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La nuit tombait sur Westbourne Grove. Une jeune femme qui portait un manteau bien<br />
trop grand pour elle vint s’asseoir sur le banc devant l’arrêt du bus.<br />
– Vous avez froid ? demanda-t-elle.<br />
– Non, ça va, répondit Mathias.<br />
– Vous n’avez pas l’air dans votre assiette.<br />
– Il y a des dimanches comme ça.<br />
– J’en ai connu beaucoup, dit la jeune femme en se levant.<br />
– Bonsoir, dit Mathias.<br />
– Bonsoir, dit la jeune femme.<br />
Il la salua d’un signe de tête, elle fit de même et grimpa dans l’autobus qui venait<br />
d’arriver. Mathias la regarda partir, se demandant où il avait bien pu la rencontrer.<br />
*<br />
Après le dîner, les enfants s’étaient endormis sur le canapé, épuisés de leur après-midi<br />
au parc. Antoine les avait portés jusque dans leur lit. De retour dans le salon, il pr<strong>of</strong>itait d’un<br />
moment de calme. Il remarqua le portefeuille de Mathias, oublié dans la coupelle qui servait<br />
de vide-poches. Il l’ouvrit et tira lentement sur l’angle d’une photo qui dépassait. Sur ce<br />
portrait froissé par les années, Valentine souriait les mains posées sur son ventre rond ;<br />
témoignage d’un autre temps. Antoine remit la photo en place.<br />
*<br />
Yvonne entra dans la douche et ouvrit le robinet. L’eau ruissela sur son corps. Antoine<br />
avait sauvé son service, par moments elle se demandait ce qu’elle ferait s’il n’était pas là<br />
celui-là. Elle repensa à ses saumons cuits à la vapeur du lave-vaisselle et se mit à rire toute<br />
seule. Une quinte de toux calma rapidement l’ardeur de son fou rire. Épuisée mais de bonne<br />
humeur, elle coupa l’eau, enfila un peignoir et alla s’allonger sur son lit. La porte au fond du<br />
couloir venait de se refermer. La jeune fille à qui elle avait prêté la chambre au bout du<br />
palier devait être rentrée. Yvonne ne savait pas grand-chose d’elle, mais elle avait pour<br />
habitude de se fier à son instinct. Cette petite avait juste besoin d’un coup de pouce pour<br />
s’en sortir. Et après tout, elle y trouvait son compte. Sa présence lui faisait du bien ; depuis<br />
que John ne tenait plus la librairie, le poids de la solitude se faisait ressentir de plus en plus