Bravo Lavaux!

REGIONAL P 15 Date 14.09 N C M J
Livres
Les points forts de la rentrée littéraire
par Martine Thomé
Jeudi 13 - vendredi 14 septembre 2007 - No 387
Découvrir le monde, son histoire, soi-même, à travers un livre : un plaisir à ne jamais se refuser.
Triompher de l’abandon
Telle une abeille • Isabelle Girard
Un premier roman, inspiré d’une histoire véridique. Une
fillette de 5 ans est abandonnée par sa mère sur un trottoir
de Rio de Janeiro. Son instinct de survie et son courage lui
donnent la force d’affronter des situations parfois cocasses,
souvent très dures. Car les enfants des rues sont des garçons
plus âgés qui la repoussent. Elle finit par aider aux travaux
de jardin dans une villa. Une chance qui la mènera à l’école
où, très douée, elle rattrape son retard et termine ses études
tout en oeuvrant comme bonne dans la villa. Un mariage à
18 ans, un bébé puis la solitude à nouveau. Elle finira par
fonder dans les années 90, au nord de Rio, un orphelinat où
elle abrite une cinquantaine d’enfants dans des conditions
matérielles très précaires, mais dans une atmosphère très
chaleureuse. Un univers fort prenant qui ne s’oublie pas.
La confusion des genres
Un bras dedans, un bras dehors • Emmanuelle Peslerbe
Elisa attend la visite d’un expert, Philippe Dumont, envoyé
par l’assurance pour constater des dégâts d’eau. Il arrive,
c’est une femme, Mme Yo, collègue de Philippe, aux apparences
assez masculines. Troublée, Elisa pense qu’il s’est
déguisé en femme. Elle lui écrit alors pour lui assurer qu’elle
l’a reconnu et que sa clandestinité l’a réjouit. Philippe,
homme rangé et marié, est d’abord furieux. Peu à peu, le
doute le gagne, il remet tout en cause, se rase les jambes... et
se pose des questions sur la véritable identité de Mme Yo.
Elisa entretient sa correspondance avec lui. Qu’en est-il
vraiment des deux sexes ? Peu à peu, tous deux glissent en
pensées vers ce qu’ils ne sont pas. Ce premier roman est
traité de manière ironique et fort comique. C’est drôle et
étonnant. Une façon originale de parler d’un problème
devenu ouvertement d’actualité avec les Gay Pride.
Editions du Rouergue
Dérouler sa vie devant soi
Divan • Martha Medeiros
Editions du Fallois
Attention: souvenirs fragiles
Un portefeuille toulousain • Michel Zink
Toulouse, 1956. Madeleine Piron-Blanchet, conservatrice
du Musée Dupuy, visite l’ancien bordel fermé depuis la
Libération et attenant au musée. Ces locaux, réservés au
Allemands et à leurs amis pendant l’Occupation, doivent
agrandir ce dernier. Elle y découvre un portefeuille avec une
carte au nom du Commandant de Cantelou, frère de son
amie, tué à la Libération pour collaboration. Madeleine
finit par remettre le portefeuille à sa soeur, partagée entre la
honte et le chagrin, sans l’avoir fouillé. Elles y trouvent les
papiers d’identité de X, ministre en exercice en 1956 et un
mystérieux papier froissé. Tout le roman tourne autour de
ce papier et de la présence de X, grand Résistant, dans ce
lieu. Tout s’enchaîne et s’entremêle. Chacun veut comprendre
le rôle des autres. Passionnant comme un bon policier.
Editions du Fallois
Mercedes, mariée, mère de trois adolescents, enseignante et
peintre, éprouve au milieu de sa vie le besoin de voir plus
clair en elle-même. Elle va donc se confier à un psy qui reste
quasi muet pendant qu’elle parle, allongée sur le fameux
divan. On découvre sa vie, ses amours, ses passions, sa
sexualité, mais aussi ses sentiments maternels, sa loyauté, sa
fidélité envers les autres et elle-même, ses amitiés. Bref, tout
ce qui compose une vie. Au fur et à mesure de ses visites qui
durent trois ans, elle se remet en cause et ira jusqu’à divorcer.
Perdant ainsi tous ses repères, elle mettra longtemps à
assumer cette solitude. Et finira par comprendre qu’elle ne
sera jamais libre et accepte enfin de cohabiter avec ses
inquiétudes qui font d’elle ce qu’elle est vraiment. Un livre
tendre et sensible qui a fait un tabac à sa sortie au Brésil
(plus de 80’000 exemplaires vendus), en 2002.
