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LES RUINES DE DETROIT - Artishoc

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Livret pédagogique<br />

Les ateliers du regard au Maillon-Wacken<br />

<strong>LES</strong> <strong>RUINES</strong> <strong>DE</strong> <strong>DE</strong>TROIT<br />

Exposition photographique d’Yves Marchand et Romain Meffre<br />

présentée au Maillon-Wacken<br />

Parc des Expositions, Place du Wacken à Strasbourg<br />

Exposition organisée par La Chambre, Le Maillon et la maison<br />

européenne de l’architecture-Rhin supérieur dans le cadre du festival<br />

Les journées de l’architecture et de St’art<br />

du 15 octobre au 10 décembre 2010<br />

du mardi au vendredi de 17h à 20h et tous les jours de représentation<br />

(samedi et dimanche inclus) de 14h à l’issue du spectacle<br />

Visites guidées et ateliers du lundi au vendredi<br />

Réservations Mélanie Bauré : melanie.baure@le-maillon.com / Tél : 03 88 27 61 85


I. Marchand et Meffre<br />

Yves Marchand et Romain Meffre sont deux jeunes photographes français qui, depuis 2001, réalisent en<br />

binôme un travail photographique autour de la thématique de la ruine offrant aux spectateurs des séries<br />

photographiques d’une grande qualité unanimement reconnues dans le monde de la photographie<br />

contemporaine.<br />

« A la base, nous avions un intérêt pour les lieux abandonnés en général, un vieux fantasme de gamins. » Yves<br />

Marchand<br />

« J’ai toujours aimé l’architecture et les bâtiments historiques ont quelque chose à raconter. »<br />

Romain Meffre<br />

Romain Meffre et Yves Marchand ont commencé à s’intéresser aux ruines chacun de leur côté en 2001. C’est<br />

quelque temps après avoir commencé à pratiquer la photographie qu’ils se rencontrent et commencent<br />

une visite systématique des bâtiments abandonnés de la région parisienne. À force de pratiquer et de visiter<br />

ces lieux, ils deviennent de plus en plus sensibles à la rareté et à la singularité des édifices historiques, en<br />

particulier ceux érigés au XIX e et XX e siècles, négligés et bien souvent menacés.<br />

« Les ruines sont toujours fascinantes, elles génèrent un mélange de curiosité et d’admiration. Les visiter, en<br />

tout cas au début, consiste en une forme de transgression, l’idée d’aller explorer des ruines est simplement<br />

excitante, c’est la découverte qui prime, l’idée d’aller mettre le pied là où personne ne va, ou en tout cas<br />

là où personne n’est censé allé, ça tient de la simple curiosité que n’importe qui possède depuis qu’il est<br />

un gamin. On y replace peu à peu notre goût pour l’architecture et l’histoire. C’est ludique, exotique et<br />

intéressant. »<br />

Peu à peu, Marchand et Meffre évoluent ensemble vers une rigueur, une manière de photographier, une<br />

vision commune.<br />

« Notre vision étant devenue au fil du temps très proche et nos sujets étant de toute manière les mêmes,<br />

il nous est paru plutôt logique de mettre en commun notre approche [...]. Beaucoup de photographes<br />

qui bossent à la chambre on besoin d’un assistant ; nous on s’assiste l’un l’autre, c’est certainement la<br />

manière la plus équitable et motivante qui soit de fabriquer une image. Bien sûr il y a des vues qui tiennent<br />

particulièrement à l’un ou à l’autre mais il suffit de les réaliser et en général on ne regrette pas de l’avoir<br />

fait. »<br />

Dès lors, ils n’auront de cesse de poursuivre leurs investigations en France d’abord, puis en Belgique, en<br />

Angleterre, en Espagne et en Italie. Cependant, un projet retient leur attention plus que les autres : les<br />

États-Unis et plus particulièrement la ville de Detroit. À Detroit, la ruine n’est plus un élément anecdotique<br />

mais un élément logique, presque naturel du paysage.<br />

« Nous avons aussi remarqué qu’en France, un bâtiment désert est systématiquement vandalisé, les meubles<br />

disparaissent vite pour être revendus sur des brocantes. Aux États-Unis, certains bâtiments à l’abandon<br />

sont grands ouverts et restent intouchés, on les retrouve tels qu’ils étaient lorsqu’ils étaient occupés. »


