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Emphase et purisme sous l'Ancien Régime - e-Sorbonne

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emphase eT puRisme <strong>sous</strong> L’aNcieN RÉGime :<br />

Le cas Des maRQueuRs iNTeNsiFs De coNsÉQueNce<br />

claire badiou-Monferran<br />

<strong>sous</strong> couvert de « mise en relief », l’emphase est un phénomène trans‑<br />

sémiotique dont les champs d’application sont multiples. en sciences du<br />

langage, la notion est aussi bien requise en rhétorique (le domaine dont<br />

elle est issue) qu’en stylistique <strong>et</strong> en linguistique, où elle a été importée<br />

plus récemment. construit sur la racine grecque phanein, « faire voir,<br />

briller », le terme emphase recouvre, en rhétorique, l’ensemble des<br />

figures destinées, selon G. molinié à « renforcer l’expression », soit par<br />

« amplification » 1 , soit par « raccourcissement » 2 ou condensation. Les<br />

premiers dictionnaires monolingues du français, à savoir, le richel<strong>et</strong><br />

(1680), le Fur<strong>et</strong>ière (1690), <strong>et</strong> celui de l’académie (1694) relayent tous<br />

c<strong>et</strong>te définition, mais ne se focalisent que sur l’un des deux processus de<br />

correction de l’expression :<br />

– correction de l’expression par condensation :<br />

Richel<strong>et</strong>, emphase : expression élevée qui souvent laisse plus à<br />

penser qu’elle n’exprime […]<br />

Fur<strong>et</strong>ière, emphase : terme de rh<strong>et</strong>orique, signifie une expression<br />

forte, <strong>et</strong> qui dit beaucoup en peu de mots […]<br />

– correction de l’expression par expansion :<br />

académie, emphase : pompe dans l’expression, dans la prononciation<br />

[…]<br />

1 Comme dans le cas de l’hyperbole, la gradation, l’antithèse, l’épanorthose, ou<br />

encore l’anthorisme. Voir G. Molinié, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Hach<strong>et</strong>te,<br />

coll. « Les usuels de Poche », p. 129.<br />

2 Comme dans le cas, notamment, de la litote.<br />

49<br />

l’emphase : copia ou brevitas ? • pups • 2010


50<br />

Quelle que soit la direction, centripète ou centrifuge, de ces<br />

aménagements, le recours à l’emphase conduit nécessairement, selon les<br />

termes de G. molinié 3 , au « soulignement de la forme, de l’expression ».<br />

partant, en stylistique, l’emphase caractérise un <strong>sous</strong>‑ensemble de<br />

textes privilégiant la fonction poétique du langage :<br />

c’est sur le signe même que se concentre l’attention. celui‑ci déborde<br />

de sa signification, s’impose dans sa présence matérielle <strong>et</strong> requiert un<br />

considérable élargissement de son champ de résonance […] l’emphase<br />

est donc l’action du langage, ou le langage en action, qui émeut la<br />

sensibilité <strong>et</strong> bouleverse l’âme 4 .<br />

La notion est récupérée en linguistique, par l’intermédiaire de l’anglais<br />

emphasis, « accentuation, insistance ». Dans le sens restreint que lui a<br />

donné la grammaire générative <strong>et</strong> transformationnelle, popularisée en<br />

France par J. Dubois <strong>et</strong> F. Dubois‑charlier 5 , l’emphase désigne un « type<br />

de phrase facultatif », dépourvu d’intonation spécifique, <strong>et</strong> procédant au<br />

réagencement à la fois syntaxique <strong>et</strong> communicationnel des types de phrases<br />

dit « obligatoires », soit par dislocation, soit par clivage 6 . Toutefois, <strong>sous</strong><br />

la bannière de la « syntaxe d’expressivité », l’école guillaumienne confère à<br />

l’emphase une assise beaucoup plus large. Reprenant la distinction effectuée<br />

en son temps par G. Guillaume dans ses Leçons de linguistique, elle oppose<br />

ainsi la « syntaxe d’expression », tributaire – <strong>et</strong> tributaire seulement – de la<br />

« représentation de langue », <strong>et</strong> la « syntaxe d’expressivité », qui, par delà<br />

la « représentation de langue », manifeste soit « implicitement », par des<br />

moyens non verbaux – notamment l’intonation – soit « explicitement », par<br />

la mobilisation du matériau morphologique approprié, la « subjectivité »<br />

– ou « l’intention » – du suj<strong>et</strong> parlant 7 . « expression » <strong>et</strong> « expressivité »<br />

