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XV<br />
Dans le bureau du directeur de l’information, ce vendredi matin, Audrey apprit une<br />
nouvelle qui la rendit folle de joie. La rédaction de la chaîne, satisfaite de son travail, avait<br />
décidé d’accorder plus d’importance à son sujet. Pour compléter son reportage, elle devrait<br />
se rendre dans la ville d’Ashford où une partie de la communauté française s’était installée.<br />
Le mieux pour réaliser les interviews serait d’aller à la rencontre des familles, le samedi midi<br />
à la sortie des écoles. Audrey en pr<strong>of</strong>iterait aussi pour retourner certaines images<br />
inutilisables à cause d’une histoire à laquelle le directeur de l’information ne comprenait rien.<br />
De toute sa carrière, il n’avait jamais entendu parler d’un « viseur de caméra qui décadrait<br />
les plans », mais il fallait bien un début à tout… Un cameraman pr<strong>of</strong>essionnel la rejoindrait à<br />
Londres. Elle avait à peine le temps de rentrer chez elle pour faire sa valise, son train partait<br />
dans trois heures.<br />
*<br />
La porte s’était ouverte, mais Mathias n’avait pas jugé bon de quitter son arrièreboutique<br />
; à cette heure de la journée, la plupart des clientes qui attendaient l’heure de la<br />
sortie de l’école entraient chez lui pour feuilleter les pages d’un magazine et repartaient<br />
quelques minutes plus tard sans rien acheter. C’est quand il entendit une voix au timbre<br />
légèrement éraillé demander s’il avait le Lagarde et Michard édition XVIII e qu’il laissa tomber<br />
son livre et se précipita dans la librairie.<br />
Ils se regardaient, chacun surpris du bonheur de retrouver l’autre ; pour Mathias la<br />
surprise était totale. Il la prit dans ses bras et cette fois ce fut elle qui eut presque le vertige.<br />
Pour combien de temps était-elle là ?… – Pourquoi parler déjà de son départ alors qu’elle<br />
venait à peine d’arriver ?… – Parce que le temps lui avait paru très long… Quatre jours ici…<br />
c’était court… Elle avait la peau douce, il avait envie d’elle… – Elle avait dans la poche de son<br />
imperméable la clé de l’appartement de Brick Lane… – Oui, il trouverait un moyen de faire<br />
garder sa fille, Antoine s’en occuperait. – Antoine ?… – Un ami avec qui il était parti en<br />
vacances… mais assez parlé ! Il était si heureux de la voir, c’était sa voix à elle qu’il voulait<br />
entendre… – Il fallait qu’elle lui avoue quelque chose, elle avait un peu honte… mais d’avoir<br />
eu tant de mal à le joindre alors qu’il était en Ecosse… c’était difficile à dire… oh et puis<br />
autant l’avouer, elle avait fini par croire qu’il était marié, qu’il lui mentait… tous ces<br />
<strong>mes</strong>sages qui arrivaient toujours avant le dîner, et puis ensuite les silences des soirées… elle<br />
était désolée, c’était à cause des cicatrices du passé… – Bien sûr qu’il ne lui en voulait pas…<br />
au contraire, maintenant tout était clair, c’était bien mieux quand les choses étaient claires.<br />
Evidemment qu’Antoine savait pour eux deux, là-bas il n’avait pas cessé de parler d’elle… Et<br />
il mourait d’envie de la rencontrer… peut-être pas ce week-end, puisque leur temps était<br />
compté… il ne voulait être qu’avec elle. – Elle reviendrait en début de soirée, maintenant elle