Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
d’une journaliste qui devait déjà l’attendre.<br />
*<br />
Audrey patientait devant la porte principale du Royal Albert Hall. Ce soir, on y donnait<br />
un concert de gospel. Elle avait pu obtenir deux billets, les places étaient situées dans<br />
l’arène, l’endroit le plus prisé du grand hémicycle. Sous son imperméable serré à la taille, elle<br />
portait une robe noire, décolletée, simple et élégante.<br />
*<br />
Antoine passait devant la vitrine accompagné des deux enfants. Mathias fit semblant de<br />
se replonger dans son livre de comptes, attendit qu’ils aient remonté la rue, avança jusqu’au<br />
pas de la porte pour vérifier que la voie était libre, et retourna le panonceau. Il ferma à clé et<br />
courut dans la direction opposée. Il sauta dans un taxi arrêté devant l’entrée du métro de<br />
South Kensington et tendit le papier sur lequel il avait griffonné l’adresse de son rendez-vous.<br />
Il appela Audrey en vain, son portable ne répondait pas.<br />
La circulation était si dense sur Kensington High Street que les voitures y roulaient au<br />
pas depuis Queen’s Gate. Le chauffeur de taxi informa poliment son passager qu’un concert<br />
devait avoir lieu au Royal Albert Hall, c’était certainement ce qui causait un tel<br />
embouteillage. Mathias lui répondit qu’il s’en doutait un peu puisque, précisément, il s’y<br />
rendait. Ne tenant plus en place, Mathias acquitta le montant de la course et décida de faire<br />
le reste du chemin à pied. Il se mit à courir aussi vite qu’il le pouvait et arriva essoufflé<br />
devant l’entrée principale. Le hall du grand théâtre était désert. Seuls quelques agents de<br />
contrôle s’y attardaient encore. L’un d’eux l’informa que le spectacle avait commencé. À<br />
grand renfort de gestes, Mathias tenta de lui expliquer que la personne qui l’accompagnait<br />
était dans la salle. En vain. On ne pouvait pas le laisser entrer sans ticket.<br />
Une vendeuse de program<strong>mes</strong> qui parlait français vint à son secours. Enya assurait un<br />
remplacement. Elle lui dit que le rideau retombait en principe aux alentours de minuit. Il lui<br />
acheta un programme et la remercia.<br />
Impuissant, Mathias décida de rentrer. Dans la rue, il reconnut le taxi qui l’avait déposé,<br />
leva la main, mais la voiture poursuivit sa route. Il laissa un <strong>mes</strong>sage sur le portable<br />
d’Audrey, balbutiant quelques mots d’excuse maladroits, et perdit le peu de sang-froid qui lui<br />
restait quand la pluie se remit à tomber. Trempé, en retard, il arriva chez lui.<br />
Emily se leva du canapé pour venir embrasser son père.<br />
– Tu peux enlever ton imperméable, tu ruisselles sur le parquet ! dit Antoine depuis la<br />
cuisine.