3 G. Molinié, Dictionnaire de rhétorique, op. cit., p. 129.<br />

4 Ibid., p. 130.<br />

5 J. Dubois <strong>et</strong> F. Dubois-Charlier, Éléments de linguistique française : syntaxe, Paris,<br />

Larousse, 1970, chap. XIII-XX.<br />

6 Voir M. Riegel, J.-C. Pellat <strong>et</strong> R. Rioul, Grammaire méthodique du français [1994],<br />

Paris, PUF, coll. « Linguistique nouvelle », 1996, chap. XI, p. 386, <strong>et</strong> p. 425 sq.<br />

7 G. Guillaume, Leçons de linguistique 1947-1948, p. 202, cité <strong>et</strong> glosé dans A. Boone<br />

<strong>et</strong> A. Joly, Dictionnaire terminologique de la systématique du langage [1996], Paris,<br />

L’Harmattan, 2004, « expression », p. 172-173 ; « expressivité », p. 174-178.


interagissent ainsi dans le discours, dans des proportions variables, selon<br />

le principe des vases communicants :<br />

si l’expression grammaticale tend vers l’entier, l’expressivité tend vers<br />

zéro […] si l’expressivité grandit <strong>et</strong> tend vers l’entier, l’expression<br />

grammaticale tend vers zéro. c<strong>et</strong>te dernière situation relative, extrême,<br />

de l’expression grammaticale <strong>et</strong> de l’expressivité est rendue par<br />

l’interjection, laquelle représente une expressivité si grande qu’il ne reste<br />

plus de place pour l’expression grammaticale 8 .<br />

Dans ce modèle, l’emphase n’est pas un « épiphénomène lié aux<br />

variations infinies du discours, mais une donnée fondamentale de la<br />

systématique » 9 de la langue. elle en constitue la composante expressive,<br />

mieux encore, la « compétence expressive » 10 , <strong>et</strong> s’appuie sur les quatre<br />

modalités de la communication suivantes, verbales ou non‑verbales :<br />

– modalité prosodique, qui comprend les faits d’intonation, de rythme,<br />

<strong>et</strong> d’accentuation ;<br />

– modalité kinésique, concernant les gestes <strong>et</strong> les mimiques ;<br />

– modalité syntaxique, qui, par‑delà la dislocation <strong>et</strong> le clivage,<br />

regroupe tous les types phrastiques émanant de réagencements<br />

communicationnels (tournures passives, constructions impersonnelles,<br />

phrases non verbales).<br />

– modalité morphologique, jouant des variations lexico‑grammaticales<br />

au sein d’un même paradigme (par exemple, dans le champ des temps<br />

verbaux, la substitution de l’« imparfait stylistique » au « prétérit<br />

défini » attendu, dans les tours du type : « un instant après, la bombe<br />

éclatait » 11 ).<br />

Finalement, dans le domaine des sciences du langage, l’emphase<br />

recouvre aujourd’hui des phénomènes assez divers. en rhétorique,<br />

8 G. Guillaume, Leçons de linguistique 1943-1944, p. 91, cité dans A. Boone <strong>et</strong> A. Joly,<br />

Dictionnaire terminologique de la systématique du langage, op. cit., p. 173.<br />

9 A. Boone <strong>et</strong> A. Joly, Dictionnaire terminologique…, op. cit., p. 177.<br />

10 Ibid.<br />

11 Voir à ce suj<strong>et</strong> G. Guillaume, Langage <strong>et</strong> science du langage, 1964, p. 255, cité dans<br />

A. Boone <strong>et</strong> A. Joly, Dictionnaire terminologique..., op. cit., p. 176-177.<br />

51<br />

claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>


52<br />

elle sollicite tout à la fois les fonctions référentielles <strong>et</strong> conatives de la<br />

communication linguistique – que l’on considère, à la suite de platon 12 ,<br />

qu’elle livre à ses destinataires une vision déformée du réel, ou que l’on<br />

y voit, bien au contraire, un dispositif de correction destiné à ramener à<br />

sa « juste grandeur » 13 ce que l’on avait regardé comme p<strong>et</strong>it, <strong>et</strong> à sa juste<br />

p<strong>et</strong>itesse ce que l’on avait à tort considéré comme grand. en stylistique,<br />

c’est la fonction poétique que l’emphase mobilise. en linguistique,<br />

elle s’apparente à la fonction expressive du langage. Qu’en est‑il de ces<br />

trois définitions, <strong>et</strong> de ces trois fonctions, pour l’empan chronologique<br />

requis par c<strong>et</strong> ouvrage ?<br />

le méTadiscours sur l’emphase <strong>sous</strong> l’ancien régime<br />

L’ancien régime s’en tient à la définition rhétorique de l’emphase. mais<br />

entre le xvi e <strong>et</strong> le xvii e siècle, il lui fait subir deux déplacements non<br />

négligeables.<br />

déplacement axiologique : du plus au moins<br />

considérée à l’époque de la Renaissance comme une qualité du<br />

style, l’emphase devient un vice. c<strong>et</strong>te inversion est contemporaine de<br />

l’avènement du <strong>purisme</strong>, qui déconnecte l’élocution de tout ancrage<br />

royal, ou divin, <strong>et</strong> qui, en rendant c<strong>et</strong>te dernière aux simples particuliers,<br />

entend « dénerver » la langue de la vigueur, l’énergie, la violence verbales<br />

ayant conduit aux guerres de religion 14 . La désacralisation de la langue <strong>et</strong><br />

son polissage, désormais attentif aux seules « bizarreries grammaticales »<br />

<strong>et</strong> favorable au « r<strong>et</strong>ranchement de[s] termes de forte <strong>et</strong> énergique<br />