En 2005, après plusieurs mois de recherches, ils y font un voyage qui sera l’objet de leur première<br />

exposition.<br />

Ce projet mènera les deux photographes vers des commissariats désaffectés au sol jonché de dossiers et<br />

de photos, comme si le bâtiment venait d’être évacué à la hâte, vers des bibliothèques oubliées dont les<br />

milliers de livres éparpillés donnent l’illusion d’une mer de cendres, vers des théâtres à l’abandon dont les<br />

couleurs automnales sonnent autant le glas de la belle saison que le faste du passé....<br />

Dans ce travail, Marchand et Meffre tentent de conserver une lecture claire du lieu et de son volume, tout<br />

en respectant l’ambiance de l’endroit et le lieu lui-même. Pour ce faire, ils tentent aux mieux de se défaire<br />

du parti pris photographique privilégiant une composition trop personnelle dans le but de ne pas nuire<br />

à ce qu’ apporte le sujet en tant que tel. Aux yeux des deux photographes, cette démarche constitue un<br />

« jeu entre le parti pris assez objectif sur (leur) mise en scène et le décor au sens propre comme au figuré.<br />

La photo ne crée pas la dimension théâtral, c’est le sujet. »<br />

Leur premier livre Detroit, vestiges du rêve américain publié chez Steidl, sort à l’automne 2010.


Atrium, Farwell Building, Detroit<br />

Fisher Body 21 Plant, Detroit


II. Le contexte : Detroit<br />

Ce n’est pas par hasard que le travail d’Yves Marchand et Romain Meffre se concentre sur la ville de Detroit.<br />

Cette ville est un exemple de « Shrink city », ces villes ayant connu consécutivement un essor démographique<br />

fulgurant puis un exode massif de population. Il est donc important pour appréhender le travail des deux<br />

photographes de revenir sur l’histoire de la ville.<br />

Au début du XX e siècle, grâce à l’invention des chaînes d’assemblage, Detroit devient rapidement la<br />

capitale mondiale de l’automobile, et la 4 e plus importante ville du continent américain. « Motor City » a<br />

littéralement fabriqué ce qui allait devenir le modèle économique et industriel de nos sociétés modernes.<br />

Mais à partir des années 50, la désindustrialisation, la ségrégation et la désertion progressive de la ville<br />

pour les banlieues font passer la population de près de 2 millions à 800 000 habitants en une cinquantaine<br />

d’années à peine.<br />

Les ruines de Detroit offrent aujourd’hui une vision grandiose et terrifiante du déclin d’un véritable<br />

empire.<br />

Une croissance fulgurante de 1830 à 1950<br />

Au cours du XIX e siècle, les urbanistes, suivant la philosophie du « City Beautiful 1 » construisent à Detroit<br />

un certain nombre de bâtiments de style Beaux-Arts et Baroque. Vers la fin du siècle, la ville est alors<br />

surnommée le « Paris du Midwest » pour son architecture élégante et ses espaces publics ouverts.<br />

La situation stratégique de Detroit au cœur des voies navigables des Grands Lacs en fait un centre logistique.<br />

La ville grandit continuellement à partir de 1830 autour du transport lacustre, des chantiers navals et des<br />

industries manufacturières. En 1896, Henry Ford y construit sa première fabrique automobile dans un<br />

atelier situé sur Mack Avenue. En 1904, il fonde la Ford Motor Company. Ford, ainsi que d’autres pionniers<br />

de l’automobile comme William Crapo Durant, les frères Dodge, Packard, et Walter Chrysler contribuent<br />

alors au statut de capitale mondiale de l’automobile attribué à Detroit.<br />

Entre 1900 et 1930, la ville se développe de manière exponentielle. Sa population s’accroit rapidement,<br />

entrainée par le développement de l’industrie automobile, grâce à l’immigration européenne et aussi<br />

à la migration des populations (blanches et noires) du Sud des États-Unis. En trente ans, la population<br />

augmente de 265 000 à plus de 1,5 million d’habitants.<br />

La croissance fulgurante de la cité ne se fait pas sans sacrifices. L’ air et l’eau de la région sont pollués, et<br />

les rives du lac sont outrancièrement industrialisées et interdites aux résidents. Des taudis se développent<br />

dans plusieurs quartiers, en particulier la partie est, de plus en plus peuplée par les Afro-Américains, dès<br />

