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Mes amis mes amours - Index of

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contenta de demander, d’une voix vulgaire, pour combien d’heures elle souhaitait disposer<br />

d’une chambre. La jeune fille demanda le prix des locations à la semaine, elle n’avait pas<br />

beaucoup d’argent mais elle promettait de payer son dû chaque jour. L’homme reposa son<br />

journal et la regarda. Elle avait belle allure. Lèvres pincées, il expliqua que son établissement<br />

n’<strong>of</strong>frait pas ce genre de prestation, mais il pouvait la dépanner… d’une façon ou d’une autre,<br />

il y avait toujours moyen de s’arranger. Quand il posa sa main sur son cou, elle le gifla.<br />

Enya marchait, les épaules lourdes, haïssant cette ville où tout lui manquait. Ce matin,<br />

son logeur l’avait chassée, elle n’avait pas acquitté son loyer depuis un mois.<br />

Les soirs de solitude, et ils étaient nombreux, Enya se remémorait la texture d’un sable<br />

chaud et fin qui glissait entre ses doigts quand elle était enfant.<br />

Drôle de destin que celui d’Enya ; toute son adolescence, elle, qui avait manqué de<br />

tout, avait rêvé de connaître ne serait-ce qu’un seul jour, une seule fois, le sens du mot<br />

« trop » et aujourd’hui, c’en était trop.<br />

Elle avança au bord du trottoir et regarda le bus à impériale qui remontait l’avenue à<br />

grande vitesse ; la chaussée était humide, il suffisait de faire un pas, un tout petit pas. Elle<br />

inspira pr<strong>of</strong>ondément et se lança en avant.<br />

Une main solide l’agrippa par l’épaule et la fit vaciller en arrière. L’homme qui la tenait<br />

dans ses bras avait l’allure d’un gentleman. Enya tremblait de tout son corps, comme au<br />

temps des grandes fièvres. Il ôta son manteau et lui en recouvrit les épaules. Le bus marqua<br />

l’arrêt, le chauffeur n’avait rien vu. L’homme grimpa à bord avec elle. Ils traversèrent la ville,<br />

sans rien se dire. Il l’invita à partager un thé et un repas. Assis près d’une cheminée dans un<br />

vieux pub anglais, il prit tout le temps d’écouter son histoire.<br />

Quand ils se séparèrent, il ne la laissa pas le remercier ; il était d’usage dans cette ville<br />

de veiller aux piétons qui traversaient la rue. Le sens de la circulation différait du reste de<br />

l’Europe et bien des accidents étaient évités avec un peu de citoyenneté. Enya avait retrouvé<br />

le sourire. Elle lui demanda son nom, il répondit qu’elle trouverait sa carte dans la poche du<br />

manteau qu’il lui laissait bien volontiers. Elle refusa, mais il jura que c’était lui rendre un<br />

immense service. À son tour de lui faire une confidence. Il détestait ce pardessus, sa<br />

compagne l’adorait, alors l’avoir bêtement oublié sur un portemanteau… elle lui pardonnerait<br />

bien vite. Il lui fit promettre de garder le secret. L’homme s’éclipsa aussi discrètement qu’il<br />

était apparu. Un peu plus tard, lorsqu’elle mit ses mains dans les poches du manteau, elle ne<br />

trouva pas de carte de visite, mais quelques billets qui lui permettraient de dormir au chaud,<br />

le temps de trouver une solution pour s’en sortir.<br />

*<br />

Mathias raccompagnait un client, il courut vers son comptoir pour décrocher le<br />

téléphone.<br />

– French Bookshop, j’écoute ?

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