font penser à Brel, par l’orchestration et par certains textes. Les arrangements sont taillés de façon très fine, précise. Cyril redonne de l’énergie à la chanson française. Il y’a de l’emphase et de l’exaltation. C’est vraiment un album réussi, avec des textes qui touche à la condition humaine, sociale mais aussi au quotidien. Marc Lavoine ne s’y est pas trompé, il a écrit “Chère Amie”. Steff LE CHIEN PYGMYLUSH Old Friends Lovitt Records Si la musique de PYGMY LUSH est aussi soyeuse au possible, elle n'en est pas moins très intimiste, sombre et parvient à nous empoigner dans notre plus profonde pensée. Ici le groupe nous livre un album totalement folk. Il y a cette beauté qui illumine grâce à ses mélodies très effleurée sans pour autant partir dans des envolées magiques qui n’aboutissent à rien. On y sent une force humble dans leur musique où les cordes pincées aux petits subterf u g e s rythmiques se livrent aux atmosphères de soirées chaudes et sobres. On se délecte à l’écoute “Chance”, “Good Dirt”, “Night At The Johnstown Flood”, “I’ll Wait With You”, “Old Friends”, “Pals” de mélodies mêlant tendre cynisme et sérénité détachante pour terminer dans une forme de chaos. PYGMY LUSH nous livre un bel album, subtil qui nous met dans un état de méditation totale. Grégory SMETS ROWLAND SALLEY Killing The Blues Telechrome Records Entre Jimmy Tittle (pour le meilleur) et Chris de Burgh (pour le pire, heureusement rare, cf. “Impression”), Rowland SALLEY aurait très bien pu demeurer dans l'ombre de son patron, Chris Isaak (dont il est depuis des lustres le bassiste attitré), si l'une de ses compositions, “Killing The Blues”, n'avait connu un destin d'exception (reprise successive- 20 • 151 JUIN <strong>2011</strong> ment par John Prine, Chris Smither, Shawn Colvin, et, plus récemment, Robert Plant et Alison Krauss sur leur album commun de naguère)... Au point qu'en 2007, le renommé magazine Rolling Stone (le Roque n' Flop amerloque en plus bobo, si toutefois ça peut se concevoir...) l'érigea à la 51ème place des meilleures chansons de l'année !.. Or, il se trouve que la version originale, ici proposée, date (comme cet album) de 2003 ! Peu importe, le sieur SALLEY (Roly pour les intimes) avoisine souvent ici le niveau de l'excellent (et presque aussi méconnu) Jimmy Lafave (“Sugar Blues” ou encore “Memphis Girl”). Pas de quoi se relever la nuit, mais voici donc quand même un fort honnête country-rock pour seniors encore valides - comme ceux de la génération de ce bon Rowland (né en 49)... Un chanceux soudard, qui n'aura en tout cas pas à se préoccupper outre mesure du décompte de ses points-retraite ! Patrick DALLONGEVILLE JESSE SYKES & THE SWEET HEREAFTER Marble Son Fargo Trois albums et deux EPs n'y firent guère : pour l'observateur furtif, la filiforme Jesse SYKES s'apparente toujours à la country, au mieux alternative. La faute à ses gilets de peau, à ses pochettes sepia, aux titres de ses chansons ? Plus prosaïquement, cette relation pourrait bien venir de son association avec le guitariste Phil Wandscher (ex-Whiskeytown, aux côtés de l'ambigu Ryan Adams)... P o u r tant, la damoiselle oscille depuis toujours vers le côté dark de la force, comme en témoigne son passé de photographe, fascinée par le monde interlope de Rhode-Island dans les 80's. Décidément trop urbaine pour se contenter de folâtrer dans le foin (et trop littéraire pour ne célébrer que la lune bleue du Kentucky), sa principale connection avec les chemises à carreaux réside de fait dans les vertiges électriques dont elle partage le goût avec deux grands anciens : les regrettés Lift To Experience de Josh T. Pearson et, bien évidemment, le Neil Young de “Ragged Glory”. “Hushed By Devotion”, le maëlstrom virevoltant qui ouvre son quatrième essai à ce jour, affiche d'emblée la couleur : plus de huit minutes d'orage électrique, d'où surnage à peine sa voix éthérée. Cet ouragan cède certes la place