Le livre de M. Bergeron au format PDF-texte (Acrobat Reader)
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Gérard <strong>Bergeron</strong>, L’INDÉPENDANCE : OUI, MAIS... (1977) 35<br />
<strong>Le</strong> Québec, tendant à <strong>de</strong>venir lui-même <strong>de</strong>puis 1960, n'est plus le même qu'<strong>au</strong>pa-<br />
ravant et tous nos schèmes <strong>de</strong> pensée <strong>de</strong>viennent plus ou moins inadéquats pour couler<br />
la réalité canadienne, avec toujours un Québec <strong>de</strong>dans. Du point <strong>de</strong> vue du défenseur<br />
du fédéralisme, il s'agit <strong>de</strong> commencer à recoller la réalité québécoise à l'ensemble<br />
canadien car le Québec décolle à vue d'oeil... J'enregistre un phénomène flagrant ;<br />
je n'apporte pas <strong>de</strong> l'e<strong>au</strong> <strong>au</strong> moulin du québécocentrisme. Sera-t-il dit que, dix ans<br />
après le somptueux ratage <strong>de</strong> Diefenbaker entre 1958-1962, une secon<strong>de</strong> fois qu'un<br />
premier ministre canadien est en position privilégiée <strong>de</strong> relancer le Canada, il f<strong>au</strong>dra<br />
verser un <strong>au</strong>tre fiasco, mais bien plus paradoxal, <strong>au</strong> compte d' "un gars nommé Tru<strong>de</strong><strong>au</strong>"<br />
? L'équation est stricte : d'un côté, le Québec ne peut se prendre pour tout le<br />
Canada, ou ne doit pas se comporter comme un <strong>au</strong>tre Canada ; mais <strong>de</strong> l'<strong>au</strong>tre, il n'y a<br />
plus <strong>de</strong> Canada sans le Québec <strong>de</strong>dans, là où il a toujours été, mais désormais plus<br />
agent, agissant et non plus seulement agi comme par le passé qui ne date pas du déluge.<br />
C'est là une donnée vérifiable : n'en pas tenir compte, ou la nier comme fantaisie<br />
du moment ("Finies les folies !"), c'est consentir à se déphaser, c'est se crever les yeux<br />
agréablement. Pendant ce temps-là, le décollage en profon<strong>de</strong>ur risque <strong>de</strong> s'élargir.<br />
J'aimerais trouver chez le premier ministre du Canada la lucidité <strong>de</strong> l'analyste <strong>de</strong> Cité<br />
libre, qui n'avait pas la rigidité doctrinaire que be<strong>au</strong>coup d'anciens amis lui reprochent<br />
si durement <strong>au</strong>jourd'hui. Toute vision constitutionnaliste simplifiante et logicienne<br />
exaspère, surtout avec paroles et gestes conséquents, les courants profonds : les gains<br />
marqués dans la minute seront effacés par la perte à moyen terme. Cela doit être dit<br />
alors que reste encore le temps du court terme.<br />
Je balance : fais-je d'abord référence à ta générosité intellectuelle pour une perception<br />
exacte ou à une "imagination créatrice" <strong>de</strong> l'homme d'État dans les gran<strong>de</strong>s<br />
circonstances ? Disons : les <strong>de</strong>ux. En politique, il y a presque toujours "une <strong>de</strong>rnière<br />
chance". Il y a une chance immédiate à ne pas rater : reconstituer pour 1972 - c'est<br />
l'an prochain - les circonstances favorables à la pério<strong>de</strong> 1965-1967, pendant que Bourassa<br />
(matter of fact, "fédéralisme rentable", etc.) est assuré <strong>de</strong> son pouvoir jusqu'en<br />
1974. Si la conjonction historique Tru<strong>de</strong><strong>au</strong>-Bourassa n'amène pas la relance du fédéralisme<br />
canadien d'ici trois ans, je crois que les indépendantistes québécois pourront<br />
alors parler sans se gargariser <strong>de</strong> l' "irréversibilité" du phénomène. <strong>Le</strong> délai est court.<br />
Nous sommes plus d'un à être habité d'un sentiment d'urgence.<br />
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