Télécharger le Filou - Théâtre Massalia
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Laisser par<strong>le</strong>r <strong>le</strong> theatre<br />
nathalie garraud<br />
Partir à 26 ans à peine dans un camp de réfugiés pa<strong>le</strong>stiniens pour proposer à des ado<strong>le</strong>scents de travail<strong>le</strong>r sur une pièce de théâtre. Et pas sur<br />
un texte anodin, sur Les Enfants d'Edward Bond. Cette œuvre interroge fronta<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s mécanismes de la vio<strong>le</strong>nce et de l'endoctrinement.<br />
Et impossib<strong>le</strong> de se dissimu<strong>le</strong>r derrière la fiction, puisque <strong>le</strong> dramaturge anglais a lui-même prévu que son texte ne soit qu’une trame, une<br />
matière à improviser pour <strong>le</strong>s enfants. Ces derniers créent <strong>le</strong>ur propre rô<strong>le</strong>. Ils peuvent ainsi s’approprier la pièce et la projeter dans <strong>le</strong>ur<br />
quotidien. “Je voulais mettre en place des mécanismes de travail qui permettent de comprendre l’histoire et <strong>le</strong>s enjeux de la pièce, explique<br />
la jeune metteur en scène. Et c'est à travers ces mécanismes que <strong>le</strong>s ado<strong>le</strong>scents ont pu développer <strong>le</strong>urs propres problématiques. Les questions<br />
qu’ils ont mis en jeu sont très nombreuses et très comp<strong>le</strong>xes. Il faut <strong>le</strong>s relier au contexte, à la société dans laquel<strong>le</strong> ils évoluent. L'obligation<br />
de porter <strong>le</strong> voi<strong>le</strong>, <strong>le</strong> rapport à l'autorité parenta<strong>le</strong> et à la hiérarchie dans <strong>le</strong>s camps…”.<br />
Plus profondément encore, la pièce met en lumière l'engrenage destructeur de la vio<strong>le</strong>nce, de l'endoctrinement et du sacrifice. Et un tel propos<br />
dans un pays en état de guerre est vite apparu comme un véritab<strong>le</strong> acte de provocation. Le processus de révélation a tel<strong>le</strong>ment bien opéré<br />
que <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> a subi <strong>le</strong>s foudres de la censure.<br />
“Nous étions invités à jouer deux fois, au <strong>Théâtre</strong> de Beyrouth puis au théâtre de Beddawi-Tripoli. Mais, <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain de la première représentation<br />
nous avons été convoqués par <strong>le</strong>s autorités libanaises et pa<strong>le</strong>stiniennes. J’étais perçue comme un danger extérieur”. Pourtant Nathalie<br />
Garraud ne se positionne absolument pas sur <strong>le</strong> bien fondé de la lutte pa<strong>le</strong>stinienne. “Le théâtre est uniquement un endroit de questionnement.<br />
Il n’a pas pour mission l’édification d’une mora<strong>le</strong> ou d’une idéologie politique”. Peu importe, el<strong>le</strong> et ses jeunes acteurs doivent répondre<br />
du contenu subversif du spectac<strong>le</strong>.<br />
Mais, la censure n’arrivera pas à stopper <strong>le</strong> mouvement. Au contraire. Chacun prend ses responsabilités. “J’ai dû justifier de ma légitimité<br />
à proposer ce type de travail là-bas. J'ai dû me positionner sur <strong>le</strong> risque que je faisais prendre aux enfants. Et eux aussi ont été obligés de se<br />
justifier, notamment auprès de <strong>le</strong>urs parents. Mais ils ont tous assumé <strong>le</strong>s questions que sou<strong>le</strong>vait ce travail. Nous avons mis en débat <strong>le</strong>s<br />
arguments avancés par la censure. Nous l'avons rendue inefficiente. Un à un, ces arguments se sont écroulés. Les enfants ont revendiqué<br />
<strong>le</strong> fait qu'ils étaient capab<strong>le</strong>s de penser par eux-mêmes. Ils ont créé une solidarité pas dans <strong>le</strong> discours ni dans une idéologie, mais à l’endroit<br />
d’une liberté dont on <strong>le</strong>s privait. Pourquoi ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s enfants avaient-ils <strong>le</strong> droit de se questionner sur <strong>le</strong>ur place dans la société et pas eux ?”.<br />
Après de longues négociations, la censure est fina<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>vée. La deuxième représentation se dérou<strong>le</strong> dans une sal<strong>le</strong> remplie. “La vio<strong>le</strong>nce<br />
de la pièce et la vio<strong>le</strong>nce du réel s'entrechoquait”. En préambu<strong>le</strong>, Nathalie Garraud est obligée de faire un discours et d'affirmer son adhésion<br />
à la cause pa<strong>le</strong>stinienne. “C'était la seu<strong>le</strong> condition pour jouer. Et il m'a semblé primordial que <strong>le</strong>s enfants puissent être entendus”. Le prix<br />