à quelques plages alanguies (“ S e rvant Of Yo u r Vision”, “Be It Me, Or Be It Done”), où l'on jurerait entendre le Crazy Horse de la grande époque accompagner une vénéneuse Marianne Faithfull. Mais le feu n'en continue pas moins de couver sous la braise, comme en témoignent les vertigineux “Plea - suring The Divine” et “Your Own Kind”. Et ce spleen-là ne manque assurément pas de panache... Que ceux pour qui Jesse SYKES rime avec anorexique passent leur chemin, cette fille possède de fait un indéniable chien... De ceux qui happent le jarret des badauds en goguette, et leur font perdre l'équilibre : que du nerf, et pas un poil de gras ! Patrick DALLONGEVILLE TARAF DE HAIDOUKS & KOCANI ORKESTAR Band Of Gypsies 2 Crammed Discs / Wagram Y'a du monde aux Balkans ! En effet, ceux qui déduiraient du titre ci-dessus la suite d'un concert, donné à la Saint-Sylvestre 69 par un trio de Blackos funky aujourd'hui aux deux tiers décédé, vont être surpris. Band Of Gypsies est en effet (aussi) le titre d'un album du collectif roumain TARAF DE HAIDOUKS (“l'orchestre des bandits d'honneur”, sic) paru en 2001. Ils y étaient déjà rejoints (sur trois plages) par les cuivres Macédoniens du KOCANI ORKESTAR, et la saveur de l'expérience les a incités à récidiver “en grand” dix ans plus tard, cette fois au fil d'un album entier. Et ce “retour- d u - f i l s - d e - l a - vengeance (2)” prend des accents hautement jubilatoires : bien que de dialectes distincts, les 27 zicos ici assemblés ne semblent souffrir d'aucun déficit de communication. Ce serait d'ailleurs plutôt de communion qu'il faudrait parler : les violons (et rythmes) slaves se marient à merveille aux flon-flons surexcités et aux derboukas macédoniens, révélant au passage un virtuose de cet instrument aussi serbe que zarbe : le cymbalium. Musiques de voyage, de mariages et d'enterrements (comme le dit si bien Kusturica) se mêlent et se télescopent ici avec une pêche, une joie communicative et un sens profond de l'héritage, qui témoignent avec panache d'une légitime fierté : celle des Roms, récemment vilipendés par une certaine pensée "café-du-commerce" aux sinistres remugles. Il suffit, pour s'en convaincre, de commencer par écouter les instrumentaux “Turceasca A Lu Kalo” et “Dikhél Khélel”, détonant mixes de tourneries orientales, yiddish et croates... Mince, des musiques roms avec la rock n' roll attitude ? Les CRS n'ont plus qu'à bien se tenir ! Patrick DALLONGEVILLE LES TÊTES RAIDES L'an Demain Tôt Ou Tard / Mon Slip J'avoue, j'ai un peu perdu le fil du nombre d'albums réalisés par les têtes raides, mais après plus de dix ans de carrière c'est un peu normal, ne croyez-vous pas ? Le groupe nous revient avec un nouvel opus simplement intitulé L'An Demain et il faut parfois peu de chose pour vous faire aimer un disque et vous faire dire qu'il est l'une des meilleures productions des TÊTES RAIDES. Je pourrais vous dire que l'on retrouve la plume aiguisée de Christian Olivier pour des textes divins mêlant légèreté et engagement. Je pourrais également vous dire que cet album est un trait d'union parfait entre Fragile et Gratte Poil, je veux dire par là entre un disque sans accordéon aux accents électriques et un album plein d'humour et d’optimisme. Pour le comprendre il vous suff i t d'écouter “J'm'en Fous” e t “Maquis”. J'aurais pu terminer en vous disant que c'est un vrai bonheur de retrouver le petit grain de folie douce de Grégoire. C'est vrai j'aurais pu vous dire tout ça, mais ce qui m'a fait chavirer lors de ma première écoute, c'est Emma, l'improbable duo avec Jeanne Moreau. Il y a bien longtemps que Jeanne Moreau n'avait posé sa voix sur un disque et le faire avec Christian Olivier confère au titre une force et un côté presque mystique. Tout simplement sublime. La synthèse de toutes le travail et talent des TÊTES RAIDES se retrouve dans L'an Demain. Mathy D
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