Emphase et purisme sous l'Ancien Régime - e-Sorbonne
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expression » 15 porte un coup d’arrêt à l’emphase. Les occurrences du mot<br />
dans Frantext 16 le montrent bien :<br />
sacralisation <strong>et</strong> mélioration de l’emphase verbale désacralisation <strong>et</strong> péjoration de l’emphase verbale<br />
Pierre Matthieu, Clytemnestre, Acte IV<br />
(1589)<br />
L’univers<br />
De mes vers<br />
mesprise la phrase,<br />
mais phoebus<br />
sans abus<br />
entend telle emphase.<br />
Pierre Matthieu, La Guisiade, « Discours sur<br />
le suj<strong>et</strong> de ceste Tragedie » (1589).<br />
Le Roy commença son harangue d’un stile<br />
tant orné, <strong>et</strong> avec telle emphase qu’il sembloit<br />
vouloir seul emporter la palme d’eloquence.<br />
Pierre de Bérulle, Discours de l’estat <strong>et</strong> des<br />
grandeurs de Jésus par l’union ineffable de la<br />
divinité avec l’humanité (1623)<br />
pour mieux entendre la grandeur de ce<br />
mystere, l’estat de la grace substantielle <strong>et</strong><br />
hypostatique qui est communiquée en iceluy,<br />
<strong>et</strong> le don singulier que Dieu fait de soy‑mesme<br />
à c<strong>et</strong>te nature humaine, lequel le fils de Dieu<br />
insinuë <strong>et</strong> represente avec emphase en ces<br />
sacrées paroles à la samaritaine : si scires donum<br />
Dei, <strong>et</strong> quis est qui loquitur tecum : […]<br />
Corneille, Mélite, I, 1 (1632-33)<br />
TiRcis.<br />
Tu le prends d’un haut ton, <strong>et</strong> je crois qu’au<br />
besoin<br />
ce discours emphatique iroit encor bien loin.<br />
pauvre amant, je te plains, qui ne sais pas encore<br />
Que bien qu’une beauté mérite qu’on l’adore,<br />
pour en perdre le goût, on n’a qu’à l’épouser.<br />
Cardinal de R<strong>et</strong>z, Mémoires, t. 5 : 1654-1655<br />
(1679),<br />
il s’étendit même avec emphase sur la thèse ;<br />
mais j’eus mauvaise opinion de mon affaire,<br />
quand je vis qu’il demeuroit si longtemps sur<br />
le général, sans descendre au particulier, <strong>et</strong> je<br />
m’aperçus aussitôt après que ma crainte n’étoit<br />
pas vaine […]<br />
Mme Deshoulières Épîtres (1694)<br />
si tout votre discours n’est obscur, emphatique,<br />
on se dira tout bas : « c’est là ce bel esprit ? »<br />
chez La Bruyère, la thèse méliorative de l’emphase comme instance<br />
régulatrice, rapportant le réel à sa « juste grandeur », n’est évoquée que<br />
pour être révoquée dans la contemporanéité de son élaboration :<br />
La Bruyère : mélioration de l’emphase verbale La Bruyère : péjoration de l’emphase verbale<br />
La Bruyère, Les Caractères, V « De la société<br />
<strong>et</strong> de la conversation » (1696)<br />
Les plus grandes choses n’ont besoin que d’être<br />
dites simplement, elles se gâtent par l’emphase,<br />
il faut dire noblement les plus p<strong>et</strong>ites ; elles ne<br />
se soutiennent que par l’expression, le ton <strong>et</strong> la<br />
manière.<br />
La Bruyère, Les Caractères, VII « De la ville »<br />
(1696)<br />
Qui dira, scapin porte des fleurs de lis, <strong>et</strong> qui<br />
en sera plus édifié ? qui prononcera avec plus<br />
de vanité <strong>et</strong> d’emphase le nom d’une simple<br />
bourgeoise ?<br />
15 Selon les termes de Scipion Dupleix, « Dédicace à M. Perrault », Liberté de la langue<br />
française dans sa pur<strong>et</strong>é [1651], n.p., cité par H. Merlin-Kajman, La Langue est-elle<br />
fasciste, op. cit., p. 116.<br />
16 Presque toute notre bibliographie primaire est empruntée à la base textuelle<br />
Frantext. C’est la raison pour laquelle nous ne l’avons pas référencée.<br />
53<br />
claire badiou‑monferran <strong>Emphase</strong> <strong>et</strong> <strong>purisme</strong> <strong>sous</strong> l’Ancien <strong>Régime</strong>