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Emphase et purisme sous l'Ancien Régime - e-Sorbonne

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elle sollicite tout à la fois les fonctions référentielles <strong>et</strong> conatives de la<br />

communication linguistique – que l’on considère, à la suite de platon 12 ,<br />

qu’elle livre à ses destinataires une vision déformée du réel, ou que l’on<br />

y voit, bien au contraire, un dispositif de correction destiné à ramener à<br />

sa « juste grandeur » 13 ce que l’on avait regardé comme p<strong>et</strong>it, <strong>et</strong> à sa juste<br />

p<strong>et</strong>itesse ce que l’on avait à tort considéré comme grand. en stylistique,<br />

c’est la fonction poétique que l’emphase mobilise. en linguistique,<br />

elle s’apparente à la fonction expressive du langage. Qu’en est‑il de ces<br />

trois définitions, <strong>et</strong> de ces trois fonctions, pour l’empan chronologique<br />

requis par c<strong>et</strong> ouvrage ?<br />

le méTadiscours sur l’emphase <strong>sous</strong> l’ancien régime<br />

L’ancien régime s’en tient à la définition rhétorique de l’emphase. mais<br />

entre le xvi e <strong>et</strong> le xvii e siècle, il lui fait subir deux déplacements non<br />

négligeables.<br />

déplacement axiologique : du plus au moins<br />

considérée à l’époque de la Renaissance comme une qualité du<br />

style, l’emphase devient un vice. c<strong>et</strong>te inversion est contemporaine de<br />

l’avènement du <strong>purisme</strong>, qui déconnecte l’élocution de tout ancrage<br />

royal, ou divin, <strong>et</strong> qui, en rendant c<strong>et</strong>te dernière aux simples particuliers,<br />

entend « dénerver » la langue de la vigueur, l’énergie, la violence verbales<br />

ayant conduit aux guerres de religion 14 . La désacralisation de la langue <strong>et</strong><br />

son polissage, désormais attentif aux seules « bizarreries grammaticales »<br />

<strong>et</strong> favorable au « r<strong>et</strong>ranchement de[s] termes de forte <strong>et</strong> énergique<br />

12 Voir Platon, Phèdre, LI, repris par S. Macé, « L’obscurité <strong>et</strong> les théories rhétoriques<br />

de l’amplification », dans D. Denis (dir.), L’Obscurité. Langage <strong>et</strong> herméneutique<br />

<strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>, Louvain-La-Neuve, Academia- Bruylant, coll. « Au cœur des<br />

textes », 2007, p. 61-62.<br />

13 Bossu<strong>et</strong>, Sermon sur la prédication évangélique, éd. C. Cagnat-Debœuf, Paris,<br />

Gallimard, coll. « Folio », p. 81, cité par S. Macé, « L’obscurité <strong>et</strong> les théories<br />

rhétoriques de l’amplification », art. cit., p. 63.<br />

14 Sur ce point, voir H. Merlin-Kajman, La Langue est-elle fasciste ? Langue, pouvoir,<br />

enseignement, Paris, Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 2003, p. 95 sq.,<br />

notamment p. 105.

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