Emphase et purisme sous l'Ancien Régime - e-Sorbonne
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Quelle que soit la direction, centripète ou centrifuge, de ces<br />
aménagements, le recours à l’emphase conduit nécessairement, selon les<br />
termes de G. molinié 3 , au « soulignement de la forme, de l’expression ».<br />
partant, en stylistique, l’emphase caractérise un <strong>sous</strong>‑ensemble de<br />
textes privilégiant la fonction poétique du langage :<br />
c’est sur le signe même que se concentre l’attention. celui‑ci déborde<br />
de sa signification, s’impose dans sa présence matérielle <strong>et</strong> requiert un<br />
considérable élargissement de son champ de résonance […] l’emphase<br />
est donc l’action du langage, ou le langage en action, qui émeut la<br />
sensibilité <strong>et</strong> bouleverse l’âme 4 .<br />
La notion est récupérée en linguistique, par l’intermédiaire de l’anglais<br />
emphasis, « accentuation, insistance ». Dans le sens restreint que lui a<br />
donné la grammaire générative <strong>et</strong> transformationnelle, popularisée en<br />
France par J. Dubois <strong>et</strong> F. Dubois‑charlier 5 , l’emphase désigne un « type<br />
de phrase facultatif », dépourvu d’intonation spécifique, <strong>et</strong> procédant au<br />
réagencement à la fois syntaxique <strong>et</strong> communicationnel des types de phrases<br />
dit « obligatoires », soit par dislocation, soit par clivage 6 . Toutefois, <strong>sous</strong><br />
la bannière de la « syntaxe d’expressivité », l’école guillaumienne confère à<br />
l’emphase une assise beaucoup plus large. Reprenant la distinction effectuée<br />
en son temps par G. Guillaume dans ses Leçons de linguistique, elle oppose<br />
ainsi la « syntaxe d’expression », tributaire – <strong>et</strong> tributaire seulement – de la<br />
« représentation de langue », <strong>et</strong> la « syntaxe d’expressivité », qui, par delà<br />
la « représentation de langue », manifeste soit « implicitement », par des<br />
moyens non verbaux – notamment l’intonation – soit « explicitement », par<br />
la mobilisation du matériau morphologique approprié, la « subjectivité »<br />
– ou « l’intention » – du suj<strong>et</strong> parlant 7 . « expression » <strong>et</strong> « expressivité »<br />
3 G. Molinié, Dictionnaire de rhétorique, op. cit., p. 129.<br />
4 Ibid., p. 130.<br />
5 J. Dubois <strong>et</strong> F. Dubois-Charlier, Éléments de linguistique française : syntaxe, Paris,<br />
Larousse, 1970, chap. XIII-XX.<br />
6 Voir M. Riegel, J.-C. Pellat <strong>et</strong> R. Rioul, Grammaire méthodique du français [1994],<br />
Paris, PUF, coll. « Linguistique nouvelle », 1996, chap. XI, p. 386, <strong>et</strong> p. 425 sq.<br />
7 G. Guillaume, Leçons de linguistique 1947-1948, p. 202, cité <strong>et</strong> glosé dans A. Boone<br />
<strong>et</strong> A. Joly, Dictionnaire terminologique de la systématique du langage [1996], Paris,<br />
L’Harmattan, 2004, « expression », p. 172-173 ; « expressivité », p. 174-178.