Traduit du brésilien par Marcia Corban
Editions Anna Carrière
Histoire de famille
Sous l’aile de la Petacci • Gilbert Pingeon
L’histoire de cette famille, le grand-père, le père, la mère et
la petite Aurélie, est contée soit par le père soit par la fillette.
Celle-ci, douée d’une excellente mémoire, note les formules
employées par les adultes et prend plaisir à les redire,
ce qui parfois donne lieu à quelques embarras. Son grandpère,
auquel elle est très attachée, est «au bout du rouleau».
Les visites au home qui l’accueille sont prétextes aux souvenirs
de toutes leurs vies entremêlées. Auxquelles s’ajoutent
les récits de Maïté. Une aide-soignante de couleur qui
raconte à Aurélie des histoires de djinns et celle d’un serpent
à la tête ornée d’un diamant, légendes de son paya d’origine.
Elle s’insurge contre la manière de vivre ici, où on abandonne
les vieux à leur solitude. Un roman assez dur, si on
s’attarde à bien le lire.
Un voyage très mouvementé
Et quand viendra la fin du voyage... • Régine Deforges
Dixième volume du cycle romanesque «La Bicyclette
bleue», cet ouvrage en termine la série. Mais peut parfaitement
être lu séparément. Bolivie, 1966. Tavernier est
chargé par le Général de Gaulle qui le nomme ambassadeur
itinérant, d’enlever Klaus Barbie, chef et tortionnaire de la
Gestapo à Lyon jusqu’en 1944. Devenu citoyen bolivien
sous le nom d’Altman, les autorités refusent en effet de l’extrader.
Ce qui rend son procès impossible. Le roman traite
du rôle actif des anciens nazis réfugiés en Bolivie, de leur
collaboration avec l’armée du pays et la CIA. Ainsi que de
la guérilla menée par le Che dans la jungle brésilienne où il
trouvera la mort. Aussi de la capture du Français Régis
Debray. Parmi toutes ces croyances politiques, on découvre
les anciennes traditions partagées par les Indiens qui sont
encore nombreux dans le pays. Aussi prenant qu’un thriller.
Fayard
Un univers fantasmé
Avant les hommes • Nina Bouraoui
Editions G d’encre
Ce roman s’apparente plutôt à un récit entre rêves et réalité.
C’est l’été, saison où l’on vit souvent dehors, la beauté et la
pureté du ciel aidant à mieux fantasmer ses pensées. Jérémie
est un très jeune homme qui vit seul avec sa mère. Il est
obsédé par son ami Sami qui est parti vivre au loin. Tout le
lui rappelle, ses moindres pensées, ses moindres gestes. Il l’a
profondément aimé. Son corps n’est plus que vide, il n’est
plus que frustration. Il est pris de vertige. L’attente est intolérable.
Tout peut arriver, tout peut se détruire. Tout repose
sur une seule force: le désir. Un second roman de Nina Bouraoui
où le narrateur est masculin. Un livre incandescent et
sensuel qui dévoile les tumultes et les fragilités de l’adolescence,
dans un style où grâce et volupté envoûtent le lecteur.
Stock
Quand l’amour appelle la mort
Le cimetière des poupées • Mazarine Pingeot
Un long monologue bouleversant écrit par une jeune mère
au fond de son cachot. Elle s’y trouve pour avoir tué son
troisième fils, un bébé. Elle écrit à son mari, comme elle lui
parlerait. Relatant dans tous les détails l’histoire de leur
amour impossible. Toute sa vie, même enfant, elle s’est sentie
coupable d’exister. Qu’un homme jeune, connu (il est
éditeur) et beau la remarque, était une grande joie inattendue.
Mais deux hommes sont en lui. La vie au foyer devient
un enfer quotidien dont ils semblent avoir besoin pour se
sentir vivre, chacun complétant les complexes de l’autre.
Elle n’est heureuse qu’avec ses deux premiers garçons. Et
estime avoir tué le dernier par amour, pour qu’il ne souffre
pas de la vie. Un texte puissant, tumultueux, aussi glacial
que désespéré. Il fallait oser décrire les affres de l’introspection
poussée au paroxysme. Assez vertigineux.
Juillard
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