mardi 20 novEmbrE 2012 - El ACIL
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P/ Amar MEZGHICHE<br />
Il n’y a pas longtemps,<br />
Constantine était la capitale<br />
incontestable, du<br />
malouf. Mais qu’en est-il<br />
aujourd’hui, particulièrement,<br />
durant cette dernière<br />
décennie ? Il est clair<br />
que la ville du plus vieux rocher a<br />
perdu de sa notoriété dans le<br />
domaine du travail artistique, du<br />
traditionnel, du fait main. Nous<br />
aurons à parler, aujourd’hui, entre<br />
autres du malouf et particulièrement<br />
depuis la disparition ou la<br />
mise en retraite des maîtres incontestés<br />
du malouf, laissant la place à<br />
des troupes folkloriques, tel que le<br />
raï dont les paroles indisposent,<br />
excessivement, les chansons passepartout<br />
durant les fêtes et des spectacles<br />
à prédisposition.<br />
Résultats, les anciens instruments<br />
de la musique traditionnelle<br />
avaient été remplacés par des appareils<br />
électroniques, les synthétiseurs,<br />
les orgues…. Il est bel et<br />
bien révolu le temps de la derbouka,<br />
du tar, du naï, du oud. … Au<br />
temps béni du malouf, Constantine<br />
avait même ses petits ateliers de<br />
réparation et de fabrication de ces<br />
instruments.<br />
Des écoles d’initiation, de composition,<br />
de création musicale existaient<br />
elles aussi. Des enseignants<br />
et autres encadreurs s’évertuaient à<br />
inculquer à leurs élèves, au moins<br />
les rudiments de cette musique<br />
typiquement constantinoise.<br />
Aujourd’hui, hélas ! Ce riche patrimoine<br />
culturel et artistique est en<br />
train de trépasser, de périr de sa<br />
belle mort faute dune relève et<br />
parce que les autres genres de<br />
musique ont supplanté le malouf.<br />
Cette musique recherchée et appréciée<br />
est noyée par la chansonnette<br />
et les styles « fête et ambiance ».<br />
Conséquence, la réparation et la<br />
restauration des instruments traditionnels<br />
se font désormais à Alger<br />
ou même en Tunisie, chez les rares<br />
artisans encore en activité. Mais où<br />
sont donc passés les « orfèvres »<br />
qui savaient ce que les instruments<br />
de musique, de mélodie propres au<br />
malouf voulaient dire ?<br />
Malheureusement, il n’y a plus<br />
aucune trace de ceux-là mêmes qui<br />
gardaient jalousement les secrets<br />
de fabrication et de préservation de<br />
ces instruments.<br />
Il y avait bien un atelier de réparation,<br />
il n’y a pas si longtemps, au<br />
niveau de l’ancienne ville « Rahbet<br />
<strong>El</strong> Djemal » (ex place des chameaux).<br />
Que devient-il<br />
aujourd’hui ? Renseignements pris<br />
par l’intermédiaire d’un ami<br />
connaisseur dans ce domaine, il<br />
s’est avéré que son propriétaire<br />
avait émigré en France après qu’il<br />
eut compris que son métier fut<br />
devenu la dernière roue de la charrette.<br />
Plus aucun avenir ici, alors qu’il<br />
avait pu dénicher des ateliers spécialisés<br />
dans ce genre de rétablissement<br />
ailleurs qu’en Algérie. À<br />
force de chercher, car nullement<br />
découragé, « le dernier des<br />
Mohicans » du traditionnel avait,<br />
enfin, découvert, le seul îlot de verdure<br />
dans cet immense désert. En<br />
effet, il existe à la cité Bab <strong>El</strong><br />
Kantara, nous précise-t-on, un<br />
magasin de vente, et de réparation<br />
de ces instruments dits classiques.<br />
Malheureusement, nous n’avons pu<br />
le rapprocher, cependant des<br />
connaisseurs nous avaient, en<br />
quelque sorte, brossé un tableau<br />