1920. La tension raciale entre les résidents noirs et blancs mène dès 1943 à des émeutes particulièrement<br />

violentes qui coûteront la vie à 34 personnes. Les Blancs pauvres s’opposent aux Noirs avec qui ils sont en<br />

concurrence sur un marché du travail organisé de façon à exclure les Africains-Américains des postes à<br />

responsabilités (donc mieux rémunérés) au sein des usines et leur interdire toute forme d’avancement et<br />

d’évolution de carrière.<br />

1 City beautiful : le City Beautiful est un mouvement architectural et urbanistique qui se développa dans les années 1890 et<br />

1900 en Amérique du Nord. La recherche de la beauté dans une finalité sociale et civique anime cette tendance. Les tenants<br />

du City Beautiful sont imprégnés du style de l’école des Beaux-Arts qui insistait sur l’ordre, la dignité et l’harmonie. Les formes<br />

retenues sont celles du néoclassicisme. D’autres villes s’inspirèrent des théories du City Beautiful pour rénover leur plan (Chicago,<br />

Cleveland, Montréal, Denver, San Francisco).


Le déclin de la croissance démographique<br />

En 1950, la population atteint son niveau le plus élevé, avec 1 849 568 habitants. Par la suite ce nombre<br />

a tendance à diminuer, en raison du nouveau système d’Interstate highway 1 permettant à des résidents<br />

d’emménager en banlieue et d’aller au travail en voiture.<br />

Au cours de la deuxième moitié du siècle, la ville connait une évolution exactement inverse de celle qu’elle<br />

a connu depuis 1830 : entre 1950 et 2000, Detroit perd près de 900 000 habitants.<br />

Tandis que la population blanche de la ville diminue après 1950, sa population noire continue à se<br />

développer. Suite à une descente de police dans un bar illégal célébrant le retour de combattants afroaméricains<br />

revenus du Vietnam, des émeutes éclatent le 23 juillet 1967 dans la partie est de la ville, la<br />

population noire s’insurgeant du harcèlement policier sur les habitants du quartier. Ce sont les émeutes<br />

les plus sanglantes et les plus destructrices de l’histoire des États-Unis, avec 43 morts, 1189 blessés, plus de<br />

7000 arrestations et 2 000 bâtiments détruits.<br />

La réputation de la ville s’en ressent et la population blanche quitte massivement la ville. Au début des<br />

années 1970, la population reste majoritairement constituée d’Afro-Américains et en 1973 le premier maire<br />

noir de la ville, Coleman Young, est élu. Young, membre de la gauche du parti démocrate, est un homme<br />

controversé. Tandis qu’il est apprécié d’une grande partie des habitants noirs de la ville, il est impopulaire<br />

parmi les blancs et les hommes d’affaires. La tendance démographique et le déclin économique de la ville<br />

continuent sous son mandat, qui s’achève en 1993.<br />

Malgré la politique de revitalisation de certains quartiers et la gentrification 2 en cours, la tendance à la<br />

baisse continue toujours aujourd’hui (-3,4 % entre 2000 et 2006).<br />

1 Autoroutes interurbaines<br />

2 Gentrification : (de gentry, « petite noblesse » en anglais) est un phénomène urbain d’embourgeoisement. C’est le processus<br />

par lequel le profil économique et social des habitants d’un quartier se transforme au profit exclusif d’une couche sociale<br />

supérieure.


Évolution de la population de Detroit<br />

Année Nombre d’habitants Année Nombre d’habitants<br />

1840 9102 1930 1 568 662<br />

1850 21 019 1940 1 623 452<br />

1860 45 619 1950 1 849 568<br />

1870 79 577 1960 1 670 144<br />

1880 116 340 1970 1 511 482<br />

1890 205 876 1980 1 203 339<br />

1900 285 704 1990 1 027 974<br />

1910 465 766 1991 951 270<br />

1920 993 078 1992 918 849<br />

Sources : www.wikipedia.org<br />

Scène d’émeute à Detroit en 1943<br />

La migration économique dans<br />

les années 1940 aux États-Unis


III. Les inspirations<br />

La fascination qu’exerce la ruine s’inscrit dans une tradition qui tire ses racines dans l’Histoire des Arts et<br />

qui perdure aujourd’hui au travers de mouvances urbaines. Yves Marchand et Romain Meffre, en dignes<br />

héritiers de ces courants, citent dans leurs inspirations aussi bien des photographes ayant marqué l’histoire<br />

de la photographie tels les Becher que des photographes contemporains comme Henk van Rensbergen.<br />

