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TÉMOIGNAGE DE ROBERT BOULANGER<br />
Robert était<br />
complètement perdu<br />
à la mort de Phillip.<br />
Quand <strong>le</strong> sida a frappé à sa porte, Robert était installé à<br />
San Francisco depuis 1976. C’est là qu’il avait rencontré<br />
son premier copain, Phillip, mort en 1985 des suites<br />
du sida, une maladie qui fauchera éga<strong>le</strong>ment la vie de<br />
Tom, son second copain, en 1991.<br />
C’est en 1978, alors qu’il prend part à une étude sur la<br />
santé sexuel<strong>le</strong> des hommes gais à San Francisco, que<br />
l’on détecte chez Robert la présence d’une hépatite.<br />
« J’ai sans doute contracté l’hépatite et <strong>le</strong> VIH par mon<br />
chum [Phillip], mais en l’absence de tests (qui ne sont<br />
apparus qu’en 1986), on ne sait pas vraiment. J’ai vécu<br />
cette époque où beaucoup de gens de mon encourage à<br />
San Francisco mouraient. Mon chum, qui est mort dans<br />
mes bras du sarcome de Kaposi (un cancer de la peau),<br />
est d’ail<strong>le</strong>urs décédé une semaine après la mort de Rock<br />
Hudson. À la télévision, dans <strong>le</strong>s journaux, partout, on<br />
ne parlait que de ça », se remémore-t-il.<br />
« J’étais jardinier et mon patron aussi était atteint du<br />
VIH, de même que plusieurs de mes amis. On marchait<br />
dans la rue et on voyait ceux qui avaient <strong>le</strong> Kaposi.<br />
Des groupes d’entraide se formaient à ce<br />
moment-là. J’ai fait partie d’un groupe qui s’appelait<br />
Paradigme, qui nous enseignait à mettre en va<strong>le</strong>ur notre<br />
vie avant la mort. La première tâche était d’écrire notre<br />
propre notice nécrologique....<br />
Robert est aussi devenu membre d’une autre organisation,<br />
<strong>le</strong>s Merry Widows (<strong>le</strong>s Veuves joyeuses), qui regroupait<br />
des hommes qui avaient perdu un conjoint.<br />
« C’était pour nous aider à surmonter notre épreuve.<br />
Nous étions beaucoup dans cette situation, se rappel<strong>le</strong>t-il.<br />
On se rencontrait une fois par mois avec un souper<br />
communautaire où chacun apportait un mets. On avait<br />
grandement besoin de partager ce que l’on avait vécu.<br />
Je voyais aussi que certains vivaient des situations encore<br />
plus tristes et plus graves que la mienne. Cela m’a<br />
beaucoup aidé. »<br />
28<br />
Sa mère vivait avec eux à San<br />
Francisco. El<strong>le</strong> a donc été témoin<br />
de la maladie et de la<br />
mort de Phillip et s’est révélée<br />
un soutien moral important.<br />
Lorsque la mère de Robert a<br />
appris que son fils était atteint,<br />
el<strong>le</strong> l’a accepté plus faci<strong>le</strong>ment<br />
parce « qu’el<strong>le</strong> comprenait<br />
ce qui s’était passé avec<br />
Phillip. » Mais cette ouverture<br />
n’était pas partagée par <strong>le</strong>s parents<br />
de ses partenaires. « Les<br />
famil<strong>le</strong>s de mes deux chums acceptaient<br />
diffici<strong>le</strong>ment notre<br />
relation et encore moins <strong>le</strong> fait<br />
qu’ils soient sidéens. Les relations<br />
étaient tendues avec <strong>le</strong>ur<br />
famil<strong>le</strong>; c’est pour cela que<br />
c’est moi qui ai pris soin de<br />
mes chums jusqu’à la fin. »<br />
« J’étais complètement perdu à<br />
la mort de Phillip, en 1986 »,<br />
se rappel<strong>le</strong>-t-il. Robert revient<br />
alors à Montréal pour se ressourcer.<br />
Il restera dans la métropo<strong>le</strong><br />
de longs mois avant de<br />
retourner à San Francisco.<br />
Il vivra plusieurs années de<br />
bonheur avec Tom, son second<br />
conjoint, avant que celuici<br />
ne soit aussi emporté par <strong>le</strong><br />
sida. « J’ai pris soin de lui, je<br />
lui ai donné toutes mes énergies.<br />
» Ce n’était pas toujours<br />
évident, car à la fin, Tom était<br />
atteint de démence. « Parfois,<br />
je me sentais coupab<strong>le</strong> de ne<br />
pas p<strong>le</strong>urer. Bien des amis autour<br />
de nous p<strong>le</strong>uraient, mais<br />
moi, je n’avais pas <strong>le</strong> temps de<br />
p<strong>le</strong>urer, je devais m’occuper de<br />
lui. Et puis, j’ai appris à vivre<br />
avec la mort, à mieux la comprendre.<br />
J’étais entouré d’amis<br />
et de connaissances qui