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1 “Les Misères de Nicole Estienne ou les peines et tourments qu'elle ...

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où se peuvent voir <strong>les</strong> <strong>peines</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> t<strong>ou</strong>rments <strong>qu'elle</strong> reçoit durant sa vie, mis en forme <strong>de</strong> stances par<br />

Madame Liébault.<br />

Mais d'autres biographes <strong>de</strong> Grévin entrent avec plus <strong>de</strong> passion dans un débat qui<br />

leur <strong>de</strong>vient personnel. Quand <strong>les</strong> "tenants" <strong>de</strong> la mort précoce <strong>de</strong> Grévin proposent une<br />

version sans tranchant, où nul ne rompt ni n'est abandonné, ils élu<strong>de</strong>nt la gran<strong>de</strong> question<br />

d'am<strong>ou</strong>r-propre du "qui". Dès le milieu du XVIIIème siècle, le point n'est plus évité. La<br />

première interprétation, probablement s<strong>ou</strong>fflée par <strong>les</strong> plaintes am<strong>ou</strong>reuses <strong>de</strong> l'Olympe,<br />

prétend que <strong>Nicole</strong> refusa Grévin. Ainsi, dans la Bibliothèque du théâtre français <strong>de</strong>puis<br />

son origine 1, le Duc <strong>de</strong> la Valliere reproche implicitement sa froi<strong>de</strong>ur à <strong>Nicole</strong>. Le jeu <strong>de</strong>s<br />

pronoms personnels <strong>et</strong> l'emploi du terme "Maîtresse" laissent même entendre que l'intimité<br />

<strong>de</strong>s am<strong>ou</strong>reux fondait <strong>les</strong> espoirs matrimoniaux <strong>de</strong> Grévin :<br />

Jacques Grevin (…) dès l'âge <strong>de</strong> 15 ans, fut am<strong>ou</strong>reux <strong>de</strong> <strong>Nicole</strong> <strong>Estienne</strong>, fille <strong>de</strong> Char<strong>les</strong> <strong>Estienne</strong><br />

Mé<strong>de</strong>cin. Il lui adressa plusieurs Poésies galantes, qu'il fit ensuite imprimer, <strong>et</strong> qu'on tr<strong>ou</strong>ve<br />

rassemblées dans un volume intitulé l'Olympe, Paris, 1561. Malgré ses vers, malgré sa constance,<br />

Jean Liebaut Mé<strong>de</strong>cin, <strong>et</strong> Auteur <strong>de</strong> la Maison Rustique, lui fut préféré, <strong>et</strong> ép<strong>ou</strong>sa sa Maîtresse.<br />

A. A. Ren<strong>ou</strong>ard affecte <strong>de</strong> ne point trancher t<strong>ou</strong>t en indiquant subrepticement son<br />

penchant : comment une jeune femme saurait-elle résister à un recueil <strong>de</strong> sonn<strong>et</strong>s p<strong>ou</strong>r elle<br />

composé? <strong>et</strong> par un homme apprécié <strong>de</strong>s grands, renommé avant l'âge <strong>et</strong> si attachant?<br />

Elle fut recherchée en mariage par Jacques Grevin, <strong>de</strong> qui on a plusieurs <strong>ou</strong>vrages estimés, qui, dès<br />

1560, imprima à Paris, chez Robert, diverses poésies, <strong>et</strong> entre autres une réunion <strong>de</strong> vers am<strong>ou</strong>reux<br />

s<strong>ou</strong>s le titre <strong>de</strong> l'Olimpe. Il paraît que ce fut dès ce temps-là que le mariage fut rompu (…). Grevin<br />

fut-il refusé <strong>ou</strong> fit-il r<strong>et</strong>raite? je l'ignore, mais il ne tarda point à faire un n<strong>ou</strong>veau choix ; <strong>et</strong> il étoit<br />

marié lorsque Marguerite <strong>de</strong> France, duchesse <strong>de</strong> Savoie, reconnaissant son mérite, l'emmena à Turin<br />

où il la servit non-seulement comme mé<strong>de</strong>cin, mais comme un conseiller qui lui fut plus d'une fois<br />

utile. Il y m<strong>ou</strong>rut en 1570, âgé <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> trente ans, <strong>et</strong> fut regr<strong>et</strong>té par la duchesse(…) 2<br />

Dans c<strong>et</strong> esprit, Lucien Pinvert, le biographe dév<strong>ou</strong>é <strong>de</strong> Jacques Grévin, s'intéresse<br />

au personnage dans la mesure où il j<strong>et</strong>te sur son poète l'éclat <strong>de</strong> la famille <strong>Estienne</strong> <strong>et</strong> justifie<br />

<strong>les</strong> sonn<strong>et</strong>s am<strong>ou</strong>reux ; néanmoins, s'il tire <strong>Nicole</strong> <strong>de</strong> l'imprécision historique, Pinvert, s<strong>ou</strong>s<br />

c<strong>ou</strong>vert d'ignorance, r<strong>et</strong><strong>ou</strong>rne la responsabilité <strong>de</strong> la rupture. Selon sa réécriture 3, l'épiso<strong>de</strong><br />

n'a rien qui puisse humilier l'honneur <strong>ou</strong> l'am<strong>ou</strong>r-propre <strong>de</strong> Grévin, puisque le prompt<br />

mariage du jeune homme <strong>et</strong> le rappel <strong>de</strong> la faillite <strong>de</strong> Char<strong>les</strong> <strong>Estienne</strong> donnent à lire qu'il fut<br />

l'auteur <strong>de</strong> la rupture ; aussi, l'ignorance sans parti pris est-elle simulée, ce que trahit<br />

d'ailleurs l'approximation bibliographique prétendant que Grévin est "généralement"<br />

présenté comme le refusé :<br />

Le mariage ne se fit pas. J'ignore p<strong>ou</strong>rquoi on lit généralement dans <strong>les</strong> biographes que Grévin fut<br />

refusé. Rien ne défend <strong>de</strong> penser qu'il ait opéré une r<strong>et</strong>raite volontaire. T<strong>ou</strong>t ce que n<strong>ou</strong>s savons avec<br />

certitu<strong>de</strong>, c'est que chacun <strong>de</strong>s jeunes gens se p<strong>ou</strong>rvut ailleurs.<br />

1Genève, Slatkine reprints, 1969, (Dres<strong>de</strong>, 1768) t 1 p 145.<br />

2Ren<strong>ou</strong>ard, ibid.<br />

3Jacques Grévin (1538-1570), Paris, Fontemoing, 1899, p 32.<br />

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