yves<br />

Bonnamy et Ashraf Sadek et Vers un<br />

renouveau de la pensée musulmane,<br />

par Ziad Hafez, chercheur libanais à<br />

l’Université de Washington.<br />

Grass et Modiano <strong>le</strong> retour<br />

C’est <strong>le</strong> 25 mars que <strong>le</strong>s éditions du<br />

Seuil sortent la traduction en français<br />

du dernier roman du Prix Nobel<br />

de <strong>littérature</strong> 1999, Günter Grass,<br />

intitulé L’Agfa Box, où il fait par<strong>le</strong>r<br />

ses enfants d’eux et de lui. <strong>Le</strong> dernier<br />

Modiano, intitulé L’Horizon,sort ce 4<br />

mars chez Gallimard.<br />

Douaihy et Najjar en librairie<br />

Notre collaborateur Jabbour Douaihy<br />

publie ces jours-ci un roman en<br />

arabe, intitulé al-Maout beyna el-ahli<br />

nouaass (Dar an-Nahar) et voit son<br />

roman Pluies de juin traduit chez Actes<br />

Sud (sortie <strong>le</strong> 7 avril). <strong>Le</strong>s éditions<br />

Dar an-Nahar publient éga<strong>le</strong>ment la<br />

traduction en arabe de Saint Jean-Baptiste<br />

d’A<strong>le</strong>xandre Najjar dont <strong>le</strong> récit<br />

<strong>Le</strong> Si<strong>le</strong>nce du ténor vient de paraître<br />

en italien (Il Si<strong>le</strong>nzio del oratore) et en<br />

anglais (The Si<strong>le</strong>nce of my father). Najjar<br />

vient enfin de publier une plaquette<br />

intitulée Haïti, suivi de : Al<strong>le</strong>r simp<strong>le</strong><br />

pour la mort (éditions Dergham).<br />

à voir<br />

Des livres aux Oscars<br />

Parmi <strong>le</strong>s films nominés aux Oscars,<br />

trois au moins sont inspirés de livres :<br />

Precious, inspiré de Push de Sapphire ;<br />

Une éducation, tiré des Mémoires<br />

de Lynn Barber, et In the air, adapté<br />

du livre de Walter Kirn. Verdict <strong>le</strong> 7<br />

mars !<br />

Adè<strong>le</strong> Blanc-Sec en sal<strong>le</strong><br />

Luc Besson s’attaque à Adè<strong>le</strong> Blanc-<br />

Sec, la BD de Tardi, C’est l’actrice<br />

Louise Bourgoin qui a interprété <strong>le</strong><br />

rô<strong>le</strong> principal du film qui sort en sal<strong>le</strong><br />

<strong>le</strong> 14 avril.<br />

<strong>Le</strong> dernier Dan Brown bientôt<br />

au cinéma<br />

<strong>Le</strong> symbo<strong>le</strong> perdu, <strong>le</strong> dernier best-sel<strong>le</strong>r<br />

de Dan Brown, sera bientôt adapté<br />

au cinéma par Steven Knight. Tom<br />

Hanks, qui a déjà joué dans Da Vinci<br />

code et Anges et démons, serait partant<br />

pour camper de nouveau <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />

du professeur <strong>La</strong>ngdon.<br />

D.R.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!