1. Un mouvement contemporain<br />

L’exploration urbaine<br />

Origines et définition<br />

L’exploration urbaine ou urbex, au sens figuré, vient de la traduction littérale de l’expression Urban<br />

Exploration, mouvement créé dans les années 90 et désigne une activité consistant à visiter des lieux,<br />

abandonnés ou non, en général interdits, ou tout du moins difficile d’accès. Cette expression devient<br />

populaire dans le milieu cataphile 1 à la fin des années 90, par le biais de reportages télévisuels. Elle marque<br />

le début de la diversification de la visite de friches en région parisienne.<br />

L’explorateur urbain apprécie la solitude des espaces situés en dehors des zones d’activité et de passage<br />

conçues comme telles : ainsi, la visite guidée de la nef d’une cathédrale sera remplacée par l’exploration<br />

nocturne de ses toits, les usines abandonnées deviennent un terrain de jeu, etc.<br />

En France, la région parisienne est propice à cette activité (métro, nombreux chantiers, usines, hôpitaux et<br />

autres bâtiments abandonnés, toits d’immeubles, monuments, souterrains, etc.). L’Australie, les États-Unis<br />

et les pays anglo-saxons d’une manière générale comptent également des communautés importantes de<br />

pratiquants.<br />

Centres d’intérêt des explorateurs urbains<br />

L’exploration urbaine est un ensemble de pratiques, dont les motivations peuvent être très éloignées.<br />

Certains seront portés sur le patrimoine, l’ancien et l’abandonné, pour d’autres se sera la maîtrise de la<br />

ville moderne et de ses coulisses. La photographie est également une motivation importante. Les groupes<br />

se forment bien souvent autour d’une de ces pratiques. En France plus qu’ailleurs la spécialisation des<br />

pratiquants est très forte : certains ne vont que dans les catacombes, d’autres ne font que des toits ou des<br />

visites du métro.<br />

1 Cataphile : est qualifié de cataphile tout individu qui pénètre dans les galeries d’inspection des anciennes<br />

carrières souterraines de Paris (parfois confondues avec les catacombes) et en parcourt les galeries. Les<br />

motivations cataphiles sont très diverses : sont souvent avancées l’intérêt historique, le besoin de solitude, le<br />

goût de l’interdit, l’attrait du monde minéral, etc.


2. Une tradition de l’esthétique de la ruine dans les arts<br />

De la Renaissance, fascinée par l’antique, au Romantisme, avide d’images des civilisations grandes<br />

et éteintes, d’inattendues rencontres entre fleurs sauvages et vieilles voûtes romanes, la peinture et la<br />

littérature se font le relais du goût pour la ruine. S’intéresser à la ruine, la regarder en tant que telle, l’exalter<br />

ou la conserver, la protéger de dégradations ultérieures implique sinon un sentiment du patrimoine en tout<br />

cas une valorisation de l’Antiquité qui sont historiquement datés. Cette tendance ferait son apparition à<br />

l’époque de la proto-Renaissance (XI e , XII e siècles) qui se distingue par son intérêt antiquisant pour les ruines<br />

de la Rome classique, encore abandonnées aux herbes folles ou comblées et occupées par les habitants<br />

(les arches du Colisée étaient colonisées par des habitations, des ateliers, des entrepôts, de même que le<br />

Circus Maximus ou le théâtre de Pompée, qu’occupaient marchands et tavernes).<br />

Un intérêt plus général et plus organisé pour les ruines se révèle au Quattrocento. Un nouveau regard<br />

« métamorphose les édifices antiques en objets de réflexion et de contemplation » (F. Choay). La peinture<br />

de Poussin et du Lorrain découle de cette nouvelle optique, qui intègre la ruine dans un monde idyllique.<br />