12 Voir Platon, Phèdre, LI, repris par S. Macé, « L’obscurité <strong>et</strong> les théories rhétoriques<br />

de l’amplification », dans D. Denis (dir.), L’Obscurité. Langage <strong>et</strong> herméneutique<br />

<strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>, Louvain-La-Neuve, Academia- Bruylant, coll. « Au cœur des<br />

textes », 2007, p. 61-62.<br />

13 Bossu<strong>et</strong>, Sermon sur la prédication évangélique, éd. C. Cagnat-Debœuf, Paris,<br />

Gallimard, coll. « Folio », p. 81, cité par S. Macé, « L’obscurité <strong>et</strong> les théories<br />

rhétoriques de l’amplification », art. cit., p. 63.<br />

14 Sur ce point, voir H. Merlin-Kajman, La Langue est-elle fasciste ? Langue, pouvoir,<br />

enseignement, Paris, Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 2003, p. 95 sq.,<br />

notamment p. 105.


expression » 15 porte un coup d’arrêt à l’emphase. Les occurrences du mot<br />

dans Frantext 16 le montrent bien :<br />

sacralisation <strong>et</strong> mélioration de l’emphase verbale désacralisation <strong>et</strong> péjoration de l’emphase verbale<br />

Pierre Matthieu, Clytemnestre, Acte IV<br />

(1589)<br />

L’univers<br />

De mes vers<br />

mesprise la phrase,<br />

mais phoebus<br />

sans abus<br />

entend telle emphase.<br />

Pierre Matthieu, La Guisiade, « Discours sur<br />

le suj<strong>et</strong> de ceste Tragedie » (1589).<br />

Le Roy commença son harangue d’un stile<br />

tant orné, <strong>et</strong> avec telle emphase qu’il sembloit<br />

vouloir seul emporter la palme d’eloquence.<br />

Pierre de Bérulle, Discours de l’estat <strong>et</strong> des<br />

grandeurs de Jésus par l’union ineffable de la<br />

divinité avec l’humanité (1623)<br />

pour mieux entendre la grandeur de ce<br />

mystere, l’estat de la grace substantielle <strong>et</strong><br />

hypostatique qui est communiquée en iceluy,<br />

<strong>et</strong> le don singulier que Dieu fait de soy‑mesme<br />

à c<strong>et</strong>te nature humaine, lequel le fils de Dieu<br />

insinuë <strong>et</strong> represente avec emphase en ces<br />

sacrées paroles à la samaritaine : si scires donum<br />

Dei, <strong>et</strong> quis est qui loquitur tecum : […]<br />

Corneille, Mélite, I, 1 (1632-33)<br />

TiRcis.<br />

Tu le prends d’un haut ton, <strong>et</strong> je crois qu’au<br />

besoin<br />

ce discours emphatique iroit encor bien loin.<br />

pauvre amant, je te plains, qui ne sais pas encore<br />

Que bien qu’une beauté mérite qu’on l’adore,<br />

pour en perdre le goût, on n’a qu’à l’épouser.<br />

Cardinal de R<strong>et</strong>z, Mémoires, t. 5 : 1654-1655<br />

(1679),<br />

il s’étendit même avec emphase sur la thèse ;<br />

mais j’eus mauvaise opinion de mon affaire,<br />

quand je vis qu’il demeuroit si longtemps sur<br />

le général, sans descendre au particulier, <strong>et</strong> je<br />

m’aperçus aussitôt après que ma crainte n’étoit<br />

pas vaine […]<br />

Mme Deshoulières Épîtres (1694)<br />

si tout votre discours n’est obscur, emphatique,<br />

on se dira tout bas : « c’est là ce bel esprit ? »<br />

chez La Bruyère, la thèse méliorative de l’emphase comme instance<br />

régulatrice, rapportant le réel à sa « juste grandeur », n’est évoquée que<br />

pour être révoquée dans la contemporanéité de son élaboration :<br />

La Bruyère : mélioration de l’emphase verbale La Bruyère : péjoration de l’emphase verbale<br />

