Télécharger le Filou - Théâtre Massalia
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pasca<strong>le</strong> platel et la compagnie bronks<br />
public, mettre en place <strong>le</strong>s conditions qui vont permettre à l’imaginaire<br />
de circu<strong>le</strong>r. “Quand <strong>le</strong> texte est osé, ou <strong>le</strong> thème sensib<strong>le</strong>, nous préparons<br />
<strong>le</strong>s enfants. Il faut par<strong>le</strong>r avec eux. Dans la vie réel<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s enfants sont<br />
confrontés à des choses beaucoup plus dures que ce que l'on peut<br />
montrer au théâtre, il ne faut pas <strong>le</strong>s sous-estimer”. Le but n'est pas de<br />
choquer mais d'ouvrir l'esprit. Les enfants travail<strong>le</strong>nt autour du texte en<br />
classe, peuvent y réfléchir, en discuter, <strong>le</strong> traduire avec <strong>le</strong>urs mots,<br />
l'intégrer à <strong>le</strong>ur propre imaginaire. Ils intègrent et reproduisent ainsi un<br />
processus proche de celui de la création. Les artistes tirent aussi profit<br />
de cette confrontation. Ils s'offrent à la critique enfantine, <strong>le</strong>ur proposent<br />
même des avant-premières et font évoluer <strong>le</strong>ur travail en fonction des<br />
réactions. Le spectac<strong>le</strong> s’inscrit ainsi dans une dynamique, une remise<br />
en cause des certitudes et des savoirs-faire pour chercher à atteindre<br />
des zones émotionnel<strong>le</strong>s universel<strong>le</strong>s.<br />
Encore une fois, s'effondrent <strong>le</strong>s frontières rassurantes dressées entre<br />
des spectac<strong>le</strong>s qui seraient réservés aux enfants et d'autres qui <strong>le</strong>ur<br />
seraient interdits. De même que <strong>le</strong>s divisions entre <strong>le</strong>s âges sont arbitraires,<br />
<strong>le</strong>s aspirations, <strong>le</strong>s centres d'intérêts, <strong>le</strong>s capacités de compréhension<br />
et d'appréhension du monde ne sont pas non plus distinctement<br />
tracées. Refuser <strong>le</strong> ghetto du jeune public, prétendre s'adresser au tout<br />
public, est un acte subversif uniquement dans la mesure où l'on s'oppose<br />
ainsi à certaines lois de la soumission socia<strong>le</strong>, où l'on refuse d'accepter,<br />
a priori, que <strong>le</strong>s enfants devraient ignorer certaines vérités, mais se plier<br />
doci<strong>le</strong>ment à d'autres. La compagnie Bronks prend <strong>le</strong> parti d'ouvrir<br />
l'esprit plutôt que de <strong>le</strong> manipu<strong>le</strong>r. Souvenons-nous de la <strong>le</strong>çon de Pierre<br />
Bourdieu : "Les classifications par âge (mais aussi par sexe ou bien sûr<br />
par classe) reviennent toujours à imposer des limites et à produire un<br />
ordre auquel chacun doit se tenir, dans <strong>le</strong>quel chacun doit se tenir à sa<br />
place”. Toutes ces catégories emprisonnent l’esprit dans des schémas de<br />
pensée. Ce sont donc des espaces de liberté à conquérir.<br />
Fred Kahn<br />
Quand <strong>le</strong> texte est osé, ou <strong>le</strong> thème sensib<strong>le</strong>, nous préparons <strong>le</strong>s enfants.<br />
Il faut par<strong>le</strong>r avec eux. Dans la vie réel<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s enfants sont confrontés à des<br />
choses beaucoup plus dures que ce que l'on peut montrer au théâtre, il ne faut<br />
pas <strong>le</strong>s sous-estimer.<br />
l’amour<br />
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l’amour<br />
l’amour!<br />
Pasca<strong>le</strong> Platel s'est engouffrée avec jubilation<br />
dans cette brèche. “Avec Bronks,<br />
on peut expérimenter, se stimu<strong>le</strong>r”. Pourtant,<br />
el<strong>le</strong> n'a nul<strong>le</strong>ment prémédité la rencontre<br />
avec la compagnie. Mais, el<strong>le</strong> adore être déplacée,<br />
être surprise et se surprendre. A-t-el<strong>le</strong><br />
d'ail<strong>le</strong>urs une place assignée dans la vie ou sur<br />
scène? N’est-el<strong>le</strong> pas définitivement sur <strong>le</strong>s<br />
traces d’un ail<strong>le</strong>urs, où réalité et vérité ne se<br />
comprendraient qu’au pluriel ? Est-el<strong>le</strong> même<br />
toujours une femme et jamais un animal,<br />
plutôt féline, se fiant plus à ses intuitions qu'à<br />
sa raison ? Est-el<strong>le</strong> jamais devenue adulte<br />
ou restée une éternel<strong>le</strong> enfant cultivant ce<br />
don excessivement rare de métamorphoser<br />
l'impossib<strong>le</strong> en possib<strong>le</strong> ?<br />
