1899 - Diocèse de Quimper et du Léon

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deux drapeaux et quelques autres objets ; le tout est porté professionnellement
à l'église. Tous ces braves gens sont très généreux. Ensuite
j'ai baptisé six enfan ls et une bonne vieille femme de plus de 80 ans ; la
brave vieille, depuis trois ans qu'elle cherche à apprendre ses prières,
n'en sait guère plus long que Salaun ar folly mais sa simplicité ne l'empêchera
pas d'aller en paradis. Les chrétiens viennent me remercier, avec
quelques fruits qui font le bonheur des enfants. Je soupe et je vais descendre
en barque pour rentrer chez moi.
Vinhy 19 Décembre. — Je suis parti, hier soir, vers 7 heures. Six
forts rameurs nous entraînent ; on fait Ia prière du soir en commun sur
la barque au milieu du grand fleuve, c'est très beau. Les prières annamites
sont un vrai chant, et c'est une musique délicieuse, entendue la
nuit sur le silence des grands fleuves. Je dors comme une souche jusqu'à
ma porte, où l'on arrive vers 3 heures du malin. Toute ma journée est
prise par des affaires arriérées, des lettres ; j'ai à peine le temps de dire
mon bréviaire.
W Décembre. — Après mon déjeuner, Yers 8 heures, j'enfourche
mon vieux bidet et je pars pour Phù Long. A mi-route, je visite une
nouvelle chrétienté, et je passe par Mi Dû, pour voir la grande église en
construction depuis deux ans. Elle avance, mais lentement, pour ne pas
faire de dettes. J'espère qu'elle pourra être inaugurée le 15 Août. Elle
est dédiée k la Sainte-Vierge, el je voudrais mettre à ce jour la bénédiction
et la fête patronale ; ce sera vraiment une belle église pour ce
pa vs.
"j'arrive à Phù Long vers 5 heures, les chrétiens viennent me saluer,
je dis mon bréviaire, je soupe et je pars à l'instant pour une autre chrétienté
nouvelle, Duong Lieu, où j'administre Ies sacrements, pendant
trois jours. Je rentre chaque jour ici pour mes repas. Phù Long est au
centre de la plus importante des six nouvelles chrétientés établies, ces
quatre dernières annees, dans cette région autrefois entièrement païenne
sur un rayon de deux à trois lieues. Il y a un très bel enclos, une très
gentille église et une maison d'habitation convenable. Mon désir et mon
ferme espoir est d'établir une nouvelle paroisse, composée uniquement de
nouveaux chrétiens et dont le chef-lieu sera ici.
2 f Décembre. — Hier soir, j'ai été reçu avec grande joie à Duong
Lieu, charmante chrétienté baptisée depuis deux ans. J'ai eu une longue
causerie avec les chrétiens, puis réunion pour étudier le catéchisme et
prière du soir. Le matin, prière, instruction et messe. Ma matinée est
prise par les chrétiens qui viennent me voir et causer un peu. Cet aprèsmidi,
j'ai un peu de temps libre et je vais sortir, pour prendre l'air et
dire mon bréviaire.
22 Décembi'e. — Hier soir, comme la veille, je suis parti après souper
de Duong Lieu. Cela me rappelle le mois de Marie auquel nous nous
rendions, autrefois, après le repas du soir. A la place de mes frères et
sœurs, j'ai avec moi mes deux petits servants, et ce n'est pas du tout ta
méme chose ; mais le soir a Ie même charme, à part qu'il n'y a pas de
parfums dans l'air ni de chants d'oiseaux dans Ies buissons ; ces choses
si douces ne doivent exister que dans les pays chrétiens. Comme la
veille, il y a réunion pour l'étude du catéchisme, et tout le monde y
assiste. Aussi nos nouveaux chrétiens sont-ils plus instruits que la plupart
des chrétiens de France. Ce matin, instruction el messe ; dans
l'après-midi, confessions ; demain de même. Je t'ai déjà dit en quoi
consistent les confessionnaux d* ce pays : un grossier treillage en bambou
à la porte ou a la fenètre de n'importe quelle maison, séparant le
confesseur, qui est à l'intérieur, du pénitent qui est à l'extérieur. Nos
Archives diocésaines de Quimper et Léon
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chapelles de chrétientés ici ne coûtent pas ce que coûte le confessionnal
le plus simple en France ; quant à nos Confessionnaux, ils ne coûtent pas
deux sous. Religion à bon marché ! mais les perles du bon Dieu n'y
tombent pas moins sur les âmes.