La Bruyère, Les Caractères, V « De la société<br />

<strong>et</strong> de la conversation » (1696)<br />

Les plus grandes choses n’ont besoin que d’être<br />

dites simplement, elles se gâtent par l’emphase,<br />

il faut dire noblement les plus p<strong>et</strong>ites ; elles ne<br />

se soutiennent que par l’expression, le ton <strong>et</strong> la<br />

manière.<br />

La Bruyère, Les Caractères, VII « De la ville »<br />

(1696)<br />

Qui dira, scapin porte des fleurs de lis, <strong>et</strong> qui<br />

en sera plus édifié ? qui prononcera avec plus<br />

de vanité <strong>et</strong> d’emphase le nom d’une simple<br />

bourgeoise ?<br />

15 Selon les termes de Scipion Dupleix, « Dédicace à M. Perrault », Liberté de la langue<br />

française dans sa pur<strong>et</strong>é [1651], n.p., cité par H. Merlin-Kajman, La Langue est-elle<br />

fasciste, op. cit., p. 116.<br />

16 Presque toute notre bibliographie primaire est empruntée à la base textuelle<br />

Frantext. C’est la raison pour laquelle nous ne l’avons pas référencée.<br />

53<br />

claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>


54<br />

Finalement, le discrédit j<strong>et</strong>é par le <strong>purisme</strong> sur l’emphase est<br />

durable. Dans Frantext, les premières réapparitions non pleinement<br />

négatives du terme sont postérieures à 1745. encore font‑elles l’obj<strong>et</strong><br />

d’une appréciation mitigée, de modalisations, qui ne réhabilitent pas<br />

totalement l’emphase comme vertu – ou qualité – du style :<br />

Abbé Batteux, Les Beaux-arts réduits à un même principe (1746) :<br />

Les payens avoient un avantage : leurs héros étoient des enfans des<br />

dieux, qu’on pouvoit supposer en relation continuelle avec ceux dont ils<br />

tenoient la naissance. La religion chrétienne interdit aux poëtes modees<br />

toutes ces ressources. il n’y a gueres que milton, qui ait su remplacer le<br />

merveilleux de la fable, par le merveilleux de la religion chrétienne. La<br />

scéne de son poëme est souvent hors du monde, <strong>et</strong> avant les tems. La<br />

révélation lui a servi de point d’appui : <strong>et</strong> de‑là, il s’est élevé dans ces<br />

fictions magnifiques, qui réunissent le ton emphatique des oracles, <strong>et</strong><br />

le sublime des vérités chrétiennes. mais vouloir joindre ce merveilleux<br />

de notre religion avec une histoire toute naturelle, qui est proche de<br />

nous : faire descendre des anges pour opérer des miracles, dans une<br />

entreprise dont on sait tous les noeuds <strong>et</strong> tous les dénouemens, qui sont<br />

simples <strong>et</strong> sans mysteres ; c’est tomber dans le ridicule, qu’on n’évite<br />

point, quand on manque le merveilleux.<br />

Vauvenargues, Des lois de l’esprit : florilège philosophique (1747) : ils<br />

regardent ces dons de la nature, si peu ordinaires, comme des inventions<br />

forcées <strong>et</strong> des jeux d’imagination, tandis que d’autres admirent<br />

l’emphase comme le caractère <strong>et</strong> le modèle d’un beau naturel.<br />

parmi ces variétés inexplicables de la nature ou de l’opinion, je crois<br />

que la coutume dominante peut servir de guide à ceux qui se mêlent<br />

d’écrire […].<br />

À la fin du xviii e siècle, les dictionnaires entérinent, au demeurant,<br />

l’acception négative du terme :<br />

Jean-François Féraud, Dictionnaire critique de la langue française<br />

(1787-1788), emphÂse : maniere pompeuse de s’exprimer <strong>et</strong> de<br />

prononcer. il se prend ordinairement en mauvaise part.


Dictionnaire de l’Académie (1798), emphase : pompe affectée dans<br />

le discours ou dans la prononciation.<br />

1.2 déplacement modal : du verbal au non verbal<br />

L’inversion axiologique que les tout derniers dictionnaires du<br />

xviii e siècle continuent d’enregistrer va de pair avec un déplacement<br />

modal : initialement perçue comme une modalité de l’élocution,<br />

l’emphase devient une modalité de l’action. À partir du second tiers<br />

du xvii e siècle, on insiste davantage sur sa composante prosodique,<br />

autrement dit sur les procédés de mise en valeur accentuelle, intonative<br />

<strong>et</strong> rythmique. si l’actio emphatique fait elle aussi l’obj<strong>et</strong> d’appréciations<br />

