Le livre de M. Bergeron au format PDF-texte (Acrobat Reader)
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Gérard <strong>Bergeron</strong>, L’INDÉPENDANCE : OUI, MAIS... (1977) 14<br />
Par contraste, la décennie 1940-1950 apparaîtra comme celle <strong>de</strong> la "révolution"<br />
ajournée, parce que non ou pas encore nécessaire, davantage impensée qu'impensable.<br />
La guerre, "l'effort <strong>de</strong> guerre", la prospérité économique en partie factice mais galo-<br />
pante, la crise <strong>de</strong> la conscription atténuée et tôt oubliée grâce <strong>au</strong> paternalisme <strong>de</strong><br />
Saint-L<strong>au</strong>rent, la reconversion d'une économie <strong>de</strong> guerre en économie <strong>de</strong> paix prolongeant<br />
une prospérité à laquelle on participait goulûment, l'industrialisation et l'organisation<br />
accélérées en même temps que l'inst<strong>au</strong>ration en pièces détachées du Welfare<br />
State : tout cela, propulsant <strong>de</strong>s espoirs et déplaçant <strong>de</strong>s problèmes, portait le Québec<br />
en <strong>de</strong> vastes mouvements sans qu'il eût le temps <strong>de</strong> souffler, ni la pensée <strong>de</strong> se<br />
déterminer. Saint-L<strong>au</strong>rent à Ottawa, Duplessis à Québec : nous étions dans l'ère sécuritaire<br />
du double protectorat. Gagnant sur l'un et l'<strong>au</strong>tre plan, nous perdions <strong>au</strong>ssi<br />
quelque chose d'encore indéterminé sur les <strong>de</strong>ux. <strong>Le</strong>s escarmouches fédéralesprovinciales<br />
n'émouvaient que la poignée <strong>de</strong>s Québécois <strong>de</strong> la tradition constitutionnaliste.<br />
Ils étaient gamins ou grands adolescents pendant la grise décennie <strong>de</strong> 1930-1940<br />
ceux qui sont <strong>au</strong>x différents pouvoirs <strong>au</strong>jourd'hui. Ils ne gar<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cette époque que<br />
le souvenir <strong>de</strong> la "révolution" trahie <strong>de</strong> Duplessis en 1936. "Trahison" qui se prolongera<br />
en un interminable second règne <strong>de</strong> 16 ans. Pour attendue qu'elle ait été, cette<br />
secon<strong>de</strong> "trahison" les <strong>au</strong>ra plus tr<strong>au</strong>matisés que la première n'<strong>au</strong>ra marqué leurs aînés.<br />
Une "révolution" trahie, la suivante ajournée, une troisième désirable, une quatrième<br />
tranquille qui s'achève, le Québécois d'<strong>au</strong>jourd'hui, en sa belle maturité, ne s'y<br />
reconnaît pas aisément dans les substrats "révolutionnaires" <strong>de</strong> sa psychologie politique.<br />
C'est un hésitant qui voudrait donner le change <strong>de</strong> son hésitation. <strong>Le</strong> plus inhibitif<br />
<strong>de</strong>s complexes, c'est d'exagérer la complexité. La vérité, c'est que le Québécois n'a<br />
jamais été révolutionnaire. C'est un "révolutionnaire" entre guillemets, qui entretient<br />
la nostalgie très confuse <strong>de</strong>s révolutions politiques qui ne se firent pas <strong>au</strong> siècle <strong>de</strong>rnier,<br />
<strong>de</strong>s révolutions technologiques et industrielles, éducationnelles et culturelles<br />
qu'il rattrape comme il peut en ce siècle mais avec quel retard et à quels coûts ! En<br />
attendant, il est poussé dans le dos par les "fils <strong>de</strong> la prospérité", piaffants, contestants,<br />
parfois écorchants... Et, comme il commençait à se sentir moins désorienté dans<br />
l'espace, notre Québécois se retrouve encore plus déphasé dans le temps. Un jet <strong>de</strong><br />
yoyo à la verticale, un jet <strong>de</strong> yoyo à l'horizontale : cela peut faire be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> mou-