Au XVII e siècle, la peinture des ruines devient de fait un genre consacré, qui a ses recettes. : colonnes, arches,<br />

arc de triomphe éboulé, restes de temples, etc. Une image de la ruine antique qui apparait aussi bien dans<br />

les scènes mythologiques que dans les scène historiques.<br />

Aux XVIII e et XIX e siècles, la perspective change quelque peu : le goût de la ruine s’étend à toute ruine,<br />

toute époque. Tout vestige vaut en tant que tel, qu’il soit celui d’une rotonde grecque ou d’un baptistère<br />

gothique. C’est le corollaire du goût de l’époque pour l’exotisme, et sa tendance au relativisme historique.<br />

On valorise la ruine en tant que stimulant de la méditation, de la rêverie. Diderot en énonce la poétique :<br />

« L’effet de ces compositions, bonnes ou mauvaises, c’est de vous laisser dans une douce mélancolie. Nous<br />

attachons nos regards sur les débris d’un arc de triomphe, d’un portique, d’une pyramide, d’un temple, d’un<br />

palais, et nous revenons sur nous-mêmes. Nous anticipons sur les ravages du temps, et notre imagination<br />

disperse sur la terre les édifices mêmes que nous habitons. À l’instant, la solitude et le silence règnent<br />

autour de nous. Nous restons seuls de toute une génération qui n’est plus ; et voilà la première ligne de la<br />

poétique des ruines. »<br />

Comme le remarque Roland Mortier (La Poétique des ruines en France, 1974), « la méditation de Diderot se<br />

veut ici plus prospective que rétrospective. La ruine fait moins rêver sur ce qui fut que sur ce qui sera ou<br />

plus exactement sur ce qui ne sera plus [...]. La rêverie sur les ruines était une mémoire, la voici devenue<br />

une anticipation. »<br />

Un temple en ruines par De Machy,<br />

Musée du Louvre


3. Des précurseurs dans l’histoire de la photographie<br />

Bernd Becher, Siegen (Allemagne), 1931 - Hilla Becher, Potsdam<br />

(Allemagne), 1934<br />

Bernd Becher est né en 1931 à Siegen dans une région minière. Après un apprentissage de peintre<br />

décorateur, il étudie la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Stuttgart. Il peint les paysages de sa région<br />

natale avant de recourir pour la première fois à la photographie en 1957 pour faire le portrait d’une mine<br />

en cours de démolition.<br />

Née en 1934 à Potsdam, Hilla Becher, photographe de formation, quitte Berlin Est pour suivre sa carrière<br />

professionnelle en Allemagne de l’Ouest. Elle devient responsable du laboratoire photographique de<br />

l’Académie de Düsseldorf.<br />

Bernd et Hilla Becher se rencontrent en 1959, l’année où débute leur collaboration avec une série de<br />

photographies de mines et maisons ouvrières de la zone industrielle de Siegen. Leur travail est tout d’abord<br />

estimé par les ingénieurs et théoriciens de l’architecture.<br />

En 1969, l’exposition Sculptures anonymes, de Bernd et Hilla Becher, est organisée simultanément avec une<br />

rétrospective de l’art minimal américain. De nombreux commentaires soulignent des affinités entre les<br />

deux projets, notamment la sobriété des formes et la présentation en série. Reconnus depuis par le milieu<br />

de l’art, les photographes sont souvent apparentés aux artistes conceptuels.<br />

Bernd Becher ouvre la première classe de photographie artistique en 1976 qu’il dirige jusqu’en 1996.<br />

Candida Höfer, Thomas Ruff, Thomas Struth et Andreas Gursky comptent parmi ses élèves.<br />

Inclassable, l’œuvre de Bernd et Hilla Becher s’inscrit à la fois dans l’histoire de la photographie documentaire<br />

des années 20 et l’art conceptuel des années 70. C’est précisément cette tension entre recherches formelles<br />

et préoccupations documentaires qui explique, en partie, une reconnaissance tardive.<br />