négatives, tel n’est pas toujours le cas :<br />

jugements mélioratifs sur l’emphase<br />

non verbale<br />

Jean Desmar<strong>et</strong>s de Saint-Sorlin, Les<br />

Visionnaires, III, 4 (1737)<br />

amiDoR.<br />

plainte à cassandre,<br />

phaLaNTe.<br />

amy donne la moy :<br />

J’aime à lire les vers, je suis tout en extase.<br />

amiDoR.<br />

vous ne les liriez pas avec assez d’emphase.<br />

Alain-René Lesage, Histoire de Gils Blas<br />

(1732)<br />

aussitôt il chercha parmi ses papiers un sonn<strong>et</strong>,<br />

qu’il me lut d’un air emphatique. Néanmoins<br />

malgré le charme de la lecture, je trouvai<br />

l’ouvrage si obscur, que je n’y compris rien du<br />

tout.<br />

jugements péjoratifs sur l’emphase<br />

non verbale<br />

Fénelon, Traité de l’éducation des filles (1687)<br />

Les deux choses qui gâtent tout, c’est qu’on<br />

leur fait apprendre à lire d’abord en latin,<br />

ce qui leur ôte tout le plaisir de la lecture,<br />

<strong>et</strong> qu’on veut les accoutumer à lire avec une<br />

emphase forcée <strong>et</strong> ridicule.<br />

La Bruyère, Les Caractères, I « Des ouvrages<br />

de l’esprit » (1696)<br />

Quel supplice que celui d’entendre déclamer<br />

pompeusement un froid discours, ou<br />

prononcer de médiocres vers avec toute<br />

l’emphase d’un mauvais poète !<br />

il est donc un bon <strong>et</strong> un mauvais usage de l’emphase prosodique. La<br />

qualité des eff<strong>et</strong>s de voix est question d’aptum : elle est subordonnée à<br />

la plus ou moins grande convenance des inflexions insistantes avec la<br />

matière verbale <strong>et</strong> la situation d’énonciation.<br />

La première modernité exclut ainsi l’emphase du champ l’élocution<br />

pour mieux renouer avec elle dans le champ de l’action. c<strong>et</strong>te<br />

économie singulière, qui, jouant de la co‑énonciation, délègue la<br />

responsabilité de l’expression au scripteur, <strong>et</strong> celle de l’expressivité au<br />

lecteur, implique des pratiques de lecture à voix haute, <strong>et</strong> disparaîtra<br />

55<br />

claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>


56<br />

avec la généralisation de la lecture silencieuse. il n’en reste pas moins<br />

que, pour le stylisticien <strong>et</strong> le linguiste diachronicien, dont les analyses<br />

concernent, par définition, les procédés verbaux, le fait majeur<br />

consiste en la proscription, par les puristes, de l’emphase du domaine<br />

de l’élocution. Jusqu’à quel point c<strong>et</strong>te prescription a‑t‑elle été suivie ?<br />

Quelles furent ses incidences sur la prose littéraire française ? peut‑on<br />

légitimement parler, à propos de c<strong>et</strong>te dernière, de programme de<br />

désemphatisation ? Quelles procédures d’évitement le français puriste<br />

a‑t‑il su m<strong>et</strong>tre en place ?<br />

afin d’esquisser les contours de c<strong>et</strong>te stylistique négative, je m’arrêterai<br />

sur un exemple précis : celui de la fortune, en français classique, d’un<br />

marqueur de consécution emphatique. Je songe à « si bien que », venu<br />

se substituer à l’antique « si que ».<br />

la forTune des marqueurs de consécuTion emphaTique en français<br />

classique<br />

les éléments du débat<br />

La question des marqueurs de consécution a passionné les<br />

contemporains. vaugelas lui consacre une remarque :<br />

De façon que, de maniere que, de mode que, si que<br />

ces deux premières façons de parler de façon que, de maniere que, sont<br />

Françoises à la verité, mais si peu elegantes, qu’il n’y [a] pas un bon<br />

autheur qui s’en serve ; & pour ces deux autres, de mode que, & si<br />

que, elles sont tout à fait barbares, particulierement si que, bien que<br />

tres‑familier à plusieurs personnes, qui sont en reputation d’une haute<br />

eloquence. il faut dire si bien que, de sorte que, ou tellement que. il n y a<br />

que ces trois, qui soient employez par les bons escrivains 17<br />

<strong>et</strong> y revient dans la préface de son ouvrage :<br />

17 Vaugelas, Remarques sur la langue française, Paris, Veuve J. Camusat, 1647, p. 435.


[certains écrivains] ne se veulent point servir de si bien que, pour dire de<br />

sorte que, tellement que, quoy que toute la cour le die, & que tous nos<br />

meilleurs autheurs l’escrivent 18 .<br />

La Bruyère la reprend pour sa part à son compte dans les caractères :<br />

il y avait à gagner de dire si que pour de sorte que, ou de manière que […]<br />