En tout cas, son parcours témoigne d'une<br />
constante capacité à être dans ce que <strong>le</strong>s gens<br />
raisonnab<strong>le</strong>s appel<strong>le</strong>nt de l'inconstance. El<strong>le</strong> a<br />
commencé par intégrer la troupe de son frère,<br />
Alain. Depuis 15 ans, Alain Platel est considéré,<br />
à juste titre, comme l'un des chorégraphes<br />
<strong>le</strong>s plus pertinents du moment. El<strong>le</strong> participe<br />
donc à ses premières créations. “Pendant huit<br />
ans, en tant que comédienne et danseuse, j'ai<br />
suivi cette voie. Mais, tu sais, je ne suis pas<br />
vraiment danseuse”. Autrement dit, el<strong>le</strong> se<br />
cherchait encore. Alors, après quelques spectac<strong>le</strong>s,<br />
el<strong>le</strong> sort du groupe : “Je voulais savoir ce<br />
qui m'appartient en propre, trouver mon<br />
chemin personnel”. El<strong>le</strong> commence à écrire et<br />
à réaliser des performances qui finissent par<br />
atterrir devant <strong>le</strong>s yeux grands ouverts de la<br />
compagnie Bronks. La rencontre est fructueuse.<br />
Quand la compagnie lui propose de replonger<br />
vers <strong>le</strong> monde de l'enfance, Pasca<strong>le</strong> Platel<br />
n’hésite pas longtemps, tout simp<strong>le</strong>ment parce<br />
qu'el<strong>le</strong> ne dit jamais non a priori. El<strong>le</strong> écrit un<br />
premier spectac<strong>le</strong>, Le Roi des chips au Paprika<br />
puis un second, Ola Paula Potloodgat.<br />
Ces deux expériences sont fondamenta<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong><br />
se libère complètement et ose <strong>le</strong>s expériences <strong>le</strong>s<br />
plus contradictoires. El<strong>le</strong> alterne des spectac<strong>le</strong>s<br />
accessib<strong>le</strong>s aux enfants de cinq ans et d'autres<br />
nettement moins tout public. “Je me tends des<br />
pièges. J'ai écrit une pièce sur Jésus dans laquel<strong>le</strong><br />
j'ai inventé un personnage : <strong>le</strong> coach du christ.<br />
J'ai aussi écrit un spectac<strong>le</strong> sur l'argent”. Dans<br />
<strong>le</strong> même temps, el<strong>le</strong> devient une vedette de la<br />
télévision belge. Pascal Platel passe ainsi sans<br />
problème de la confidentialité des plateaux de<br />
théâtre aux lumières éblouissantes d'une émission<br />
à succès. “J'aime bien conquérir. Je suis<br />
curieuse de savoir si je peux y arriver”.<br />
Le jeune thEAtre<br />
Des changements de caps qui n'altèrent pas son<br />
intégrité : “Je pars de ce que je suis. Avec moi,<br />
ça ne fonctionne pas quand on me force ou que<br />
l'on essaye de me guider ". Sur scène, el<strong>le</strong> est tout<br />
aussi fantasque et imprévisib<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> fait<br />
cohabiter plusieurs univers, un peu surréalistes<br />
et beaucoup magiques, mais <strong>le</strong>s relie avec des<br />
émotions universel<strong>le</strong>s : “L'amour, l'amour,<br />
l'amour !”. Les enfants se reconnaissent<br />
forcément dans cette humanité paradoxa<strong>le</strong> et<br />
aventureuse. “C'est évident que <strong>le</strong>s enfants<br />
comprennent <strong>le</strong> désir, la jalousie même s'ils<br />
n'ont pas la même expérience que nous”.<br />
Ses histoires sont donc à l'image de sa vie, un<br />
peu décousues et délicieusement improbab<strong>le</strong>s.<br />
Et toujours amora<strong>le</strong>s : “Je n'aime pas donner<br />
de fausses solutions”. Ses personnages<br />
souffrent et se déchirent, <strong>le</strong>s amours sont plus<br />
souvent contrariés qu'éternels, mais, ils n'en<br />
sont que plus intenses. Oui, Pasca<strong>le</strong> Platel croit<br />
en la magie, el<strong>le</strong> fait des vœux et ils sont<br />
exaucés. Et même si après rien n'a changé,<br />
quelque part tout va mieux.<br />
Grâce à ce type de spectac<strong>le</strong> novateur et vivace,<br />
<strong>le</strong> théâtre redevient cet endroit d'où émerge un<br />
élan vital. Par son souff<strong>le</strong>, Pasca<strong>le</strong> Platel est bien<br />
fidè<strong>le</strong> à l'esprit défendu par Bronks : “tisser un<br />
contexte dans <strong>le</strong>quel tous <strong>le</strong>s concernés -artistes,<br />
enfants-acteurs, enfants-spectateurs, public,<br />
enseignants- puissent réel<strong>le</strong>ment se rencontrer<br />
et de là faire et vivre <strong>le</strong> théâtre. Comme seuls <strong>le</strong><br />
peuvent ces gens-là, ici, maintenant, à partir<br />
d'un engagement personnel total”.<br />
Fred Kahn<br />
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