succinct de cet art, subséquemment,<br />
varié, riche qui a tendance à<br />
disparaître dans le temps si l’on ne<br />
s’intéresse pas et l’on n’encourage<br />
pas ces rares héritiers de notre<br />
patrimoine.<br />
« Son propriétaire, nous rapportaient-ils,<br />
Ferhat Hamoudi, expose<br />
même des instruments rarissimes<br />
durant du siècle dernier et qui<br />
avaient appartenu à des maîtres<br />
incontestés du malouf. La belle<br />
surprise ! D’autant mieux que<br />
Ferhat Hamoudi s’est spécialisé<br />
dans la collection d’instruments<br />
anciens tout en étant passionné de<br />
leur réparation et remise en état. »<br />
Les anciennes générations<br />
d’artistes n’ayant pas eu le réflexe<br />
ou l’intelligence de former une<br />
relève, Ferhat et son ami<br />
Abdelghani Bendjelloul, professeur<br />
à l’Ecole Nationale Supérieure<br />
(ENS), se sont intéressés à<br />
reprendre le flambeau. Abdelghani<br />
a eu la chance de travailler le bois<br />
spécial pour la conception des guitares<br />
et autres instruments à cordes<br />
alors qu’il se trouvait en Slovénie<br />
pour un stage de perfectionnement.<br />
Il s’est rendu compte que le<br />
métier est difficile, demande beaucoup<br />
de connaissance en la matière,<br />
de la précision, de l’amour, de la<br />
patience….Il a eu le coup de foudre<br />
lors de cette rencontre, accidentelle,<br />
avec les instruments de<br />
musique. Mus par leur passion<br />
commune, les deux amis se sont<br />
alors attelés à relever le défi malgré<br />
les grandes difficultés.<br />
Parmi celles-ci, la non disponibilité<br />
de la matière première. En<br />
effet, il n’existe pas sur le marché<br />
national, le bois spécial de riz pour<br />
la fabrication de ces instruments de<br />
musique. Le seul endroit où l’on<br />
peut en dénicher, en pleine nature,<br />
se trouve dans les Aurès, près de<br />
<strong>mardi</strong> <strong>20</strong> novembre <strong>20</strong>12 EL <strong>ACIL</strong> - 07<br />
histoire<br />
CHoses vues et véCues de notre pAtriMoine<br />
Ils veulent sauver le malouf<br />
Les derniers Mohicans de la ville des ponts Ferhat Hamoudi et Abdelghani Bendjelloul<br />
Batna. Et encore, cet arbuste<br />
n’existe qu’en petite quantité. Il a<br />
même tendance à disparaître par<br />
manque d’entretien et de culture.<br />
Les troncs, une fois traités, permettent<br />
d’obtenir le meilleur bois qui<br />
soit pour la résonance et la longévité<br />
de l’instrument.<br />
Autre problème, l’indisponibilité<br />
de cette matière spéciale qui sert à<br />
juxtaposer le bois découpé en<br />
lamelles. Il y a également le<br />
manque de ce liquide permettant de<br />
donner aux instruments leur aspect<br />
brillant et si particulier. Des<br />
entraves qui ne découragent nullement<br />
Ferhat Hamoudi et<br />
Abdelghani Bendjellkoul. Ils sont<br />
tellement mordus que leur courage<br />
et leur patience sont à saluer.<br />
Le propriétaire, nous dit un ami,<br />
de cet humble et circonspect atelier<br />
dénommé « <strong>El</strong> Andalib », le<br />
Rossignol, précise que son magasin<br />
ne désemplit point. Car il y a non<br />
seulement les amateurs, mais il y a<br />
aussi les touristes de passage et qui<br />
sont à la recherche de l’ancien,<br />
comme la guitare du regretté<br />
« Krikri », celle de Raymond et<br />
autres figures emblématiques. En<br />
plus des nostalgiques et des amoureux<br />
du malouf, il y a aussi tous les<br />
jeunes qui découvrent, qui questionnent,<br />
qui apprécient…. Non, le<br />
malouf n’est peut-être pas mort à<br />
Constantine !?<br />
* Amar MEZGHICHE