L’usage a préféré par conséquent à par conséquence, <strong>et</strong> en conséquence à<br />

en conséquent 19 .<br />

Le matériau morphologique destiné à marquer la relation cause‑<br />

conséquence est de fait en plein renouvellement. si l’on s’en tient aux<br />

locutions conjonctives, on distingue deux <strong>sous</strong>‑ensembles de marques :<br />

– le <strong>sous</strong>‑ensemble expressivement neutre, constitué de « de sorte que,<br />

en sorte que, de manière que, de façon que », <strong>et</strong> si que, d’origine très<br />

ancienne, qui associe à la conjonction pure que un si adverbial, non pas<br />

d’intensité, mais de conformité, de continuité thématique 20 .<br />

– le <strong>sous</strong>‑ensemble expressivement marqué des connecteurs emphatiques,<br />

qui comprend « de telle sorte que, en telle sorte que, de telle manière<br />

que, de telle façon que », ainsi que « tellement que », attesté dans les<br />

tout premiers textes du français moderne, <strong>et</strong> « si bien que », locution<br />

émergente associant à l’appui adverbial bien une conjonction pure que<br />

<strong>et</strong> un morphème d’intensité 21 .<br />

La nouveauté consiste en l’apparition de ce dernier marqueur<br />

aux dépens de si que, dont les emplois vont chutant tout au long du<br />

xvii e siècle. Le mouvement de fond de la langue est donc favorable au<br />

<strong>sous</strong>‑ensemble expressif, <strong>et</strong> la question qui se pose à nous est de savoir<br />

comment le courant puriste a pu s’en accommoder.<br />

18 Ibid., « Préface », III, n.p.<br />

19 La Bruyère, Les Caractères, « De quelques usages », 1696, 73.<br />

20 Voir à ce suj<strong>et</strong> O. Sout<strong>et</strong>, « Quand si bien que perce <strong>sous</strong> si que. Quelques hypothèses<br />

sur les raisons sémantiques profondes d’un aménagement morphologique amorcé<br />

dans le français du 16e siècle », dans F. Giacone (dir.), La Langue de Rabelais <strong>et</strong> de<br />

Montaigne, actes du colloque de Rome, 13-17 septembre 2003, Genève, Droz, 2009,<br />

p. 257-274.<br />

21 Ibid.<br />

57<br />

claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>


58<br />

le programme puriste de désemphatisation<br />

Dans le second tiers du xvii e siècle, en pleine phase de variation, se<br />

m<strong>et</strong> en place un programme de désemphatisation qui passe par 1) la<br />

grammatisation de l’emphase ; 2) la grammaticalisation des marqueurs<br />

emphatiques de consécution ; 3) l’inscription de la relation cause‑<br />

conséquence dans le cadre d’un style paratactique s’opposant au cadre<br />

périodique des décennies précédentes.<br />

grammatisation de l’emphase<br />

La présence de deux <strong>sous</strong>‑ensembles de marqueurs, l’un non expressif,<br />

l’autre expressif est l’apanage de la norme haute. Dans le corpus oral<br />

d’anthony Lodge 22 , seuls les marqueurs non expressifs (en l’occurrence,<br />

« en sorte que », « si que ») sont attestés. on en déduit que l’alternance<br />

des marqueurs neutres <strong>et</strong> des marqueurs expressifs n’est pas un fait de<br />

langue. Réservée à la langue écrite normée, elle constitue une variation<br />

stylistique que le courant puriste va s’évertuer à déclasser. on s’étonnera<br />

en eff<strong>et</strong> que la promotion du nouveau marqueur emphatique, en<br />

l’occurrence, si bien que, soit pris en charge par un grammairien, <strong>et</strong> non<br />

par un rhéteur. L’inscription de si bien que dans le corps de remarques<br />

portant sur la langue, <strong>et</strong> non sur le style, tend en quelque sorte à<br />

naturaliser la locution, à la fixer, à l’instituer. Bref, à transformer ce<br />

vecteur d’expressivité pourtant jeune, <strong>et</strong> de ce fait non encore usé, en<br />

vecteur d’expression, ou en ce que G. Guillaume 23 nomme « moyen de<br />

langue ». par le subterfuge de c<strong>et</strong>te grammatisation, l’emphase est en<br />

quelque sorte désemphatisée.<br />

22 A. Lodge, Paris Speech in the Past. A Collection of Semi-Literary Representations of<br />

Vernacular (French) Speech from 16th to 19th Centuries which is preceded by a S<strong>et</strong> of<br />

Tax-Rolls from Late 17th Century Paris, Oxford, Oxford Text Archive [consultable sur<br />

, 11 janvier 04]. Ce corpus comprend en fait 1) des écrits<br />

en langue commune non normée (comme les Pamphl<strong>et</strong>s de 1644, ou la Première<br />