Après trois années des angoisses les plus cruelles, je suis maintenant
joyeux comme un pinson. Je vois clair devan! moi et suis sûr de pouvoir
mener à bonne fin les œuvres que j'ai entreprises, si le bon Dieu me
laisse en vie ; el le granit de Bretagne est si dur 1
23 Decembre. — Tout comme hier. Ce matin, la moi lié de la chrétienté
de Duong Lieu communie ; demain l'autre moitié ; personne ne
fait défaut. Voila qu'il tombe une pluie abondante, c'est une autre bénédiction.
Cette année, nous avons eu une grande sécheresse, on craignait
beaucoup qu'on ne pût piquer Ie riz, mais maintenant on va pouvoir le
piquer, Ies rizières sont couvertes d'eau ; le riz pousse dans l'eau comme
fe jonc en France. Ces rizières sont comme nos marais et nos grenouillères
; il fait beau trotter la-dedans ; alors il faut voir i comme its sont
beaux les pieds du Missionnaire * !
2 f t Décembre. — Ce matin, messe de communion à Duong-Lieù. Les
chrétiens me ramènent à Phù-Long avec tambours, grosse caisse, drapeaux
et pétards; cela m'ennuie, mais Ies amuse, il faut.les laisser
faire. Toute la matinée est employée à l'examen de 41 catéchumènes, qui
étudient depuis quatre ans el seront baptisés ce soir. On a préparé une
magnifique illumination : plus de cent grandes lanternes en papier transparent
de toutes couleurs ; mais il pleut à verse et je crois qu'il faudra
remettre l'illumina lion à une a u lre fois. Les bonnes gens en sont un peu
tristes, mais se consolent en pensant à Ieur moisson de riz, que cette
pluie favorise.
25 Décembre, Fête de Noël. — Les chrétiens, malgré Ia pluie, ont
mis dehors toutes leurs lanternes en papier, et Ia pluie a cessé devant
celte audace. J'ai compté : il y avait I rf lanternes de toutes formes, de
toutes couleurs; le coup d'œil était magnifique. A 7 heures !/•?_, baptême
de4) grandes personnes; il était to heures quand tout a été terminé,
c'était une belle cérémonie. Après une heure de repos, on s'est de nouveau
rendu a l'église. Lecture sur la tète, chant d'un Noel annamite, un
petit mot d'éd i Reallon., grand'messe avec musique annamite, tonnerre de
pétards, à défaut d'orgue, communion générale des nouveaux baptisés.
Il étaU 2 heures quand je suis rentré.
Ce matin, les lanternes sont remplacées par des drapeaux. Prière du
matin, messe de l'aurore, suivie immédiatement de la grand'messe, Le
temps s'est remis au beau et tout est à la joie. Après la messe, je fais la
distribution de chapelets et de scapulaires à tous tes nouveaux baptisés.
Quand je rentre, les chrétiens apportent processionnellemenl des présents
pour me remercier. Les hommes font des prostrations ; les femmes,
assises comme ies tailleurs, saluent en joignant les mains et en s'i n dinant.
C'est 1res solennel et très louchant ; l'émotion me gagne et j'ai
bien de la peine à l'empôcher de s'échapper par mes yeux. A ll heures
je déjeuné, et sur ce je m'en vais faire un examen de catéchisme avec
distribution de récompenses. Dans toutes les maisons, j'entends Jes
chrétiens remémorer leur catéchisme à pleins poumons ; dans ce pays
tout s'étudie à i ue-1 él e, La grosse caisse annonce que l'heure est venue.
Je commence pour toi en le posant Ia première question du catéchisme :
« Diû chuo troi là ddng crim ? Qu'est-ce que Dieu ? » Réponds sur le
mème ton et tu auras le premier prix.
26' Décembre\ t heures du soir. — Je viens de rentrer. Hier, tout
l'après-midi s'est passé en examen ou plutot en concours de catéchisme.