Haut fourneau, 1979<br />

Châteaux d’eau, 1970-1998


4. Un précurseur de la photographie d’exploration urbaine<br />

Henk Van Rensbergen, Bruxelles (Belgique), 1968<br />

Muni de son appareil équipé d’un retardateur pour mieux soigner ses prises de vue, Henk Van Rensbergen<br />

parcourt depuis trente ans des bâtiments abandonnés, maisons, théâtres, usines, hôpitaux désaffectés. Il y<br />

saisit les vestiges du passé comme pour les faire revivre et pour rappeler à chacun leur histoire.<br />

Mélancoliques, les messages qu’il souhaite faire passer sont multiples. Dans les pays industrialisés où<br />

aujourd’hui ces bâtiments sont laissés pour compte, le photographe interpelle le public sur le rôle social,<br />

politique et économique de ces abandons.<br />

Il attire également l’attention du spectateur sur ces lieux où la souffrance s’est incrustée dans les murs : les<br />

hôpitaux et la maladie, les usines et les âpres conditions de travail. Tout est là pour témoigner du passé.<br />

L’essentiel est pour lui le respect qu’il porte aux lieux qu’il visite. Il s’émeut des vandales qui violent ces lieux<br />

en leur enlevant petit à petit leurs âmes, en dérobant les matériaux parties intégrantes des bâtiments.<br />

Sans titre, série Le Valdor, Belgique, 2000


IV. Photographes abordant le même sujet<br />

La ruine constitue un sujet auquel de nombreux photographes se sont consacrés. Ne pouvant être<br />

exhaustifs sur le sujet, il nous semble cohérent de présenter Stéphane Couturier, une des figures les plus<br />

reconnues dans le domaine, et Guillaume Chamahian dont la série Chaos est actuellement exposée à la<br />

galerie La Chambre.<br />

Stéphane Couturier, Paris (France), 1957<br />

Exposé pour la première fois en 1994 à la galerie Polaris (Paris), Stéphane Couturier est immédiatement<br />

remarqué avec ses clichés relevant de l’archéologie urbaine (titre de sa première série). Dans la lignée<br />

de Charles Scheeler, des Becher, de Thomas Struth, Beat Streuli […], le photographe s’attache aux<br />

développements urbains et aux métamorphoses des bâtiments depuis le XIX e siècle.<br />

Réalisée à la chambre, l’œuvre de Stéphane Couturier – entre documentaire et plasticité - met en avant<br />

des chantiers, des façades d’immeubles, des coins plus ou moins abandonnés par les urbanistes… Avec<br />

élégance, le photographe réussit à mettre à nu les « tripes de la ville » ; que ce soit celles de Berlin, Dresde,<br />

Paris ou La Havane.<br />

Au début de sa pratique, il se concentre sur les centres-villes, puis, à la fin des années 1990, se penche sur<br />

les extensions des mégalopoles. Pour sa série Monuments (1997-2000), il s’intéresse aux tours d’habitation<br />

de Séoul et Moscou, dans Lanscaping (2001-) à Tijuana et San Diego…<br />

Le photographe français aborde sa pratique comme un peintre le fait avec ses toiles. Le grand format et<br />

l’écrasement de la perspective de ses compositions contribuent généralement à procurer cette impression.<br />

Jamais, le regardeur n’est confronté à un espace banal ; il est toujours face à un lieu peuplé d’éléments aussi<br />

divers qu’inhabituels. Ici et là, il découvre des échafaudages, des bulldozers, des façades sans bâtiment<br />

derrière, des structures métalliques de chantiers, etc.<br />

En 2003, il remporte le Prix Niepce.<br />

Usine Menier, Noisiel, 1994


Guillaume Chamahian, Marseille (France), 1975<br />

D’abord intéressé par la ville en elle même, sa structure et la manière dont ces habitants évoluent dans<br />

l’espace, Guillaume Chamahian se passionne dans un second temps pour l’eschatologie, l’étude de la fin<br />

des hommes et du monde, un théme obsessionnel chez lui. Il s’attache en particulier à mettre en lumière<br />

la tragédie humaine sur fond d’esthétique. Si le souci plastique dans la fabrication de l’image semble<br />

l’emporter sur la position philosophique, il presse pourtant le spectateur à s’interroger sur le sens profond<br />

d’un va et vient constant de l’humanité entre construction et destruction. Les habitations en déliquescence,<br />

les immeubles entiers abandonnés, les tours de béton en cours de construction affichant des dimensions<br />

démesurées signe d’une imprudence et d’un orgueil évident.<br />

Guillaume Chamahian photographie les traces de l’absurdité d’un affrontement : celui d’une nature<br />

qui reprend constamment le dessus sur les fragiles intentions de l’homme. Dans ses images, l’homme<br />

créateur/destructeur n’est déjà plus là. Ces photographies aux atmosphères inquiétantes prennent dans<br />

leur succession la valeur d’un état des lieux de ce monde avant ou après le chaos....<br />