Harangue des habitants de la paroisse de sarcelles, de 1730, ou encore les Mémoires<br />

de Jacques Louis Ménétra, de 1764) ; 2) des représentations littéraires du français<br />

oral (comme certaines scènes du Pédant joué de Cyrano de Bergerac, 1654, ou<br />

encore de Dom Juan de Molière, 1665).<br />

23 G. Guillaume, Leçons de linguistique, 1947-1948, Lille/Québec, Presses universitaires<br />

de Lille/Presses de l’université Laval, 1988, t. 8, p. 202.


grammaticalisation des marqueurs emphatiques de consécution<br />

La coalescence des locutions va de pair avec leur évidement sémantique.<br />

une fois l’insertion d’éléments étrangers exclue, le sens de la locution<br />

n’est plus égal à la somme des sens de ses éléments composants. or, pour<br />

les connecteurs consécutifs, la possibilité de l’insertion d’une virgule<br />

au sein de la locution disparaît à date variable. pour les connecteurs<br />

expressifs, c<strong>et</strong>te disparition est beaucoup plus précoce que pour les<br />

connecteurs non expressifs :<br />

1500‑1800 le marqueur de consécution = X + virgule + que<br />

tellement, que 14 occ., dont 13 avant 1637.<br />

Scudéry, G. de, Observations sur le Cid (1637) : mais il estoit quasi de<br />

la religion, <strong>et</strong> ne leur estoit pas permis de changer l’histoire, quand ils<br />

la traittoient, ny d’aller contre la verité. Tellement, que ne trouvant pas<br />

toutes les histoires vray‑semblables (quoique vraies) <strong>et</strong> ne pouvant pas<br />

les rendre telles, ny changer leur nature, ils s’attachoient fort peu à les<br />

traicter, à cause de c<strong>et</strong>te difficulté.<br />

si bien, que 0 occ.<br />

en/de tel(le)<br />

façon, manière, sorte,<br />

mode, point<br />

+ virgule +<br />

que<br />

en/de/au<br />

façon, manière, sorte,<br />

mode, point<br />

+ virgule +<br />

que<br />

32 occ., dont 30 avant 1627.<br />

Fauch<strong>et</strong>, Fleur de la maison de Charlemaigne (1601) : la terre trembla<br />

en italie, Gaulle, <strong>et</strong> Germanie : de telle sorte, que les montaignes<br />

s’affaiserent en d’aucuns endroicts, sans differer de la campagne.<br />

Lavardin, La Célestine (1578) : voisine ma mie, tes paroles me font<br />

esmouvoir à compassion, de telle sorte, que j’aurois mieux aimé m’estre<br />

trouvee en temps opportun pour secourir ta pauvr<strong>et</strong>é, que par moy tu<br />

eusses faute de ta toille.<br />

115 occ., dont 109 avant 1707. Les trois dernières occ. datent de 1736.<br />

Vauban, Proj<strong>et</strong> d’une dixme royale (1707) : ainsi des autres, tant du<br />

côté de la dixme, que du champart. De sorte, que comme une des<br />

principales maximes sur lesquelles ce systême est fondé, est qu’un<br />

même revenu ne paye point deux fois, il s’ ensuit que […]<br />

De ce figement, il s’ensuit que la nuance intensive portée par si,<br />

tellement, ou tel n’est plus perceptible comme telle. elle s’estompe au<br />

profit d’un sens locutionnel, purement consécutif. La grammaticalisation<br />

du marqueur, dans le courant du second tiers du xvii e siècle, participe<br />

ainsi du programme de désemphatisation contemporain de l’essor du<br />

<strong>purisme</strong>.<br />

de l’intra-périodique au transphrastique : la textualisation de l’emphase<br />

L’évitement de l’emphase vient aussi d’un changement de cadre, aux<br />

alentours de la seconde moitié du xvii e siècle. L’unité périodique, au<br />

59<br />

claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>


60<br />

sein de laquelle s’exerçait la relation cause‑conséquence, est délaissée<br />

au profit d’une juxtaposition de phrases, qu’articule, après un signe<br />

de ponctuation fort (le point, ou le point‑virgule) le connecteur<br />

consécutif :<br />

Balzac, Dissertations chrestiennes <strong>et</strong> morales (1654) : <strong>et</strong> toute la<br />

difference qu’il y a pour ce regard entre nous <strong>et</strong> eux, c’est que nostre<br />

foy a pour obj<strong>et</strong> le passé, <strong>et</strong> que la leur avoit l’advenir. Si bien qu’à ce<br />

compte‑là nos supputations ne sont pas fausses.<br />

Scudéry, Mathilde (1667) : en eff<strong>et</strong>, dom pedro qui estoit le plus<br />

dangereux rival de l’vn <strong>et</strong> de l’autre, s’approcha d’eux, <strong>et</strong> voulut sçavoir<br />