à payer pour que l'acte artistique ne soit pas qu'une simp<strong>le</strong> posture esthétique, pour qu'il s'inscrive organiquement dans <strong>le</strong>s fondements même<br />
de la société. De toute évidence, cette expérience a profondément marqué <strong>le</strong>s jeunes acteurs pa<strong>le</strong>stiniens. El<strong>le</strong> a transformé <strong>le</strong>ur vision du monde<br />
et <strong>le</strong>ur rapport à l'autre.<br />
Fred Kahn<br />
Pourquoi ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong>s enfants<br />
avaient-ils <strong>le</strong> droit de se questionner<br />
sur <strong>le</strong>ur place dans la société et pas eux ?<br />
La vio<strong>le</strong>nce de la pièce et la vio<strong>le</strong>nce du réel s'entrechoquaient<br />
Mais, la censure n’arrivera pas à stopper <strong>le</strong> mouvement<br />
Nathalie Garraud n'a pas été moins bou<strong>le</strong>versée. El<strong>le</strong> a pris une sacrée <strong>le</strong>çon de vie… Et de théâtre.<br />
description<br />
Du Zieu<br />
dans <strong>le</strong>s B<strong>le</strong>us<br />
Espèce théâtra<strong>le</strong> de type compagnie, à branches artistiques multip<strong>le</strong>s : acteurs, auteurs,<br />
scénographes, marionnettistes, clowns, chorégraphes, plasticiens, vidéastes, architectes.<br />
Variété<br />
Evolue dans une dynamique de recherche théâtra<strong>le</strong>, ouverte sur tout ce qui est contemporain.<br />
La compagnie Du Zieu dans <strong>le</strong>s B<strong>le</strong>us a la conviction profonde que si <strong>le</strong> théâtre ne constitue<br />
en rien une solution, il est <strong>le</strong> vecteur d’une ouverture sur l’autre, sur <strong>le</strong> monde, un pas, si petit<br />
soit-il, sur un chemin qui mène à soi, à la liberté peut-être.<br />
Caractère<br />
Jeune et audacieuse, la compagnie n’hésite pas à prendre des risques artistiques comme<br />
monter des textes qui jusque-là étaient considérés comme diffici<strong>le</strong>s à mettre en scène,<br />
(Les européens de Barker) avec beaucoup de maturité.<br />
Dégage une grande énergie très contaminante pour l’environnement.<br />
Sait tout aussi bien exprimer sa joie que sa colère ou son désarroi.<br />
Nourriture<br />
Se nourrit essentiel<strong>le</strong>ment des œuvres de ses contemporains.<br />
Puise éga<strong>le</strong>ment sa nourriture dans <strong>le</strong>s ateliers qu’el<strong>le</strong> anime avec des jeunes.<br />
Pratique volontiers l’alternance entre animation d’atelier et création artistique.<br />
Habitat Environnement<br />
La compagnie Du Zieu dans <strong>le</strong>s B<strong>le</strong>us vit et travail<strong>le</strong> à Paris mais peut exporter faci<strong>le</strong>ment<br />
et très loin ses activités. Notamment dans des territoires étrangers en situation politique,<br />
socia<strong>le</strong> et culturel<strong>le</strong> différente et diffici<strong>le</strong>.<br />
Adore <strong>le</strong>s grands espaces, de type friche industriel<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong>squels el<strong>le</strong> se meut avec beaucoup<br />
d’aisance. El<strong>le</strong> y trouve de quoi satisfaire son exigence artistique multidisciplinaire.<br />
Est très sensib<strong>le</strong> à l’environnement social et politique, développe une grande empathie qu’el<strong>le</strong><br />
sait réinvestir avec beaucoup de ta<strong>le</strong>nt.<br />
Particularité<br />
Aime être accompagnée des structures qui l’accueil<strong>le</strong>nt, avec <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s d’ail<strong>le</strong>urs<br />
el<strong>le</strong> est capab<strong>le</strong> de nouer des relations fortes.<br />
Est fidè<strong>le</strong> à ses partenaires (Asi<strong>le</strong>s, notamment).<br />
Se préoccupe des publics.<br />
A su résister à la censure.<br />
Accepte volontiers de raconter ses expériences.<br />
Après avoir travaillé deux pièces de deux auteurs dramatiques anglais, se lance dans un projet<br />
d’écriture col<strong>le</strong>ctive regroupant des artistes français, libanais et pa<strong>le</strong>stiniens.<br />
Affirme que “réunir autour d’un projet artistique des jeunes gens de cultures, de traditions,<br />
de milieux différents, est avant tout un moyen de s’interroger sur <strong>le</strong> monde dans <strong>le</strong>quel nous<br />
vivons, <strong>le</strong>s chemins que nous empruntons pour <strong>le</strong> construire et <strong>le</strong> vivre”.<br />
Librement observée, pratiquée et appréciée par Graziella Végis, théâtre <strong>Massalia</strong> la friche la Bel<strong>le</strong> de Mai<br />
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