Sans titre, série Chaos, 2008


À VOIR !<br />

Dans le cadre du festival des Journées de l’architecture<br />

• CHAOS<br />

Photos de Guillaume Chamahian<br />

8 octobre - 7 novembre 2010<br />

La Chambre<br />

• TABLE RON<strong>DE</strong><br />

"l’esthétique de la ruine"<br />

29 octobre 2010 - 18h<br />

La Chambre<br />

+ d’infos :<br />

www.la-chambre.org<br />

www.ja-at.eu<br />

Sans titre, série Chaos, 2008


Les ateliers<br />

Ateliers pédagogiques<br />

Atelier 1<br />

Les participants auront à choisir et à réaliser un croquis au crayon des grandes lignes de l’architecture d’un<br />

des espaces photographiés par Yves Marchand et Romain Meffre.<br />

ils devront dans un second temps faire un bond dans le temps en imaginant cet espace à son heure de<br />

gloire. Par l’utilisation de la couleur, ils pourront restaurer cet édifice, le remeubler et enfin le repeupler afin<br />

de lui redonner vie.<br />

Atelier 2<br />

Chaque participant incarnera une personne seule, déambulant dans les ruines de Detroit. En se replacant<br />

dans le passé, dans le présent ou dans le futur, ils décriront leur périple dans cinq ruines qu’ils auront<br />

choisit au préalable, en décrivant les lieux et en narrant les évènements qui ont conduit à cette état de<br />

délabrement.<br />

Visite guidée + atelier<br />

Durée : 2h<br />

Âge Atelier 1 : à partir de 12 ans<br />

Atelier 2 : à partir de 7 ans<br />

Possibilité de goûter sur place<br />

Tarifs : 4 euros par personnes<br />

Nombre de participants : à partir de 7 personnes<br />

Visite guidée simple<br />

Durée : 45mn<br />

Âge : adultes et enfants<br />

Tarifs : 3 euros par personnes<br />

Nombre de participants : à partir de 7 personnes


Sources<br />

http://www.galerie-photo.com/yves-marchand-romain-meffre.html<br />

http://www.maisonapart.com/edito/autour-de-l-habitat/architecture-patrimoine/industria-quand-lesruines-industrielles-racontent-598.php<br />

www.wikipedia.org<br />

http://ipr.univ-paris1.fr/spip.php?article429<br />

http://filiation.ens-lsh.fr<br />

http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-photocontemporaine/ENS-<br />

PhotoContemporaine<br />

http://www.finearttv.tv/fr/fine-art/decouverte/henk-van-rensbergen-the-silence-of-the-past<br />

Source : http://arts.fluctuat.net/stephane-couturier.html<br />

http://www.guillaume-c.com/fr


Contacts & infos<br />

contact pour ateliers de groupes<br />

Mélanie Bauré : 03 88 27 61 85<br />

melanie.baure@le-maillon.com<br />

conception de l’atelier et rédaction<br />

Nicolas Bender<br />

Émeline Dufrennoy<br />

La Chambre<br />

4, place d’Austerlitz<br />

67000 Strasbourg<br />

03.88.36.65.38<br />

remerciements<br />

à toute l’équipe du Maillon<br />

La Chambre est soutenue par la Ville de Strasbourg, la DRAC Alsace et le<br />

Département du Bas-Rhin<br />

Le Maillon, Théâtre de Strasbourg est subventionné par : la Ville de Strasbourg et la<br />

Communauté Urbaine, le Ministère de la Culture et de la Communication, Drac Alsace<br />

Partenaires médias : les Inrockuptibles, FIP, DNA, France 3 Alsace<br />

Ce livret est édité suite à l’exposition<br />

d’Yves Marchand et Romain Meffre présentée du 15 octobre au 10 décembre 2010 au Maillon-Wacken

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