la cause de leur combat. Si bien qu’alphonse supposa qu’ils s’estoient<br />

querellez sur quelque chose qui s’estoit passé entre eux durant la derniere<br />

campagne.<br />

Tristan L’Hermite, Le Page disgracié (1667 [1643]) : enfin il estoit en<br />

equipage d’un vieillard qui se m<strong>et</strong> au lit. Tellement que mon maistre ne<br />

l’ayant jamais veu fait de la sorte, <strong>et</strong> luy trouvant le visage have, à cause<br />

de la fausse clarté, courut fortune de mourir de peur<br />

La relation cause‑conséquence se textualise, elle engage, non plus<br />

la micro‑syntaxe mais la macro‑syntaxe. La locution subordonnante,<br />

requalifiée en connecteur, participe ainsi de la segmentation du discours.<br />

sa fonction de démarcateur de phrase occulte, le cas échéant, celle de<br />

marqueur d’emphase. Les deux tableaux statistiques qui suivent attestent<br />

la progression de la suite « ponctuation forte + connecteur consécutif »<br />

durant la période de référence :


1601-1650 après un signe de faible fort (le point <strong>et</strong><br />

ponctuation (virgule) ses équivalents)<br />

tellement que 520 278 242<br />

: 89<br />

; 54<br />

. 95 (avant 1624,<br />

Traités ; après 1624,<br />

Romans)<br />

! 2<br />

? 2<br />

si bien que 718 405 313<br />

: 84<br />

; 116<br />

. 108<br />

! 2<br />

en/de tel(le)<br />

façon, manière, sorte, mode, point<br />

que<br />

Total des marqueurs intensifs 1290 (soit 39,5 % du<br />

total des marqueurs<br />

en/de/au<br />

façon, manière, sorte, mode, point<br />

que<br />

52 43<br />

? 3<br />

9<br />

726 564<br />

(soit 44 % de 1290)<br />

de csq)<br />

1779 1021 758<br />

si que 199 128 71<br />

Total des marqueurs consécutifs<br />

non intensifs<br />

1978 (60,5 % du total<br />

des marqueurs de csq)<br />

1149 829<br />

(soit 42 % de 1978)<br />

1651-1700 après un signe faible fort (le point <strong>et</strong><br />

de ponctuation (virgule) ses équivalents)<br />

tellement que 85 38 47<br />

: 8<br />

; 13<br />

. 25<br />

! 1<br />

si bien que 259 63 196<br />

: 34<br />

; 99<br />

en/de tel(le)<br />

façon, manière, sorte, mode, point<br />

que<br />

Total des marqueurs intensifs 410<br />

(soit 18,5 % du total<br />

en/de/au<br />

façon, manière, sorte, mode, point<br />

que<br />

66 51<br />

. 63<br />

15<br />

152 258<br />

(soit 63 % de 410)<br />

des marqueurs de csq)<br />

1818 662 1156<br />

si que 6 5 1<br />

Total des marqueurs consécutifs<br />

non intensifs<br />

1824<br />

(soit 81,5 % du total<br />

des marqueurs de csq)<br />

1157<br />

(soit 63,4 % de 1824)<br />

61<br />

claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>


62<br />

L’exemple des connecteurs consécutifs est relativement intéressant.<br />

il montre que l’évitement de l’emphase passe moins par la suspension<br />

du recours aux marques d’emphase – même si ce fait est avéré, comme<br />

l’atteste la baisse de pourcentage (de 39,5% à 18,5%) entre le premier<br />

<strong>et</strong> le second tableau reproduit ci‑dessus – que par la requalification des<br />

marques d’emphase. ce recyclage en appelle à la grammatisation, à la<br />

grammaticalisation <strong>et</strong> à la textualisation des connecteurs emphatiques<br />

de consécution. Dans le cadre d’une stylistique négative, s’esquissent<br />

ainsi les premiers éléments de ce que j’appellerai volontiers « l’appareil<br />

formel de la désemphatisation » 24 .<br />

24 C<strong>et</strong>te colocation constitue une paraphrase du titre de G. Philippe, « L’appareil<br />

formel de l’effacement énonciatif <strong>et</strong> la pragmatique des textes sans locuteur »,<br />

dans R. Amossy (dir.), Pragmatique <strong>et</strong> analyse des textes, Tel-Aviv, Presses de<br />

l’université de Tel-Aviv, 2002, p. 17-34. Il revient à Benveniste d’avoir théorisé la<br />

notion d’« appareil formel ». Dans le prolongement du cadre ouvert par ce dernier,<br />

<strong>et</strong> dans celui des travaux de G. Philippe, on définira « l’appareil formel » comme un<br />

ensemble de faits langagiers sémantiquement co-orientés, formant faisceau, donc,<br />

<strong>et</strong> fonctionnant de telle sorte que l’apparition de l’un rend probable l’apparition des<br />

autres.

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